« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
Les sirènes … ou belles et innocentes comme Ariel ou Marina, ou affreuses et démoniaques comme Ulysse … en réalité, elles étaient les deux. Un mélange parfait entre la haine profonde et l’amour d’un autre monde … Qui pouvait dire alors qu’elle n’était réellement pas en train d’entendre les pensées de l’homme qu’elle venait d’embrasser ? Peut être l’avait elle ensorcelé ? Non. Malheureusement Nérina n’y avait pas pensé avant qu’il ne soit trop tard …. Dommage. Elle doutait maintenant que l’homme la laisse approcher à nouveau pour l’ensorceler cette fois … Mince. Nérina planta ses yeux dans l’homme … tous les hommes étaient ils donc des abrutis ? Les gardiens ne devraient ils pas avoir plus de cervelle qu’une mouette ? Elle ne doutait pas que Horace, une mouette qu’elle avait connu, serait plus malin que lui dans tous les domaines. Au moins, Horace était vivant, quand elle ne sentait de l’homme qu’une coquille de Bernard l’hermite vide. Elle eu un rire mauvais.
- je me sallis les mains, et je suis comme eux. Sauf que je tue les enfoirés. Si un homme tue un meurtrier, le nombre de meurtrier reste au même … si une femme en tue 10, alors il y en 9 de moins, fais le calcul.
Ce n’était qu’un calcul bête. Elle se fichait d’être comme les connards. Elle elle ne torurait pas, elle tuait. Elle ne faisait pas souffrir, et elle donnait toujours la chance de vivre … au moins un peu …. Pas longtemps certes, mais un peu. La plupart des hommes ne méritait même pas ce qu’elle offrait …
- Pour celle qui a vengé Marina. Mon peuple sait que je suis là, et ce que je fais depuis des siècles, et aucun n’est venu me dissuader après que Triton m’aie laissé partir. Tu ne connais rien de la manière de pensée de mon peuple, alors ne parle pas de lui. Et je ne rentrerais pas.
Encore moins maintenant qu’elle savait que des perdus étaient torturés ailleurs …. Il manquerait plus que ça ! L’eau dans les vases se mit à bouillir alors que Nérina avait eu la chance d’entendre ses paroles.
- Le passage ne se fermera pas, si le gardien qui le possède aurait fait son travail ! Tu crois que les passages sont justes des trous à combler ? Ils sont utiles. L’eau de notre monde passe par le passage pour purifer celui-ci. Les passages ont toujours été utiles, et c’est pas parce que ta race à décidé que ce monde devait être fermé aux créatures magiques que c’est ce qui serait le mieux pour nous.
Il prit les devants … et maintenant il faisait le petit chef avec elle ? Non mais … sa sœur se leva pour prendre les vêtements et les retourner en essayant de comprendre comment ça pouvait se mettre … Elle sentait la tension dans la pièce et s’approcha doucement de Nérima….
- Je ne sais pas mettre ça ….
Nérina se mit à a sa hauteur et fit passer la tête de l’enfant dans le t-shirt bien trop long pour elle… Elle se mit tout de suite à tirer sur le col, comme si elle allait finir étrangler… Nérina connaissait ça, elle avait eu le même problème au tout début…. Pendant ce temps d’autres éclats de voix se firent entendre.
- Donc ce n’est pas qu’avec moi que tu es insupportable ? Les perdus se cachent depuis longtemps, si des hommes les ont trouvés, ils doivent aussi savoir se cacher, je ne le savais pas non plus.
Et pourtant elle avait retrouvé des centaures, et autres créatures … personne ne lui avait dit ce genre de chose … Elle ne mettait cependant pas en doute les devins de la mer, ni même les paroles de sa sœur … Nérina posa les yeux sur sa sœur.
- On sait juste qu’ils ont trouvés un artefact qui pourrait le faire. Selon ce que mon père m’en a dit, s’ils trouvent le sang de chaque créature ainée, et le plus fort possible, alors ils pourront ouvrir un autre passage avec. - J’imagine qu’on ne sait pas ce qui leur manque ? - Non.
Elle fit une moue concentrée alors qu’elle posa à nouveau les yeux sur James à nouveau…
- Vous avez de l’argent ? Parce qu’on en aura besoin. On doit aller voir les colonnies pour enquêter, et je ne peux pas vous amener en nageant.
Le gardien eut beau écouter la sirène, il ne comprenait pas sa logique. La violence gratuite ne lui plaisait pas, la vengeance non plus. Tuer celui qui avait fait du mal à cette fameuse « Marina » ne changerait rien à sa vie. Ça ne la ramènerait pas à la vie et puisque Nérina ne s’était pas arrêtée à un seul homme, il fallait croire que ça n’avait pas, non plus, apaisé sa colère. Il n’en voyait pas l’intérêt, du coup. Même si elle ne tuait que les « connards », il n’était pas sûr de pouvoir approuver ses actions. D’ailleurs, il ne préféra pas demander sa définition d’un connard et se demanda plutôt ce qu’il serait arrivé, si un humain était allé squatter son monde pour venger un mort. Il était certain que le gars n’aurait pas fait trois pas avant de se faire défoncer par tout le monde, ce qui aurait déclenché une guerre. Et pourtant, il aurait agi exactement comme elle.
En tout cas, il n’approuvait pas sa façon de faire, mais ne dit rien. Le regard insistant d’Elena le conforta dans son idée. Nérina était persuadée d’être dans son droit. Grand bien lui fasse ! Mais si elle faisait si bien que ça, pourquoi aucun membre de son peuple n’était venu lui prêter main forte ? À deux, ils seraient allés plus vite pour exterminer ces soi-disant connards de la surface terrestre. D’ailleurs, s’il s’agissait bel et bien de la Marina à laquelle il songeait, James n’était pas certain qu’elle ait vraiment besoin d’être vengée. N’avait-elle pas elle-même sauté trop vite aux conclusions et fait quelque chose de stupide de son plein gré ? Ça non plus, il ne préféra pas le dire. De toute façon, cette histoire était vieille de trois siècles et la pauvre sirène avait bien mérité son repos.
James leva un sourcil, sans comprendre pourquoi, d’un coup, celle-ci s’énervait toute seule. Est-ce que c’était de sa faute, à lui, si les gardiens avaient cessé de s’occuper des Passages ? Il n’était même pas né, quand les premiers Passages s’étaient fermés ! Les autres avaient suivi naturellement et, petit à petit, ils s’étaient tous éteints. Il ne restait que le sien, preuve que ses ancêtres avaient tenu plus longtemps que les autres. Même si James avait pris soin de celui-ci (ce qu’il avait fait, d’ailleurs, alors il ne comprenait pas qu’elle lui pète une durite sur ça), le Passage aurait fini par se fermer. Parce qu’il n’en restait qu’un et qu’il ne pouvait pas supporter ce poids tout seul. Puis, ainsi, ils empêchaient aux humains de passer de l’autre côté pour foutre la merde, mais non ! madame n’était toujours pas contente ! Parce que madame avait le droit de se balader dans son monde à lui pour tuer tout le monde, mais il ne voulait même pas imaginer le massacre, si un humain tentait de se promener dans son monde à elle…
Sans aucun doute, cette sirène-là devait être raciste.
Ce fut la conclusion la plus logique qui popa dans l’esprit de James. Elle n’aimait qu’elle, et un peu les siens, mais quand même moins qu’elle s’aimait elle-même. De ce fait, elle se donnait tous les droits (comme celui de lui crier dessus alors qu’il n’avait rien fait) et refusait tout le reste à tout le monde. Elle avait le droit de rester, mais pas sa sœur. Elle avait le droit de tuer des gens, mais personne n’avait le droit de tuer des créatures magiques (alors qu’elles devaient avoir leur lots de connasses aussi). Elle avait le droit de crier, mais il ne pouvait même pas la critiquer un peu. Elle avait le droit de passer, mais personne ne devait passer dans son monde. « L’eau de notre monde est trop meilleur et votre monde à vous il est tout pourri ! » Il avait l’impression d’écouter une enfant de primaire, en vérité.
James détourna son attention de la grande-sœur pour regarder Nami qui tirait sur son t-shirt (il avait d’abord détourné les yeux pour ne pas la regarder s’habiller). Il comprenait le malaise de l’adolescente et jeta même un regard à Elena, en se souvenant de combien elle avait été chiante, elle, la première fois qu’il l’avait rencontrée. Il reporta bien vite son regard sur Nami et pointa, d’un doigt, le haut de son propre col de chemise, puis descendit de quelques centimètres.
– On peut couper, si tu veux, lui proposa-t-il gentiment, en ignorant totalement Nérina.
Si ça pouvait aider la jeune sirène à se sentir plus à l’aise dans son grand t-shirt, ça ne le dérangeait pas lui, même s’il venait de comprendre qu’Elena était allée chercher des vêtements à lui. Heureusement, James n’était pas un matérialiste et s’en fichait pas mal. Tout ce qu’il voyait, c’était un bon moyen d’aider la sirène à supporter une chose qu’elle ne devait, vraisemblablement, pas connaître. Après tout, c’était bien vrai que les sirènes, même dans les légendes humaines, n’étaient pas connues pour porter des vêtements.
James esquissa un petit sourire satisfait alors que madame-je-sais-tout-mieux-que-tout-le-monde ne savait, visiblement, pas ce que venait de lui avouer sa sœur. Tiens, d’ailleurs, ce petit surnom correspondait bien à l’irascible Elena qui continuait de le fusiller du regard. Un jour, il aurait la paix et ce jour-là, James pourrait enfin souffler. Le paradis, sans le moindre doute. Même si pour ça, il devait crever. Quoi que… Il jeta un coup d’œil à Elena et se demanda s’il ne devrait pas la supporter encore, même après la mort. Une pensée qui lui arracha un vilain frisson. Quelle horreur !
En plus de l’insulter, d’entrer chez lui par effraction et de l’agresser, Nérina se permettait, maintenant, de lui demander son argent. James haussa les deux sourcils. Que voulait-elle en faire, de son argent ? Ce n’était même plus à lui depuis longtemps. C’était Elena qui s’occupait de tout, lui il se contentait de survivre le temps qui lui restait. Le reste, il s’en fichait éperdument. Même cette baraque n’était plus à son nom. Mais si elle voulait juste un bateau, il y en avait un, caché dans une grotte semi-immergée, reliée à la maison par un passage souterrain. Si elle voulait un avion, un jet privé les attendait à l’aérodrome le plus proche. Pour les voitures… celle d’Elena était en meilleure état que celle de James, mais il n’était pas sûr qu’elle accepte de la prêter. Elle aussi, c’était une grosse égoïste ! L’alter-ego de Nérina, il fallait croire…
– Tu es une aînée, non ? T’es sûre que c’est bien indiqué, de te jeter dans la gueule de ceux qui veulent du sang d’aîné pour faire… va savoir quoi !
Il n’était pas à l’aise avec cette information. James n’était plus aussi rapide qu’avant, ni réactif. Il savait qu’il aurait du mal à protéger les deux sirènes et Elena, s’ils se faisaient attaquer. Pourtant, il savait aussi que ça ne servait à rien de leur proposer de rester en sécurité, dans la maison. Aucune des trois ne l’écouteraient. Toutes plus têtues les unes que les autres ! Il se demandait laquelle, de Nérina et Elena, obtenait la palme d’or… Sans doute Elena qui n’avait jamais perdu l’espoir de réveiller James, même après tant d’années à le secouer sans succès…
– Si tu veux un bateau, on a un hors-bord, pas besoin d’argent.
Le gardien s’éloigna des deux sirènes pour disparaître dans l’entrée et revenir avec un jeu de clés. Malheureusement, ce serait à lui de conduire, parce qu’Elena n’avait jamais voulu essayer, peu à l’aise en mer, alors qu’elle faisait des prouesses de conduite sur Terre. Oh, il savait très bien pourquoi, mais ça l’emmerdait quand même. Il aurait préféré se tourner les pouces sur un siège en attendant qu’on l’amène dans les fameuses colonies et que Nérina se démerde pour obtenir des informations. De toute façon, s’ils étaient tous comme elle, personne ne voudrait lui parler à lui, alors à quoi bon essayer ? Il savait bien que toutes les créatures n’étaient pas aussi chiantes que les trois femmes devant lui, mais il doutait qu’elle les emmène dans une colonie de fées en pleine mer.
– Prends ton ordi, Elena, on va en avoir besoin. (Il reporta son regard sur Nérina.) S’ils sont capables de se cacher en kidnappant des perdus, alors je mise sur une grosse entreprise un peu louche, avec des investissements suspects. Ce sera pas compliqué à trouver, même si ce n’est qu’une couverture, au moins on aura un nom pour commencer les recherches.
James soupira en s’imaginant déjà devoir revêtir le costume de PDG d’une grande entreprise, pour aller espionner le fameux suspect qu’ils trouveront sans mal, il en est persuadé. Vu l’ampleur de son « empire », il y a peu de choses qui peuvent se faire, dans ce pays, sans qu’il ne soit mis au courant. Le plus dur sera de trouver un moyen de leur faire cracher leurs intentions et de les empêcher d’agir.
– C’est par là, indiqua-t-il, en pointant une porte, dans un coin, qui débouchait sur un escalier.
Il leur suffirait de descendre, de marcher un peu et ils débouleraient dans une grotte semi-immergée, affublée d’un ponton et d’un magnifique hors-bord luxueux. Un gros engin très rapide qui avait appartenu au père de James et que James n’aimait pas plus que tout le reste. Les mains fermées sur les clés du bateau, il échangea un regard entendu avec Elena, qui se caressait le cou, pensivement, en suivant une ligne quasi-invisible, en travers de sa gorge. Il se détourna aussitôt d’elle, alors qu’elle partait de la pièce, et dévora les quelques mètres entre la porte et lui. Il l’ouvrit sur l’escalier sombre qui descendait sous la maison et alluma les quelques ampoules qui perçaient, à peine, les ténèbres du tunnel. Il n’avait pas besoin de plus, il connaissait le chemin.
– Est-ce que tu peux marcher, maintenant ? demanda-t-il, en se tournant vers Nami, croisant les doigts pour ne pas avoir à la porter ou sa sœur lui arracherait la tête.
En attendant, Elena revint, un ordinateur portable sous le bras, et un foulard rouge autour du cou. Bien, tout le monde était prêt, il ne manquait plus que les deux sirènes.
Nérina pouvait voir l’impatience dans sa respiration … aller taper dans du débile ça elle connaissait … devoir supporter un pénible … un peu moins … elle était plus vieille que ce qu’on ne laisse présager … Elle le savait … mais … elle était aussi une jeune adulte sirène… et ça le monde des humains n’avait rien changer à cela. Elle était clairement raciste face aux hommes de ce monde … la différence non négligeable était que dans son monde, les méchants étaient tués plus rapidement que ce que l’homme pouvait pensé. La seule guerre que le roi tritons prépare était avec les humains. La peut d’un vieil légende ? Peut être. Mais si l’homme l’ignorait, Nérina n’en était pas moins désintéressé aussi … mais quand il parla à sa soeur, elle eu un sourire.
C’était pas un connard ce type là. Un peu chiant, mais pas un connard… Elle l’observa alors que Nani fit un petit oui de la tête. Elle se laissera bien vivre sans vêtement si elle ne savait pas que ça ne se faisait pas. Nérina écouta l’homme.
- Je suis une ainée. Oui. Mais je ne peux pas laisser les choses se faire. Je peux aider, je connais mieux les pouvoirs des sirènes dans ce monde que ma soeur. Je peux aider….
Elle voulait aider, elle était là depuis si longtemps … Elle était là depuis des siècles … mais elle n’avait aidé personne … elle n’avait pas fait de bien autour d’elle … pas qu’elle le sache en tout cas. Elle fit un signe de la tête pour dire qu’elle était satisfaite de cette information.
- Si on peut tous l’utiliser alors allons y.
Aucune idée de ce qu’était n hors-bord … elle nageait toujours pour se déplacer et n’avait pas prit le temps de définir les différents bateaux qui passaient sur l’eau … elle s’en fichait tout simplement. Elle observait la Elena dans un sourire compatissant. Elle venait et faisait la fière maisi Nérina était aussi seule depuis des années.
- Je pense que c’est une bonne idée en effet.
Si elle pouvait être infecte sans raison .. elle pouvait aussi être un ange … et avec raison… Juste qu’elle n’aurai pas du tout penser à regarder sur internet pour des transactions … a dire vrai, elle avait beaucoup de mal avec la technologie … alors elle était contente que l’homme prenne les devant sur ce plan là. Elle le suivit alors avec une bonne impression. Et tant pis si ce n’état qu’elle qui l’avait. Sa soeur lui prit la main et elle se releva.
- Je vais réussir. Promis.
Elle essaya … mais tomba un peu avant que sa soeur ne mets son bras sous elle. Elle ne dirait rien si l’homme venait à porter sa soeur …Mais elle voulait être sur que sa soeur le veuille… Elle baissa la tête se calma de la tornade qui faisait rage en elle … :copyright: 2981 12289 0
Jusque là, James avait eu l’impression que la situation lui glissait entre les doigts, un peu comme l’eau que ces chères sirènes affectionnaient tant. À ceci près qu’il ne cherchait même pas à refermer les mains dessus. Il laissait les choses se faire et la mer le trimballer d’un côté et de l’autre sans trop s’en défendre. Si ça amusait Nérina de lui parler comme à un chien, il n’allait pas l’en empêcher. Ce genre de choses lui passaient clairement au-dessus de la tête. Il n’était qu’un homme, de toute façon, et un homme voué à une mort précoce, qui plus est. Alors, même si elle l’insultait un peu, qu’est-ce que ça pouvait changer à sa vie ? Absolument rien, c’était certain.
Pourtant, les choses lui parurent, soudain, plus palpables. Il était prêt à croire qu’il lui suffirait de refermer les doigts pour reprendre le contrôle. Ce qu’il ne fit pas vraiment. James donna son avis, proposa son aide, un moyen de locomotion, un outil indispensable pour trouver leur ennemi, mais il ne prit pas vraiment les rênes de leur… aventure ? Il se contenta d’énoncer des faits, mais il n’obligeait personne à faire ce qu’il disait. Si Elena ne voulait pas prendre son ordinateur portable, grand bien lui fasse ! Si les sirènes préféraient partir à la nage, soit ! Et si toutes ces petites bonnes femmes décidaient, enfin, de lui foutre la paix, tant mieux !
Ce qui ne l’empêchait pas, pourtant, de s’inquiéter du confort de Nami, de lui proposer de couper son t-shirt et de l’aider à marcher jusqu’au bateau. Il ne pouvait pas imaginer le malaise de la jeune blonde, maintenant qu’elle devait gérer deux jambes à la place de sa queue de sirène. Assurément, il ne s’attendait pas à ce qu’elle maîtrise « l’art » de marcher aussi vite. Les sirènes étaient sûrement meilleures que les humains (histoire de ne pas froisser Nérina), mais un bébé mettait bien un an avant de se mettre debout et pouvoir trottiner, alors une heure ne suffirait pas à la gamine. Il essaya bien de se convaincre qu’il n’aurait pas besoin de la portée, parce qu’il n’avait pas envie de se faire étriper par une cinglée, mais l’évidence était là et aucun argument n’aurait pu l’effacer.
Chaque chose en son temps, se dit-il, après avoir ouvert la porte et allumé le couloir souterrain. D’abord, il s’empara d’une paire de ciseaux, dans la table basse, et approcha doucement de la sirène. Il l’aurait bien laissée faire elle-même, mais il ne voulait pas qu’elle se loupe et se fasse du mal. Alors, avant que Nérina n’ait le temps de réagir, il tira sur le col de Nami, glissa les ciseaux le long de tissu et coupa. Ce qui ne dura qu’une poignée de secondes et libéra la jeune sirène de la sensation désagréable qu’elle éprouvait, à cause de ce col. Un malaise que James pouvait comprendre. Devoir se forcer à porter une cravate pour se donner l’air d’un PDG le soûlait au plus haut point. Il préférait, de loin, être comme maintenant : la chemise ouverte d’un ou deux boutons, et aucun bout de tissu pour lui serrer la trachée.
– Tu peux t’appuyer sur moi, si tu veux. Je resterai juste devant toi, dit-il à Nami, après l’avoir vue trébucher et être rattrapée par sa sœur.
Le bras de Nérina suffirait, en partie, à stabiliser la sirène, mais au cas où, James préféra rester à portée. Il n’avait peut-être pas grand-chose pour lui, mais il pouvait gérer ça. Puis, de cette façon, il laissait le choix à Nami et ne la forçait pas à le toucher si elle n’en avait pas envie. Ce qui lui allait parfaitement à lui aussi. Moins il fréquentait la gamine, mieux il se portait ! Ou quelque chose comme ça, ce qui cachait bien mal le fait qu’il n’ait jamais eu l’habitude de côtoyer des enfants.
– Ne force pas, si tu ne le sens pas, ajouta-t-il. Tu n’as rien à prouver à personne.
James se retourna vers la porte pour constater qu’Elena les attendait déjà en bas de l’escalier, son ordinateur portable coincé sous le bras. À l’instant où leurs regards se croisèrent, elle tourna les talons et disparut dans le couloir. Le Gardien fit un premier pas, s’assura que les deux blondes le suivaient bien et entama la descente de l’escalier, en prenant son temps. À l’affût des bruits de pas, derrière lui, James calqua le rythme de sa marche sur celui de Nérina et Nami, afin de rester, constamment, à portée de main et de voix, aussi, si jamais Nérina se sentait l’envie soudaine de lui hurler dessus à nouveau…
Il devait, tout de même, bien avouer que la sirène semblait s’être calmée. Il ne savait pas pourquoi, mais elle était plus posée et avait même accepté ce qu’il disait sans trop se défendre ou lui rappeler à quel point il n’était qu’un insignifiant petit humain qui allait bientôt mourir. Bon, elle ne lui avait pas dit exactement ça, d’accord, mais c’était à peu près en ces termes qu’il avait compris ses mots. Face à la Nérina calme, James était un peu perdu. Il s’était déjà habitué à son caractère de feu qui lui rappelait Elena plus jeune et contre lequel il savait, à peu près, déjà comment réagir. Contre la Nérina qui lui disait qu’il avait « une bonne idée » en revanche… James donnait sa langue au chat.
Après quelques minutes de marche dans un couloir sombre taillé à même la roche, ils débouchèrent dans une caverne semi-immergée, éclairée par la lumière du soleil qui entrait par la gueule de la grotte. La roche humide s’élevait très haut au-dessus de leur tête. La forme arrondie aurait presque été parfaite si elle n’était pas parsemée de stalactites, de bosses et de crevasses lissées par l’eau salée. Devant eux, le sol rocailleux laissa place à un ponton en bois qui courait sur une dizaine de mètres et permettait l’arrimage d’un gros hors-bord luxueux qui n’avait plus été sorti de là depuis… Il ne préféra pas y penser, pour ne pas avoir à se demander si le moteur accepterait, ou non, de démarrer.
Elena les attendait au pied de la planche qui leur permettrait de monter à bord sans avoir à jouer aux acrobates. Elle tripotait le bandeau à son cou nerveusement, ce qui laissait entrevoir la profondeur de son malaise face à la bête de fer dans laquelle ils devraient tous monter pour parcourir la mer. Arrivé à sa hauteur, James la poussa un peu, d’une main dans le dos, et se plaça à côté de la planche pour indiquer aux sirènes de monter à bord. Lui, il s’occuperait des cordes et de la fameuse planche, avant de pouvoir lever l’ancre.
– J’espère que les sirènes n’ont pas le mal de mer.
Ce qui aurait dû être une blague, mais sortit de sa bouche avec plus d’appréhension que prévu. Il savait que nager et naviguer n’avaient rien à voir l’un avec l’autre. Surtout dans un hors-bord aussi puissant que celui-ci pour une première sortie en mer. Néanmoins, il n’avait rien d’autre à leur proposer et il n’avait pas vraiment, non plus, envie de s’occuper de trois malades. Elena suffisait, même si elle n’était pas mal à l’aise à ce point-là. Disons, qu’au moins, les vagues avaient tendance à lui fermer le caquet, ce qui n’était pas si mal.
Une fois tout le monde à bord, James défit les cordages, grimpa à son tour et fit glisser la planche sur le pont. Il s’engagea dans le cockpit et démarra la bête, dont les trois moteurs toussèrent avant de se sortir, enfin, de leur léthargie. Il n’avait plus qu’à manœuvrer le gros hors-bord en dehors de la caverne et de prendre la direction… aucune idée.
– Il va falloir me dire où on va, dit-il, par-dessus le ronflement des moteurs, ses yeux clairs fixés sur sa manœuvre pour le moins… délicate. Et je vous conseille de vous caler dans un coin et de ne plus bouger, le temps de prendre l’habitude de la vitesse. Je ne vais pas le pousser à fond, mais ce ne sera pas non plus une croisière. Le temps presse.
James réussit à effectuer son demi-tour et le hors-bord pointa le bout de son nez en-dehors de la caverne, à une allure modérée. Elena n’attendit pas plus longtemps pour emprunter le petit escalier, à droite du cockpit et disparaître en cabine. Ce n’était pas temps pour elle que pour préserver son ordinateur portable des potentiels projections d’eau salée.
– Vous pouvez descendre, il y a un lit et une banquette, en bas. Mais ne vous attendez pas au meilleur accueil du monde, ni à la meilleure compagnie que vous ayez connue de votre vie.
Un petit « je t’emmerde, James » réussit à grimper les marches, mais le Gardien se contenta de hausser les épaules. Il n’y a que la vérité qui blesse, non ?
Nérina avait beaucoup de défaut … mais quand quelqu’un aidait sa sœur … alors cette personne avait le droit à –un peu- de respect … après tout, elle non plus n’avait pas marcher en un jour … et si elle avait du apprendre sur le tas, ce n’était que parce qu’elle n’avait personne sur qui s’appuyait à l’époque … Elle aurait bien voulu quelqu’un qui la retienne à l’époque, qui l’empêche d’être celle qu’elle est aujourd’hui… mais il était trop tard pour penser à cela … Beaucoup trop tard…. Narina sourit pour affirmer ce que l’homme disait. Elle n’avait pas à prouver sa valeur, alors qu’elle était la seule à venir s’inquiéter pour elle…
- D’ac… d’accord.
Dit Nami en les suivant… entre les deux se sentaient elles plus à l’aise ? Oui, certainement … qui ne se sentirait pas mieux … Elle prit la main de sa sœur et celle de l’homme et essaya de calquer ses gestes sur les jambes des deux personnes. Nérina était en train de « ronger son frein » comme on dit … elle avait envie d’insulter de taper et de se débarrasser rapidement du mal … mais pour y arriver, elle devait faire confiance à l’homme qui avait l’habitude de … la recherche ? Elle n’avait jamais eu besoin de faire des recherches pour taper … et elle dormait le plus souvent « sous un pont » … ou dans l’eau sous le pont … alors elle n’avait pas de soucis à se faire… mais là … elle avait besoin d’aide….
Arriver sur le bateau, Nérina aida sa sœur à monter alors qu’elle regarda l’engin avec un sourire. C’était le genre de chose qu’elle n’utilisait pas … ou pour faire peur quelques personnes, mais ce n’était pas le moment de parler de ça. Nami arriva à proximité de James.
- c’est quoi « le mal de mer » ? C’est quand on a envie de rentrer à la maison ? Si c’est ça j’ai le graaaand mal de mer.
Pour elle la mer ne pouvait pas être mal. Nérina sourit. Elle n’avait pas le mal de mer, mais elle avait appris ce qu’était ce mal … et ça l’a faisait toujours rire. Personnellement, ça l’endormais d’être sur les vagues, pas moyen qu’elle soit malade. Mais elle savait comme James que ce n’était pas en rapport à sa condition de sirène, puisqu’elle était hors de l’eau. Nami observa tout ce que James faisait. Le moindre de ses gestes. Le mouvement, les boutons qu’il touchait. Comme une enfant, elle avait envie de toucher sur les boutons… mais préféra se « caler » contre la jambe de James pour tout voir.
- Nerina ! Tu as vu on est sur l’eau, on vole sur l’eau, et on n’est même pas en train de sauter. On vole en faite, c’est ça ? C’est un objet qui vole sur la mer ? Moi je peux rester ici ? S’il te plait ? Je peux
Nérina se mit à proximité et regarda une vieille carte qu’il y avait contre un mur. Elle toucha la carte et chercha le lieu qu’elle connaissait. Elle observait les lignes et les suivait du doigt. Elle se tourna doucement vers James.
- La topographie des océans changent souvent dans ce monde… mais je pense qu’il faut aller vers ici pour commencer avant d’en savoir plus.
Dit elle en pointant un lieu du doigt de la main… Sa sœur était trop occupé à réfléchir comment l’objet voler pour se décrocher de la jambe de James et écouter sa sœur …
Le hors-bord luxueux n’appartenait à James que parce qu’Elena refusait catégoriquement de mettre un pied dessus toute seule et qu’elle ne voulait même pas en entendre parler. Elle était la meilleure pilote de voiture qu’il connaisse, mais les vagues avaient raison du comportement ardent de sa colocataire. Évidemment, James avait songé à s’en débarrasser. Pas d’Elena – quoi que… – mais bien du hors-bord. Il s’était dit qu’il pourrait le mettre aux enchères et reverser l’argent perçu pour sa vente à une association avec laquelle son entreprise avait l’habitude de travailler. Néanmoins, pour une raison ou pour une autre, il ne l’avait pas fait. Peut-être, qu’au fond, il avait voulu garder un peu plus longtemps le sourire heureux de son père, quand il conduisait l’engin. Son père aurait été l’homme idéal pour cette situation mais, visiblement, Nérina et Nami avaient débarqué chez lui une bonne vingtaine d’années en retard.
Si le Gardien capta le sourire de Nérina à l’approche du hors-bord, il ne fit aucune remarque et se contenta de préparer le départ. Lui non plus, il n’aimait pas bien ce moyen de locomotion. Il préférait, de loin, sa vieille voiture ou, mieux encore, aller à pieds où il le pouvait. Les vagues lui faisaient peur, en vérité. Il n’aimait pas la mer et, même s’il savait nager, ne voulait plus se baigner. Rien que d’y penser lui arracha un affreux frisson qu'il tenta, tant bien que mal, de réprimer et de dissimuler. Il n’avait pas super envie d’avouer à deux sirènes qu’il n’aimait pas l’eau et qu’il était persuadé que la mer ne l’aimait pas en retour.
Quand il gagna le cockpit et mit en route la manœuvre qui leur permettrait de sortir d’ici, il entendit la question de Nami et sentit la jeune sirène qui approchait de lui. Malgré lui, James ne put s’empêcher de rire, d’un rire léger qui le décoinça un peu à l’idée de partir en mer. Inconsciemment, sa main vint ébouriffer la tignasse blonde de la sirène, geste qu’il regretta immédiatement. Il se racla la gorge et se gratta la tempe, en faisant mine de se reconcentrer sur sa manœuvre, sans oublier de répondre à la pauvre enfant qui ne comprenait pas une expression purement terrienne.
– Je n’en doute pas et ma proposition de te ramener au Passage tient toujours, Nami, si ton mal perdure. (Il lui lança un regard appuyé, mais savait pertinemment qu’elle ne partirait pas.) Le mal de mer n’est pas un mal du cœur, comme ton envie de rentrer, que l’on appelle plutôt le mal du pays, mais un mal physique. C’est ce qui empêche Elena de se sentir à l’aise sur le pont du bateau. Certaines personnes ont le mal de mer, d’autres non. (Il haussa les épaules.) C’est un peu comme une maladie, mais je te rassure, Elena ne devrait pas se mettre à vomir partout. Malgré ses airs de chien méchant, elle sait se tenir.
Quelques insultes grimpèrent le petit escalier qui menait du pont à la cabine et James esquissa un sourire. Cela ne faisait jamais de mal d’emmerder un peu sa colocataire. Depuis le temps qu’ils se connaissaient, le Gardien pouvait se le permettre sans la brusquer pour de vrai. Évidemment, il arrivait qu’ils se disputent et décident de ne plus se parler pendant quelques heures, voire même de ne plus se croiser dans la maison, mais c’était, là, le lot de toute colocation. Et il fallait dire que leurs deux caractères n’étaient pas vraiment compatibles. Elena n’avait jamais aimé le défaitisme de James alors même que sa présence chez lui était un signe de ce qu’il adviendrait de lui, dans une poignée d’années.
Au cours de sa manœuvre compliquée, James prit conscience d’une présence contre lui et comprit que Nami, comme une enfant, se tenait contre lui pour observer le moindre de ses mouvements. Il fut content de constater qu’elle ne tendait pas les doigts pour appuyer où il ne fallait pas. Il ne manquerait plus qu’elle lâche l’ancre ou fasse une chose qu’il ne fallait pas… James n’était déjà pas à l’aise sur le bateau, à devoir le manœuvrer pour sortir d’ici, il valait mieux éviter. Évidemment, il n’en restait pas moins un habile marin, élevé par son père pour suivre sa passion (ce qui avait lamentablement échoué) et il réussit parfaitement à les sortir de là.
– On ne vole pas vraiment sur l’eau, répondit-il, avec un sourire amusé. C’est, en vérité, plus comme vous, quand vous nagez, seulement le bateau le fait à la surface, plutôt que dans l’eau. Il glisse, comme le font les phoques. Viens voir.
Maintenant que le bateau sortait de la grotte, James savait qu’il pouvait le laisser quelques secondes à conduire seul, sans risquer de percuter quelqu’un ou quelque chose. Il connaissait le territoire de la maison familiale par cœur et il n’y avait rien sur plusieurs centaines de mètres. Même les intrus n’avaient pas le droit d’entrer sur ce territoire. Alors, il se décala jusqu’au bastingage et fit signe à Nami de le rejoindre en lui tendant la main. Il ne s’attendait pas forcément à ce qu’elle lui prenne les doigts, mais il lui indiquait qu’il était là, si jamais elle avait peur.
Étonnamment, la jeune blonde s’approcha et accepta la main qu’il lui tendait. James referma doucement ses doigts sur les siens et l’aida à approcher du bastingage. Il s’assura qu’elle ne se penchait pas trop par-dessus bord et lui désigna les vagues qui remontaient le long de la coque et permettaient au navire de glisser. Ils n’étaient pas encore assez loin de la grotte pour que certains animaux aquatiques s’amusent à glisser avec eux, mais il voulait seulement lui montrer le principe.
– Ne te penche pas trop et regarde, la coque glisse sur l’eau grâce à la propulsion des moteurs, comme quand tu nages avec tes écailles. Quand on sera en pleine mer, tu pourras peut-être voir quelques dauphins qui viennent s’amuser dans le sillage du hors-bord.
James vérifia que Nami se tenait bien au bord et qu’elle ne risquait pas de passer par-dessus, avant de rejoindre Nérina devant la carte et regarder le point qu’elle lui indiquait. Il décrocha la carte du mur et prit un feutre, dans un tiroir, pour faire une marque sur la vitre qui recouvrait la carte. Ainsi, il n’oublierait pas où elle lui demandait d’aller. Il en profita pour calculer la distance et pointa un autre point, sur la carte, beaucoup plus bas.
– Nous sommes ici. Il nous faudra au minimum deux heures, je pense, pour rejoindre ce point. Sans compter les possibles obstacles, sur la route. Ça devrait nous laisser le temps de faire quelques recherches avec l’ordinateur d’Elena.
Assuré de savoir où il devait aller, le Gardien reprit sa place au cockpit et se reconcentra sur la trajectoire du bateau, non sans oublier de vérifier que Nami ne faisait pas de bêtises. Heureusement, elle n’était pas très loin de lui et il pourrait, peut-être, la rattraper avant qu’il ne soit trop tard, si elle venait à basculer par-dessus bord. James profita que Nami n’écoutait pas et qu’Elena se trouvait trop loin pour se moquer de lui, pour jeter un coup d’œil à Nérina et se racler la gorge, un peu gêné.
– Je crois qu’on est partis sur une mauvaise base, tâtonna-t-il, sans trop savoir où il allait lui-même. Excuse-moi. C’est un peu… enfin… Je m’attendais pas à voir débarquer deux sirènes chez moi, en moins d’une heure. Haha. Pardon. C’est déjà pas évident tous les jours de devoir supporter l’autre, alors j’ai un peu paniqué. Ou quelque chose comme ça. Bref.
Est-ce qu’il s’enfonçait de plus en plus ? Absolument. James toussa et fuit le regard de Nérina, pour ne pas voir si elle se moquait de lui ou pas. Rien que d’imaginer le ricanement d’Elena lui suffisait.
– Tu peux m’en dire plus sur l’endroit où tu nous emmènes ? demanda-t-il, pour noyer le poisson (enfin… façon de parler). :copyright: 2981 12289 0
Bran Uaike
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Nami était heureuse de voir que tout le monde semblait « à l’aise ». Sa sœur semblait être un peu plus calme après la tempête qui avait fait rage dans son cœur, et James aussi. Les deux étaient beaucoup plus sereins, et elle se permit de sourire pour dire à James de continuer à être naturel avec elle. Nami, de son âge moindre, aimait faire sourire les gens, alors elle ne voulait pas que James se sente mal sur ses questions.
- Non merci, pour le passage. Oh. Elena a le mal de mer ? Et je peux la soigner ? Cela se soigne non ? Peut être que de … Je ne sais pas.
Elle pensait à soigner Elena d’une manière purement sirène, mais elle se rappela qu’ici les gens ne pouvaient pas rester dans l’eau très longtemps … Elena risquerait de se sentir encore plus mal. Nami ne pouvait pas penser que la mer pourrait tuer en revanche, elle ne connaissait pas encore le principe de la noyade. A l’explication de l’homme pour « comment voler sur l’eau » nami sautillait presque de joie. Trop heureuse d’apprendre quelque chose qu’elle ne sait pas sur la mer. L’enfant écoutait, et observait, de toutes ses oreilles. Pas se pencher, regarder la coque qui vogue. L’eau bleue qui berce le bateau. Elle fit un large sourire et se tient à ce qu’elle pu. Ne se penchant pas, mais reste obnubilé par la trainée que laisse leur objet nageant sur l’eau.
Nérina, elle, n’avait pas bougé de la carte pendant toute cette histoire. Nami était une grande fille, et elle ne sentait pas en l’homme un danger imminent pour elle. Nérina hocha la tête quand il parla de deux heures. Elle ne dit pas ce qu’elle pensait de la rapidité de cet engin à la place de sa queue de sirène. Depuis le temps, elle avait appris à nager avec ses pieds, mais sa nageoire lui manquait. Il lui fallait beaucoup d’énergie pour se transformer ici, et elle n’avait aucune envie de dépenser cela pour aller plus vite.
- D’accord.
Fut le mot qui accompagna son mouvement alors qu’elle essayait d’imaginer l’avenir. Elle voulait se dire que cette histoire allait se finir très vite, et tout le monde rentrerait chez soi… Sauf elle, très vite. Mais une intuition lui disait que non. Qu’elle devait comptait sur James pour ça, et que ça sera pénible pour eux, comme pour d’autres. Tout comme Nami un peu avant, elle se perdit un instant dans la contemplation de l’eau avant qu’un raclement de gorge ne la ramène sur « Terre ».
Sa première phrase la surpris. Et elle écouta avec attention la suite. Si elle pouvait comprendre que l’apparition de deux sirènes déroutent … Elle avait aussi un peu de mal à comprendre la relation entre Elena, dit l’autre dans cette phrase, et James. Elle fronça les sourcils. Plus occupé à comprendre qu’à rire.
- Je peux comprendre. De ce que j’ai compris, tu n’es pas le genre de gardien à être habitué à des créatures, n’est ce pas ? Je m’excuse aussi. J’ai tellement l’habitude d’être seule que j’ai mis ma sociabilité dans la soute.
Elle se déplaça et se mit un peu sur le côté de James. Là où elle ne dérange pas. Mais assez pour que chacun puisse voir le visage de l’autre. Elle observa la direction vers laquelle se trouver Elena. Elle serait vraiment curieuse de tout savoir ce qui se passe entre eux. Ce n’était pas son problème, mais dans un sens, elle comprendrait qu’Elena soit sous le charme de James, même s’il avait un caractère de cochon, et elle aussi. Ce n’était pas le propos, et Nérina tourna les yeux vers la croix.
- Des perdus. La dernière fois, je nageais vers ce lieu et j’ai été attaqué par différentes espèces. Tous protéger une petite île. Ils n’étaient que quelques centaures et fées, ainsi qu’une famille de selkie, mais je pense que si on peut les retrouver, ils pourront peut être nous aider. C’est … une idée.
Elle ne savait pas où exactement, et elle ne savait même pas si depuis le temps, tout le monde n’était pas parti. Elle ne dit pas entièrement la vérité à l’homme. Elle ne nageait pas à cette époque. Elle avait été attaquée par un homme cherchant « Moby Dick », et elle avait été blessé grièvement. Sans cette île, elle serait morte à l’heure actuelle. Elle n’avait aucune envie d’étaler sa faiblesse alors que son corps portait encore des marques de cette histoire.
Un sourire en coin étira les lèvres de James, avec une pointe de tristesse qu’il ne sut pas vraiment dissimuler. Il préféra se persuader que Nami ne comprendrait pas. Ce n’était pas donné à tout le monde de déceler les moindres tressaillements sur le visage de ses interlocuteurs. Lui-même n’y arrivait pas toujours, même s’il était loin d’être nul dans le domaine. Son travail lui avait demandé de s’exercer en la matière pour déceler la moindre arnaque dans laquelle on essaierait de le pousser. Les mimiques qu’il pouvait, aisément, deviner, étaient celles d’Elena, car ils se connaissaient depuis si longtemps qu’ils n’avaient plus vraiment de secrets l’un pour l’autre. Ce qui n’était pas forcément pour lui plaire, mais bon.
– Non, tu ne peux pas la soigner, assura-t-il, à Nami. Imagine ce que ce serait, pour toi, de rester à jamais sur terre, sans pouvoir retourner à la mer. Elena est une terrienne. De nature, elle est incompatible avec la mer. Ou quelque chose comme ça.
James lui fit un clin d’œil complice, avant de l’abandonner au bord du bastingage. Il n’était pas sûr que son explication aide Nami à comprendre le mal de mer que subissait Elena, mais si ça pouvait éviter qu’elle n’attaque la brune avec ses pouvoirs de sirène, ce serait déjà ça de gagné. James ne voulait ni être témoin d’un drame, ni d’une déclaration de guerre ouverte entre sa colocataire et les deux sirènes. Dans le combat, il n’était pas certain de celle qui gagnerait et ne voulait, surtout pas, être pris à parti. Rien que d’imaginer les trois regards inquisiteurs posés sur lui, pour qu’il choisisse un camp, le fit frissonner.
Il préféra se concentrer sur la carte et le point noir, dessus, indiquant leur destination. Deux heures, au minimum, était sa première estimation, mais son cerveau essayait, presque de lui-même, de calculer un nouvel itinéraire, plus rapide. Il ne connaissait pas les mers et océans du monde par cœur, aussi ne pouvait-il que supposer la profondeur des eaux et la présence d’obstacles, sur la route, ce qui ne facilitait pas l’estimation. S’il supposait que rien ne se dresserait sur leur route, ils ne mettraient pas deux heures complètes, mais il préférait donner cette estimation, à Nérina, plutôt qu’une durée moins longue. Ainsi, s’ils mettaient moins de deux heures à arriver, elle ne serait pas tentée de l’étriper.
Le « d’accord » qu’elle lui donna, le fit relever les yeux de la carte et des commandes de son hors-bord. James fixa ses yeux bleus sur elle et échappa un sourire. Il n’était pas certain de comprendre tout ce qui se jouait dans l’esprit de la sirène, mais il croyait en deviner une partie. Le hors-bord était l’un des plus rapides de sa catégorie, mais James ne voulait pas, non plus, le pousser au maximum de ses capacités et savait pertinemment qu’aux yeux d’une créature marine, même sa vitesse maximale ne suffirait pas.
Il ne dit rien et profita d’une distance raisonnable, entre la grotte et le bateau, pour accélérer un peu le mouvement. Les moteurs ronflèrent à l’arrière et le hors-bord sauta, à peine, sur une mini-vague, à la surface de la mer. Par précaution, James garda un œil sur Nami et vérifia que le mouvement ne l’avait pas décollée du bastingage. Heureusement, ce ne fut pas le cas. Néanmoins, la distraction le déconcentra de sa conversation, pour le moins étrange, avec Nérina et les mots de la sirène le frappèrent sans qu’il ne s’y attende.
Sous le choc, James battit plusieurs fois des paupières et, finalement, laissa échapper un petit rire amusé, un poil stressé, tout de même. Il n’était pas certain de devoir expliquer son hilarité à la sirène, mais il sentait que ne pas le faire serait une grossière erreur qui mettrait à mal leurs derniers efforts pour s’entendre. Ses yeux revinrent sur elle et il comprit, alors, qu’il était né pour reconnaître les créatures, mais qu’elles n’étaient pas, forcément, capables de se reconnaître entre elles. Ce qui ne l’étonna pas, en vérité, car la seule chose qui différenciait Elena d’une humaine était habilement cachée à chaque seconde de la journée.
– Elena n’est pas tout à fait humaine, précisa-t-il, avec un sourire crispé. Elle a débarqué chez nous quand j’avais environ dix ans. Je ne sais plus exactement, mais ce devait être dans ces eaux-là, oui. C’est assez ironique, en soi ! (Il échappa un nouveau rire un poil gêné.) Sa présence-même est annonciatrice de mort, mais elle s’énerve que je… euh… je ne devrais peut-être pas parler d’elle à sa place.
James se racla une nouvelle fois la gorge et fit mine de se reconcentrer sur leur destination, pour s’échapper d’une conversation qui avait failli partir du mauvais sens. Ne pas parler à la place d’Elena n’était qu’une excuse pour ne pas se lancer, bêtement, sur un sujet plutôt… compliqué, entre James et Elena. La créature était étroitement liée à la mort et sa présence, auprès de James, ne faisait que rappeler, chaque jour, qu’il ne vivrait plus longtemps, mais elle n’arrivait pas à se faire à son abandon, à cette façon qu’il avait d’accepter son sort. Qu’aurait-il dû faire ? Attaquer Elena ? L’enfermer loin de lui pour se bercer d’illusions ? James n’était pas idiot. Il savait ce qui lui pendait au nez et il préférait l’accueillir sans y penser, plutôt que de le combattre inutilement.
– Des centaures sur une île ? Eh bien ! Rien ne nous empêche de tenter, de toute façon. Avec l’ordinateur, ce n’est pas comme si nous perdions notre temps à aller voir sur place. C’est une bonne idée, précisa-t-il, avec un regard furtif vers Nérina. J’espère qu’il ne leur est rien arrivé de fâcheux, en tout cas. Toute cette histoire ne me plaît pas.
Il ne doutait pas que les perdus savaient pertinemment se cacher, même sous le nez des humains, comme le faisait si bien Elena, mais il grinça, tout de même, un peu des dents à essayer d’imaginer ceux qui s’en prenaient aux créatures, pour des raisons obscures. Si Nérina avait trouvé l’île par hasard, les humains ne pouvaient-ils pas en faire de même ? Ces perdus attaquaient-ils tous ceux qui étaient témoins de leur présence en pleine mer ? Il n’aimait pas ça non plus, persuadé que les choses pouvaient se régler autrement que dans le sang.
– S’ils protègent leur île, il va nous falloir un moyen d’identification. Je ne veux pas prendre le risque qu’ils nous attaquent. (Il ne voulait, surtout, pas avoir à se défendre.) Tu veux bien prendre les commandes, cinq minutes ? Tu n’as rien à faire, je t’assure. Il faut juste s’assurer qu’il n’y a rien sur notre route. Et si tu vois un truc… tu cries ? Et pense à tirer sur cette manette, ça ralentira le bateau.
Sans attendre qu’elle lui donne son avis, James tapota gentiment l’épaule de Nérina et s’écarta des commandes pour traverser le pont. Il ouvrit un banc-coffre, à quelques pas de là, et fouilla à l’intérieur, à la recherche d’un pavillon particulier, à sortir à l’arrière du hors-bord. Il n’avait pas vérifié s’il était bien là, en embarquant, mais il ne voyait pas pourquoi il ne le serait pas. Personne ne s’amusait à déranger les affaires du hors-bord, tout comme personne ne s’amusait à monter dessus, de toute façon.
Quand il trouva enfin l’objet de son désir, un pavillon aux couleurs de son pays dans le coin duquel étaient brodés des armes croisées devant une arche, il s’approcha de la poupe et se pencha au-dessus de la mer pour trouver le point d’ancrage de son pavillon. Derrière lui, sans le savoir, Elena gravit les marches pour rejoindre le pont et s’arrêta net en l’apercevant, à l’arrière du bateau. Bien accrochée à la rambarde qui permettait de descendre en cabine, elle tourna la tête vers Nérina et siffla, les dents serrées à cause du mal de mer :
– Ne le laisse pas approcher du bord.
James tenait fermement son pavillon, dans la peur de le faire tomber à l’eau. Devant lui, l’accroche l’appelait, mais il n’arrivait pas à se résoudre à se pencher un peu plus au-dessus des remous, créés par les trois moteurs. Il savait qu’il aurait dû sortir son pavillon avant de démarrer l’engin. Il le savait, mais il ne l’avait pas fait. Maintenant, il se cramponnait à la maigre barre qui l’empêchait de passer par-dessus bord, devant les trois marches qui donnaient accès à un petit ponton pour plonger, entre les moteurs. À la prochaine vague qui remua le hors-bord, James s’accrocha plus fort et se demanda comment il allait faire, maintenant, pour se sortir de cette merde, alors que le souvenir d’autres remous, puissants, agressifs, venait titiller son esprit.
Nami regardait les vagues. Malgré ce que lui avait dit James… elle avait envie de trouver un moyen pour aider Elena, et qu’elle ne soit plus malade. Occupé à regarder les vagues et à chercher une solution, elle se désintéressait complètement de ce que pouvait dire les adultes derrière elle.
Nérina observait James elle aussi. Elle se demandait bien ce qu’il pouvait se passer dans la tête de cet homme. Une espèce bizarre qu’il était. Elle n’avait jamais trop connu les gardiens pour savoir s’il était normal, ou si, au contraire, c’était typiquement le genre de gardien qu’il y avait partout à l’époque.
- Tu peux m’en parler si tu en as envie. Je n’irais pas lui dire. Elle semble ne pas aimer les sirènes, ni l’eau. Nous sommes incompatibles pour une discussion de sirène à non humaine.
Elle était une faucheuse ? Ou une Banshee ? Ou quelque chose comme ça, qui prévient de la mort des gens… Super de prévenir la mort de quelqu’un à l’âge de 10 ans et de le laisser en vie tout ce temps. Elle devait être un peu nulle dans son travail. La sirène regarda la direction où était Elena et se dit qu’elle n’allait pas devoir lui faire confiance. Nérina ne revenait pas sur le sujet, si l’homme ne le voulait pas … mais elle ne trouvait pas cela très gentil. Elle n’aimerait pas savoir la date de sa mort, ni même avoir un rappel tous les jours qu’un jour elle allait mourir… Alors elle ne pouvait imaginer la pression de James face à Elena.
- Cette histoire ne me plait pas plus. Mais je suis contente d’avoir trouvé un allié qui ne me renvoie pas dans ma chambre.
Elle sourit. Il avait bien essayé de la renvoyer chez elle, mais il ne l’avait pas obligé. Il aurait pu décider de ne rien faire. De la laisser dans sa « merde » et de partir, ou de la faire partir. Au lieu de quoi il sortait de chez lui, même si ça l’agace et il venait l’aider. Elle observa Nami au loin. Elle espérait que tout se finirait bien, au final.
- D’identification ? J’imagine que prévenir par la mer pourrait être une idée, mais il n’y aucune certitudes que cela arrive dans leurs oreilles comme il faut. Je veux bien essayer.
Elle prit sa place… elle observa la mer depuis le poste d’observation de James juste avant … C’était étrange de voir la mer depuis cet angle. Quelque chose d’inhabituelle, mais elle sourit malgré elle. Elle ne connaissait pas tout de la mer, comme les hommes ne connaissaient pas tout de la terre… et cette pensée l’a fit sourire.
- Tirer la manette et crier, je retiens.
Elle avait bien envie d’essayer de tirer pour voir ce que ça fait, mais elle n’en fit rien. Restant stoïque face à sa nouvelle mission. Elle n’avait pas envie de passer pour la sirène nulle du bateau, et faisait donc très attention à tout. Elle eu presque de quoi sursauter quand Elena lui donna un ordre. La sirène observa James et haussa les épaules.
- S’il tombe j’irais le repêcher, il n’y a pas de risque.
Bon peut être que passer sous les hélices de ce machin ferait un peu mal… mais comme Nérina n’avait jamais voulu comprendre comme les bateaux fonctionnent elle ne pensait pas réellement au fait d’être déchiqueté dans la mer. Nami s’approcha et prit la place à côté de Nérina avant de planter ses yeux dans le sien… Nérina lâcha son observation de la mer, avant de se reculer.
- Ok Ok. Je vais l’aider.
Et elle se mit à suivre le chemin de James dans un équilibre précaire mais certains. Elle observait les vagues et bougeait en conséquence. Elle attrapa le t-shirt de James et lui sourit.
- Laisse je vais l’accrocher ton machin, si je tombe je ne risque rien moi.
Elle l’observa avant de pencher la tête sur le côté en se demandant à voix haute « pourquoi tu n’as pas demandé de l’aide ». Cette phrase n’était pas réellement pour l’homme mais elle avait le mérite de se poser dans l’esprit de la blonde.
Elena avait beau avoir passé une partie de sa vie à expliquer à James qu’elle n’était pas véritablement là pour lui indiquer qu’il allait mourir, le vieux croûton ne voulait rien entendre. Il se persuadait lui-même de ce qu’il voulait croire et ne cherchait pas à comprendre le reste. Combien de fois lui avait-elle hurlé à quel point il était idiot ? Elle avait fini par baisser les bras et le laisser croire ce qui lui plaisait. Le gardien ne vivait pas dans la peur de mourir, mais dans l’attente. Et si cette attente énervait Elena au plus haut point, elle avait décidé de ne plus rien dire.
Ce n’était, pour autant, pas une raison pour le voir passer par-dessus bord et mourir déchiqueté par les hélices des trois moteurs. Accrochée à la rambarde qui descendait dans les entrailles du hors-bord, Elena fixait Nérina, dans l’attente, elle aussi, que ses ordres soient, enfin, écoutés et exécutés. Sans son mal de mer, la brune serait elle-même allée arracher James au cul du bateau, pour lui crier, une nouvelle fois, à quel point il pouvait être con. Sérieusement. Elena n’avait jamais connu un humain plus débile que celui-ci.
Heureusement, Nami vint prendre la place de Nérina aux commandes du hors-bord et la sirène suivit le gardien jusqu’en poupe. Elena resta dans l’escalier, les yeux fixés sur le nouveau pilote, pour surveiller qu’il n’arrive rien de fâcheux. Elle ne pourrait sûrement rien faire elle-même, incapable de surmonter son mal, mais elle savait crier. Ça, oui.
De son côté, James s’accrochait toujours à la rambarde qui descendait vers la mer, entre les trois gros moteurs du hors-bord. L’accroche n’était pas loin et il pensait, sincèrement, qu’il pouvait s’en charger tout seul. Ce n’était qu’un pavillon à coincer dans l’encoche et le tour serait joué. Il avait, seulement, oublié de penser que les choses ne pouvaient jamais être simples. Si, sur le pont du bateau, le gardien n’était pas le plus à l’aise des marins, il restait calme, l’esprit clair et le pied marin. Néanmoins, devant les remous des hélices à la surface de l’eau, il n’en menait pas large.
Là où la mer n’était que vagues bleues et écume blanche, James, lui, voyait des couleurs plus sombres, des remous plus hauts encore, nourris par une mer en furie, un orage effroyable. Il se replongeait des années en arrière, si loin qu’il ne se souvenait plus, lui-même, quel âge il pouvait avoir. Ses mains étaient plus petites, ses cheveux plus foncés, ses yeux toujours aussi clairs braqués sur les éléments déchaînés. Il revoyait les vagues puissantes qui s’écrasaient contre le pont, remuaient le bateau d’un côté ou de l’autre.
Puis le vide, sous ses pieds.
Une voix le ramena au présent. Accroché à la rambarde comme si sa vie en dépendait, James sursauta, tiré de force des souvenirs qu’il ne voulait pas revivre. Il prit soudain conscience de la main qui tirait sa chemise blanche et tourna le regard vers le sourire rassurant de la sirène. Il essaya bien d’y répondre, mais ses lèvres s’étirèrent à peine, mimant une grimace crispée qui n’avait pas grand-chose à voir avec un sourire. Les mots de Nérina ne le rassurèrent pas vraiment. Il eut très envie de lui prouver par x, y et z qu’elle pouvait, elle aussi, risquer beaucoup de choses en se penchant par-dessus l’eau. Pourtant, il ne dit rien, les lèvres scellées par la peur de basculer, de plonger dans la mer et de se noyer.
En jetant un coup d’œil à la mer, James sentit le poids de l’eau contre son torse, la brûlure du sel dans sa gorge. Il prit une grande inspiration et fit un pas en arrière pour s’extirper de cette affreuse sensation. Pouvait-il se noyer rien qu’en revivant ce qu’il avait subi, autrefois, en s’enfonçant toujours plus loin dans l’océan ? Il ne voulait pas tenter l’expérience et se contenta d’un regard en arrière… ce qui eut le don de le calmer instantanément. Elena n’avait pas besoin de le regarder pour qu’il voit le feu qui s’échappait de son corps et l’envie de l’étranger elle-même qui devait bouillir en elle. Il tendit, donc, son pavillon à Nérina et lui indiqua la petite accroche.
– Je pensais que je pourrais le faire, se contenta-t-il de répondre, à sa question silencieuse, en haussant les épaules. Tu vois le truc qui dépasse, juste en bas ? Il faut que tu glisses le pavillon dedans. Avec ça, les perdus devraient savoir qui je suis. Si le symbole des gardiens a encore le moindre sens…
James n’était pas défaitiste, comme aimait si bien le dire Elena, mais réaliste. Les Passages s’étaient tous éteints, il ne restait que le sien, qui ne durerait pas éternellement. Il ne pensait pas que l’arrivée inopinée de Nami ait changé quoi que ce soit à ça. Tôt ou tard, les Passages auraient tous disparu et, avec eux, les gardiens. Alors leur symbole ne devait, franchement, plus avoir de signification aux yeux des Perdus. Et ce n’était pas lui qui allait leur en vouloir. Les gardiens avaient, visiblement, très mal fait leur travail si un groupuscule humain s’emparait des Perdus.
– Fais attention, quand même, la prévint-il, en s’emparant de son coude avec qu’elle ne tente quoi que ce soit. Si tu tombes… prie pour qu’elles te loupent.
Il désigna les trois moteurs dont les hélices immergées brassaient l’eau pour les propulser en avant. Il ne voulait pas être témoin de la découpe rapide d’une sirène, mais il ne pouvait pas, non plus, l’abandonner là à faire tout le travail pour lui. Toujours accroché à la rambarde, il resta un pied sur la première marche, prêt à bondir en avant, au moindre signe de défaillance de Nérina. Il préférait largement tenter de l’attraper si elle faisait mine de basculer, que de laisser sa survie à un coup de chance.
– Elena n’a rien contre les sirènes, dit-il, par-dessus le brouhaha des moteurs. C’est une cavalière. Elle a besoin de la terre, c’est pour ça qu’elle n’aime pas la mer. De toute façon, elle n’aime personne. (Il grimaça un peu, sans chercher à dissimuler le mensonge.) Dis-toi qu’elle est juste un peu grognon ? Ça lui passera. Je crois qu’elle s’inquiète juste un peu trop, mais elle finira par se décoincer. Pas sur ce bateau, évidemment… Et pas sur l’île, s’il y a vraiment des centaures.
Les yeux un peu écarquillés et les sourcils dressés sur le front, James prit conscience de ce qu’il venait de dire. Elena continuerait d’être insupportable, à ce rythme, sans jamais montrer qu’elle pouvait, parfois, être sympa. Un peu. À peine. Juste assez pour oublier, quelques secondes, qu’elle passe son temps à insulter James. Lui, de son côté, gardait les yeux fixés sur les cheveux blonds de Nérina, les muscles bandés, et parlait pour essayer de se détendre… essayer.
– Elle est ronchon pour diverses raisons, n’essaie pas trop de creuser de ce côté-là. C’est en partie à cause de moi, en vérité. Elle n’aime pas le fait que je sois au courant de ce qui me pend au nez et que je ne fasse rien pour le changer. Mais je comprends pas ce qu’elle veut que je fasse. Les choses sont ainsi, c’est trop tard, maintenant. Lutter est une perte de temps.
Perturbé par la proximité des vagues, James confia ce qu’il avait tenté de dissimuler, plus tôt. Il ne trouvait pas d’autre sujet de conversation, le temps que la sirène accroche correctement le pavillon à la poupe du bateau. Enfin… il en trouva un autre, mais… était-ce vraiment mieux que le précédent ?
– Je n’aime pas l’eau, avoua-t-il, de but en blanc. C’est con, hein ? (Son regard se voila un peu, bloqué sur un vilain souvenir.) J’ai pas le mal de mer comme l’autre. Mais les vagues… (Il frissonna.) J’imagine que les sirènes peuvent pas se noyer, alors je vois pas comment je pourrais t’expliquer ce que ça peut faire, de se retrouver dans une situation pareille. Tu t’en sors ? demanda-t-il, finalement, sans vouloir se pencher pour vérifier lui-même.