Super. La grande nouille en Pataugas était arrivée. Il ne m'avait vraiment pas manqué. Le Llama se trémoussa au beau milieu de la salle façon superstar avant d'évoluer entre les différentes nanas qui n'avaient pas l'air plus emballées que moi par toute l'histoire. Normal d'un coté : étant donné le lot qu'il y avait à gagner, personne n'avait vraiment envie de s'arracher les cheveux pour se l'approprier. Je l'avais déjà rencontré au centre commercial et franchement, le fait de le revoir n'évoquait absolument rien en moi. Il me faisait autant d'effet qu'un bac à légumes. En gros, c'était un navet 100% biologique. Le genre qu'on n'a pas envie de manger tellement il a l'air nul.

Je pris un air révolté lorsqu'il chanta ma chanson à la Blanche-Neige de service. Eh, c'est MA chanson ! J'avais reconnu la donzelle, la seule d'ailleurs qui me disait quelque chose. Elle était vaguement amie avec Samuel. Que disait le dicton déjà ? Les ennemis de mes ennemis sont amis. Mais là c'était plutôt : les amis de mes amis sont mes ennemis. De toutes façons, je ne l'aimais pas. Elle était trop nunuche pour être honnête.

Puis le Llama disparut plus ou moins dans une fumée factice, même si je le vis s'en aller par un mur coulissant -pas très discret, surtout que le bruit de ses tongs sur le sol était parfaitement audible. Bref, je croisai les bras et remarquai alors quelques verres pleins disposés sur une table. Je m'en approchai. Mon exploration du manoir ainsi que ma séance de natation m'avaient donné grande soif. Je me choisis donc un verre et le bus cul sec avant de le reposer.

Je me sentis toute drôle juste après ça. J'avais l'impression d'avoir avalé un grand bout de guimauve qui descendit de mon oesophage jusqu'à mon coeur, avant de l'envelopper de douceur et de tendresse. Je tentai de me débattre contre toutes les émotions différentes qui me submergeaient mais c'était peine perdue. Je passai une main dans ma crinière emmêlée, hébétée, tandis qu'éclosait en moi un sentiment tout nouveau, tout magique. Une chose que je n'avais jamais ressentie aussi fortement, aussi puissamment. Etait-ce l'amour ?

Je ne voyais que lui. Il était mon oxygène. Comment avais-je pu le trouver si repoussant quelques minutes auparavant ? J'étais folle, je m'étais égarée... A présent, je le voyais tel qu'il était. Sublime, parfait. Mon coeur en guimauve palpitait à la seule pensée de le voir à nouveau. Allait-il revenir ? Je guettais son retour, fixant le mur coulissant d'où il était parti.

Quand soudain, quelqu'un me poussa brutalement. Je tombais en arrière, me recevant sur les fesses et les mains, et jetai un regard surpris à Blanche-Neige qui me menaçait de son arc.

"Tu toucheras pas à mon Llama ! C'est LE MIEN !"

Aussitôt, mon regard se fit volcanique. Je serrai des poings et répliquai d'un ton véhément :

"T'as vu ton nom écrit dessus ? J'crois pas ! Alors toi et ta coupe de mec vous vous cassez de ma vue !"

J'étais fière de ma tirade. Elle allait être clouée sur place, la princesse d'opérette. Sauf que quelqu'un me vola la vedette en lui donnant un coup de poing. Une brunette qui avait l'air sacrément barjo. Je l'applaudis avant de me relever. Dans la foulée, je piquai l'arc et la flèche de Blanche-Neige. Ca pouvait toujours servir.

Je m'écartai légèrement du groupe de folles qui semblait prêt à s'entretuer. Seule la blonde de la bande semblait plus pacifique. Je lui jetai un regard circonspect. Trop sage, celle-là. Il fallait que je m'en méfie plus que les autres.

Je m'aperçus alors qu'une brune attaquait limite une autre brune à tendance hispanique avec un sceptre en or.

« Tu te crois importante parce que tu as un nom de fleur ? Llama préfère les filles qui ont du caractère comme moi ! Si tu veux l'avoir, bas-toi comme une personne digne de ce nom, affronte moi avec l'arme de ton choix et laisse-moi t'écraser. Tu pourras servir de portemanteau pour notre mariage, je sais, je suis beaucoup trop clémente avec une fille comme toi. »

La nana s'y croyait vraiment trop. Comme si elle avait la moindre chance ! Je m'avançais résolument vers elle, tenant fièrement mon arc -oui, c'est MON arc maintenant- à bout de bras et me plantai devant elle, mes cheveux rebondissant sur mes épaules et dans mon dos. Je lui offris mon plus beau sourire, qui, pour une fois, était dépourvu de toute animosité.

"C'est beau de rêver petite, mais tu ne peux pas comprendre ce qui se passe ici. Sois gentille, va jouer ailleurs avec son hochet doré. Llama et moi nous nous aimons d'un amour pur et sincère."

Tout en parlant, je posai ma main libre contre mon coeur qui battait à l'unisson avec celui de mon cracheur adoré. Puis je me tournai vers toutes les filles, parlant d'une voix forte pour qu'elles se taisent et m'écoutent :

"Très chères rivales, je vais vous montrer que toutes ici, autant que vous êtes avec votre joli minois, vos avantages, vos poitrines plantureuses, vos jambes de rêve, vous n'avez aucune chance. Aucun male ne peut résister à Hope Bowman."

Je claquai la langue sur mes lèvres pour clôturer mon petit monologue puis j'attrapai brusquement la main de la fille au nom de fleur -Camellia ? O_o - pour l'attirer à ma suite tandis que je me dirigeai vers la table. Je grimpai dessus et l'incitai à me suivre.

Une fois que nous fumes toutes les deux bien en vue, je laissai tomber l'arc de Blanche-Neige, envoyai valser les verres vides qui explosèrent par terre et... je commençai mon show. Cet amour que je ressentais pour Llama me donnait envie de chanter... Oui, comme toutes les princesses, j'avais l'envie dévorante de chanter mon amour, de hurler, de gémir... mais le contenu allait être bien différent de la rengaine de la Belle au bois Dormant.

"Imagine que tu es Llama." chuchotai-je à l'oreille de la dame aux camélias.

Je commençai à bouger au son d'une musique invisible, d'une façon un peu timide qui n'était que pur jeu. Puis, je me mis à chanter d'une voix fluette, faussement hésitante et prude :

"I was feeling done in, couldn't win
I'd only ever kissed before.
I thought there's no use getting into heavy petting
It only leads to trouble and seat wetting...

Now all I want to know is how to go
I've tasted blood and I want more
I'll put up no resistance, I want to stay the distance
I've got an itch to scratch, I need assistance:

Toucha toucha toucha touch me, I wanna be dirty
Thrill me chill me fulfil me
Creature of the night."

Tout en chantant, j'évoluai autour de Camellia, me frottant à elle, ouvrant quelques boutons de sa chemisette. Je voulais montrer à toutes à quel point je pouvais aller loin pour séduire le Llama. De toutes façons, j'étais sure qu'il nous observait toujours. Et il allait être chaud bouillant de voir tout ça.

Comme je n'allais pas non plus dévêtir entièrement la donzelle, je m'attaquais à mes propres vêtements, abandonnant rapidement mon combi short en jean tandis que je terminais ma chanson sur un trémolo vibrant plein de fougue. Je serrai Camellia contre moi, nos visages à quelques centimètres l'un de l'autre, puis je m'écartai d'elle pour crier à l'assemblée, le souffle court :

"Vous voyez ? Personne n'est capable de faire ce que je fais ! C'est moi qui mérite de l'épouser ! En plus, il m'a déjà craché dessus et pas vous ! Et moi aussi je lui ai craché dessus, directement dans la bouche, même ! Alors hein ? C'est qui la winner ? C'est qui ?"

Je les observai avec un air de profond dédain et de supériorité, les mains sur mes hanches nues. J'étais en sous-vêtements rouge passion face à une bande de nanas qui n'avaient que les yeux pour pleurer. Je jetai un regard à Camellia pour lui faire un clin d'oeil. Sympa cette fille. Si elle se bougeait un peu plus, je pourrais en faire une danseuse pour le Rabbit Hole.