Ready? Fight!

Si quelqu’un lui demandait ce qui était son petit plaisir, dans la vie, son loisir le plus apprécié, Raven répondrait, sûrement : emmerder le monde. Après avoir envoyé chier celui qui osait lui poser des questions, évidemment, par pur esprit de contradiction, alors que la brune adorait être le centre de l’attention. Titiller les humains, en tout cas, ça la faisait vibrer à un point qui ne devrait même pas être permis. Elle adorait voir leurs visages se déformer sous le coup de la colère, leurs joues rougir de honte ou leurs membres trembler sous l’envie de lui faire regretter tout ce qu’elle osait. Oh, ils pouvaient toujours essayer ! Sous ses airs de mamie, Raven renouait lentement avec son côté humain et réapprenait à frapper aussi bien que ce qui était écrit dans ses souvenirs. Puis, si la menace était trop forte, il lui suffisait de prendre la fuite par les airs. Au moins, dans le ciel, aucun humain ne pouvait la suivre.

Ou presque aucun, mais Raven ne voulait pas penser à la grosse poule qui s’était greffée des ailes immenses dans le dos. Elle préférait se concentrer sur sa petite vie tranquille, ou presque tranquille. Pas du tout tranquille, en vérité. De l’autre côté du mur de son appartement, perché au-dessus de sa boutique de taxidermie, la brune entendait le voisin jouer de la batterie juste pour l’embêter. Dernièrement, il lui semblait qu’il était plus souvent là pour jouer à toute heure de la nuit et lui indiquer, par la même occasion, qu’il était bien chez lui. Une information qui aurait dû énerver Raven, mais qui, en vérité, gonflait son cœur d’une joie sur laquelle elle ne voulait pas se pencher. Parce que s’il était là, de l’autre côté, pour l’emmerder, alors il n’était pas ailleurs, en ville, à se rouler dans les bras d’une autre bonne femme.

Se poser ce genre de questions et s’intéresser de trop près à l’abruti qui habitait l’appartement mitoyen ne plaisait pas vraiment à Raven. Tant que les choses ne seraient pas enfin arrangées entre eux, elle préférait l’éviter comme la peste. Ce qui n’arrangerait rien à leur relation, en effet, mais l’oiseau noir avait sa propre façon de voir les choses. Il pensait avoir assez donné de sa personne, depuis qu’il était revenu voler au-dessus de Storybrooke, et ne voulait plus rien faire de lui-même. Si son démon-chat voulait de lui dans sa vie, il n’avait qu’à se démerder pour essayer de capter l’attention du corbeau. Ça lui apprendrait peut-être à penser à quelqu’un d’autre que sa petite pomme de débile.

Forcément, comme à chaque fois que ses pensées s’attardaient trop sur son mari, Raven tripota la bague, à son doigt, et s’enfuit de sa boutique de taxidermie. Elle claqua bien fort la porte derrière elle et s’enfonça dans les rues de la ville, sans trop de but. Elle voulait juste s’éloigner de chez elle, de son nid qu’elle n’aimait pourtant pas abandonner et aller voir, ailleurs, s’il y avait mieux à faire que d’écouter l’autre se prendre pour un génie du hard rock. Ce qu’il n’était clairement pas.

Ce qui l’amenait, maintenant, devant une poignée de gamins, un grand sourire aux lèvres, à jurer de tout son cœur qu’il n’y avait, vraiment, rien de mieux au monde qu’emmerder les gens. Les humains lui tapaient sur le système à un point qu’ils n’imaginaient même pas. Alors, pouvoir se tenir là, devant eux, à titiller leurs points faibles et piétiner leur ego, ça la faisait marrer. Vraiment. Ce qu’elle leur annonça, histoire d’enfoncer le clou, en explosant de rire. Un rire qui, au lieu de la libérer de sa frustration, lui rappela qu’elle savait se battre et qu’il était, peut-être, temps d’essayer de se laisser tenter par un petit combat.

Une chose qui, justement, la retint bien droite, devant les gamins enragés, à se demander si c’était vraiment une bonne idée. Raven savait qu’il y avait, dans ses souvenirs, des images de combat, de mouvements, de force et de calculs à prendre en compte pour un combat réussi, même seule contre quatre garçons, mais elle n’était pas certaine de pouvoir se replonger dans le corps de l’espionne. Quelque chose l’en empêchait, sans cesse, comme un blocage qu’elle n’arrivait pas à passer. La brune n’était pas sûre de savoir d’où il lui venait, mais elle se doutait, au fond, que ce devait être lié à l’abruti qui lui servait de mari.

Ce qui l’énerva encore plus, forcément.

» Allons, allons ! ricana-t-elle, de son rire grinçant. Vous n’allez pas frapper une vieille dame sans défense, hein ?

Les gamins échangèrent un regard, sans savoir eux-mêmes s’ils devaient sauter sur l’occasion ou se retenir. Sauf qu’elle avait le don, Raven, pour titiller les nerfs et pousser les gens à bout. Surtout des jeunes qui étaient, bien souvent, trop frustrés pour leur propre bien ou trop méprisés par les adultes. Comme elle, qui s’amusa à relever le menton et poser, sur eux, le regard le plus condescendant qu’elle put faire.

Et quel plaisir de les entendre grogner !

» Les jeunes, de nos jours, c’est plus ce que c’était…

Raven sourit et profita que l’un d’eux fut très proche d’elle pour lever une main et la poser sur sa tête. Elle tapota gentiment, comme une grand-mère attendrie par les balbutiements de son petit-fils. Si avec ça, ils ne l’attaquaient pas, la taxidermiste ne comprendrait vraiment pas ce qui était arrivé au monde.