Esmeralda. Ce nom vous est-il sans doute familier ou du moins éveille-t-il un certain souvenir ? Souvent rattaché à l'oeuvre incontestable de Victor Hugo, ce nom n'était pas celui d'un simple personne que l'on peut trouver dans n'importe quel ouvrage. Non, ce nom était synonyme de beauté, d'exotisme et de désir. Esmeralda avait été cette sublime gitane qui avait su chavirer les coeurs de Paris au delà de toutes catégories sociales ou de tout genre. Elle avait été la danseuse de rue qui, au rythme de ses hanches, faisait rêvé plus d'un homme. A cette époque, on aurait pu dire que la danse, ou plutôt, sa danse, vivait en elle, qu'elle faisait parti intégrante de sa vie, qu'elle était tout simplement née pour danser. Cela était sans doute vrai. Depuis que Clopin lui avait appris à faire parler, Esmeralda n'avait jamais cessé de s'exprimer. La danse lui donnait ce sentiment de liberté qu'elle n'avait jamais pu obtenir dans la capitale française. La gitane ne dansait pas seulement pour le plaisir des yeux comme beaucoup le penseraient, non, elle dansait pour raconter une histoire, des histoires, son histoire. Elle dansait par passion, pour donner vie à ses émotions trop forte pour être contenu dans un simple corps.

Parfois, parfois Elena repensait à cette époque là où elle dansait pour vivre. Parfois, dans la faible lumière d'un néon, Elena se rappelait cette sensation, celle qu'elle était lorsqu'elle dansait comme bon lui semblait. Parfois, elle se libérait de ces chaînes qui étaient apparu lors de sa nouvelle vie. Une vie qui lui semblait sienne sans vraiment l'être. Les gens étaient ceux d'autrefois sans être vraiment eux. Tout se chamboulait et cette Esmeralda d'autrefois semblait disparaître petit à petit à l'égard de cette nouvelle Elena. Alors, de peur de disparaître, de peur de ne plus être que l'ombre de ce qu'elle avait été, Elena devenait Esmée et elle recommençait à danser à l'abris des regards. Avant, elle devait se cacher pour vivre et se montrer pour danser. Désormais s'était l'inverse. Elle avait l'impression que la vie ne lui laissait jamais le choix, que c'était toujours l'un ou l'autre. Alors elle avait choisi de se cacher pour continuer de s'exprimer, même si dorénavant... personne ne voyait clairement qui lançait ces appels.

Du haut de ses cinq ans, un petit garçon regardait le visage de sa mère si serein, en train de le border.

- Dit maman ?
- Oui mon cœur ?
- Pourquoi est-ce que tu ne danses plus ? Demanda le petit garçon de son ton qui se voulait si innocent.
- Oh...qui t'a parlé de ça ?
- Tantine ! Elle a dit que tu dansais beaucoup avant.
- Hé bien, désormais maman a pleins de choses à faire. Alors elle ne peut plus danser comme avant.
- Mais pourquoi ? Avant aussi tu avais pleins de choses à faire.
- Oui... mais ce n'était pas les mêmes choses. Et puis maintenant je t'ais toi, alors je dois bien m'occuper de toi.
- Mais je suis grand ! Je peux m'occuper de moi tout seul ! Comme ça toi tu peux danser !
- Ce n'est pas aussi simple que ça mon ange. Ricana doucement sa mère.
- Mais pourquoi ? C'est de ma faute ?
- Non Aeden, non pas du tout, ce n'est pas ta faute.
- C'est parce que papa et papi ne veulent pas ?
- Où as tu entendu ça ?!
- C'est Tantine...
- Non. Ecoute... Ce n'est de la faute de personne... c'est comme ça, c'est la vie qui fait ça. Tu comprendras quand tu seras plus grand. Répondit-elle dans un soupir, affichant un sourire triste à son fils. Allez, il est grand temps de dormir maintenant nous avons assez tardé.
- D'accord...

Comme le bon petit garçon qu'il était, l'enfant se coucha et laissa sa mère l'embrasser avant d'éteindre la lumière. Tandis qu'elle s'apprêtait à quitter la pièce, le petit homme ajouta:

- Dit maman ?
- Oui ?
- Un jour, tu me montreras comment tu danses ?
- Oui. Un jour je te montrerais.
- Bonne nuit maman.
- Bonne nuit mon coeur.

Lorsqu'Elena ferma la porte, elle prit la croix qui lui servait de pendentif entre ses doigts. La jeune femme s'en voulait de devoir mentir ainsi à son fils, de devoir lui cacher à lui aussi, qu'elle allait danser tard dans la nuit lorsqu'il s'en allait pour le pays des rêves.

La gitane jeta un coup d'oeil rapide à la pendule avant de se rendre compte qu'elle était déjà en retard ! A vouloir trop prendre son temps avec son fils elle n'avait pas fait attention à l'heure ! Depuis quelques temps, la jeune femme suivait un cours de danse orientale, chose qu'elle avait exercé pendant longtemps, dans la salle de sport d'un ami. Puisqu'il lui prêtait généralement la dite salle pour ses entraînements personnels, elle avait accepté en échange de venir dans ces cours lui donner un coup de main et partager cet instant avec d'autres convives. Là-bas, elle se faisait appeler Esmée et peu de gens ne la connaissaient. Elle venait généralement en ces cours avec un masque afin qu'on ne puisse distinguer le bas de son visage, les gens pensaient avec le temps qu'il s'agissait d'un style et elle se protégeait. Surtout depuis qu'elle était devenu adjointe à la justice, elle devait redoubler de vigilance.

Lorsqu'elle arriva à la fameuse séance de sport, Elena bredouilla rapidement quelques excuses auprès de son ami qui avait commencé le cours et s'en alla vers le fond de la salle. Elle remarqua du coin de l'oeil qu'un nouvel arrivant avait fait son apparition. Cela était rare de voir un homme faire ce genre de pratique mais l'ouverture d'esprit était toujours encouragée ! La danse orientale n'était pas faite que pour les femmes !

Comme à son habitude, Esmée effectua son étirement sans grande difficulté, gardant du coin de l'oeil le jeune homme qui était à ses côtés. Il était certes trop raide et déséquilibré mais pour une première séance il s'en sortait plutôt bien. A la fin de l'entraînement, le coach indiqua de prendre les foulards, ce que les femmes s'empressèrent de faire. Alors que la gitane retournait à sa place et regardait son ami échanger avec le nouvel arrivant, celle-ci afficha un visage de surprise quand elle reconnut finalement le trois quart de l'homme en question. Il s'agissait du jeune Tadashi avec qui elle avait vécu une expérience plutôt... intense à l'intérieur du dôme ! La jeune femme s'était bien dit qu'elle le recroiserait tôt ou tard, Storybrooke ne restant qu'une ville mais elle ne le pensait pas de si tôt et encore moins dans ce genre de situation !

Bon. Il était désormais temps de faire preuve d'imagination afin qu'il ne remarque pas vraiment qui elle était. Même si cela était actuellement compromis face aux mouvements qu'il s'entreprenait à exécuter... Puisque son rôle était d'aider et qu'elle se trouvait à côté de lui... elle allait bien devoir lui donner un coup de main vu que son ami, Eric était actuellement occupé avec une jolie demoiselle...

( Pando )

Le malaise d'Elena se ressentait à des kilomètres, elle avait conscience que cela était déplacé envers l'homme qui se tenait face à elle mais elle se sentait piégée. S’il la reconnaissait, elle risquait d’avoir des problèmes et elle ne le souhaitait pas. Elle détacha ses mains des hanches de l’asiatique et s’éloigna de lui pour reprendre position lorsqu’Eric frappa dans ses mains.

Quand la musique se mit à retentir dans la pièce, la jeune femme tenta de faire abstraction de la personne se trouvant à ses côtés. Essayant de se concentrer seulement sur les mouvements de son corps. Esmée ne suivait pas réellement les cours du professeur, lorsqu’elle était ici, c’était pour parfaire sa technique et utiliser des locaux qu’elle n’était pas obligé de réserver pour elle seule. Évidemment, cela n’enlevait rien au fait que son ami était un excellent professeur.

Malgré tout, sa séance de danse semblait interminable aujourd’hui, elle n’arrêtait pas de s’inquiéter de l’homme se trouvant sur la même rangée qu’elle. Sans vouloir l’offenser, elle se demander dans son fort intérieur ce qu’il faisait ici. Sa maladresse avait certes fait rire la jeune femme au début mais cela l’agaçait de plus en plus. Il ne semblait clairement pas dans son élément et le fait qu’il lui rentre perpétuellement dedans n’arrangeait guère les choses. Etait-il là pour suivre le cours ou l’énerver ? Ou alors essayait-il vraiment… mais il était clair que la danse n’avait pas l’air d’être son point fort. Les seuls points positifs, pour le moment, étaient qu’il était persévérant et qu’il ne semblait pas l’avoir reconnu. Du moins pas encore.

Elle prit de nouveau une grande inspiration et se concentra sur ce que disait son ami. Elle n’avait pas vraiment envie de se démarquer des autres ce soir là alors elle comptait bien suivre simplement les instructions. Les mouvements que demandait le professeur étaient simples et la gitane les maîtrisait depuis longtemps mais revoir les bases ne pouvait jamais faire de mal. Elle exécuta sans difficultés plusieurs mouvements, gardant encore et toujours l’asiatique dans son champ de vision. Elle le surveillait du coin de l’oeil, se surprenant certaine fois à sourire lorsqu’il tentait de reproduire les gestes. Le jeune homme n’avait pas une souplesse de naissance, et sa nervosité rendait son corps encore plus rigide, ce qui l’empêchait d’accomplir parfaitement la danse. Quand vînt alors le tour de la danse de la flamme, Elena laissa quant à elle son corps exécuter le mouvement avec fluidité, tandis que Tadashi avait encore du mal à détacher les hanches de son tronc. Si elle n’avait pas eu autant peur de se faire reconnaître, elle l’aurait aidé avec plaisir mais elle n’en fit malheureusement rien.

Comme si le karma avait voulu s’abattre sur elle de ne pas avoir aidé son prochain, Tadashi se rapprocha d’elle durant la pause. Avec cette fois-ci un visage plus engageant et déterminé. Elle avait parlé trop vite et la roue avait changé de sens. Il l’avait reconnu. Où alors avait-il toujours su ? Et s’il n’était pas venu comme simple apprenant ? S’il avait été envoyé par quelqu’un d’autre ? Elena savait pertinemment que Claymore en était capable, surtout que le jeune homme la connaissait de visuel depuis l’affaire au centre commercial. Son père aurait pu l’envoyer pour ne pas trop éveiller ses soupçons en prenant quelqu’un qu’elle avait déjà aperçu rapidement… La jeune femme ne savait pas trop si son raisonnement faisait sens, mais elle avait toujours été de sang chaud. C’est pourquoi, elle se mit réagir au quart de tour face à l’annonce, qui se voulait pourtant si douce et polie, de la part jeune homme.
Il venait d’énoncer son nom à voix haute, comme ci de rien n’était. Elle ne devrait pourtant pas lui en vouloir, lui qui n’était sans doute pas au courant de sa situation mais elle n’en fit rien. Après avoir vérifié rapidement que personnes n’avaient vraiment prêté attention à sa discussion, elle tira le jeune homme par le bras et l’entraîna à l’extérieur de la salle de danse.

Se retrouvant désormais seuls dans le long couloir mal éclairé, elle le plaqua contre le mur de béton.

- Tu as été envoyé par Claymore ? Est-ce qu’il a décidé de me surveillé ? Je te conseille d’éviter de me mentir.

Face à l’air ahuri et désemparé de Tadashi, Elena commença à se sentir gênée et relâcha la pression qu’elle faisait sur lui. Elle avait du se tromper, encore une fois elle s’était emportée beaucoup trop vite. Le pauvre, elle avait vu à quel point il avait été gentil lorsqu’ils avaient été partenaire au centre commerciale et maintenant elle l’accusait d’espionnage. Il était vrai qu’elle avait un peu de pression en ce moment avec tout ce qui lui tombait dessus mais cela ne lui donnait pas le droit d’accuser ainsi une personne. Surtout qu’il avait montré une certaine tendance à la panique… Elle ne l’aidait pas vraiment. La gitane s’écarta alors de quelques centimètres et reprit :

- Oh mon dieu, je suis désolée. Je me suis un peu emportée… Je ne voulais pas du tout t’effrayer. Je suis un peu a cran ces derniers temps et j’ai tendance à suspecter un peu tout et n’importe quoi. J’ai bien conscience que cela n’excuse pas mon comportement envers toi.

La jeune femme rassembla ses cheveux sur le côté d’un air nerveux et croisa les bras sur sa poitrine, le regard fuyant.

- Je n’ai pas vraiment l’habitude que l’on m’appelle Elena ici… Je préfère Esmée… pour diverses raisons. Si cela ne te dérange pas… souhaiterais-tu que je t’offre un verre, ou ce que tu veux, pour me faire pardonner après le cours ?

L’avocate avait tendance à être sérieuse et calme dans son travail, mais la femme en elle avait tendance à être incertaine et rebelle. Malgré les apparences qu’elle souhaitait montrer, elle n’était qu’une humaine et elle commettait des erreurs. Généralement lorsqu’elle faisait une boulette, elle ne la loupait pas… comme ce soir.

( Pando )

Souriante face à la réponse positive du jeune homme, Elena se détendit en le voyant tenter l'humour face à ses talents de danseur. Certes, il était encore loin d'être une vedette mais il fallait bien commencer quelque part. Peut être que s'il arrêtait d'être si rigide, il pourrait trouver goût à cette pratique.

La gitane s'apprêtait à retourner dans la salle de cours lorsqu'il ajouta qu'il aimait son prénom. Il sembla se raviser face au visage de la jeune femme. Elle avait perdu l'habitude de se faire ainsi draguer, étant la fille redouté du terrible juge Atkins, et il était vrai qu'elle ne se ressentait pas l'envie de lui jeter un regard mielleux. Pas dans sa situation en tout cas.

Ils retournèrent finalement terminer le cours. Tadashi n'avait toujours pas acquis de grâce mais au moins, il commençait à se fixer dans le tempo, peut être qu'avec plus de séance pourrait-il s'avérer être assez bon. Lorsque la musique s'arrêta signalant cette fois-ci non pas une pause mais la fin du cours, Elena s'en alla rapidement rejoindre les vestiaires pour se changer. Elle aimait être la première pour éviter de se faire trop remarquer, évidemment, cela ne la dérangeait pas d'échanger avec certaines partenaires qui étaient toutes très sympathiques et ouvertes. Elle récupéra son inlassable tailleur blanc et sorti en saluant ses partenaires d'un signe de tête. Le visage encore empêtré dans son masque, elle ne faisait absolument pas discrète mais elle aimait le croire. Tandis qu'elle attendait sa nouvelle rencontre. Elle détacha finalement ses longs cheveux bruns et retira délicatement son masque. Certes, son père ne voulait pas qu'elle danse mais être venu rencontré un ami ne pouvait être écarté. Elle restait encore une adulte avec des fréquentations...

Elena regarda sa montre au poignet, se demandant tout de même ce qui pouvait mettre tant de temps au seul homme présent dans se cours. Elle alla même se demander s'il n'était pas parti sans elle, peut être trop apeuré face à sa réaction disproportionné. Quel ne fut pas alors son soulagement lorsqu'elle vit la porte du vestiaire des homme s'ouvrir, laissant place à cet homme qui semblait désormais être retombé en enfance. Elle trouvait ça ... mignon. Il avait encore cette gentille petite bouille et ce tee shirt lui allait à ravir.

- Es-tu prêt ? Demanda-t-elle.

Il hocha la tête en signe d'approbation et ils se mirent en route l'un à côté de l'autre vers un bar se trouvant non loin. Si nous les voyons de l'extérieur, le duo semblait insolite. Entre une jeune femme en tailleur, sortant clairement de son bureau et un jeune homme à l'allure adolescente. Les gens devaient sûrement se demander ce qu'ils faisaient ensemble. Mais l'avocate ne s'était jamais occupée des apparences, cela n'avait jamais été important pour elle. Ce qui comptait le plus, était ce qu'on avait à l'intérieur.

D'un geste nonchalant, la bohémienne alla s'installer dans un petit pub anglais en compagnie de ce qui pourrait devenir un ami. Sa tenue faisait encore une fois décalée au vue de l'ambiance mais il n'y avait rien de tel pour se relaxer un peu. Après avoir commandé un cidre, elle laissa Tadashi prendre sa commande et enchaîna:

- Excuse moi encore de t'avoir quelque peu... brusqué auparavant. J'espère que je ne t'ai pas trop énervé ?


Comme il la rassura que ce n'était pas le cas, Elena étira un large sourire.

- Bon, alors si nous oublions cet épisode et que nous reprenions tout depuis le début. Je suis Esmée et tu es ?


Elle entendit l'asiatique lui répondre timidement, le voyant se gigoter quelque peu sur sa chaise, elle se mit à se douter qu'il ne devait pas énormément fréquenter ce genre d'endroit. Il devenait aussi nerveux que lors de ses premiers pas de danse.

- Si nous commencions simplement par faire connaissances ? Alors, parles moi un petit peu de toi. Débute par ce que tu veux, n'hésite pas je ne te jugerais pas promis !

( Pando )

La réaction excessive du jeune homme laissa Elena perplexe. Elle était devenu une fine observatrice avec l'âge et ce garçon montrait clairement qu'il n'était pas à sa place ici. A le voir ainsi, il lui rappelait même Quasimodo, qui semblait surpris à chaque nouvelles choses qu'il découvrait, vivant perpétuellement dans la peur que des représailles ne lui tombent dessus. Elle aurait sans doute dû lui proposer de choisir le lieu. C'était peut être une erreur de l'avoir entraîné ici. Elle avait parfois tendance à oublier que son côté impulsif pouvait reprendre le dessus et qu'il surprenait souvent ses interlocuteurs.

Mais contrairement au pauvre Tadashi, qui s'était fait violenté sans aucunes raisons. Cela avait rappelé à Elena, la jeune femme qu'elle était autrefois, celle qui avait été dénommé Esmeralda et qui ne vivait que de sa trépignante jeunesse. Sans jamais se soucier d'être emprisonnée. Elle, qui pensait qu'elle avait fait disparaître cette femme après son mariage s'était vu redonner un second souffle ce soir.

La gitane avait toujours cru au destin, même si Declan lui répétait que ce n'était que des conneries. Et si cet homme faisait parti de son destin ? Ils s'étaient tout de même rencontré deux fois dans des lieux improbables, qu'est ce qui ne lui ferait dire que ce n'était pas un signe ? Après tout, n'avait-elle jamais prié matin et soir pour qu'on vienne lui apporter une réponse à de ses questions ? Bon Queenie avait bien voulu lui en donner des réponses concernant son mariage et sa brute de mari mais la jeune femme n'arrivait toujours pas à ouvrir les yeux sur les possibilités qui s'offraient à elle.

L'asiatique en face d'elle était certes maladroit mais il dégagé un certain charme. Evidement, là n'était pas le sujet de la soirée. Elle était une femme mariée et lui un homme qu'elle connaissait à peine, ce n'était pas vraiment le moment de penser au flirt. D'ailleurs, elle s'était vu se demander s'il sortait souvent de chez lui ? A en voir ça gêne en milieu bondé, il semblait ne pas voir très souvent le monde extérieur. Décidément, cela faisait plusieurs points communs avec Quasi, elle était certaine qu'ils s'entendraient à merveille tout les deux.

Malgré son malaise général, Tadashi engagea tout de même la conversation. Comme elle avait pu s'en douter, c'était un bon garçon et il était aussi très ingénieux à son grand étonnement. Non pas que c'était un jugement négatif de sa part mais elle même n'avait jamais été très adepte de technologie alors voir ce qui semblait être un génie informatique en face d'elle était très intéressant. De plus, cela collait parfaitement avec son style vestimentaire et sa peut-être envie de ne pas trop se mêler aux gens "réels". Elena avait lu plus d'une fois des article stipulant que les personnes adeptes préférés de loin la compagnie du virtuel au monde réel.

L'élan de leur échange fut cependant coupé lorsque le serveur arrive à leur table afin de prendre les commandes. Ce qu'ils firent expressément en demandant une simple bière pour elle et un soda pour lui. Encore une fois, cela semblait lui correspondre parfaitement. Tant bien que mal, Tadashi tenta de reprendre le fil de la conversation après cette intervention soudaine, lui posant à son tour des questions sur elle.


- J'ai un diplôme en droit pénal et sciences criminelles. Suite à ça je suis avocate en libérale, j'ai ouvert mon propre cabinet grâce au soutien de mon père. Et maintenant, je suis la procureure de la ville. Répondit-elle en souriant.

Elena émit un petit rire lorsqu'elle entendit de nouveau la réponse maladroite du jeune homme. Elle se surprit même à rougir quand il lui avoua qu'il trouvait qu'elle avait une force. Sans doute apparentait-il cela au charisme. Mais ce compliment fit plaisir à la bohémienne. Alors qu'elle souhaitait lui répondre, Tadashi la coupa dans son élan, lui avouant qu'il était un homme bizarre et qu'il n'était pas habitué à tout cela. D'un geste lent et réconfortant, Elena se redressa et vint saisir sa main de l'autre côté de la table.

- Tu n'es pas bizarre. La normalité n'est même pas une vraie définition alors tu sais qu'est ce que je pourrais en avoir à faire ? Tu dois me trouver tout aussi bizarre n'est-ce pas ? Je suis le genre de fille qui agressent des inconnus qui la voient danser. Enchaîna-t-elle en utilisant un ton taquin. Et je profiterais volontiers de tes conseils pour passer dans le café de ta tante. Je suis sûre que c'est un endroit charmant. Ça nous donnera des occasions de nous revoir.

Relâchant délicatement sa main pour ne pas rendre le contact gênant, elle reprit:

- Après si tu n'es pas à l'aise nous pouvons changer de lieu, je ne me vexerais pas. J'avoue ne pas avoir penser à te demander ton avis.

Tandis que le serveur ramenait enfin leurs commandes respectives, l'asiatique secoua la tête d'un signe négatif, lui attestant que ça ne le dérangeait pas de rester un peu. Elena ne savait pas si c'était un mensonge de sa part pour lui faire plaisir ou s'il souhaitait vraiment rester dans cet endroit mais elle accepta sa réponse sans insister. Si elle le voyait devenir trop à l'étroit, elle l'entraînerait à l'extérieur. Entendant un verre se briser sur le sol, elle vit l'homme en face d'elle frémir à ce son.

- Je suis désolée, ces hommes sont un peu rustres mais pas méchant. Ils ont un peu d'alcool dans le nez. Je t'aurais bien amené chez un ami mais je pense que tu ne me verrais plus de la même manière si c'était le cas. Ria-t-elle de bon coeur.

Elle se doutait bien qu'il n'aurait pas la référence mais le voir dans la ... boutique de Claude la faisait sourire. S'il n'était pas à l'aise ici, elle avait bien fait de ne pas se risquer chez lui. La fête avait un tout autre sens là-bas. Et même si Elena adorait retrouver cette ambiance qui lui rappelait sa cour des miracles, ce n'était pas aux goûts de tout le monde.

- J'ai découvert cet endroit avec mon mari. Evidement, à l'époque nous n'étions pas encore mariée mais c'était plaisant de se retrouver ici. Je n'ai jamais trop apprécié les milieux guindés. Ici ça respire disons... le naturel. Lorsque ce n'est pas trop bestial.

Souhaitant changer de sujet pour le réentendre parler de lui, la gitane recommença à lui poser des questions pour le relancer.

- Alors sinon, qu'est ce que tu aimes faire dans la vie ? Tu as des frères et soeurs ? Des animaux ? La danse est-elle l'une de tes passions cachées ?

( Pando )

Un sourire doux et sincère illumina le visage de la jeune femme. Il était aussi curieux à son sujet, mais son malaise transpirer à travers sa posture, ses manies, ses yeux amandes qui essayaient de garder le contact visuel avec les siens. Comme s'il craignait ce qu'il découvrirait en détournant les yeux d'elle. Son malaise commença à se transmettre, et la gitane se pesta intérieurement de ne pas avoir fait assez attention. Il était peut être comme Quasi, encore nouveau pour le monde extérieur. Mais s'il avait besoin d'un point d'ancrage, elle sera le sien. Il faisait des efforts pour accepter ses dires, alors elle en ferait de même pour ne pas trop le brusquer.

Même sa voix, lorsqu'il s'exprimait trahissait sa non-assurance. Comme s'il craignait que chacun de ses mots aient un impact sur elle... ou sur lui. Pourtant, Elena ne cessa jamais de sourire quand il s'exprima, essayant de lui transmettre dans un langage non verbale que tout allait bien. Qu'elle était là, qu'elle ne le jugeait pas et qu'elle l'écoutait. Après tout sa vie avait l'air passionnante ! Les deux frères étaient des génies et leur tante avait l'air adorable, même leur chat avait l'air hilarant. La brune admirait sincèrement ces personnes qui utilisaient la technologie pour révolutionner la vie, même si en réalité, elle avait toujours du mal à s'y faire et à s'y mettre. Provenant d'une période médiévale, elle préférait faire les choses d'elle même et se contenter du stricte minimum. Son fils lui avait même plus d'une fois reproché que son portable ne pouvait pas faire de jeux comme ceux des parents de ses copains. Mais, elle répondait toujours qu'elle n'en avait pas besoin, cet appareil lui servait juste à communiquer rapidement, pas de quoi prendre un truc hors de prix qui ne garde aucune batterie. Et puis, pour le reste de la vie quotidienne, Elena était plus manuelle que dernier robot à la pointe de la tendance pour préparer le repas ! Elle était plus les mains que la tête. Bon même si elle utilisait tout de même son cerveau pour son travail, elle était loin d'être un génie comme l'homme qui lui faisait face. Mais au moins, Dieu était juste, il avait peut être une intelligence incroyable mais il était dénué de toute souplesse dans le corps. Ce qui lança un nouveau rire combiné à leur tablé. La bohémienne avait toujours eu ça dans le sang, mais elle avait appris jeune. Son corps avait eu le temps de s'habituer à correspondre à ses moindres pensées.

Voyant de nouveau la gêne reprendre le dessus alors qu'il avait enfin décidé de s'ouvrir un peu, Elena lui relança un sourire d'encouragement.

- C'est très gentil merci. Mais tu sais, je danse depuis mon plus jeune âge, c'était mon gagne pain dans mon ancienne vie, j'étais admirée de tout Paris. Raconta-t-elle en se remémorant sa vie d'avant. Enfin, ne pense à rien d'étrange ! J'étais une bohémienne, c'était la seule manière de gagner ma vie sans tomber dans les parts... illégales... Mais tu sais, ce n'est que le premier jour ! A ta place je ne me laisserais pas abattre ! Je suis sûre que tu t'amélioreras et je t'aiderais.

Repassant une mèche de cheveux derrière ses oreilles pour dégager son visage, elle s'abreuva d'une nouvelle gorgée de bière et reprit la parole:

- Sinon, en dehors de la danse, non. Je n'ai pas vraiment le temps de faire grand chose. J'aime tellement ça qu'il prend la plupart de mon temps libre et puis, j'ai un fils. S'occuper d'un enfant réduit notre temps... Non pas que cela me dérange ! Se rattrapa-t-elle. J'adore mon fils, il est la prunelle de mes yeux mais c'est vrai que parfois, je me dis que j'ai perdu mon côté femme indépendante. C'est assez indigne de dire ça venant d'une mère. Se justifia-t-elle.

Commençant à son tour à devenir nerveuse de se confier ainsi, elle tenta de reprendre son calme pour ne pas laisser transparaître sa nervosité. Ce qu'elle venait de dire était stupide. Qu'allait-il penser d'elle ? Avant, ce qu'elle disait et ce que les autres pensaient ne l'importaient guère mais depuis que son fils pouvait prendre l'impact de ses paroles, elle tentait de faire attention. Et elle préférait éviter que ses mauvais comportements puissent revenir aux oreilles de son père.

- Pour les animaux, je n'en ai plus depuis un moment. J'avais une chèvre avant, mais comme toi, elle est devenu humaine ici. Cette fille est comme ma soeur. Tu vois, je suis adoptée, donc je n'ai pas de frères et soeurs à proprement parlé, tout ceux qui m'ont aimé et éduqué sont ma famille. Même mon ami dont je t'ai parlé ! C'est un sacré personnage mais il est celui qui m'a appris à être la femme que j'étais avant... avant tout ça. J'étais fière de ce que j'étais. Il était mon père, mon frère, mon ami, mon confident. Bien sûr, cela n'a pas changé. Mais ici, c'est plus difficile de vivre comme avant. Je pense que nous avons tous changé. Nous avons tous des choses à nous reprocher et à regretter. Ajouta-t-elle d'un ton légèrement mélancolique.

Un nouveau fracas raisonna dans le bar, une émeute. Cela commençait à dégénérer entre les gros bras, et au vue de la réaction effrayée que prit de nouveau l'asiatique, Elena ne souhaita pas s'attarder ici. Elle paya la note au comptoir et saisit la main crispé de Tadashi sur la table. Dans l'élan d'un nouveau sourire, elle l'entraîna à sa suite dans les rues plus calmes du voisinage.

- Je pense qu'il était temps pour nous de partir. Ria-t-elle.

Ce genre de violence ne l'avait jamais vraiment dérangé, c'était sans doute son côté vieille époque mais tant que cela ne la concernait pas ou ne visait pas un innocent, elle n'avait aucune raison de s'en faire. Les hommes dans ce genre de bar aimaient se taper dessus, soit, qu'ils se défoulent sur eux plutôt que sur leurs femmes en rentrant. S'ajouta-t-elle dans une pensée aigrie. Mais au vue de la tête que tirait Tadashi à ses côtés, elle l'avait sans doute énoncé à haute voix.

- Pardon ! Je ne voulais pas vraiment te choquer... J'ai parfois des répliques assez sèches, ça faisait aussi parti de ce que j'étais. Chasse le naturel et il revient au galop comme on dit ! Enchaîna-t-elle dans une tentative de boutade.

( Pando )