C'était une chose de se faire demander en mariage (et, sachant que Dimitri et Anastasia se connaissaient depuis dix ans sans compter les années de malédiction, il était peut-être en effet grand temps d'être plus qu'un concubin l'un pour l'autre) mais c'en était une toute autre pour tout organiser. Typiquement, c'était dans ce genre de moment qu'Anya regrettait plus amèrement que jamais que sa mère ne soit plus de ce monde pour la conseiller en lui partageant son expérience (même si se marier à un tsar était sans aucun doute une expérience tout à fait différente que celle de se marier à un ancien garçon de cuisine dans le monde moderne du vingt-et-unième siècle) et plus généralement pour lui dire quoi faire et dans quel ordre.
Entre la publication des bancs, l'envoi des invitations, le plan de table, la couleur des serviettes, la commande du bouquet de fleurs, celle de la pièce montée du dessert, le choix du menu, la réservation de la salle et d'une personne habilitée à célébrer les mariages, tout ce qu'Anastasia pouvait dire pour le moment c'était qu'il y avait vraiment beaucoup de choses à faire. Heureusement, elle et Dimitri avaient décidé de se donner du temps pour les préparatifs, quitte rester fiancés vraiment très (trop ?) longtemps.
C'était donc un peu par hasard, mais aussi parce qu'en ce weekend ensoleillé de juillet elle avait le temps, que la jeune femme, qui, jusqu'à présent flânait en ville sans réel autre but que de prendre l'air, s'arrêta devant une boutique dont le nom tout d'abord l'interpella : la Boîte de Pandore.
Il s'agissait pour elle d'un nom aussi joli qu'intriguant et aussi un peu effrayant, quand on connaissait sa mythologique grecque. Pandore, après tout, n'était-elle pas celle dont la curiosité avait, selon la légende, valu à la Terre tous les maux dont elle était frappée ? Que pouvait-on donc bien vendre dans pareille boutique ?
Après avoir contemplé le nom sur la devanture pendant quelques instants, la rouquine baissa les yeux sur la vitrine qui ne laissait absolument pas place au doute : la Boîte de Pandore était la boutique d'une organisatrice de mariage qui vendait également des robes de mariée. Rien que ça, songea la jeune femme, se demandant si elle devait, de fait, s'amuser de ce choix de nom ou prendre peur et ses jambes à son cou. A moins qu'être tombée nez à nez avec cette boutique ne soit en fait un signe du destin ?
Anastasia était du genre à prêter attention aux signes. C'était ce qu'elle avait pris pour l'un d'eux qui, après tout, l'avait conduite jusqu'au St Pétersbourg de son monde d'origine, ce qui en fin de compte lui avait permis de retrouver sa famille et son histoire. D'autres pourtant auraient pu arguer qu'il s'était seulement agi du hasard, celui qui avait poussé un chien à attraper son écharpe mangée aux mites et à l'entrainer sur le chemin qui menait vers la ville plutôt que vers le petit village de pêcheurs où Camarade Tuberkulov lui avait déniché un emploi à la poissonnerie. Un poisson, justement, Anya en avait ferré un gros lorsque Dimitri était tombé dans ses filets (la jeune femme refusait effectivement de croire que ce soit d'abord elle qui ait craqué pour lui) et décida, après être restée devant la vitrine trop longtemps pour pouvoir prétendre qu'elle se contentait de flâner, d'entrer dans le magasin et d'aviser par la suite.
Rien, après tout, ne la forçait à embaucher l'organisatrice de mariage qui y travaillait. Anastasia venait seulement par curiosité regarder ce qu'elle faisait et s'inspirer. De toute façon, à quoi ça pouvait bien servir, une organisatrice de mariage ? Si la réponse était "à se la jouer petit chef et à tout décider sans vous demander votre avis", Anya n'en voulait absolument pas ! Et puis quoi encore ? On n'allait certainement pas lui dire comment vivre et organiser "le plus beau jour de sa vie" (enfin, celui que les contes de fées et les comédies romantiques vantaient comme étant le plus beau jour de la vie d'une jeune femme).
Mains plongées dans les poches de son jean, Anastasia déambula dans la boutique et laissa ses pas la mener jusqu'aux robes qui étaient exposées. Elle eut le bonheur - si ce n'est le soulagement - de constater que les meringues n'étaient plus à la mode et que certains modèles lui plaisaient assez de par leur absence de froufrou et l'impression qu'ils donnaient qu'on pouvait se sentir bien dedans.
Machinalement, la jeune femme passa ses doigts le long de l'étoffe, l'esprit suffisamment ailleurs pour ne pas vraiment faire attention aux potentielles autres clientes ou à la propriétaire de la boutique qui était pourtant à disposition de qui en avait besoin. Maintenant qu'elle était devant les quelques robes présentées, Anastasia essayait de s'imaginer dedans, laissant vagabonder son imagination très fertile sans, heureusement, commencer à danser comme si elle ouvrait le bal de son propre mariage. Par chance, avec les années, elle avait arrêté d'imaginer les choses au point d'avoir l'impression de les vivre. Tout juste avait-elle commencé à humer inconsciemment la berceuse secrète que lui avait jadis fait apprendre sa grand-maman.

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Quand soudain une voix féminine vint bercer la bulle de rêverie dans laquelle Anastasia s'était enfermée, se laissant, presque malgré elle, absorber par l'environnement et les fantasmes qu'il faisait naître dans son esprit. En fin de compte, la rouquine devait bien admettre que cette idée de mariage, robe de princesse et danse des jeunes mariés inclus, lui plaisait bien, comme si elle réveillait son âme romantique qu'elle avait un peu trop tendance à enterrer sous des couches d'indépendance et de détermination.
Une fois passée le sursaut provoqué par ce qu'elle avait ressenti comme un brutal retour à la réalité (mais qui, en fait, n'en avait rien, la jeune femme avait même parlé assez doucement), Anastasia troqua son air ahuri pour un sourire avenant - quoiqu'aussi gêné : ce n'était pas souvent qu'on prenait la Grande Duchesse sur le fait d'un moment de romance (et il ne faudrait pas non plus que ça devienne une habitude).
- Bonjour..., bredouilla la jeune femme, qui avait instinctivement lâché les pans de la robe qu'elle contemplait et commençait à présent à triturer les petites peaux autour de ses ongles, visiblement en peine d'occuper ses dix doigts. Je... non. Enfin, se reprit-elle après une courte réflexion. Je sais pas trop, en fait. Je suis juste venue regarder.
Pour le moment, ajouta t-elle mentalement tout en se demandant vaguement pourquoi elle avait l'impression d'être une petite fille prise en train de chiper des bonbons hors des repas. Elle avait bien le droit de rentrer dans une boutique de mariage puisqu'elle allait se marier ! Mais Anya avait-elle déjà envie d'ébruiter la nouvelle ? Ou bien n'assumait-elle simplement pas son côté princesse ? Elle ne savait pas mais elle était pourtant certaine d'une chose : les hommes se faisaient probablement bien moins de tracas pour leur mariage !
La jeune femme, qui travaillait dans la boutique, devait en savoir un rayon sur ce point-là. Et c'était justement peut-être l'aubaine ou bien le signe dont Anastasia avait besoin pour véritablement se lancer dans la préparation de son mariage. Car si elle devait attendre que Dimitri s'en occuper, elle pourrait sans doute encore attendre longtemps. Alors, contre toute attente, plutôt que de prendre la fuite, la jeune femme prit une grande inspiration et se lança, persuadée qu'une "vendeuse de mariage" ne pourrait qu'avoir un avis constructif.
- En fait, je vais me marier, expliqua-t-elle. C'est sans doute évident, sinon qu'est-ce que je ferais là ? ricana la rouquine pas encore tout à fait à l'aise dans sa démarche. Bref, je viens de passer devant la Boîte de Pandore et je me suis dit que ça serait trop bête de pas entrer si déjà j'étais devant alors... Me voilà. Mais je sais pas trop si vous pourrez m'aider. Pour le moment je sais seulement avec qui je vais me marier et qui sera mon témoin. Pour le reste... eh bien, j'en ai aucune idée, on n'a pas encore réfléchi à la date. C'est sans doute trop tôt pour commencer à voir... tout le reste, non ? demanda Anya qui, faute d'un terme plus approprié, accompagna sa question finale d'un ample geste de la main destiné à englober tout le processus de préparation d'un mariage.
Afin de ne pas paraitre grossière, la future mariée ne mentionna pas le fait qu'elle ne comptait pas faire appel à une organisatrice de mariage pour tout planifier à sa place - même si c'était sans doute un stress considérable en moins. En cet instant, Anya pensait encore (peut-être à tort ?) que ce type de service était un abyssal gouffre financier et avait, de toute façon, toujours pensé qu'on n'était jamais mieux servi que par soi-même, son expérience d'orpheline l'ayant particulièrement bien démontré, deux décennies plus tôt. En revanche, puisque certaines robes proposées à la vente lui avaient bien plu, la rouquine s'imaginait parfaitement capable de faire son choix parmi les créations de la Boîte de Pandore - de fait, cette jeune femme ne perdait sans doute pas totalement tout si elle lui faisait part de son savoir sur les mariages !

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Profileuse de son état, Anastasia pouvait effectivement dire, maintenant qu'elle prenait davantage le temps pour observer la commerçante qui l'avait abordée, que ses intentions étaient louables - à la fois pour elle et pour la prospérité de son commerce (ce dont on ne pouvait pas la blâmer). Et maintenant qu'elle était totalement revenue au moment présent, la rouquine se sentait presque stupide d'avoir été ainsi surprise et, pire peut-être encore, d'être à ce point larguée sur la bonne méthode pour organiser un mariage dont la date n'était même pas encore fixée.
Mieux valait-il ne pas trop y penser pour le moment.
Puisque déjà on était venue s'intéresser à Anastasia, ou, du moins à la raison qui la poussait à ouvrir la Boite de Pandore, la rouquine s'était finalement décidée à en profiter et avait, de justesse, retenue la jeune femme à son service.
S'il était effectivement clair qu'elle était douce et prévenante et prenait un plaisir manifeste à conseiller ses clients, il était encore d'autant plus évident que cette jeune femme adorait les mariages. En effet, son visage s'illumina, presque littéralement, quand Anastasia lui confia qu'elle allait bientôt ("un jour" serait sans doute plus juste) se marier. La rouquine avait pu remarquer, depuis peu, que cette annonce suscitait chez tout le monde le même genre de réaction - plus ou moins contenue selon la personne. Parfois les gens lui donnaient l'impression d'être investis autant qu'elle si ce n'est davantage dans ce mariage à venir et la jeune femme n'avait de cesse de s'en étonner. Est-ce que c'était normal que les autres prennent le projet autant à cœur ?
De la part d'une jeune femme qui possédait une boutique de mariage, ça l'était sans doute, si bien qu'Anya ne s'étonna pas de sa réaction et lui rendit, un peu gênée, son sourire.
- Merci, c'est gentil, répondit-elle gauchement, n'ayant jamais été particulièrement à l'aise pour faire ou recevoir des compliments.
Parfois, la rouquine essayait de déterminer ce qui, pour elle, était le plus délicat : recevoir ou faire le compliment ? Elle n'avait jusqu'à présent pas encore réussi à se mettre d'accord avec elle-même mais, cette fois, ce ne fut pas sur ce détail que l'esprit de la jeune femme vagabonda mais sur le "mademoiselle" employé par la jeune femme pour la féliciter. Grâce à cette tournure de phrase elle réalisa pour la première fois que bientôt, mariage oblige, les gens l'appelleraient "madame". Ca faisait tellement adulte et sérieux !
Mais, d'un autre côté, c'était ce qu'elle était et ce, depuis plusieurs années. La vie, en fin de compte, se contentait de suivre son cours, au détail près qu'elle et Dimitri avaient fait les choses dans le désordre : ils étaient d'abord devenus parents et ensuite allaient devenir mari et femme. Les plus traditionalistes auraient sans doute eu beaucoup à redire sur l'enchainement des événements mais ils pouvaient parler, Anastasia s'en fichait éperdument ! De la même façon, "madame" ou "mademoiselle", elle allait garder son nom puisque Dimitri préférait prendre celui de sa femme (et que, de toute façon, la Grande Duchesse était bien trop indépendante pour accepter de prendre le patronyme de son mari, même si elle l'aimait profondément).
Tout ça, cependant, Anya ne le confia pas à la jeune femme face à elle. Elle n'avait jamais été du genre à s'épandre auprès des inconnus et n'aimait pas raconter sa vie à tout va. En revanche, elle avait bien été obligée de lui expliquer où elle se situait dans la préparation de la noce, sinon cette jeune femme ne pourrait assurément pas l'aider ! Mais avant de l'aider et de la conseiller, elle choisit de la rassurer ce qu'Anastasia approuva (même si elle n'était pas particulièrement déterminée à le montrer et se contenta d'opiner). Ensuite, elle mentionna ce qui semblait être la chose à déterminer en premier : le budget.
Une nouvelle fois, Anastasia opina. C'était assez évident, en fin de compte. Pour autant, elle et Dimitri n'y avaient pas encore réfléchi. Il était probable que sa grand-maman projette de financer une partie de la noce - la robe de mariée, peut-être, étant donné que traditionnellement c'était les parents qui la payaient mais que Marie Romanov était la seule parente proche qu'il restait à Anya.
- Le budget, répéta doucement la rouquine en continuant d'opiner. C'est logique, oui, concéda t-elle. Mais je... on n'y a pas encore réfléchi. On en a même pas réellement parlé pour le moment. Ca vous aide si je vous dis que j'aimerais une belle fête pas trop prétentieuse pas... too much mais qu'il y aura quand même entre... disons 30 et 60 personnes ? demanda finalement la future mariée qui se prenait de plus en plus au jeu des conseils sur la meilleure façon d'organiser un mariage - le sien, en l'occurrence.
Face à elle, la jeune femme avait sorti un carnet pour y prendre des notes mais décida de s'intéresser plus tard à ce qu'elle pouvait bien y écrire afin de ne pas perdre le fil de sa réflexion. Car la conversation ne se cantonnait pas seulement au budget mais abordait aussi la question du lieu de la cérémonie - et, de fil en aiguille, la conversation aborderait sans doute ensuite la question du lieu de la réception.
Mais avant tout cela, mieux valait effectivement commencer par le commencement et mettre, pour la commerçante, un prénom sur le visage de la future mariée.
- C'est Anastasia Romanov, répondit la jeune femme. Vous pouvez m'appeler Anya, précisa-t-elle presque aussitôt.
Ce n'était pas tant qu'Anastasia n'aimait pas son prénom, bien au contraire. Issu du grec, il signifiait "qui a vaincu la mort" ou "renaissance", une signification qu'elle trouvait à la fois poétique et adaptée à son parcours de vie. Mais Anastasia, c'était quand même long à dire et la jeune femme avait passé dix ans de sa vie à penser qu'elle s'appelait Anya et à, de fait, se faire appeler Anya. Le surnom était simplement devenu le diminutif de son prénom et la rouquine s'y était attachée.
Ah, si seulement toutes les questions de la vendeuse de mariage étaient aussi simplement que celle de son identité !
- Le lieu... c'est aussi flou encore mais je connais quelqu'un qui peut célébrer les mariages et qui n'est pas un prêtre alors on peut déjà éliminer l'église, sourit Anya en haussant les épaules, un peu désemparée. Si c'est la belle saison on se mariera peut-être à l'extérieur. Ensuite je pense qu'on privatisera une salle pour la réception. Vous connaissez des endroits sympas ? demanda t-elle, à tout hasard.

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Un pavillon ou un kiosque... Mentalement, Anastasia répéta ces suggestions plusieurs fois, tâchant d'imaginer, concrètement, ce dont on lui parlait. Disposait-on seulement de pavillons ou de kiosques à louer en ville ? En dehors du kiosque à journaux - qui n'était sans doute pas ce dont l'organisatrice de mariage (Emmaline dite Emy) parlait -, la rouquine ne voyait vraiment pas où il pouvait bien y avoir un truc pareil en ville. Heureusement, la future mariée visualisait bien mieux ce que pouvait donner une noce célébrée dans un pavillon et se raccrocha à ce point pour fournir une réponse pas trop à côté de la plaque :
- Oui, pourquoi pas un pavillon, approuva-t-elle en opinant, soulagée que cette conversation ne soit, pour le moment, qu'une vaste hypothèse.
Dans ce cas-là la jolie et grande maison dans laquelle sa grand-maman vivait depuis le début de la malédiction pourrait peut-être même faire l'affaire. Marie Romanov serait sans doute ravie de prêter l'endroit et sa cousine Sophie encore plus enchantée de mettre la main à la pâte. Pour le meilleur et pour le pire.
- Mais j'imagine que n'importe quel grand domaine avec une maison peut faire l'affaire, dans ce cas, poursuivit donc Anastasia pour partager avec Emy une partie de sa réflexion.
Cette jeune femme abondait jusqu'à présent dans le sens de tout ce que la rouquine lui disait, ce qui donnait presque l'impression à Anastasia qu'en fin de compte elle ne s'y prenait pas mal du tout, si inexpérimentée soit-elle. Ou bien il s'agissait d'une technique commerciale qu'elle ne connaissait pas et Anya finirait par acheter des tonnes de choses dont elle n'avait pas besoin à la tenancière de la Boîte de Pandore. Seul l'avenir le dirait.
Emy, bien que très sympathique, avait cependant mal interprété la réflexion d'Anastasia sur la personne en capacité de célébrer la noce. Et pour cause ! La jeune femme ne se sentait pas à l'aise pour parler ouvertement de la déesse Héra en personne et avait, de fait, user de moyens détournés pour sous-entendre qu'elle n'aurait pas besoin d'un prêtre puisqu'elle connaissait quelqu'un au-dessus de tous les prêtes. Mais, dans les faits, même si Anya n'en avait pas parlé à Emmaline, elle n'avait pas tout à fait tort non plus : il y avait bien des gens qui seraient ravis d'organiser la fête en elle-même, en plus de Victoire qui serait sans doute également ravie de marier Anastasia à Dimitri (ou l'inverse, plutôt : Dimitri à Anastasia).
La future mariée ne revint, de fait, pas sur ce point, laissant l'experte parlant des lieux et de leur atmosphère avant d'attraper un book de photographies, prête à le lui montrer. Mais attendez, Emmaline avait bien parlé de la montagne, non ? A la connaissance d'Anya, il n'y en avait pas vraiment aux alentours de Storybrooke et justement, la jeune femme ne comptait pas partir se marier à l'autre bout du pays ou, pire, en Russie ! Elle réservait les destinations lointaines et exotiques au voyage de noces, qui aurait forcément lieu, même s'il faudrait se séparer d'Abigaëlle pendant quelques jours.
- Je pense que je prendrai un paysage qu'on trouvera en ville. Dimitri - c'est le nom de mon fiancé, précisa sans doute inutilement la jeune femme, et moi ne prévoyons pas d'aller loin pour nous marier. On va le faire ici, que ce soit dans le jardin d'une grande propriété, sur la plage ou dans une salle polyvalente décorée. On peut donc passer la partie montagne et aussi la partie île des Caraïbes si vous aviez, sourit Anastasia (qui espérait ne pas paraître trop autoritaire dans sa démarche, ne souhaitant pas s'associer à la mauvaise réputation des mariées irascibles). Mais je veux bien voir vos idées de décorations plus classiques, oui, carrément ! ajouta-t-elle avec un entrain non feint. Et aussi vos robes, pourquoi pas, poursuivit-elle, songeant que ce serait trop dommage de passer à côté de l'occasion.
Pour autant, la jeune femme était persuadée qu'elle n'achèterait pas sa tenue de mariée dès à présent, non pas qu'elle pensait que la boutique d'Emmaline ne vendait rien à son goût, au contraire ! Mais elle savait que les traditions étaient importantes dans sa famille - on ne descendait pas d'une dynastie de tsars sans un certain attachement pour le passé - et ne voudrait pas les court-circuiter en payant elle-même ce qu'un de ses proches (sa grand-maman, probablement) voudrait lui offrir... après l'avoir vue essayer presque la totalité du magasin pendant au moins un gros après-midi.
Est-ce que c'était trop tôt pour déjà se faire une idée des robes de demoiselles d'honneur (puisque la tradition voulait en général qu'elles suivent un dress code précis) ou Anya allait-elle leur dire de s'habiller comme elles le voudraient (du moment qu'elles portaient une tenue appropriée pour les circonstances) ? Plus la conversation se poursuivait, plus elle faisait émerger des questions auxquelles les futurs mariés allaient devoir répondre, tôt ou tard.

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Même si Anastasia était dans l'incapacité de voir ce qu'Emmaline dessinait sur son calepin, elle pouvait tout de même voir la vitesse avec laquelle son crayon parcourait le papier et nota que, manifestement, la jeune femme dessinait aussi vite qu'un train à grande vitesse. C'était bien plus rapide que ce dont Anya était elle-même capable si on lui mettait un crayon entre les mains et la rouquine devait bien s'avouer un peu impressionnée. Même si elle le serait encore davantage si, en découvrant le résultat, elle s'apercevait que c'était un chef d'œuvre.
Cette pensée, cependant, sortit bien vite de l'esprit de la jeune femme. Emy venait de parler d'angles et de clichés, deux éléments qui, selon elle, étaient importants pour la fête. Il fallut quelques secondes supplémentaires à la future mariée pour comprendre qu'elle voulait parler des photos de mariage qu'on faisait traditionnellement lors de ce type d'événement. En effet, la rouquine avait le vague souvenir que même chez les tsars, on immortalisait ces moments - en peinture ou en photographie, le daguerréotype ayant été inventé dans le monde d'où la jeune femme venait. Cette dernière pondéra quelques instants ce nouvel élément avant de se poser une question qui, selon elle, était capitale : que désirait-elle réellement ?
Anya, malgré son rang de Grand Duchesse, avait des goûts simples. Elle souhaitait bien entendu soigner l'organisation de son mariage, songeant qu'a priori elle ne serait amenée à tenter l'expérience qu'une seule fois, mais se demandait si, tout compte fait, toutes les idées d'Emmaline n'étaient pas trop. En trop par rapport à sa vision des choses.
- Vous pensez vraiment que c'est nécessaire, tout ? Je veux dire, je suis persuadée que c'est joli mais... En fait, je crois que j'imagine quelque chose d'assez simple pour les photos. A l'ombre d'un bel arbre ou quelque chose comme ça, répondit lentement Anya, les yeux levés au-dessus de la tête d'Emy car son esprit était en train de se projeter le jour J. Est-ce qu'on a vraiment besoin de tout faire compliqué juste pour prendre des photos ? Enfin... je changerai peut-être d'avis, hein, mais... J'ai dû mal à voir en quoi tout ça me correspond, vous voyez ?
Cette idée, et cela s'entendait, laissait Anastasia perplexe. Mais la réflexion d'Emy avait eu l'avantage de lui faire prendre conscience qu'à moins de devenir l'amie d'un photographe professionnel qui immortaliserait gratuitement le mariage, elle et Dimitri allaient aussi devoir s'offrir les services d'un photographe s'ils voulaient effectivement des photos de qualité. L'endroit, en fin de compte, était assez secondaire si on n'avait pas à sa disposition un professionnel de talent. Mazette, ça n'en finissait pas ! Elle qui s'était seulement arrêtée à la Boîte de Pandore "comme ça", en espérant que ça lui prendrait un quart d'heure de faire le tour de l'affaire, avait maintenant l'impression qu'elle allait y passer l'année. C'était peut-être pour cette raison qu'en général un couple mettait un an à se marier une fois que la demande avait été faite.
Ou alors Emy était particulièrement zélée car tout aussi passionnée par son travail. C'était aussi une hypothèse valable, à en juger par ce que la jeune femme avait déjà pu confier à Anastasia. Car Emmaline ne se défaisait pas de son sourire alors qu'Anya avait l'impression (peut-être fondée, du moins en partie) de passer son temps à la contredire. Et pourtant, la jeune organisatrice de mariages continuait de lui montrer les décorations qu'elle était en mesure de réaliser, que ce soit pour les buffets ou les salles de fête. Anastasia devait d'ailleurs bien reconnaitre qu'elle savait y faire. Certes, tous les exemples n'étaient pas à son goût (mais la rouquine supposait qu'ils avaient été au goût des couples pour lesquels ils avaient été réalisés, ce qui était le principal) mais elle devait bien avouer que certaines décorations la séduisaient. Restait à voir si leur prix était tout aussi séduisants !
- C'est joli, commenta la jeune femme. Bon je les aime pas toutes autant, certaines ne correspondent vraiment pas à mes goûts, mais celle-là, par exemple, indiqua-t-elle avec son long index diaphane posée au milieu d'une photo présentant la décoration d'une salle, pourrait me plaire. J'y penserai quand on aura avancé sur... tout le reste, conclut Anya d'un ample geste de la main.
Tout le reste comprenait notamment le choix de la robe, un point incontournable qui comptait parmi les premiers auxquels la rouquine avait pensé quand elle et Dimitri avaient décidé de se marier. Forcément, elle avait posé la question et forcément Emy avait une réponse encourageante sur ce pan de l'organisation. Apparemment elle et sa partenaire (styliste ? couturière ? sans doute quelque chose comme ça) étaient en mesure de fournir des robes de tous les styles et de toutes les époques possibles et imaginables. Ca n'allait, en d'autres termes, pas restreindre le choix de la future mariée. Bien au contraire.
- Waouh, ça doit faire beaucoup de robes et beaucoup de tissus, siffla Anya en tâchant d'imaginer cette pléthore de tenues.
Le point positif avec autant de choix c'était qu'elle ne pouvait, en théorie, que trouver son bonheur grâce à Emy et sa collaboratrice - qui avaient tout à y gagner dans cette histoire, d'ailleurs. Mais les compétences interpersonnelles d'Anastasia lui firent aussi sentir autre chose, qui allait au delà de l'aspect commercial de la vente de robes de mariées. A l'évocation de ce sujet, Emmaline semblait comme transportait. Elle rayonnait de bonheur comme si on était en train de discuter de son propre mariage. Peut-être que le choix de la robe était seulement sa partie préférée de l'organisation ou qu'elle-même allait bientôt se marier. Une chose était certaine : c'est avec entrain qu'elle entraina la rouquine près des portants qui permettaient d'admirer les robes de mariées en stock et qui, effectivement, présentaient plusieurs styles, meringue inclus.
Il y avait donc des femmes qui voulaient se marier en ayant l'air d'un dessert à la crème, pensa Anastasia, très sceptique à cette idée. Elle préférait de loin les robes de mariées du début du vingtième siècle ou celles plus contemporaines et fut contente de constater que certains modèles correspondaient à ses goûts. C'est donc vers eux que la jeune femme tourna la quasi totalité de son attention, effleurant les tissus et essayant de s'imaginer à l'intérieur. Aurait-elle l'air gourde et horriblement gauche une fois déguisée en mariée ?
Anya ne pouvait s'empêcher de se poser la question, elle qui mettait si peu de robes en général et encore moins des robes aussi travaillées ! Très vite cependant, la rouquine chassa cette pensée pour se concentrer sur les informations supplémentaires que lui fournissaient Emy. Il y avait d'autres modèles et le sur-mesure était envisageable. Et sans doute bien plus cher, ne put-elle s'empêcher d'ajouter mentalement.
- En fin de compte à toutes mes questions vous répondez "voici ce que j'ai mais je peux tout faire sur-mesure". Si je résume c'est à peu près ça, non ? demanda Anya en faisant volte-face pour sourire à Emy. Remarquez, c'est pratique. Pour vous comme pour moi. Mais comme je vous disais avant, je vais pas acheter la robe maintenant. Pas si c'est pour me faire tuer parce que machin voulait me l'offrir, plaisanta la jeune femme. Mais je repasserai et je le pense quand je dis ça. Cette robe, par exemple, indiqua la rouquine en saisissant le pan d'une tenue, elle pourrait me plaire. Et puis... d'un point de vue tout à fait pratique, je crois pas qu'il y ait trente six boutiques de mariage en ville, sourit-elle. Vous avez sûrement un petit monopole local.
Et elle n'était assurément pas la seule dans une ville aussi petite que Storybrooke.
Comme pour les autres détails à régler avant de se marier, Anya comptait la jouer local si elle pouvait éviter de traverser les Etats-Unis pour trouver son bonheur. Surtout qu'elle ne porterait sa robe de mariée qu'un seul jour de toute sa vie ! Certes, elle voulait s'y sentir belle et bien dedans mais la jeune femme ne voyait pas l"utilité d'aller la chercher à l'autre bout de la Terre ou, plus simplement, du pays.
Il en allait de même pour les tenues des témoins, demoiselles d'honneur et, bien sûr, de la jolie petite robe qu'Abigaëlle porterait pour l'occasion. Ca allait faire beaucoup de tissu, de quoi construire plusieurs tentes, songea Anastasia, amusée par cette idée. Emy, de son côté, n'avait pas manqué, en parfaite commerçante, de mentionner la possibilité de se fournir chez elle pour les autres tenues.
- Eh bien j'ai une fille à qui j'achèterai sans doute une jolie robe pour l'occasion mais... les demoiselles d'honneur, franchement, je sais pas, avoua-t-elle. Oh je sais que ça se fait de les habiller toutes de la même façon, dans la même couleur, de préférence assorties aux fleurs et à la nappe - on voit ça tout le temps dans les films, précisa la jeune femme. Mais je suis plutôt partisane de laisser les gens s'habiller comme ils le sentent. Vous savez, dans ce monde je ne suis plus Grande Duchesse, et très franchement j'ai jamais été très fan du protocole et de l'étiquette, sourit Anya. Toutefois, je soufflerai l'idée à mon... fiancé, reprit Anastasia, encore perturbée par l'utilisation de ce terme, qu'il peut venir acheter son costume ici. J'crois pas qu'il en ait pour l'occasion. Si vous avez une carte de visite, je peux même la prendre, assura-t-elle.
Il était probable qu'Anastasia parle de cette boutique à d'autres invités au mariage si elle les entendait chercher le bon endroit pour acheter leur tenue, tout comme il était possible que ces mêmes invités aient déjà connaissance de la boutique. Mais Dimitri n'avait jamais dû la remarquer, sauf à ce qu'il ait déjà essayé de la voler, ce que sa fiancée n'espérait vraiment pas. Il ne manquerait plus que ça ! L'un dans l'autre, si on omettait cette dernière hypothèse peu plaisante, il était fort probable que, même si Anya n'achèterait rien aujourd'hui, que sa venue, ce jour-là, génère à court et à moyen terme du chiffre d'affaire pour Emmaline. Peut-être pas pour couvrir tous les frais engendrés par son futur mariage, mais sans doute pour résoudre une partie de ce qui devait l'être.
Pour le moment, la future mariée n'avait plus réellement de questions, du moins, pas de question directement liée à son mariage à venir. Mais Anastasia avait toujours été curieuse et l'entrain avec lequel Emy l'avait entrainée près des robes de mariées lui trottait encore en tête :
- Non, je n'ai pas de questions mais en tout cas, les robes de mariées, ça a l'air de carrément vous plaire, commenta Anastasia, décidée à copiner avec la jeune femme, songeant que dans ce genre de métier c'était probablement bienvenu, voire fréquent. Vous êtes mariée, très fan des mariages au point de regarder ceux de la famille Windsor à la télé ou l'entrain c'est juste votre façon d'être ? demanda-t-elle.

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