A
mis. Le mot était placé là. Comme s’il y avait eu une raison d’être, par lui-même, d’exister. Alec n’avait pas d’amis. Ou plutôt, il n’en avait pas réellement. Ses frères étaient ses frères, il avait des connaissances, il avait des clients, il avait eu des patrons, mais des amis… Il ne pouvait définir si Liliann et lui avaient été amis à cette lointaine époque… mais il avait, en cet instant, une chaleur dans son cœur qui prenait la place sur la réflexion. S’il pouvait être ami avec elle, ça le rendrait heureux. S’il pouvait être ami avec elle, ça serait une nouvelle expérience douce et chaleureuse, quelque chose qu’il tendait vers. Et une partie de lui savait qu’avec Liliann ça serait possible. Il ne pourrait pas être ami avec tout le monde. Il ne pouvait pas l’être avec ses clients, et il n’avait pas envie de transformer ses quelques connaissances en ami comme avec Liliann. Il ne pouvait le définir pourquoi, mais il avait envie de la protéger comme jamais. Ou plutôt, si justement, il avait envie de la protéger comme la première fois qu’ils se sont rencontrés… Mais la première fois, il n’a pas eu le choix de la toucher, de la laisser dans le même monde que lui. Alors, pour une fois qu’il avait le droit de faire un choix, il fit le choix de ne pas la laisser, de ne plus jamais la laisser, et de mettre tout en œuvre pour l’aider.
Alec sentait bien au fond que malgré toute la douceur de leur retrouvaille, commencer par un homme qui le bats, mais c’est un détail, quelque chose clochait. Comme une croûte qui cache une plaie en train de s’infecter. Alec essaie de comprendre, mais il ne peut que toucher la raideur des membres, il ne peut qu’entendre la respiration, et ressentir la tempête d’émotion. Il ne savait pas encore si cela venait de lui, ou d’elle, mais il savait qu’il y avait plus que ce qu’il pouvait bien comprendre dans l’instant.
- Je ne suis pas d’accord. Mais j’imagine que tu m’en parleras plus tard.
Il voulait dire par là, qu’elle n’avait pas l’obligation de lui parler pour le moment. Elle pouvait que prendre le câlin, et la force qu’il essayait d’y mettre pour elle. Elle pouvait que prendre, tout, et laisser Alec dans l’ignorance de son passé. Il ne voulait pas savoir si c’était quelque chose qu’elle voulait lui jeter à la figure pour essayer de lui faire croire qu’elle ne mérite pas tout le bonheur du monde. Il ne voudrait de toute façon pas y croire et c’est tout. Elle pouvait donc prendre son temps pour « avouer » ses crimes qui semblaient prendre encore plus de place sur son fardeau que ce qu’il avait déjà vu de l’époque. Il voyait en Liliann, une femme avec un poids sur les épaules, qu’elle refusait de lâcher et qu’elle ne voulait partager. Et il lui semblait que ce poids ne faisait que grossir. En tout cas, Alec savait qu’il y avait « eu » quelque chose pour que cela prenne cette proportion…
Il observa le visage de la jeune femme qu’il ne pouvait voir. Il essayait de faire arrêter le déplacement de l’image pour la voir, elle, mais il savait que c’était peine perdu. Il ne pouvait arrêter les visages difformes qui se laissent modifier au gré d’une vague imaginaire. Il lui sourit alors, tout simplement. Il avait un mal fou à croire qu’il était doux. Il n’avait jamais été doux. On ne lui avait jamais appris à être doux. Sa mère n’était pas la douceur, et il savait qu’il n’avait pas été le meilleur de frère non plus. Ses frères auraient mérités plus, plus de câlin, plus d’amour, plus de joie… Mais non. Il avait été bêtement incapable de leur montrer de la douceur… ou alors était ce lui qui ne savait pas ce que la douceur signifiait ? Ce n’était pas impossible.
- Je ….. Merci … Il n’était pas sur de la chose à dire. Il n’était pas sur qu’il devait remercier. Cela lui faisait plaisir qu’une personne dise qu’il est doux, et pas dans un cadre moins habillé et plus horizontale. Cependant, il ne pouvait que croire Liliann, et il ne préféra pas la contre dire pour le moment… Il allait la contredire sur tellement d’autre chose, dont il était plus sûr, qu’il pouvait bien accepter un compliment de temps en temps. Et il sourit à nouveau quand elle parla du faible qu’elle avait eu pour lui. Il trouvait cela tellement étrange de se dire que quelqu’un, un jour, avait eu un faible pour lui. Et il comprenait bien dans ce « faible » quelque chose de plus grand que le faible que les femmes ont pour lui d’ordinaire.
Une pointe de culpabilité nouvelle se logea quelque part dans son esprit. Une nouvelle pointe de culpabilité plutôt. Parce qu’il l’écoutait, et il se rendait compte qu’il aurait du faire plus pour elle. Il aurait dû … l’aider plus. A l’époque, il avait déjà abandonné d’être un bon samaritain, donner aux pauvres, il ne pouvait pas le faire. Sauver tout le monde ? Il savait aussi ne pas en avoir la puissance… mais il aurait dû. Parce que la jeune femme aurait mérité qu’il l’aide. Qu’il la prenne sous son aile, qu’il dise qu’il ne travaillerait plus, beaucoup plus, et qu’elle n’aurait plus à faire le métier qui les avait pourtant réunis.
- Je ne t’en veux pas.
Fut les seuls paroles raisonnables qu’il arriva à prononcer. « je ne t’en veux pas ». Parce qu’il ne lui en voulait pas d’avoir ressenti un tendre sentiment pour lui. Les sentiments tendres n’étaient d’ordinaire pas pour lui. C’était pour les autres. Et la pointe qui transperçait son cœur pour le traiter de coupable s’enfonça un peu plus. Il savait même qu’elle n’avait pas l’âge à l’époque, il savait qu’elle n’était presque qu’une enfant, et malgré cela …. Il l’avait laissé dans ce monde. Il ne comprenait pas comment il pouvait encore penser être une personne bien après cela. Mais il ne pouvait pas lui dire. Il ne fallait pas lui dire. Il referma ses bras un peu plus contre la jeune femme. Il ne savait pas du tout quelles émotions étaient en train de se dessiner sur son visage, et il ne voulait pas qu’elle puisse lire en lui. Tout comme il ne voulait pas de cette sensation maternelle qui prenait place entre eux.
Vanessa (sa mère) était sa mère, et elle ne lui avait clairement pas appris l’amour maternel… mais Alec savait qu’il ne voulait pas de Liliann dans cet amour, et il avait trop l’impression que c’était ce qui allait se mettre en place s’il ne bougeait pas cela d’une manière ou d’une autre…. Il ne savait pas comment faire cependant pour annihiler cette sensation. Et le câlin qu’il lui donne, il ne veut pas que ça puisse ressembler à un câlin avec un enfant. Il n’était pas un enfant, elle n’était pas sa mère… et une voix vicieuse dans sa tête lui dit qu’il ferait tout pour que cette sensation maternelle disparaisse pour de bons. Alec sourit alors et montra rapidement les lieux du menton.
- On ne ferme jamais la porte, donc tu peux venir quand tu veux. Et mes frères sont spéciaux, surtout un, mais je suis sur que tu pourrais les apprécier. Ce sont de gros gamins dans leur tête.
Même si l’un des deux était apparemment un génie, mais l’autre avait réellement assez d’idiotie pour faire péter un compteur. Dans tous les cas, les deux étaient gentils, on ne pouvait leur enlever cela. Et la suite se passa. La bulle du câlin éclata. La jeune femme se recula. Alec observa son accoutrement. Pas plus gêné que ça. Il avait l’habitude d’être moins habillé que plus. Il lui sourit doucement.
- Je n’oublie pas que tu veux me nourrir. Je ne crains pas trop le froid, j’ai une peau et des poils à toute épreuve, je suis un ancien cheval après tout.
Il n’était pas sur que c’était bien le bon terme « poil ». Après tout, il était un cheval mais il ne s’était jamais intéressé aux chevaux… dans le sens où pour lui, le casque chelou que les cavaliers mettent sur la tête quand ils montent un cheval s’appelle « le-casque-chelou ». Mais il savait qu’il tenait tout de même un peu le froid et ne risquerait pas de tomber malade tout de suite. Il laissa alors Liliann faire la cuisine. Assis. Parlant de tout et de rien. Plus de rien que de tout.
Ils n’abordèrent plus les sujets du câlin. Pas qu’ils avaient honte, l’un ou l’autre, mais parce qu’il y avait un temps pour tout. Alec parla longuement de ses frères plutôt. De la raison pour laquelle ils sont allés en prison, les idiots, de leurs caractères… Alec ne savait pas trop pourquoi, mais il évita le sujet de son propre monde des contes. Il ne l’avait pas fait exprès, juste il n’avait pas abordés le sujet. Parlant des faux souvenirs comme s’ils étaient les seuls à exister. Il n’était pas revenu non plus sur sa condition de cheval, juste pour expliquer pourquoi ses frères avaient ils volaient une jument pour lui offrir… Ils pensaient que c’était la mère biologique d’Alec et que ça lui ferait plaisir… Liliann avait fini de faire à manger. Alec se nourrit et l’obligea à manger aussi un peu avec lui. Et après avoir échangé de quoi se retrouver, donc numéro de téléphone et adresses, ils se quittèrent.