D'autres, plus factuels, auraient sans doute fait remarquer à Emma que les personnes dans le coma ne pouvaient pas sourire. Mais pas Amelia. Pour commencer, elle aussi avait eu cette impression lorsqu'elle était au chevet de son mari. Même si elle se doutait que cette impression lui venait probablement de l'espoir qui l'animait, voire de la fatigue qui l'assaillait, ou encore d'un jeu de lumière inattendu (Amelia ne voulait pas croire qu'elle avait des visions ou des hallucinations), la pâtissière avait décidé d'y croire, d'une certaine façon. Elle n'avait certes pas crié cette information sur tous les toits (se doutant bien qu'une majorité de personnes seraient promptes à l'envoyer chez le psychiatre voire à la faire enfermer) mais elle l'avait chérie au fond de son être et y avait repensé à chaque fois qu'elle avait cœur si lourd qu'elle l'avait au bord des larmes.
- Je connais ça, glissa simplement Amelia, un sourire rêveur et nostalgique aux lèvres. Je suis sûre que c'était bien réel. Je suis pas médecin mais je suis convaincue qu'il y a des choses que même la médecine la plus à la pointe ne peut pas expliquer. Le véritable amour, par exemple. S'il y a bien des gens qui peuvent et même doivent croire à son pouvoir de guérison, c'est bien nous, affirma la pâtissière avec véhémence. Rappelle toi de la façon dont Emma Swan a brisé la malédiction.
Même si c'était arrivé depuis maintenant de nombreuses années, l'histoire d'Emma et de son fils Henry avait fait le tour de la ville. Tout le monde avait appris comment il s'était soudain effondré, victime d'un sortilège de sommeil que personne alors ne pouvait expliquer. Et tout le monde savait également que, même si elle n'y croyait pas, la Sauveuse lui avait donné un baiser d'amour véritable qui avait "réglé le problème" si on peut dire. Alors si on admettait qu'une chose aussi insensée fonctionne, on pouvait bien admettre qu'un comateux puisse sourire.
Amelia espérait en tout cas que son mari avait souri de subir ses tentatives de rasage - il valait mieux ça que d'en pleurer ! Mais elle n'était pas comme Emma, malheureusement. Sa précision n'existait que dans son domaine de prédilection.
- Tu as de la chance ! Je crois que la vie a décidé que je serai très douée en pâtisserie et en cuisine et très maladroite pour pratiquement tout le reste. Enfin... je sais m'épiler correctement, hein, précisa quand même Amelia sans trop de gêne. Mais c'est pas pareil de raser quelqu'un qui n'est pas soi. On sent pas si on fait mal. On... se contente de le voir quand c'est trop tard, conclut-elle piteusement.
Mais le soleil et un sourire revinrent bien vite sur le visage d'Amelia quand, après avoir entendu l'incroyable histoire d'amour d'Emma, elle put admirer la bague de fiançailles qui lui était destinée depuis toutes ces années. Y posant des doigts délicats et craintifs de l'abimer, Amelia lâcha un "oh" admiratif avant d'étayer son propos :
- C'est un très beau bijou ! J'espère que tu pourras bientôt reprendre le cours de votre histoire où elle en était avec le genou à terre etc. C'est vraiment cool que la malédiction n'ait pas perdu la bague, poursuivit Amelia. Ca aurait été très méchant sinon, constata-t-elle, sachant pertinemment que les malédictions, surtout celles qui s'appelaient "sort noir" n'étaient pas faites pour être gentilles.
Et il n'y avait pas que les malédictions qui n'étaient pas faites pour être gentilles. L'histoire d'Emma en avait un parfait exemple qui, à la grande surprise d'Amelia, s'avéra être une personne qu'elle connaissait ! De réputation, pour commencer, il n'y avait effectivement pas trente six notaires en ville, mais aussi personnellement, pour avoir été sa cliente.
- Oh tu veux dire que c'est Erwin Dorian ?! s'écria la jeune femme, aussi choquée que si elle venait de découvrir le twist imprévisible d'une fin de série télévisée. Je devrais sans doute pas être surprise, tu me diras. Il faut bien que les personnages de conte que nous sommes se trouvent un travail ordinaire ici. Et si ça peut te rassurer, poursuivit Amelia, songeant que ce n'était peut-être pas idéal pour Emma d'aller voir maître Dorian pour la succession de ses parents, c'est chez lui que je suis allée pour la succession de mon mari et je l'ai trouvé très professionnel. Assez compatissant et plutôt transparent. Je n'y connais rien en notariat, développa la pâtissière. C'est pas pour rien que c'est lui le notaire et moi la pâtissière. Mais il m'a tout bien expliqué et les choses se sont très bien passées. Enfin tu me comprends, aussi bien que possible dans ce genre de situation.
Amelia pressa amicalement la main d'Emma et laissa le silence s'installer avant qu'une idée ne germe subitement dans son esprit et qu'elle reprenne vivement :
- Au fait, tu t'en sors pour tous les trucs administratifs suite à... tout ça ? conclut Amelia qui ne voulait pas dire "suite à la mort de tes parents" dans sa question ce qui l'aurait pourtant rendue plus claire. Parce que si tu as besoin d'aide, tu me dis ! Je suis plus vieille, j'ai plus l'habitude de l'administration et de la paperasse ! plaisanta la pâtissière.