Une vie de chien !

Est-ce qu’ils venaient sérieusement de se faire encore avoir ? Non parce que, arrivé à un certain niveau, ça commençait réellement à devenir au-delà du n’importe quoi. Et pourtant, à parcourir les rêves des enfants et des moins enfants depuis des siècles, Sebastian en avait vu des « n’importe quoi » : du pays de licornes serpentiques édulcorées aux monts en brioches recouvertes de crème glacée, en passant par les faisans de compétitions ou bien des immeubles à un millier d’étages avec une piscine sur le toit. Rien d’extraordinaire, juste l’imagination débordante d’esprits bien au-delà des limites conscientes. Mais là, un monde en noir et blanc avec un drôle de bonhomme qui se met à vous lancer des coups de pieds à toute allure, avant de s’enfuir en courant. Peut-être avaient-ils remonté le temps pour repartir du départ ? Le monsieur était moustachu et avec une tenue sortie des années cinquante, peut-être que… Attendez, il venait de quoi ? De reprendre leurs… Il baissa les yeux vers sa main où la chevalière n’apparaissait plus à nouveau. Son sang ne fit qu’un tour en s’en rendant compte, réalisant qu’il venait de se faire avoir ! Pas encore ! Et comme les autres, il s’élança à la poursuite de l’étrange bonhomme pour récupérer son dû.

Ce qui l’interrompit dans sa course fut l’arrivée soudaine d’un chien, ou d’un poisson-chien, au milieu de leur petit groupe. Il s’en prit d’abord à Kris, puis à Henry en lui bondissant sur l’épaule, et enfin a Adam qu’il vint saisir au niveau des parties intimes ! Sebastian esquissa une sacrée grimace en le voyant faire, secouant la tête de droite à gauche en essayant d’éviter l’animal en restant à distance. Malheureusement, si celui-ci fini par lâcher leur leader, il fut expulsé loin des deux demoiselles de coups de bras bien portés et… termina sa course en venant faire subir le même sort au marchand de sable ! Les yeux de Sab s’écarquillèrent sous la surprise et la brutale douleur vive qui s’en suivie, alors qu’il vacillait de quelques pas pour ne pas tomber.

Aucun cri, aucun son ne sorti de sa bouche, mais son sable s’agita avec une telle violence qu’il plongea sur le chien à toute vitesse pour s’immiscer dans le moindre interstice et l’expulser aussi loin que possible du bonhomme roux ! Sebastian tomba en arrière contre un tronc d’arbre, envoyant valser la politesse en se pliant en deux pour tenir son entrejambe. Bordel, un chien qui mord à un endroit pareil, qui avait eu une idée aussi stupide ?! Il lui fallut de longues minutes pour se remettre de ses émotions, remerciant d’un regard Tara mais il se débrouillerait bien tout seul. Ça allait aller… Ouais, vite fait. Mais au moins il parvint à se relever pour faire quelques pas. Ça pourrait aller. Il fallait attendre encore un peu mais, ça allait pouvoir le faire. Ou presque.

Attendez, où était passé le type déjà ? Avisant sa présence non loin, en train de nous surveiller à travers les arbres, il le désigna rapidement de la main alors que du sable se précipitait à son attention pour le soulever loin du sol. L’immobiliser quelques secondes, le temps de le rejoindre et d’enfin l’atteindre ! Posant une main sur son épaule, il le fixa un moment avant de laisser apparaître un « Conduisez-nous à la sortie. » Ajoutant un « S’il vous plait. » Qui sembla satisfaire le bonhomme au chapeau, alors qu’il tendait son parapluie en avant pour désigner la bonne route ! Le gardant à portée de main, prisonnier du sable en plein air, ils suivirent la direction indiquée en espérant enfin parvenir à la fin de l’histoire.

Ils parvinrent jusqu’à un pont avec ce qui ressemblait à de l’eau coulant en dessous. Le bonhomme désigna le courant en expliquant, avec ses mains, qu’il fallait plonger dedans pour sortir ! Sebastian lui adressa un regard suspicieux en se demandant si l’idée était vraiment aussi maligne que cela… Ça sentait l’arnaque à plein nez. Vraiment. Pourtant, Henry et Tara saisirent sa main pour l’inviter sur le rebord. Attendez, ils allaient réellement le faire ?! Il voulut ouvrir la bouche, en signe de négation, mais n’eut pas le temps de faire quoi que ce soit. Embarqué en avant, ils chutèrent de tout leur poids en avant. Tombant. Glissant. Sebastian ferma les yeux en attendant le choc éventuel… qui ne vint jamais. A la place ses pieds rencontrèrent l’eau glacée de la rivière et ils s’étalèrent de tout leur long dans l’eau.

Sab agita ses bras, sous la panique soudaine. Il ne savait pas nager ! Alors, ouvrant et fermant la bouche, il tenta vainement de rester à la surface sans savoir comment y parvenir. Ses yeux rencontrèrent le reste du groupe sur le pont, avant que du sable ne vienne l’aider à sortir de là en le soulevant hors de l’eau. Trempé. Le regard noir. Il fixait avec aversion l’homme à moustache qui riait – on s’en doutait malgré le silence – à gorge déployée de la petite farce qu’il venait de faire ! Grondant, le marchand de sable dû vraiment se retenir pour ne pas l’expédier lui aussi dans… ah si. Et bien si. La vengeance est un plat qui se mange froid. Sebastian venait d’expédier purement et simplement leur guide dans l’eau à côté d’eux. Jeu, set et match.