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Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve
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 La couleur des émotions [Fe] - Debbie

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Robert Parr
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Robert Parr

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La couleur des émotions [Fe] - Debbie _



________________________________________ 2021-03-27, 16:46

La couleur des émotions






J’avais toujours le même style. J’étais papa de plusieurs enfants, tous grands mais… Personnellement, mon style vestimentaire était très proche de celui de Dashiell. Un sweat à capuche, une casquette sur la tête d’une équipe de baseball, j’avais vraiment l’air d’un américain. En même temps, j’étais un peu le stéréotype du père de famille des Etats-Unis d’Amérique. Sûr de moi, j’avançais les mains dans les poches. Me dirigeant vers l’adresse indiquée sur l’annonce, j’eus un mouvement de recule. Des cygnes étaient dans le jardin. Je détestais les cygnes. J’en avais une peur bleue. Ca remontait à l’enfance, où je m’étais fait attaqué par une mère qui gardait ses œufs. Depuis, je les évitais. J’étais l’un des hommes les plus forts au monde, et pourtant… J’avais peur d’oiseaux.
Prenant mon courage à deux mains, j’avançais vers le perron, qui était composé d’une multitude de marche. Sonnant énergétiquement, je gardais les oiseaux à vu d’oeil. D’ailleurs, quand on m’ouvrit, je ne fis même pas attention à la personne qui avait ouvert la porte, j’avais encore les yeux rivés sur les cygnes.

« Bonjour, enchanté, je m’appelle Robert Parr, je viens pour l’annonce... »


Une annonce de sécurité. Travailler dans la sécurité, c’était pas vraiment quelque chose que j’appréciais. Je détestais la violence, parce que j’étais tellement fort que je pouvais briser mon adversaire par accident. J’avais du apprendre à grandir avec ça. Je revoyais encore ma mère, essayait de me faire descendre de l’étage de la grange, parce que j’avais tué une vache par accident. Cet épisode m’avait traumatisé. Mis à part Helen et mes parents, personne n’était au courant. Les enfants pensaient que j’étais quelqu’un d’invincible. Que je n’avais ni peur ni démon. Mais j’étais mon propre démon, depuis le jour où j’avais tordu les barreaux de mon lit de bébé.

« Pour la sécurité… Un truc comme ça. Dites, vos cygnes là, ils sont pas méchants ? »


J’avais tourné la tête vers la personne, mais je n’avais eu aucune réaction. J’étais encore concentré sur les cygnes, dans mon esprit. Il fallait bien casser sa croute. Les podcasts et ma chaîne Youtube sur le jardinage n’avait pas fonctionné. Dash et Violette m’avait lâchement abandonné, refusant de commenter la merveilleuse chaîne Youtube de leur père. Je soupirais. Après m’être cherché sur plusieurs trucs, j’avais été forcé de revenir à la réalité.

« Non parce que j’aime pas particulièrement ces bêtes là. On peut rentrer à l’intérieur, ça vous dérange pas ? »


J’étais encore fixé sur les cygnes. Quand j’étais môme, mes pouvoirs étaient capricieux. Je me rappelais que le combat avec la maman cygne avait été un peu long, jusqu’à ce qu’il se déclenche, et que je les détruise tous. Comme cette vache. Finalement, j’avais jamais trop voulu d’animaux de compagnie. J’avais des enfants, c’était mieux. Même si ça demandait à être nourri et promener tous les jours…

« C’est un beau quartier. Il fait beau, le printemps est là. »


Oui, je n’étais pas non plus très habile pour les conversations. Ado, on pensait que j’étais débile, tout simplement parce que j’étais très costaud et très fort. Mon père m’avait interdit de rejoindre l’équipe de football américain… Pour des raisons évidentes. Je n’étais donc dans aucune équipe sportive, et ma popularité n’avait jamais vraiment été bonne. Ce qui en résultait ? Un manque de confiance, une peur du jugement par les tiers…
Les mains toujours dans les poches, je regardais le soleil en faisant une grimace. Il fallait bien que je comble le temps. Finalement, mes yeux se reposèrent sur la dame en face de moi.

« Vous êtes la maîtresse de maison ? Ou la bonne ? Un truc du genre ? Non, parce que je sais que dans les beaux quartiers, ce genre de trucs, ça se fait beaucoup. »


Bon, comme entrée en matière, il y avait mieux. J’espérais vraiment que c’était la bonne. Si c’était la propriétaire, j’avais l’air complètement idiot. Mais bon, c’était pas la première fois que ce genre de situations arrivait.




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________________________________________ 2021-03-27, 19:01 « Sarcasm: punching people with words. »

La couleur des émotions







A croire que tout le monde s'était passé le mot pour venir sonner chez nous le weekend comme si nous étions la dernière attraction tendance du coin. OK j'étais, je suis et je resterai ultra tendance, mais quand même ! C'était absolument pas une raison. J'avais des tas de choses à faire beaucoup plus importantes que de recevoir du monde comme, par exemple, m'occuper d'être moi et dispenser mes punchlines. Mais ça, apparemment, tout le monde s'en fichait, y compris le grand gaillard baraqué qui sonna cet après-midi-là et n'osa même pas me regarder droit dans les yeux tant il avait conscience que j'étais hautement supérieure à lui. En vrai, je pense surtout que son esprit était totalement ailleurs mais j'ai choisi de retenir la première option.
Tout à sa malpolitesse, il annonça être venu en réponse à une annonce, ce qui me fit arquer un sourcil. J'avais pas passé d'annonce. Je ne passais jamais d'annonce. Et si un jour je devais passer une annonce j'indiquerais clairement que je n'embauche pas les personnes distraites et bodybuildées parce que la distraction cause des ennuis et que le culturisme c'est moche. Accessoirement, aussi, quand on considère ses biceps comme des cerveaux, on a tendance à ne pas muscler sa matière grise et à être aussi intelligent qu'un plancton mort.
Breeeeeeef.
Tandis qu'il développait un tout petit peu plus la raison de sa venue (à savoir une annonce pour la sécurité que, et je persiste et signe, je n'avais certainement pas passer), je sentis la main timide et moite de Jaspeur tenter d'attirer mon attention. Et comme de toute façon Musclor me regardait pas, je tournai la tête vers l'intéressé, lui signifiant par le regard qu'il avait intérêt à être rapide et concis dans sa demande :
- Ehm... Debbie ? Alors voilà...
Vu comme ça commençait, on repasserait pour la concision.
- La semaine dernière j'ai... peut-être... regardé un reportage de 90' Enquêtes sur les... sur les... les... SUR LES VOLEURS ! s'écria-t-il, au comble de l'angoisse, plaquant, trop tard, sa grande main sur sa grande bouche pour retenir le cri qui s'était déjà échappé de celle-ci avant de m'adresser un sourire confus. Et... bah... Je me disais que ça serait plus sûr pour nous si on embauchait un service de sécurité ou au moins un garde du corps. D'ailleurs, j'ai fait toute une étude comparative sur la question pour évaluer nos besoins. Elle fait 370 pages, si ça t'intéresse.
- Ca ne m'intéresse pas, répondis-je.
- C'est bien ce que je pensais, appuya Jaspeur. Même pas la partie budgétaire ?
- Non.
- Parce qu'on a les moyens, assura-t-il.
Ca, j'en doutais pas. On habitait quand même un manoir. Evidemment qu'on avait les moyens.
- Tu sais quoi ? Laisse moi gérer le monsieur, je te tiens au courant, repris-je en reportant mon attention sur Jean-Claude Van Damme dont l'attention était toujours ailleurs, focalisée sur les cygnes.
Leur seule mention fit blêmir Jaspeur.
- Les cygnes vont rien vous faire si vous leur faites rien, claquai-je à l'attention des deux froussards.
Je sentais que Jaspeur brûlait d'envie de raconter là fois où l'un d'eux l'avait coursé dans le jardin pendant vingt minutes alors qu'il voulait simplement leur donner du pain. Ce jour-là, Tristesse avait pleuré (vous vous y attendiez pas du tout, je parie) et Colère s'en était mêlé, courant après le cygne qui courait après Peur afin de se défouler. Si j'avais filmé et mis sur YouTube on aurait fait le buzz. Mais on allait éviter de parler de ça tout comme on allait éviter de parler de la pluie et du beau temps.
Le moins que l'on pouvait dire c'était que Captain America ne faisait qu'aggraver son cas. Finalement un plancton mort c'était probablement intelligent que lui. Il devait avoir un pois chiche à la place du cerveau. Et besoin de lunettes pour s'apercevoir que j'étais tout sauf la boniche.
Quand il en fit l'hypothèse, Jaspeur, au comble de l'effroi, plaqua sa main sur sa bouche une nouvelle fois, observant notre invité avec des yeux exorbités. Il secoua frénétiquement la tête comme pour lui indiquer qu'il ne fallait surtout pas dire ça, même si, comme il était derrière moi, Johnny Bravo risquait pas de capter le signal.
- Ca, repris-je en indiquant ma tenue, c'est du Chanel. Et les chaussures c'est des Jimmy Choo. Vous pensez VRAIMENT que les bonnes s'habillent comme ça ? Va falloir faire réviser vos mirettes avant de vous lancer dans la sécurité, hein. Parce qu'avec une analyse aussi précise des éléments alentours vous seriez capable de prendre les poubelles pour des Daleks tueurs. Mais bon, soupirai-je, allez-y, rentrez, l'invitai-je, déjà soulée, avec un geste de la main avant de m'effacer.
Jaspeur recula sans le quitter des yeux.
- Il est quand même ultra baraqué, peut-être que je devrais appeler la police juste au cas où ? suggéra-t-il.
- Oh pas la peine, on lâchera les cygnes si besoin, souris-je, mesquine.
Je doutais d'en avoir besoin. Robert Parr avait surtout l'air gauche et maladroit - mais probablement fort, vu sa carrure. Il devait pas être méchant mais il était peut-être très con. En tout cas il était suffisamment bête pour m'avoir déjà livré un de ses points faibles au lieu de se contenir et d'ignorer les cygnes qui étaient à au moins cent mètres de l'entrée. Mais bon. Tout le monde ne peut pas être aussi futé que moi, faut bien que je leur sois supérieure.
- Je suis Deborah Gust, l'hôte de ces lieux, repris-je en entrainant Musclor vers le salon. Vous l'auriez su si vous suiviez un peu la vie politique de cette ville, mais c'est pas grave, j'imagine que vous avez d'autres centres d'intérêts. Vous pouvez vous asseoir, indiquai-je en désignant le canapé en cuir avant de m'asseoir dans le fauteuil d'en face. Vous avez amener un CV ? Vous avez des références ? D(autres phobies idiotes à prendre en compte si on vous donne le job ?


Robert Parr
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________________________________________ 2021-04-01, 07:11

La couleur des émotions






Je regardais Jasper avec un léger sourire en coin. Sous certains aspect, il me rappelait Violette à l’adolescence. Notamment en termes de craintes inexpliquées. Certes, aujourd’hui ce n’était plus le cas et ça avait été un travail assez long. Mais… Pour qu’une personne ait encore des angoisses pareil à cet âge là… Je me disais que c’était peut être fichu pour lui.

« Euh... »

A cet instant, j’avais plus ou moins envie de partir. Je ne faisais pas ce travail par pur plaisir. Je cherchais un travail parce que j’en avais besoin. Avec un léger soupire, je gardais les mains dans les poches. On m’avait dit qu’il fallait que j’arrête de faire des travaux qui m’intéressaient pas.

« Je ne suis pas méchant... »

J’avais dit ça à Jasper, quand il avait demandé à appeler la Police. J’avais l’impression d’être arrivé chez les fous et… Non. Je plaisantais. Si j’estimais qu’on était chez les fous, alors on pouvait faire venir l’émission de télé « Tellement vrai » chez la famille Parr.

« Je suis nul en mode. Pour moi, l’habit fait pas le moine. Enfin pas besoin de marques spécifiques pour avoir un peu de classe. »

Je me regardais, en disant cela. J’étais toujours bien habillé. Certes dans une mode qui n’était pas de mon âge. Mais mon sweat à capuche avait la particularité d’être parfaitement coupé pour moi, y compris mon jean. Mes converses me donnaient un air rétro, mais en même temps, j’étais super jeune quand cette mode avait été lancé. Ma casquette elle aussi était à ma taille, et parfaitement propre, sans petite bourriche de laine ou autre qu’on pouvait voir de temps en temps sur certaines. En somme, j’étais habillé sommairement, mais dans une classe impeccable. La marque c’était bien, mais ce qui faisait un vrai vêtement c’était la justesse de la coupe.

« Je m’appelle Robert Parr. Oui j’ai pleins de centres d’intérêts ! Un peu trop. En fait c’est juste parce que je suis quelqu’un de très curieux. J’ai toujours été comme ça, d’aussi loin que je m’en souvienne... »

J’étais mieux, bien mieux, dans ce petit salon. Mon regard se posa sur les alentours, admirant la décoration qui avait été faites avec goûts. Et… sans enfants. Je pouvais voir plusieurs objets de valeurs, qu’on ne mettait pas à cette hauteur quand on avait des enfants. Je soupirai un peu. Peut être que dans un monde parallèle, ma maison aurait pu ressembler à ça. A la place, je n’avais que des objets décoratifs ayant très peu de valeur. Entre les départs accélérés de Dash, les disparitions soudaines de Violette qu’on pouvait bousculer à tout moment et les multiples pouvoirs de Jack-Jack… Mieux valait avoir des meubles et des décorations bons marchés.

« Je ne m’intéresse pas à la politique. Je n’en ai jamais vu vraiment l’intérêt. Mais vous devez connaître ma fille, Violette si vous bossez à la mairie ! »

J’avais pris un air jovial. J’adorai parler de mes enfants. C’était une véritable réussite. Contrairement à ma carrière. Mais… On ne pouvait pas tout avoir dans la vie. Il fallait faire des choix, et Helen et moi, nous en avions faits. Certes nous n’étions peut être pas riche et dans des superbes carrières… Mais nos enfants eux, allaient réussir, nous avions utilisé tout ce temps pour leurs donner les clefs éducatives du succès.

« Je n’ai pas d’autres phobies. Hormis celle de perdre mes enfants, mais ça, tout le monde l’a quand on est parent. »

J’enlevais enfin ma casquette. J’avais été éduqué dans les maximes judéo-chrétiennes, et je savais qu’à l’intérieur, il fallait poser son couvre chef. Avec soin, je la posais à côté de moi. Mes gestes avaient toujours été très délicats, bien plus qu’on ne le pensait. En même temps, ma mère m’avait éduqué comme un éléphant dans un monde de porcelaine.

« Je n’ai pas amené de CV. J’ai travaillé très longtemps dans les assurances. D’ailleurs j’espère que ce tableau est assuré, il vaut son pesant d’or je crois. Hm… Et, euh… en références… Je suis très costaud… »

Pour peser mes propos, j’avais saisi la table basse avec douceur et je l’avais levé, à bout de bras et je l’avais reposé. Mon visage ne s’était même pas déformer sous l’effet de l’effort. Car… Il n’y avait pas d’efforts particuliers à faire.

« Je suis aussi très gentil. Pas trop bête. Enfin, pas assez pour comprendre que cette conversation n’a pas tellement d’issus. Vous êtes du genre à avoir déjà une opinion avant que la conversation soit finie, et je sais qu’elle n’est pas très bonne. »
J’avais souri et dit ça gentiment. Parce que c’était mon ressenti, que j’étais entier et je disais toujours ce que j’avais sur le coeur.




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________________________________________ 2021-04-01, 21:09 « Sarcasm: punching people with words. »

La couleur des émotions







En effet, il n'avait pas l'air méchant. Il avait juste l'air mentalement limité et j'avais une méchante envie, justement, de le lui faire remarquer. Même si moi non plus je ne suis pas méchante. Pas vraiment, disons. Je suis juste cash et beaucoup de gens font la confusion. Comme je le dis toujours : y a que la vérité qui blesse. Pourtant, je gardais ce commentaire cinglant pour moi - pour le moment, en tout cas - afin de continuer mon diagnostic mental de l'étendue des problèmes mentaux de ce gros balèze ainsi que l'étendue de ses lacunes.
En mode, par exemple. Je n'aurais pas eu besoin qu'il me dise qu'il n'y connaissait rien parce que, clairement, ça se voyait autant que sa peur panique des cygnes et que ses biceps, autrement dit : beaucoup.
- Ce n'est effectivement pas un costard Armani qui vous donnerait subitement la classe, observai-je en le détaillant de la tête aux pieds, l'imaginant dans ce type de costume et songeant à quel point il en manquait, justement, de classe. La mode se démode, c'est un fait. Mais le style jamais. Il suffit simplement d'en avoir, malheureusement ce n'est pas la chance de tout le monde.
Robert Parr, dommage pour lui, n'en avait pas. Il avait plus de quarante ans et s'habillait encore comme l'ado qu'il avait été deux décennies auparavant. C'était na-vrant. Le combo sweat / casquette, quand on vient pour un entretien d'embauche, c'est tout sauf une bonne idée. Sauf si on cherche un poste de coach sportif. Y avait que le jean qui était sauvable parce qu'il était bien coupé.
Mais s'il parvenait à m'impressionner en tant que qu'agent de sécurité / gardien du corps (il avait un peu de pain sur la planche puisque nous avions déjà établi qu'il avait peur des cygnes) je pourrais faire avec (enfin sans style, du coup) et accepter que Jaspeur investisse là-dedans.
Robert Parr observait notre salon, jalousant sans doute notre bon goût, tout en m'expliquant qu'il avait de nombreux centres d'intérêt, sans toutefois être en mesure d'en citer un seul, avant d'annoncer qu'il était curieux. Vu sa façon d'observer notre intérieur, oui, je l'aurais deviné sans qu'il me le dise, en fait. Ce n'était, selon moi, pas une qualité à vanter, ou alors pas de la façon dont il l'avait fait, lorsqu'on voulait assurer la sécurité de personnes aussi importantes que le sont les émotions.
A l'entendre, il était facile de croire que si nous l'engagions il poserait des questions sur les moindres pans de notre vie au lieu de simplement nous sécuriser la vie. Evidemment, je ne suis pas idiote. Ce n'était sans doute pas ce type de curiosité, celle généralement attribuée aux ménagères de plus de cinquante ans qui s'ennuie tellement qu'elle considère la vie de leur quartier comme un feuilleton palpitant, mais c'était ce qu'on pouvait comprendre. Manifestement, Robert Parr était aussi bon orateur qu'il était stylé. Comprenez : il ne l'était pas du tout.
Pas étonnant, de fait, qu'il ne s'intéresse pas à la vie politique ne serait-ce que de sa ville. C'était probablement au-dessus de ses compétences.
- Qui ne connait pas Violette Parr, franchement ? lui demandai-je. J'étais dans une précédente équipe municipale, pris-je la peine de préciser avant qu'il ne me demande comment elle était au boulot (curieux comme il était, tout était possible), n'empêche que ça me parait capital de pouvoir mettre un nom et un visage sur la pauvre fille qui répare toutes les conneries de Hadès. Pauvre fille au sens je la plains, précisai-je, avant que le papa ne s'énerve.
J'avais rien contre Violette. Elle était jolie et sans doute très gentille. L'héroïne typique, a priori. Je ne la connaissais que de réputation mais je pouvais dire qu'elle avait clairement pas hérité son style de son père. Et c'était tant mieux !
- A priori Violette n'est pas impliquée dans notre offre de travail, rassurez-vous. Je n'ambitionne pas d'embaucher toute la famille alors si vous deviez la perdre - ce que je ne vous souhaite pas - ça ne sera pas de ma faute, déclarai-je.
J'aurais pu lui dire que je comprenais cette angoisse, pire, que je l'avais vécue, que c'était un cauchemar plus atroce que ce qu'on pouvait imaginer mais je n'en fis rien. Je ne parlais de Riley qu'à de rares personnes, triées sur le volet, celles que j'estimais suffisamment dignes de cette confidence.
Et même si Robert parvenait un jour à s'en montrer digne, de toute façon, ce n'était pas une discussion pour un entretien d'embauche. Tiens, d'ailleurs, pour faire plus vrai (je doutais de vouloir embaucher ce type mais si je l'interviewais je pourrais dire à Jaspeur que j'avais suivi son délire jusqu'au bout), j'attrapai un calepin et commençai à prendre des notes :

Robert Parr
Aucun style
Peut-être débile (à vérifier)
Inapte à travailler près du lac (cygnes)
Pas de CV

Je soulignai deux fois cette dernière information, peu étonnée qu'il n'ait pas pensé à en apporter un avec lui. Il était quand même venu en sweat, fallait pas non plus lui demander d'avoir pensé à son curriculum vitae ! Pus j'ajoutai les assurances quand il en fit mention, tournant nonchalamment la tête vers le tableau qu'il indiquait :
- Ouais, c'est un vrai. Il est assuré, confirmai-je. Les assurances ? J'vais même pas vous demander pourquoi ça vous branche plus parce que ça me brancherait pas non plus d'entuber les gens avec des contrats où on comprend que dalle. Envie de jouer les héros ou ex héros qui s'ennuie ? demandai-je ensuite alors qu'il soulevait la table basse avec une aisance à faire pâlir Colère.
Ca, pour le coup, c'était utile pour le poste à pourvoir. J'opinai d'un air appréciateur.
- Pas mal, j'le reconnais. Z'êtes un genre de Monsieur Muscles, c'est ça ? Vous avez pensé à occuper vos samedis en faisant des concours ? Clairement, vous cherchez à vous occuper, j'me trompe ? demandai-je de façon purement rhétorique. C'est vrai que j'ai déjà un avis sur vous mais vous avez aussi déjà un avis sur moi et nous ne nous connaissons pas spécialement. Le truc, c'est que vous renvoyez une certaine image, que vous le vouliez ou pas. Votre look, votre communication non verbale, votre focalisation sur les cygnes qui étaient à 10 mètres de vous minimum et ne vous calculaient pas... Tout ça, ça donne une opinion de vous. Ca et l'absence de CV pour un entretien d'embauche. Vous avez pas réellement envie de faire ce taf mais vous savez pas quoi faire de votre vie alors vous cherchez à droite à gauche en espérant trouver le déclic pour ne plus vous ennuyez. Crise de la quarantaine, les enfants sont grands, maintenant vous avez le temps pour vous alors vous remettez votre vie en cause en vous demandant si vous avez fait les bons choix. Si ça n'aurait pas été plus fun d'être dans la police ou chez les pompiers. Plus excitant. Plus gratifiant. Parce que vous vous sentez encore jeune dans votre tête et votre corps et... effectivement, vous avez encore la forme. Et le style vestimentaire d'un ado attardé, désolée de vous le dire. Vous n'avez pas envie d'un travail de bureau. Vous voulez être utile. Etre le héros de votre vie et le héros tout court. Que votre vie retrouve le sens qu'elle avait avant ou quelque chose comme ça. Mais vous adorez être papa, vous voulez juste ne pas être que papa. Peut-être que le potentiel politique de Violette vous donne l'impression que vous êtes nase en comparaison. Mais si je peux me permettre un conseil - d'ailleurs, c'est pas une question, juste une formulation, je vais me permettre un conseil, annonçai-je, vous devriez vous recentrez sur vos aspirations intérieures, écoutez vos émotions, cherchez dans votre moi profond ce qui pourrait VRAIMENT vous correspondre. Pas postuler chez moi "parce que pourquoi pas". C'est pas une justification suffisante. Et on ne vient pas en sweat à un entretien d'embauche. OK le Armani ça vous irez pas, mais vous pensez vraiment que James Bond s'habille comme un plouc pour ses missions ? Ou Ethan Hunt ? Répondez franchement : vous avez réellement envie de ce job ?


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________________________________________ 2021-04-09, 11:55

La couleur des émotions






Je l’écoutais parler. Un peu à moitié je l’avoue. Quand j’étais dans une position inconfortable, je rentrais dans ma bulle. C’était ma mère qui m’avait appris très tôt cette technique. Ca m’évitait de me mettre en colère et de briser des objets. Je fis même abstraction de tous ces propos, sur Armani. Je ne savais pas qui était cet Armani. Peut être un concurrent ? Je vous ai dit que j’écoutais qu’à moitié ? L’observant de manière un peu plus concentré, je fronçais les sourcils quand elle me parla de la Mairie et de ma fille.

« Oui, elle a beaucoup de travail. C’est une bosseuse, elle y arrivera. »


Perdre Violette ? Pourquoi je perdrais Violette ? Bon je l’avais déjà perdu plusieurs fois petites dans les magasins, et même une fois au Zoo. Mais je n’avais pas l’intention de la perdre encore. Maintenant elle était grande et en mesure de se repérer dans l’espace. Avais-je vraiment tout écouter ? Je clignais des yeux. Je lui donnais du grain à moudre, elle devait me trouver stupide, alors que j’étais juste très distrait.

« Les assurances, c’est quand même nécessaire. Mais je suis d’accord avec vous. Ils en demandent trop, pour des risques de plus en plus minimes. C’est pour cette raison que je suis parti. »


Et aussi celle d’éviter d’écraser mon patron à grand coup d’écran plat sur le crâne. C’était une mesure de sécurité. Et de toute manière, je ne m’épanouissais pas du tout là dedans. Avec un énième soupire, je l’observais sans un mot supplémentaire concernant l’assurance. Je sentais que je m’enfonçais. Et plus je m’enfonçais, plus j’étais gêné. Et plus j’étais gêné, plus j’avais envie de partir. Au fond, j’étais semblable à Violette sur ce point.

« Ah si ! J’ai fait un concours d’avalage de Hot Dog avec mon fils Dashiell. On a le record de... »


Mais je m’arrêtais. Je m’enfonçais certainement encore un peu plus. Un concours de Hot Dog, même si Storybrooke restait aux Etats-Unis, ce n’était pas bien vu. Surtout dans cette maison. Je les imaginais bien manger des dîners végétariens très raffinés, à tenir leurs couverts de manière stricte et précise. Un peu prout-prout. Je soupirais. Ma famille me manquait. Chez nous, les repas de famille se transformaient vite en guérilla urbaine.

« J’ai peur des cygnes. On a tous nos phobies... »


J’avais déjà envie de partir. Je détestais les gens dans le jugement. Et là, c’était quelque chose de constant avec cette dame. Je n’étais pas tellement à l’aise. Elle me rappelait une vieille prof de français de Violette.

« Je... »

Puis elle avait dit tout haut… Ce que j’avais toujours gardé pour moi secret. Ce que j’avais toujours gardé en silence. J’ouvrais la bouche, totalement stupéfait. Elle avait totalement raison. Elle avait totalement vu juste. Soudain, mon opinion envers elle changea du tout au tout. C’était ça. Elle avait raison à 100 %. Du début à la fin, de la majuscule au point…. On pouvait utiliser toutes les expressions pour qualifier ça.
J’avais éviter 1 an de thérapie payante grâce à Deborah Gust ce jour là.

« Mais… Vous avez totalement raison ! Pompier c’est bien ! J’ai… Pas peur du feu en plus ! Le dernier joue souvent avec. »


Je me rendais compte de mes propos. Parfois, quand on racontait nos vies à des gens normaux, on était obligé d’utiliser des termes pour éviter de dire la vérité. Que Jack-Jack s’enflammait, littéralement, à chaque fois qu’il se mettait en colère. Ce qui donnait des expressions comme celle que j’avais utilisé, et qui pouvait nous attirer les services sociaux.

« Non, je n’ai pas du tout envie de ce job… Vous me faites penser à une amie, je suis sur que vous vous entendriez bien avec elle. Elle est experte en mode. »


Je parlais bien sûr d’Edna. Libéré, je me levais et je m’étirais. J’allais refuser la proposition d’embauche. Enfin, j’allais refuser l’entretien, car j’étais certainement recalé.

« Par contre vous vous êtes trompé ! Je ne jalouse pas du tout Violette, au contraire, c’est une de mes plus grandes fiertés. Vous faites quoi comme métier ? Vous savez comment ca se passe pour être pompier ? Ca à l’air pas mal. »


Oui, je la prenais maintenant pour une conseillère pôle emploi. Elle allait être ravie j’en étais sur.




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La couleur des émotions [Fe] - Debbie _



________________________________________ 2021-04-09, 20:35 « Sarcasm: punching people with words. »

La couleur des émotions







Je pense sincèrement que les gens qui écoutent que d'une oreille leurs interlocuteurs sont intimement convaincus que ça se voit pas du tout, qu'ils ont l'air attentif et que la personne d'en face prend leur air détaché pour de la concentration. Je pense aussi qu'il faudrait dire à toutes ces personnes que leur croyance est infondée, que lorsqu'une personne n'écoute pas ça se voit et que, de fait, quitte à ne pas écouter, autant ne pas essayer de faire croire qu'on fait l'inverse. Par respect pour l'autre. Bref, tout ça pour dire que je n'étais pas dupe quant à l'attention que Robert vis-à-vis de la sagesse que je dispensais.
Mais peu importe.
S'il ne pouvait pas saisir la chance incommensurable que j'étais en train de lui offrir (parce qu'en général je facture ce genre d'intervention plus rapide que des années de psychanalyse et donc, de fait, particulièrement chères), c'était tant pis pour lui. Il pourrait toujours revenir pleurer dans mes jupes pour je répète, ça serait non. Ma parole était unique et je n'avais pas prévu d'écrire l'Evangeline selon Deborah. Le monde ne méritait simplement pas qu'on garde une trace écrite de mes précieux conseils.
Le prochain, d'ailleurs, serait sans doute d'arrêter de parler pour rien dire. Car qu'il s'agisse de son commentaire sur les assurances - qui ne faisait que reprendre mon analyse de son travail et servait, au mieux à faire de l'écho, au pire à me prendre pour une conne - ou ses souvenirs de concours d'avalage de hot-dogs, tout le monde s'en foutait. Surtout moi. Mon regard, suite à cette seconde anecdote absolument pas-sion-nante (spoiler alert : non, pas du tout) se trouva être suffisamment équivoque de mon point de vue pour m'éviter de l'accompagner d'un commentaire acerbe.
Je pouvais sans peine imaginer la scène : Robert et un mini lui, moins costaud et blondinet, s'empiffrant d'immondes saucisses badigeonnées de mayonnaise ou de ketchup au point de se rendre malades, le tout devant les yeux ébahis et écœurés d'une foule "en délire" (ou plutôt : dans un délire) pour gagner un prix aussi prestigieux que son poids en saucisses de Francfort. L'image mentale, naturellement, me révulsait, ce qui se répercutait sur la grimace de désapprobation que je lui renvoyais. Parfois, franchement, je me demande si la classe n'est pas simplement morte et enterrée ou si ce sont seulement les humains qui font tout pour que ça arrive.
Heureusement, dans sa grande mansuétude, ou plus vraisemblablement parce qu'il avait réussi à connecter deux neurones entre eux, Robert ne me gratifia pas de l'anecdote dans son entièreté. A choisir, je préférais encore parler de sa phobie des cygnes, au moins on parlait d'animaux grâcieux que j'appréciais.
- Moi j'ai la phobie des idiots et du manque de style mais c'est pas pour cette raison que j'en parle dès que je rencontre quelqu'un, signalai-je d'un ton égal. Cela dit, oui, si vous étirez la vérité au point de faire passer cette phobie des cygnes pour une faille ou une blessure profonde, ça peut embellir votre statut de héros sans peur et sans reproche. Enfin de héros avec un peu peur et je peux pas encore me prononcer pour les reproches, nuançai-je.
Apparemment les certain.e.s aimaient bien les héros imparfaits. Remarquez : c'est pas une mauvaise chose. C'est pas comme si la perfection courait les rues ! C'est même plutôt tout le contraire. Vaut mieux pour le commun des mortels ne pas être trop regardants si le choix de son âme sœur, histoire de minimiser les risques d'être déçu.
Heureusement, quelques rares élus (plus tous les crétins que je rencontre malheureusement dans cette ville) ont la chance de me connaitre et de goûter à la perfection. Parfois je pourrais presque les envier et puis je me rappelle que c'est encore mieux d'être moi que de me connaitre et alors je relativise.
Que je le veuille ou non, Robert, suite à sa démarche d'embauche qui n'allait pas aboutir (on aurait qu'à demander à Aryana de nous affréter un garde olympien, ça irait aussi très bien ne serait-ce que pour rassurer Peur et économiser de l'essence en préférant la téléportation à la voiture) faisait à présent partie des "crétins que je rencontre malheureusement" (et non pas des élus, faut pas déconner non plus) et qui goûtaient au bonheur extrême de se repaître de ma bonne parole. Amen.
- Oui, j'ai toujours "totalement raison", en fait, fis-je remarquer, presque blasée. Mais c'est toujours agréable de se l'entendre dire, concédai-je rapidement avec un sourire presque avenant.
J'avais parfaitement entendu que "le dernier (sous-entendu de ses enfants) jou(ait) souvent avec le feu" mais je décidais que ça n'était pas mon problème. Les Parr pouvaient aussi bien être des parents irresponsables, qu'avoir pondu des enfants avec des pouvoirs tous plus chelous les uns que les autres, ça me regardait pas. En revanche, son amie "experte en mode" m'intriguait bien davantage, pour plusieurs raisons.
Premièrement, parce que j'imaginais assez mal une "experte en mode" être l'amie d'un expert en lose du vêtement comme lui. Alors à moins qu'il ne mente concernant leur relation, il y avait forcément quelque chose qui la poussait à le fréquenter et j'avais envie de savoir quoi : sa femme mieux sapée que lui ? un contrat d'assurance plus juteux ? un amour commun pour les collants ? Les potentialités étaient presque infinies.
Deuxièmement, j'avais envie de checker ce qu'il appelait de l'expertise en mode puisqu'il n'avait pas le sens du style.
Et troisièmement, je me demandais s'il était possible qu'un homme comme Robert Parr puisse me présenter une personne avec laquelle je serais capable de réellement bien m'entendre. Lui et moi, après tout, étions quand même très différents et ce, à bien des égards.
- Vous m'en direz tant, commentai-je en acquiesçant, sceptique mais intriguée. Il ne manque qu'elle et moi nous rencontrions et je pourrai dire si effectivement nous nous entendons bien.
Ici, il s'agissait davantage d'énoncer une évidence plutôt que de prendre un rendez-vous pour que cette rencontre ait lieu. Si ça devait se faire, ça finirait forcément par se faire. Particulièrement dans cette ville.
- Vous ne jalousez peut-être pas Violette au sens strict du terme mais sa réussite doit forcément avoir un impact sur, au choix : votre estime de vous, le bilan que vous faites de votre réussite professionnelle maintenant que vous avez plus ou moins vécu la moitié de votre vie et ce genre de choses. C'est un vrai truc, la crise de la quarantaine, assurai-je. C'est quand on commence à s'apercevoir qu'on a plus vingt ans qu'on se demande si on n'est pas passé à côté de sa vie. Dieu merci, ça ne risque pas de m'arriver, poursuivis-je afin d'amener une réponse (incomplète) quant à ma profession. Moi je fais ce pour quoi j'existe : juger, critiquer, expliquer aux gens comment être une meilleure version d'elle-même, les protéger de la mort physique et sociale et, de temps en temps, leur asséner une ou deux vérités bien senties. On pourrait presque dire que je suis une professionnelle du dégoût. Naturellement, je vous ai toute de suite cerné. J'ai ce don, voyez-vous... J'ai aussi de nombreux autres dons, précisai-je bien que, s'il avait écouté, cette fois, il devait déjà s'en douter. Je sais deux trois trucs sur les pompiers, par exemple, laissai-je entendre, amusée par la situation.
Robert avait manifestement décidé de me confondre avec une agence pour l'emploi et ça m'était bien égal. Quand je pouvais briller, je ne m'en privais pas. Par ailleurs, quand je pouvais être Dégoût, je ne m'en privais pas non. Conseiller les gens était ce qui s'en approchait le plus, ces jours-ci et même si j'aurais préféré conseiller la Reine des Neiges (qui s'habille mieux et est plus jolie, y a pas photo), je prenais souvent ce que j'avais sous la main. Lui, en l'occurrence.
- La bonne nouvelle, c'est que vous pouvez déjà passer la première étape de sélection qui est d'avoir 21 ans minimum. J'pense que vous en avez genre le double. Au moins. Pour la faire courte, y a d'abord un examen écrit, puis une visite médicale, un examen psy - pendant lequel faudra peut-être pas insister sur la peur des cygnes, y a pas de quoi, c'est un conseil gratuit, dis-je en aparté. Ensuite y a un examen physique et, évidemment, faut pas avoir de casier judiciaire. C'est bien d'avoir déjà des connaissances paramédicales, je pense. Genre un brevet de premier secours. J'dirais que ça aide. C'est le cas dans le spin off de Grey's Anatomy, en tout cas.


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________________________________________ 2021-04-16, 17:05

La couleur des émotions






Je haussais un peu les sourcils. Elle parlait de héros comme si elle savait ce que c’était d’en être un. C’était quelque chose de bien plus complexe que ça. En réalité, elle avait tendance à tout simplifier volontairement. Dans son esprit tout était noir ou blanc. Du moins j’en avais l’impression. Et plus noir que blanc.

« Un héros, ça a des peurs vous savez. »

Je fronçais les sourcils. Les cygnes n’étaient pas du tout ma plus grande peur. Ma plus grande peur, c’était de perdre ma famille. Mais… En soit, je passais outre cette remarque. Ca ne faisait pas vraiment avancer la conversation. D’ailleurs, avançait elle réellement ? Maintenant que j’y pensais. On s’appelait Parr. On avait garder notre nom de famille. Pour rester des héros dans l’ombre, c’était un peu compliqué… Plusieurs fois je m’étais fait cette remarque, et aucun membre de notre famille n’y avait songé.

« Je ne suis pas jaloux de Violette... »


Je me répétais. Mais je me répétais, parce que je pensais qu’en effet, le message était mal passé. J’en étais pas du tout jaloux, bien au contraire, j’étais plutôt fier qu’elle réussisse là où moi j’avais totalement échoué. En terme de carrière professionnelle, à son âge, je travaillais dans un Burger King. Je fronçais encore plus les sourcils assez surpris. Elle me rappelait vraiment Edna.

« Mais je ne suis pas en crise de la quarantaine ! »


Je me répétais je crois. Encore. Mais en même temps… C’était la stricte vérité ! Enfin… Quand on y regardait bien, ca pouvait en effet y ressembler. Dans un soupire je me caressais l’arrête du nez. Puis je décidais de ne pas envenimer la situation. J’avais un peu envie de m’agacer, face à autant de jugement. J’avais éduqué mes enfants pour qu’il n’en éprouve que très rarement. Je détestais ça.

« Ah ! Vous m’intéressez ! »


Elle me parla des pompiers. Visiblement, j’avais la totalité. J’avais passé mon brevet de secourisme il y a quelques années, et une piqûre de rappel serait bien. Quand à l’examen, physique, mental et psychologique… Je n’en avais pas tellement peur. Peut être que l’examen écrit serait assez dur à préparer, mais pour ça, j’avais Violette et Helen. Elles m’aideraient certainement pour le passer.

« On doit avoir le même âge, d’ailleurs. Vous aussi vous êtes en crise de la quarantaine à juger tout le monde ? »


J’avais dit ça en ricanant et en mettant ma casquette un peu mieux. Je perdais pieds, mais je savais aussi contre-attaquer dans une conversation quand c’était nécessaire. Je n’avais pas non plus un caractère à me faire marcher dessus éternellement et me faire écraser par un rouleau à compresseur du jugement. D’ailleurs, si on y réfléchissait bien, elle fonctionnait toujours pareil : observation, commentaire intérieur à voix haute, déduction, jugement. C’était rigolo.

« Hmmm… Edna a toujours été de bon conseil. Et vu que vous lui ressemblez… Je pense que c’est un bon conseil. Par contre… Je reviens sur un point de la conversation… »


Ce que j’allais dire, j’aurai pu le dire à Edna. Je ricanais intérieurement. De toute évidence je fonçais tête baissée dans la gueule du loup. Mais bon, ça m’avait un peu piqué au vif.

« Vous trouvez vraiment que je m’habille mal ? Je veux dire… C’est ringard pour mon âge ? Je veux pas m’habiller en costard, ce n’est pas confortable du tout… Vous auriez pas un juste milieu ? Genre un conseil, entre vous et moi ? Entre deux personnes qui font leurs crises de la quarantaine ? »


Je souriais en coin. Je savais qu’elle en mourrait d’envie de me donner des conseils de mode. Aussi, j’avais volontairement foncé tête baissé. M’asseyant un peu mieux dans le canapé… J’attendis la sentence qui allait tomber sur moi sans préavis.






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- Youhou Deborah, regarde ce que je sais faire !
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________________________________________ 2021-04-16, 20:17 « Sarcasm: punching people with words. »

La couleur des émotions







- Un héros ça a des peurs mais ça ne se focalise pas dessus pendant un quart d'heure comme le font certains, tranchai-je sans ciller. Les vrais héros transcendent leur peur, poursuivis-je, me demandant si Jaspeur aurait la bonne idée d'écouter ce que j'étais en train de dire car je ne doutais pas que ça puisse lui servir également. Batman, par exemple. C'est l'homme chauve-souris parce que Brune Wayne a peur des chauves-souris. Mais il n'a pas décidé de se laisser posséder par sa peur. Il a décidé d'en faire une force. Alors je vous dis carrément pas de devenir Swanman parce que même si j'arrive à m'imaginer un costume canon, de un, ça vous irait pas et de deux, Swanman c'est pourri comme nom. Mais vous pouvez prendre exemple sur Batman.
Il avait intérêt à ne pas venir me dire que l'exemple était pourri parce que sinon j'allais vraiment m'énerver. Batman, c'est le meilleur, point à la ligne. Je ne veux rien entendre là-dessus de la part de son esprit de contradiction, même si ce dernier était particulièrement alerte. Manifestement, mes remarques pas spécialement tendres avaient piqué Robert Parr au vif qui était sur la défensive depuis un petit bout de temps et me contredisait la plupart du temps. Sur les peurs d'abord puis sur sa crise de la quarantaine.
- Vous êtes en train de vous interrogez sur le sens de votre vie et de chercher une nouvelle opportunité de carrière, fis-je observer. Ca plus votre look c'est la définition de la crise de la quarantaine. Mais voilez vous la face si vous voulez, ça vous regarde, l'invitai-je d'un geste nonchalant.
Je ne force jamais personne à partager mon opinion - même quand je sais que j'ai raison et les autres tort. C'est pas toujours évident d'ouvrir les yeux ou, dans le cas de Robert Parr, de contempler la première moitié de sa vie et de se demander quoi faire de concret pendant les cinq décennies de vie qu'il lui reste. Enfin, s'il a de la chance.
- On a absolument pas le même âge, coupai-je, plus fermement, en durcissant mon regard. Ni les mêmes problèmes. Et je ne suis pas en crise de la quarantaine, je suis juste moi. J'ai toujours été dans le jugement et je serai toujours dans le jugement. C'est mon fond de commerce, ma raison d'être, mon art de vivre. Appelez ça comme vous voulez tant que vous n'appelez pas ça une crise de la quarantaine. Franchement, c'est insultant pour qui je suis, assurai-je. Bien sûr, je ne vous dirai pas toute la vérité sur qui je suis, ça vous passe bien trop au-dessus de la tête. Mais je peux vous dire un truc : dans mon domaine, y a pas meilleure que moi, conclus-je en relevant fièrement le menton.
Par exemple, même sans connaitre cette fameuse Edna, je savais que j'étais meilleure qu'elle. Qui qu'elle soit, elle était juste Edna et moi j'étais Dégoût. Forcément, je gagnais. Ce n'était que pure logique. Mais tout de même, j'essayerai peut-être de me renseigner sur cette personne, juste par curiosité.
Et pour lui demander pourquoi, si elle est de si bon conseil que ça, elle autorise Monsieur Muscles à se balader dans les fripes d'un ado attardé. Parce que quand même, si cette Edna est, selon Robert Parr, pareille que moi (et donc selon moi franchement moins bien que Dégoût), elle désapprouve forcément ce look. Forcément. Ou alors Robert se trompe.
Dans les deux cas, je serais ravie de l'issue de la conversation si d'aventure elle a lieu. Soit Edna abondera dans mon sens et, si j'ai de la chance, on se moquera un peu, soit elle prendra partie pour son amie et j'aurais raison aussi quand je déclare que je suis mieux qu'Edna. Non pas que j'en doute, c'est juste toujours terriblement agréable d'avoir raison.
Robert commençait sans doute à enfin le comprendre puisqu'il souhaitait revenir sur la mauvaise opinion que j'avais de son look. Eh bah il l'aurait voulu, hein ! Qu'il vienne pas pleurer après parce que j'ai été sincère. Manquerait plus que ça !
- Mon premier conseil, repris-je, les dents serrées d'agacement, c'est d'arrêter de dire que je suis en crise alors que c'est vous qui l'êtes. Et sinon, oui, vous êtes craignos comme ça. La casquette... Quand y a du soleil, fondamentalement, ça a du sens. Ou pour aller courir. Ou pour pas trop se faire reconnaitre quand on fait des choses dans la discrétion. Mais jamais, JAMAIS, pour venir à un entretien d'embauche. Le sweat c'est non, sauf pour le sport ou pour rester chez vous là où personne ne vous voit. Ca a pas de forme et ce qui n'a pas de forme n'a pas de style, tout le monde le sait. Le bas c'est pas mal, par contre. Pourquoi vous mettriez pas un polo si les chemises et les costards ça vous plait pas ? Bougez pas, touchez à rien, et attendez, je reviens, décrétai-je après quelques instants de réflexion avant de me lever et de quitter la pièce.
Je montai farfouiller dans le placard de Jaspeur (en m'affranchissant de sa permission - personne n'a à me donner de permission) avant de redescendre, un polo à la main.
- Ca, par exemple, ça serait mieux. Il est pas à votre taille, on a pas le gabarit bodybuilder ici, précisai-je avant que Robert n'ait la mauvaise idée de se déshabiller pour essayer le vêtement et faire craquer toutes les coutures. Décontracté, bien coupé - comme le jean - et vachement plus confortable qu'un costard. Sin vous pouvez essayer les chemises. Les femmes aiment bien, en général, les hommes en chemise. J'sais pas, ça plaira peut-être à madame. Sauf si comme vous elle est fan de sweats et de hoodies mais j'ose espérer que non.
Maintenant qu'il avait assez admiré le polo de Jaspeur, je le pliai délicatement et le déposai sur un accoudoir avant de me rasseoir.
- Vous avez besoin d'encore autre chose ou on a fait le tour ? J'suis en train de me concerter avec moi-même pour savoir si je vous fais payer la consultation. L'intervention, plutôt. Définitivement une intervention. Vu le chantier.
Mais en vrai, j'adore ça. Critiquer, punchliner (néologisme - copyright Deborah - all rights deserved), disséquer la vie des gens, l'améliorer, m'auto-congratuler. Etre la meilleure, en somme. Etre Dégoût.


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________________________________________ 2021-04-24, 20:42

La couleur des émotions






Je pouffais légèrement de rire. Au final, elle était plutôt drôle. Je ne connaissais que Batman de nom, et effectivement je savais qu’il en avait fait sa plus grande force. Mais… C’était monnaie courante chez les super-héros. Non, ce qui faisait la différence avec Batman c’était… Son esprit. Et surtout le fait qu’il n’avait rien à perdre. Un peu concentré dans cette pensée, je ricanais quand même encore à cette idée de Super Héros Cygne.

« Effectivement… Niveau charisme… J’en prendrais un coup. »


Je me regardais encore. J’aimais bien moi être habillé comme ça. C’était confortable. Et pour éduquer 3 enfants, il fallait vraiment être dans des habits confortables. On ne rattrapait pas un enfant qui se téléporte sur le toit de la maison en costume cravate. Et puis j’avais toujours été habillé ainsi, de manière simple, comme un américain moyen. Je voyais pas pourquoi je changerai. Mais Edna me l’avait déjà signalé.

« Ahah. C’est bien, vous êtes sûre de vous. Ca aussi ca doit être une force ! J’pense que j’ai pas le quart de votre aplomb et le tiers de vos certitudes ! »


Je la regardais la tête penchée. A vrai dire, elle parlait comme si elle savait tout. Mais plus on avançait dans la conversation, plus je me rendais compte qu’en effet… Elle savait tout. Enfin, dans l’immédiat. Sur des choses de la vie courante. J’étais certains qu’elle ne savait pas tout sur tout. Mais sur la vie ! C’était dingue ! Je pouvais m’en faire une amie, comme j’avais fait avec Edna ! C’était très utile les amis comme ça.

« Ah ? Et vous avez quel âge ? »


Bam. J’avais fait exprès. Je savais que ça allait faire mouche. Elle devait être le genre de personne à ne jamais dévoiler cette information et à s’offusquer quand on lui demandait. Elle avait d’ailleurs volontairement masqué l’information dans une pirouette en changeant le sujet. Quand on vous demandait si ça allait, en théorie, on répondait « Et vous ? ». Pour l’âge c’était sensiblement, et normalement la même chose…

« En fait, je mets des chemises et des polos. Enfin, j’en mettais avant. Disons que les enfants ont fait que je prenne un style plus… Efficace. Mais j’ai jamais changé de style. Je suis bien dedans. Casquette Polo ça fait pas un peu joueur de golf ? Et quand on y réfléchit… Enfin je suis pas spécialiste de mode hein. Mais un polo, c’est un t-shirt avec un col de chemise. C’est ni l’un ni l’autre… On vote démocrate ou républicain par exemple. Jamais entre les deux ! Vous saisissez ? »


Je ricanais et j’observais quand même le polo. Le tissus était de haute qualité. Edna m’avait appris à les reconnaître pendant nos pauses thé. Quand on y songeait c’était grâce à elle que j’avais pu sortir avec Helen. Avant sa rencontre, j’étais un vieux bouseux qui n’y connaissait rien à rien. Et elle m’avait transformé ! Mais bon… Maintenant j’avais une femme… Quoi que… Ca lui ferait peut être plaisir de me revoir habillé comme ça de temps en temps… Songeur, je me renvoyais à ma propre image de manière un peu plus virulente au fur et à mesure que les secondes passèrent. Est ce que je m’étais encrouté dans mon couple ? Est ce que ce n’était pas la raison pour laquelle on s’était disputé avec Helen ? Hm ?

« Ouais. J’aimerai qu’on fasse plus connaissance. Je vous apprécie bien. Ca peut paraître curieux, mais j’aime bien les petits femmes qui font des cours de look et d’hygiène de vie. Mais pour qu’on soit connaissance, et peut être ami, faut que ca aille dans les deux sens... »


Je réfléchissais. Puis j’expliquais le fond de ma pensée.

« Quand on a mon âge et une famille, on a moins de temps pour les amis, donc on est plus… Concentré sur ce qu’on cherche réellement vous voyez. Je sais pas si je m’exprime bien. Vous avez pas le même polo en XXL ? »


J’étais sûr que je pouvais rentré dedans. Je l’observais. Si ça se trouvait, ils étaient comme mes costumes et il épouserait la forme de mon corps automatiquement.




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________________________________________ 2021-04-25, 00:13 « Sarcasm: punching people with words. »

La couleur des émotions







Comme je suis une personne pleine de sollicitude (même si la plupart des gens sont trop idiots pour s'en rendre compte) je n'avais pas pris la peine de faire remarquer à Robert que son charisme n'avait pas besoin d'un costume de superhéros cygne pour "en prendre un coup" comme il le disait. Le fait était que son charisme en prenait déjà un coup à cause de bien des choses. A commencer par cet infâme hoodie, qui n'avait que le confort pour lui rendre grâce. Encore que je préférerais être pas tout à fait à mon aise que de porter un truc pareil sur le dos.
Mais comme je viens de vous le dire : je suis une personne pleine de sollicitude et je n'avais donc pas faire cette remarque. Je m'étais contentée de pincer les lèvres, attendant la suite. Robert Parr semblait capable d'avoir quelques fulgurances spirituelles par ci par là et, effectivement, il ne manqua pas son coup en affirmant "ne pas le quart de mon aplomb et le tiers de mes certitudes". C'était l'évidence même mais c'était déjà très bien qu'il soit en mesure de l'admettre. Ca prouvait que son cerveau fonctionnait mieux qu'il ne m'en avait donné l'impression lorsqu'il avait sonné à ma porte.
- Ca c'est sûr et certain, approuvai-je sans ciller. A mon niveau c'est un don, que j'accepte de partager avec certaines personnes, parfois, et encore, pas dans son intégralité, le prévins-je. Ou alors faut vraiment payer cher, nuançai-je juste après.
Sauf que Robert Parr était ce qu'on appelle couramment un "Américain moyen". Il n'avait, par définition, pas les moyens, justement, de s'offrir mes services premium. Il n'avait déjà pas les moyens de s'offrir une garde robe décente, je ne pouvais pas non plus trop lui en demander. Mais la réciproque était toute aussi valable. Il avait de la chance, mine de rien. Il était venu pour un entretien d'embauche et il repartirait avec mes précieux conseils. Gratuitement. Y avait que lui qui était réellement gagnant, dans tout ça. Si j'avais pu choisir j'aurais conseiller quelqu'un de plus séduisant et de plus classe que lui. Et de moins curieux.
Pas que je n'apprécie pas de parler de moi. Bien au contraire. J'adore parler de moi, c'est même l'une de mes passions premières. Il se trouve, en fait, que je suis un sujet fascinant parce que j'ai réussi l'exploit d'être une personne à la fois belle, riche, intelligente, maligne, bien sapée, avec une certaine notoriété locale et des relations. Et de ça, y a pas tout le monde qui peut s'en vanter, loin de là. Mais, même si je suis la personne la plus intéressante et la plus inspirante que je connaisse (on pourrait dire que je suis mon propre modèle), je n'apprécie pas les questions impertinentes. Celles sur l'âge, par exemple.
Je ne voyais pas bien en quoi mon âge pouvait bien regarder Musclor mais, manifestement, j'étais la seule à me poser la question. Le moins que l'on pouvait dire de Robert Parr, c'était qu'il n'y allait pas par quatre chemins. Il aurait pu choisir la voie de subtilité pour tenter d'obtenir exactement la même information, avec une flatterie, par exemple. Mais non. Il y était allé direct, sans détour, de façon à ce que je ne loupe pas sa question, un peu comme lui on ne pouvait pas le louper avec sa carrure de frigidaire humanisé.
Je parie que personne ne lui a jamais dit que ça ne se fait pas de demander son âge à une dame.
D'ailleurs, si ça se trouve, c'est l'une des premières questions qu'il a posée à sa femme quand il l'a rencontrée. Et peut-être même qu'elle a trouvé ça charmant. Remarque, s'ils se sont connus à la fac, elle avait sans doute pas encore de pattes d'oie, ça peut aider.
- Je suis intemporelle. J'ai pas réellement d'âge, répondis-je, blasée, bien décidée à ne pas révéler toute la vérité ou, plutôt, à lui servir ma vérité, ce qui est de toute façon synonyme de la vérité. Je suis comme les concepts mais en mieux. J'étais, je suis et je serai. Sous cette forme ou une autre, c'est pas important du moment qu'essentiellement je suis.
J'aurais pu opter pour une formulation moins obscure qui donnait moins l'impression à Robert d'avoir basculé en plein milieu d'un cours de philosophie sur le sens de la vie. Mais comme vous l'avez vu vous-même, je l'avais pas fait. Parce que c'était plus amusant de cette façon, plus déroutant, aussi, et aussi parce que selon moi c'était vrai.
Je ne suis pas n'importe qui et je ne serai jamais n'importe qui. Je suis Dégoût. Sa personnification, initialement programmée pour permettre à Riley Matthews de me ressentir et d'avancer tranquillement dans la vie en évitant d'avoir l'air ridicule et de manger des brocolis (me dites pas merci, je fais ça pour le bien de l'humanité). Mais le dégoût, ça existe depuis la nuit des temps. Depuis qu'il existe des êtres capables de le ressentir. Et ça existera encore bien après moi, ce qui est une satisfaction personnelle, je vous le cache pas. Donc, oui, à ma façon, je suis intemporelle et immortelle.
Mais dans les faits Riley est née en juin 2004, ce qui pourrait vouloir dire que j'ai dix-sept ans. Ce qui signifie de toute façon que Robert a tort en prétendant que je suis en pleine crise de la quarantaine. Et ça, ça me plait. J'aime avoir raison et j'aime que les autres aient tort. Je crois même que je préfère quand les gens ont tort. C'est beaucoup plus amusant que quand j'ai raison puisque ça m'arrive constamment d'avoir raison. Mais être témoin de quelqu'un qui est dans l'erreur, ça peut vraiment être très intéressant si on tombe sur un bon client.
Pour le moment, cela dit, j'étais surtout témoin des ravages que la paternité pouvait avoir sur le style des hommes et je devais bien avouer que je trouvais cela navrant. Oh, bien sûr, Papa était un peu ringard dans son genre aussi, comme tous les papas. Sa moustache, pour commencer. J'avais toujours dû me retenir de lui faire remarquer que Magnum c'était plus à la mode depuis vingt-cinq ans et qu'en plus ça piquait. Mais ça m'avait pas empêché de le penser. De la même façon, j'avais toujours et uniquement ri à ses "blagues de papa" (mais si, vous savez, les fameuses vannes un peu cliché que personne ne fait à moins d'avoir procréer et de chercher à paraitre un peu cool devant le fruit de ses entrailles) quand nous étions entre nous. En société, c'était hors de question de trouver ça drôle. Plutôt mourir.
Tout comme Robert Parr, Papa n'avait jamais eu un style vestimentaire au top de la mode mais, à sa décharge, il n'avait jamais abusé des casquettes et n'avait jamais mis de hoodies. C'était donc bien la preuve qu'on pouvait adopter un style "pratique", ainsi que le définissait mon client du jour, sans pour autant totalement flinguer son look.
- Si vous voulez mon avis, vaut mieux avoir un look de joueur de golf qu'un look d'ado attardé, quitte à vraiment choisir, fis-je observer platement. Mais je n'ai pas dit que vous deviez vous balader la casquette vissée à la tête. Oh ça non. Si j'étais vous j'en abuserais pas. Pour aller faire du running, quand vous êtes au soleil ou à la plage, OK. Mais sous le parasol pendant le barbecue du dimanche, c'est vraiment superflu.
Pour un peu j'aurais précisé qu'on ne met jamais de chaussettes avec ses sandales mais je préférais 1) ne pas m'infliger cette image mentale et 2) partir du principe qu'il était suffisamment intelligent pour savoir que ça ne se faisait pas. Même en Bavière il faudrait le faire interdire par l'ONU, histoire de nous approcher de la paix dans le monde si ardemment réclamer par Miss Amérique depuis cinquante ans.
Robert n'aurait peut-être pas saisi en quoi l'interdiction du look bavarois typique pourrait nous approcher de la paix dans le monde, tout comme moi je ne comprenais pas sa comparaison entre les polos, les chemises et les partis politiques du pays. Finalement, il devrait peut-être garder sa casquette plus souvent. Peut-être que le soleil lui avait déjà cramé pas mal de neurones. Toutefois, je me permis, une fois de plus, de le détromper :
- La différence entre les tee-shirts et les polos c'est que les premiers n'ont pas de design et les seconds si. Les premiers c'est bien pour dormir, faire des travaux, aller courir, transpirer. Les deuxièmes c'est mieux pour faire bonne impression. Et les chemises c'est juste le cran au-dessus du cran au-dessus des polos qui serait les chemisettes. Mais je voudrais pas vous perdre dans toutes les nuances. Retenez juste que ce qui compte, c'est la coupe. D'ailleurs, c'est pareil pour les cheveux, je crois pas donc que ce soit un hasard. Mais vous en faites pas, la vôtre, de coupe, est bien, précisai-je dans ma grande mansuétude.
Pas étonnant qu'il m'aime bien, de fait. Avec tous les plus ou moins compliments que je lui avais faits plus les conseils judicieux que je lui avais fournis, il ne pouvait que m'apprécier. En principe, quand on a une once de bon sens dans sa tête, on a forcément envie de rester dans mon entourage une fois qu'on me connait et Robert Parr n'aurait pas eu besoin de m'expliquer ses difficultés à se faire des amis pour que je sache qu'il espérait que je devienne la sienne. C'était normal, après tout. Qui n'espérerait pas être ami avec l'incarnation du style ?
- Moi aussi je m'apprécie particulièrement, répondis-je en premier lieu sans ciller. Par contre je fais un mètre soixante-dix ans alors évitez de me mettre dans le même panier que les "petites femmes qui font des cours de look et s'hygiène de vie". Moi je suis une grande, point à la ligne. Vous vous exprimez pas super bien, parce que vous êtes un orateur assez moyen, en fait, mais je suis suffisamment intelligente pour comprendre ce que vous essayez de dire, vous inquiétez pas pour moi. En ce qui me concerne, j'ai déjà pas mal d'amis et j'en cherche moins activement que vous mais je vous déteste pas. Je suis pas trop certaine d'être le genre d'amie que vous recherchez réellement. Parce que, pour commencer, même si je deviens votre BFF à la vie à la mort, spoiler alert : ça n'arrivera pas, jamais de la vie je garderai vos enfants. J'aime pas les enfants des autres. Et j'ai pas ce polo en taille XXL mais je peux éventuellement vous accompagner pour faire du shopping et essayer de sauver votre look. A vos frais, évidemment. Je suis pas Amnesty International, j'aurai pas la patience. Avec tout ça je crois que vous me connaissez déjà pas mal, non ? demandai-je avec un sourire narquois. J'adore parler de moi alors si vous tenez à en savoir plus sur moi, étant donné que je n'ai pas encore publié mes mémoires, allez-y, posez vos questions. J'ai du temps devant moi. Mais je garantie pas de vous répondre aussi précisément que vous l'espérer. Je pense que vous apprends rien si je dis que même les amis ont des jardins secrets. Alors imaginez les connaissances...


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