Je me traînais sur le plancher usé et douteux de la Fin du Monde. J'avais réussi à rouler sur le ventre et je rampai dans l'intention de me relever. Cependant, étant donné que mes jambes n'arrivaient pas à se coordonner entre elles, j'avais bien du mal à me mettre debout.
"Roooh allez les filles ! Un n'effort !" Oui, oui, j'étais bel et bien en train d'encourager mes jambes. Quand j'étais pompette, j'étais même capable de chanter une sérénade à un morceau de gruyère (La Fin du Monde, le 21 décembre 2012, Stan m'avait même filmée. La cassette devait traîner quelque part dans la réserve du bar).
Tiens, j'étais debout. Je venais juste de m'en rendre compte car tout tournait autour de moi. Je posai un oeil vitreux sur la petite blonde qui me faisait face et hochai lentement la tête avant de dire :
"Okay pour aller ailleurs, mais pas okay pour le reste ! Che vais pas oublier un truc pareil ! Euchène m'a dit qu'il me voulait ! Comme demoichelle !"Je dirigeai un index vacillant vers elle avant de faire un pas et de m'agripper à Raiponce. Elle me traîna jusqu'en dehors du bar auquel j'accordais un dernier regard énamouré. Bientôt, on se reverrait bientôt mon chou...
Des phares de voiture m'éblouirent subitement. Je marmonnai des paroles incompréhensibles et remarquai alors qu'un taxi venait de s'arrêter devant nous. Je sentis Raiponce me pousser pour m'inciter à entrer dans l'habitacle. Je me cognai contre la carrosserie, portai une main à mon front en grognant à nouveau puis m'assis mollement sur la banquette arrière. La petite blonde prit place à coté de moi, gardant ses distances.
"Ch'habite... à deux pâtés de maichons..." fis-je tout en massant mon crane douloureux.
"Rue du Diplodocus..."Le pire, c'était que je ne plaisantais pas. Il y avait réellement une rue dans Storybrooke qui portait ce nom, et il fallait que ça soit la mienne. Je l'aimais bien, cette rue. Elle zigzaguait et formait un grand serpentin tout tordu, un peu comme le cou d'un diplodocus.
Le taxi commença à rouler et je m'enfonçai davantage dans la banquette, posant mes chaussures sur les genoux serrés de la petite blonde.
"Tu chais che que ch'aime faire dans les taxis ?" lui demandai-je d'un ton traînant.
D'habitude, je prononçais ce genre de phrases d'une voix suave et langoureuse, incitant à la provocation, mais avec quelques grammes d'alcool dans le sang et une dent en moins, ça sonnait nettement moins sexy.
Quoi qu'il en soit, je me rapprochai de Raiponce, lui offrant mon regard le plus enjôleur même si je louchais légèrement. Je posai une main sur son épaule puis soudain, je plaquai l'autre sur ma bouche. J'eus tout juste le temps de me tourner pour vomir élégamment coté vitre. Après quoi je pivotai de nouveau sur la banquette, essuyant ma bouche d'un revers de main.
"T'as rien vu." fis-je à Raiponce, presque menaçante.
C'est alors que le conducteur s'intéressa à nous. Tss... les taxis avaient le don de mettre leur grain de sel quand il ne fallait pas.
"Vous venez de dégobiller dans ma voiture ?"
"Ch'est pas moi !" protestai-je avec de grands yeux innocents.
Ca allait devenir ma phrase fétiche, si ça continuait. Cependant, cela ne suffit pas à convaincre le conducteur qui nous força à sortir de la voiture à l'angle de la rue. Ca tombait bien, on n'était plus qu'à quelques pas de chez moi. Je désignai mon appartement à Raiponcette d'une main molle.
"Vieeeens che t'invite à boire un verre !" lançai-je en passant mon bras autour de ses épaules et en m'engageant vers la demeure.
Je ne sais pas trop comment je parvins à grimper l'escalier, à entrer chez moi ni à abandonner la majorité de mes vêtements. J'avais un gros blanc à la place du cerveau. Quoi qu'il en soit, je me trouvais en soutien-gorge devant ma super copine et j'étais en train de faire une valse avec Lucinda dans mon salon. Je me stoppai brusquement pour faire les présentations. J'étais vraiment trop malpolie. Si maman avait été là, elle m'aurait tapée sur les doigts !
"Raaaaiponche, voici Luchinda. Luchinda, voilà ma graaaande copine Raiponche ! Oh, Raiponche, ça me fait penser à punch ! Du coup, ch'ai soif..."Je me grattai la tête, cherchant à savoir si j'avais encore un fond de punch qui traînait dans mes armoires. Puis je posai de nouveau les yeux sur Lucinda avant de pincer l'une de ses feuilles d'un geste taquin. Précision : Lucinda était mon plant de marijuana, ou la seule plante qui n'était pas morte de déshydratation en restant sous mon toit. Il faut dire qu'étant donné ce qu'elle représentait à mes yeux -des moments de plénitude et de défonce dans un avenir proche- je me devais de la bichonner.
Subitement, je me sentis envahie par une grosse fatigue. Je désignai l'évier d'un doigt imprécis tout en marmonnant :
"Tu peux te chervir si tu veux boire un truc... Moi che vais me reposer un peu... Chuste un petit peu..."J'avais un chant de noël qui sonnait dans ma tête. C'était bizarre. Je laissai échapper un petit rire avant de me pelotonner sur le canapé. Ma tête s'enfonça dans le coussin et je ramenai Lucinda tout contre ma joue, la serrant contre moi comme un doudou.
Je commençai à ronfler à peine trente secondes plus tard. Quand j'étais bourré, je faisais des bruits vraiment bizarres dans mon sommeil.