Honey Lemon sortait du campus sur lequel elle venait de donner une conférence sur les singularités au centre des trous noirs lorsque son téléphone sonna. Le pseudo de Gogo (dont le vrai prénom était Goldie, un prénom que l'intéressée se refusait à utiliser) et c'est tout naturellement que Honey décrocha, impatiente de savoir ce que son amie avait à lui raconter et désireuse de lui consacrer du temps.
Maintenant qu'elle quittait le campus, elle n'avait rien à faire si ce n'est rouler en direction du centre-ville pour rentrer chez elle, ce qui n'était pas incompatible avec un coup de téléphone. C'est donc avec enthousiasme que la jolie blonde décrocha :
- Salut GoGo ! Tu vas bien ? demanda-t-elle d'un ton jovial.
- Non, répondit l'autre jeune femme au bout du fil, bien moins bavarde et chaleureuse que Honey.
C'est d'ailleurs pour cette raison qu'elle enchaina sans lui laisser le temps d'en placer une :
- Ta copine cheloue est encore passée au labo et elle veut te parler. Je te la passe.
Profonde empathe, Honey ne put que remarquer l'agacement notable dans la voix de GoGo et se promit qu'elle trouverait une façon de s'excuser. En attendant, il semblait que "sa copine cheloue" avait pris le combiné car c'était à présent la voix de Raven que Honey pouvait entendre :
- J'ai encore entendu un truc bizarre, Honey, déclara cette dernière afin d'en venir tout de suite au fait. Il faut que tu m'expliques ou je vais lui faire regretter d'avoir ouvert son caquet.
- Salut Raven ! s'exclama la chimiste, peu vexée de ne pas avoir été saluée avec emphase. Pas de souci, vas-y, je t'écoute ! l'invita-t-elle à poursuivre.
Raven, en effet, se lança dans son récit sans davantage se faire prier :
- Je faisais ma vie tranquille, sans embêter personne, pour une fois, quand j'ai croisé ce gars bizarre, un drôle d'oiseau c'est sûr, qui s'est permis de dire : "Attention, le petit oiseau va sortir !" J'ai bien essayé de lui demander de m'expliquer, mais il s'est enfui comme un lâche. J'ai cherché partout, mais il n'y a aucun œuf. C'est quoi cette histoire, encore ?
Les questions de la femme oiseau étaient toujours surprenantes et celle-ci ne manquait pas à son devoir. Honey, bien sûr, était plus que ravie de lui apporter son éclairage scientifique à la situation :
- Je pense que cette personne était en train de prendre une photo parce que "attention, le petit oiseau va sortir" c'est une expression de photographe car quand la photo a été inventée il fallait attendre de longues minutes pour qu'elle soit prise alors on donnait quelque chose aux sujets de la photo pour s'occuper. Et cette chose s'appelait un oiseau, mais ce n'était en fait pas un vrai oiseau, plutôt un jouet. On disait "attention, le petit oiseau va sortir" pour signifier aux personnes que c'était le moment de prendre la photo. Donc je te confirme qu'il n'y a pas d'œuf ni d'éclosion quand on dit cette phrase pendant qu'on prend une photo, conclut la jeune femme.
- Encore une expression bizarre qui n'a pas le moindre sens ! s'énerva Raven. Il n'a qu'à dire qu'il prend une photo et ce sera très bien. OK, merci, j'ai compris maintenant. Des photos, pas de petit oiseau.
Honey opina, ce qui était inutile étant donné que GoGo n'avait pas appelé en FaceTime.
Toute à ses explications, Honey n'avait pas oublié d'avancer en direction de chez elle, effectuant un trajet qu'elle connaissait bien mais qui, subitement, devint bien plus étrange. La jeune femme cligna des yeux, embrassant mentalement tous les éléments de la scène pour essayer de lui donner une cohérence, ce qui n'était pas évident.
Certes, Michel-Ange avait toujours été surprenant - à bien des égards, d'ailleurs. La jolie blonde se souvenait aussi qu'il avait toujours été timide, en particulier face à la gent féminine. Mais en quoi se camoufler sous un drap, dans une rue passante qui plus est, pouvait-il soit être utile soit être efficace pour fuir ce que, manifestement, il cherchait à fuir ? Face à des comportements aussi invraisemblables, Honey ne s'étonnait en fait pas de ne rien comprendre aux hommes et à leur façon d'appréhender les rapports avec l'autre sexe.
- T'as tout compris, Raven ! Bien joué, lui rétorqua-t-elle d'une voix plus absence. Je vais devoir te laisser maintenant. Moi aussi j'ai trouvé un drôle d'oiseau. Mon ex, en fait. J'essaye de déterminer s'il se tortille et remue les ailes pour me montrer qu'elles sont les plus belles ou si c'est autre chose. A bientôt ! conclut la jolie blonde qui avait retrouvé son entrain habituel, avant de raccrocher pour tourner son attention vers le jeune homme. Salut Michel-Ange, répondit la scientifique, incertaine de l'attitude à adopter face à lui.
Il était plus que probable que ce soit d'elle qu'il ait essayé de se cacher, ce qui laissait la scientifique perplexe. Certes, elle avait rompu avec lui l'année passée et il n'avait pas bien accueilli la nouvelle, comme c'était le cas généralement dans ce genre de situation. Mais pourquoi tenter de se cacher d'une façon aussi étrange quand, grâce à son mutagène, Michel-Ange était doté de capacités surhumaines qui, Honey en était presque sûre, lui offrait largement de quoi l'éviter sans s'étaler par terre sous un drap. Jugeant pourtant que lui partager cette analyse de la situation avait de grandes chances de le vexer, Honey se contenta de répondre à sa question tandis qu'il se relevait :
- Ca va bien, oui, merci de demander. Et toi ? Je savais pas que tu étais de retour en ville, observa la jeune femme. C'est chouette !
Cette expression ne manqua pas de lui faire penser à Raven. Heureusement, Honey n'avait pas dit que c'était corbeau car Michel-Ange n'aurait pas compris et, en plus, cette expression n'existait pas. Elle était, en tout cas, plutôt contente de le croiser et curieuse de savoir ce qu'il devenait. Avait-il finalement fait le deuil de leur relation ? rencontrer une nouvelle petite copine ? voyager ? appris de nouvelles choses ? Pour le moment, Honey n'avait la réponse à aucune de ces questions. Ce qu'elle pouvait dire, en revanche, c'était que Michel-Ange continuait de se comporter bizarrement.
Qu'était sensée signifier cette étrange posture qu'il venait d'adopter ? S'était-il fait mal en se camouflant sans succès sur le bitume au point d'avoir besoin de s'appuyer de cette façon si particulière au bâtiment à côté d'eux ? La jeune femme fronça légèrement les sourcils, concentrée sur le sens qu'elle devait donner à la situation ainsi qu'à la conversation particulièrement inintéressante qu'il venait de lancer. N'avaient-ils pas mieux à se raconter que la météo ? Et pourquoi l'accompagner d'un compliment quant à son physique ?
Même si c'était toujours plaisir d'entendre pareille affirmation, d'ailleurs, les joues de Honey en avaient rosi de plaisir, la scientifique ne voyait pas le lien. Plus généralement, elle ne voyait pas où allait cette conversation. Etait-ce sa façon de remuer ses ailes pour l'inciter à pondre un œuf ? Ou juste une remarque polie parce qu'il n'avait pas autre chose à lui dire ?
- Merci, répondit-elle néanmoins avec un sourire. Tu es très bien aussi. En fait, je ne trouve pas que tu aies changé beaucoup, avoua la jeune femme.
Physiquement et psychologiquement, songea Honey tandis que Michel-Ange lui posait enfin une question qui commençait à donner du sens à l'agitation à laquelle il était en proie. Avait-elle un copain. C'était sans doute ça qui le mettait tellement mal à l'aise et le conduisait à agir aussi bizarrement. Mais que Michel-Ange rougisse jusqu'aux oreilles, ce n'était pas surprenant. Il avait toujours réagi comme ça face aux femmes. Qu'il s'évanouisse, en revanche, était bien plus problématique. Son téléphone toujours en main, Honey demanda à A.S.T.R.I.D. de scanner la tortue ninja afin de déterminer s'il allait bien.
Le résultat arriva quelques instants seulement après :
- Michel-Ange Turtles va bien, Honey Lemon. Il s'est simplement évanoui d'émotion.
- Merci Astrid, répondit Honey, sans quitter le jeune homme des yeux.
- Je t'en prie, Honey Lemon, répondit l'intelligence artificielle.
Et maintenant quoi ? Ce n'était pas comme si elle pouvait quitter son fauteuil pour essayer de le réveiller. Heureusement, la scientifique n'attendait pas son réveil depuis deux minutes que déjà elle croisait Apple, la coloc de Violette, qui s'arrêta, une housse de vêtements à la main :
- Il y a besoin d'un coup de main ?
- Michel-Ange s'est évanoui. J'attends qu'il reprenne connaissance, résuma Honey. C'est pas comme si je pouvais faire plus, non ?
- Attends je vais accélérer le processus tu vas voir, annonça l'adolescente avec détermination. Non parce que sinon tu risques de rester longtemps et t'as sûrement d'autres truc à faire, poursuivit Apple avant de s'approcher de Michel-Ange pour commencer à se le secouer sans ménagement.
Ca c'était sûr, ça allait forcément accélérer le processus, songea Honey en observant la scène.
- Hé ho ! Blanche-Neige c'est pas le moment de piquer un roupillon ! Et inutile d'attendre le Prince Charmant. Embrasser les gens dans leur sommeil c'est une atteinte au consentement ! déclara la jeune fille.
C'était loin d'être faux, même si le monde des contes de fées n'obéissaient sans doute pas aux même règles que le monde réel. Dans tous les cas, la méthode Appoline fonctionnait car déjà Michel-Ange revenait à lui.
- Ah il a l'air d'émerger, constata aussi Apple. Je te laisse gérer pour la suite. Bon courage en tout cas, poursuivit la jeune fille, insistant particulièrement sur ces deux derniers mots. Je transmettrais l'info a Violette des fois que, dit-elle encore avant de poursuivre sa route.
- Ca marche ! Merci Appoline ! s'exclama Honey avant de tourner son attention vers Michel-Ange, se rappelant parfaitement de la question qui était restée en suspens. Si tu te sens mieux, sache que je n'allais pas chez mon petit copain. Je rentrais chez moi, en fait. Je viens de terminer une conférence sur la singularité au centre des trous noirs. Je comprends mieux cette singularité que la tienne, manifestement. Pourquoi ma vie sentimentale et sexuelle t'intéresse autant et te met autant mal à l'aise ? demanda la scientifique sans détour.

Même si les doctorats de Honey ne portait pas sur la médecine et qu'elle ne pouvait, de fait, pas émettre de jugement expert, elle n'était vraiment pas certaine que Michel-Ange allait bien. Il n'en donnait pas l'impression, à agir aussi bizarrement depuis qu'ils s'étaient croisés. Peut-être ferait-il mieux de consulter un neurologue, juste au cas où. On ne pouvait pas être trop prudent quand il s'agissait de la santé, après tout.
Toutefois, pour le moment, bien que profondément perplexe, Honey acceptait de lui accorder le bénéfice du doute et accepta de poursuivre la conversation en prétendant que les choses étaient normales.
- Les trous noirs ne changent pas de couleur, en fait, expliqua-t-elle avec une moue désolée (pour lui). La couleur des objets et des personnes leur vient de leur façon d'absorber une partie des rayons de lumière et d'en refléter certains autres. C'est ce phénomène qui leur donne leur couleur aux choses. Les trous noirs se contentent d'absorber la lumière sans la refléter, ils ne peuvent, de fait, pas avoir de couleur et encore moins en changer. Et de toute façon ma conférence n'était pas sur ce sujet mais sur la singularité au centre des trous noirs. C'est totalement différent, assura la scientifique.
La question de Michel-Ange n'avait vraiment aucun sens mais Honey était trop gentille pour le lui faire remarquer. En fait, elle agissait sensiblement de la même façon avec son ami Fred, qui bien qu'étudiant à la SFIT comme elle et les autres Nouveaux Héros, n'avait jamais réellement compris grand-chose à la science. Il était bien meilleur pour écrire de la littérature de science-fiction que pour mettre en application les principes de la physique qui régissaient l'Univers. Michel-Ange, à certains égards, était un peu comme lui : sans manquer de curiosité, il était quand même un peu à côté de la plaque quand on lui parlait de science.
Mais il avait eu la délicatesse de s'intéresser à ce que Honey devenait, ce que l'intéressée ne pouvait que trouver très aimable.
- Tu devrais aller voir un médecin si ton épaule te fait mal, conseilla la jolie blonde dont les yeux verts n'avaient pas manqué de voir qu'il se massait l'épaule, sans doute heurtée lors de sa perte de connaissance.
Honey n'était vraiment pas certaine que Michel-Ange suivrait ce conseil et ne pouvait, de toute façon, pas l'y forcer. Il était adulte et lui rétorquerait peut-être même que grâce à son mutagène, il irait très vite suffisamment bien pour se passer d'une consultation. Ce dont elle pouvait, en revanche, être certaine, c'était que Michel-Ange avait gardé sa mauvaise habitude de commencer des phrases sans les terminer. Il était à présent clair qu'il cherchait à obtenir une certaine information et qu'il essayait, avec plus ou moins de subtilité, d'y parvenir tout en prétendant que la situation le mettait parfaitement à l'aise alors que ce n'était absolument pas le cas, si bien que, par moments, Honey avait envie de lui suggérer d'en venir directement au fait. La jeune femme avait assez peu de tabous et ne voyait pas quelle question pouvait à ce point le préoccuper sans qu'il ose aborder le sujet de face, mais pouvait imaginer que c'était en lien avec leur passé commun et, plus exactement, leur rupture.
Cela étant dit, cette déduction logique ouvrait encore un large champ des possibles. Michel-Ange voulait-il savoir si elle était de nouveau en couple ? si elle avait récemment copulé ? s'il connaissait son nouvel hypothétique amant ? si elle repensait parfois à lui ? si elle regrettait ? si elle éprouvait des remords ? si elle se sentait mieux sans lui ? En seulement quelques secondes, le cerveau génial de la jolie blonde était en mesure de produire plus d'une douzaine de questions que, peut-être, en se basant sur ses réactions et ses non-dits, Michel-Ange se posait. Honey pouvait donc estimer que le champ des possibles était encore plus vaste et préféra ne pas inférer davantage. Comme pour ce qui était de décider ou non d'aller voir un médecin, Michel-Ange, en sa qualité d'adulte, avait la même capacité à se décider ou non à poser les questions qui l'obsédait. Honey ne les poserait pas à sa place. Ce n'était pas comme ça que fonctionnait la communication.
Peut-être en avait-il lui-même conscience car Michel-Ange, au lieu d'avorter ses tentatives de questionnement, préféra finalement répondre à celles que Honey avait posé. Cette dernière opina devant l'évidence de son retour en ville.
- Moi ça va, répondit la jeune femme lorsque Michel-Ange parvint à poser une question complète. Je continue d'expérimenter et d'enseigner. J'ai de nouveaux amis. Une biologiste qui s'appelle Morrigan, notamment. Je vis toujours avec Wasabi dans notre appartement au centre-ville. Je crois que je n'ai rien de très excitant à te raconter, en fait, conclut la jeune femme haussant les épaules.
Elle songeait pourtant à ce proverbe oriental qui disant que "la vie est un changement permanent et la seule chose qui ne change pas, c'est que tout change tout le temps", ce qui était parfaitement vrai, mais trouvait les changements récents que sa vie avait connu depuis leur dernière rencontre peu intéressants à lui raconter. Ou trop secrets, telle que sa rencontre avec un vampire dont elle ne devait pas divulguer l'identité.
- Merci pour le compliment, reprit la jeune femme avant d'avoir pu lui retourner la question.
Michel-Ange, contrairement à elle, avait forcément des choses plus exaltantes à raconter. Il avait quitté la ville, après tout, ce qui supposait qu'il avait littéralement vu du pays et fait de nouvelles rencontres. Peut-être avait-il même fait quelque chose que Honey adorait faire : apprendre de nouvelles choses. L'information viendra sans doute plus car car la jolie blonde n'aurait pas peur de la demander. Mais pour le moment, bien incapable de lui retourner son compliment (car Michel-Ange, quoique beau garçon, n'avait présentement pas l'air "rayonnant") Honey fut bien obligée de constater la réalité qui s'offrait à elle :
- Toi tu as l'air complètement perdu et très mal à l'aise. Mais tu as aussi l'air en forme quand tu ne t'évanouis pas, ajouta Honey afin de conclure sur une note d'optimisme. C'est pas grave que tu sois parti sans prévenir, reprit-elle, laissée perplexe par l'arrivée de ces excuses qu'elle ne demandait pas. A ma connaissance, tu ne me devais rien à ce niveau-là. Et puis je suis certaine que tu as vu des choses fantastiques hors de la ville, fait de nouvelles rencontres passionnantes voire appris de nouvelles choses. Ca doit être TELLEMENT intéressant à raconter ! s'exclama Honey avant que son enthousiasme ne retombe. Mais j'ai aussi la sensation que de me revoir ne te met pas du tout à l'aise alors, si tu veux, je peux continuer ma route. Aucun problème pour moi ! assura-t-elle en le gratifiant d'un grand sourire. On est pas obligé de se parler... sauf si tu as des questions à me poser et... manifestement tu en as, sinon tu ne commencerais pas la plupart de tes phrases sans les terminer, observa la scientifique, toujours très attentive aux détails. Mais ça ne presse pas, t'inquiète pas, j'ai prévu de rester en ville pour le moment, de toute façon alors tu as le temps d'attendre que tu sois prêt, si besoin.
Même si c'était un peu agaçant de sentir que Michel-Ange cherchait des informations sans oser les demander, Honey ne voulait pas le brusquer. Elle avait toujours eu énormément d'empathie et en aurait toujours, y compris pour ses anciens petits amis car les ruptures ne créaient pas nécessairement une indifférence totale envers son ancien partenaire. Pas à ses yeux, en tout cas.

Honey n'avait pas donné le nom de Morrigan dans l'espoir que Michel-Ange la connaisse, songeant qu'il était peu probable que le jeune homme fréquente toutes les scientifiques ou tous les professeurs de la ville - même si la possibilité existait, assurément. Pour connaitre quand même relativement bien la tortue ninja, la jolie blonde savait toutefois que son cercle d'amis était quelque peu différent du sien et n'y voyait pas d'inconvénient particulier. De toute façon, plus la conversation avançait, plus il apparaissait comme certain que Michel-Ange ne souhaitait pas particulièrement connaitre dans le détail la vie des nouvelles amies de son ex. Une vie, d'ailleurs, qui ne le regardait pas forcément. C'était pour cette raison, justement, que Honey ne s'était pas éparpillée en détails inutiles. Elle aurait pu mentionner Jessie ou encore Alexis, Regina ou même Raven mais c'était le nom de Morrigan qui lui était venu en premier à l'esprit.
En revanche, une intuition soufflait à Honey que si elle avait mentionné un nouveau petit ami, Michel-Ange aurait eu bien plus de choses à en dire et sans doute tout autant de questions à poser, sous réserve de savoir dépasser son malaise, bien sûr. Comprendre qu'elle, Honey Lemon, qui était pourtant avenante et souriante (c'était d'ailleurs en partie pour cette raison qu'elle se faisait de nouveaux amis assez fréquemment et pour cette raison aussi qu'elle estimait que Michel-Ange ne devait pas être très surpris d'apprendre qu'elle avait agrandi son cercle de connaissances), le mettait mal à l'aise. Ce n'était certainement pas ce qu'elle cherchait à faire mais, manifestement, la scientifique ne pouvait rien contre les faits.
Honey adressa une moue désolée à Michel-Ange, incapable de partager son sentiment. De son point de vue, croiser une ancienne relation amoureuse dans une ville aussi petite que Storybrooke n'avait rien de bizarre. Sans les calculer, elle pensait même que les probabilités que cette situation se produise (comme c'était actuellement le cas) étaient assez fortes. Mais cette réflexion, la scientifique jugea plus sage de ne pas la partager.
- T'inquiète pas, c'est pas grave, lança-t-elle avec bienveillance.
Honey ne se serait pas vexée si Michel-Ange l'avait effectivement encouragée à passer son chemin. Elle serait rentrée chez elle et aurait sans doute raconter cette rencontre à Wasabi puis serait passée à autre chose. Mais, manifestement, Michel-Ange préférait qu'elle reste, en témoignant la façon très soudaine dont il avait attrapé son poignet. C'était un peu paradoxal vis-à-vis de son malaise palpable mais depuis qu'elle le connaissait, Honey avait l'habitude de ne pas toujours suivre la logique de Michel-Ange. C'était sans doute la preuve qu'il n'avait pas fondamentalement changé depuis leur dernier face à face.
- D'accord, je reste, annonça la jeune femme tandis qu'elle récupérait son poignet.
Ce réflexe que Michel-Ange avait eu pour la retenir semblait accroître considérablement son malaise - si tant est que ce soit physiologiquement possible. Peut-être accordait-il trop d'importance aux détails. Ce n'était qu'un poignet, après tout. Parmi toutes les connaissances qu'elle avait stockées dans son cerveau Honey ne parvenait pas à en trouver une seule permettant d'inférer que ce geste avait la moindre connotation sexuelle ou intime (ce qui, d'après ce qu'elle connaissait de Michel-Ange, était probablement ce qui venait, rétrospectivement de le mettre mal à l'aise). Mais était-ce une bonne d'idée d'enfoncer le clou en le signifiant au jeune homme ? Sans doute que non, alors Honey resta silencieuse.
- Waouh, le Japon ! s'écria-t-elle à la place, bien contente que Michel-Ange ait outrepassé son malaise pour lui répondre. Ca devait être génial !
Honey était ce qu'on pourrait appeler une personne qui s'excite assez facilement et l'enthousiasme qu'un voyage au Japon était plus que sincère pour la simple et bonne raison qu'ayant grandi à San Fransokyo, la jeune femme avait toujours vécu dans une culture américano-nippone. Elle était persuadée que l'archipel pourrait suffisamment la dépaysée pour lui permettre d'apprendre des tas de nouvelles choses tout en lui paraissant suffisamment familier pour qu'elle s'y sente à l'aise. De la même façon, elle était sûre et certaine que, en dépit de sa nonchalance, Michel-Ange avait de nombreuses anecdotes à raconter. Qu'il ait effectivement envie de les partager, ça, en revanche, c'était une toute autre affaire. Jugeant la situation déjà assez complexe à gérer, Honey n'insista pas et fit tourner dans sa tête la dernière réflexion de Michel-Ange, les sourcils légèrement froncés.
- C'est absolument pas pour cette raison que la Terre est ronde, commenta-t-elle. C'est à cause de la gravitation. D'ailleurs, c'est un raccourci de dire que la Terre est ronde car elle est légèrement aplatie au niveau des deux pôles.
C'était plus fort qu'elle. Quand la chimiste entendait une erreur scientifique, elle se sentait obligée de la corriger et comprenait rarement, surtout quand il s'agissait de science, le second degré ou les métaphores. Mais Michel-Ange en avait l'habitude, il ne ferait peut-être même pas attention. Honey, elle, n'avait même pas chercher à savoir à quel degré il fallait prendre sa remarque sur la Terre.
En revanche, ce qu'elle cherchait à comprendre, c'était comment il parvenait à vivre ce qui semblait être le plus terrible des malaises face à elle et pouvait, seulement quelques minutes plus tard, affirmer être passé à autre chose. C'était évidemment tout ce que Honey lui souhaitait. Comme elle ne croyait pas à l'amour véritable vendu par les contes de fées, elle était persuadée que de nombreuses personnes étaient en mesure de faire son bonheur et que parmi ces personnes énormément pourraient le rendre bien plus heureux qu'il ne l'avait été avec elle. Michel-Ange avait seulement eu besoin de recul pour s'en rendre compte et du recul, quand une rupture est trop fraîche, on n'en a malheureusement pas.
Heureusement, le temps avait passé et si Michel-Ange affirmait, en dépit des doutes que son attitude laissait subsister dans l'esprit de Honey, qu'il avait entamé un nouveau chapitre de sa vie, la jolie blonde ne demandait qu'à le croire.
- Eh bien allons prendre un verre en ami, dans ce cas ! s'écria la jeune femme avec entrain.
Si elle voulait qu'ils puissent effectivement agir comme s'ils étaient des amis, il valait mieux que Honey ne partage pas son scepticisme avec Michel-Ange. En revanche, elle fut incapable de lui dissimuler son étonnement quand il mentionna, en passant, avoir rapporté un cadeau du Japon pour elle. Honey se sentit prise de court (positivement) et laissa échappa un "Oh" qui ne pouvait que traduire que jamais elle n'avait envisagé envisagé cette éventualité.
- Merci. C'est très gentil de ta part, lui sourit-elle, occultant complétement le fait que, pour le moment, elle n'avait pas reçu ledit cadeau. Ca me fera plaisir de passer à la pizzeria, poursuivit la jeune femme. J'ai évité d'y aller depuis l'été dernier, des fois que ce soit gênant pour toi si je te croisais ou tes frères, expliqua la scientifique.
Honey aimait les pizzas, ce qui était le cas de beaucoup de gens dans le monde, mais n'en raffolait pas autant que des sushis ou du thé (qu'elle ne consommait cependant pas forcément ensemble). Elle n'avait pas trouvé difficile de se passer des pizzas des frères Turtles. Mais elle ne serait assurément pas contre en manger une prochainement. Si Michel-Ange avait tourné la page, il ne serait probablement pas contre une cliente supplémentaire et ses frères ne pourraient que suivre ce raisonnement. Toutefois, il valait sans doute mieux pour leur premier verre de l'amitié qu'ils aillent le consommer ailleurs, en terrain neutre. Et comme l'idée venait de Michel-Ange, Honey entendait lui laisser le choix du lieu - même s'il choisissait la pizzeria de son clan.
En attendant, le duo se mit donc en route, à la recherche d'un endroit où prendre un verre entre amis.
- En parlant de tes frères, ils vont bien ? demanda Honey pour leur éviter de marcher dans un silence oppressant. Tu vas travailler avec eux ou continuer ta carrière dans la police ? ajouta-t-elle.
Avant que Honey ne quitte Michel-Ange, il s'était coup sur coup lancé dans plusieurs projets professionnels très différents. A la fin de son mandat à la tête de la ville, il lui avait parlé d'installer un food truck spécialisé dans les pizzas pour finalement, quelques semaines plus tard, annoncer qu'il était pris dans la police. A l'époque, Honey n'avait absolument pas compris la logique de progression dans les idées de Michel-Ange et cela avait participé à son sentiment général qu'ils n'évoluaient pas dans la même direction, de la même façon. Avec le temps qui était passé et connaissant l'impulsivité de la tortue ninja, Honey n'était même pas certaine qu'il soit encore sur cette longueur d'ondes quant à sa carrière.

Le Japon avait séparé Michel-Ange du Maine par plusieurs milliers de kilomètres ce qui donnait une idée assez précise de l'espace dont il avait eu besoin suite à sa rupture avec Honey. Peut-être valait-il mieux alors qu'elle ne l'interroge pas trop sur ce voyage, même si la péninsule nippone l'intéressait beaucoup. Point positif : elle était suffisamment au fait de la situation pour avoir compris les sous-entendus et éviter de mettre davantage les pieds dans le plat. C'était beaucoup mieux comme ça, car Michel-Ange était un garçon très émotif... ce qu'il restait d'être également en parlant de la mort d'Eulalie, d'ailleurs, songea la jolie blonde en lui laissant le luxe de mener la conversation afin d'éviter les écueils qu'elle ne verrait pas.
- D'accord, opina la jeune femme, l'air plus grave que d'ordinaire. Oui, j'ai appris pour elle. Je suis désolée, je sais que tu tenais beaucoup à elle. Je ne la connaissais pas vraiment mais je suis sûre qu'elle était vraiment chouette. Ca a dû être difficile pour toi,, poursuivit Honey sur le même ton posé.
Tout le monde réagissait différemment face au deuil, ce qui rendait les impairs encore plus faciles à commettre. Alors, bien que touchée que Michel-Ange ait pensé à lui rapporter un souvenir, Honey ne revint pas sur le sujet à grand renfort de remerciement. Une fois ça suffisait sans doute amplement. Elle sourit cependant quand Michel-Ange éclata de rire parce qu'elle avait évité la pizzeria de ses frères. Devait-elle comprendre qu'elle avait mal fait ? Honey avait toujours eu l'impression que ce genre de choses se faisait, voire que c'était attendu, surtout dans une ville aussi petite. Mais elle avait peut-être tort ou mal compris.
- En fait, je suis d'accord. Il faut garder le meilleur de la relation et avancer. Mais, pour être franche, je n'étais pas certaine que tu étais de cet avis... avant, alors j'ai préféré ne plus venir. Puis j'ai appris que tu avais quitté la ville et force est de constater que les pizzas ne me manquaient pas tant que ça, conclut Honey en haussant les épaules.
Elle n'avait pas l'impression que ses propos pouvaient blesser. De son point de vue, il s'agissait simplement de fait. Les habitants de San Fransokyo consommaient davantage de sushis que de pizzas, c'était, pour ainsi dire, culturel.
Honey fut désolée d'apprendre que Michel-Ange n'avait plus ni appartement ni travail et le signifia par une mine contrite. Le travail, à ses yeux, était une part importante de la vie. Honey restait rarement oisive. Elle avait toujours une idée ou un projet. Depuis qu'elle était toute petite. Elle n'arrivait pas à imaginer, en fait, quelle sensation cela faisait de ne pas savoir ce qu'on voulait faire.
- C'est chouette que tu puisses compter sur ta famille, reprit-elle finalement avec un sourire encourageant. J'suis sûre que tu trouveras quoi faire, tu as l'imagination fertile et beaucoup d'énergie à revendre, le motiva t-elle.
Ce que Honey ne dit pas, c'était qu'elle espérait qu'en attendait il occupait ses journées en étant ses frères qui, a priori, lui procuraient le gîte et le couvert. De son point de vue, c'était la moindre des choses de mettre la main à la pâte et, dans le cas présent, l'expression pouvait s'employer littéralement et métaphoriquement ! Sans aller jusqu'à avoir un projet précis (manifestement, ce n'était pas le cas de Michel-Ange), il valait mieux que le jeune homme occupe intelligemment ses journées. Ca ne l'empêchait sans doute pas de voir venir, de se laisser du temps ou de prendre la vie comme elle venait.
Ce qu'il avait toujours extrêmement bien su faire. De la même façon, il avait toujours mis Honey très à l'aise, ce qui n'était pas le cas de tous les hommes qu'elle avait rencontrés récemment. Même si elle connaissait son passif avec Michel-Ange, elle ne se sentait pas gênée de passer un peu de temps avec lui, d'accepter de boire un verre en ne pensant plus aux moments délicats de leur relation. C'est donc tout naturellement qu'elle répondit, joviale :
- On a qu'à aller au Smoothie's Garden, non ? C'est un bar à smoothies, comme son nom l'indique. La fille qui le tient est sympa, elle s'appelle Chloé.
Pourquoi Honey donnait-elle autant d'informations ? Tout simplement parce qu'elle les avait en sa disposition et qu'elle trouvait intéressant de les partager même si elles n'étaient pas directement demandées. Ce n'était pas nouveau que la jolie blonde aimait parler.
Mais elle préférait partager ses connaissances que raconter sa vie. Du moins, si elle pouvait y échapper, ce qui ne s'avéra pas être le cas. Le souci étant que, parmi toutes les choses que Honey était en droit de confier, elle avait déjà fait le tour - ou avait l'impression d'avoir fait le tour de ce qu'il y avait à en dire.
- Eh bien, je te l'ai dit avant. La science, l'enseignement, les expérimentations, les inventions, la coloc avec Wasabi, de nouvelles connaissances. Oh si, j'ai oublié de te dire que j'étais dans l'espace l'été dernier. Ca me revient. C'était TROP COOL. J'ai quelques selfies avec des aliens si tu veux jeter un œil. Ah et en janvier j'étais dans une simulation de Poudlard VACHEMENT réaliste. J'ai cru que j'allais y passer mais en fait, ça a fini par aller. Contre toute attente j'ai ADORE faire de la magie. Je me souvenais de toutes les formules qui sont inscrites dans les livres, ça aide, c'est certain. Et puis ça m'a donné envie de m'intéresser au monde du jeu vidéo. Comme ça, pour le fun. Et... y a quelques jours je suis retournée dans le passé mais j'ai pas très envie d'en parler. C'était assez... Disons que l'expérience ne m'a pas plu du tout, conclut Honey, peu désireuse de raconter comment elle avait été forcée d'épouser celui qui voulait la tuer dans une chasse à l'homme (à la femme en l'occurrence) organisée pour une raison toute aussi obscure que ce noir dessein.
L'expérience avait été choquante, pour ne pas dire traumatisante. S'y ajoutait aussi les sentiments de Stefan, révélés subitement, à quelques heures de la funeste cérémonie. Honey ne voulait clairement pas parler de ça avec son ex, même si elle ne doutait pas de sa curiosité à ce propos. C'était justement cette raison qui l'incitait à ne pas parler de lui.
- Voilà, en résumé, je crois que c'est à peu près tout, conclut la jolie blonde d'une voix plus gaie et fluette, comme si elle n'avait jamais fait mention de cette dernière aventure.Donc oui, tu n'as pas tort. C'est rarement tranquille par ici mais c'était pareil chez moi, à San Fransokyo. En fin de compte je ne perçois pas tellement la différence. Les aventures sont de nature différente mais elles sont aussi nombreuses. De toute façon ce n'est pas pour ça que je vis. Mais, toi, je crois que tu ne vas pas t'ennuyer en ville si tu cherches des sensations fortes. On en trouve partout, surtout quand on ne les cherche pas.
Bien que super héroïne sous le nom de la Chimiste ou (la Géante dans les fanfictions que Carmi, une camarade la SFIT avait jadis écrites), ce qui faisait vibrer Honey c'était avant tout la science. Elle n'avait revêtu un costume d'héroïne que par devoir et n'avait aidé la Magic League que pour les mêmes raisons. Absolument pas pour l'adrénaline ou pour se faire mousser.
- On est arrivé devant le bar à smoothies, observa ensuite Honey en pointant en direction de l'entrée.

Honey se rappelait que Michel-Ange avait des goûts simples - plus simples que les siens, assurément. Il aurait peut-être été plus à l'aise dans un bar traditionnel et aurait commandé un Coca Cola ou une bière. Mais il accepta l'idée du bar à smoothies, ce qui fit plaisir à Honey. Contrairement à son ex, c'était exactement le genre d'endroit dans lequel la jolie blonde adorait aller. C'était si bon, les smoothies ! si frais ! si sain ! Surtout par rapport aux sodas. Cela dit, ça ne valait pas le thé. Rien ne valait le thé, pas selon Honey, en tout cas. Toutefois, vu la saison, elle songeait qu'une boisson plus fraiche ferait un meilleur effet, en plus d'être un terrain neutre. C'est donc ainsi qu'ils en prirent la direction.
Bon comme mauvais, Honey et Michel-Ange n'avaient aucun souvenir commun dans ce bar, ce qui faisait de lui un endroit excellent pour s'en créer de nouveaux, justement, indépendamment de ce qu'ils avaient vécu ensemble. Ceci étant dit, Michel-Ange n'avait eu totalement tort en affirmant que les mauvais souvenirs étaient autant d'expériences dont on pouvait apprendre pour ses prochaines relations. Honey avait bien dû le lui concéder et admettre qu'elle avait pas envisagé la question sous cet angle.
Au contraire, la jeune femme s'était imaginée que Michel-Ange souhaiterait peut-être rejoindre à nouveau les rangs de la police. Cette annonce ne l'étonna pas tant que ça et collait assez avec le besoin d'action et d'héroïsme de la tortue ninja. Il avait, comme il le disait très justement lui-même, le temps d'y penser et n'étant plus sa petite amie, Honey jugea qu'elle n'avait pas d'avis à donner sur la question. Il valait sans doute mieux qu'elle raconte quelques unes de ses récentes aventures, certaines étant assez extraordinaires dans le genre, il fallait bien le reconnaitre.
Honey ne s'étonna donc pas non plus que Michel-Ange manifeste autant d'enthousiasme après l'évocation de son expérience dans le Poudlard du JAHR mais elle ne put s'empêcher de préciser :
- C'était un jeu très réaliste basé sur l'univers de Harry Potter. Pas un monde comme celui d'où tu viens ou comme Terre-2. Mais ouais, c'était vachement cool, approuva-t-elle, son enthousiasme légendaire revenant au triple galop.
Il faut dire que l'enthousiasme de Michel-Ange était tout aussi enivrant que le sien et que c'était particulièrement plaisant d'être sur la même longueur d'ondes que lui, au moins sur ce point.
- J'étais dans une version du Prisonnier d'Azkaban, dans le rôle du Professeur Rogue, expliqua-t-elle. C'était très réaliste. Les sortilèges fonctionnaient comme les livres disent qu'ils fonctionnent, alors c'était assez facile pour moi de m'en sortir, en fait. J'ai une très bonne mémoire, je me rappelais des sorts. J'ai eu l'occasion de me battre en duel contre le Professeur Rogue, d'ailleurs. Il a gagné mais comme tu peux le voir, je m'en suis sortie. De toute façon c'était seulement un jeu, je ne pense pas qu'on pouvait réellement mourir, ajouta la jeune femme.
C'était, en tout cas, sa théorie non prouvée. Peut-être, à la vérité, que si Stefan n'avait pas été là pour jeter le contre-sort, Honey n'aurait plus été là pour en parler. Elle ne le saurait de toute façon jamais et ne comptait pas évoquer la partie de l'histoire dans laquelle elle s'était retrouvée à Poudlard avec un vampire qui s'avérait avoir des sentiments pour elle. Ca ne regardait clairement pas Michel-Ange.
Surtout qu'il semblait encore prendre très à cœur la vie de Honey et s'était lancé dans une inspection un peu étrange des parties visibles de son corps. Ne sachant pas comment traiter cette information, la jolie blonde le laissa faire jusqu'à ce qu'il s'aperçoive de lui-même de l'étrangeté de la situation.
- Tout est bien en place, je te remercie, lui confirma alors la chimiste.
D'une certaine façon, c'était à la fois touchant et flatteur de constater qu'elle comptait encore autant pour lui. Mais il avait une drôle de façon de s'assurer qu'elle n'avait pas de séquelle. Il aurait eu la réponse plus rapidement s'il avait seulement posé la question. Aux dernières nouvelles, Michel-Ange n'avait ni un regard à rayon X, ni un doctorat en médecine. Mais il avait encore et toujours le don (ou la maladresse) de donner aux situations ordinaires un arrière goût de malaise. Cette fois c'était en ayant laissé son regard vagabonder au niveau de la poitrine de la jeune femme. Car même si elle n'était pas la plus experte en relations sociales, Honey avait particulièrement bien saisi le quiproquo qui pouvait naître de cette fâcheuse habitude qu'il avait de rarement soutenir le regard de ses interlocuteurs.
Heureusement, ils avaient, entre temps, suffisamment marché pour enfin apercevoir le bar à smoothies ce qui offrit une diversion toute trouvée (mais loin d'être subtile) à Michel-Ange. Honey l'y suivit sans plus aucune allusion à sa poitrine encore et toujours en place. Elle observa à la place l'intérieur des lieux avec un regard curieux. C'était mignon. Exactement le genre d'ambiance auquel elle s'était attendue pour ce genre d'endroit.
Si Michel-Ange ne l'avait pas interpellée pour lui désigner Raphael, l'un de ses frères tortues ninja, Honey n'aurait sans doute pas fait attention à lui, trop occupée à regarder le décor pour contempler les autres clients. Et quand ses yeux verts se posèrent sur le jeune homme - qui était attablé avec une jeune femme - ils notèrent rapidement que Raphael aurait préféré ne pas être aperçu et encore moins pointé si ostensiblement du doigt. Malheureusement, Michel-Ange ne semblait absolument pas en avoir conscience et les suggestions de Honey n'y firent pas grand-chose.
- Non mais tu sais je crois qu'il aimerait être seul, en fait...
Ce n'était pas une femme en fauteuil roulant qui allait retenir quelqu'un d'aussi têtu et fort que Michel-Ange, même avec toute la volonté du monde. En fait, il ne l'écoutait même pas, trop pris par sa propre réflexion au sujet de la présence de son frère dans un bar à smoothies. Même pour une femme aussi peu douée en codes sociaux que la chimiste, la situation commençait à être gênante. Malheureusement, Honey ne put qu'adresser un regard désolé à Raphael avant d'emboiter le pas à son ex, bon gré mal gré. Il finirait par s'apercevoir lui-même de sa mauvaise idée et peut-être que le malaise de Raphael se dissiperait aussi vite qu'il avait été créé.
Ou peut-être même qu'ils n'iraient pas jusqu'à sa table, songea Honey quand, de façon presque inespérée, la jeune femme embrassa le jeune homme, mettant un terme - sans doute - aux suppositions qui traversaient l'esprit de Michel-Ange. Voilà, maintenant il savait que Raphael avait une copine ou, au moins, des vues sur une fille. Ils pouvaient passer à autre chose à présent, pas vrai ?
En retrait jusqu'à présent, Honey roula à la hauteur de Michel-Ange et reprit sa réflexion d'une voix qu'elle voulait douce et bienveillante :
- Je ne trouve pas qu'elle ait une mauvaise influence sur ton frère, en fait, il a l'air très heureux , observa Honey. Mais... Tu sais, je crois vraiment qu'on devrait le laisser avec sa copine et aller s'asseoir de l'autre côté de la salle. Il te parlera d'elle quand il sera prêt et qu'il en aura envie, quant à moi si je veux le saluer, je sais où le trouver. Allez, viens, l'incita la jeune femme en tirant sur la manche du sweat de la tortue ninja.
Honey ne pouvait pas réellement entrainer Michel-Ange avec elle rebroussa chemin et leur trouva une table de l'autre côté de la salle, ainsi qu'elle l'avait annoncé. La jeune femme ne mentionna pas qu'elle trouvait ce petit couple mignon, craignant de susciter une réaction imprévisible de Michel-Ange. La dernière chose qu'elle voulait, c'était le voir anéantir ce qui était sans doute le rencard de Raphael.
Alors une fois attablée, Honey mit une carte des boissons entre les mains de son ex et compulsa rapidement la sienne avait de commander un smoothie à base de carotte, d'orange et de gingembre. Elle s'était effectivement arrangée pour héler rapidement une des serveuses, y voyant là une façon idéale de détourner l'attention de Michel-Ange.
- Ouhh tout a l'air délicieux, j'ai presque eu du mal à faire mon choix, reprit la jeune femme une fois que la serveuse se fut éloignée pour maintenir la conversation loin de Raphael.
Puis, comme soudainement inspirée, elle s'écria :
Tiens, tu pourrais peut-être me dire ce que devienne Donatello et Leonardo ! Je veux dire, en dehors de votre pizzeria, évidemment, précisa Honey dans un gloussement. Ou ton... père ? mentor ? Il fait un peu les deux, non ? Je l'aimais bien. Enfin je l'aime toujours bien, a priori il n'y a pas de raison pour que ça ait changé. Donc, il va bien ?
Honey n'était pas prête à parler de sa propre vie intime pour détourner Michel-Ange de Raphael mais elle déployait manifestement toute son énergie à faire en sorte que son rendez-vous galant paraisse être une lointaine information dans l'esprit de Michel-Ange. Ce qui n'était sans doute pas gagné du tout mais elle ne perdait rien à tenter, pas vrai ? A la vérité, la jolie blonde espérait que, si elle avait été à la place de Raphael et sa petite copine et qu'une de ses connaissances avait senti qu'un ami était en passe de gâcher son moment avec l'élu de son cœur il ou elle aurait fait plus ou moins la même chose pour préserver le peu d'intimité que cette ville semblait parfois donner.