« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
- Si dans ton monde les enfants peuvent avoir ce luxe, dans le notre, ce n’est pas le cas.
Les enfants étaient libérateurs … un enfant roi ? C’était le plus important. Le roi était un enfant né pour régner. Personne ne pouvait dire l’inverse. Il était fait pour régner et avait ainsi prit son travail comme le destin le voulait … C’était tout … et personne ne pourrait jamais lui dire l’inverse. Anubis était tellement perdu dans l’explication de son amour des mots qu’il ne remarqua pas le malaise de la jeune femme … mais … elle venait de mettre une machine en route que personne ne voulait voir en fonctionnement. Anubis sourit quand elle demanda comment.
- par les mots. Les mots t’aident à apprendre les choses … Ils permettent de visualiser ce qu’il y a dans ta tête par les adjectifs et les termes utilisés. Nous pouvons donc faire part de notre paysage, de votre monde et de nos sentiments à travers les mots … les humains ne lisent donc pas ? Tu n’as jamais vu la mer de sel non plus ?
Anubis n’aimait pas les humains … mais son amour pour la lecture dépassait bien sa haine des humains, et que la jeune femme ne semblait pas comprendre cela le dérangeait. Il voudrait lui apprendre à lire et ensuite qu’elle comprenne. Cette idée fugace et rapide le déstabilisa … et il secoua la tête. Impossible de lui apprendre à lire en une nuit … mais pouvait il lui faire de la lecture ? Pouvait-il faire cela ? Le roi accepterait il ? Peut être…. Mais n’était ce pas cruel ? Anubis avait pour une fois des questions étranges pour une sacrifiée…
- Un bon conteur peut le faire, mais un conteur peut dire son histoire qu’à un nombre limité de personne, là où un livre se prête, se partage, s’échange. Ne t’en fais pas pour l’écologie, tous les livres des démons sont écris sur les feuilles, les mêmes feuilles qui tombent en automne.
On parlait d’un monde bien mieux gérer que le monde des humains… Ce monde était beau. Anubis n’avait pas à réfléchir pour savoir que leur monde était toujours meilleur, en tout point que celui, puant et violant, des humains.
- Il est dommage que tu ne puisses expérimenter cela par toi-même. Pour le livre parlant, il en existe un, dans la contré des sables. Un livre qui répond aux questions. Il est une encyclopédie, et apprends toujours.
Au « Shtt » Anubis prit un livre et décida de partir avec sous le bras. Il lui fit un oui de la tête. Regardant l’heure et le temps qui décline… il observa la jeune humaine.
- je pense que l’on peut passer rapidement par la salle des arts, et nous diriger ensuite vers le théâtre… Suivez moi.
La jeune Lulu, cachée sous sa capuche cornue, n’arriva pas à imaginer un monde où les enfants n’avaient pas le droit d’être des enfants. À cette affirmation d’Anubis, ses yeux noirs se firent plus sombres encore et elle baissa la tête, attristée. Elle ne voulait même pas essayer de s’imaginer un monde comme celui-ci, avec des enfants qui devaient garder en tête les mêmes problèmes que les adultes. Sa propre vie s’était, plus ou moins, déroulée de la sorte et il n’en ressortait pas grand-chose de bien. Lulu, elle aussi, aurait aimé avoir le droit de courir dans les prés et de rire aux éclats sans s’inquiéter que cela dérange ses parents adoptifs. Elle aurait aimé avoir l’insouciance de tous les enfants, sans penser au jour où elle serait sacrifiée au roi des monstres. Pourtant, elle n’avait pas eu le droit à tout ceci et aujourd’hui, elle se retrouvait à faire ce pour quoi elle était née. Elle n’avait même pas eu le temps de vivre, en vérité.
Évidemment, Lulu ne pouvait pas le dire à Anubis. Elle était une sacrifiée et elle le serait jusqu’au dernier instant. Tant pis pour ses rares sentiments, pour les quelques envies qu’elle avait appris à tuer dans l’œuf. Lulu s’était jurée de ne jamais s’intéresser à rien, de seulement prendre les choses qui lui venaient, de les passer au prochain sans les garder. Si elle connaissait, désormais, ce qu’était une bibliothèque, l’information lui passait sur le corps et la quittait sans la toucher. Cela ne devait pas la toucher. Elle était une enfant sacrifice. Personne ne pouvait dire l’inverse. Elle était faite pour être sacrifiée et avait vécu ainsi, comme le destin le voulait. C’était tout. Et personne ne dirait jamais l’inverse. Ni les humains, ni les monstres. Tout le monde s’accommodait de cette tradition.
Cette fois-ci, l’explication d’Anubis trouva un écho à l’intérieur de la sacrifiée. Ses grands yeux noirs brillaient d’intérêt pour ce qu’il lui disait. Elle visualisait tout à fait ce dont il parlait, néanmoins elle n’arrivait pas à l’associer à la lecture. Elle aurait pu dire exactement la même chose d’une belle histoire contée par quelqu’un, par un humain (ou un monstre, pour ce qu’elle en savait) éduqué de telle sorte qu’il sait manier les mots, inventer le monde et le façonner avec la bonne intonation, les bons gestes. Pourtant, Anubis lui disait que cela valait, aussi, pour les livres. Elle eut du mal à se l’imaginer, puisqu’elle était incapable de lire les mots. Pour elle, il s’agissait de petits signes étranges, comme un code impossible à comprendre.
Les questions d’Anubis la firent pouffer, derrière son masque. Lulu s’en excusa immédiatement d’un regard coupable et d’un petit « désolée » soufflée entre ses lèvres serrées. Elle ne voulait pas se moquer de lui, mais il venait de lui prouver qu’il ne connaissait guère plus les humains qu’elle-même ne connaissait les monstres, en vérité. Cela la rassura un peu. Elle pensait que, peut-être, elle avait été maintenue loin de la connaissance seulement parce qu’elle était une sacrifiée, alors même qu’elle devait passer ses derniers instants chez eux. Apparemment, ce n’était pas tout à fait le cas. Les humains ne s’intéressaient peut-être pas à ce qu’il se passait dans le monde voisin, tout comme les monstres ne le faisaient pas.
– Bien sûr que si, les humains lisent ! Tout le monde, au village, sait lire, même les enfants ! dit-elle, très fièrement, jusqu’à ce que la honte reprenne le dessus et qu’elle ajoute, plus bas : Il n’y a que moi qui ne sais pas… (Elle se reprit très vite.) Mais c’est normal ! Je suis une sacrifiée, ça ne sert à rien que je sache lire. Donc, ce n’est pas grave. (Elle haussa les épaules.) Non, non, je n’ai pas vu la mer de sel. Ni la mer tout court. Ni les montagnes. Ni les moutons. Ni les mar… mar… euh… marsouin !
Lulu cita, de tête, à peu près tous les noms que l’enfant avait eu le temps de lui dire, dans son gros livre, avant qu’ils ne se fassent surprendre. Elle n’avait, cependant, pas la moindre idée de ce qu’était un marsouin. Il n’y avait pas d’image, en dessous, et l’enfant lui avait dit que c’était gros, moche, comme un dauphin en différent. Et comme elle ne savait pas non plus à quoi ressemblait un dauphin…
La sacrifiée n’avait pas la moindre idée des interrogations qui fusaient dans l’esprit d’Anubis. D’ailleurs, elle ne pensait pas que qui que ce soit, un jour, se poserait ce genre de questions. S’il les lui posait cash, elle aurait une réponse toute trouvée : non, il ne peut pas. Lulu ne regrettait rien parce qu’elle ne comprenait pas grand-chose de la vie, mais plus il lui parlait de la lecture, plus elle avait envie de connaître les livres et leurs mystères. S’il lui apprenait à lire, comment pourrait-elle affronter la mort le sourire aux lèvres ? Elle savait d’avance qu’elle repenserait à tout ce qu’elle avait loupé et qu’elle ne pourrait pas tenir. Même pour le roi, ce ne serait pas agréable de la voir bouder ainsi. C’était bien mieux si elle y allait sans penser à rien.
– Hmm… C’est tout de même plus drôle si quelqu’un raconte l’histoire, non ? Puis, le conteur, il peut raconter à pleins de gens, en vrai. Il y en a un qui est venu, une fois, au village, et il avait traversé tout le pays pour raconter ses histoires ! Alors, il y a beaucoup de gens qui les ont entendues. Lire, c’est trop compliqué, il faut apprendre pour pouvoir le faire. Les feuilles mortes ? Cool ! Mais si vous ramassez les feuilles mortes… C’est pas mauvais pour la terre ? Elle en a besoin, non ?
Lulu ne comprenait pas tout à ces choses-là, mais elle était prête à parier que les feuilles mortes avaient un rôle à jouer dans le bien-être de la terre. Vu le tapis qu’elles formaient sur le sol, elles devaient, sûrement, protéger la terre des températures trop froides et les petits animaux qui se cachaient dessous. S’ils ramassaient trop de feuilles pour leurs livres que tout le monde ne pouvait pas lire… Elle n’était pas certaine que ce soit mieux.
L’encapuchonnée fit mine de ne pas avoir entendu les mots d’Anubis, un sourire aux lèvres qu’il ne pouvait pas voir, derrière son masque, mais deviner dans son regard. Si elle n’entendait pas ce qu’il disait, elle n’aurait pas à se dire que oui, en effet, c’était dommage qu’elle ne puisse pas en apprendre davantage avant de mourir. Non ! Elle ne voulait pas y penser. Elle préféra se pencher sur la suite qui, à ses yeux, était bien plus intéressante. Ses iris brillèrent d’un vif intérêt, quand elle releva la tête vers lui.
– Un livre qui parle ! Qui répond aux questions ! Dans la contrée des sables ! Une encyclopédie ! (Elle ne savait pas ce que ça voulait dire, mais bon.) C’est trop cool ! Il apprend quoi ? Comment il fait pour apprendre ? Pourquoi il peut parler ? À quoi il sert ? C’est un Être-Vivant ? Il vit dans une maison, et tout ?
Ne jamais trouver une chose intéressante à dire à Lulu. Elle s’imaginait, désormais, des tonnes et des tonnes de choses différentes sur ce fameux livre. Un bouquin, comme ceux qu’elle voyait dans la bibliothèque, avec de gros yeux globuleux et de belles lèvres pulpeuses, avec une rangée de dents blanches parfaites ! Ou alors, il parlait directement avec ses feuilles et tirait un peu la langue, avec ce truc qu’elle voyait dépasser, au bord d’un livre, comme une languette rouge.
L’intimation au silence réussit à freiner la jeune sacrifiée dans son imagination débordante. Elle rentra la tête dans les épaules et demanda à aller ailleurs. Un endroit où elle pourrait parler sans qu’on ne la dispute. Se faire disputer n’était pas si grave, en soi, mais elle ne voulait pas les déranger, ni être remarquée. Elle devait passer dans les allées comme un fantôme que personne ne pourrait voir. Inconsciemment, Lulu se rapprocha d’Anubis et ne lâcha pas sa manche. Du moins jusqu’à ce qu’il s’empare d’un livre, sur une étagère, le coince sous son bras et décide de partir de la bibliothèque, sous le regard écarquillé de la sacrifiée.
– Vous le volez ?! cria-t-elle un peu, sous le choc.
Lulu plaqua ses deux mains sur son masque et disparut sous sa capuche, consciente qu’elle venait de hausser la voix. Elle préféra fuir les regards. Si elle ne voyait pas les autres, alors elle ne pourrait pas voir s’il la regardait ou non et s’imaginer qu’ils ne le faisaient pas.
– Oui, oui, allons-y, vite, couina-t-elle, accrochée à la manche d’Anubis pour ne pas le perdre, puisqu’elle ne comptait plus relever la tête avant d’être sortie.
Anubis avait envie de faire une demande. On ne pourrait pas sacrifier Lulu une autre année ? Qu’il lui apprenne à lire et à écrire avant ? Cela serait tellement mieux ! Mais il ne le pouvait pas. Ni demander, ni même y penser. Déjà elle était humaine alors c’était dur à imaginer … ensuite … cela serait vraiment plus cruel que de la tuer vite et bien. Anubis ne laissa rien paraître, sa cicatrice le démangeait, et il avait de la peine pour une humaine… ne pas connaître le bonheur de lire… Il ne dit rien. Il fit un hochement de tête pour cette histoire de conteur. Trop en prise à une discussion intérieure qu’il ne pensait jamais avoir. Les humains étaient ils vraiment tous les mêmes ?
- N’oublie jamais que tu vis dans un arbre magique. Les feuilles sont tombées pour faire le livre. Ainsi va notre monde.
L’arbre était tout de même bien pratique pour expliquer toutes les choses illogiques de ce monde, mais Anubis disait la vérité. L’arbre faisait l’oxygène de l’air, il faisait aussi la magie. C’était de lui que tout venait, et ses racines permettaient des terres fertiles. La magie pouvait certes déserter quelques contrées éloignées, mais la plupart du temps, le monde était bon grâce à lui.
- Il apprend tout. Il écoute et redistribue les connaissances. Il aime cela j’imagine. Il aime apprendre et passe sa vie à cela. Pour son origine, certains disent que l’arbre à offert à sa feuille le don, d’autres pensent que c’est une âme coincé. Personne ne sait la vérité. Il n’est pas comme nous, il n’a pas besoin de maison comme tu l’entends. Juste d’une bibliothèque. Il faut toujours aller le voir avec un livre, qu’il possède déjà ou non, pour le mettre de bonne humeur.
Anubis avait déjà eu le droit d’aller dans sa grande bibliothèque… d’ailleurs, Anubis était l’ami de l’encyclopédie, ou aimait à le croire. Il prit tout de même la direction de la porte. Montrant son livre sous le bras, il sourit en lui donna et en prenant un autre.
- Je ne le vole pas, je l’emprunte. Les livres de la bibliothèque peuvent sortir de ce lieu et être lu ailleurs, tant qu’on les ramène par la suite.
D’ailleurs Anubis pensa à la tonne de livre dans son bureau qu’il n’avait toujours pas pris le temps de rentrer. En prenant un autre, il le donna aussi à la jeune femme pour qu’elle les porte. Il ne voulait pas risquer que Ratatouille, le rat de bibliothèque, vienne lui faire de leçon maintenant… Une fois sortie de là, Anubis prit le temps de faire respirer un peu la jeune femme.
- Vous êtes étranges pour une humaine.
Il était repassé au vouvoiement, alors que le cheval pensait à ce qu’il n’aurait jamais pensé faire… ne laissait il pas la jeune femme lui tenir le bras comme s’ils étaient …. Amis ? Il ne préférait pas y penser et se dirigea vers le théâtre. Là bas, il y avait déjà du monde. Il prit un escalier et se dirigea vers la tribune du roi. Amenant Lulu avec lui en silence.
Arrivé à destination, il remarqua dépassant de son siège de cornes. La position était celle d’un homme affalé, qui était venu là pour se cacher. Anubis se racla la gorge alors que le roi se redressa rapidement. Jetant un regard en colère à celui qui ose le déranger. Bien sur, la vue d’Anubis le calma tout de suite, et un sourire naquit sur le visage du roi.
- Anubis mon brave ! Que viens-tu faire ici ?
Anubis se poussa de l’entrée pour faire rentrer Lulu et répondre la vérité au roi.
- La sacrifiée à demander de visiter les lieux avant de se faire manger demain. Je lui ai présenté la bibliothèque et je voulais lui faire profiter de la pièce qui allait avoir lieu.
Baku fronça les sourcils. Lui, les pièces de théâtre ne l’intéresser pas du tout. Du haut de son balcon, personne ne pouvait le voir s’endormir, ou juste ne penser à rien et à tout à la fois. Il se releva de toute sa hauteur et poussa la dague, propre maintenant, qu’il avait mit sur un des fauteuils à ses côtés. Il y avait dans le balcon trois places. Normalement réservé au roi au milieu, à la reine sur le côté, et au prince de l’autre. Baku se décala sans rien dire sur la place de l’enfant et laissa Anubis prendre place à la place du roi… ne restait plus qu’à Lulu la place de la reine.
Les trois sièges étaient luxurieux et grandioses. Baku observa la jeune femme, caché sous sa capuche…C’était bien la première fois qu’un sacrifice demande une visite des lieux. Et aussi la première fois qu’il passera du temps avec l’une d’entre eux …
Lulu ne comprenait pas tout et comme toutes choses qu’elle ne comprenait pas, elle mit les informations dans un coin de son esprit, accepta l’affirmation et décida de ne plus y revenir. Elle n’avait pas besoin de se creuser la tête sur des pourquoi, des comment, des qui, que, quoi, où. Elle était une sacrifiée et en tant que sacrifiée, personne ne lui demandait de comprendre un monde qu’elle allait, très vite, quitter. Sa mort était planifiée pour le lendemain, rien ne lui servait d’apprendre des choses dès aujourd’hui. C’était trop tard et tout à fait inutile. Même si, au fond, ce déni lui permettait surtout de s’alléger l’esprit et de ne pas penser à la tristesse que c’était, pour elle, de ne pas pouvoir en apprendre davantage sur l’arbre magique.
L’encyclopédie était, elle aussi, un mystère qui la laissa dans une sorte d’état second, comme en équilibre sur un fil, au-dessus du vide, sur lequel elle se balançait sans savoir si elle devait avancer vers la mort ou se retourner et poser des questions, encore, même si elle atteindrait son but à reculons. Lulu ne voulait pas arriver, le jour du sacrifice, la tête pleine de questions, d’envies de découvrir des choses du monde qu’elle ne connaissait pas, de se gorger de connaissances qui ne lui serviraient jamais. Elle préféra se parer d’un grand sourire qu’il ne vit pas, derrière son masque, mais qui fit briller ses yeux noirs et n’ajouta rien. Anubis semblait très proche de l’encyclopédie et même si Lulu aurait préféré savoir que le livre pouvait se poser cinq minutes, dans son constant apprentissage, pour jouer un peu, elle ne pouvait qu’admirer cette étrange complicité.
Évidemment, Lulu, elle, n’avait jamais été l’amie de personne. Elle s’occupait parfois des enfants du village, mais ils savaient, eux aussi, qu’ils ne devaient pas trop l’apprécier. Ils se contentaient de graviter autour d’elle, quelques minutes par jour, pour qu’elle les surveille à la place des parents, puis le soir venu, ils ne la regardaient plus. Elle s’en fichait, elle. C’était toujours mieux que les regards méprisants ou ceux qui prenaient grand-soin à ne jamais s’intéresser à ce qu’elle faisait, n’écoutaient pas, non plus, ce qu’elle disait. Lulu avait deux parents et ça lui suffisait.
– Ah bon, se contenta-t-elle de répondre, les yeux rivés sur le livre qu’Anubis lui confia.
La sacrifiée caressa la couverture, sous ses doigts, et le serra contre elle, pour ne pas risquer de le faire tomber. Elle aurait préféré qu’il le garde, pour ne pas être complice du vol, mais il lui assurait qu’il ne volait rien, qu’il avait le droit de l’emprunter. Elle devait, tout de même, faire très attention à ne pas le lâcher. Elle ne voulait pas qu’il revienne à la bibliothèque dans un pire état qu’il n’en était sorti. Bouche bée, Lulu regarda le deuxième livre se caler entre ses bras et sa poitrine. Deux rien que pour lui ? En relevant les yeux, elle vit même qu’il en portait un, lui aussi. Trois livres d’un seul coup ! Combien de temps lui faudrait-il pour tout lire ? Les enfants du village mettait déjà plusieurs minutes à lire un mot, alors elle eut du mal à l’imaginer.
– Non, je suis normale, affirma-t-elle, en sortant de la bibliothèque.
Elle haussa un peu les épaules et faillit échapper son fardeau. Les yeux ronds, la sacrifiée se reconcentra sur sa charge, sans lâcher la manche d’Anubis. Elle ne voyait pas ce qu’il y avait d’étrange chez elle. Lulu n’était qu’une humaine comme une autre et elle se demanda, plutôt, si Anubis avait côtoyé beaucoup d’humains, pour en arriver à une conclusion pareille. Elle aurait pu lui dire la même chose et lui assurer qu’il ne servait à rien de juger, puisqu’il ne pouvait pas la comparer à ce qu’il ne connaissait pas, tout comme elle ne pouvait pas assurer qu’il était étrange pour un monstre, puisqu’elle ne connaissait que lui. Et Lila. Et sa Majesté. Trop peu pour comparer, même si elle devait bien avouer qu’aucun des trois ne semblait pareil aux autres.
Ils se dirigèrent alors vers le théâtre et Lulu cala ses pas sur l’homme-cheval, sans le lâcher, les yeux rivés sur les livres contre elle. Ce qui lui permettait, par la même occasion, de se cacher sous sa capuche et de ne croiser le regard de personne. La porte s’ouvrit sur une tribune, ce qui attira tout de suite le regard de la sacrifiée. Elle essaya de voir quelque chose, derrière Anubis, jusqu’à ce qu’une voix retentisse dans le mince espace. Lulu reconnut le ton grondant, comme un orage, du roi. Instantanément, dans un réflexe un peu bête, elle lâcha la manche d’Anubis et leva les livres devant son visage, dans l’espoir de se faire toute petite et de passer inaperçue. Elle ne sut pas elle-même pourquoi.
Il fut, néanmoins, très vite question d’elle et Lulu baissa les bras, ses yeux noirs rivés sur le sol. Elle gonfla un peu les joues, bien cachée sous son masque, à entendre Anubis balancer si facilement les raisons de leur présence ici. Et si sa Majesté se mettait en colère parce que la sacrifiée était sortie de sa chambre ? Elle préféra ne pas y penser et suivit Anubis, sans un mot, quand il s’approcha des sièges pour prendre place sur celui du milieu. Elle avisa les trois fauteuils immenses, si beaux, qui se dressaient au milieu de la loge et prit sa décision.
Délicatement, pour ne pas froisser Anubis, Lulu posa ses livres sur le dernier siège et s’assura qu’ils ne tomberaient pas par inadvertance. Bien calés sur le coussin, il ne devrait rien leur arriver de fâcheux et Lulu retrouvait l’utilisation de ses mains. Malgré elle, ses yeux noirs glissèrent vers sa Majesté, comme un papillon attiré par une lumière. Elle n’avait pas oublié sa prestance, sa carrure, le respect qu’il imposait rien que de sa présence. Inconsciemment, ses mains vinrent tripoter les fausses cornes, sur sa capuche, pâle reflet de celles du roi, si grandes et si belles.
À voir le roi affalé ainsi, dans un fauteuil, elle décela sans trop de peine, la ressemblance frappante avec le garçon du village qu’elle aimait bien embêter, dans l’espoir de le voir sourire une nouvelle fois. Il avait la même mine bougonne, comme un enfant terrible qui ne veut rien faire de ce qu’on lui demande. Elle préféra se détourner, d’un bond, pour ne pas être tentée de faire des choses qu’elle ne pourrait pas rattraper et qu’il ne valait mieux pas tenter sur sa Majesté. Il n’était pas un enfant boudeur, mais un roi. Et elle n’était qu’une sacrifiée.
Alors, Lulu s’appuya sur la balustrade de la loge, pour regarder le théâtre. Les milliers de petits sièges qui se serraient les uns contre les autres, en bas. La grosse scène qui avançait vers les premières rangs. Les gros rideaux rouges qui reposaient lourdement sur le sol, à quelques mètres de leur tringle. Tout un luxe qui l’impressionna et il lui sembla discerner, sur les visages des spectateurs, la même passion que les lecteurs de la bibliothèque.
Quand un personnage apparut, sur la scène en bois, Lulu se pencha dangereusement par-dessus la balustrade et plissa fort les yeux. Si fort qu’ils ne furent plus qu’une fente sombre par-dessus son masque.
– Mais…
Fut le seul mot qui passa ses lèvres, alors que le personnage se mettait à parler très fort. Toujours penchée sur la balustrade de la loge royale, loin de s’imaginer qu’elle se trouvait dans un espace réservé au roi, à la reine et à leur fils, elle se retourna vers Anubis, les paupières toujours plissées sur ses yeux noirs. Même cachée sous sa capuche cornue et son masque, son guide pourrait, sans trop de mal, apercevoir les rouages de son esprit qui s’activaient vivement, sans réussir à comprendre. Lulu n’était qu’incompréhension et perplexité, dans l’instant. Ce qu’elle exprima finalement, entre deux dialogues qui se jouaient sur scène.
– On ne voit rien ! Ils sont tout riquiqui, comme ça. (Elle rapprocha l’index et le pouce pour indiquer une taille minuscule.) Je ne comprends pas.
Et elle se demanda, sincèrement, s’il n’aurait pas mieux fallu se trouver au premier rang, juste devant la scène, même s’ils auraient dû attacher Lulu à son siège pour éviter qu’elle ne se précipite sur les planches en bois.
Anubis et Baku observèrent la sacrifiée… Laisser la place aux livres sur le fauteuil et se mettre contre la rambarde ? Les deux haussèrent les épaules sans plus de formalité alors qu’ils discutaient sans parole. Baku pouvait voir dans les yeux de son ami, une lumière étrange dansait. S’il ne le connaissait pas aussi bien, il pourrait jurer qu’il y lisait du regret. Il ne comprenait pas, mais ne dit rien. Ils la laissèrent faire alors que leurs yeux étaient déjà en train d’observer la scène à leur tour. Le « mais » leur fit tourner la tête. Les deux écoutèrent les paroles …. Et là, c’est le drame.
Alors que sur scène, le drame était en train de se jouer… Baku, le roi dont tout le monde avait peur fit un rire rauque et grave. Qui pouvait s’entendre de partout. La plupart des spectateurs comprirent ça comme « le roi aime les scènes où l’on tue les traîtres et cela même s’il a une famille »… Le roi, lui, n’avait eu que faire de l’histoire alors qu’il regardait Anubis et sa tête.
Anubis avait les yeux ronds comme des billes, et observait l’enfant à ses côtés… Cela ne pouvait être qu’un enfant de ne pas comprendre le bonheur de se retrouver à ce post d’observation. Il jeta un regard noir au roi, qui, bien que continuant de rire à intervalle régulier, essayer de se retenir … un peu. Anubis s’approcha pour faire non d’une main.
- Nous sommes dans la loge royale. Nous avons la meilleure vue avec la meilleure place. Nous …
Il soupira. Secouant la tête une nouvelle fois, il observa le roi qui avait reprit son attitude stoïque alors qu’il y avait encore un reste de sourire sur ses lèvres. Anubis sortit d’un coffre des jumelles et lui tendit.
- Peut être qu’avec cela….
Baku observait la scène nouvelle qui se passait devant ses yeux. Il n’avait pas écouté l’histoire, mais la connaissait assez pour l’expliquer à la jeune femme.
- Le personnage principal à trahit le roi, alors il a été décidé qu’il devait être tué sur place public. Cependant, avant que la mort n’arrive, la princesse demanda à échanger sa vie contre la sienne, car elle savait que cela n’était pas possible. La scène suivante sera la plaidoirie de la princesse face à son père. C’est une histoire humaine, bien que nous n’en connaissions pas l’origine.
Elle avait beau essayer de comprendre, la pauvre Lulu, les choses ne s’imbriquaient pas de la bonne façon dans son cerveau et elle n’arrivait pas à saisir ce qui semblait si intéressant, pour son guide. Le pauvre homme ne faisait que la mener de droite à gauche, depuis au minimum une heure, voire plus, et elle s’entêtait à lui dire, à chaque fois, qu’elle ne comprenait pas ce qui était si génial, pour lui. Les enfants nés pour être adultes, les livres de la bibliothèque, le théâtre. Toutes ces choses que Lulu n’avait jamais connues et qui ne trouvaient pas beaucoup de sens, à ses yeux. Pourquoi donc se mettre si haut, si loin de la scène, alors que les acteurs s’en voyaient réduits à de petites marionnettes remuant sur la scène ? Elle aurait aimé être plus près pour observer leurs visages, leurs mimiques, entendre les sons graves et aigus de leurs voix. Mais non. Ils n’étaient que des taches au loin qu’elle ne pouvait distinguer clairement.
Le pire ? C’était qu’elle voyait bien, en se penchant un peu par-dessus la rambarde, que d’autres loges étaient encore plus éloignées que la leur. À ce constat, la sacrifiée rentra bien vite la tête dans celle du roi, avant que quelqu’un ne croise son regard par inadvertance. L’inévitable arriva alors : comme depuis le début de cette étrange visite, Lulu ne put s’empêcher de mettre des mots sur ses pensées. Sa perplexité ne la dérangeait pas tant, d’habitude, mais elle voulait comprendre les passions d’Anubis, essayer d’imaginer ce qu’il pouvait trouver de si bien, de si beau, dans toutes ces choses qu’il lui montrait depuis qu’elle était sortie de sa chambre. Évidemment, elle n’y arrivait pas et, derrière cette perplexité qui faisait briller ses yeux noirs, Lulu essayait de cacher sa déception. Ce qui n’était pas de la faute de l’homme-cheval, seulement de la sienne à elle.
Évidemment, Lulu ne s’attendait pas à ce que ses mots aient cet effet-là. Si elle pouvait se douter qu’Anubis n’apprécierait guère la remarque, elle avait plus ou moins oublié de compter le roi dans l’équation. Le rire tonitruant du monstre résonna dans la loge, plongea par-delà la balustrade et s’écrasa dans le public. D’instinct, Lulu s’écarta de la rambarde, pour ne pas être vue, et serra les mains contre sa poitrine. Le rire était puissant, si puissant qu’il recouvrit les voix sur scène et vibra un peu en elle. Derrière son masque, la sacrifiée sourit. Elle, elle ne voyait rien d’effrayant dans un rire pareil. Elle voyait, enfin, le roi avec un sourire et cela l’amusa beaucoup.
Ce qui n’était pas le cas d’Anubis. Les yeux plus ronds que des ballons, Anubis la regardait comme s’il voyait un humain pour la première fois et qu’il se demandait, sincèrement, comment une créature aussi laide avait pu être mise au monde. Face à ce regard, Lulu rentra un peu la tête dans les épaules. Décidément, elle était bien incapable de faire les choses correctement avec son guide. Quoi qu’elle disait, elle finissait toujours par l’énerver, ou presque l’énerver. Elle ne comprenait pas, non plus, qu’il s’entêtait de la sorte à essayer de lui expliquer les choses et se demandait, sans le dire, pourquoi il n’abandonnait pas simplement. Après tout, Lulu n’avait pas besoin de comprendre, puisqu’elle mourrait bientôt.
Alors que le guide s’approcha, Lulu baissa la tête, dans sa capuche cornue, et ploya un peu plus les épaules. Elle savait ce que c’était, d’oser l’insolence. Elle connaissait la punition et l’acceptait sans un mot. Néanmoins, elle eut beau attendre, Anubis ne posa pas les mains sur elle. Il se contenta de nier et d’expliquer qu’ils ne pouvaient pas rêver meilleure place pour admirer le spectacle. Inconsciemment, Lulu glissa ses yeux noirs sur la scène et le premier rang. Derrière son masque, elle fit la moue, mais ne dit pas le fond de sa pensée qui, sans le moindre doute, ne plairait pas à Anubis. Elle ne voulait pas le voir s’énerver et préféra garder le silence.
Jusqu’à ce qu’une information pope dans son esprit plus fort que les autres.
Lulu se pencha en même temps qu’Anubis, vers un coffre, pour chuchoter, un peu plus bas, à son oreille. Néanmoins, elle n’était pas certaine que les messes-basses soient bien autorisées en présence du roi, aussi sa voix fut-elle un peu plus forte que prévu, à mi-chemin entre un secret et une vérité générale, qu’elle offrit en se tordant nerveusement les mains.
– Si c’est la loge royale, je n’ai rien à faire ici. Je peux retourner dans ma chambre, maintenant. Je connais le chemin.
Ce qui n’était pas véritablement un mensonge, mais il était fort à parier que Lulu se perdrait, seule dans les couloirs du château. Elle n’était pas la plus douée pour se repérer, dans le grand bâtiment. Ce qui était pour le moins étrange, puisque la jeune sacrifiée faisait de la nature son terrain de jeu préféré et pouvait s’enfoncer dans la forêt sans jamais perdre sa route. Les villages et les couloirs, en revanche, étaient, à ses yeux, des labyrinthes incompréhensibles. Néanmoins, elle fit mine de savoir ce qu’elle faisait, dans l’espoir qu’Anubis accepte de la laisser partir.
Non pas qu’elle en ait envie, d’ailleurs. Et la vue des jumelles, entre les mains de son guide, réveilla une lueur, au fond de ses yeux noirs. Oubliée la chambre, Lulu s’empara immédiatement des jumelles qu’Anubis lui offrait et elle rejoignit la balustrade pour se pencher, à nouveau, par-dessus. Elle colla les lunettes contre ses yeux, régla les jumelles d’une main habituée et visa la scène. Les personnages avaient disparu le temps de changer d’acte, mais Lulu ne baissa pas les bras. Elle attendit patiemment que les acteurs réapparaissent à nouveau.
Derrière elle, le roi prit la parole pour lui expliquer l’histoire de la pièce. Lulu resta, d’abord, scotchée à la rambarde, en attente, les jumelles vissées aux yeux. Puis, à bout de patience, elle se retourna et regarda sa Majesté… avec ses jumelles collées au visage. Les loupes lui donnèrent l’impression qu’il se tenait juste devant elle et qu’il lui suffisait de tendre le bras et de serrer les doigts pour la tuer une bonne fois pour toutes. Pourtant, Lulu ne prit pas peur. Cachée sous sa capuche, derrière son masque et ses jumelles, elle pouffa doucement, amusée par la fausse proximité de sa Majesté.
– Une histoire humaine ? interrogea-t-elle, en baissant ses jumelles. Hmmm, ça ne me dit rien. Qu’arrive-t-il, à la fin ? La princesse est sacrifiée ? Le traître a vraiment trahi ou est-ce une erreur ? La mort est-elle la seule solution ? Si c’est une erreur, il n’y a pas de retour en arrière. Pourquoi le faire devant tout le monde ? Sa famille ne devrait pas voir ça. C’est comme ça qu’on crée les traîtres, vous savez. Une histoire humaine, vous dîtes ? Hmm. Je ne connais pas la famille royale, mais peut-être en sont-ils capables… Hmmmm. Je peux comprendre ce qu’elle a voulu faire.
Lulu avait profité de ses réflexions à voix haute pour s’asseoir sur la balustrade, dos au public, en jouant avec ses jumelles qu’elle orientait inlassablement vers Anubis ou sa Majesté. Les pieds calés contre la balustrade, à la force des abdominaux, la sacrifiée se pencha un peu en arrière et réorienta ses jumelles sur la scène. La princesse était apparue, dans une belle robe qui n’avait pas l’air très pratique à porter, et parlait d’une voix forte pour être bien entendue du public. Néanmoins, l’attention de Lulu se porta, plutôt, sur les visages des spectateurs, dans les loges alentours ou sur les sièges, en contrebas.
– Pourquoi vous jouez une histoire humaine ? J’imagine que vous vous en fichez un peu que la princesse et le traître meurent vraiment ou non. Non ?
La sacrifiée ne pensait pas à mal et se contenta de dire le fond de sa pensée, sans réfléchir aux conséquences, étonnamment à l’aise sur son bout de balustrade, sans montrer le moindre signe de peur du vide ou de déséquilibre. Ses jumelles quittèrent finalement la scène pour revenir se balader dans le théâtre, découvrir le dessin au plafond, le lustre, les détails sur les poteaux qui longeaient les loges, jusqu’à un petit enfant, avec de grands yeux tout noirs, de minuscules cornes sur le front et une peau plus sombre encore que l’ébène, aussi lisse que le bois poli. Fixée sur le gamin qui se balançait, lui aussi, sur le balustrade, visiblement peu intéressé par la scène, Lulu posa, sans y penser, la dernière question qui se précipita sur ses lèvres.
– Qu’est-ce que vous pensez vraiment des humains ?
Axel Oswald
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Baku avait rit. Cela arrivé. Souvent c’était de la faute d’Anubis d’ailleurs… Qui prenait ensuite le temps de le réprimander sur le fait de se moquer de lui. Pour le coup, l’association Lulu-Anubis méritait bien d’être filmer pour être revu plus tard pour des siècles et des siècles. Il entendit aussi la remarque de la jeune femme, et Baku en sourit en regardant ailleurs. Il était vrai qu’elle n’avait rien à faire ici. Anubis le savait aussi. Mais Anubis l’avait amené tout de même. Le cheval regarda un instant son roi avant que celui-ci n’hausse les épaules pour lui dire que cela ne faisait rien. Anubis lâcha alors un « reste ici ». Il n’était pas sec, pas méchant. Juste deux mots mis l’un à côté de l’autre et qui répondait à toutes les questions non posés. Il avait eu l’accord du roi, alors il n’avait rien à dire de plus. Il n’eu pas le temps de lui donner les jumelles qu’elles avaient déjà disparu de ses mains.
Baku observait la jeune femme, et Anubis. En se disant que cela faisait un duo très étrange mais assez comique pour être sur scène. Il doute qu’Anubis le pense ainsi. Aussi ne disait-il rien pour observer les réactions de la jeune femme avec son nouveau « jouet ». Il l’observa, puis posa les yeux sur la scène.
- Avant, c’était pour comprendre les humains. Si nous connaissions leur culture, peut être à la fin pourrions nous les comprendre ? Maintenant, nous avons compris que les humains n’avaient rien à voir avec leur histoire, et c’est juste parce que nous aimons les histoires qui sont contés. Le traître n’a pas trahi, il a été utilisé comme bouc émissaire. C’était le fils du roi qui voulait se débarrasser de son père pour prendre la place. La princesse peut épouser l’homme qu’elle aime, et le roi leur offre des terres pour qu’ils puissent fonder leur propre royaume. C’est une histoire tout publique, alors elle a été modifiée pour les enfants.
La véritable histoire finie avec la princesse qui mets fin à sa vie alors que son chéri est encore en train de pendre à la potence. Une histoire bien barbare qui ne pouvait pas être raconté aux enfants. Baky soupira à la question qui arriva. Anubis fronça les sourcils et préféra se faire alors qu’il se recula.
- Les humains sont des barbares. Ils sont méchants et veulent toujours tout le pouvoir pour eux. A la différence de ce conte, aucun roi ne donnerait des terres à sa fille pour la laisser prospérer. La puissance est tout ce qui compte. Les humains sont des lâches qui préfèrent tuer les nôtres parce qu’ils en ont peur plutôt que d’accepter que nous avons-nous aussi le droit d’exister. Rares sont les êtres humains qui dérogent à cette règle. Certains font même des chasses des nôtres pour les revendre comme du bétail, ou pour amuser la galerie.
Dans le passé, Baku avait déjà fait des massacres, et sans la moindre honte, d’humains venus récupérer des monstres enfants pour les vendre. Cependant, même s’il était un roi très dur et fort, il n’était pas omniscient, et il savait que beaucoup de monstre, surtout dans les villages frontaliers aux humains disparaissait. Il observait la sacrifié avant de soupirer. Un secret bien gardé de la royauté était que … les monstres n’avaient pas besoin à l’époque de tuer quiconque pour garder sa magie. Le sacrifice qu’il demandait était tant pour arrêter les révoltes, que pour garder les humains droit … mais aussi pour abreuver l’arbre en magie. Mais ça, il ne pouvait pas le dire.
Si Lulu ne pouvait pas tout comprendre à cette passion qui faisait briller les yeux d’Anubis si fort, elle essayait, tout de même, de trouver un intérêt à tout ceci. Au final, le théâtre n’était pas si différent des choses qu’elle avait connues, au village, en restant avec les enfants. Les petites marionnettes du marionnettiste pouvaient se rapprocher des acteurs, sur scène. Sauf que le spectacle de marionnettes permettait une grande proximité entre la scène minuscule et les enfants. C’était cette proximité qui faisait, selon elle, tout le charme du spectacle. Car il suffisait d’un geste soudain brusque pour effrayer des enfants captivés par l’histoire, d’un mot donné avec douceur pour qu’ils s’attendrissent. Là, sur scène, les acteurs élevaient la voix assez fort pour être entendus dans toute la pièce et Lulu avait du mal à croire que ceux qui se trouvaient tout au fond puissent deviner les différentes émotions, ou se laisser prendre au jeu si l’un des acteurs venait, d’un coup, à faire un mouvement brusque.
Néanmoins, elle faisait tout de même de son mieux, jusqu’à ce qu’elle trouve plus intéressant ailleurs. Dangereusement penchée au-dessus du vide, sans même s’en inquiéter, Lulu fixait ce drôle de petit garçon qui, à ses yeux, était d’une grande beauté. Elle ne s’inquiétait pas tant de sa peau trop lisse, ni de ses cornes, que de l’innocence au fond de son regard et de son envie, à peine dissimulée, de faire une bêtise. Il lui rappelait les enfants qu’elle avait quittés, au village, et après lesquels elle passait son temps à courir pour les empêcher de se faire mal. Ce n’était pas rare que des enfants trouvent cela très intelligent de grimper à un arbre. C’était plus rare, à un jeune age, qu’ils acceptent finalement d’en descendre. La peur avait, parfois, des applications étranges et Lulu était toujours là pour rattraper cela.
Concentrée sur le garçon qui se penchait, comme elle, par-dessus la rambarde, même si lui était ventre contre le bois et elle, assise dessus, elle n’en oublia pas d’écouter le roi. Il y avait quelque chose de presque magique, dans sa voix, qui la forçait à tout écouter sans en perdre une miette et à faire tout ce qu’elle pouvait pour comprendre. Elle aurait même pu, ou dû, baisser ses jumelles pour regarder le professeur lui faire la leçon, mais elle était obnubilée par ce jeune garçon qu’elle ne voulait pas voir tomber. Tous les monstres n’avaient, visiblement, pas les grandes ailes de sa Majesté et elle doutait qu’il puisse se rattraper avant d’atteindre le sol. Et vu la distance… elle ne préféra pas l’imaginer.
Cette histoire, en tout cas, ne lui disait pas grand-chose. Il lui semblait que les marionnettes et les conteurs n’avaient jamais rien scandé de la sorte. Pas à elle, quoi qu’il en soit. Ce qui ne voulait pas dire qu’elle remettait en doute les mots du roi. Non, Lulu le croyait dur comme fer ! Elle n’était pas femme à penser qu’il pouvait lui mentir. Il avait, sans le moindre doute, mieux à faire que de s’échiner à lui raconter des bêtises. D’ailleurs, elle fut même étonnée que ce soit sa Majesté, qui lui réponde. Lulu avait pensé qu’Anubis le ferait, comme il avait essayé de tout lui expliquer, jusque là. Pour elle, ça ne changeait pas grand-chose… quoi que. Face à Anubis, elle se sentait capable d’expliquer qu’elle ne comprenait pas et qu’à ses yeux, ses mots n’avaient pas le moindre sens. Face à sa Majesté… elle n’était pas sûre d’en arriver au même résultat.
– Oh ! Oui ! Les enfants adorent quand ça finit bien, commenta-t-elle, en pivotant ses jumelles vers le roi. Mais vous savez, les histoires, c’est toujours réarrangé pour donner une belle vision des choses. Ce n’est pas en regardant du théâtre que vous allez comprendre les humains. À tous les coups, ce n’est même pas vrai. Les princesses épousent rarement l’homme qu’elles aiment. Généralement, c’est plutôt l’inverse : elles aiment l’homme qu’elles épousent, vous voyez ?
Lulu baissa ses jumelles, consciente qu’elle venait, plus ou moins, d’oser faire la leçon à sa Majesté. Autant, elle pouvait peut-être (et encore) se le permettre avec son guide, mais elle comprit qu’elle avait, un peu, dépassé les bornes. Ses yeux noirs fixés sur lui, elle se para d’un regard qui se voulut désolé, mais ressembla plutôt à « désolée, pas désolée, j’ai raison de toute façon ». Ce qui était plus ou moins la vérité. Si les monstres pensaient pouvoir comprendre quelque chose aux humains en se contentant de pièces de théâtre, elle comprenait mieux, alors, que les deux pays ne se supportent pas. Ce n’était que du divertissement et les choses étaient soient inventées, soit édulcorées. Cela n’avait, bien souvent, rien à voir avec la vérité.
La vérité, elle, blessait. Tout comme Lulu fut blessée par les mots de sa Majesté. Elle lança un regard vers Anubis, mais elle savait pertinemment que, lui aussi, il devait penser les mêmes choses. Tous les humains étaient-ils aussi méchants qu’ils semblaient le croire ? Lulu n’arrivait pas, elle, à le penser. Elle se sentit attaquée dans ce qu’elle avait de plus fondamental, dans sa nature elle-même, qu’elle n’avait pas choisi à sa naissance. Était-ce de sa faute, à elle, si elle était née femme au lieu de monstre ? Mais une petite voix, au fond d’elle, lui cria tout bas qu’elle n’était, de toute façon, pas humaine et que personne ne l’avait jamais pensé. Elle était une sacrifiée. Ce n’était pas vraiment pareil. Elle était destinée à mourir, demain, alors qu’importait ?
– Tous les humains ne sont pas comme ça, se défendit-elle, les sourcils froncés sur ses yeux noirs. Vous donneriez des terres à votre fille, si elle était amoureuse d’Anubis et qu’il était suspecté de vous avoir trahi ? Vous n’en avez pas, vous ne pouvez pas savoir, enchaîna-t-elle, pour l’empêcher de répondre, sans se douter que personne ne devait jamais oser lui parler ainsi, mais tant pis, elle allait mourir, de toute façon. Je suis sûre que parmi les vôtres, dans les terres les plus lointaines, là où vous ne pouvez pas tout savoir, il y a des monstres méchants, barbares, qui ont envie de puissance et qui sont prêts à dire à tout le monde que les humains ne méritent pas de vivre. Peut-être bien qu’ils chassent, aussi, ou qu’ils en font des galeries ! (Elle s’était un peu énervée, mais le dire tout haut la calma instantanément. Elle fut même prise d’un vilain frisson.) Je suis humaine.
L’aveu tomba entre eux aussi simplement. Ils le savaient déjà, de toute façon, mais elle se sentait le besoin de le dire, d’un seul coup. Elle était humaine, mais elle n’avait rien de barbare ou de méchant. Elle ne demandait la mort de personne, elle, à part la sienne. Elle se fichait éperdument de la puissance. Lulu n’était même pas lâche. Elle était venue jusqu’ici avec pour seule peur d’être le centre d’attention, la tache montrée du doigt au milieu d’un paysage parfait. L’intruse. En vérité, elle n’avait même pas peur des monstres. Ils l’impressionnaient, oui, mais elle était surtout curieuse. Au fond, elle était même prête à croire les mots de sa Majesté, à penser, comme lui, qu’il existait des humains ainsi. Elle ne voulait juste pas qu’il continue de penser qu’ils étaient tous pareils. Elle était humaine et elle ne voulait pas être rangée dans le panier si sale qu’il avait tressé pour eux. C’était plus fort qu’elle.
Boudeuse, toujours assise sur sa balustrade, Lulu avait remis ses jumelles pour échapper aux regards ou à la colère des deux monstres et elle lorgnait, à nouveau, vers ce petit garçon. Il semblait obnubilé par un point, tout en bas, dans les sièges de la fosse et continuait de se balancer sans inquiéter personne d’autre qu’elle, apparemment. Alors, elle ne put plus résister, comme guidée par une vieille habitude, par ce que l’on avait toujours attendu d’elle. La sacrifiée vérifia le bon maintien de son masque, de sa capuche et reposa délicatement les jumelles sur la rambarde. Tandis qu’elle pliait les jambes pour enlever les chaussures prêtées par Lila, Lulu fit une drôle de demande :
– Anubis, vous m’aiderez à courir jusqu’à la chambre ? (Pour se cacher, oui, mais pour l’heure, elle se mit debout sur la balustrade et fixa sa Majesté droit dans les yeux, sans peur.) Je suis humaine.
Puis elle se retourna et, avant qu’ils ne la retiennent (ou pas, ils pouvaient aussi la pousser en bas), Lulu crocheta une prise sur le côté et quitta la loge royale. Elle avait passé sa vie à courir dans les forêts et grimper aux arbres. Au village, il n’y avait pas meilleure qu’elle dans le domaine. C’était elle que l’on envoyait sur les toits récupérer les balles, dans les grottes, les trous, dans tous les endroits que personne ne voulait visiter. Elle était devenue une grimpeuse hors-pair et, la vie d’un garçon en jeu, elle ne s’inquiétait pas de tomber. Coûte que coûte, elle l’empêcherait de basculer pour le ramener dans sa loge et l’empêcher de recommencer. Elle était humaine, mais elle ne rirait pas de le voir s’écraser en bas. Jamais.
Axel Oswald
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Anubis était à la fois intrigué et … désemparé face à la jeune humaine qu’on leur avait ramené. Elle n’était pas comme les autres. Elle n’avait pas cette … odeur de morts, de torture.. tout ça. Alors était ce pour ça qu’il avait baissé sa garde. Le roi avait le droit de baisser sa garde face à une humaine… Lui non. Lui il n’aurait jamais du, et cette réflexion lui faisait beaucoup de mal.
Il observa cette étrange personne et se demanda si elle savait à qui elle parlait. Elle parlait au roi de leur monde comme s’il n’était qu’un bênet. Et il ne semblait pas réagir. Anubis connaissait Baku depuis assez longtemps pour savoir que son roi savait ce qu’il faisait.
Anubis avait eu le droit à beaucoup de … privilège du fait de sa bonne entendre avec le roi… et il se demandait alors si tout cela n’était pas juste pour lui. Le roi acceptait une sacrifiée dans sa loge, pour lui. Et qu’elle lui parle ainsi. Parce qu’il se faisait du soucis pour ce petit personnage. Et pourtant il n’aimait pas les humains. Ce fut Baku qui répondit à l’humaine alors qu’Anubis passa une main sur son masque.
- Anubis ne me trahira jamais. Et nous n’avons pour le moment rencontré aucun humain qui déroge à cette règle. Je suis même en train de me demander si vous n’avez pas des gênes de monstre en vous.
Si la jeune femme était si peu ressemblant aux humains, c’était bien qu’elle ne devait pas faire parti de ce peuple. Avait il réellement tord au vue de ce qu’ils lui ont fait subir ? Ils ne l’ont pas traités comme une humaine. Ils l’ont traités comme une personne en sursis alors …. Baku soupira en la regardant être prête à « s’enfuir ». Parce qu’il ne voyait pas d’autres raisons pour elle d’essayer de sauter de là.
Baku lui, la suivait du regard alors qu’Anubis était déjà en train de courir par l’extérieur pour la rattraper. Baku observa la mère monstre récupérer son enfant et …. Le regard pleine de frayeur qu’elle lança quand elle comprit que la femme qui venait d’aider son fils n’était pas un monstre. Anubis arriva pile au moment où la mère hurla qu’on lui voulait du mal et prit son enfant dans ses bras. Se mettant dos à l’humaine qui lui voulait du mal.
Anubis arriva à ce moment là. Baku n’écouta déjà plus ce qu’il se passait. Les phrases échangeaient. Lulu semblait être fière d’être humaine et elle l’avait dit. Plusieurs fois …. Cependant, ici, être un humain c’était être le plus effrayant et le plus inquiétant, et le plus monstrueux que l’on pouvait trouver. Dans les placards des monstres, il y avait des humains venus les tuer.
Anubis se mit devant Lulu pour lui remettre sa capuche et il la prit par Le Bras pour la sortir de la loge rapidement. Il ne pouvait pas la laisser dans le théâtre plus longtemps. Il avait compris comme Baku pourquoi elle avait réellement fait cela. Dehors, Baku tendit les livres à Anubis qui remercia sa majesté avant de se retourner vers Lulu.
- Pourquoi diable as tu fais ça ?!! Non. Je veux dire. Tu as voulu aider ce petit monstre, mais es tu donc folle, tu aurais pu te rompre le cou, et tu as … Je …. tu …
Il eu un temps d’arrêter pour regarder le visage de Lulu.
- J’ai pris les livres pour te lire une histoire. Viens. Demain sera un autre jour.
Et le dernier pour elle … Il vit à nouveau des oiseaux prophéties passaient dans le couloir, et aller volter plus loin. Demain serait le dernier jour.
HRP - Tu peux raconter ce qu’il se passe du point de vue de Lulu sans soucis, et même si tu veux avoir un dialogue avec la mère avant qu’elle ne se rends compte qu’elle était humaine. Mais je me dis qu’ainsi ça fait plus « dans la pression du moment on ne laisse pas le temps de respirer » en espérant que ça t’aille.
S'il y eut bien une chose qui fit plus de mal à Lulu que n’importe quelle autre jusqu’à maintenant, ce furent les mots de sa Majesté. Ils se plantèrent dans son petit cœur et creusèrent si loin qu’elle aurait pu mourir, là, foudroyée par la vérité qu’il balançait si simplement. Il n’avait pas rencontré d’humain qui ne corresponde pas à sa définition affreuse de l’humanité. Pourtant, il l’avait rencontrée elle. Donc, elle n’était pas humaine. Au fond, Lulu le savait bien, mais l’entendre dire si facilement était autre chose. Sauf qu’elle n’était pas non plus un monstre, sinon elle ne serait pas là, aujourd’hui, enfermée dans le château de sa Majesté en attendant de se faire manger. Si elle avait été un monstre, elle ne serait pas une sacrifiée.
Alors, elle n’était rien.
Ce fut avec cette certitude au fond du cœur, plantée dans son âme, qu’elle crocheta une prise et s’échappa de la loge royale pour grimper le long des autres et rejoindre l’enfant qui se penchait dans le vide. Il y eut quelques murmures sur le chemin, des regards intrigués qui s’arrêtèrent à la forme cornue de sa capuche. Dans l’obscurité du théâtre, Lulu avait, au moins, le droit à un peu d’anonymat, un mensonge qui lui collait à la peau autant que sa cape. Ce qui lui permit de se concentrer sur son chemin, à chercher les bonnes prises, les doigts assurés, habitués. Elle évoluait dans le vide avec plus de facilité que dans les couloirs du château. Son élément, à elle, c’était le danger. Quand on sait que l’on va mourir, alors la peur de mourir n’a plus aucun sens.
Arrivée sous la loge, Lulu se cala contre une colonne et tendit les mains pour repousser l’enfant de la balustrade. Il fixait sur elle ses grands yeux noirs, tout noir, et sourit, dévoilant de petites dents pointues. La sacrifiée se contenta de lui dire de ne pas se pencher par-dessus la balustrade, qu’il devait rester sage jusqu’à la fin de la pièce, même si c’était ennuyant et qu’on ne voyait rien. Elle lui promit même qu’elle lui montrerait, un jour, quelque chose de plus intéressant, même si elle s’en voulut instantanément pour ce petit mensonge. Peut-être pourrait-elle faire promettre à Anubis qu’il emmènerait l’enfant voir un spectacle de marionnettes, ce qui ne serait, alors, qu’un demi-mensonge.
Soudain, des mains se tendirent vers la capuche de Lulu qui ouvrit des yeux ronds. Coincée dans le coin, elle ne put se défendre contre l’attaque du gamin qui présentait deux paires de bras à la peau dure comme du bois. Il tâta les fausses cornes sur sa capuche et le tissu glissa sur ses boucles brunes à l’instant où la mère venait, enfin, récupérer son gamin dans un geste qui cachait mal son irresponsabilité. Depuis vingt minutes qu’il aurait pu tomber…
Puis le cri.
Lulu se hissa dans la loge et baissa la tête, rentrant les épaules dans la cape qui ne la cachait plus. Qu’avait-elle fait de mal ? La sacrifiée resta dans son coin, recroquevillée sur elle-même, sans savoir ce qu’elle pouvait faire. De base, elle aurait aimé retourner dans la loge royale pour récupérer ses chaussures et fuir jusque dans la chambre qu’elle avait quittée. Elle ne le pouvait plus, figée, incapable de bouger.
Anubis se plaça soudain devant elle et remit la capuche cornue sur son crâne. Lulu n’eut pas le temps de se réfugier dans son dos que son guide la tirait par le bras pour la sortir de là. Elle se sentit bête et… bien tout à la fois, habituée à être grondée pour avoir fait les choses qui sauvaient des vies. Combien de parents l’avaient regardée de travers, les yeux noirs pleins d’envie de la baffer (certains l’avaient même fait) parce qu’elle osait toucher leur enfant ? Parce qu’elle les avait touchés pour les aider à descendre d’un arbre, les récupérer dans la forêt ou n’importe quoi d’autre.
C’était, pourtant, la première fois qu’elle eut l’impression d’entendre une pointe d’inquiétude à son sujet. Pour elle. Une sacrifiée. Elle ne comprit pas et ne fut pas sûre que ce fut véritablement cela. Néanmoins, elle ne voyait pas ce que cela pouvait être d’autre et se contenta de sourire, toujours cachée par son masque. À sa manière, Anubis lui témoignait plus de gentillesse que Lulu n’en avait connu dans sa vie. Elle lui était reconnaissante de cela, mais elle n’en avait pas besoin. Elle retira donc son masque et fit glisser sa capuche sur ses épaules.
– Comme l’enfant-roi est né pour être roi, je suis née pour être sacrifiée. Je ne mourrai pas comme ça, je dois être mangée. (Elle haussa les épaules, peu affectée par la menace de mort de ses acrobaties.) Mais vous voyez, je suis humaine. Je ne suis pas un monstre et je ne le serai jamais. Et je ne suis qu’humaine, rien d’autre.
Ses yeux noirs glissèrent sur sa Majesté, à qui elle sourit, comme à son habitude, sans montrer la moindre peur de mourir. Lulu venait de sauver cet enfant, quoi qu’on en dise, et c’était tout ce qui comptait, pour elle. Qu’il soit sain et sauf. Elle, elle mourrait le lendemain. Lui, il avait encore toute une vie devant lui.
– Vous l’emmènerez voir des marionnettes ? demanda-t-elle, son regard rivé sur la porte de la loge. Je lui ai promis, dans l’urgence, mais je ne pourrai pas le faire. Emmenez-le avec vous, Anubis, et regardez aussi le spectacle, vous verrez. C’est très amusant !
Loin des livres et du calme dont son guide devait avoir l’habitude, en vérité. Les spectacles de marionnettes étaient, généralement, accompagnés d’une foire et des éclats de rire des enfants, voire de cris et de chants, dans une bonne ambiance loin de la peur des voisins, des guerres, des maladies, du malheur.
– Retournons dans la chambre, je veux écouter l’histoire ! (Elle tendit la main à sa Majesté.) Je suis désolée pour les soucis que j’ai causés, ce n’était pas mon intention. Nous nous verrons demain, alors. Passez une bonne nuit, Majesté !
La sacrifiée sourit à pleines dents et se retint de lui faire un câlin. Un bon serrage de main suffirait largement. Ou du moins le pensa-t-elle avant de reprendre vivement ses doigts, consciente que sa Majesté ne voudrait sûrement pas toucher une humaine puante comme elle. Alors, elle s’accrocha plutôt à la manche d’Anubis et releva les yeux vers lui.
– Allons-y ! Merci pour la visite Anubis. Promis, je ne vous demanderai plus rien désormais. Je resterai sage, dans mon coin, à ma place. Vous oublierez même que je suis là. (Elle se pencha soudain en arrière pour regarder sa Majesté et ajouter plus bas :) Si vous voulez vous cacher, il faut le faire là où ça paraît tellement évident que personne ne pensera à regarder.
Lulu parlait d’expérience, mais n’en dit rien. Elle aurait pu, elle, se cacher en plein milieu de la place du village que personne ne l’aurait vue, alors que sa Majesté, avec sa prestance, aurait plus de mal à passer inaperçu, mais elle était certaine qu’il trouverait un meilleur endroit que le théâtre pour se réfugier. En attendant, la sacrifiée tira sur la manche d’Anubis pour partir en direction de la chambre… même si elle tirait son guide dans la direction tout à fait opposée, complètement perdue dans le dédale de couloirs.