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 Émoi et moi [pv — Deborah Gust]

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Émoi et moi [pv — Deborah Gust] _



________________________________________ 2020-04-08, 11:56

Émoi et moi
Sept années s’étaient écoulées depuis la fin de la malédiction. Sept longues années qui passaient sur la taxidermiste comme une brise de printemps, sans qu’elle ne s’en inquiète vraiment. Sept années qui, pourtant, n’avaient pas suffi à lui apprendre les choses les plus… simples ? basiques ? de la vie humaine. En vérité, l’oiseau noir se fichait pas mal de savoir de quelle façon il devait parler pour être bien vu en société ou de quelle manière s’habiller pour ne pas passer pour un cinglé. Cinglé, de toute évidence, il l’était depuis des années. Depuis plus de temps qu’il ne pouvait même l’imaginer. Raven avait, néanmoins, été obligée de comprendre certaines règles de base de la société : comme le fait de s’habiller ou de ne pas voler (ce qu’elle faisait, d’ailleurs, sans le moindre remords). Il n’y avait que trop de règles, de choses à prendre en compte et le corbeau n’en avait pas envie. De toute façon, il n’était pas humain, alors il s’en tamponnait les plumes du haut du crâne.

Pourtant, dernièrement, Raven ne pouvait s’empêcher de se poser des questions qui, à peine apparaissaient-elles dans son esprit, lui donnaient très envie de taper sur le premier truc qui lui passerait sous la main. La taxidermiste ne se faisait pas tant de soucis, avant, et elle ne voyait pas pourquoi, aujourd’hui, elle devait s’inquiéter de telle ou telle chose. Évidemment, une petite en voix en elle lui hurlait que c’était à cause de son voisin. La seule présence du chat noir lui donnait des envies de meurtre et de sang. Pas forcément contre lui, d’ailleurs. Cependant, si Raven était habituée à ces envies-là (elle savait y résister, malgré la tentation), elle ne comprenait pas les autres sentiments ou impressions étranges qui s’emparaient de son corps d’humaine.

La vie était, sans le moindre doute, plus simple sous sa forme de corbeau. Raven se contentait, généralement, de ressentir de la haine, pure et agréable, comme un feu de forêt qui détruit tout sur son passage ; de la jalousie, poison délicieux sur ses lèvres, mais particulièrement dangereux ; la faim, intarissable, comme un puits sans fond au creux de son estomac. Pour le reste, l’oiseau noir se contentait de dormir et d’emmerder le monde, une activité qui prenait une bonne partie de son temps et qui l’amusait énormément. Il ne s’encombrait, en tout cas, pas des autres sentiments. Il en était persuadé, mais il fallait bien avouer que le corbeau a toujours été un maître du déni.

Raven fit tourner la carte de visite, entre ses doigts. Le cadeau, donné par Honey, n’avait pas encore été utilisé, mais l’idée faisait, petit à petit, son chemin dans son cerveau. Elle sentait encore, au fond de son ventre, les reliquats d’une crise de nerfs qui avait détruit quelques animaux empaillés. Elle n’avait, d’ailleurs, pas encore pris le temps de nettoyer et la boutique de taxidermie était jonchée de poils arrachés et de trophée brisés. Si Raven connaissait la colère, dans laquelle elle baignait depuis trop longtemps pour en sortir vraiment, elle ne comprenait pas ce qui la poussait à s’énerver tant et ça ne lui plaisait pas vraiment. Il était donc temps.

La taxidermiste enfila une veste en cuir, par-dessus son t-shirt blanc et sortit de la boutique. Sans un regard pour l’antiquaire d’à côté, elle s’engouffra dans les rues de Storybrooke et traça sa route. Raven n’était pas femme à s’embêter à prévenir de son arrivée. On ne prévient pas le monde quand on est persuadé de pouvoir faire ce qu’on veut, quand on veut, où on veut et, surtout, d’être partout un peu comme chez soi. Alors la brune se pointa à l’adresse indiquée sur la carte d’une certaine Deborah. Elle se planta devant la porte d’entrée et frappa, sans même regarder s’il existait une sonnette ou non. Elle frappa même plusieurs fois, juste pour être sûre qu’on l’entende bien. Et tant qu’à faire…

» Deborah ! cria-t-elle, derrière la porte, en brandissant sa carte de visite.

Le petit bout de carton était, entre ses doigts, comme un pass magique qui lui ouvrirait la porte de n’importe quel endroit. Elle était prête à la glisser dans la fente de la porte, même, pour s’en servir comme d’une carte magnétique. Elle savait bien que ça ne marcherait pas, mais ça l’amuserait un peu et ça lui procurerait, par la même occasion, une bonne excuse pour ouvrir la porte « par magie ». Une magie un poil illégale que Raven connaissait un peu trop bien.

» C’est Honey qui m’a donné ! (Finir ses phrases, c’est so 2019.) Ouvre !

Par réflexe, la carte toujours brandie devant elle, Raven recula d’un pas et vérifia qu’aucune fenêtre n’était ouverte. Elle trouverait, de toute évidence, un moyen ou un autre pour entrer dans cette maison.


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« Sarcasm: punching people with words. »

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________________________________________ 2020-04-08, 23:29 « Sarcasm: punching people with words. »

Le manoir d'Aphrodite avait cela de bien qu'il était suffisamment excentré pour que les émotions et moi profitions de tranquillité sans l'être trop pour que nous soyons coupés du monde, même si parfois j'aimerais bien l'être un peu plus, ou l'être de certaines personnes exclusivement. C'était une demeure imposante décorée avec goût et nous utilisions tout le deuxième étage à notre bon vouloir, Aryana passant de temps en temps tout comme il nous arrivait de descendre la voir dans la partie qu'elle occupait. Aryana était une déesse que j'appréciais fréquenter et pas uniquement parce que copiner avec une déesse c'est cool - même si c'est totalement le cas. Parce que sa demeure était un manoir on la voyait de loin (à moins d'être aveugle) et ça, c'était parfois le souci, quand même. Par exemple quand on ne voulait pas être dérangé ou qu'une personne non annoncée venait tambouriner à votre porte alors que vous lisiez tranquillement la dernière édition de Vogue.
C'était précisément ce que je faisais quand on frappa la porte (et non pas à la porte vu la violence qui fut employée) avant de crier mon nom suffisamment fort pour que tout le voisinage l'entende (alors que les voisins les plus proches étaient quand même relativement loin). Colère, qui lisait son journal dans son fauteuil rouge attitré, serra le poing, prêt à aller cogner tout aussi fort contre l'invité inopportun. Peur, de son côté, lisait une revue médicale (je lui avais conseillé de ne pas le faire mais comme il n'écoutait jamais il faisait quand même et finirait par faire des cauchemars) et sursauta si fort quand on frappa la porte qu'il se prit la poitrine, persuadé que son cœur allait s'arrêter avant de constater que non, en fait. Quant à Tristesse, eh bien elle déprimait dans sa chambre, comme souvent, et ne prit pas la peine de venir aux nouvelles.
- J'crois que c'est pour toi, grogna Colère en roulant son journal en boule histoire de passer ses nerfs.
- Elle elle cogne sur les portes fermées et toi tu enfonces les portes ouvertes. Vous feriez un sacré duo, ironisai-je en refermant ma revue puis en me levant pour aller ouvrir, agacée également par ce remue ménage.
Je me demandais aussi pourquoi Honey avait visiblement décidé de me mettre en relation avec une personne qui ne s'annonçait pas alors qu'elle était suffisamment dotée en neurones pour se douter que ça ne me plairait pas. Mais bon. Puisque nous avions une invitée et que j'étais curieuse en plus d'être du genre à préférer le calme aux beuglements, j'allais ouvrir.
- C'est elle, m'annonçai-je à la femme brune sur le pas de la porte une fois celle-ci ouverte.
J'avisai alors ma carte de visite entre ses mains et complétai mentalement la phrase qu'elle avait eu la flemme de finir pour être compréhensible (sauf si elle avait parlé au judas en supposant que c'était une caméra ce qui aurait pu être le cas mais ne l'était pas - l'histoire ne le dirait sans doute pas).
- Voilà j'ai ouvert, c'est bien ma carte de visite. Je remercierai Honey de me faire de la pub plus tard. Et donc, vous êtes qui à part une personne susceptible de défoncer la porte ?


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________________________________________ 2020-04-15, 10:54

Émoi et moi
Raven se souvenait de ce jour étrange où elle s’était rendue dans le laboratoire de Honey sans comprendre, elle-même, ce qu’elle venait foutre là-bas. Prise d’une crise de nerf, la taxidermiste avait jugé bon de s’échapper de sa boutique, en abandonnant son alliance sous un meuble (elle avait eu du mal à la récupérer, cette saloperie), et de s’envoler jusqu’à ce point reculé de Storybrooke. Le laboratoire était devenu une sorte d’abri, de refuge pour l’oiseau noir, quand il ne savait pas où aller, mais qu’il avait la flemme de passer sa frustration sur les habitants. Ou quelque chose comme ça. Habituellement, elle avait toujours des questions à poser à la blonde qui prenait le temps de lui répondre, mais cette fois-là… Même maintenant, Raven sentait comme un goût d’inachevé, de questionnement laissé en suspens. Elle n’aimait pas ça.

C’était justement Honey qui lui avait donné la carte de visite d’une certaine Deborah. Une « dame émotions » ou que savait-elle encore, qui pourrait, d’après la blonde, l’aider à comprendre certaines choses. Mais qu’y avait-il à comprendre ? Le corbeau continuait de croire, dans son déni suprême, que les humains étaient beaucoup trop compliqués pour leur propre bien. Si, lui, ça l’amusait beaucoup de les voir se prendre la tête pour pas grand-chose, il refusait néanmoins de faire partie de ces gens-là. Il est un oiseau, pas un humain. Il se fiche des sentiments qui bouillent dans son corps de femme. Ce n’était qu’un corps provisoire, histoire de pouvoir se défendre contre plus gros que lui.

Pourtant, Raven était là, bien droite, plantée devant la porte, sa carte tendue devant elle comme un pass magique, ou une lanterne qui écarterait les ténèbres. Quelque chose qui, dans tous les cas, n’avait rien à avoir avec le but premier d’une carte de visite. Pour ce qu’elle en savait, la brune, de toute façon… Un point, d’ailleurs, qu’il faudrait peut-être penser à aborder avec Honey ou ce petit ver de Sally qui s’amusait à lui apprendre des choses qui dépassaient la taxidermiste. Une carte de visite, ce n’était peut-être pas une mauvaise idée pour le Fur Ever.

La porte s’ouvrit sur une rousse, ce qui sortit Raven de ses pensées. Non pas le fait qu’elle soit rousse, puisque le corbeau faisait peu de cas de tout ce qui n’était pas… noir corbeau, mais bien la porte qui s’ouvre sur l’intérieur de la maison. Les trois premiers mots balancés comme une évidence, la firent papillonner des yeux. Raven se retint de justesse de regarder derrière elle. À la place, elle fronça un peu les sourcils et fit marcher son cerveau pour comprendre ce que la rouquine voulait lui dire. En connectant deux neurones, elle décida de croire que Deborah et l’inconnue étaient une seule et même personne qui se présentait à la troisième personne… Une pensée compliquée qui faillit bien attiser sa colère du jour.

Néanmoins, Raven se reprit en mains et cessa de brandir sa carte de visite, puisque l’autre ne faisait pas mine de la prendre et que, de toute façon, il s’agissait d’un cadeau de Honey. L’oiseau noir jeta un coup d’œil à l’intérieur de la maison, sans gêne, quand Deborah lui indiqua qu’elle avait ouvert, comme le lui demandait Raven. Elle avisa plusieurs objets qui paraissaient tout à fait inutiles au manoir et qui iraient très bien chez son voisin, mais s’en désintéressa immédiatement pour se concentrer sur Deborah.

» Défoncer la porte… répéta-t-elle, en glissant ses yeux bleus sur l’objet en question. Oui, oui, ça peut se faire.

Contrairement à d’autres de Storybrooke, Raven ne possédait pas une force surhumaine, mais ce n’était pas une planche en bois qui allait la faire reculer. Cependant, elle n’était pas là pour passer ses nerfs sur une porte, mais pour voir Deborah. Qu’elle voyait très bien, maintenant. Alors quelle était la suite ? Même Raven n’en était pas certaine, pour dire la vérité…

» Je suis Raven, se présenta-t-elle, comme demandé, avant de pointer un doigt sur Deborah. Et tu es dame émotions. Honey m’a dit que tu m’aiderais.

Bon, Honey n’avait pas dit exactement les choses comme ça, mais ce n’était pas à Raven qu’on allait demander de dire la vérité, rien que la vérité et toujours la vérité. Elle réarrangeait les choses comme ça lui plaisait et se contentait, généralement, de la moitié de ce que l’on disait, pour des raccourcis pires que raccourcis… Comme cette histoire de dame émotions, qui n’était pas, non plus, la chose exacte prononcée par Honey.

» Carte de visite. (Elle brandit à nouveau sa carte, puis la rangea dans la poche de son cuir.) Je viens faire une visite. J’entre.

Ce qui n’était, malheureusement, pas une question…


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________________________________________ 2020-04-15, 23:17 « Sarcasm: punching people with words. »

- On va éviter de réellement défoncer la porte hein et s'en tenir au sens figuré parce que sinon je vais vraiment pas être ravie, annonçai-je directement quand la jeune femme aux cheveux corbeau sembla prendre l'idée au pied de la lettre.
C'était peut-être comme ça qu'elle et Honey s'étaient connues. Il y avait peut-être un club pour personnes qui ont du mal à capter les expressions toutes faites ou se sentent obligées de les souligner quand tout le monde en fait a bien compris leur sens puisque tout le monde le connait. Ca m'aurait pas été qu'on trouve des groupes aussi peu utiles du genre en ville vu le nombre de trucs pas utiles qu'il y avait en ville - personnes incluses.
- Salut Raven, répondis-je, assez curieuse de découvrir pourquoi Honey m'envoyait de la visite, me doutant qu'avec tous les points de QI que l'ersatz de Stephen Hawking avait elle ne le faisait sans doute pas pour des prunes. Si tu m'appelles dame émotions je t'appelle dame corbeau. Vu le prénom ça me parait bien. Mais en soi t'as capté l'essentiel et dans cette ville, y a plein de gens à qui l'essentiel échappe. C'est un bon début pour recevoir mon aide, acquiesçai-je.
Elle n'avait sans doute pas idée de la rareté du moment qu'elle vivait. C'est sans doute plus rare que le passage de la comète de Halley. Mais elle me faisait une plutôt bonne impression, la veinarde. Je m'effaçai donc pour la laisser rentrer et fermer derrière elle. L'aisance avec laquelle Raven s'invitait chez nous était appréciable, toutes proportions gardées. Disons que ça me changeait des victimes pleurnichardes et que c'est pas plus mal.
- Donc tu es rentrée, dame corbeau. Et tu as besoin d'aide. Mais tu as besoin de quel niveau d'aide ? Que je me fasse une idée du chantier que Honey m'envoie. Je dirais que c'est pas un problème de confiance en toi - t'as l'air sûr de toi, c'est assez rafraichissant. Je dirais pas non plus que t'aies besoin d'un ravalement de façade, en tout cas ce serait superflu même si on pourrait te trouver des habits qui t'iraient encore mieux. Du coup, qu'est-ce que je peux pour t'être utile ? demandai-je, songeant que Honey n'avait sans doute pas précisé que mes services n'étaient pas gratuits, étant donné que j'aime pas faire la charité, mais que le petit génie avait sans doute la bosse des maths et me paierait sans faire d'histoires si jamais ce n'était pas dans les projets de Raven.


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________________________________________ 2020-04-19, 11:32

Émoi et moi
Raven acquiesça en entendant Deborah parler de sens figuré et de porte qu’il ne fallait pas défoncer. Ce n’était pourtant pas la taxidermiste qui avait énoncé le sujet la première. Elle ne défonçait pas les portes pour le plaisir, quoi qu’elle pourrait y songer, à l’avenir. Néanmoins, l’entendre préciser que ça ne la ravirait pas, tira un sourire un poil mauvais à la brune. Moins les choses plaisaient au monde, plus Raven avait envie de les faire. Elle jeta, donc, un regard nouveau à cette porte. La défoncer, juste pour énerver Deborah, était une idée ingénieuse, qu’elle s’empressa, pourtant, de ranger dans un coin obscur de son esprit. Raven avait besoin de la dame émotions. Elle ne devait pas l’énerver tout de suite. Pas avant d’avoir eu des réponses à ses questions, en tout cas.

Les yeux bleus de la taxidermiste s’illuminèrent à l’entente de son surnom. Dame corbeau, ce n’était pas mal du tout ! Et c’était bien la première fois qu’une simple humaine comprenait, du premier coup d’œil, ce qu’était véritablement Raven. Bien sûr, elle serait déçue d’apprendre que ce n’était qu’un surnom causé par son prénom et rejeta cette partie du discours pour se concentrer sur l’essentiel : on voyait, enfin, en elle, plus que ce corps pourri d’humaine. Néanmoins, le corbeau n’était pas tout à fait sûr d’être d’accord avec le mot « dame ». Il se serait volontiers orienté vers quelque chose de plus pompeux. En évitant, soigneusement, le mot « Maître » qui ne ferait que réveiller une vieille blessure. Ce genre de blessure qu’il ne faut pas réveiller si on tient à son mobilier.

» Je suis bien d’accord, ricana Raven, d’une voix un peu grinçante.

L’essentiel, pour elle, n’était sûrement pas la même chose que pour le reste des habitants de cette ville, mais Raven s’en fichait pas mal. Pour elle, tout pouvait être résumé à deux/trois mots ultra réducteurs. Certains lui reprochaient un manque de respect évident pour tout ce qui n’était pas elle. Et alors ? L’oiseau noir ne s’excuserait pas pour ça. C’était naturel. Personne ne demandait aux dieux de respecter les mortels. Et jusqu’à preuve du contraire, d’ailleurs, Raven était plus ou moins immortelle, non ? Alors elle faisait ce qu’elle voulait. Même des raccourcis, si ça lui chantait. Ou s’inviter chez Deborah, sans s’inquiéter de pénétrer une propriété privée. À ses yeux, rien n’était privé. Allez expliquer à un corbeau qu’il n’a pas le droit de se poser dans un jardin…

» Je suis pas un chantier, précisa la brune, en claquant de la langue. Pourquoi douter ? Je sais ce que je suis, je sais ce que je vaux. Il n’y a que les humains pour ne pas comprendre l’évidence.

La taxidermiste écarta la question de son assurance d’un mouvement de main et un regard un poil hautain. Juste un peu, promis. Raven ne pensait que du bien d’elle-même et ne voyait pas pourquoi il en serait autrement. Les humains ne se faisaient pas confiance et, de son avis, ils avaient bien raison. Mais Raven était un corbeau, le plus fort et le plus beau, alors elle n’avait pas de soucis à se faire là-dessus. Sally lui avait même dit qu’elle était la meilleure taxidermiste, tiens ! Même dans le monde des humains, Raven prouvait sa supériorité.

» Un ravalement de façade ? (Raven n’avait pas la moindre idée de ce qu’on lui proposait là et se concentra plutôt sur la suite.) Les habits, on s’en fiche ! Les trois quarts du temps, je n’en ai même pas.

Elle échappa un petit rire amusé par une chose qui n’amuserait, sans aucun doute, qu’elle-même. Raven passait le plus clair de son temps sous sa forme de corbeau et elle n’avait, clairement, pas besoin de vêtements sous cette forme-là. Il était, en tout cas, hors de question qu’elle laisse qui que ce soit essayer de lui enfiler un petit tutu, comme elle l’avait vu faire sur des poussins. Les plumes parfaites de Raven se suffisaient à elles-mêmes, pas besoin de plus pour voir à quel point l’oiseau noir était beau.

» Ce corps n’est pas le mien, dit-elle, comme une évidence, avec une grimace dégoûtée. Les humains sont trop sensibles ! Elle m’a dit que tu savais ces choses-là, toi. Alors voilà.

Est-ce qu’elle zappait la moitié des explications volontairement ? La flemmagite aiguë avait, depuis longtemps, contaminé aussi bien l’humaine que le corbeau et Raven ne voulait pas se concentrer sur les mots. Deborah se devait de tout comprendre toute seule, comme une grande.

» C’est une grande maison, dis donc. (Raven posait, déjà, son regard sur chaque fenêtre et porte de l’entrée ; déformation professionnelle, sans doute.) Ça paie bien, dame émotions ?

Ce qui ne l’intéressait pas tant que les objets de valeur dans le manoir. Les vieux démons de l’ancienne voleuse n’étaient pas morts avec la révélation de ses faux souvenirs, apparemment.


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________________________________________ 2020-04-19, 23:22 « Sarcasm: punching people with words. »

Peut-être que c'était ce ricanement grinçant que Raven venait corriger, songeai-je sans pouvoir m'empêcher de noter son rire pour le moins particulier. Si j'avais été elle, j'aurais essayé de m'en défaire, quoique ça puisse vaguement donner un style - pas du genre que j'aimerais avoir, en toute franchise - mais c'était elle la demandeuse et je vois suffisamment de personnes chez qui il faudrait tout retravailler pour outrepasser les demandes qu'on me fait. Je ne dis donc rien - pour le moment. Je ne pouvais pas garantir que si elle demandait (exigeait ? elle avait plutôt l'air du genre à exiger, en fait) une opinion à ce sujet que la vérité ne ferait pas mal. Mais avant de me rajouter du travail, je préférais écouter ce qu'elle avait à dire quand elle ne ricanait pas.
- Il n'y a pas que les évidences que les humains ne comprennent pas, repris-je plutôt, sautant sur l'occasion (comme toujours) pour me placer au dessus de tout le monde. Mais pour que ce soit toi plutôt que moi qui fasse une réflexion de la sorte, j'en conclus que tu ne te considères pas réellement comme une humaine. Eh bien sache que ce n'est pas un souci. J'ai essayé d'améliorer un toon dans lequel je place très, très, mais alors très, très peu d'espoir, alors qui ou quoi que tu sois, je saurais t'aider.
Était-ce un excès de confiance ? Pas de mon point de vue. Nous étions au moins deux dans cette pièce qui savions ce que nous valions. Raven devait probablement sans douter ou, si elle ne s'en doutait pas avant, maintenant elle s'en doutait.
- Et si tu ne t'habilles pas les trois quarts du temps, ma foi, vu ta plastique, je vais pas juger, ajoutai-je en la détaillant des pieds à la tête.
Les gens peuvent bien faire du naturisme si ça les chante, on est dans un pays libre. Quoique je conseillerais quand même aux hideux et obèses de s'abstenir, histoire de pas cramer les rétines d'innocents citoyens qui n'ont rien demandé. Mais c'était peut-être aussi lié à cet autre être que Raven était probablement. J'en vins donc à espérer que je n'étais pas face au yéti car couvrir de poils dégoûtants une aussi jolie femme ç'aurait vraiment été du gâchis. Je sais que cette ville en fait beaucoup, du gâchis, et peut-être que j'espère toujours un peu trop d'autrui. Mais quand même. Pour se laisser appeler Dame corbeau sans mal le prendre (en principe c'est quand même pas l'animal de compagnie préféré de la majorité) et à en juger par son prénom, je penchais davantage pour un corbeau (dans ce beau corps quoi de plus normal ?) que pour un hypothétique monstre des montagnes lointaines.
Naturellement, j'aurais pu demander au lieu de supposer. Cependant je n'en fis rien. Je n'aime pas qu'ensuite les gens s'imaginent que je m'intéresse à eux plus que de raison et j'ai d'autres façons de soutirer les informations dont j'ai besoin quand j'en ai besoin. Bien qu'en face d'une femme au discours aussi peu décousu, ça serait peut-être pas de la tarte. Heureusement que je suis bien plus intelligente que plein de monde dans les parages.
Avec un grand sourire un peu mesquin, j'acquiesçai donc : Honey avait dit vrai (je la soupçonnais d'ailleurs de ne pas savoir mentir, pas même quand c'était nécessaire - et ça l'est parfois, croyez-moi).
- En effet, je sais ces choses-là. Tu as frappé à la bonne porte, ajoutai-je sans réellement chercher à faire de jeux de mots. J'imagine que ce qui t'ennuie avec les émotions c'est de les ressentir ? Que tu préférerais que ça ne soit pas le cas ? Mais je suis certaine qu'il y a plein d'émotions qui te plaisent. L'envie, par exemple. Je la vois dans tes yeux quand tu regardes le hall d'entrée et ça n'a pas l'air d'être une surcharge pour toi. Je vais me permettre de deviner, dans ce cas. Je dirais que les émotions qui ne te plaisent pas sont celles qui, d'après toi, te rendent plus faible. La peur, peut-être. La tristesse, aussi. Elle est dure à supporter celle-là, c'est pas faux. Ou bien celles qui te font avoir des sentiments pour les… autres personnes. Même si tu passes trois quarts de ton temps dans un autre corps, ton vrai corps, j'ai bien peur que le sort noir de Regina t'ait condamnée à éprouver cette part d'humanité qui ne te convient pas. Et… je vais te faire une confidence, murmurai-je tandis qu'un éclat de connivence passait dans mes yeux, moi non plus je n'étais pas dans ce corps avant. Pourtant, tu l'as dit toi-même : je n'ai pas que des désavantages à être celle que je suis à présent. La maison, déjà. Ce n'est pas la mienne. Mais je ne la loue pas, j'y vis gratuitement depuis quelques années. En toute légalité. Service rendu par la déesse de l'amour elle-même. C'est plutôt pas mal comme preuve d'amour, non ? Mais, oui, si tu veux savoir, dame émotions ça paye bien. Ne pas payer de loyer me permet en plus de mettre davantage de côté. Et dame corbeau, dans tout ça ?
Ne vous leurrez pas, je préfère nettement m'écouter parler ou qu'on parle de moi que de parler des autres. Mais j'ai le sens du travail et, si j'avais bien cerné le drôle d'oiseau en face de moi, cette insignifiante question pouvait m'emmener exactement où je voulais aller.


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________________________________________ 2020-04-22, 11:12

Émoi et moi
Raven papillonna des yeux comme si on venait de lui sortir la plus grosse connerie de toute sa vie. Évidemment qu’elle ne se considérait pas humaine ! Raven n’était pas humaine. Ni avant, ni maintenant, ni jamais ! Raven était un corbeau, le corbeau le plus fort et le plus beau, qui méritait toutes les louanges du monde et tout le monde à ses pieds. Point barre. Il ne servait à rien d’essayer de chercher plus loin, de rajouter des astérisques à des termes qui n’avaient pas besoin d’être précisés. Un corbeau, pas une humaine. Raven était Raven, c’est tout. Ce corps n’était qu’un emprunt, une illusion, un outil pour se rabaisser au niveau des humains et les mettre plus à l’aise. Et pouvoir leur mettre des baffes. Surtout ça, en vérité.

Ceci dit, la taxidermiste n’avait pas la moindre idée de ce qu’était un toon, mais avec un nom pareil, elle se doutait que ce devait être à la fois très laid et très con, tout à fait inutile, insignifiant. Quelque chose qu’on n’a même pas envie de se donner la peine d’écraser. Un peu comme une fourmi ou un scarabée. Quoi que Raven aimait bien les gober vivants, ces derniers. Ça gratte le fond de la gorge, c’est amusant.

D’aucun aurait pu croire que le manoir entier ne serait pas suffisant pour les deux femmes et leurs egos, mais Raven ne dépréciait pas la confiance en soi de Deborah. Ça avait quelque chose de rafraîchissant, rassurant pour elle qui avait besoin qu’on réponde à ses questions, et de… tentant. Comme un défi pour lui prouver que le corbeau était meilleur qu’elle dans tous les domaines. Sauf les émotions, OK. Sinon elle ne serait pas là, tapant l’incruste au milieu de sa maison. Mais Raven se savait assez intelligente pour que l’élève, tôt ou tard, dépasse le maître. Ce n’était qu’une question de temps, une donnée dont le corbeau, justement, ne manquait pas.

La question de la plastique de Raven la laissa drôlement silencieuse, alors que le reste de la phrase aurait pu la faire réagir. Elle n’avait, en vérité, pas vraiment saisi ce dont il était question. L’oiseau noir n’était pas en plastique. Il était fait de chair et de sang. Dans cette forme comme dans l’autre. Mais il se doutait, à nouveau, qu’il s’agissait d’une expression bizarre (les humains feraient bien d’arrêter, avant que ça l’énerve) qu’elle devrait peut-être éclaircir auprès de son humapédia personnel. Ce qui, sans le moindre doute, lui donnait une bonne excuse pour aller réclamer des gâteaux.

Raven acquiesça pensivement, alors que Deborah lui affirmait qu’elle avait frappé à la bonne porte. Le corbeau avait une géographie et un sens de l’orientation irréprochable. Elle ne se trompait jamais de lieu. Jamais. L’adresse était celle-là. Elle ne serait pas allée frapper chez le voisin, ça n’aurait eu aucun sens. Elle préféra donc rejeter ces réflexions et précisions inutiles pour se concentrer sur l’essentiel : Deborah semblait plus intelligente que les humains lambdas et capables de reconstruire des discours corrects avec les phrases courtes du corbeau. Un bon point pour elle.

La suite la laissa silencieuse. Déjà parce qu’on ne lui laissait pas le temps de répondre, ce que Raven n’apprécia pas vraiment, il fallait l’avouer. Ce qu’elle détestait, chez les pies, c’était justement leur propension à jacasser tout le temps sans écouter la réponse. Pour le coup, Deborah déballait son discours et la brune ne pouvait pas en placer une ! D’un côté, ça la faisait chier, parce que Raven adorait être le centre de l’attention et parler de sa supériorité tachée par ces faibles humains. D’un autre, la flemme lui susurrait à l’oreille qu’au moins, elle n’aurait pas à s’expliquer elle-même. La rousse semblait encline à tout comprendre toute seule.

Voilà que dame émotions prouvait à Raven qu’elle avait raison de la trouver plus ou moins sympathique pour l’instant : elle n’était pas humaine. Pour sûr, elle gagnait encore quelques points et remontait dans l’estime du corbeau. Il fallait, néanmoins, encore deviner quelle était sa véritable nature. Hors de question, par exemple, que Raven tape la discute à un renard, dont elle avait la même couleur de poil, vraisemblablement. Mais la brune décréta que les renards n’étaient pas si intelligents et qu’elle devait être autre chose, de mieux. Ce n’était pas si dur, en vrai, d’être mieux qu’un renard.

» Je ne suis pas faible, rejeta Raven, quand Deborah eut fini de parler toute seule. Et je n’ai peur de rien. (Ce qui était faux, mais chut.) La tristesse, oui, celle-là je la supporte pas ! Pourquoi ce corps se sent obligé de pleurer comme un bébé qu’on pince ? Ça m’énerve ! Ça sert franchement à rien, sérieux. (Évidemment, Raven n’avait pas besoin de préciser que son véritable corps ne pleurait jamais ; il était largement au-dessus de ça, lui.) Regina mériterait d’être coupée en dés et jetée aux pigeons. J’ai pas besoin de sentiments pour les autres. (Sous-entendu : il n’y a que moi qui compte, mais elle était sûre que Deborah devinerait sans problème.) Ha ! Tu squattes, alors ? J’en connais un autre qui adore faire ça. Ça veut dire que je dois payer ?

Un détail qu’on ne lui avait pas communiqué avant, mais qui ne changeait, finalement, rien à la situation. Peu importait la somme. Raven ne comptait, de toute façon, pas payer de sa poche. Elle trouverait un débile à qui voler assez pour que Deborah soit contente. L’argent ne posait jamais de problèmes à la taxidermiste. Elle-même s’en mettait plein les poches, contrairement à ce qu’on pourrait croire. Rien que la dernière fois, elle s’était amusée à gonfler les prix de ses commandes et la cliente n’avait pas moufté une seconde. De toute façon, des riches, il y en avait partout, à Storybrooke. Quelques billets en moins n’allaient pas les étouffer.

» L’argent n’est pas un problème, ricana-t-elle, en rejetant ses beaux cheveux noirs. Pour ce qui est des avantages de ce corps… (Elle fit mine de réfléchir, une lueur un peu mauvaise dans le regard.) Son métier me permet de grignoter sans qu’on me fasse chier. Y’a comme un périmètre de sécurité autour de sa baraque. Les gens m’évitent comme la peste, ça c’est cool. Les faux souvenirs, par contre… je m’en passerais volontiers ! Regarde ça ! C’est affreux !

Et comme si elle montrait la pire chose au monde, Raven se para d’une grimace et leva la main, entre elles, pour désigner son alliance, bien calée à son annulaire.


Deborah Gust
« Sarcasm: punching people with words. »

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________________________________________ 2020-04-22, 23:16 « Sarcasm: punching people with words. »

Je sais par expérience que les gens qui disent ne pas être faible et n'avoir peur de rien se voilent la face (ou sont des émotions mais je les connais toutes et Raven n'en fait pas partie). Même Achille avait une faiblesse et c'est justement ce qui l'a perdu. Mais je pardonne : de nombreuses personnes se voilent la face. Sur plein de choses, pas uniquement là-dessus. Je décidai pourtant de ne pas la contredire, plus intéressée de savoir quel était son problème émotionnel que de me prendre la tête avec elle. Y a déjà suffisamment de personnes qui me la prennent comme ça.
Même si j'aurais davantage apprécié pouvoir parler du dégoût et de ses nombreux avantages, car, au fond, ça revenait à parler de moi-même (et je reste mon sujet de conversation préféré), je ne fus pas étonnée qu'on embraye directement sur la tristesse. Par chance, la mienne se confinait souvent dans sa chambre et dans le noir alors elle ne risquait normalement pas de débarquer en entendant son nom. Déjà parce que terrée sous une montagne de couvertures, elle ne risquait pas d'entendre grand chose, mais aussi parce que c'est pas son genre - même hors des couvertures.
Ah, pleurer le monde, c'est si difficile…
- En fait, ça m'ennuie de le reconnaitre, la tristesse ça sert à quelque chose, contredis-je Raven d'un ton professoral. Du point de vue biologique, ça permet à ton cerveau de faire diminuer la pression interne et, pour faire court, de ne pas exploser. C'est un gros raccourci, hein, précisai-je des fois qu'après elle s'imagine avoir une bombe à retardement dans le cerveau (certains en seraient cap, je le sais). C'est pour ça qu'on dire "pleure un bon coup ça te fera du bien". Du point de vue sociétal, la tristesse crée aussi l'empathie envers les autres personnes et c'est bon pour éviter de faire du mal à son voisin ou n'importe qui en permanence.
Naturellement, ce n'était pas dans les projets de Raven et ça se voyait d'assez loin car on les reconnait assez bien les gens qui pensent à eux et rarement aux autres. Je le sais vu que j'en suis. Cela dit, on ne va pas se mentir, je n'ai qu'une empathie modérée (très, très modérée) envers Regina et son idée ne me choqua pas. C'est pas comme si elle l'aurait volé, de toute façon. Mais les pigeons. C'est sale, quand même. Et laid, très laid.
- J'aime ta façon de penser de Regina, commentai-je simplement. Moi aussi je préférerais ne pas ressentir d'émotions ou de sentiments pour les autres mais ainsi va la vie : les émotions, c'est livré avec l'humanité, tu peux pas y échapper. Personne peut. Faut être un sociopathe pour être fait sans tristesse et manifestement si tu en ressens c'est que t'es pas une sociopathe.
Raven risquait de pas apprécier de l'apprendre mais j'y peux rien si la vérité plait rarement à qui l'entend. Par chance, quoique pas avertie qu'elle devrait me payer, elle n'y vit pas spécialement de problème. Bah tant mieux. Tout travail mérite salaire. J'indiquai alors mon front :
- Comme tu vois, y pas marqué Croix Rouge sur mon front, donc oui, c'est payant. Mais comme ce n'est pas un problème, n'en faisons pas toute une histoire. Oh et… je ne squatte pas. Je suis invitée à durée indéterminée. C'est beaucoup mieux.
Squatteur n'est pas un titre qui me soit approprié. Même Raven devait le sentir, tout comme je sentais que son métier m'aurait dégoûtée. Donc je ne posais pas de questions là-dessus, comme ça si en plus c'était illégal (ça pourrait expliquer qu'on l'évite), je dirais que je ne savais rien si la question venait à être posée. Elle était en tout cas spéciale - mais pas stupide. Et elle avait la qualité de me parler de problèmes inédits pour moi, ce qui était rafraichir. Le coup de l'alliance, on me l'avait jamais fait.
- Ah, le mariage, commentai-je avec un rictus. La bague n'est pas si laide, mais le mari, peut-être ? Ca, ce serait un problème. Ou l'odeur. Le caractère. Le manque de moyen. Tu as entendu parler du divorce ? C'est assez à la mode depuis quelques décennies.


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________________________________________ 2020-04-30, 10:08

Émoi et moi
Raven se paraît d’un regard hautain, le menton levé d’arrogance, non pas pour rabaisser Deborah (ce qui aurait été tout à fait possible, ceci dit), mais pour lui prouver qu’elles n’étaient pas si différentes, dame émotions et dame corbeau. Un peu comme un signe de reconnaissance entre deux personnes du même groupe. C’était la fierté, l’ego surdimensionné de Raven, qui la poussaient à nier la moindre peur et faiblesse. Évidemment, la brune, elle, connaissait la vérité : la maladie lui faisait peur et sa taille de corbeau n’était pas toujours une force. Ce qu’elle ne pouvait pas décemment avouer à une inconnue. Alors, elle mentait, faisait semblant que non, elle n’était pas faible. C’était mieux ainsi. Ça marchait, sur d’autres. Peut-être pas sur elle, mais tant pis.

En attendant, le sujet dérivait sur la tristesse et ça ne plaisait qu’à moitié à la taxidermiste. Elle ne voulait pas de la tristesse, elle. C’était une faiblesse dont elle se passerait volontiers. À quoi ça servait, de pleurer ? Ce n’était pas ça qui ramenait les morts à la vie, qui résolvait des situations compliquées ou expliquait à son petit mari qu’il ferait mieux de comprendre les choses avant qu’elle ne décide de se barrer définitivement. Ça prouvait que l’on était démuni et que l’on ne pouvait plus rien faire. Du moins, de son point de vue à elle. Alors, Raven refusait de pleurer. Sur quoi que ce soit. Mais son corps… elle sentait, des fois, un poids considérable sur son cœur et se réfugiait, immédiatement, dans une colère profonde, chaleureuse, qui détruisait tout sur son passage. La haine, c’était mieux, beaucoup mieux que la tristesse.

Forcément, la brune tiqua en entendant que la tristesse pouvait être utile. Pour elle, ce n’était qu’une excentricité humaine dont elle aimerait se débarrasser à jamais. Apparemment, il ne fallait pas. Raven ne voyait vraiment pas pourquoi. Déjà, elle n’était pas humaine, alors la pression dans son cerveau, elle s’en fichait éperdument. De plus, elle doutait que Kot, lui, ait déjà eu envie de pleurer, par exemple. Alors pourquoi, elle, elle devait verser des larmes sur les disparus ou les liens fragiles qui, bientôt, casseraient à tout jamais ? C’était ridicule ! L’oiseau noir refusait d’être ridicule.

» Faire du mal à son voisin, répéta Raven, d’un air songeur. C’est plutôt tentant.

Évidemment, la brune ne le pensait pas pour de vrai. Elle ne voulait pas faire de mal à son voisin, mais lui faire comprendre, une bonne fois pour toutes, le problème entre eux. Ce qu’il ne voulait pas comprendre. Alors si, pour ça, elle devait faire naître quelques larmes dans ses yeux, Raven n’allait pas se gêner. Mais elle doutait, d’un jour, y arriver. En tout cas, la vraie douleur physique, la torture, n’étaient pas une option dans leur drôle de relation. Même si elle ne l’avouerait jamais, la brune tenait à son chat et refusait que qui que ce soit lui fasse du mal. À commencer par elle-même, en vérité.

» Je ne veux pas exploser. (Raven aimait bien le gros raccourci de Deborah.) Mais je veux pas chialer non plus. Allez, il y a forcément autre chose. L’empathie… Je sais ce que c’est, je crois. (Elle fit mine de réfléchir, très concentrée.) Vouloir tuer ceux qui ont fait du mal à mes a-… ceux qui m’appartiennent ?

Quelque chose lui disait que ce n’était pas tout à fait ça (et que le mot qu’elle cherchait était « ami », mais il était encore un peu tôt pour ça), mais Raven se contenta de cette définition de l’empathie. Ce qui lui plaisait mieux que d’avouer qu’elle ressentait de la tristesse, elle aussi, en voyant une enfant un peu triste, et qu’il lui prenait des envies de… câlins. Berk ! Quelle horreur ! Non, Raven n’avouerait jamais une chose pareille. Elle était taxidermiste, corbeau, peut-être un peu démon aussi, mais pas une mère, ni une grand-mère.

La brune ricana en entendant que Deborah aimait sa façon de penser. Ce n’était pas le cas de tout le monde et Raven appréciait d’avoir rencontré, enfin, quelqu’un capable de la comprendre à peu près. Regina ne méritait pas de vivre parmi eux, tranquillement, après tout ce que le monde avait subi à cause d’elle. Bon, clairement, Raven se fichait pas mal des autres, mais elle aurait préféré rester dans son monde à elle, à se faire chier jusqu’à la mort, que d’avoir à supporter tous ces faux souvenirs qui fourmillaient dans son esprit.

» Comment on fait, alors ?

Loin de Raven l’idée de s’énerver de ne pas être une sociopathe. Elle n’avait pas la moindre idée de ce que ça voulait dire, mais si devenir sociopathe, ça lui permettait d’arrêter d’avoir envie de pleurer ou de faire des câlins à un certain démon, elle trouverait bien un moyen de le devenir. Non ? L’ignorance du corbeau était un handicap qui commençait, sérieusement, à lui taper sur le système. Il était persuadé de ne pas se poser autant de questions, quand il vivait tranquille, seul, à picorer le monde s’en s’inquiéter de rien.

Les yeux bleus de la taxidermiste se posèrent sur le front de Deborah. En effet, ce n’était pas marqué Croix Rouge. Pourquoi se marquerait-elle des choses sur le front ? Raven ne préféra pas poser la question. La pas-tout-à-fait-humaine faisait bien ce qu’elle voulait de son corps moche d’humaine. La brune se contenta d’acquiescer discrètement et de rejeter les détails du paiement dans un coin de son esprit. Le moment venu, elle trouverait la somme à donner à Deborah. Pour l’heure, ils avaient d’autres chats à fouetter (l’expression préférée de Raven, sans aucun doute).

Squatter chez les autres n’était pas une chose que le corbeau appréciait. Déjà, parce qu’elle refusait que ça arrive chez elle, puis parce que sa dernière colocation avait, un peu, mal fini. Et son petit mari ne se gênait pas pour squatter chez pleins d’humaines et ça, Raven n’arrivait pas à le digérer. Tout comme cette bague qu’elle s’entêtait, chaque matin, à enfiler à son annulaire, comme une vieille habitude qui lui collait à la peau. La brune zieuta son alliance, un rictus dégoûté accroché aux lèvres, et releva les yeux vers Deborah quand elle évoqua…

» Le divorce ? Qu’est-ce que c’est ?

C’était bien la première fois que Raven entendait parler d’une chose pareille (et la créa est bien contente que ça arrive enfin, mouaha), mais quelque chose lui disait que ça allait lui plaire.

» Le mari est aussi laid qu’un humain. (Elle préféra taire que c’était, sans doute, le plus beau des démons-chats (passons, d’ailleurs, sur le fait qu’il ne devait en exister qu’un seul).) L’odeur n’est pas un problème. Le caractère… ça, oui ! Il ne voit que lui et ne comprend rien. (Comment ça, Raven était pareille ? Absolument pas !) Le manque de moyen ? Non, ça n’a jamais été un problème, ça.

Le sourire de la taxidermiste laissait peu de doutes sur l’origine de leur « richesse ». Même s’ils n’étaient pas riches. Pas elle, en tout cas. Peut-être que Kot s’amusait, maintenant, à accumuler des richesses, mais Raven se contentait de ce qu’elle avait besoin dans l’instant.

» Le divorce… ça peut me débarrasser de ça et de lui ?

La lueur qui brilla dans le regard de la taxidermiste fut mi-triste, mi-curieuse, un mélange explosif qui raviva un peu sa haine. La haine, c’était mieux, beaucoup mieux que tout le reste. Elle grinça des dents et soupira un bon coup. Mettre fin à son contrat avec le démon-chat n’était peut-être pas une si mauvaise idée que ça.


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________________________________________ 2020-05-02, 00:07 « Sarcasm: punching people with words. »

Je n'étais pas réellement étonnée d'entendre que Raven était du genre à aimer faire du mal à son voisin et n'aurais pas été surprise qu'elle précise être tentée par l'idée d'en faire à d'autres personnes en dehors du pâté de maison. D'ailleurs j'en avais moi-même parfois envie alors je n'allais pas lui jeter la pierre. Je doutais cependant que nous ayons les mêmes méthodes pour faire du mal. Heureusement pour elle, Raven était mon élève et je pourrais peut-être lui apprendre d'autres moyens - les miens, naturellement.
Et partager une partie de mes connaissances (même si elle avait l'air futé je doutais qu'elle puisse absorber toutes mes années de connaissances émotionnelles), notamment sur l'empathie, concept qu'elle ne maîtrisait manifestement pas très, très bien. Mais elle essayait et ça se voyait sur chaque pore de son visage. C'était déjà plus d'effort que n'en font la plupart des gens (et la grimace de réflexion n'était pas laide).
- T'es sur la bonne voie pour comprendre l'empathie, l'encourageai-je d'une voix cependant très factuelle. En fait je serais pas surprise que tu la comprennes mieux que ça encore mais que tu n'oses pas te l'admettre à toi même. Ce que je comprends, soit dit en passant. Je sais ce que c'est que d'avoir une réputation à maintenir. Une image à ne pas ternir. On va dire que tu peux toujours laisser s'échapper ton empathie quand personne ne regarde, comme ça personne saura jamais, tu garderas ton statut intact… Mais personne saura jamais non plus que tu es une meilleure personne que tu ne le laisses voir, la prévins-je, des fois que cela ait une quelconque importance à ses yeux. En fait tu serais comme Rogue dans Harry Potter, ajoutai-je afin qu'elle puisse mieux visualiser l'idée si toutefois elle avait la référence.
Harry Potter c'est quand même plus connu que le Discours de la méthode mais Raven était particulière, il se pouvait donc que ses références le soient tout autant.
- Par contre, je suis pas sûre que tu puisses devenir une sociopathe, fus-je bien obligée d'ajouter. J'suis pas psy, même si mon taf c'est presque pareil en mieux, mais sociopathe c'est un truc de naissance. Cela dit, si tu es née avec des instincts de prédation, que tu es impulsive et que tu culpabilises pas ou presque jamais, c'est sans doute que tu es sur la bonne voie sans le savoir, développai-je, pas spécialement pour la consoler mais parce que c'était vrai, en fait.
On ne se connaissait pas depuis très longtemps mais vu le personnage si elle répondait oui à cette rapide définition, je ne serais pas non plus étonnée. De la même manière sa non connaissance du divorce ne m'étonna guère. Et c'est d'un ton professoral que je lui expliquai donc :
- Le divorce c'est ce qui te permet légalement de te débarrasser de ton mari ou de ta femme quand t'as plus envie ou besoin de lui ou d'elle. Tu vas voir un avocat, il envoie des papiers, parfois tu fais du chantage à ton futur ex pour obtenir plus d'argent, le droit de garder la maison, le mettre minable par tous les moyens et ce genre de joyeusetés puis vous signez un papier et paf, y a plus de mariage. Bon, on peut se remarier après, avec la même personne ou une autre et divorcer encore si on veut mais en gros c'est ça. Plutôt intéressant, non ?
(ndlr : à ton service !)
J'étais persuadée que Raven allait adorer ce concept. Ca avait l'air d'être pile poil ce qu'elle cherchait. Et ça lui donnerait une raison de plus de me vénérer ce qui n'était pas pour me déplaire - bien au contraire.
On sonna cependant à la porte avant que je n'ai réellement eu le temps de profiter de tout ça. Je fis signe à Raven d'attendre, persuadée que ça ne prendrait pas longtemps, et ouvrit. Je me retrouvai alors face à un livreur posté sur le pas de la porte, un immense bouquet de tulipes dans les bras. Il demanda si j'étais bien Deborah Gust, je lui fis remarquer qu'il aurait dû me reconnaitre immédiatement tellement j'étais cool puis il me tendit le bouquet. Je grimaçai, peu fan de tulipes. Je ne suis pas hollandaise, après tout.
- On peut savoir de qui viennent ces fleurs ? demandai-je froidement au livreur.
Il haussa les épaules.
- Aucune idée, j'ai pas vu de carte.
- Eh bien vous direz à l'homme mystère que quand je travaille j'aime autant qu'on ne me dérange pas surtout si c'est pour me livrer des fleurs pas si ouf que ça parce que j'ai mieux à faire.
- Mais je viens de dire que je ne sais pas qui a envoyé les fleurs, je ne fais que livrer ! protesta un peu mollement le livreur.
- Ah mais ça, c'est pas mon problème, assurai-je avant de claquer la porte pour me tourner de nouveau vers Raven, les fleurs toujours dans les bras.
MacAvare n'aurait sans doute jamais dépensé d'argent pour moi sans une bonne raison et je l'espérais plus raffiné que ça pour opter pour des tulipes si d'aventure il le faisait. Des fleurs aussi banales ne pouvaient provenir que d'une personne banale comme le concierge du cinéma qui avait cru que je lui avais souri la dernière fois que j'avais emmené Peur voir une comédie. Si ça en restait là je pourrais vivre avec, sans doute.
- Donc, le divorce, repris-je afin de relancer la conversation. On a le droit de garder les bagues qu'on nous a offertes avant qu'il ne soit prononcé - donné c'est donné, reprendre c'est voler. Mais si tu n'aimes pas la bague, te gêne pas pour la lui lancer à la figure en fin de procédure.

HJ : la partie fleuriste c'est pour l'animation d'Alice.


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