Il n’aimait pas ce qu’elle lui disait et Athéna le voyait bien. Elle le comprenait même. Mais au bout d’un moment, le voir se détruire à petit feu par culpabilité et conformisme, elle ne parvenait pas à l’accepter. Plus maintenant. Si au départ la déesse avait pensé qu’il parviendrait à surpasser tout ça sans que quiconque n’intervienne vraiment, aujourd’hui la guerrière se rendait compte que ça ne serait jamais le cas. Alors pour ce qu’ils avaient vécu et ce qu’ils vivraient peut-être à l’avenir si elle parvenait à se laisser aller une nouvelle fois, la brune avait été directe et franche, sans tact aucun. Parfois il fallait un électrochoc, ça avait bien fonctionné avec elle, alors pourquoi pas avec lui ?

- Tu avais dit que tu arrêterais de m’abandonner après Rio, on a vu le résultat. Rétorqua-t-elle, implacable.

Il était capable de les abandonner pour se protéger, il l’avait déjà fait. Et Athéna comprenait parfaitement cette attitude, d’autant qu’elle ne savait pas exactement par quoi il était passé. Et certaines fois, s’éloigner pour se protéger, c’était la seule chose à faire. Ceci dit, elle n’était pas là pour l’accabler non plus, alors la guerrière n’ajouta rien de plus, l’écoutant plutôt. Et si au départ elle commençait à sentir la colère la gagner en l’entendant lui dire qu’il l’aimait mais qu’il voyait quelqu’un… Heureusement, Hermès sembla se rendre compte par lui-même qu’il venait de dire un truc qui pouvait être mal interprété puisqu’il se corrigea rapidement, en faisant une nouvelle boulette. Comprenant qu’il avait du mal à avouer ce qu’il avait commencé à entreprendre pour aller mieux, la déesse prit son mal en patience, voulant qu’il en vienne au fait, sans vouloir le brusquer pour autant.

- C’est bien tu sais… D’essayer d’aller mieux…

Elle ne voulait pas revenir sur ce qu’il lui avait dit. Parce qu’Athéna ne savait pas trop où elle en était vis-à-vis de lui en réalité. La brune venait seulement de comprendre qu’elle éprouvait encore des sentiments pour lui, sans quoi elle n’aurait jamais été autant en colère contre lui. Mais dans le même temps… Recommencer à se mettre à nu, à accepter de confier son cœur comme elle l’avait fait avec lui l’année précédente… La guerrière n’était pas certaine de le vouloir. Ou de parvenir à le faire, tout simplement…

- Non. Déclara-t-elle lorsqu’il lui dit qu’il voulait continuer. On ne continuera pas. Je ne supporterais pas cette relation comme elle était… Par contre, essayer d’avoir une nouvelle relation… Je ne sais pas où ça nous mènera, mais ça, je… Je veux bien essayer…

Elle ne lui dirait pas qu’elle l’aimait. Pas maintenant. Déjà parce qu’elle n’arrivait pas à faire le tri dans ses propres sentiments, mais aussi parce qu’elle ne croyait plus aux mots. Le dire, c’était facile au fond. Le montrer, c’était autre chose. Et là, Athéna allait avoir besoin qu’il le lui prouve, qu’il lui prouve aussi qu’il ne la laisserait pas cette fois.

- On a un temps limité pour réessayer alors ! Plaisanta-t-elle, appréciant sa tentative pour alléger un peu cette atmosphère entre eux.

Recommencer, repartir à zéro, elle pouvait l’envisager mais ils allaient avoir un long chemin à parcourir. Et au fond, si elle faisait un peu plus attention à ce qu’elle ressentait, Athéna aurait compris que cette perspective lui plaisait bien.

Quand elle parla de Rio, je ne pus que baisser les yeux. J’avais encore honte. J’étais quelqu’un qui tient toujours ces promesses, en théorie, mais cette fois-ci, je ne l’avais pas tenue. Les joues un peu rouge, je contemplais le sol dans un long silence de marbre. Je n’avais pas vraiment envie d’en rajouter. Je relevais cependant la tête.

« Ouais c’est bien. Mais c’est difficile. J’ai peur d’essayer de perdre du temps là dedans. Enfin bref. »

Bref, j’avais plus envie d’en parler. Quand j’avais plus envie de parler d’un sujet, j’utilisais toujours le mot bref. Ca coupait un peu court à la conversation. Je n’avais pas envie de parler des longues séances chez ma thérapeute, qui d’ailleurs n’était pas vraiment une thérapeute. Mais… Peut on juger la valeur de quelqu’un à ses diplomes ? Ou a ses compétences ?

« On ne continuera pas. »

Blême ; j’attendis qu’elle poursuive, et j’en fus assez soulagé. L’espace d’un instant je repris des couleurs. Puis, comme un enfant, je me laissais aller à la contempler. Essayer de voir ce qu’elle pensait, ce qu’elle ressentait. Est-ce qu’elle m’aimait encore ? Est-ce qu’elle avait encore de l’affection pour moi ?
Certainement. Mais je n’arrivais pas à savoir si c’était de l’affection purement amicale, ou autre chose. Je n’avais jamais été très doué là dedans. Je continuais de la regarder à l’en faire rougir, les sourcils froncés. Qu’est ce qu’elle avait de plus que les autres ? Est-ce que c’était sa façon d’être, sa façon de sourire…

« On peut essayer une nouvelle relation, oui. »

J’avais juste répété ce qu’elle avait dit. Je ne comprenais pas ce qu’elle entendait par nouvelle relation. J’arrêtais de froncer les sourcils, car je savais que ça me donnait un petit air plus stupide que d’habitude. Elle voulait quoi en fait ? Qu’on recommence, qu’on fasse semblant que rien ne s’était passé ? Qu’on reparte à zéro ? Déjà, elle me parlait et elle me souriait. J’avais fait un grand pas en avant. Qu’est ce que je pouvais bien faire de plus pour avancer ?

« Tu es très belle. »

J’avais dit ça comme ça. Comme une affirmation. Bien sur qu’elle était belle, et bien sur qu’elle le savait. Mais… J’avais juste envie de lui dire, comme ça. Je comprenais maintenant ce qui me plaisait chez la déesse de la guerre et de la sagesse. C’était la douceur avec laquelle elle me parlait. C’était réconfortant.

« C’est un bon début. Te dire que tu es belle. Hm. Tu fais quelque chose cette semaine ? »

Je passais ma main derrière la tête. J’avais l’impression de pas m’y prendre correctement. En même temps, j’avais toujours été maladroit avec les femmes. Je savais que je ressemblais à un adolescent. Aussi, je décidais de continuer à être moi même. Après tout c’était ce qu’elle aimait non ?

« Genre, on peut aller au restaurant. Ou au cinéma. C’est bien ça. Sortir. Comme ça. Entre euh. Entre amis. »

J’avais bien envie de l’embrasser, mais je me retenais. J’en avais assez fait, et j’étais toujours pas à l’abri d’une autre gifle.

Oui, la déesse voulait bien croire que c'était compliqué de parler de suivre une thérapie quand on avait du mal à voir ce que cela pourrait nous apporter. Elle-même n'en avait jamais fait, mais Athéna voulait bien croire que c'était une démarche compliquée à mettre en place puis à assumer. Aussi la guerrière ne chercha-t-elle pas à en savoir plus, acceptant le point final qu'avait mis Hermès sur cette discussion. Du moins pour le moment. Sans doute pourraient-ils y revenir plus tard, quand ils auraient avancé dans leur relation...

Parce que c'était bien ce qu'Athéna avait accepté. Lui donner une nouvelle chance. Elle ne voulait pas reprendre leur histoire là où celle-ci s'était arrêtée et elle ne voulait pas non plus l'oublier. C'était compliqué... Elle soupira un peu en voyant l'air peiné d'Hermès. S'il voulait bien l'écouter jusqu'au bout aussi celui-là, peut-être qu'il se ferait moins d'idées et qu'il aurait moins peur de se prendre une veste ! Ce côté qu'il avait parfois de sauter trop vite aux conclusions l'agaçait mais bon, il était comme ça hein...

- On peut essayer de... De tourner la page. D'avancer ensemble sans trop s'appesantir sur le passé, mais sans l'oublier non plus pour ne pas commettre de nouveau les mêmes erreurs... Essaya-t-elle d'expliquer.

Mais voilà, c'était d'un compliqué ! Athéna était prête à faire machine arrière, à revenir sur ses paroles et à continuer son existence solitaire. Elle aurait pu oui. Mais alors Hermès fit du Hermès : comme ça, tout simplement, il lui balança qu'il la trouvait belle. Et la brune le regarda, surprise de ces paroles qui tombaient comme un cheveu sur la soupe mais ravie du compliment. Ceci dit, elle ne savait pas trop comment réagir à cela, lui qui ne lui en faisait pas avant, il venait peut-être de mettre en place la première page de leur nouvelle histoire ?

- Merci... Répondit-elle doucement, un léger rouge sur les joues.

Effectivement, c'était un bon début. Et même si Athéna se sentait un peu idiote, elle commençait aussi à comprendre l'expression "être comme une lycéenne", parce que c'était un peu ce qu'elle ressentait là, avec cette sentation de plaisir mêlée de gêne. Vraiment, il n'y avait qu'Hermès pour la mettre dans cet état !

- Oui je suis disponible. Acquiesça-t-elle. Libre, pas vraiment je crois. Plaisanta-t-elle.

Après tout, à partir de cet instant, elle n'était pas vraiment libre n'est-ce pas ? Elle était même prise dans ce début de nouvelle relation. Début qui lui plaisait pas mal.

- Avec plaisir. Un restaurant ça serait bien. Accepta-t-elle avant de reprendre. Amis ? Seulement ?

Elle savait ce qu'elle voulait. Il n'était pas question de jouer à un jeu du chat et de la souris, elle avait déjà donné. Athéna voulait que les choses soient claires entre eux dès à présent : soit ils étaient de simples amis, soit ils étaient plus que ça et il faudrait le dire à haute voix, le nommer pour rendre cet état réel. Et comme la déesse avait un peu peur qu'il se conduise comme un gosse, elle voulait l'entendre dire à haute voix qu'ils étaient un couple. Pour être certaine qu'il s'en rendait autant compte qu'elle-même...

Je clignotais des yeux. J’avais absolument rien compris à sa phrase. Elle parlait de continuer, sans continuer. De faire des erreurs, mais de pas les faire quand même, ou quelque chose du genre. Je l’observais attentif. De toute façon quoi qu’elle décide, j’étais à sa merci.

« Bien sûr que non. »

Je ne voulais pas qu’on soit amis. J’en avais pas, qui plus est. Je ne voulais pas de ça avec elle en plus. Je restais un moment à réfléchir à ce que j’allais dire, puis, prenant mon courage à deux mains, je me redressais.

« Comme un couple. Comme des gens qui s’aiment, et qui passent du temps ensemble pour être heureux. »

Ca c’était bien. J’aimais bien quand j’étais comme ça. Je me surprenais aussi à moi même. Je ne savais pas ce que les autres allaient penser de ma relation avec Athéna, surtout ma sœur Héra, mais… en fait je m’en foutais. Au final, j’avais toujours fait ce dont j’avais envie et c’est comme ça que j’avais toujours survécu. J’allais m’avancer pour m’embrasser, mais je me reculais. Il fallait que je le mérite !

« Disons, demain 20h, devant euh… Le restaurant de ton choix. C’est bien ça. »

Je reculais, parce que j’avais envie de plus, mais que c’était hors de question de brûler les étapes. Désormais, je devais ça correctement, et dans les règles de l’art. Mais…

« Et on devrait habiter ensemble. »

BAM. C’était sorti comme ça. Ca, c’était brûler des étapes. Mais je m’en moquais. J’avais envie de ça, je le prenais, j’étais comme ça. Enfin, là en l’occurrence je demandais. Je regardais Athéna droit dans les yeux, et je finis par me calmer. Car j’étais très stressé de sa réponse.

« J’en ai marre de vivre seul. Plus je suis seul, plus je fais n’importe quoi. Je suis pas fait pour ça. Je suis sur que ça se passerait bien, et si ça ne marche pas, on revient chacun chez soit. »

Je regardais un point derrière elle, car je n’osais pas la regarder les yeux de peur d’être déçu de sa réponse. Finalement, je trouvais le courage de lui dire :

« Tu sais quoi, j’attends pas de réponse tout de suite. Réfléchis-y et on en reparle demain. Normalement, on devrait avoir encore pas mal de temps devant nous, et je suis bien à un jour prêt. »

Puis, finalement, je rompais enfin l’espace qui nous séparait, et je lui déposais un tout petit baiser sur les lèvres, les joues un peu roses. Qu’est ce que ça m’avait manqué.

« Voilà ! A demain ! »

Blop. J’avais disparu.

Des fois Athéna avait envie de taper les gens, rien que parce qu’ils ne suivaient pas ce qu’elle disait. C’était frustrant ce genre de situation ! Quand on a du mal à s’exprimer, à mettre son idée en mots, on compte sur les gens autour pour suivre l’idée et la comprendre. Merde quoi ! Mais non, il fallait que Môsieur Hermès n’ait pas la lumière à tous les étages aujourd’hui ! Elle avait peut-être cogné trop fort… C’était sans doute ça. Alors dans le doute, la brune prit sur elle et tâcha de mieux s’expliquer, pour que de toute façon, au final, il fasse ce qu’elle souhaitait. Mouais… Pas cool ça. La déesse voulait essayer de repartir du bon pied, pas qu’il s’aplatisse pour lui faire plaisir…

- Ok… Ça me va bien. Dit-elle en souriant.

Ça lui allait plus que bien en fait. Visiblement, cette espèce de thérapie faisait quand même son petit effet sur le dieu en face d’elle. C’était une bonne chose à son humble avis. C’était bien qu’Hermès ait le courage de se faire aider, parce que sa situation n’était pas simple et que la famille divine n’avait pas franchement été au top en voulant à ce point l’assimiler à l’un des leurs. Il l’était sans l’être totalement et personne n’avait pris cela en compte. Ce qui avait conduit à tout ce qu’il avait traversé, du moins en partie.

- Ça marche, je choisis le resto et je te tiendrais au courant. Acquiesça-t-elle.

Tout ceci partait bien. Athéna ne pouvait s’empêcher de se le dire, même si elle savait que c’était stupide de comparer. Il faisait des efforts, à elle d’en faire également en ne revenant pas sur le passé. Ardu mais pas impossible. D’autant qu’Hermès avait l’air de vouloir y aller par étape, ce qui convenait à la guerrière.

Ou pas. Le con.

- Ouais… Bah ça…

Athéna n’eut pas franchement le temps de développer sa pensée que le petit con s’était déjà barré après l’avoir rapidement embrassé. La brune resta comme une idiote au milieu de la salle bien abimée, essayant de comprendre comment les choses avaient pu aller aussi vite et dans cette direction étrange… Finalement, elle soupira, remit la salle en état un revers de main et sortit, avertissant ainsi les gardes qu’ils pouvaient revenir s’entraîner comme ils le souhaitaient. Pensive, la guerrière se dirigea vers sa chambre, songeant à ce choix de restaurant qui tout d’un coup semblait plus primordial que tout le reste autour d’elle.