Observant la main de Théodore tendue vers lui, il ne pût s'empêcher de sourire faiblement parmi les larmes. Il revoyait tellement le petit garçon qu'il avait été, ce fameux soir d'orage. Les mêmes grands yeux plein d'indulgence. La même douceur dans le regard. De la bonté. Ce soir là, Jamie avait promis au monde qu'il ne le laisserait jamais tombé. Qu'il se tiendrait à ses côtés et qu'il le défendrait, qu'il ne serait plus jamais un lâche. Quoi que ça en coûte. Il avait tenu sa promesse, sans jamais flancher, malgré les claques d'Abigaylle et les bagarres de collégiens. Il avait cassé deux dents, un nez et arraché des poignées de cheveux pour protéger Théodore et il n'avait jamais remit en question la promesse qu'il avait fait ce soir là. C'était avant le retour des souvenirs mais il n'avait jamais pensé que cela changeait quoi que ce soit dans son cas. Apprendre que le grand crétin de premier de la classe était en réalité un viking surdoué n'avait rien changé. Certes, ça avait quand même changé, un peu, sa vision de Théodore. Parce que mine de rien, c'était quelque chose. Un viking nom d'un cratère! Une espèce de guerrier sanguinaire et invincible. Difficile à concilié avec Théo dans un premier temps. De plus en plus facile avec le temps.
Mais dans son propre cas, le retour des souvenirs avait tout changé. Il n'avait plus rien du Jamie fêtard et frimeur qu'il avait pu être. Les gueules de bois légendaires, oubliées. Le côté casse-cou à moto, fini. L'alcool était un poison et la moto une piètre chose comparée à son Solar-Surf. Mais surtout, oublié le Jamie ayant un bon fond. Il n'avait pas un bon fond. On pouvait le croire, en le regardant mais ce n'était que des mensonges. Si on regardait suffisamment longtemps dans ses yeux, on pouvait apercevoir le remord qui déchirait sa poitrine à chaque heures du jours et de la nuit. Il n'avait rien d'un homme bien, il n'était qu'un ramassis de conneries. Au point de se demander, non, au point de décidé que leur pacte n'allait plus que dans un sens. Leur pacte avait été fait quand ils étaient encore des enfants insouciants et innocents. Jamie n'avait plus rien de tout cela, Théodore si. Alors il avait brisé le pacte en deux laissant à Théodore le soin de ne plus veiller sur lui, prenant des airs d'athlètes, et de mecs sur de lui. ça n'avait bien sûr pas marché. Il n'avait juste jamais voulu s'en rendre compte. Et entendre cette même voix, des années plus tard, proposée à nouveau un pacte à la noix avait le don de le faire sourire.
-On est de vraies gonzesses, souffla-t-il dans une sorte de rire. Vendu, ajouta-t-il en serrant la main que Théo lui offrait, avant de s'essuyer les yeux.
Soupirant un moment, il se permit de renifler une fois, avant de finalement prendre sa tasse de café. A défaut de nicotine, il aurait de la caféine. Il but sa tasse d'une traite, grimaçant parce que le café était froid mais sa gorge en avait besoin. Parler quand sa gorge est serrée par l'émotion est une sensation connue de tous pour son profond inconfort. Et ses cordes vocales avaient besoin d'être hydratées. Penchant la tête en arrière, il expira comme si il avait cracher la fumée d'une de ces cigarettes, avant de se tourner vers Théodore.
-Tu n'as pas besoin d'être ivre de colère pour tuer, crois moi. Tu peux aussi être lâche et laisser faire. Ce que j'ai fais. Tu es quelqu'un de bon Théodore, ajouta-t-il en voyant qu'il chercherait à l'interrompre. Tu as tendance à vouloir voir le meilleur chez les autres mais il n'y a pas de 'meilleur' en moi. Je suis un lâche, j'ai laissé Silver mourir sans bouger le petit doigt. J'aurais pu, j'ai rien fais. C'est comme ça. C'est ce que je suis. Un ramassis de mensonge et une grosse dose de déception. Je suis désolé.
Il ne savait pas trop pourquoi il s'excusait. Pour avoir pleurer comme un gamin, pour avoir tuer un homme, pour avoir été lâche ou pour avoir trahit sa confiance. Sans doute pour un peu de tout ça. Pour l'avoir déçu aussi sans doute.
-Je... J'ai l'habitude de décevoir les gens, confia-t-il sur un ton désabusé, comme pour se justifier. Pas assez intelligent, pas assez rapide, pas assez fort, pas assez patient, pas... Assez, tout simplement. Mon 'père' l'avait comprit avant tout le monde. Pas assez pour rester.
Se raclant la gorge, il pinça légèrement les lèvres. Il haïssait parler de son père. Il haïssait cette sensation diffuse qui crevait son corps en se remémorant ce fantôme. Il ne se rappelait même pas de son visage....
-J'ai envie d'une clope, murmura-t-il sans s'en rendre compte avant de se tourner vers Théodore. Tu ne deviendras pas ça. Tu ne deviendras pas... Ce que tu décris. Tu n'es pas un meurtrier. Il y a une femme ici qui m'a un jour dit que Storybrooke était une seconde chance pour nous, une chance de devenir qui nous voulons être et pas celui que la vie a façonné avant.
Jamais il n'aurait pensé citer Némesis Lloyd de sa vie, et pourtant. Tout arrivait ce soir, cela devenait presque flippant.
-Et je serais là. Sally sera là. On te remettra sur le droit chemin. Moi il n'y a plus rien à faire pour effacer ça de ma conscience mais on peut t'aider toi. On va t'aider. Tu n'es pas seul.
Ses derniers mots résonnaient pour leur sincérité. C'était vrai, il le jurait devant tous ses foutus dieux et toutes les nébuleuses du monde. Théodore n'était pas seul. Il y veillerait. Posant sa main sur le genoux de Théodore, il le serra un instant avant de se laisser retomber en arrière dans le canapé. Il se sentait tellement lourd. Lourd d'émotions. Il aurait aimé fermer les yeux. A la place, il les tourna vers Théodore.
-Tu ne m'avais jamais parler de ta soeur.
Il ne s'attendait pas à ce que Théodore réagisse, juste qu'il se fige un peu. Ce qu'il fit. Il regarda donc à nouveau le plafond.
-Mais je te force à rien. C'est plutôt toi ça, ajouta-t-il à voix basse avant de se giffler mentalement.
Ce n'était pas tellement le moment de reparler de ça. Inspirant un grand coup, il continua à fixer le plafond.
-Tu comptes faire cette opération quand? Une semaine, un mois? Combien de temps?

Fumer chez Théo était le signe d'une profonde compassion. Jamie le savait, et il tâchait de se dire que ce n'était pas uniquement un signe de pitié de la part de son ami. Cette journée était lourde en émotion et il devait avouer que le goût acre de la nicotine était un soulagement. Il avait conscience du mauvais de cette addiction mais très honnêtement, présentement, il s'en moquait éperdument. Aspirant le maximum de la fumée, il éventa le reste, pour ne laisser qu'un fin fumet de tabac. Il ne put s'empêcher de se dire que Sally le sentirait malgré tout. Elle pouvait être encore plus pointilleuse que Théo parfois. Deux trois bougies ne seraient pas de trop.
Etrangement, il se sentait un petit peu... Mieux. Du moins, à travers le remord, les poumons lourds et la douleur des souvenirs qui s'étaient bien installés dans sa tête désormais, il n'avait pas encore atteint le sommet de sa douleur. Il avait déjà encaissé mille fois pire. C'était... Bienvenu. Il se doutait que les cauchemars seraient plus violents désormais. Que les souvenirs frapperaient de jour comme de nuit. Que le remord serait comme de la bile entre ses lèvres. Mais... Mais pour l'instant, c'était supportable. S'essuyant les yeux, il aspira avec plaisir le goût acre. Oui, c'était mieux que ce qu'il avait craint et même si il se sentait comme le dernier des lâches, Théodore était encore là. C'était bien mieux qu'il ne l'avait imaginer. Bien, bien au delà de ce qu'il avait espérer.
« Tu sais, quand elle m'a dit, la première fois qu'on a rompu, qu'elle voulait être avec Jack, j'étais content, parce qu'au moins, je m'étais dit qu'elle n'aurait pas à subir ça car ça lui aurait trop rappeler d’où elle venait, et la souffrance qu'elle a enduré.»
Malgré lui, Jamie eut un pincement au coeur. Il savait très bien combien la relation des deux pouvait être... Compliquée. Et il savait combien Théodore pouvait en souffrir. C'était compliqué, avec toutes ses histoires d'avant. De coup de foudre. D'appartenance aux mêmes mondes. C'était compliqué de concilier les deux et Théo et Sally en étaient le parfait exemple. Pourtant Jamie était persuadé que l'un comme l'autre était profondément amoureux. Théo parce que ça se lisait sur son visage comme si cela avait été gravé sur son front et Sally parce qu'elle était moins illisible pour Jay que pour Théodore. Les sentiments peuvent rendre aveugle. Ou profondément concilient.
« Mais de toute façon, on est pas ensemble. Enfin c'est compliqué. Ma vie est compliqué en ce moment. »
Jamie fut prit de l'envie de hocher la tête, mais il n'avait aucune envie de faire de l'humour. Il ne pouvait pas s'empêcher de fixer la posture de Théodore. De chercher, de craindre en fait, un tressaillement. Un dérapage. Une douleur subite. Il avait peur de voir Théodore s'effondrer, se plier de douleur. Il avait peur de ne rien pouvoir faire. Il ne pouvait rien faire. Lui qui n'avait rien fait pour Silver alors qu'il aurait pu, il se retrouvait dans la situation purement inverse. Storybrooke avait toujours eue l'ironie facile. Celle-ci était un peu trop piquante à son goût. Le souvenir du regard de Silver se perdit dans le sien. Ce regard... Il lui tordait le coeur. Il n'avait jamais pu se défaire d'une sorte de fascination pour les regards, depuis. Inconsciemment sans doute avait-il chercher dans tous les regards de Storybrooke une lueur familière, une révélation. Peut-être au fond avait-il cru... Storybrooke était ironique et elle sélectionnait bien ses resurrections et ses guests. Jamie secoua la tête. Il n'avait aucune envie de revoir ce regard, et il l'enferma dans un nuage de brûme nicotinée.
« Tu ne m'avais jamais dit pour Silver, non plus. »
Aïe. Un point partout. Ils avaient beau savoir que c'était leur façon de se dire 'Si jamais tu veux en parler...' ils étaient incapable de le formuler plus doucement. Plus... Souplement. Jamie se contenta donc de baisser le menton, traçant le contour de sa mâchoire du pouce. Il n'avait aucune intention de se remettre à pleurer comme une madeleine. Il n'était même pas sur de pouvoir à nouveau.
« Je .. c'est la malédiction qui me l'a faite découvrir, d'une manière très macabre. Elma, ma petite sœur a été tué par Eris lors d'un de ses raids. Ici je ne l'ai jamais connu. »
Le regard de Théodore se durcit, avant de devenir noir. Jamie comprenait mieux. La haine qu'il éprouvait pour la déesse était plus que justifié désormais. C'était... Horrible. Jamie savait, pas dans la même mesure cela dit, mais il comprenait la douleur de perdre un être cher. C'était comme une plaie qui ne cicatrisait pas. Jamais. Un membre moribond. C'était... Ignoble et personne n'aurait du pouvoir ressentir cela.
-Je suis désolé Théo, murmura-t-il après un silence. Je... Je sais pas quoi dire. Je... Je suis navré.
C'était faible, mais il ne savait vraiment pas quoi dire d'autre. Que dire dans ce genre de situation? Rien n'est jamais assez fort et les mots semblent creux. Le silence qui s'installa fut le contrepoint de ce vide. Lourd, pesant et surtout partout. Jamie pouvait le sentir dans son sang, dans le bruit de sa cigarette se consumant, dans la respiration de Théodore. Le silence, cruel et implacable, plus fort que l'obscurité. L’atmosphère était irrespirable. Trop de mots violents et durs avaient été prononcés en trop peu de temps. C'était comme un confessionnal d'église, plein des péchés et des remords des hommes. C'était bien trop lourd.
-J'ai une idée.
S'extirpant du canapé, Jamie alla prendre la veste de Théodore avant de la lui tendre. Théodore le considéra en haussant un sourcil circonspect. Tirant sur sa cigarette, il l'écrasa rapidement sous son talon, avant de ventiler la fumée devant lui.
-Viens on sort. J'ai... Besoin d'air.
Théodore le considéra un instant, avant de soupirer à son tour et de passer sa veste. Oui, de l'air leur ferait du bien à tout les deux. Jamie prit le soin d'ouvrir la fenêtre la plus petite en oscillo battant, pour que l'odeur du tabac puisse s'échapper un peu. Il n'avait pas vraiment envie de mettre Théodore dans une mauvaise situation face à Sally. Il avait déjà une assez mauvaise journée comme ça. Le temps était maussade mais au moins, il ne pleuvait pas. Les deux garçons partirent au hasard des ruelles, délaissant Mandy dans son coin. Ils n'avaient aucunement envie de parler, ni l'un ni l'autre, si bien qu'ils marchaient en silence, les mains dans leur poche. Jamie se sentit respirer, enfin. L'air de l'extérieur sembla le purger, du moins, purger ses poumons de la lourdeur de leur révélation respective. Il espérait juste que Théodore n'avait pas mal. Ce n'était que lorsqu'ils passèrent devant l'une des boutiques que l'idée le frappa et il ne pût s'empêcher de ralentir le pas. Il n'avait aucune pitié dans les yeux qu'il posa sur Théo mais plutôt une profonde inquiétude. Cependant il était perdu dans ses pensées et il n'avait pas l'air de souffrir. Jamie enfonça donc son menton dans sa veste, sans rien dire. Oui, le temps était aussi maussade qu'ils l'étaient.
L'horloge de Storybrooke les surprit, alors qu'ils s'approchaient de la bibliothèque de Belle. Si tard, déjà? Le temps leur avait filer entre les doigts pendant leurs révélations... Jamie allait proposer de rentrer quand il eut une bien meilleure idée. Avec un sourire un peu espiègle, il désigna la boutique de l'antiquaire du menton à Théodore.
-Eh. Comme au bon vieux temps. ça te dis?
Théodore eut l'air de considérer la question, mais une ébauche de sourire fendait déjà son visage. Si Théodore avait été un professeur assidue en théologie, Jamie avait été un professeur d'astronomie passionné. Il avait perdu le fils des heures passer sur le sujet quand Théodore avait vu sa première 'pluie d'étoiles filantes'. Ils avaient passer la nuit et la journée du lendemain perchés sur le toit de l'antiquaire, priant pour que Monsieur Gold ne les attrape pas. Ils savaient parfaitement que c'était illégal, comme la moitié des expéditions de Jamie sur les toits de Storybrooke, et c'était ce qui rendait le jeu si drôle. Théodore, petit délinquant entraîné par Skyrunner le voyou des toits. La fine équipe.
Grimper sur le toit de l'antiquaire nécessitait un peu de technique, mais cela ne sembla pas affecter la hanche de Théodore. Jamie en remercia le ciel. Ils avaient l'air de deux gamins, à grimper par l'échelle à incendie. Mais c'était tellement bon. Après tant d'émotions d'adultes, redevenir gamins était parfait. Tendant la main à Théodore pour l'aider à grimper les derniers mètres, il ne put s'empêcher de lui sourire. Oui l'atmosphère était bien différente. Si les problèmes ne s'évanouissaient pas, au moins étaient-ils loin. Il ne demandait pas plus. Le toit était grand, plat, et surtout complètement vide. Aucune cheminée, aucun grillage. Une grande étendue de béton plate. Jamie s'y laissa tomber comme un sac à patate, lourd de sa journée. Oui, il se sentait bien, sous le ciel gris, assit au milieu du toit. Mieux du moins. C'était toujours plus que prévu. Tirant de sa poche un paquet à demi vide, il se permit une vraie cigarette cette fois. Derrière lui, Théodore marchait le long du parapet de brique, toujours dans ses pensées. Les révélations avaient été compliqués pour lui, et Jay ne comptait pas lui imposer un quelconque interrogatoire. Penchant la tête en arrière, il cracha quelques ronds de fumées, perdant consistance en s'envolant. Il ferma les yeux. Oui. C'était toujours mieux que prévu.
La vérité est importante.
Rouvrant les yeux, il tourna la tête vers Théodore. Dos à lui, il semblait fixé la forêt qui bordait Storybrooke.
-T'as dis quoi?
Théo se retourna, fronçant les sourcils, l'air de se demander ce qu'il pouvait vouloir dire. Jamie eut la même moue. Pourtant, il avait bien entendu une voix. Quelqu'un avait parler. Mais... Si ce n'était ni Théodore, ni lui... Qui?
La vérité doit être préservée.
Cette fois, il eut la confirmation que les lèvres de Théodore n'avaient pas bougés. Par réflexe, il se retourna, cherchant quelqu'un du regard. Mais ils étaient seuls. Quelqu'un en bas? Rejoignant Théodore, qui commençait à le considérer d'un oeil suspect, il se pencha mais la rue était vide.
La vérité est un don précieux qu'on reçoit tous.
Prit d'une illumination, il posa ses deux mains sur ses oreilles. Théodore lui dédia le regard le plus lourd de sens quand à sa santé mentale, mais il tâcha de se concentrer.
Seule la vérité peut guider nos pas.
Comme si sa peau l'avait brûlée soudain, il recula d'un pas, lâchant sa tête. Légèrement flippé, il fixa ses mains comme si elles lui étaient étrangères. Théodore se tourna vers lui, mais les mots lui manquaient. Comment expliqué qu'il avait une voix dans sa tête? Sans passer pour un parfait taré.

Malgré lui, Jamie continua de fixer ses mains, comme si elles allaient lui apporter une brillante et fulgurante explication. Il venait d'entendre, avec une clarté extrêmement dérangeante, cette voix dans sa tête, pourtant il aurait été incapable de fournir la moindre information sur cette voix. Etait-ce une femme, un homme, était-ce humain? Aucune idée. Aucune idée et c'était résolument flippant. Relevant les yeux vers Théo, qui tentait de le rassurer, il ne put s'empêcher de le dévisager. Qu'est-ce qui lui arrivait? Qu'est-ce qui se passait encore? Après tout ce qui c'était passé ces derniers temps, après tout ce qui venait d'arriver en une après-midi, qu'est-ce qu'on lui voulait encore? Il commençait à croire que quelqu'un, quelque part devait l'avoir maudit avec application. Puis soudain, ce fût comme une illumination. La seule personne qu'il connaissait qui avait des voix dans sa tête, elle se trouvait en face de lui. Théodore entendait sa Freya -c'était ça?- par moment. Il le savait, il lui avait expliqué une ou deux foi. Etait-il possible?... Il venait de lui avouer qu'il ne croyait pas à ses dieux. Se pouvait-il que cette dernière ai décidé de le mettre à l'épreuve? En secouant la tête, Jamie se mit à reculer vers le centre du toit. Non. C'était ridicule. Vu comme Théodore lui avait décrit ladite déesse, elle aurait plutôt rappliqué en deux minutes et elle lui aurait mit une rouste dont il aurait gardé un cuisant souvenir. Ce ne pouvait pas être ça. Cela devait être... Autre chose.
-Il... Il y a une voix, commença-t-il comme pour répondre à Théodore. Là dedans. Je... J'ai entendu une voix dans ma tête.
Cela le glaça jusqu'aux os. ça y est. Il était en train de perdre la raison. Après tant d'années passer au fond de sa mémoire, le soudain retour à la surface du meurtre de Silver venait de briser sa santé mentale. C'était la seule explication plausible. La seule qui lui vint aussi. Comment aurait-il pu expliquer autrement? C'était... C'était anormal, le timing était trop parfait. Fermant les yeux, il sentit une douleur sourde envahir ses poumons. Les souvenirs, électriques, affluèrent dans ses tempes, arrivant par flash, trop de flashs. Les yeux de Silver le vrillant sur place. Sa main qui effleurait ses doigts, trop loin déjà. Sa voix qui se perdit dans le bleu sombre de l'univers. "Jimbo..." C'était trop. Trop d'un coup pour son minuscule cerveau. ça l'avait cassé, plus qu'il ne l'était déjà. Jamie sentait presque les connexions de son cerveau s'effilocher.
Oh Skyrunner. Du calme. La voix, sèche, le ramena sur Terre. Il était hors de question qu'il fasse une crise de panique devant Théodore. Il était censé être celui sur qui il comptait, il devait se montrer à la hauteur de sa promesse. Il n'allait certainement pas se montrer faible. Inspirant profondément, il se redressa, ne s'étant pas rendu compte qu'il s'était penché en avant dans l'espoir de mieux respirer. Il devait rependre contenance. ça ne changeait rien. ça ne changeait rien... Il devait rester... "Jimbo." Il devait rester le même. Il ne devait pas, il ne devait en aucun cas devenir faible. Pas à cause de ça. Il... Il avait jurer. Devant tous les dieux et toutes les nébuleuses.
-C'est rien, j'ai du... J'ai du rêver.
Il esquissa un sourire vers Théo, sans le regarder dans les yeux cependant. Il sentait trop les émotions qui bouillonnaient dans son sang, il était persuadé qu'elles se voyaient dans ses yeux. Il ne pouvait pas... C'était lui le grand frère. C'était lui qui devait être fort. C'était à lui d'être fort, toujours. Pour Sarah, pour Silver, pour Morph, pour Athénaïs, pour Darshkan, pour Théodore. C'était à lui d'être... Fort. C'était son rôle. Mettant ses mains sur ses hanches, il entreprit de marcher un peu, reprenant son souffle. Le toit n'était pas immense, mais la surface plane permettait de faire quelques pas. Il marcha donc à l'exact opposé de Théodore, lui tournant le dos. ça n'était que de la fatigue. Oui, voilà, c'était ça. La fatigue, la tension des derniers jours, les grosses révélations mutuelles, ça lui avait tapé sur le crâne. Théo l'avait bien dit, son crâne "dénué de cerveau" devait avoir eue du mal à tout encaissé d'un coup. Il était un peu désorienté. Ce n'était rien.
Les pensées de Jay n'avaient plus rien d'ordonnée. Ce rôle de héro qu'il s'était attribué dès l'enfance avait tendance à le rendre imperméable au bon sens, quand il s'agissait de sa propre personne. Tout passait avant lui, personne ne devait prendre soin de lui. Ce n'était le rôle de personne. C'était son rôle de prendre soin des autres, c'était à sens unique. Les enfants traumatisés développent souvent le syndrome du héros, et Jim n'y avait pas échappé. Comment Jay aurait-il pu? Il n'était pas un héros, mais se revendiquait un comportement de la sorte. C'était lui, sans honneur. C'était... ça. Ce qui le définissait. Ce qu'il était. Il était le repère, peu importe les problèmes pour rester en place. Oui, c'était toujours ainsi lorsqu'il craignait de paraître faible ou de laisser entrevoir ses sentiments 'négatifs'. Jamie le Roc Solitaire. Lui même aurait rit de se voir ainsi. Mais l'on ne se voit jamais clairement.
Si bien qu'il ne se vit pas du tout grimper sur le rebord. Il ne se vit pas du tout grimper et se pencher vers le vide. Il ne se vit pas agir tout simplement parce qu'il n'agissait pas. Quelque chose le faisait pour lui. Quelque chose le pencha en avant, perdu dans sa tête. Quelque chose... Ou quelqu'un.

"Des souvenirs, auquel il se raccroche. Il les entends murmurer. Des noms, James, Sarah, Silver..."

Allongés par terre, ils n'avaient pas vue mon arrivée, dommage, ça aurait pu les impressionner. J'avais fait quelques pas jusqu'au rebord du toit, où se tenaient les deux jeunes gens quelques instants auparavant. Ma chemise avec quelques boutons ouvert, les mains dans les poches, les cheveux au vent. Il faisait bon ici, il faisait bon partout où je me rendais.

"Plus les souvenirs font mal, plus les instants étaient beaux. Il ne faut pas penser à ceux qu'on a perdu, mais à ceux qui nous restent."

Je m'étais tourné vers les deux jeunes gens, un petit sourire aux lèvres.

"Notre vie est éphémère, ce qui compte c'est ce que nous faisons du temps qui nous est impartis. Qu'elle trace laisseront nous de notre passage dans ce monde? Vivre sa vie à fond jusqu'au dernier jour, que notre existence représente quelque chose pour quelqu'un, c'est tout ce qui devrait compter."

J'avais tendu une main au premier jeune homme, celui qui entendait la vérité, pour l'aider à se relever, puis en tendant mon autre main au second, sa blessure disparue comme par magie.

"Les choses que j'aurai faite durant mon existence, les personnes que j'aurai touché, seront la preuve que j'ai vécu. C'est ce qui fera la différence le jour du jugement dernier. C'est ce qui fera la différence pour chacun d'entre nous."

Une fois qu'ils avaient relâchés ma main, je me les avais frottés. Puis, toujours en leur souriant, j'avais porté toute mon attention sur Jamie.

"La vérité est importante. La vérité doit être préservée. La vérité est un don précieux qu'on reçoit tous. Seule la vérité peut guider nos pas, seule la vérité a guidée tes pas jusqu'à moi."

Je sentais ce lien qui nous unissait tous les deux. Il n'en était peut être pas encore conscient, mais le jour arrivait, le jour était tout proche...

"Jamie Skyrunner. Je suis très heureux de faire ta connaissance. Tu n'as pas idée depuis quand je t'attendais."

Un hennissement se fit entendre au loin. J'avais tourné la tête vers le rebord, avant de m'y approcher, passant devant Théodore sans lui prêter le moindre intérêt.

"Viens..." avais-je dit à quelque chose d'encore invisible mais que je sentais approcher. L'heure allait arriver, mon heure était proche... Je m'étais tourné une dernière fois vers Jamie.

"Je te donne ce présent, prend en grand soin, toi qui peut faire la différence entre la vérité et le mensonge."

Au loin, devant la porte, une balance était apparue. Un objet anodin quand on ne savait pas ce qu'elle pouvait faire.

"Il viendra, il viendra très bientôt. Guette son arrivée."

Sur le toit des immeubles tout autour, il y avait d'autres personnes, mais aucune d'entre elle s'était montrée suffisamment digne pour hériter de mon présent. Il n'y avait qu'un seul endroit où il n'y avait non pas deux, mais une seule âme. Je m'étais tourné vers la tour de l'horloge où il se trouvait. Je sentais qu'il avait reçu le message, que la vérité était venue à lui et qu'il avait répondu à l'appel. Je lui avais fait un petit signe de la tête. Wilson Wallander, mon fidèle Wilson... Ils étaient désormais deux. J'avais disparu de la même manière dont j'étais apparu...

L'homme avait disparu aussi étrangement qu'il était apparue. D'un flottement, un bruit de tissu et soudain il n'y avait plus rien. Un battement de cil trompeur. Est-ce que ça avait vraiment eue lieu? Jamie commença à voir de petites étoiles devant ses yeux, se rendant compte qu'il avait retenu sa respiration pendant toute l'entrevue avec cet... Homme. Mais était-ce le bon mot? Jamie en doutait. cela dit, il reprit sa respiration. Il était encore sous le choc, perplexe à dire vrai. Un instant il entendait une voix dans sa tête, l'instant d'après, cette voix prenait forme devant lui. Ce monde n'était pas censé receler de magie. Pourtant cette entrevue devait tout à la magie, c'était évident. La façon dont on l'avait forcé à monter sur le rebord, sans même s'en rendre compte, la façon dont on avait envahit sa tête, la façon dont l'homme était apparut. Quand il avait touché sa main, Jamie avait sentit une forme sourde de tension lui parcourir la main. Comme si l'homme lui avait transmis quelque chose, passant par les pores de leurs peaux. Malgré lui, il y jeta un coup d'oeil. A quoi c'était-il attendu? Une marque, une tâche? Il n'y avait rien. Sa peau avait la même apparence qu'elle avait toujours eue. Pas de veines apparentes, pas de striures. Rien. Comme si l'homme n'était jamais apparu. D'ailleurs rien n'attestait de sa présence.
"Jamie Skyrunner. Je suis très heureux de faire ta connaissance. Tu n'as pas idée depuis quand je t'attendais."
Il savait son nom, il connaissait son identité. Il l'attendait, lui? C'était... Ridicule. Impossible. Il n'était personne, comment pouvait-il avoir la moindre importance? C'était... Se retournant vers la porte, menant au grenier de l'antiquaire, Jamie avisa la balance laissé par celui qui, il le saurait assez tôt, changerait beaucoup de choses à son existence. Comme hypnotisé, il s'avança, la saisit entre ses mains. Il se sentit à la fois profondément ridicule et empli de respect. Une balance? Qu'est-ce que c'était censé vouloir dire? Qu'est-ce que ça pouvait signifier? Qu'il devait faire attention à son poids?
"Toi qui peut faire la différence entre la vérité et le mensonge."
Se redressant, Jamie se tourna vers Théodore, la balance serrée fermement entre ses mains. Il la serrait comme si il avait craint de la faire tomber, de la briser. C'était... Il sentait que c'était important. Que c'était cruciale. Théodore fit un geste, mais il ne regardait pas Jamie. Il fixait sa hanche, et soudain, la réalité reprit le dessus. Le mysticisme tomba comme un rideau d'eau, et Jamie se précipita vers son ami.
-Et ça va? Merde pardon, je suis désolé, je te suis tombé dessus comme.... ça va ta hanche? Je suis désolé!
Sa balance toujours fichée dans sa main droite, il faisait un geste avec sa main gauche, comme pour toucher Théodore, mais sans le faire. Quel crétin il avait té de lui retomber dessus! Le pauvre devait crever de douleur. Jay s'en mordit les joues. Il aurait donné tellement pour prendre la douleur de Théodore... Il aurait tellement aimé....