« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
Des moutons. Ils étaient agressés par des moutons. L’information aurait pu être mignonne pour n’importe qui d’autre, mais pas pour lui. Tim détestait les moutons depuis… toujours, en fait. Il les considérait comme les pires créatures au monde et ne voulait pas les approcher. Kaeloo l’avait forcé à jouer à saute-mouton avec des moutons, une fois, au Pays Trop Mignon. Toute cette histoire ne s’était pas très bien terminée… Il avait essayé de la prévenir, de lui faire comprendre que les moutons n’étaient pas mignons, qu’il s’agissait de créatures maléfiques à tentacules et elle ne l’avait pas cru. Résultat ? Il avait dû se battre contre une armée de moutons mutants à tentacules ! Moignon avait toujours raison, mais personne ne voulait le croire, jamais.
Ces moutons-là, il n’arrivait pas à s’imaginer qu’ils soient différents de ceux de son monde à lui. Bien caché derrière son meuble, il ne comptait pas sortir de là tant que les moutons resteraient dehors. Tant pis pour le jeu ! Toute cette histoire n’avait, de toute façon, aucun sens. À part enchaîner des situations dérangeantes desquelles il ne se serait, sans le moindre doute, pas sorti tout seul, il ne voyait pas l’intérêt. Un constat qui le referma un peu sur lui-même et le força à se poser quelques questions. Quelqu’un lui avait envoyé ce jeu pourri. Depuis le début, Tim avait : laissé échapper son arme, été victime d’une femme collante, dû prendre sur lui pour monter sur un poney, fait face à une armée de moutons sanguinaires. Tout ce qu’il détestait au monde. Avait-il un ennemi, quelque part, qui essayait de se payer sa tronche ? Ce n’était pas impossible. Cet ennemi n’avait, en tout cas, pas compté sur le secours de Wilhelmina. Sans elle, il serait sûrement bloqué au début du jeu.
S’en rendre compte ne lui plut qu’à moitié. Il n’aimait pas l’admettre, mais elle s’en sortait mieux que lui. Elle, elle n’avait ni peur des chevaux, ni des moutons. Elle les avait même débarrassés du premier méchant du jeu d’une simple pichenette. Apparemment, elle était son joker pour sortir d’ici. Ce qui le ramena à son meuble et à sa ferme. Si le jeu continuait d’enchaîner les situations que Timothy ne pouvait pas gérer… alors, il devait veiller à ce que Willie ne meurt pas. C’était elle, la clé de sa réussite. Pourquoi ? Il n’en avait pas la moindre idée, mais c’était ce que ses réflexions lui soufflaient, pour l’instant. Tim avait beau être fier, il n’en restait pas moins un joueur qui adorait faire toutes les quêtes annexes, obtenir tous les trophées, finir un jeu à 100 %. Si ce jeu-là lui demandait de prendre soin de la vie de Willie, alors il le ferait.
Mais il n’affronterait pas les moutons.
Bien calé derrière son meuble, Tim risqua un regard par la fenêtre, juste à côté de lui. Il glissa un œil dans le coin du carreau et se concentra pour essayer de voir ce qui se passait, dehors. Il s’imaginait déjà les moutons à tentacules qui s’amusaient à tabasser la pauvre Willie pour la réduire en bouillie et en faire un ragoût. Il n’en était rien. Cette cinglée s’amusait à la gardienne de troupeau avec un chien noir et blanc. Elle réussit à rassembler les gros machins pleins de laine et à les cacher dans la grange. L’obscurité du bâtiment ne lui permit pas d’observer ce qu’elle faisait, une fois dans cette grange. Alors, il reprit sa place derrière son meuble et se recroquevilla sur lui-même, en attendant que le temps passe. Il aurait pu explorer la ferme, oui. Mais qui lui assurait qu’il n’y avait pas autre chose de caché dans cette maison ? Et s’il mourait et devait revivre l’attaque des moutons mutants ? Non. Il préférait ne pas bouger d’ici. Au moins jusqu’à être sûr que Willie s’était débarrassée des moutons ou que les moutons s’étaient débarrassés de Willie.
Il dut s’écouler une bonne vingtaine de minutes pendant lesquelles Timothy ne fit qu’imaginer des centaines de scénarios de massacre. Évidemment, Wilhelmina ne s’en sortait jamais et il finit par croire qu’il n’aurait d’autre choix que d’essayer de venir à son secours. Il avait une arme, lui, après tout, alors qu’elle n’avait qu’une gourde et un chapeau. Mais affronter autant de moutons à la fois, dans son corps humain, ça lui semblait impossible. Alors il resta bien calé dans son coin et continua d’attendre que le temps passe. À force, il serait peut-être éjecté du jeu ? Il suffirait d’une bonne coupure d’électricité et ce serait fini, non ? Il n’en avait pas la moindre idée. Si ça se trouvait, ils resteraient bloqués ici pour l’éternité. Avec des moutons ? Ce n’était peut-être pas un jeu, mais les enfers !
La porte s’ouvrit à la volée sur Willie et Tim risqua un coup d’œil pour s’assurer qu’elle n’était pas suivie par un démon. La seule boule de poils qui la suivait était ce fameux chien noir et blanc qu’elle semblait avoir adopté. La jeune femme se tourna vers lui et lui tendit la main pour l’aider à sortir de sa cachette. Il regarda un instant ses doigts et se demanda s’il devait vraiment lui faire confiance. Ses préoccupations précédentes, sur le fait de devoir la maintenir en vie parce qu’elle semblait sa meilleure chance d’en finir avec ce jeu, le forcèrent à croire que oui, et il s’empara de sa main pour se relever d’un bond.
Le chien semblait aux anges, sous les caresses de Willie, et Timothy le regarda faire sans rien dire. Il n’avait rien contre les chiens, même s’il avait, tout de même, une petite préférence pour les chats. Néanmoins, voir apparaître une petite jauge de vie verte, au-dessus de sa tête, avec son nouveau nom : Paco, ne lui plut qu’à moitié. À deux, ils ne semblaient déjà pas très doués pour sortir d’ici, mais avec un chien dans les pattes…
L’idée de supporter des chevaux, en plus des poneys, ne plut pas non plus à Tim. Décidément, tous les éléments semblaient réunis pour l’emmerder, comme si quelqu’un s’était amusé à recueillir des informations sur lui et toutes les foutre dans un jeu pour lui faire vivre un cauchemar. C’était, évidemment, sans compter sur la joie de l’écureuil à l’idée d’être transposé dans un jeu-vidéo. Il braverait ses craintes et il finirait ce jeu ! Il n’abandonnerait pas si facilement.
Tim suivit Willie dehors, sur ses gardes, et vérifia dans le moindre recoin que personne n’essayait de les prendre en embuscade. Tout semblait calme aux alentours. Il s’empara de la gourde sans y penser, prit une gorgée lui aussi et l’accrocha à sa ceinture. Les mots de Willie n’étaient pas idiots. C’était même plutôt intelligent pour quelqu’un qui ne connaissait rien du tout aux jeux-vidéos. Timothy posa sur elle un regard impressionné et un peu fier, aussi. Il se fit même la réflexion que cette histoire aurait été beaucoup plus compliquée s’il avait été accompagné d’une autre personne. Willie avait la tête froide et savait trouver les mots pour ne pas froisser son ego. Il était bien content qu’elle soit son amie et que ce ne fut pas Bran, qui lui eut amené le jeu. Dans ce cas-là… les deux garçons auraient mis le jeu à feu et à sang et n’auraient jamais réussi à sortir.
Tu as raison, avoua-t-il, avec un petit sourire. C’est sûrement notre quartier général, en quelques sortes. Si on a besoin d’un truc, c’est ici qu’il faut venir le chercher. Comme l’eau. Et sûrement un peu de nourriture, aussi. Il va falloir tout fouiller. On peut peut-être trouver des sacs pour transporter plus de choses. Voire même utiliser les chevaux.
Ce n’était pas rare, dans les jeux-vidéos, que les chevaux soient des « inventaires » sur pattes. Ils permettaient d’aller plus vite, plus loin, et de transporter plus de choses. Puisque ce jeu était un peu trop réel, Timothy doutait de devoir se contenter de se tenir à côté de la bête. Ils devraient, sûrement, trouver des sacs à accrocher aux selles. Il réfléchissait à toutes ces questions techniques quand Willie se leva d’un bond et se précipita vers une boite aux lettres. Du courrier ? Sûrement un indice qu’ils devraient étudier avec soin.
Timothy s’empara de la lettre qu’elle lui tendait. Passée la panique de voir des moutons et de tout ce qu’il venait de se passer, il reprenait son sérieux et son professionnalisme. Ses yeux lurent rapidement les lettres inscrites sur le papier et il pouffa, les yeux brillants. En effet, cette lettre était adressée à une certaine Willow, qui vivait ici avec son père. Et sa mère. Et son petit-frère, apparemment. Mais pour le reste…
C’est une lettre de menaces, expliqua-t-il, très calme. Quelqu’un a kidnappé ta mère et ton frère, en réclamant de ton père qu’il rende l’argent volé, sinon ils vont les tuer. Apparemment, ton paternel s’est enfui à la première lettre et ils t’ordonnent, à toi, de te débrouiller pour rembourser, sinon… bah ! toujours la même menace, hein. Il a l’air bien sympathique, le vieux.
Il rendit la lettre à Willow et se détourna du puits pour retourner à l’intérieur de la ferme. Puisqu’il s’agissait d’une zone « safe », il ne comptait pas partir d’ici avant d’avoir emmené le maximum d’affaires utiles.
Tu sais, Willow a peut-être engagé Timmy pour l’aider à trouver son paternel et rendre l’argent aux méchants. Sauver la veuve et l’orphelin, c’est la base d’un jeu-vidéo et ça colle bien à un western. Bon, ta mère n’est pas encore veuve, c’est qu’une façon de parler.
Tim s’arrêta avant de s’engager dans la ferme pour tout fouiller. Il se rapprocha de Willie et essaya de deviner ce qu’elle pensait de tout ça. Il était parfois un peu brut et il ne savait pas de quelle façon elle assimilerait cette histoire de kidnapping. Il espérait qu’elle ne prenne pas trop cette histoire à cœur. Comme elle le lui disait, c’était un peu trop réel et il était facile de se perdre. Surtout quand on habitait une ville comme Storybrooke, où ce n’était pas rare d’être téléporté dans des mondes parallèles. Là, ce n’était qu’un jeu et ils devaient, tous les deux, garder cette information en tête. Il posa une main dans son dos, pour la pousser un peu vers la ferme, et lui indiquer qu’il était là (mais ça, chut, il ne fallait pas le dire).
Viens, oublie ça pour l’instant, on devrait plutôt chercher si on peut pas trouver des sacs et des choses à emmener. Dans les montagnes, ça risque de pas être une partie de plaisir. Il faut emmener le maximum… de choses utiles, évidemment. (Il prit le temps de la réflexion, en entrant dans la maison.) Peut-être qu’on peut trouver une deuxième arme. Un genre de fusil à pompe, par exemple. C’est pas rare, dans les westerns, pour protéger la ferme des truands. Et des balles, aussi, sinon ça sert à rien.
Il lâcha la fermière pour ouvrir tous les meubles devant lesquels il passait, à la recherche d’un sac. Cette histoire de kidnapping cachait quelque chose de louche. Pourquoi Timmy posséderait une mise à prix sur la tête du père de Willow, si Willow l’avait engagé pour l’aider à le sortir de son mauvais pas ? Bon, le fermier ne semblait pas être le meilleur homme du monde, mais quand même… Dans tous les placards, il trouva deux grands sacs, deux couvertures, des boites de conserve un poil suspectes, des allumettes et de vieux guignons de pain tout durs. Il dégotta, aussi, un peu de viande séchée qu’il devrait, sans aucun doute, céder au chien. Il espérait que Willie s’en sorte un peu mieux que lui, de son côté, mais il avait peu d’espoir. La ferme ne possédait pas grand-chose d’intéressant. Il était temps de se concentrer sur la grange et sa mezzanine.
Allons voir dans la grange, lança-t-il à Willie, non sans s’inquiéter, un peu, de la proximité des moutons là-bas.
Alors qu’il sortait, Tim aperçut son petit poney, qui l’attendait devant la porte, en mâchouillant comme un idiot. Il plissa les paupières et passa à côté sans faire mine de s’y intéresser. Il fit trois pas avant de se retourner d’un bond, surpris par un détail d’importance : au-dessus des petites oreilles luisait une jauge verte sans nom.
Hein ?
Fut le seul mot intelligible qui passa les lèvres de l’écureuil, à cette drôle de découverte. Mais le pire restait à venir… Soudain, le petit poney se tourna vers lui, le regarda de ses gros yeux globuleux et un petit nom apparut sur sa jauge : Hein.
Eh merde…
Apparemment, il venait d’adopter le poney. Bien. Au moins, il lui refilerait les sacs et les couvertures…
Nombre de morts : 1
Inventaire :
Je me suis dit que ça pourrait nous être utile Tim : une affiche de mise à prix, une gourde, une boussole, un revolver, une boîte d'allumettes, de la viande séchée, deux couvertures, des boites de conserve, des guignons de pain, Hein. Willie : un chapeau, une bourse, une lettre, Paco.
Wilhelmina Klein
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
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Willie crut halluciner quand Timothy approuva ce qu'elle disait. "Tu as raison", ces mots étaient probablement gravés sur les portes du Paradis. Un immense sourire étira ses lèvres, tandis qu'elle écoutait d'une oreille distraite le reste de sa tirade. Il avait enfin arrêté de râler et c'était tellement plaisant. Willie allait pouvoir apprécier les chants des oiseaux, sans que les grognements de Tim ne viennent troubler cette douce musique.
Elle observa le jeune homme étudier la missive, fière d'avoir remarqué que la boîte aux lettres était pleine. Mais cette fierté s'envola rapidement, quand Tim lui apprit que c'était une lettre de menace et que sa "famille" avait été kidnappée. Son père semblait à première vue ne pas être quelqu'un de bien, mais elle s'était fait la promesse de ne pas le juger avant de savoir toute la vérité. Après tout, cette lettre ne concernait qu'un point de vue, et le seul que Willie voulait était celui du principal concerné. Elle ne pipa mot, jugeant que Timothy se moquerait sûrement si elle lui exposait son point de vue. Quoiqu'il en soit, elle le suivit jusqu'à la ferme en écoutant ce qu'il avait à dire, toujours un peu troublée. Les histoire familiales étaient idéales pour toucher Willie en plein cœur, mais certainement pas pour qu'elle se réjouisse. Son frère et sa mère avaient péri il y a bien longtemps, et même si elle était consciente qu'elle n'avait affaire qu'aux personnages d'un jeu et pas à sa véritable famille, elle savait que les voir mourir lui ferait quelque chose. Elle ferait tout ce qui était en son pouvoir pour l'éviter, mais pour l'instant, elle devait retrouver son père.
Willie fut délicatement poussée à l'intérieur, et au passage arrachée à ses sombres pensées. Tim avait raison, penser à cette famille qui n'était pas réelle ne l'avancerait en rien, mais c'était tellement dur de faire semblant de ne pas savoir. Elle eut une petite pensée pour son frère et sa mère fictifs, qui devaient être enfermés dans une cave. Et pour avoir déjà été enfermée de nombreuses fois dans différentes caves, caisses, voir même catacombes, elle savait que ce n'était pas quelque chose de très rassurant. Elle secoua doucement la tête, il valait mieux se concentrer sur leur objectif. Et leur mission à cet instant, était de débusquer des fournitures utiles, et potentiellement une arme.
Elle laissa Tim s'occuper des placards de la pièce principale, tandis qu'elle fouillerait dans les pièces annexes. La première semblait être la chambre des parents, mais elle eut beau l'inspecter de fond en comble, rien ne valait la peine de figurer dans leurs bagages. Il y avait tout de même quelques vêtements, si jamais il prenait à Timothy l'envie de vouloir changer de style. La deuxième pièce était un petit bureau qui sentait un peu le renfermé, mais sur l'un des murs trônait une grande carte. Bingo ! Willie la décrocha avec soin, puis la l'enroula pour pouvoir fouiller le reste de la pièce sans être trop encombrée. Elle s'installa sur la chaise et tira les différents tiroirs pour découvrir divers papiers qui semblaient plus inutiles les uns que les autres, jusqu'à ce que ses doigts butent sur un petit carnet. Elle le déposa devant elle pour l'étudier, très curieuse, et pu inspecter avec délice de magnifiques dessins. Et puis, en avançant dans les pages, elle vit des dessins d'indiens d'Amérique. A part se faire la guerre, les cow-boys et eux savaient-ils faire autre chose ? C'était visiblement le cas. Le père de Willow n'était sûrement pas un banal fermier, c'est ce qui lui était venu en premier à l'esprit en voyant que la ferme disposait d'un bureau. En cherchant davantage, elle découvrit des lettres en provenance d'Angleterre. Tout ceci n'avait beau qu'être un jeu, c'était terriblement intéressant. Elle n'avait pas encore eu le temps d'explorer la dernière pièce, que Tim proposait déjà d'aller voir la grange.
« J'arrive ! »
Elle empila les lettres, le carnet et la carte pour pouvoir les emmener au jeune homme. L'idée de le faire venir ne lui avait pas traversé l'esprit, il faut croire... La deuxième chambre attendrait, de toute façon c'était sûrement celle de Willow et de son frère, alors elle ne voyait pas ce qu'elle pouvait y trouver d'intéressant mise à part quelques vêtements. Elle déposa tout son paquetage sur la table de la pièce principale, tandis que Timothy et son poney s'observaient avec des yeux plein d'amour.
« Viens vooooir, l'histoire de ce jeu est trop cool ! »
Une fois que le jeune homme eut rappliqué, elle déroula la carte devant ses yeux. C'était la partie la moins intéressante de ses trouvailles, mais sûrement la plus utile en ce qui concernait leur évolution dans le jeu. Cela étant fait, elle la replia pour la fourrer dans sa poche. Son petit sourire malicieux ne semblait rien augurer de bon, mais la vérité était qu'elle essayait simplement de s'imaginer la réaction de Tim. Lui qui adorait suspecter son père, que ce soit dans la réalité ou dans ce jeu, allait être très déçu.
« J'ai trouvé ce carnet dans lequel il y a plein de dessins d'indiens, et toutes ces lettres en provenance d'Angleterre. Bon, je n'ai pas lu toutes les lettres, mais de ce que j'ai compris, les anglais essayaient de convaincre mon cher père que les indiens doivent être éliminés. Ma théorie étant donc que mon père a rencontré l'un des peuples d'indiens qui vit par ici, et qu'il a essayé de les défendre auprès des horribles personnes qui veulent les anéantir. Cet homme a l'air d'être un véritable philanthrope, je dois le rencontrer ! »
Voilà enfin une hypothèse qui ne faisait pas du père de Willow un horrible personnage, non, c'était un justicier ! Bon, pour ce qui était de sa fuite en laissant sa femme et ses enfants... Willie ne lui avait pas encore trouvé d'excuse. Elle reprit en pointant un doigt en l'air:
« Et là, c'est le moment où tu me demandes "alors comment ça se fait qu'il soit accusé d'avoir volé de l'argent, et qu'il soit recherché dans toute la ville ?" Ce à quoi je répondrai qu'on a probablement essayé de l'écarter. Mh... Peut-être qu'ils craignaient que des informations soient divulguées aux indiens ! Et quelle meilleure façon de se débarrasser d'une personne qui devient trop dérangeante ? Lui mettre un vol sur le dos, é-vi-demment ! »
Elle était sûre qu'il la prendrait pour une folle, il n'y avait aucun doute. Et pourtant son hypothèse était tout à fait plausible, autrement, que signifiaient tous les documents qu'elle avait trouvés ? Elle réfléchissait encore et encore, en usant presque ses neurones.
« Enfin mes théories importent peu, l'essentiel c'est de retrouver mon père. Bon, t'as raison, on a fouillé partout il ne nous reste plus que la grange et cette drôle de petite mezzanine. »
Elle contourna la table et se dirigea vers la grange où Paco était allé s'installer un peu plus tôt. Les chevaux étaient toujours là, attendant silencieusement que Tim ou Willie daignent les sortir de leurs boxes.
« Tu voudras lequel ? Ils sont tous teeellement beau ! A moins que tu ne puisses plus te séparer de ton petit poney tout choupi, elle esquissa un sourire malicieux, puis reprit: bon sinon, j'ai fouillé la grange tout à l'heure et je n'ai vu que des selles supplémentaires pour les chevaux, et des outils de fermier. Par contre la mezzanine est encore inexplorée. »
Ses yeux brillaient à la simple évocation du mot "mezzanine" qui, il faut bien l'avouer, était un mot très rigolo. Passé cet aspect lexical, les mezzanines n'en restaient pas moins étonnantes. Elles rappelaient à Willie les tanières des écureuils, qu'elle observait parfois des heures dans l'espoir de voir apparaître un petit museau. Elle sourit à cette pensée et se dévoua pour grimper à l'échelle en premier. La plateforme était bien plus grande que ce qu'elle aurait pu imaginer, mais ne semblait contenir que du foin. Elle lança un regard un peu triste à Tim, déçue par cette absence de trouvailles, quand soudain un ronflement résonna dans toute la grange, ne pouvant que faire sursauter Willie. Elle ouvrit de grands yeux, ne sachant pas encore à quoi s'attendre, et attrapa la fourche qui trainait au sol. Non pas pour empaler le pauvre bougre endormi, mais justement pour chasser la paille qui le recouvrait, sans prendre le risque qu'il lui agrippe le bras.
C'était un jeune homme de leur âge, que le vacarme des moutons n'avait visiblement pas réveillé. Sa tenue ressemblait plus à celle d'un simple fermier, qu'à celle d'un cowboy, il ne semblait même pas armé. Soudainement, il sembla s'étouffer dans son sommeil, avant de se redresser d'un coup pour prendre Willie dans ses bras.
« Willow ! Ton doux visage m'avait manqué, ça fait des heures que je t'attends ici, qu'est ce que t-, il s'écarta et jeta un regard dédaigneux à Tim, qu'il venait visiblement de remarquer, tiens tiens, Timmy ça f'sait un bail, toujours à courir après les jolies minettes à ce que je vois. »
Willie décida d'ignorer cette remarque, se concentrant sur ce que ce personnage pourrait leur apporter. Cette rencontre était assez surprenante, mais l'inconnu n'avait pas l'air hostile, même s'il continuait de jeter des regards en biais à Timothy. Il se laissa tomber dans le foin et coinça un morceau de paille entre ses lèvres avant d'expliquer:
« J'ai croisé ton père avant qu'il parte dans les montagnes, y m'a dit: "Greg, mon p'tit Gregory, ma fille c'est mon joyau, s'il lui arrive un truc pendant mon absence, je te fais bouffer tout le sable du désert". Il disait ça pour s'marrer évidemment, tu sais bien que ton père m'adore. Enfin bref, ensuite, il m'a regardé droit dans les yeux, et puis y m'a dit "elle est intelligente cette gamine, plus que sa fermière de mère, ça c'est sûr, alors tu vas la trouver et tu vas lui dire où j'suis". Et me voilà. Il se releva, cracha et compléta par une ultime tirade: j'ai vu des types emmener ta mère et ton frère, mais bon j'ai rien pu faire sinon ils m'auraient emmené aussi, tu comprends »
Willie ne put retenir sa main qui s'abattit sur la joue de Gregory, elle même surprise par son geste. Elle était gentille, adorable même, c'était indéniable. Mais certains comportements l'irritaient tellement, que son corps ne lui demandait pas la permission avant d'agir. Elle ne se décontenança pas, soutenant le regard de son interlocuteur qui s'était fait plus dur.
« On ne crache pas dans ma ferme. »
« Ouais d'accord, je vois. Allé, file moi une carte pour que je te montre où se cache ton père, et qu'on en finisse. T'es vraiment qu'une ingrate, Willow. Moi je reste à t'attendre des heures pour t'aider, et toi tu t'pointes avec ce sale frimeur. »
Elle lança un regard amusé en direction de Tim, et descendit en premier de la mezzanine. Ils ne risquaient rien avec Gregory, ce n'était qu'un petit plaisantin, qui devait sûrement éviter de réfléchir trop fort histoire de ne pas se fouler un neurone. Arrivée en bas, Willie déposa la carte sur une sorte de petit établi présent dans la Grange. C'est alors qu'elle remarqua que la montagne n'y apparaissait pas. Gregory s'approcha d'un pas nonchalant, sortant un crayon de l'une de ses poches pour inscrire une grosse croix au beau milieu du plan.
« Allé, maintenant je me casse. Si vous avez besoin de moi, je suis pas là. »
Et à ces mots, il sortit de la grange, laissant Timothy et Willie contempler la montagne qui venait d'apparaître sur la carte. C'était tout à fait fascinant. Elle rangea leur trésor dans sa poche, aux côtés du carnet à dessins, et commença à sautiller sur place.
« C'est trop cool, on a toutes les clés pour aller dans la montagne à présent ! Enfin... Elle observa Timothy de bas en haut, Presque. »
Sans crier gare, elle se dirigea hors de la grange avec une idée derrière la tête. Elle attrapa quelques bouteilles en verre vides, et les aligna sur le rebord d'un enclos. Ses petits préparatifs étant terminés, elle pivota vers Timothy et déclara:
« Si nous voulons vraiment aller dans la montagne, tu dois devenir le Lucky Luke de ce jeu. L'homme qui tire plus vite que son ombre ! Elle grimpa sur la barrière, à quelques mètres des bouteilles, et compléta: et évite de me tirer dessus s'il te plaît, que ce soit volontairement ou involontairement. »
Elle releva un peu son chapeau pour lui lancer un petit regard malicieux. Voilà qui était une très bonne idée, elle allait pouvoir se prélasser tout en profitant du spectacle.
Nombre de morts: 1
️ Gasmask
Inventaire:
Tim : une affiche de mise à prix, une gourde, une boussole, un revolver, une boîte d'allumettes, de la viande séchée, deux couvertures, des boites de conserve, des guignons de pain, Hein. Willie : un chapeau, une bourse, une lettre, Paco, une carte, un carnet.
Hein le regardait dans le blanc des yeux en mâchonnant, à croire qu’il passait sa vie à mâchonner. Tim, de son côté, le dévisageait aussi. Ou du moins autant que l’on puisse dévisager un poney. Cette histoire d’adoption ne lui plaisait pas du tout. Willie avait eu le droit à un beau chien de berger au regard intelligent et à la fidélité sans borne. Ça, ils pourraient en faire quelque chose. Mais un poney ? Hein ne pourrait pas leur être d’une grande utilité, avec sa petite taille de shetland et son regard un peu fou. Il ne devait pas lui manquer qu’une case, à celui-là, mais une bonne centaine ! Qui pouvait jurer que Hein ne se retournerait pas, un jour, contre son propriétaire ? Timothy n’avait pas souvenir que les équidés soient connus pour leur fidélité. En revanche, il savait que les shetlands étaient plus costauds qu’ils n’en avaient l’air. Il n’hésiterait pas à lui refiler tout le paquetage, histoire qu’il ne se sente pas inutile, le pauvre poney.
Timothy cherchait, tout de même, un moyen de se débarrasser de Hein. Dans certains jeux, il existait des gestionnaires de compagnons, pour choisir qui accompagnait les héros, quand les places étaient limitées dans l’équipe. Il n’avait toujours rien trouvé de tel (et ce ne fut pas faute d’avoir essayé de se toucher un peu partout pour activer un bouton, effectué divers mouvements ou ordonné certaines choses au pauvre poney qui ne comprenait rien) quand Willow réapparut dans la pièce principale de la maison, encombrée de papier. Tim releva les yeux vers elle et sourit un peu, en l’entendant dire que l’histoire du jeu était trop cool. Les personnes qui ne jouaient jamais doutaient souvent de l’intérêt des jeux-vidéos, mais un bon jeu ne possédait pas une histoire bâclée. Un bon jeu était travaillé en profondeur et recelait de détails croustillants. En jouant correctement, l’on pouvait apprendre beaucoup de choses. Il fut donc fier de voir que Willie pigeait enfin, un peu, l’intérêt d’un jeu-vidéo.
Le cow-boy abandonna son poney dehors et rejoignit Willow, devant la table du salon. Elle déplia une carte du territoire et il eut à peine le temps de l’inspecter qu’elle la repliait pour la ranger. Bon, ce n’était visiblement pas ça qu’elle voulait lui montrer, alors qu’il s’agissait de la chose la plus utile qu’ils aient trouvé depuis le début. Avec leur boussole, ils pourraient aller n’importe où sans se perdre ! Ce qui leur éviterait, sans le moindre doute, bien des désagréments dans le futur. Carte rangée dans la poche de Willie, elle se para d’un sourire qui inquiéta Tim autant qu’il le rendit curieux. Il se pencha sur la table pour inspecter le reste de ses trouvailles.
Les mots de la fermière le firent sourire un peu, avant qu’il ne fronce les sourcils et se concentre davantage sur le petit carnet, agrémenté de beaux dessins d’indiens. Les lettres anglaises étayaient l’hypothèse de sa camarade, mais Tim doutait, encore, du bien fondé de ce fameux père. Pourquoi serait-il parti de sa propre ferme, abandonnant femme et enfants, s’il n’avait rien à se reprocher ? Les héros prenaient les armes et faisaient front. Les lâches fuyaient la queue entre les jambes. Les méchants sacrifiaient leur famille pour un bienfait obscur qui, sans le moindre doute, ne valait pas les vies sacrifiées.
Willie leva un doigt et Tim se redressa pour se concentrer davantage sur ce qu’elle disait. Les bras croisés sur le torse, un sourcil haussé et un petit sourire au coin des lèvres, il attendait ses hypothèses avec impatience. Au moins, il n’avait même pas besoin de prendre la peine de lui répondre. Willow faisait les questions/réponses toute seule, comme une grande. Il se contenta d’écouter. Timothy était un petit génie, en ce qui concernait l’élaboration d’hypothèses farfelues, mais il devait bien avouer que Willie ne s’en sortait pas si mal non plus. En tout cas, l’écureuil se servait de ses réflexions pour modifier les siennes et essayer de confronter plusieurs situations possibles. Il restait encore beaucoup trop de possibilités pour pouvoir trancher et affirmer avec certitude de l’histoire du jeu.
Quoi qu’il en était, et aussi étonnant que ça puisse paraître, Tim ne la prenait pas pour une folle. Il adorait les suppositions farfelues, les hypothèses improbables.
Il restait, tout de même, des tonnes de zones d’ombre, dans cette histoire. Pourquoi Timmy possédait un avis de recherche sur la tête du père de Willow ? Voulait-il la récompense ou prévenir la jeune femme ? Où était passé le père de Willow ? S’il était aussi bon qu’elle le disait, il n’aurait pas dû abandonner sa femme et ses enfants derrière lui. Aucun héros ne faisait ça. Aucune cause ne pouvait valoir ce sacrifice. Dans la vraie vie, peut-être, même s’il en doutait, mais dans la fiction, ça n’arrivait pas. Ou ça arrivait pour discréditer le « héros » qui devenait donc un poil « méchant » et confronter le joueur à des choix compliqués. Accepter le sacrifice ? Le punir ? Heureusement, Timmy et Willow n’en étaient pas encore à ce point du jeu.
Sur le chemin de la grange, Tim continuait de réfléchir aux suppositions de Willie. Elle n’avait pas tout à fait tort et ses hypothèses se tenaient. Néanmoins, si son père avait été accusé à tort, pourquoi s’était-il enfui dans les montagnes au lieu de prouver son innocence ? À cette question, le cow-boy eut un petit sourire et un regard en biais pour Willie. Oh, il avait bien une idée à ce sujet, mais il n’était pas certain qu’elle veuille entendre ce qu’il pensait. Ce qu ne l’empêcha pas de faire part de ses suppositions, à lui aussi.
Admettons qu’il ait été accusé à tort et qu’il n’a pas volé cet argent. Ton père est censé être quelqu’un de bien qui veut sauver les indiens de l’oppression anglaise. OK. Bon, déjà, il avait qu’à s’allier aux Français, mais supposons que ce soit le cas. Il a sûrement dû s’infiltrer dans un groupe d’indiens, pour changer d’un coup d’avis et refuser de les tuer. Ça paraît logique. Mais ici, il avait une femme, deux enfants, et une ferme qui a l’air de se porter très bien. Pourtant, il s’est barré à la première lettre de menace, sans te donner d’infos, sans faire mine d’aller sauver sa famille. T’appelles ça un philanthrope, toi ? Dis donc, tu crois pas que ton père est allé rejoindre sa petite bande d’indiens ? Il a sûrement profité de la menace pour se débarrasser de sa femme et aller retrouver son amante indienne. Félicitations, miss Willow, vous allez bientôt avoir un demi-frère ou une demi-sœur.
Timothy ricana un peu, mais il était presque convaincu de ce qu’il racontait. Les histoires de ce genre étaient un peu clichées, mais très populaires. Certaines personnes n’en voudraient même pas au père de Willow d’avoir abandonné sa famille pour rejoindre l’amour de sa vie. De son avis à lui, c’était n’importe quoi. Il préféra donc se concentrer sur la grange et ne rien répondre à sa partenaire quand elle lui demanda quel cheval il voulait. Aucun, c’était pourtant clair, non ? Mais un regard lancé à Hein, qui les suivait docilement, lui indiqua qu’il n’avait pas trop le choix. Avant de repartir, il devrait choisir l’un des canassons et accepter de monter dessus. Heureusement pour lui, les mustangs étaient plus petits que les chevaux d’Europe.
Il n’eut même pas le temps de réagir que Willow grimpait déjà à l’étage, au mépris total du danger. Tim abandonna ses affaires à côté de l’échelle et monta à son tour. La mezzanine ne contenait rien d’autre que du foin ce qui était une perte de temps incroyable. Quand, soudain, un ronflement retentit et fit sursauter Willie, Timothy pouffa un peu, jusqu’à ce qu’elle s’empare d’une fourche. Elle comptait achever l’intrus avant de lui poser des questions ? Il en doutait, mais essaya d’imaginer la scène, avec un hochement de tête approbateur. Comme supposé, Willie se contenta de retirer le foin par-dessus un brun qui semblait avoir à peu près leur age.
L’attaque fusa sur Willie à une vitesse impressionnante. Tim eut à peine le temps de s’écarter d’un pas, pour être sûr qu’il ne serait pas mêlé à cette histoire (hors de question de prendre qui que ce soit dans ses bras), et de se parer d’un sourire moqueur, alors que Willie, aussi, avait le droit à son harceleur. Un sourire qu’il perdit aussitôt que l’autre osa le dédaigner d’un regard. C’était quoi son problème, à celui-là ? Timothy grimaça un peu, loin d’apprécier l’attaque. Courir après les minettes ? Lui ? Il courait plutôt après les manettes, mais ça, l’autre ne le comprendrait pas.
L’autre déblatéra son petit discours de personnage ultra secondaire et Tim passa une main sur son visage, soûlé, en le voyant cracher par terre. Les gens de cette époque avaient un sérieux problème. Même Tim, qui n’était peut-être pas le plus propre des hommes, ne passait pas son temps à cracher partout. Il sursauta, en entendant la gifle qu’il ne vit pas, derrière sa main, et releva les yeux sur le « blessé ». Lui non plus, ne semblait pas comprendre ce qui arrivait à la gentille Willow, d’un seul coup. Ne pas cracher dans sa ferme ? Au moins, Tim semblait sauvé des sautes d’humeur de Willie. Il ne crachait pas, il ne risquait pas de se faire gifler sans raison.
Timothy ignora à nouveau les attaques de l’autre. Il ne se prendrait pas la tête avec un PNJ. Puis Tim assumait d’être un petit frimeur. Quand on a vécu toute sa vie, comme lui, avec un corps minuscule et un peu laid, on sait se montrer reconnaissant en tombant dans sa nouvelle vie. N’importe qui agirait comme lui. Même si Tim se doutait bien que Gregory ne parlait pas de ça, mais de ce fameux Timmy qui semblait avoir une réputation d’enfer… Bien loin de celle de Timothy, c’était certain.
Hein ? eut-il, à peine le temps de répondre, avant que Willie disparaisse à son tour.
Hiiii !
Le cow-boy passa une main sur son visage, en essayant de garder son calme. Au moins, son poney semblait bien dressé… Il disait à peine son nom qu’il rappliquait en trottinant. Tim lui tapota son toupet touffu et suivit Willow dehors. Elle semblait lui préparer un petit terrain d’entraînement, pour qu’il évite, à l’avenir, une cuisante maladresse comme la toute première du jeu. Timothy n’aimait pas l’initiative, mais il ne pouvait nier l’utilité de la manœuvre. S’il ne s’entraînait pas un peu, ils allaient mourir des centaines de fois… mais comment faire, avec ce corps ?
Timmy est sûrement la meilleure gâchette du coin, répliqua-t-il, en bougonnant un peu. Mais je suis pas vraiment Timmy, comment tu veux que j’y arrive ? Tu sais bien que je suis maladroit…
Il ronchonna un peu, dans sa barbe qu’il n’avait pas, et se plaça à quelques mètres des bouteilles, pour essayer de se concentrer sur son tir. Il devait trouver un moyen d’harmoniser son corps à lui et les capacités de Timmy. Il était impensable que le héros du jeu ne sache pas tirer ou s’emparer de son arme. D’ailleurs, le véritable problème venait surtout de là : s’emparer de l’arme. Une fois que Tim l’aurait en main, il se savait capable de viser. Il était plus doué, pour ça, qu’on ne pouvait le penser (d’ailleurs, il n’était pas le plus apprécié par les forains). Le problème était de savoir dégainer à la vitesse de la lumière. C’était impossible.
Il doit y avoir un truc, marmonna-t-il, en faisant les cent pas.
Mais quoi ? Il ne pouvait pas utiliser de code de triche, ce qu’il n’aimait pas faire, de toute façon. Là, il devait se débrouiller tout seul, avec son corps d’humain. Il était persuadé que M. Chat ou Coin-Coin n’auraient pas eu besoin de s’entraîner, eux, et ça ne lui plaisait pas non plus. Il avait de sérieuses lacunes qu’il n’arriverait jamais à combler. Il resterait, toujours, le petit écureuil moqué pour son incapacité à faire les choses bien. Que pouvait-il y faire, de toute façon ? On ne pouvait pas aller contre sa nature. Tandis qu’il réfléchissait et déprimait tout seul, sans même essayer de dégainer, le temps filait. Le temps filait. Le temps. C’était ça ! Il avait besoin de temps !
Mais oui, c’est ça ! Lucky Luke ! Willie, t’es un génie !
Il lui adressa un clin d’œil et sautilla à sa place, pour se tenir prêt. Généralement, les nouveaux jeux permettaient un système de « focus » qui ralentit le temps et permet au héros de tirer sur plusieurs ennemis plus rapidement que son ombre. Comme Lucky Luke. Timothy n’avait plus qu’à trouver comment accéder à son système de focus et de quelle manière l’utiliser. Tout ce dont il avait besoin, lui, c’était un peu de temps pour dégainer en sécurité. Pour le reste, il se débrouillerait. Tim avait passé trop de temps sur des bornes d’arcade avec de faux pistolets ou à des stands de fête foraine pour ne pas savoir tirer. Si ça avait été possible, le clan PTM aurait été, sans le moindre doute, blacklisté des fêtes foraines de tout le pays.
Tim se planta dans le sable, les jambes écartées, la main au-dessus de son holster et se concentra sur les bouteilles. Il plissa les yeux et pensa fort au besoin de ralentir le temps. Il dut recommencer plusieurs fois la manœuvre (plisser les yeux et se concentrer, donc) jusqu’à ce qu’un son étrange retentisse à ses oreilles. Le monde perdit de sa couleur. Il n’y eut, bientôt, plus que Willie pour briller en bleu et les bouteilles en jaune. Il devina sans peine qu’un ennemi aurait, à l’instant, brillé en rouge. Sûrement qu’un allié comme Gregory aurait brillé en vert. Les jeux suivaient, souvent, les mêmes codes couleur. Timothy se désintéressa des couleurs pour prendre le temps de dégainer son arme (puisque le monde passait au ralenti, personne ne s’en rendrait compte) et il visa. Quand il relâcha le focus (après un temps limité de concentration imposé par le jeu, en vérité), les bouteilles explosèrent toutes presque en même temps.
Ça marche !! cria-t-il, joyeux, en bondissant vers Willie, qu’il secoua un peu par les épaules.
Le chapeau de la jeune femme n’apprécia pas le traitement imposé à Willie. Il glissa de son crâne et tomba. Tim se concentra, chercha le moyen le plus rapide d’accéder à son focus et tendit la main, quand il arriva, enfin, à ralentir le temps autour de lui. Le chapeau tomba au ralenti et il put se pencher pour le ramasser, en s’approchant un peu de Willie, mais là, franchement, il ne pensait pas du tout à sa proximité. Quand il relâcha le focus, il tenait le chapeau du bout des doigts et jubilait. Il le recala sur la tête de Willie, un grand sourire aux lèvres.
C’est trop cool ! Comment t’expliquer ça ? C’est trop compliqué pour quelqu’un qui joue jamais. (Mais il était trop content pour abandonner l’affaire aussi facilement.) Timmy a la capacité de ralentir le temps, pour se concentrer et viser. Viser, j’en fais mon affaire, t’en fais pas. Tout ce dont j’ai besoin, c’est de temps pour dégainer. Mais du coup… Willow aussi doit avoir des capacités rien qu’à elle. Il faut que tu trouves lesquelles.
Il tendit la main à Willow pour l’aider à descendre (dans sa grosse jupe, ça devait pas être pratique), des étoiles pleins les yeux à l’idée de découvrir ses capacités à elle, même s’il n’avait pas la moindre idée de ce que ça pouvait être. Ou plutôt : il avait des milliers d’idées et n’arrivait pas à choisir.
Nombre de morts : 1
Inventaire :
Tim : une affiche de mise à prix, une gourde, une boussole, un revolver, une boîte d'allumettes, de la viande séchée, deux couvertures, des boites de conserve, des guignons de pain, Hein. Willie : un chapeau, une bourse, une lettre, Paco, une carte, un carnet.
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Willie entendait bien les plaintes de Timothy, qui semblait convaincu de ne pas pouvoir jouer les cowboys plus qu'il ne le faisait déjà. Tout cela lui faisaient un peu mal au cœur, mais elle était persuadée qu'il pouvait y arriver. Après tout, si les méchants du jeu pouvaient le faire, alors Tim aussi ! Il passa devant elle plusieurs fois, semblant réfléchir à comment il allait pouvoir atteindre le même niveau que les cowboys de renom. Willie laissa quant à elle ses pensées immerger son esprit. Elle repensa aux hypothèses du jeune homme, en ce qui concernait sa famille fictive. Et surtout, son père qui avait été capable de les abandonner. Même si elle essayait de séparer sa vie réelle et l'histoire qu'offrait le jeu, elle n'y arrivait pas. Tout cela l'obsédait bien trop pour qu'elle parvienne à ne plus y penser. Willie était simplement compréhensive, elle était empathique à l'extrême. Les émotions des autres la ravageaient sans cesse, le seul fait de songer à ce que devaient ressentir sa mère et sa fille lui donnait mal au cœur. Il y avait forcément une raison pour laquelle son père avait trouvé acceptable de laisser toute sa famille derrière lui. Il devait y avoir une raison.
Elle commença alors à faire le parallèle avec sa vie, et fatalement, avec sa mort. Elle aussi menait une vie pleine de gaieté, en compagnie de celui qu'elle pensait être l'amour de sa vie, jusqu'à ce qu'il disparaisse. Willie avait alors évidemment essayé de lui trouver des excuses, songeant même à la possibilité qu'il lui soit arrivé quelque chose. Mais ce n'était pas le cas, il l'avait simplement abandonnée à la solitude et à la mort, pour aller en épouser une autre. Son regard était perdu dans un vide abyssal, cette histoire la touchait beaucoup trop. Avoir été envoyée dans ce jeu n'était certainement pas très sain pour elle, et pourtant, elle s'y amusait beaucoup. C'est Tim qui l'arracha à ses sombres pensées, ramenant un peu de gaieté sur son visage en affirmant qu'elle était un génie. Elle pencha légèrement la tête d'un côté, ne comprenant que très peu où il voulait en venir. Et visiblement, expliquer ce qui lui traversait l'esprit n'était pas dans les projets de Timothy. Mais bon, il avait l'air tout content, c'était l'essentiel et Willie en était ravie.
Toujours installée sur sa barrière, elle l'observa plisser les yeux plusieurs fois, sans que rien ne se passe. Essayait-il de communiquer par télépathie ? Ou de déplacer les objets par le biais de la pensée ? Elle fronça un peu les sourcils devant ce spectacle, affichant tout de même un drôle de de sourire qui se voulait encourageant. Soudain, il dégaina son revolver et les bouteilles explosèrent dans la foulée. Willie n'avait même pas eu le temps de tourner la tête vers les-dits récipients vides, qu'ils avaient déjà été réduits en morceaux. Ses yeux s'ouvrirent en grand tandis qu'elle haussait les sourcils, extrêmement surprise. Comment avait-il fait ? C'était à la fois incroyable et fantastique. Aucune parole sensée ne parvenait à sortir de sa bouche, elle bégayait des débuts de mot, mais aucun n'aurait su habiller assez bien la scène à laquelle elle venait d'assister.
Timothy vint à elle pour la secouer comme un cocotier, mais elle ne trouva pas le temps de se plaindre. Elle affichait un grand sourire, totalement admirative et très heureuse qu'il soit enfin en mesure de rendre leurs tirs aux méchants. Le chapeau de Willie, un peu trop grand pour sa petite tête, s'était précipité au sol. Heureusement, Tim était là pour le ramasser en une seconde chrono, et le replacer sur la tête de sa propriétaire. Elle redressa l'avant du chapeau qui lui tombait encore devant le visage, et leva des yeux brillant vers Timothy.
« Mais waouuuuuuuh ! Comment tu fais ? »
Les explications vinrent rapidement, et Willie hochait longuement la tête. Elle comprenait le principe, mais elle ignorait complètement comment il avait pu découvrir un truc pareil. C'était in-cro-yable ! Puis, il ajouta qu'elle devait aussi maîtriser des tours de passe-passe dans le même genre. Ah oui ? Elle fouilla dans son esprit, comme si la réponse était inscrite quelque part. Pour l'instant, à part être extrêmement agile avec les bouteilles de whisky, et copine avec tous les moutons du coin, elle ne voyait pas trop.
Elle descendit de la barrière, aidée par Tim qui avait dû comprendre que bouger était compliqué dans ce genre d’accoutrement, et lui adressa un petit sourire reconnaissant. Elle était montée toute seule et aurait très bien pu redescendre, mais elle adorait quand il était sympathique, et c'était actuellement le cas. La mouche qui l'avait piqué devait être un concentré de bonheur pour qu'il devienne aussi aimable ! Et ce n'était certainement pas pour déplaire à Willie.
« "Mais Willie, fit-elle en l'imitant, je suis pas vraiment Timmy moi, je vais pas y arriver". Tu vois que t'as réussit ! Je suis aaabsolument fan, je vais même ouvrir le fan club de "Timothy The Hunter" !»
Elle étalait son admiration, au risque qu'il se pavane ensuite durant des heures en se vantant de pouvoir tirer plus vite que son ombre. Mais elle ne pouvait plus se retenir, la rapidité avec laquelle il avait agit, et surtout l'écart entre maintenant et le moment où il avait "affronté" les méchants était plus que surprenant. Et puis, il avait sûrement besoin que l'on flatte un peu son ego, après le début de jeu éprouvant qu'il avait subi.
« Bon, maintenant, il faut que tu m'expliques comment tu as pu savoir ? Est ce que c'est écrit quelque part ? Ou alors, est-ce-qu'il faut faire la pose du vautour qui observe sa proie, comme tu l'as si bien fait ?»
Tout en faisant ces suppositions, elle observa partout sur ses vêtements si quelque chose était inscrit, en venant même à regarder sous ses bottes. Puis, elle imita le fameux oiseau de proie, tendant même les bras à la fin de sa prestation, comme des ailes qu'elle avait pu déployer. Ensuite, elle partit en vrille, se lançant dans une roue durant laquelle son corset essaya de l'assassiner. Le mouvement était parfait, même si elle avait faillit y perdre la vie. C'est sûrement ce qui réussit à la convaincre d'arrêter de bouger dans tous les sens. Elle se massa doucement le ventre, même si elle gardait une mine souriante comme si cette figure ne venait pas de lui écraser l'estomac. Elle ôta son chapeau de sa tête pour l'appuyer sur sa poitrine, et déclarer solennellement:
« Cette fois-ci, je suis prête à t'écouter.»
Son indication ne satisfit pas entièrement Willie, puisque elle ne lui donnait pas directement les clés de la réussite, mais elle s'en contenta. Elle était d'accord pour chercher, et même très excitée à l'idée de découvrir ce qu'elle pouvait bien faire, mais certainement pas dans cette tenue. Elle ne comptait même plus le nombre de fois où cet accoutrement l'avait gênée depuis le début du jeu, si ça continuait, il finirait par les faire tuer. Elle s'éloigna en marchant à reculons, tout en annonçant:
« Booon, je te laisse réfléchir Lucky Luke, je reviens vite, t'en fais pas ceci n'est pas un abandon.»
Puis, elle pivota pour se retrouver face à la ferme et replaça son chapeau sur sa tête. La tyrannie de ce corset prenait fin aujourd'hui ! Si ça se trouve, il réfrénait même les compétences de Willow. Elle entra dans la chambre qu'elle n'avait pas encore eu l'occasion d'explorer, et se retrouva face à deux armoires. La première regorgeait de jupes et de petits gilets et tout genre, ce qui n'arrangeait pas vraiment l'affaire du fantôme qui cherchait une tenue plus adéquate. La deuxième armoire en revanche, regorgeait de tenues pratiques qui pourraient lui aller. Ce "petit" frère faisait visiblement sa taille. Elle se frotta les mains, ravie de ses trouvailles, et s'empressa de se changer. Adieu corset, et bonjour la liberté !
Elle reparut près de l'enclos où elle avait abandonné Tim, dans une tenue bien plus adéquate qui lui allait à ravir. Un pantalon, qu'elle avait dû resserrer à la taille par une ceinture car il lui était un peu trop grand, et une chemise blanche qui ne le resterait pas et dont elle avait grossièrement rentré un pan dans le-dit pantalon. Elle appela son chien qui ne mit pas longtemps à sortir de la grange, pour venir poser ses grosses pattes sur les cuisses de Willie, puis se baissa un peu pour pouvoir attacher un foulard autour de son cou.
« Tadam !»
Elle s'était redressée d'un coup en agitant les mains, laissant flotter son "m" final dans l'air, très fière de ces nouvelles tenues. Qui sait, il y avait peut-être des points bonus accordés pour le style. Bon, il n'avait jamais été question de points, mais Willie avait besoin d'une excuse si jamais on lui faisait une remarque. Elle pensait déjà aux nattes qu'elle ferait au petit poney de Tim, quand ce dernier aurait le dos tourné.
« Cette petite expédition dans la chambre de Willow ne m'a pas permis de découvrir si elle avait des capacités spéciales, mais c'est peut-être parce qu'elles ne sont censées se déclencher qu'en présence d'un ennemi, ou quelque chose dans le genre... Mh ? »
Elle ne savait pas si ce qu'elle disait tenait la route, mais elle ne pouvait que faire des suppositions. Elle observa les alentours, cochant au fur à mesure les cases de la to-do list mentale qu'elle s'était faite, puis posa les yeux sur Timothy. L'endroit avait beau être grand, ils semblaient en avoir déjà fait le tour.
« Bon, eh bien je suppose que nous arrivons à la prochaine étape: la montagne. Remplis la gourde, je m'occupe d'aller chercher l'un des vêtements de mon "père", Paco pourra peut-être le renifler pour retrouver sa trace une fois sur place. »
A ces mots, elle pénétra une nouvelle fois dans l'habitacle, se dirigeant immédiatement dans la chambre des parents qu'elle avait déjà fouillée. Elle saisit une chemise qui semblait trôner là depuis des semaines, non sans faire une moue dégoûtée, puis ressorti. Elle espérait de tout cœur que Hein accepte de la transporter. Il ne leur restait plus qu'à choisir des chevaux pour les emmener dans la montagne, après quoi, leur temps de repos prendrait fin. Ils se dirigèrent donc dans la grange, pour faire face aux quatre mustangs. Willie s'approcha de l'un des boxes pour caresser le front du cheval qui en sortait sa tête, songeant à voix haute:
« Je trouve ça tellement triste quand les animaux sont retenus captifs, ils ont besoin de liberté, comme Spirit ! Puis, elle se tourna vers Timothy et expliqua: A la base, les mustangs étaient un peuple de chevaux domestiqués, mais lorsque les conquistadors sont venus en Amérique, ils se sont enfuis pour devenir des chevaux sauvages. Mais les hommes sont revenus, et les voilà maintenant à nouveau enfermés.»
Elle soupira et observa le cheval qu'elle caressait avec compassion, pauvres bêtes, même en ayant eu la bravoure de s'enfuir, ils finissaient irrémédiablement asservis. Enfin le sort qu'ils avaient connu au fil des siècles suivants n'était pas plus glorieux, ils avaient été tués, mangés et même utilisés pour nourrir d'autres animaux. Les Hommes se croyaient vraiment tout permis.
« Alors, qui sera l'heureux élu ? Moi je pense que je vais prendre celui-là, il est tout choupi. »
Willie parlait du cheval qu'elle caressait depuis déjà dix bonnes minutes: un mustang isabelle, qui ressemblait en tout point à Spirit, à la seule différence qu'il avait une petite tâche blanche en forme de cœur sur le front. Comment aurait-elle pu ne pas le choisir ? Si son âme se matérialisait sous les traits d'un cheval, alors elle ressemblerait en tout point à celui-ci. Elle alla prendre une selle et une bride un peu plus loin dans la grange, puis entra dans le boxe pour pouvoir équiper sa monture. Elle l'observa longuement, puis demanda, comme s'il pouvait lui répondre:
« Saturne, ça te plaît comme nom ? »
L'animal hennit, ce que Willie perçut comme une approbation. C'est alors qu'elle eut une pensée pour Timothy, supposant qu'il n'avait jamais eu à préparer un cheval. De son côté, si elle savait le faire, c'était tout simplement car il était normal de savoir monter à cheval dans les années 1860, tout comme il était bien vu de savoir le faire dans les grandes familles autrichiennes du XXème siècle. Puisque Willie avait appartenu à ces deux catégories, elle savait exactement comment s'y prendre. Elle passa donc la tête dans le box de Tim afin de voir où il en était, et de potentiellement lui proposer son aide. Cela étant fait, ils amenèrent les mustangs à l'extérieur et remplirent les sacoches inclues dans les selles.
« Cette fois, je crois qu'on est fin prêts ! C'est parti ? »
Elle attendit que Timothy démarre pour le suivre, après tout, c'était lui qui avait la boussole. Ils avaient étudié leur itinéraire avant de partir, concluant que la croix placée par Gregory se trouvait au Nord-Ouest de leur position actuelle. Tant mieux, cela leur éviterait de repasser par la ville. Saturne partit au trot, à la suite de la monture de Timothy et de Hein qui portait les couvertures. Paco était également du voyage, suivant la petite troupe en remuant gaiement la queue. Le temps sembla alors passer extrêmement vite, ils n'eurent l'occasion de n'échanger que quelques mots, tels qu'un « Alors, tu l'as appelé comment ? » prononcé par Willie. Et alors qu'ils avaient déjà débuté l'ascension de la montagne, la nuit étendit son grand manteau étoilé sur le monde. Continuer était devenu impossible, ils ne voyaient plus où les chevaux marchaient, et la nuit rendait les animaux nerveux. Ils étaient obligés de s'arrêter.
Nombre de morts: 1
️ Gasmask
Inventaire:
Tim : une affiche de mise à prix, une gourde, une boussole, un revolver, une boîte d'allumettes, de la viande séchée, deux couvertures, des boites de conserve, des guignons de pain, Hein. Willie : un chapeau, une bourse, une lettre, Paco qui porte un foulard, une carte, un carnet, une chemise crado, Saturne.
Timothy était tout content d’arriver, enfin, à tirer comme il fallait. Trouver le temps de dégainer n’était, sans le moindre doute, pas la fonction première du système de focus du jeu, mais le jeu n’avait pas prévu de devoir héberger Tim et Willie. Lui, il était trop maladroit avec son grand corps (avec le tout petit aussi, en vrai) pour réussir à dégainer assez vite. Il lui fallait du temps et le seul moyen d’en avoir était ce système de concentration du personnage. Alors, il se fichait bien de savoir que ce n’était pas pour ça que les développeurs l’avaient prévu ! Lui, il l’utiliserait de cette manière et personne ne viendrait le faire chier là-dessus.
Les yeux de sa partenaire brillaient d’admiration et Tim en était bien content. Ce n’était pas tous les jours que l’écureuil arrivait à intéresser son amie, trop ancrée dans le monde réel pour comprendre l’intérêt des choses qui le faisaient vibrer, lui. Il n’osait pas, non plus, lui raconter autre chose que ce qu’il faisait dans ses jeux, de peur qu’elle réagisse comme Kaeloo et ne s’amuse à lever la main sur lui. Il en doutait un peu, mais bon. Il ne préférait pas tenter le diable. Tim s’en prenait déjà des belles de la part de sa sœur et de son ami, Sanada. Même s’il ne comprenait pas forcément pourquoi, d’ailleurs. Où était le mal de se prendre une raclée par des délinquants ? De tomber d’un arbre ? De passer à deux doigts de se faire renverser par un camion ? C’était des choses qui arrivaient à tout le monde. Non ?
Quoi qu’il en était, Timothy était bien content d’obtenir l’attention de Willie et de pouvoir lui prouver qu’il était plus doué que ce qu’il lui avait montré, jusque là. À l’occasion, il la traînerait peut-être de force dans une salle d’arcade ou une fête foraine pour lui prouver que ce n’était pas qu’un coup de chance. Il ne comptait plus le nombre de gains gagnés dans ce genre d’endroits et qu’il avait, pour la plupart, donnés à Kaeloo. Ce n’était sûrement pas lui qui allait trouver un intérêt à une peluche.
Tim aida Willlie à descendre de sa barrière. Non pas qu’il pensait qu’elle n’y arriverait pas toute seule, puisqu’elle était montée d’elle-même, mais ce n’était pas une raison pour être un gros connard et ne pas l’aider à le faire. Sa grosse jupe ne semblait pas bien pratique pour évoluer dans ce monde et il lui aurait bien conseillé de trouver d’autres vêtements, s’il n’avait pas un peu peur qu’elle le prenne mal ou qu’il doive expliquer pourquoi il savait très bien la galère que c’était, de marche sur des chaussures à talons. Elle se moquerait sûrement de lui et il n’en avait pas envie.
Les mots de la fermière lui arrachèrent une grimace alors qu’elle l’imitait. Heureusement, elle détourna son attention de la moquerie en déclarant être fan de lui et de son aptitude à ralentir le temps. Il n’en fallait pas plus, à l’écureuil, pour se parer d’un regard un peu hautain et d’un sourire satisfait. Briller en société, ce n’était pas tous les jours que ça lui arrivait, même si Moignon avait, sans le moindre doute, plus de fans qu’on ne le pensait et déjà eu l’occasion d’être reconnu, dans la rue. Il avait même signé des autographes pour les adeptes de ses bandes-dessinées. Mais ce n’était jamais pareil d’être apprécié pour son travail, par un inconnu, et d’être admiré par des amis de longue date.
Je te signe un autographe quand tu veux ! T’auras peut-être même le droit à un selfie avec ton idole, répondit-il, très joyeux.
Willow demanda, finalement, des explications. Ce qui laissa Tim perplexe. Devait-il avouer qu’il ne s’était agi que d’un gros coup de bluff et qu’il aurait tout aussi bien pu essayer pendant trois heures sans arriver à rien ? Alors qu’elle commençait, enfin, à comprendre qu’elle n’aurait pas pu vivre cette aventure sans un pro des jeux comme lui, ça aurait été bête, tout de même… En vérité, il n’avait pas la moindre idée de la façon dont elle pourrait se rendre compte de ses propres capacités. Rien ne disait qu’elle en avait vraiment, en plus. Bon, puisque Timmy en avait, il ne voyait pas pourquoi ce serait autrement avec elle. Même si le monde des jeux-vidéos restait un monde très sexiste, il ne voulait pas croire que ce soit à ce point.
Pendant qu’il cherchait une bonne explication à lui donner, Willie commença à faire… n’importe quoi. Il la regarda s’agiter dans tous les sens, l’air blasé, jusqu’à la roue qui acheva Tim. Il ferma les yeux (juste au cas où il pourrait voir des choses qu’il n’avait pas envie de voir) et soupira un grand coup. Cette femme n’avait aucune limite, sans aucun doute, mais sa roue eut, au moins, le don de lui rappeler Kaeloo et ses roues intempestives, au Pays Trop Mignon. Bon, il doutait que Willie puisse se transformer en videur de discothèque, mais cette rapide association de pensée le ramena sur le sujet véritable de leur conversation, tandis que Willie revenait lui demander des explications.
Je vais pas te mentir, j’ai juste essayé en supposant qu’il devait y avoir ce genre de système. Ça existe dans pratiquement tous les jeux, maintenant. Et comme le système de focus permet de se concentrer, j’ai juste essayé de me concentrer. Pour toi… La position du vautour, je crois pas que ce soit une bonne idée. En plus, je te signale qu’ils bouffent des cadavres, alors ils ont pas grand-chose à « observer »… Il faut juste… tenter ? Chercher ? Tu finiras bien par trouver.
Oui, bon, ça ne devait pas beaucoup l’aider, mais Timothy n’avait pas la moindre idée quant à la meilleure manière de se rendre compte de ses capacités. Dans le monde réel, il lui aurait dit d’appuyer sur start ou une autre touche généralement confiée aux menus des jeux, mais là… Il n’existait aucun bouton start et se presser le sein gauche ne faisait apparaître aucune information sur le personnage. Ils devaient juste patauger jusqu’à trouver les capacités de leurs personnages, mais il ne perdait pas espoir. Il savait qu’ils allaient trouver.
Willie décida que c’était le bon moment pour abandonner Tim qui la regarda filer sans faire mine de la retenir. Il n’avait pas la moindre idée de ce qu’elle comptait faire, mais puisqu’elle lui assurait qu’elle allait revenir, il décida de ne pas s’en inquiéter. Si elle ne revenait pas, de toute façon, il n’aurait qu’à se suicider (plus facile à dire qu’à faire, mais bon) pour les faire réapparaître tous les deux à côté du puits et l’engueuler un coup. En attendant que madame daigne revenir vers lui, Timothy rechargea son pistolet avec beaucoup de précautions et entassa les bouts de verre dans un coin. Une précaution qu’il ne comprit pas trop lui-même, mais qui lui fut dictée, à l’oreille, par une drôle de voix zozotante.
Quand son amie ressortit de la ferme, Timmy était appuyé contre la barrière de l’enclos, les yeux rivés sur les oiseaux qui tournaient en rond, dans le ciel, comme un mauvais présage. Bon, il s’inquiétait surtout de ne pas se faire fienter dessus, mais bon. En découvrant le nouvel accoutrement de Willow qui, sans aucun doute, serait plus pratique que sa grosse jupe et son corset, Tim leva un pouce et sourit. Bien, ils étaient prêts à repartir, du coup.
Les suppositions de Willie tenaient, à peu près, debout et Tim se contenta d’un « peut-être », le regard fixé sur le foulard qu’elle venait d’accrocher à Paco. Ils avaient, visiblement, des priorités très différentes, dans la vie. Lui, il ne lui serait jamais venu à l’esprit d’habiller le pauvre chien qui ne semblait pas traumatisé (ou pas encore) par l’excentricité de sa propriétaire. Néanmoins, il doutait, quand même un peu, que Willie ait tout à fait raison. Après tout, il n’y avait aucun ennemi aux alentours et Tim avait pu ralentir le temps pour tirer sur les bouteilles. Pourquoi en serait-il différemment avec elle ?
Les ordres qu’il reçut ne le dérangèrent pas. Timothy avait l’habitude d’entendre le monde lui dire ce qu’il devait faire. Et lui, il avait l’habitude de le faire en ronchonnant, parce qu’il ne voulait pas ranger sa chambre, non. Pas plus qu’il n’avait envie de perdre du temps dans une douche tous les jours. Cette fois, il ne protesta pas et se contenta d’aller remplir la gourde grâce à l’eau tirée du puits. Puis il accrocha la gourde à sa ceinture et rejoignit la grange avec Willie.
Elle trouvait peut-être ça cool, ou joli, ou quoi que ce soit d’autre, mais Timothy n’était pas à l’aise, face aux chevaux. Il l’écouta parler d’une oreille distraite, sans savoir ce qu’il devait comprendre de ses explications. Lui-même n’aimait pas trop l’asservissement animal, mais ce n’était, sûrement, que parce qu’il était, de base, un animal. Un animal sauvage, en plus. Personne n’aurait l’idée de domestiquer un écureuil. Personne. Il ne voulait pas imaginer le contraire.
Tu veux qu’on les libère ? dit-il, peu convaincu par la manœuvre. C’est qu’un jeu, ils n’iront pas bien loin, mais si ça peut te faire plaisir.
Tim haussa les épaules en approchant d’un boxe. Il n’était pas à l’aise à l’idée de devoir monter sur des chevaux qui avaient su regagner leur état sauvage. Il savait bien que les mustangs étaient connus pour leur fort caractère et se demandait sincèrement pourquoi la ferme n’était pas, plutôt, pourvue d’un bon gros cheval de trait calme, docile, aimable. Bon, il n’aurait pas été franchement plus à l’aise face à un cheval immense, mais il existait, aussi, des chevaux de trait plus petits. Quoi qu’il en était, il devait faire avec un mustang.
Celui que Timmy choisit avait le regard endormi et reposait au milieu de son boxe, un postérieur au repos. Sa robe pie mélangeait la neige de l’hiver et la roche des montagnes, tandis qu’une belle face ornait sa tête. Ses crins blancs étaient immaculés. Tim apprécia sa robe particulière, d’un sourcil haussé et ouvrit la porte du boxe. La jument redressa la tête et sembla sortir de sa léthargie. En prenant appui sur chacun de ses membres, elle gagna quelques centimètres. Timmy déglutit péniblement et tendit la main pour caresser son encolure. La jument semblait sympathique, aussi décida-t-il que ce serait la sienne.
De son côté, Willie nommait déjà son canasson, ce qui ne l’étonna pas. Il fit la grimace, bien caché dans son boxe, et s’empressa d’aller chercher les affaires nécessaires pour seller son cheval. Ça pourrait peut-être l’étonner, sa partenaire, mais il connaissait plutôt bien le secret. Enfin… dans la limite de la théorie, évidemment, puisque Tim, en bon geek assumé et « total » (certains pensaient qu’il suffisait de passer 3h par jour sur un jeu de guerre pour être un geek, ce qui ne lui plaisait pas, à lui), avait joué à plusieurs jeux se passant dans des centres équestres. Face à la pratique, il eut un peu plus de mal que prévu. Savoir dans quel sens allait le filet n’était pas une mince affaire et il grimaça encore en voyant le machin métallique qu’il devait enfoncer dans la bouche de sa pauvre jument.
Heureusement, Willie lui donna un coup de main et ils purent se mettre en selle, non sans avoir, d’abord, accroché les couvertures et les deux sacs au dos de Hein. Sur le dos de sa jument, Tim se sentit plus à l’aise que prévu, mais ce n’était pas encore ça de gagné. Il prit les devants de leur petit groupe, jetant un coup d’œil en coin à son poney pour s’assurer que la vilaine bête les suivait bien. Boussole en main, Timothy les dirigea vers le nord-ouest, comme ils l’avaient supposé en regardant l’emplacement de la croix, sur la carte de Willow.
Au moment de quitter la ferme, il y eut une sauvegarde automatique qui rassura l'écureuil. Au moins, ils n'auraient pas besoin de recommencer tous les préparatifs et pouvaient se concentrer sur la suite du jeu.
Le temps passa plus vite que prévu, même si ce n’était pas encore assez vite pour un Timothy secoué, sur sa monture au trot. Entre les secousses, il eut du mal à articuler le nom de sa monture qui fut un petit « Mirage » craché entre ses dents serrées. Ce qui était, en vérité, le premier mot qui avait popé à l’intérieur de son esprit. Évidemment que Tim ne comptait pas nommer sa jument… Il préféra, en tout cas, se concentrer sur la route sinueuse qui grimpait dans les montagnes que sur l’envie de parler de sa partenaire. Très vite, ils durent faire halte, ne pouvant continuer de nuit.
Tim glissa à terre avec précaution et tira Mirage derrière lui pour s’approcher de l’endroit idéal pour camper : les montagnes autour les protégeaient du vent, tandis que la vue était dégagée sur le ciel et qu’un petit chemin, serpentant dans la roche, semblait leur offrir une bonne échappatoire, au cas où ils seraient pris en embuscade. Il gara sa jument près d’une paroi rocheuse et défit son harnachement. Timmy avait beau ne pas aimer les chevaux, il ne voulait pas lui faire subir, plus que nécessaire, le désagrément du filet et de la selle. Puis c’était bien connu que les cow-boys dormaient sur leur selle !
Hein apporta les couvertures que Tim étala par terre, avant de s’allonger sur l’une d’elles. Il sortit, de ses sacs, la viande séchée pour Paco et une boite de conserve, juste au cas où Willie aurait faim. Lui, il n’avait pas franchement faim. Comme toujours, lorsqu’il était à fond dans un jeu-vidéo. Bien installé, Timmy tendit la main vers Willie et lui demanda, gentiment, de lui prêter son carnet. Ils avaient besoin de réponses. Sauf qu’il faisait nuit. Donc il n’y voyait que dalle.
Faut qu’on fasse un feu, dit-il, soudain, en se relevant. Tu sais faire les feux, toi ? C’est peut-être ça, ta capacité super géniale ?
Dans son monde à lui, il suffisait bien souvent de vouloir quelque chose pour que ça apparaisse. Évidemment, il savait bien que dans le monde réel ça ne marchait pas et il eut beau penser à un beau feu de camp, aucun n’apparut à ses pieds. Alors Timmy tâtonna, dans le noir, aidé par la clarté de la lune, pour trouver de l’herbe séchée et des bouts de bois. Quand ils réussirent, enfin, à faire un feu qui ressemblait à peu près à quelque chose, Tim s’assit en tailleur devant et ouvrit le carnet du père de Willow. Peut-être que l’ouvrage contenait des informations sur les personnages. C’était parfois le cas. Il feuilleta plusieurs pages agrémentées de dessins d’indiens et ricana un peu, en posant un doigt sur les lettres noires.
Jour 10, ma jolie petite amante indienne est trop mignonne, bien mieux que ma vieille femme moche. Je vais tous les abandonner à la ferme et vivre une vie d’amour et d’eau fraîche avec Petit Nuage D’Eclairci Avant La Tempête. Elle va me faire des enfants beaucoup mieux que ceux que j’ai déjà et que je vais renier fissa. Bye, bye, les nazes, vous me méritez pas.
Timothy rit tout seul, très fier de sa petite blague. Évidemment, il n’y avait absolument rien noté de ce qu’il venait de dire. À la place, la page était bourrée de petits symboles impossibles à déchiffrer pour l’écureuil. Une sorte de code secret qu’ils devraient décoder. Mais sans aucun indice sur le meilleur moyen de décoder le code… Ils en auraient pour toute la nuit. Ce qui tombait plutôt bien, puisque Tim n’aimait pas dormir. Il tendit le carnet à Willie et lui montra les symboles.
Tiens, peut-être qu’en bonne fille de ton père, tu peux lire ça sans avoir à décoder pendant des heures ?
Il n’y croyait pas trop, mais c’était toujours bien d’essayer. Qui savait… avec un peu de chance, elle comprendrait les lettres directement et ils auraient, ainsi, de nouvelles informations sur le jeu, les personnages ou les motivations du père de Willow.
Nombre de morts : 1
Inventaire :
Tim : une affiche de mise à prix, une gourde, une boussole, un revolver, une boîte d'allumettes, de la viande séchée, deux couvertures, des boites de conserve, des quignons de pain, Hein, Mirage. Willie : un chapeau, une bourse, une lettre, Paco qui porte un foulard, une carte, un carnet, une chemise crado, Saturne.