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 Réminiscences [pv — Ben Ranger]

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Réminiscences [pv — Ben Ranger] - Page 2 _



________________________________________ 2020-06-17, 10:06










Réminiscences
Les réponses de Ben ne suffisent pas à Liliann. Elles lui donnent un arrière-goût désagréable, un sentiment d’inachevé qui traîne sur ses lèvres, essaie de lui faire comprendre que les choses dérapent, lui échappent. Les choses lui ont toujours échappé. Lili n’a jamais essayé de les retenir, de les contrôler. Pour la première fois de sa vie, elle se surprend à le regretter. Elle a envie de planter des fils dans le dos de son ami, de le contrôler de ses doigts fins pour le forcer à ne pas faire ce à quoi il pense. Elle ne veut pas le voir face à son père. Elle ne veut pas qu’ils se battent. Elle ne veut pas que l’un des deux meure à cause d’elle. Elle ne veut pas tout cela. La mort n’est pas la solution. Rien ne changera. Mais comment l’empêcher d’agir ainsi ? Elle n’en a pas la moindre idée et relève, sur son ami, des yeux impuissants, humides, qui supplient pour qu’il ne fasse rien d’inconsidéré. Ben ne doit pas devenir un meurtrier.

Les mots de l’homme l’agressent. Elle sent chacun d’eux qui se plantent en elle. Lili a presque réussi à se persuader du contraire, que tout ceci ne rime à rien, que rien n’a jamais existé. Ce ne sont que des souvenirs, de mauvais souvenirs, implantés dans son cerveau, mais que son corps n’a jamais vécus. En quelques mots, Ben réussit à briser l’illusion, à abattre le mur de Liliann et lui prouver qu’elle n’y a jamais cru elle-même, qu’elle n’arrive pas à s’en persuader, qu’elle fait juste semblant pour avoir l’air normale, face au reste du monde. Les souvenirs sont là, inscrits dans son crâne, ils glissent sur sa peau, accrochent ses veines. Elle n’arrive pas à leur faire face. Déjà, dans son dos, le contact d’une autre main lui arrache un vilain frisson. Elle s’extirpe de son passé dans la dernière défense qui lui reste pour ne pas sombrer.

« Tu ne m’aimais pas, avant. »

Le constat est balancé comme une évidence, une vérité que personne ne peut nier. Elle regrette ses mots, mais ils lui permettent de sortir de ses souvenirs, d’échapper aux doigts de ses démons. Liliann peut relever le menton, prendre une grande inspiration. Sa tête crève la surface de la mer agitée qui remue autour d’elle. Elle s’en sort difficilement, mais peut reprendre le cours de sa vie, suivre le vent là où il veut l’emmener, sans y penser. Elle ne veut plus imaginer Ben, face à son père, la tension entre les deux ennemis, l’issue d’un combat qui ne doit pas se faire, jamais. Qui peut lui jurer que le mal sera puni ? Qui peut lui jurer que le malheur ne retombera pas sur les épaules de son ami ? À quoi lui servirait-il de finir sa vie en prison, loin de sa fille ? Elle ne peut pas le laisser faire cela. Même si, pour l’en empêcher, Lili doit accepter les excuses de son père et lui pardonner, alors… elle le fera. Elle lui doit bien ça. Ben a trop fait pour elle, déjà.

« Tu ne veux pas savoir ma vie, dit-elle, en passant le seuil de la porte. »

Les yeux qu’elle relève sur Ben, à ce moment précis, le mettent presque au défi de demander, d’oser exiger d’elle qu’elle lui explique ce qu’elle a fait de sa vie, ce qu’il s’est passé pendant toutes ces années. Peau d’âne n’a pas besoin de se réfugier sous sa capuche poilue. Voilà son armure, celle qui pourra, une bonne fois pour toutes, écarter Ben de sa vie, pour qu’il ne soit jamais taché par ce qu’elle est devenue. S’il sait ce qu’elle a fait, elle pense qu’il partira, qu’il l’abandonnera. À quoi bon avoir sauvé Anahis, si cela n’a fait que donner naissance à Nahid, puis à la pire mère des États-Unis ? Il regrettera et il l’abandonnera. C’est mieux comme ça.

« Dis-moi tout sur elle. Tout ce que tu souhaites. » (Elle garde un instant le silence, persuadée que l’occasion de rencontrer sa fille ne se présentera jamais, mais elle ne peut pas le lui dire, alors…) « Même si elle le répète ensuite, ce n’est pas grave. »

Lili ne ment pas, mais elle ne dit pas exactement la vérité non plus. Un art subtil qu’elle ne maîtrise pas toujours, mais qui lui vient presque naturellement, face à son ancien ami. Elle essaie de le ménager, pour qu’il ne s’énerve pas, qu’il ne tente pas de la retenir. Elle pensait que c’était une bonne chose, de revenir, mais face à lui, Liliann doute. Peut-être croyait-elle, au fond, qu’il passerait près d’elle sans la voir, qu’ils ne renoueraient jamais. Elle ne sait pas. Mais elle n’aime pas ce qui s’incruste entre eux. Alors, oui, peut-être essaie-t-elle de le forcer à quitter sa vie, pour qu’il continue d’avancer sans elle, sans plus jamais s’inquiéter d’elle. C'est bien mieux ainsi.

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Réminiscences [pv — Ben Ranger] - Page 2 _



________________________________________ 2020-07-03, 17:05





Lilian & Ben


Réminiscences


Ben eu un sourire quand la jeune femme semblant vouloir lui lancer la vérité comme une évidence … Il se souvenait très bien de cette époque … il était insensible à la douleur mais pas amnésique à tout le reste … ll se souvenait et failli rire un peu plus fort. Il lui répondit.

- Aussi tu était une fille. C’est normal que je ne t’aimais pas !

Logique non ? D’ailleurs Ben espérait que Jack Jack finisse par être comme cela aussi et qu’il laisse sa princesse de fille tranquille. Zou le moche ! Non mais oh … Encore une fois il sourit.

- Tu étais « une fille » puis tu es devenue mon amie. Alors je t’appréciais … et ta vie m’intéresse n’en doute pas. Qu’elle soit triste ou pas, j’ai bien envie de retrouver ma place d’ami moi, et les amis sont là pour ça. Mais quand tu seras prête !

Et Toc. Si ça c’était pas un argument de malade, qu’est ce qui pouvait l’être ! Il sourit à la jeune femme … voyant cette flamme de défi qui ne trouvait pas du tout écho dans Ben … lui il attendra patient comme toujours.

- Sally. 10 ans. Petite chipie brune qui n’en fait qu’à sa tête. Elle est plus intelligente que le commun des mortels, et elle s’en sert pour me mener par le bout du nez… Une fois elle a fait une chasse aux trésors dans toute la ville … devine ce qui était à trouver ? Elle. Voilà.

C’était sa dernière bêtise et la plus … grande … pour le moment en tout cas … Ben sourit en se rappelant de la nourriture manger et de tout le reste …

- Elle ne supporte pas les éclairs, ni le tonnerre, ni être seule dans son lit, elle finit toujours dans le mien… elle a créé la TUCAB trouvons une copine à Ben … Parce qu’elle pense que je ne suis pas heureux. Elle parle Arabe et anglais … mais aime bien les autres langues. Sa mère lui manque souvent mais elle n’ose pas m’en parler alors de temps en temps je la force un peu…. Mhhh des questions ?

Dit il alors qu’il avançait vers la rue.







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Réminiscences [pv — Ben Ranger] - Page 2 _



________________________________________ 2020-07-15, 11:24










Réminiscences
La réponse de Ben laisse Liliann pensive, comme en apnée, suspendue au-dessus du vide, là où défilent les souvenirs de sa vie, de cette vie qu’elle n’a pas vraiment vécue. Elle revoit tous ces enfants qui se pressent à ses côtés, toutes ces mains qui se tendent vers ses bras, ces regards qui ne voient pas l’enfant qu’elle a été, mais l’héritière qu’elle aurait dû être. Une belle maison, une belle voiture, un grand piano. Tant de choses qui ont, toujours, suscité l’envie, le besoin de graviter autour d’elle, comme si la richesse a fait d’elle un soleil. Une étoile étincelante qui, peu à peu, a perdu de son éclat, jusqu’à devenir plus pâle que la lune et perdre ses électrons, les uns après les autres.

S’il ne l’aimait pas à cause de son sexe, pourquoi les autres ne l’ont-ils jamais aimée ? La question se pose dans un coin de son esprit, s’enfonce dans son cerveau, creuse jusqu’à lui faire mal. Elle sait que Ben et Maru voyaient d’un mauvais œil ses fréquentations, cette facilité avec laquelle elle attirait les autres comme une lampe attire un papillon. Sauf que ce ne sont pas les papillons qui ont été brûlés, mais la lumière qui s’est éteinte, a perdu tous ses admirateurs et s’est fanée. Liliann n’a jamais eu de véritable ami, seulement des enfants intéressés, poussés par la jalousie des parents. Jusqu’à ce que Lili se fraie un passage dans l’entourage de Ben et Maru, sans savoir comment elle s’est démerdée. Maintenant, elle sait. Elle se doute. Sans son père pour la toucher, la frapper, aurait-elle eu le moindre ami ?

« J’étais ton amie, affirme-t-elle, à son tour. Et je suis partie sans me retourner, sans prendre le temps de vous quitter. »

L’aveu est donné sans jugement, comme la vérité la plus simple à poser entre eux. C’est ce qui est arrivé. Anahis était trop perdue, plongée dans ses abysses, pour prendre conscience de ce qui se jouait autour d’elle, du fait qu’elle ne retournerait jamais chez elle, qu’elle ne reverrait pas, non plus, ses amis. Ceux-là même qui, elle le sait maintenant, ont dénoncé son père et ses agissements, l’ont arrachée à son enfer pour l’aider à respirer à nouveau, prendre une grande inspiration avant de couler, encore plus profond.

Liliann hésite. Ses yeux noirs levés vers Ben, elle se demande si elle doit le lui dire, avouer ce qu’elle a fait, ce qu’elle a subi sans s’en inquiéter, ce qu’elle est devenue. Elle doute que cela l’intéresse autant qu’il essaie de le lui faire croire. Elle doute qu’il comprenne, qu’il accepte. Elle n’a pas envie qu’il accepte ce qui a été sa vie. Elle ne veut pas l’entendre dire que ce n’est pas de sa faute, qu’elle n’aurait rien pu faire, qu’elle ne doit pas s’en vouloir. Elle n’a pas besoin de ces mensonges. Lili sait ce qui est arrivé, lui n’était pas là pour juger, pour voir qu’elle n’a jamais cherché à lutter, qu’elle a presque apprécié ce qu’elle a fait. Presque. Liliann est trop déconnectée pour apprécier quoi que ce soit.

La description de sa fille donne un peu de répit à la brune. Elle inspire une grande goulée d’air et expire lentement, se gorge des informations qu’il balance, sans se douter qu’elle n’oubliera rien, jamais. Qu’elle ne le pourrait pas, même si elle le voulait. Lili sent son cœur lui faire mal, comme une aiguille qui se plante au fond de sa poitrine, une piqûre inoffensive qui n’est qu’un souvenir diffus de tout ce qu’elle a déjà enduré. Dix ans. Béryl aurait dû en avoir onze, cette année.

L’énonciation d’une… organisation ? une sorte de coalition étrange pour trouver une copine à Ben ne lui plaît pas non plus, mais permet de la détourner des souvenirs de sa propre fille, de la petite main qu’elle sent, soudain, se glisser au creux de la sienne. Elle ne comprend pas, Peau d’âne, le rapport entre le bonheur et le célibat. Pas dans le sens où les mots de Ben semblent le sous-entendre, en tout cas. Liliann ne croit plus ni à l’amour ni aux contes de fée depuis longtemps.

« Comment va-t-elle ? »

La question lui échappe d’elle-même et Lili n’a pas le temps de la retenir. Elle pince les lèvres, serre les dents, les poings. Ses ongles appuient douloureusement sur la peau de ses paumes. La douleur la ramène un peu à elle, lui souffle de retirer sa question, de laisser tomber. Elle ne doit pas s’inquiéter de Ben, ni de Sally. Elle ne doit pas s’incruster dans leurs vies, elle doit reculer, rester en retrait, lui faire comprendre qu’il n’y a rien de bon à être près d’elle, qu’il ne doit, jamais, laisser sa fille avec elle.

« Oublie, souffle-t-elle, en s’arrêtant, au milieu de la rue. Tu veux savoir ce qui est arrivé, depuis que je suis partie ? »

Liliann lève, sur lui, les yeux d’une autre, la lueur amusée d’une femme qu’elle a été, qui ne l’a jamais vraiment quittée. Peau d’âne n’a pas besoin de sa capuche poilue pour échapper au monde. Elle se recroqueville en elle-même, se cache derrière l’autre et attend, les doigts croisés, que la vérité fasse son petit effet. Nahid lève une main, repousse ses cheveux noirs derrière son épaule et se pare d’un regard hautain, sûr des atouts bien cachés derrière les vêtements de Peau d’âne.

« J’ai été adoptée, ignorée, insultée, frappée, aimée, touchée. J’ai fugué. Ce n’était pas si mal de dormir dans la rue, je t’assure. Puis… j’ai appris à toucher. » (Elle s’empare de la main de Ben et glisse les doigts sur son poignet.) « À vendre la seule chose qu’il me restait. J’étais plus douée que tu ne peux l’imaginer. » (Elle le lâche et recule d’un pas, sans se départir du sourire en coin de la strip-teaseuse assumée, qui fait peu de cas de ce que les autres exigent d’elle.) « Je me suis mariée. Je suis même revenue vivre ici, dans cette ville, sans chercher à t’en parler. J’ai eu une fille, moi aussi. Puis je suis repartie aussi vite que je suis revenue. Satisfait ? »

Même Nahid ne peut, totalement, effacer la lueur triste au fond des yeux noirs de Peau d’âne, mais elle fait mine de rien et se contente de la moitié de la vérité, dans l’espoir fou que cela suffise à le décevoir, à le forcer à abandonner. Il n’a pas de temps à perdre avec elle. Personne ne devrait. À peine revenue, Liliann songe déjà à s’échapper.

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Réminiscences [pv — Ben Ranger] - Page 2 _



________________________________________ 2020-08-04, 19:50





Lilian & Ben


Réminiscences


Ben malgré toute la froideur qu’il faisait croire avoir, eu un petit sourire quand la jeune femme dit qu’elle était son ami. En effet, elle était parti sans se retourner… et en effet, elle n’avait pas dit au revoir mais ….

- Ce n’est pas grave ça. Nous on savait que c’était peut être mieux pour toi, et c’est la seule chose que l’on voulait. Je parle pour Maru, mais qu’on me coupe un bras ou une jambe s’il dit l’inverse de ce que je viens de dire.

Il savait que Maru était d’accord… et il n’avait d’ailleurs pas le choix, sinon Ben allait lui faire la tête au carré alors … voilà … ben pouvait parler de sa chipie de fille toute la journée. La question de la jeune femme le fit s’arrêter doucement, et le temps qu’il analyse la question, elle avait déjà dit d’oublier … mais si lui oublie facilement, il n’est pas non plus un poisson rouge. Il fit un sourire. Il avait juste eu du mal à savoir si le « elle » était réellement pour Sally ou pour sa mère.

- Sally va très bien, elle est toujours égale à elle-même. Rien ne pourrait faire changer cette gamine, tout la rends plus fort

Doucement il lui fit une tapote sur la tête et rit encore en l’observant se sentir gêné. Ben avait décidé de ne jamais être gêné de parler … et c’est ce qu’il faisait souvent. Cependant, il comprenait qu’on ne pouvait pas faire de même. Il allait lui dire, … lui dire qu’il serait là pour écouter quand elle en aura besoin… il avait l’impression qu’elle voulait lui parler pour le faire fuir, et ça, il ne voulait pas… mais il n’eut pas le temps de le dire. Il cligna des yeux plusieurs fois … satisfait ? Heu ?

- Hum … Satisfait … je dirais non. Tu n’étais pas obligé de me dire tout ça. Je veux dire, si tu ne le voulais pas… mais je comprends. Tu vas bien maintenant je veux dire ? Pour ta santé et heu …

Avait-il envie de la prendre dans ses bras pour s’excuser d’avoir fait pire que mieux ? Oui. Allait-il le faire ? Non. Il n’était pas Olaf lui. Il s’inquiétait aussi d’une maladie qu’elle pourrait avoir, ou simplement de la raison de revenir ici… pour sa fille non plus, il comprit vite qu’il ne devait pas faire de commentaire … C’était certaines trop tôt.

- Je ne sais pas trop quoi te dire. Juste, maintenant tu es là, alors je suis tout de même heureux de te revoir, même si j’avais espéré que tout se passe bien, mieux, dans ta vie après ton père …






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Réminiscences [pv — Ben Ranger] - Page 2 _



________________________________________ 2020-08-11, 08:32










Réminiscences
Elle veut qu’il comprenne le mal qui la consume. Non pas pour la plaindre, pour l’aider à avancer, mais pour qu’il la fuit avant qu’il ne soit trop tard. Pour qu’il prenne ses jambes à son cou sans se retourner. Qui peut lui jurer que Peau d’âne n’est pas contagieuse ? Que Peau d’âne peut rester dans son entourage sans qu’il ne soit touché, à son tour, par les malheurs qui lui collent à la peau, qui la suivent partout ? Elle ne veut pas imaginer la vie de Ben détruite à cause d’elle, tout comme elle a détruit une partie de son enfance. Elle ne veut pas penser à tout le mal qui risque d’arriver, si elle reste plus longtemps dans les parages. Peut-elle partir ? Fuir et ne plus revenir ? Pourquoi est-elle revenue ?

Liliann essaie de ne pas craquer, mais les mots de Ben se plantent en elle et elle a du mal à résister. Elle essaie, elle garde le menton haut, le regard froid, elle fait celle qui n’écoute pas, qui est sûre d’elle. Lili ne veut pas croire que le mieux a été de fuir à toute vitesse, sans se retourner. La jeune Anahis, au fond d’elle, regrette de n’avoir rien vu, entendu, fait. Elle aurait aimé lever ses yeux sombres sur ses amis et leur offrir un dernier sourire, comme une promesse que tout allait s’arranger. Elle aurait menti, sans aucun doute, mais ils n’auraient pas eu à s’inquiéter pour elle. Maintenant, il est trop tard. Personne ne peut retourner en arrière.

La question lui échappe malgré elle et Lili fuit le regard de Ben, pour ne pas affronter l’incompréhension, au fond de ses pupilles. Pour qu’il ne voit pas la peur au fond des siennes. Elle essaie de lui dire d’oublier, de passer à autre chose, de ne pas répondre à la question, mais l’homme est plus têtu qu’une mule et il lui donne une réponse qui, tout à la fois, lui fait du mal et lui fait du bien. Liliann inspire longuement pour s’échapper de cet étau qui se referme sur son esprit. Elle va bien, dit-il. Comme s’il suffit d’y croire pour que ce soit la vérité, comme s’il ne peut rien lui arriver. Elle va bien.

Lili a envie de crier.
Béryl aussi allait bien avant de sombrer.

Peau d’âne a perdu ses cris depuis longtemps, troqués contre le silence, le vide, ce froid intense qui lui serre le cœur, le corps, et ne la lâche plus. Alors, elle pose sur lui ce regard égal, glacial, qui lui va si bien et décide de passer à la dernière étape, la seule marche à grimper qui pourra, peut-être, décider de leur sort. Va-t-il rester ? Va-t-il la quitter ? Liliann a très envie de le voir s’énerver, être gêné, tourner les talons pour ne plus traîner dans les ombres de Peau d’âne, de ce qu’elle a fait de son plein gré.

Pourtant, Nahid a beau faire, a beau tout expliquer, Ben ne bouge pas. Il reste parfaitement immobile, à ses côtés, les yeux baissés sur elle et Peau d’âne ne sait plus quoi faire. Elle a envie de disparaître. Elle a envie de partir loin. Ne plus jamais revenir. Lili sent toujours cette lettre, au fond de la poche de son grand manteau, et elle a, soudain, envie qu’il lui dise que tout ira bien, qu’il la serre contre lui et lui pardonne ses méfaits. Alors, Liliann s’écarte. Pour ne pas être tentée de le ramener dans sa vie à elle, pour se donner l’illusion qu’il peut la quitter et ne plus la regarder. Comme si un mètre ou deux suffisent à faire d'eux des étrangers.

Les derniers mots finissent de briser les barrières de Peau d’âne. Elle ne sait plus quoi lui dire, comment lui dire. Elle a envie de s’excuser pour tout le mal qu’elle a causé. Elle a envie de le remercier pour lui avoir sauvé la vie. Sait-il seulement que c’est le cas ? Sait-il qu’elle aurait pu passer un cap duquel l’on ne revient pas, s’il n’avait pas dénoncé les agissements de son père à son égard ? Elle a, même, envie qu’il lui pose des questions, qu’il cesse de la regarder pour la secouer un peu, pour lui demander ce qu’il est advenu de sa fille, de son mari. Pourquoi elle se retrouve seule, aujourd’hui, à arpenter les couloirs de la maison du démon ? Mais il n’en fait rien et elle sent qu’il n’en fera jamais rien. Elle comprend, alors, qu’elle a réussi. Anahis était son amie, mais Liliann ne l’est plus. Lili ne le sera jamais.

« Tu ne comprends pas. Ou tu ne cherches pas à comprendre, peut-être. Ce n’est pas grave, je comprends. La vérité est parfois plus facile à ignorer. »

Tout comme elle a ignoré les signes qui lui criaient, à l’époque, qu’elle ne pourrait plus en supporter davantage, qu’elle ne devait pas protéger son paternel et qu’elle ferait mieux d’avouer ce qu’il se passait, chez elle, à quelqu’un du collège. Ce qu’elle n’a jamais fait. Ce qu’elle ne ferait toujours pas, sans doute, si elle devait recommencer. Au fond, Liliann comprend : sa vie est tracée, dictée, écrite dans un livre pour enfant. Quelle histoire pour enfant peut parler du mariage d’une fille à son père ? Rien que d’y penser, elle frissonne dans son gros manteau d’hiver.

« Je ne me sens obligée à rien et si tu ne voulais pas l’entendre, c’est trop tard. C’est ma vie. Ou… c’est la vie que l’on a écrite pour moi. Tout comme celle d’avant qui se balade sur le même schéma. C’est peut-être ça que l’on appelle le destin. » (Elle relève sur lui ces yeux tristes qui sont les siens depuis si longtemps qu’ils ne savent plus faire autrement.) « Si je te dis que je vais bien, me croiras-tu ? »

Elle se doute que ce ne sera pas le cas et ça ne lui plaît pas. Elle aurait aimé qu’il se sente, enfin, soulagé, qu’il se dise qu’elle peut continuer seule et qu’il n’a pas besoin de checker derrière lui qu’elle suit bien. Peau d’âne préfère le voir partir content d’avoir revu une ancienne amie qu’il ne croisera sans doute plus, qu’inquiet de n’avoir croisé que l’ombre de ce qui fut une amie et qui disparaîtra au premier rayon de soleil.

« Les choses ont été meilleures, n’en doute pas. J’ai préféré ma vie d’après à celle d’ici. Je ne regrette pas ce que j’ai fait, ce que je suis devenue. »

Ses yeux noirs le mettent presque au défi de dire que, lui, ça ne le dérange pas, ce qu’elle a fait. Qu’il ne pense pas, ne serait-ce qu’un peu, qu’il existait une autre solution, que la prostitution, à son âge, n’est jamais l’unique issue. Qu’elle ne peut pas avoir aimé ce qu’elle a fait. Évidemment, il n’est pas question d’aimer ou de détester. Nahid a seulement fait ce qu’on lui demandait, ce pour quoi elle était payée, mais si lui assurer le contraire peut, enfin, remuer Ben et lui faire comprendre qu’il ne peut rien faire pour elle… alors Peau d’âne s’entachera, sans hésiter, d’un mensonge supplémentaire.

« Si c’était à refaire, je recommencerais. »

Ce qui est loin d’être un mensonge et qu’elle lui offre avec un petit sourire, l’air assurée. Liliann sait pertinemment qu’elle recommencerait chaque partie de sa vie sans rien changer. Même à son père, elle ne saurait pas dire non. En revanche, elle ne survivrait pas à sa fille. Elle le sait d’avance. Si elle doit recommencer sa vie, Lili la perdra avec Béryl ou au profit de l’enfant, si tant est qu’il soit possible de lui sauver la vie.

« Tu veux toujours me présenter ta fille ? demande-t-elle, en se parant, à nouveau, de la suffisance de Nahid. Tu n’as pas peur de ce que je pourrais lui apprendre ? De l’influence néfaste que représente une fille comme moi ? Et ne demande pas ce qu’est une fille comme moi, Ben. Tu as très bien compris ce que j’ai fait de ma vie. Et, au cas où tu t’apprêtes à dire une bêtise, je te retiens tout de suite : personne ne m’a forcée, je l'ai fait de mon plein gré. »

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Réminiscences [pv — Ben Ranger] - Page 2 _



________________________________________ 2020-09-01, 18:49





Lilian & Ben


Réminiscences
Ben avait du mal. Revoir son amie depuis autant de temps était étrange … surtout quand elle lui balançait sa vie comme ça… il avait souvent pensé à elle avec Maru. Ils avaient tous les deux espérés que son futur ne serait pas aussi triste que ceux qu’on peut lire dans les films ou dans les livres… Mais il semblerait bien qu’ils s’étaient tous les deux faits des belles illusions.

Ben comprends qu’il ne dit pas ce qu’il faut. Il aimerait dire ce qu’il faut, mais il a du mal à trouver les mots … il ne sait plus quoi dire, quoi faire. Il voudrait prendre tout le mal qui la ronge et le foutre à la penne… mais il ne sait pas comment faire… Sa « femme » aurait su, elle. Peut être que Sally pourrait aussi… ou Ishanee ou Amélia ? Peut être qu’une autre femme aurait plus de mot. Il se dit rapidement que Maru aurait eu les mots lui, mais il préférait essayer de ne pas penser ainsi. Se concentrant sur son amie, et l’aide qu’il devait lui apporter.

- Je n’ai pas envie d’ignorer, je n’ai pas plus envie que tu te forces à me parler. Maintenant que tu es revenu, tu auras tout le temps de me raconter si tu en as envie.

Ben ne voyait pas du tout leur discussion comme une fin. Pour lui, il restait encore des années pour que la jeune femme s’ouvre à lui. Et s’il ne savait pas tout aujourd’hui, il le saurait peut être une autre fois.

- ce n’est pas que je ne veux pas l’entendre. Ne te méprends pas sur mon silence. C’est plus que j’ai envie de te prendre dans mes bras et te dire que tout ira mieux, seulement … me laissera tu t’aider pour ça ? Je ne le sais pas, alors on va y aller pas à pas. Et non, je ne te crois pas.

Quelqu’un qui va bien ne poserait pas cette question, tout simplement. Mais il n’était pas sur de vouloir expliquer ce qu’il se passe dans sa tête. Peut être avait il tord de penser ainsi ? Peut être se fourvoyait il sur les informations qu’il avait cru récupérer ?

- Tant que tu es au claire avec ton passé, il ne reste plus qu’à penser à l’avenir non ?

Il ne pense pas qu’on puisse aimer le passé. Mais lui aussi avait eu un passé. Ce passé qui lui avait fait perdre illyana de la pire de manière. S’il voulait avancer, il savait qu’il devait vraiment faire son deuil … ce qu’il ne faisait qu’en surface en réalité mais il ne pouvait pas le montrer à Sally. Puis Ben eu un rire franc. Un rire qui venait du cœur, et qui détendait l’atmosphère pesante qui avait déjà commencé à prendre place.

- Peur de ce que tu pourrais lui apprendre ? Influence néfaste ? Je pense que c’est l’inverse qui va arriver. Je ne dirais rien sur les filles comme toi, c’est claire qu’être une survivante faut pas qu’elle le devienne.

Il lui donna un petit coup de coude amical, avant de rire encore à la peur de la jeune femme… Influence néfaste. Comme si c’était possible. Alors qu’il marchait, il sentit la bonne odeur des crêpes… Il n’était pas gourmand, mais il avait envie de crêpe, souriant à la jeune femme, il sourit avant de faire un pas de côté et de montrer la direction de l’odeur.

- Et si nous allions par là, pour faire un détour ?







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Réminiscences [pv — Ben Ranger] - Page 2 _



________________________________________ 2020-09-13, 10:52




Réminiscences



L
iliann ne sait plus que faire pour lui dire de partir, de tourner les talons et de l’abandonner là, sur le trottoir, si près du caniveau dans lequel elle mérite de finir sa vie. Elle ne sait plus ce qu’elle doit avouer, ce qu’elle doit taire, ce qu’elle doit faire pour qu’il comprenne qu’elle le rejette, qu’elle ne veut pas le voir là, à côté d’elle, à perdre son temps avec elle. Que tirera-t-il de bien de toute cette histoire ? Rien, absolument rien. Il n’y a que le mal et la douleur, entre eux, les souvenirs néfastes d’une autre vie, d’un autre temps, d’une époque lointaine que le monde ferait bien d’oublier. Que le monde, pourtant, ne peut pas oublier. Peu importe combien elle essaie, Peau d’âne est coincée dans son passé.

Les mots de Ben se plantent en elle sans arriver à la toucher, à remuer le mal qui bout en elle. Elle relève, sur lui, ses yeux noirs, sans comprendre ce qu’il essaie de dire, de faire. Elle a envie de lui mettre l’évidence devant le nez : il ignore, aussi simplement que cela lui vient, si naturellement qu’il ne le devine même pas. Il ne veut pas comprendre ce qui lui est arrivée et, pire, ce qu’elle essaie, à l’instant, de lui faire comprendre. Il renchérit sur le fait qu’elle se force, alors même que Liliann vient, justement, d’avouer le contraire, que rien ne la force, qu’elle fait ce qu’elle veut, ou presque. Un point, néanmoins, la chiffonne et elle sent, là, l’occasion de, peut-être, se débarrasser de lui pour qu’enfin, il puisse s’extirper de l’influence néfaste de Peau d’âne.

« Je ne resterai peut-être pas, avoue-t-elle, comme la seule et unique vérité. Et je t’ai déjà tout dit. »

Ou presque tout dit, mais Liliann ne veut plus dévoiler son passé sans qu’il ne demande rien. Elle ne veut pas expliquer de quelle manière elle s’est laissée tromper par un homme, de quelle manière elle a tué sa fille, ce qu’elle a fait ensuite, qui elle a croisé, ce qu’elle a appris et qui lui a écrit cette étrange lettre, qui repose au fond de la poche de son gros manteau d’hiver. Elle ne veut pas mêler Ben à sa vie, cette étrange vie, faite de choses plus sombres les unes que les autres, comme une route tortueuse qui s’enfonce toujours plus encore dans les ténèbres. Si elle doit souffrir, Peau d’âne souffrira. Mais elle n’embarquera personne dans ses malheurs.

Voilà que Ben nie le fait de ne pas vouloir entendre ce qu’elle lui dit, de faire la sourde oreille, d’ignorer tout ce qu’elle raconte. Son silence est, pourtant, en un sens, plus destructeur que le reste. Elle aurait préféré le voir tourner les talons, partir énervé, gêné, soûlé, que de voir son ancien ami si stoïque, comme témoin d’une vie qui ne le regarde pas, incapable de répondre non pas parce que les mots lui manquent, mais parce qu’il n’est pas concerné, que rien de tout ceci ne l’atteint. Elle aura beau tendre la main, Lili, elle sait qu’elle n’atteindra jamais Ben, comme si un fossé immense s’étend entre eux et s’agrandit à mesure que le temps passe. Un fossé qu’elle n’a même pas creusé, qui est juste là, naturellement, posé entre eux pour l’enfoncer dans ses certitudes : Liliann n’a jamais eu d’ami.

« Pourquoi tu ne le fais pas ? Comment peux-tu savoir sans essayer ? Ne le fais pas ! ordonne-t-elle, soudain, en reculant d’un pas. Je n’ai pas besoin d’aide. Je vais bien, que tu le crois ou pas. »

Lili en a eu envie, un besoin étrange, viscéral, qu’il tende les bras et la serre contre lui, comme un ami, pour lui dire que tout ira bien, maintenant, que les choses sont enfin finies. Maintenant, c’est trop tard. Elle ne veut plus qu’il la touche, qu’il fasse ce dont il n’a pas si envie, juste parce qu’elle l’a dit, parce qu’elle l’a poussé dans ses dernières défenses, parce qu’elle est au bord du vide et qu’elle menace de tomber dans les abysses. Liliann fait, à nouveau, un pas en arrière, pour s’écarter de Ben, se réfugier dans l’obscurité de son gros manteau d’hiver. Elle n’a pas besoin de lui. Elle n’a plus besoin de lui. Elle essaie de s’en persuader, en tout cas.

La suite la fait frissonner. Croit-il seulement ce qu’il dit ? Ce qu’elle dit ? Un coup, il lui avoue qu’il n’en croit pas un mot, qu’il sait qu’elle ment, la seconde suivante il part dans l’autre sens. Liliann ne sait plus que faire, face à lui. Ses mots lui font du mal, la rejettent plus sûrement que tous les silences, jusqu’à présent. Ça lui fait mal, comme une aiguille plantée au fond d’elle, là où elle croyait que tout était déjà mort, mais où la vie bat encore, apparemment. Quel avenir a-t-elle, devant elle ? Elle n’arrive pas à comprendre comment il peut dire ça, maintenant qu’il sait, à peu près, tout ce qu’elle a traversé. N’est-ce pas la preuve la plus évidente que leur amitié est morte en même temps qu’Anahis ?

« Oui, voilà. Penser à l’avenir. Je vais faire ça. »

Penser à l’avenir qui, assurément, ne peut pas se faire dans cette ville. Plus les minutes s’écoulent, autour d’elle, plus Liliann se sent incapable de rester dans le coin. Elle a besoin de partir, de disparaître, de se perdre ailleurs, là où personne ne verra, en elle, ce qu’elle a été, le mal qui la ronge de l’intérieur et l’empêche, parfois, de respirer. Elle ne veut plus rester ici, mais elle ne peut se résoudre à abandonner Ben, là, sur son bout de trottoir, si près du caniveau dans lequel elle l’a tiré.

Le rire de l’homme la force à relever ses yeux noirs sur lui, sans la moindre émotion au fond de ses pupilles. Elle essaie de comprendre ce qu’il y a de drôle dans le jeu qu’elle joue, dans la détresse qu’elle essaie de cacher. Elle n’y arrive pas. Elle ne voit que le rire d’un homme qui ne comprend pas ce qu’elle essaie de lui dire, ce qu’il devrait saisir au fond de ses mots, entre les lignes. Mais il n’en fait rien, pris d’un rire puissant qui ne réussit pas à détendre Peau d’âne. Elle frissonne à son contact et se recule à nouveau, de quelques pas, pour être certaine que plus jamais ça n’arrivera. S’il ne la touche pas, peut-être peut-elle arriver à ses fins, enfin.

« Je ne suis pas une survivante, lâche-t-elle, tout bas, sans savoir ce qu’elle doit ajouter. Mais tu as raison. Ta fille ne doit pas devenir comme moi. Peu importe ce que je suis. Elle ne doit pas. »

Liliann ne pense à aucun mal, cette fois. Elle ne cherche pas à le rejeter, comme elle l’a fait jusqu’à maintenant. Elle se contente de la vérité. Peu importe ce qu’elle est : une femme détruite, une survivante, une prostituée. Au fond, ça n’a pas d’importance. Sa fille, en revanche, ne doit jamais devenir comme elle. Devenir comme Peau d’âne, c’est vivre les malheurs de ses vies, survivre à ce qui ne devrait pas être, subir ce que personne ne doit subir. Elle ne veut de ça dans la vie de personne. Lili veut croire que le mal s’arrête avec elle, que personne, au monde, ne puisse être aussi vile que les souvenirs que l’on a écrits pour elle.

« Je te suis, dit-elle, sans y penser. »

L’odeur des crêpes ne l’attire pas plus que le reste. Lili n’est pas gourmande, Lili a rarement faim. Elle mange par habitude, pour survivre, comme il le dit, sans le penser vraiment. Elle mange pour un besoin qui la dépasse, parce qu’elle ne peut se résoudre à mourir volontairement, traumatisée par le jour où elle l’a pensé, ou elle a failli se laisser tenter. Même si le parfum titille ses narines, se fraie un passage jusqu'à son cerveau, elle sait que la nourriture sera fade, sur son palet, les fragrances coupées, bloquées net par les larmes qu'elle n'a pas su pleurer, mais qui menacent de lui échapper. Peau d’âne préfère ne pas y penser. Elle relève la tête dans sa capuche poilue et prend la direction de l’odeur. Très vite, au coin d’une rue, ils tombent sur un camion garé le long du trottoir, la façade ouverte sur une crêpière, affublée d’un tablier et d’un grand sourire.

« Laisse-moi payer, juste ça. S’il te plaît. Juste pour cette fois. »

Pour la dernière fois, comme une maigre compensation, à peine un grain de sable retiré de tout ce qu’elle lui doit, car Liliann sent que les choses doivent s’arrêter là, maintenant. Qu’ils ne peuvent pas continuer ainsi. Pour eux deux, pour sa fille aussi, elle doit partir, quitter sa vie et ne plus revenir. Comme il en a été autrefois. Comme ça n’aurait jamais dû changer, au final. Les choses sont bien mieux ainsi.


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Réminiscences [pv — Ben Ranger] - Page 2 _



________________________________________ 2020-09-22, 18:17




Réminiscences



B
en avait un peu de mal à comprendre ce que la jeune femme voulait de lui. Ou même ce qu’il pouvait faire pour elle. Il lui sourit alors tout simplement.

- Alors le temps que tu resteras, je serais là pour rendre ton séjour parfait. Et si tu préfères rester, j’ai toujours des chambres à la maison de libre.

Quand ils avaient fait le garage avec Maru, ils avaient eu la folie des grandeurs mais preuve que maintenant tout le monde était bien content que leur maison aie autant de chambre pour accueillir toujours plus de personne. Si elle sentait un fossé, Ben ne le voyait pas comme ça. Elle et lui avaient pris deux chemins différents dans la vie, et ils se retrouvent de chaque côté d’un canyon. Il ne fallait que trouver le pont pour pouvoir se rejoindre à nouveau. Son rejet lui fit plus de mal que ce qu’il ne le laisser paraître. Il essayait de l’aider, à sa manière maladroite et bancale. Mais il voulait vraiment l’aider.

- Je n’ai pas envie de te faire du mal, et je n’ai jamais été très … fin tu sais, la personne qui comprends les autres et les soucis du premier coup. Mais je n’ai pas envie de te laisser partir pour autant.

Maru si, lui non. C’était ainsi et depuis toujours. Ils avaient compris ce qu’ils se passaient avec le père de Lili… mais il lui avait fallu du temps avant que son cerveau ne fasse la mise au point et l’analyse de la situation. Il lui avait dit juste un peu plus haut qu’il comprennait si elle ne restait pas… mais en faite, il n’avait aucune envie qu’elle parte. Si on comptait ses amis sur une main … Ben n’en avait pas. Même Amélia, qui était pourtant une personne qu’il estime beaucoup, ne serait pas dans amis proche. Il n’y avait eu que Maru dans sa gêne. Et Lili. Puis il y avait eu Graham, puis il y avait eu Illyana. Il avait eu des amis qui partaient et ne revenaient jamais. Il ne voulait pas perdre Lili à nouveau. Pas comme il avait pu perdre tout le monde. Il l’observa.

- Ma fille est une bonne personne. Capable d’abnégation et de sacrifice. Dans situation pareil, je suis sûr qu’elle pourrait faire ce que tu as du faire pour survivre. Tu as toujours été une bonne personne An… Lili. Je le vois dans tes yeux. Alors je n’ai pas envie de te perdre à nouveau. J’ai envie que tu saches que maintenant tu as quelqu’un sur qui t’appuyer en cas de besoin.

La différence était que Ben ne toucherait jamais sa fille … et qu’elle avait assez de personne pour l’aider si quelque chose venait à lui arriver … Cependant, il l’imaginait tout à fait s’oublier elle-même pour survivre et avancer. Il ne voulait pas mourir, il ne voulait pas que sa fille fasse les mêmes choses que Lili avait pu faire, mais il ne doutait pas qu’une enfant sans soutien pouvait avoir le même résultat. S’approchant des crêpes, il sourit à la jeune femme.

- Je te laisse payer pour cette fois, à condition qu’il y ai une prochaine fois.

Pour le moment, il était un peu … bloqué. Il ne savait pas comment faire pour lui dire de rester avec lui. Pour la faire sourire. Pour la faire vouloir rester. Alors faire en sorte qu’il y ai une prochaine fois lui permis de se dire qu’il avait le temps de trouver une solution… peut être en l’attachant à lui et en perdant les menottes ? C’était un peu radical comme idée, mais ça avait le mérite d’être forcément efficace.



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Réminiscences [pv — Ben Ranger] - Page 2 _



________________________________________ 2020-09-25, 09:12




Réminiscences



T
out lui échappe, comme toujours. Liliann n’a jamais su fermer les doigts sur les choses, les retenir à elle, les contrôler. Elle se contente de dire oui, de répondre aux questions, d’exécuter les ordres. Bonne fille élevée avec discipline, un peu trop, parfois. On ne lui a jamais demandé son avis, en vérité. Il n’a pas été question de vouloir jouer, il le fallait. Pour être quelqu’un, pour attirer les regards, les caresses. Pour devenir aussi grande, aussi belle, que sa mère avant elle. Anahis s’est écrasée au fond du gouffre, sans le moindre doute. Elle s’est roulée dans la boue, dans la crasse qui régnait au fond du puits dans lequel on l’a jetée. Elle ne peut plus en sortir. Aujourd’hui encore, Peau d’âne en porte les traces indélébiles, qui accrochent à sa peau et ne la quittent jamais.

Face à Ben, les choses dérapent. Elle a envie de le pousser, de lui dire de partir, de la laisser tranquille. La seconde suivante, elle veut tendre les mains et croire qu’elle peut le toucher, qu’il va, enfin, oser lui parler comme il parlerait à une amie, oser la toucher comme si elle était prête à se briser. N’est-ce pas ce qu’elle est ? Pourtant, il la regarde de loin, il ne tend pas les doigts pour retenir le vase qui tangue, au bord de la table, qui menace de tomber et d’exploser. Alors, Liliann prend une grande inspiration et se détache, elle recule, fuit la possibilité qu’il puisse, enfin, essayer d’agir.

C’est mieux ainsi.

Mais elle n’arrive plus à s’en persuader alors que les mots de Ben l’agressent, à leur façon. Ils insufflent l’espoir, en elle, un mal plus douloureux, encore, que tous les poisons du monde. Ils lui disent, tout bas, que les choses vont changer, qu’elle va pouvoir relever la tête et sourire à un ami. Elle n’en pas la force, non. Elle n’en a pas envie. Sans ami, Peau d’âne peut partir, s’enfuir, attendre ailleurs que la mort vienne. Face à un ami, que peut-elle faire ? Elle n’en a jamais eu, au fond. Elle ne sait pas ce qu’il faut faire pour les garder près d’elle, sans que son mal ne les abîme. Elle veut les préserver, même si, pour cela, elle doit s’oublier elle-même.

La brune se recroqueville dans sa coquille, bien à l’abri au chaud de son gros manteau, alors même que la chaleur dehors, annonce le début de l’été ou la fin du printemps, elle ne sait plus vraiment. Elle a besoin de ça, Lili, comme une dernière défense entre le monde et elle, pour se persuader qu’il ne peut plus la toucher, la frapper ou la caresser. Elle veut juste la paix. C’est ce qu’elle essaie de croire, en tout cas. Mais ses yeux, d’eux-mêmes, cherchent où il est et elle se retient de tendre, à nouveau, les mains vers lui pour s’assurer qu’il est bien là, que tout ceci n’est pas faux.

« Tu ne m’as jamais fait le moindre mal, Ben. Et je sais que tu ne m’en feras jamais. Mais tu dois me laisser fu-… » (Elle se coupe dans son élan, sans arriver à le dire, ni à se rattraper sur un mot plus neutre.) « Et tu ne dois plus t’approcher de cette maison. Jamais. »

La vérité est donnée dans toute la franchise de Peau d’âne. Elle sait que ce n’est pas de lui que le mal viendra, qu’il est au fond d’elle-même, qu’il attend le bon moment pour frapper Ben. Elle ne veut pas laisser cela arriver. Elle préfère fuir, comme elle a failli le dire, faire semblant que ce soit pour elle afin qu’il ne comprenne pas ce qui se cache, vraiment, en elle. Liliann se fiche du mal qui pourrait la toucher. Il pourrait même la frapper, là, maintenant, qu’elle ne dirait rien. Elle a abandonné depuis longtemps. Mais elle ne veut plus le voir s’inquiéter pour elle alors qu’elle-même a arrêté de le faire.

Les mots de Ben sont durs à supporter pour Liliann, pour Peau d’âne, pour Nahid, pour Anahis. Tant de personnes qui se battent en elle et qui, soudain, sont d’accord sur un point : elle ne peut plus se défendre. Les dernières barrières de la brune s’effondrent à l’instant où il prononce la première syllabe de son nom, réminiscence viciée qu’elle ne veut pas entendre et qui, pourtant, lui fait autant de bien, que de mal. Alors, elle craque, et l’humidité, au bord de ses paupières, échappe à son contrôle. Doucement, silencieusement, les larmes roulent sur ses joues et Lili essaie de les cacher, en baissant la tête dans sa capuche. Elle ne veut pas pleurer, mais elle ne peut pas faire autrement. Il réveille, en elle, des choses qui n’auraient plus dû exister depuis longtemps.

« Ne dis pas n’importe quoi, Ben. S’il te plaît. Il n’y a rien de bon, en moi, dans tout ce que j’ai fait pour en arriver là. Dans mes yeux, il n’y a que le mal. Celui des autres et le mien, aussi. Je ne suis pas quelqu’un de bien. J’ai fait des choses que tu ne soupçonnes même pas. J’ai pensé des choses que tu n’imagines pas. Je ne suis pas une survivante. » (Elle relève ses yeux noirs vers lui pour qu’il comprenne ce que cela veut dire, d’avoir abandonné depuis longtemps.) « Sans vous, je ne serais plus là, devant toi, à tout essayer pour que tu me fuis. Tu comprends ce que je veux dire ? "Morte ou vive, quelle différence ?" Regarde bien, c’est ça que tu vois dans mes yeux, rien d’autre. »

Cette fois, Liliann ne voit pas de quelle façon lui dire les choses plus franchement. Elle va droit au but, ou presque, incapable de lui dire simplement qu’elle aurait pu mourir si Maru et lui n’avaient rien dit, l’année de son départ. Qu’elle y avait songé avec la force de désespoir. Lili n’est pas une survivante, elle se laisse porter par la courant et le seul courage qu’elle a trouvé, a failli lui coûter la vie pour, qu’enfin, elle n’ait plus rien à supporter. Le reste… elle ne voit pas ce qu’il y a de bien dans le reste de sa vie. Peau d’âne a manipulé, a été manipulée, trahie. Elle a tout eu pour mieux tout perdre. Il ne lui reste, désormais, rien d’autre que les souvenirs.

« Il n’y en aura pas. C’est trop tard. Toi et moi, ça ne marche pas. »

Peau d’âne détourne le regard, comprend qu’ils sont le centre de l’attention, bloqués devant le camion des crêpes à se disputer au lieu de commander. Alors, elle s’écarte un peu, elle en profite pour ne pas le regarder. Elle sent qu’il s’agit, là, de sa dernière attaque, qu’elle ne pourra plus rien dire désormais. S’il ne mord pas à l’hameçon, alors la ligne lui échappera et elle se laissera couler. Elle essaie de se persuader que ça ne peut que marcher, qu’il va, enfin, l’abandonner et la laisser seule à sa culpabilité. Car il ne lui faut pas trois secondes, à Peau d’âne, pour regretter les mots qu’elle vient de lui donner. Elle a très envie de s’excuser, de se faire pardonner. Mais elle tient bon. Elle est têtue, Peau d’âne, contaminée par l’animal qu’elle a tué.


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Réminiscences [pv — Ben Ranger] - Page 2 _



________________________________________ 2020-10-02, 15:27




Réminiscences



B
en l’observa et fronça les sourcils. Il avait bien compris qu’elle parlait de «fuir » mais cela ne lui plaisait pas. Il ne fallait pas fuir. Il en a la certitude. Il ne fallait pas tourner le dos, mettre des oeillères. Il ne pouvait pas transposer sa vie sur celle de Lili, mais il pouvait transposer sa pensée. Il essayait en tout cas. Il se dit que si elle doit fuir, alors tant qu’à faire qu’il fasse tout pour l’empêcher.

- Je n’ai pas envie de te laisser fuir. Si je n’ai rien fait de mal, alors tu ne dois pas me fuir, mais me laisser être là. Je peux t’aider, je veux t’aider. Mais je ne peux pas te forcer à accepter ni ma présence ni mon aide.

Il ne forcerait jamais personne. Parce que si on force quelqu’un cela peut avoir des réactions et des résultats désastreux, il en avait déjà eu l’exemple et il ne voulait pas que ça recommence. Il ne pourrait pas supporter que ça recommence. Il l’observa et fit un geste vers elle. Un pas. Pour coller son épaule à la sienne. Si elle se reculait encore, alors il la laisserait, si elle ne reculait pas… alors il la prendrait dans ses bras.

- Dans tes yeux tu vois le mal. Dans les miens il n’y a pas tout ça. Je suis heureux de te savoir en vie. Heureux que l’on discute. Heureux si l’on peut être encore ami toi et moi. On pense et fait tous des choses qui nous hante. Je veux que l’on soit ami encore toi et moi, et je ne vais pas te fuir. Parce que ça me ferait plus de mal que de bien que de ne plus savoir comment tu vas. De plus savoir si tu es en sécurité.

Il observa la jeune femme qui lui disait que c’était trop tard. Il ne savait réellement pas comment faire pour désamorcé cette situation. Il ne savait pas et ne comprenait pas pourquoi le fuir. Il pinça ses lèvres et commanda deux crêpes.

- OK. Ben et Anahis ça ne fonctionne pas.

Il dit cela sans la regarder et puis fit un sourire. Un sourire franc alors qu’il tendit sa main vers elle.

- Enchanté, je suis Blade Ranger. Hélicoptère pompier à Piston Peak. Et tu es Liliann c’est ça ? Est ce qu’on se serait déjà rencontré dans un baptème de l’air peut être ? Cela vous tente de passer un peu de temps avec moi à manger une crêpe ?

Il sourit alors et lui prit la main pour la serrer. Si la jeune femme voulait faire table rase de son passé avec Anahis, alors, il allait faire semblant de ne plus y penser. Cela reviendra plus tard. Ils se sont quittés avant la fin de la malédiction, il suffit donc de se présenter à nouveau.

- Je ne vois pas pourquoi je devrais fuir une femme que je viens de rencontrer, et pourquoi elle elle devrait me fuir, sauf si elle a peur des hélicoptères mais à ce moment là je ne serais plus quoi dire.
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