« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
“Le diable est diable parce qu'il se croit bon” - Ramiro de Maetzu
Ils allaient avoir droit à un beau week-end de Pâques. Aloysius avait observé avec attention la météo pour s’apercevoir du magnifique cadeau que la nature lui faisait. Pâques. La résurrection du Christ. La fête la plus importante du christianisme et une source inépuisable d’inspiration pour le psychiatre. Un moment de chasse propice. Au début du printemps, les oiseaux revenaient et les animaux ressortaient. Beaucoup plus. Comme si le soleil et la douceur des températures les mettaient dans un halo de confiance dangereux. Non, le docteur Black n’était absolument pas croyant, ou du moins pas de l’une des trois grandes religions. S’il croyait à quelque chose, c’était bien plus à l’Art et à la Beauté de ce monde. La Beauté à laquelle il rendait homme à sa façon à chaque expiration. Un Week-end de Pâques se profilait à l’horizon et en l’année de son retour, il serait mémorable. Le dernier Week-end de Mars, il avait reçu une invitation des plus plaisantes qu’il s’était dépêché d’y répondre à l’affirmative. Une partie de chasse, juste avant le festin du week-end d’après. Une excellente idée.
Aloysius Black et Erwin Dorian étaient devenus amis au cours d’un des nombreux dîners mondains auquel l’un comme l’autre participait tant ils affectionnaient s’y trouver une place de choix. L’ancien lion avait vu dans le notaire la noirceur de son regard, pas similaire à la sienne mais somme toute pas si différente non plus. Il avait aimé converser avec lui d’art, un domaine qu’ils semblaient apprécier tous deux pour des raisons pourtant différentes. Il aimait aussi son acidité et bien que son côté parfois bien trop mélodramatique qui frôlait avec le manque de courtoisie mettait parfois ses nerfs à rude épreuve, il devait bien avouer que l’homme était d’une compagnie plaisante, surtout quand il s’agissait de leurs parties de chasses. Chacun son gibier et personne n’y trouvait à redire, ce qui était d’un grand repos. La chasse avait jusqu’alors été extrêmement solitaire et l’idée d’y avoir enfin un allié lui semblait quelque chose de satisfaisant.
Il avait revêtu alors son pantalon de chasses et ses bottes d’équitations tout comme un manteau léger qui le laissait libre de ses mouvements, sans oublier sa précieuse sacoche où il déposait quelques outils nécessaires à son Travail. Si Dorian le savait enclin à tuer facilement, il ignorait en revanche son penchant tout certain pour la viande humaine. Cela l’obligeait à user de certains stratagèmes pour éviter de gâcher la viande tout en n’en dévoilant rien à celui qu’il pouvait considérer, d’aussi loin qu’il était capable à aller à ces considérations, comme un “ami”. Après sa tenue prête, il s’était directement rendu à l’écurie où l’attendait un des chevaux qu’il avait l’habitude de monter dans le club. Situation des plus étranges que le psychiatre semblait toujours avoir connu mais qui semblait bien plus étrange pour le lion qu’il était. Arrivé près de l’enclos, il s’était dirigé vers son pur-sang de couleur bai qui semblait l’avoir reconnu et le regardait s’avancer avec une certaine nonchalance.
— Bonjour Docteur Black ! Balthazar est prêt, pile à l’heure.
— Bonjour Sandy, je te remercie pour ton travail.
Il avait salué la jeune écuyère d’un signe de tête polie et il avait observé avec un amusement certain le rose teinter ses joues pâles. La blondinette de 14 ans était d’une nature plutôt timide et réservée. Elle semblait intelligente pour son âge et ses grands yeux gris semblaient toujours avides de connaissance. Une jeune enfant pour laquelle Aloysius pouvait avoir de la sympathie. Elle était douce, elle était pure. Une de ces âmes dont il fallait prendre soin et à ne pas gâcher dans un meurtre inutile. Il savait à ses regards impatients qu’il était apprécié de la jeune femme. Souvent avaient-ils parlé musique ensemble et bien qu’elle semblât trouver dans sa compagnie un joli moment, elle semblait toujours aussi impressionnée de le voir, plus par sa stature et ce qu’il dégageait qu’un quelconque attrait physique. Il avait posé une main douce sur le nez de son cheval pour le caresser avant de tourner un regard interrogateur vers la jeune fille avec un sourire en coin amusé qui se voulait non équivoque. Comme à son habitude, Sandy comprit immédiatement où il voulait en venir eyt hocha grandement la tête :
— Vous pouvez y aller Docteur, je ne lui ai rien donné, je savais que vous veniez.
Il avait alors sorti de sa sacoche une carotte qu’il donna à l’animal avant de le sortir de son box. Tout en montant dessus avec souplesse, il précisa à l’adolescente :
— Il est inutile de m’attendre, la soirée est déjà bien entamée et je pense que je ne reviendrai pas avant la tombée de la nuit. Je me chargerai de lui seul, tu peux rentrer chez toi, je ne voudrai pas que tes parents s’inquiètent.
— Vous... vous êtes sûr ?
— On ne peut plus sûr, ma chère.
— D’accord, alors à bientôt Docteur Black !
— A bientôt, Sally.
Avec un coup de talon il sorti du club au petit trot, se dirigeant vers la forêt et les domaines où le publique et le privé s’entremêlaient aisément. Chasser au crépuscule pouvait paraître étrange. Cela avait aussi quelque chose de poétique, de romanesque. Pour Aloysius, c’était absolument nécessaire. Les deux s’étaient donné rendez-vous à un endroit bien précis du bois. Lorsque le psychiatre arriva, il constata qu’il était le premier. Posant pied à terre, il avait pris quelques minutes pour faire ses propres repérages, notamment sur l’humidité des sols. Il préparait un petit potager avec l’un de ses cadavres dans un coin reculé de la forêt et n’avait pas encore eu le temps de voir si la terre avait bien pris. Tout ce qui était devant lui, lui semblait pourtant de bon augure. Les journées étaient belles et dégagées les nuits et les matinées fraîches avec une belle rosée. Avec lenteur, l’ancien lion avait tourné la tête en direction du soleil rougeoyant. Il devait au moins leur rester deux bonnes heures de luminosité. De là où il était, il aperçut également l’imposante demeure dans laquelle les deux compères devaient finir leur soirée. A cette pensée, le psychiatre en un léger sourire malsain. Un homme riche et solitaire, acariâtre et mal élevé au possible mais d’une forme olympique qui promettait des morceaux de premier choix. Pour Erwin, un grain de sable dans son rouage, un de ses grains de sable dont il fallait se débarrasser et que son “ami” se proposait de faire avec bonté d’âme. Un craquement s’était fait entendre un peu plus loin. Tournant la tête dans sa direction, Aloysius aperçut Erwin arriver sur son cheval. Remontant à son tour sur sa monture, il attendit qu’il soit à sa hauteur pour le saluer :
— Et bien mon cher, j’ai presque failli attendre.
Il posa sur lui un regard entendu avec un léger sourire avant d’observer une nouvelle fois les alentours avant de demander innocemment :
— Jérémie n’est pas là ?
Il avait toujours senti dans l’associé du notaire une certaine pointe de jalousie et de haine qu’il trouvait extrêmement risible. Loin de s’en vexer, il était d’ailleurs bien plus enclin à s’en amuser. Mais s’il était prêt à faire confiance à Erwin, il n’était pas pour autant prêt de le faire pour son chien... bien que celui-ci était sans aucun doute tout disposé pour la chasse. Cette pensée lui arracha d’ailleurs un nouveau sourire avant qu’il ne repose son attention sur son “ami”. Ce dernier se voulait aussi flamboyant qu’à son habitude mais il pouvait remarquer que ses traits étaient tirés, les filaments rouges dans ses yeux plus marqués qu’à l’ordinaire. Quelque chose semblait le tracasser depuis peu... Se gardant pour le moment de lui demander, il prit tout de même cette note mentale pour plus tard, bien curieux de savoir de quoi il en retournait.
crackle bones
Erwin Dorian
« If the crown should fit, then how can I refuse? »
| Avatar : Rufus Sewell
- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)
| Conte : Coeur de Princesse/Le Prince et le Pauvre | Dans le monde des contes, je suis : : Preminger
“Qui n'aime pas les loups n'aime pas la nuit, la nuit pour ce qu'elle est, c'est-à-dire la face obscure de notre immense liberté.” - Serge Bouchard
- « J’ai convié mon vieil "ami" Aloysius à une chasse. A l’Aube des Pâques… » - « Amuse-toi bien, alors. »
Les mots, à peine bougonnés au-delà d’un journal avaient arrachés une exclamation moqueuse au notaire. Fichtre, que son associé pouvait être…amusant parfois. Il boudait, sans s’en rendre compte, malgré les sourires qu’il essayait de présenter, témoignant de son réel sentiment quant à l’escapade aventureuse organisée. Pour autant, il ne s’en plaignait pas de vive voix...ou si peu. Il préférait tenter de dissimuler son ressentiment sous un visage placide bien, mais sa mâchoire n’en demeurait pas moins anormalement contractée. Et, au-delà de cela, l’ancien chien choisissait d’occulter un « détail » immense : Preminger le connaissait parfaitement.
- « Voulais-tu venir ? » - « J’évite de me mélanger avec les félins. » - « J’ai bien fait de ne pas t’inviter, donc. Tu aurais..gâché mon enthousiasme.» Il avait refermé son livre dans un claquement sec, l’ombre de sa moquerie encore présente sur les traits de son visage.
Jérémie n’avait pas répondu mais Erwin avait su que sa réplique avait fait mouche. La double sanction ne valait que pour sanctionner un comportement des plus..évasifs qu’il avait eu auprès de lui. Oh, rien de profondément cruel, Midas était son caniche adoré, mais cela piquait si profondément l’orgueil et l’amour propre du chien que cela s’en trouvait satisfaisant. Ce n’était pas la première fois que Preminger partait en chasse avec l’ancien lion sans la compagnie de son chien mais il s’agissait de l’unique fois où il ne lui avait pas formulé une proposition ouverte. Qu’il expie donc. Il ne lui en voulait pas, mais c’était assez satisfaisant de le voir un peu en mauvaise posture. Même s’il se bornerait à lui causer ce souci. Il en avait déjà suffisamment.
- « Tu… as déjà choisi une tenue pour cet événement? » le papier du journal s’était un peu abaissé et il avait pu observer les yeux de Jérémie sur lui. - « Veux-tu la voir ? » Il s’était levé, sans attendre sa réponse et le lui avait montré. Bien sûr qu’il le voulait.
Et c’était cette tenue qu’il avait abordée ce fameux soir sonnant l’arrivée de Pâques, récupérant son cheval favori pour rejoindre au petit trot l’endroit du rendez-vous. Stendhal possédait une robe du noir le plus parfait. Ce cheval faisait sa fierté depuis son acquisition. Juché sur lui, son panache époustouflait. Il ferait une grande impression auprès d’Aloysius. La pensée du notaire le psychiatre lui ajouta quelques petites motivations. Cette soirée le régénérerait en tout point. Il en avait farouchement besoin. Il avait besoin...d’extérioriser. En quoi de mieux que la compagnie de ce cher ancien maire pour cela ? Non en tant que psychiatre, Preminger n’avait pas besoin de consultations, il se portait à merveille, mais bien pour la complicité qui était née de leurs différentes rencontres. L’Amour que portait l’ancien Lion à l’Art et la Beauté n’avait pu que le pousser à voir dans le notaire leur Egerie ultime. De son côté, l’ancien conseiller appréciait l’esprit pour le moins sanguinaire que l’ancien lion dissimulait derrière un air pour le moins sinistre et d’une politesse excessive. Le mot prédateur n’avait jamais autant bien porté son nom que lorsque l’on rodait aux alentours d’Aloysius Black. Il se dégageait de l’individu une morosité propre, innée jumelée à quelques instincts rageurs qui dansaient, hantant ses prunelles. Gare à lui. Son historique personnel en révélait beaucoup, idiot auraient été ceux qui se seraient présentés face à lui sans une miette de prudence. En cela, Midas avait raison de s’en méfier. Mais qu’importait ! Les deux s’étaient suffisamment « entichés » l’un de l’autre pour éviter que leurs rencontres ne dégénèrent en règlement de compte ou en rivalité sourde. A vrai dire, ils avaient facilement trouvé un terrain d’entente et d’amusement et cela possédait son petit charme dans tous les âtres de problèmes et d’ambitions qu’ils rencontraient tous deux. Si l’ancien Maire avait fini par se lasser de la conquête flagrante du pouvoir, il semblait s’être trouvé une satisfaction différente en se concentrant sur la manipulation des esprits. L’important restait qu’il était revenu dans la ville et quand bien même ils n’avaient jamais perdus contact, Preminger songeait qu’il préférait tout de même se trouver en sa présence. Dans leurs petites distractions nocturnes flottait toujours dans l’air une ambiance particulière à la limite entre l’effroi et la braise. Le soleil, véritable boule flamboyante et cramoisie dans le crépuscule ne le ferait pas démentir. Il semblait que l’astre diffusait cette aura rougeâtre et sanglante jusque sur les troncs d’arbre les arbuste qui composaient le bois. Le tout se révélait sinistre et splendide à la fois, de ces ciels que Preminger affectionnait tout particulièrement. Il fit ralentir Stendhal, apercevant la silhouette fine du psychiatre. Il se trouvait déjà là, ponctuel et attentif. Descendu de son destrier, il scrutait les environs, aux aguets, avec une lenteur féline, revêtu de pièces sobres et sombres, à son image. Presque se fondait-il parfaitement dans le paysage, long et fin, immobile. Sans répondre à son observation quant à la légère attente qu’il lui avait imposée, Erwin attrapa les lanières d’une seule main, pour lui adresser un salut courtois de l’autre main, dans sa direction, sans pour autant prendre la peine de descendre.
- « Mes hommages, mon cher Aloïsius. Loin de moi l’envie de vous faire patienter...je craindrais trop que vos pas puissent croiser une compagnie déplaisante… Et je serais fort désappointé de ne pas faire acte de présence à vos côtés pour l’en châtier promptement. » Il avait dodeliné de la tête « Oh, vous savez ce brave Jérémie préfère flairer les menus butins et laisser la chasse à d’autres instincts plus experts en la matière. Je crains en plus qu’il n’aurait pas été d’une si plaisante compagnie que vous pouvez l’escompter.. »
Son regard s’était porté sur l’horizon rougeoyant, une nouvelle fois, savourant cette atmosphère presque attentive et tremblante. L’odeur des bois. L’odeur du mystère. S’il restait mondain, cette atmosphère abrupte, vide de mouvements lui rappelait son passé. Au lointain, la demeure blanchâtre se paraît d’une nuance saumon, tandis que ses fenêtres luisaient sous le couchant. Comme un appel. Un phare qui les appelait, préparant la nuit. Il s’était tourné, observant Aloysius se jucher sur son cheval, et lui sourit avec plus d’entrain lorsqu’il se trouva à sa hauteur. Sur son épaule, une lanière de cuir noir retenait une sacoche mystérieuse, solidement maintenue. Le reste des habits se révélaient élégants et pratiques. Suffisamment qualitatifs pour plaire au notaire. Le psychiatre était un individu de bon goût, il devait l’admettre. C’était le critère qui justifiait en partie leur si bonne entente même s’il ne possédait la fougue vestimentaire quelque peu ostentatoire qu’affectionnait Preminger. Si bien que même pour cette occasion toute simple, il avait choisi matière et tenue avec le plus grand des soins. De longues bottes noires luisaient, mangeant l’ensemble de ses mollets élancés pour en souligner le galbe. Elles s’arrêtaient sagement dessous de ses genoux, dévoilant un pantalon de chasse d’un vert sombre de la même couleur que le gilet qu’il arborait, rehaussant une chemise blanche immaculée. Une cravate d’une nuance plus vive soulignait le blanc et une veste matelassée d’un bleu marine profond couvrait l’ensemble. Pour marquer le tout, il avait sanglé sa taille d’une ceinture du même éclat noir que ses bottes, parcheminant l’ensemble d’une paire de gants semblables. Autour de son cou, un foulard de soie d’un vert tendre le protégeait néanmoins de l’âpreté du vent du soir. A cette exception près, les nuances de couleur se voulaient sombres, propices à la dissimulation mais demeuraient pour autant sublimes. Ou du moins...l’homme qui les portait l’était. Et Aloysius, en bon esthète ne pouvait manquer de le remarquer. Alexis l’avait trouvé superbe, mais elle le trouvait toujours très à son goût, cela allait de soit. Il n’avait pas précisé à la jeune femme qu’il effectuait cette petite promenade nocturne en la compagnie de son si guttural « ami », ayant observé que la jeune femme ne le portait guère dans son coeur. Cela n’aurait pas manqué d’éveiller sa perspicace attention et il souhaitait que la jeune femme soit tenue la plus éloignée possible de ces machinations crépusculaires. De toute manière, elle ne manquait pas d’autres activités des plus « passionnantes » en ce moment. Il crispa les lèvres un bref instant, agacé puis remisa cet état courroucé aux confins de son état d’esprit, il ne désirait pas que ces quelques fraîches nouvelles ne viennent gâter son humeur. Non… Après tout, il avait besoin d’exorciser.
- « Aaaah mon cher, je suis, on ne peut plus en joie de votre retour parmi nous, Storybrooke manquait...de bon sens. » il donna un coup de talons à son cheval, le mettant au petit trot, se mettant à chevaucher aux côtés du psychiatre, l’esprit encore teinté de ses tergiversations internes « Je vous préviens, ce soir, mon instinct me dit que je vais raffoler du petit gibier... »
Un rictus cruelle s’était dessiné sur sa bouche pleine. L’autre ne devinerait pas. Mais lui se comprenait. Il ne comprenait que trop le quotidien tortueux qu’était devenu sa vie depuis….l’Erreur. Les pensées macabres qui s’échangeaient quotidiennement, se mêlant avec son acceptation apaisée. Il avait beau avoir admis cela ne calmait pourtant pas la haine. Ce qu’il avait ressenti pour l’Erreur avait été apporté de l’Avenir. Quand l’aberration, l’effroi avaient déserté son corps et son âme, lui permettant d’en admettre la survenue, la haine avait demeuré. Le souvenir vivace de la manière dont se mouvait la figure qu’il connaissait trop bien. Secouant la tête, il releva les yeux sur le visage de son « ami », ses yeux s’arrêtant sur sa mâchoire longiligne, acérée comme une lame de rasoir. Même ses cheveux bruns, encadraient, pendaient le long de son front, renforçant ses pommettes creuses. Une énigme un peu sinistre à lui seul. Aloysius était lugubre là où Preminger se révélait flamboyant. Mais dans ces situations, le psychiatre semblait s’éveiller à une force différence et puissante. Ses sens entraient en action. Peut-être avait-il perdu du poids depuis son départ, difficile de le dire, Aloysius était un individu très à cheval sur la nourriture. Il se vantait de ne manger que le meilleur, esthète jusqu’au-boutiste, comme le faisait remarquer Georgia avec un sourire d’indulgence. Preminger trouvait, quant à lui, cela à la fois fantastique et parfaitement désuet. Après tout, ce n’était à l’origine qu’un lion. Un monde de se plaindre de la nourriture humaine lorsqu’on mangeait à l’époque de la viande crue… Mais cela révélait sûrement une volonté du psychiatre de s’exclure de l’image de son passé. En attendant, il demeurait néanmoins plus athlétique que son apparence déniait le laisser présager. Ce qui s’avérerait utile ce soir :
- « J’ai appris que mon épouse a repris ses séances. Où en est-elle ? Je pense, mais arrêtez-moi si je me trompe, que nous avons avancé quant à l’acceptation de la mort de sa fille, non ? Elle me l’évoque plus facilement depuis une bonne année. » il avait sourit ravalant la plaisanterie qui lui frôlait les lèvres de souligner que peut-être la thérapie avançait plus facilement sans lui. A vrai dire, il ne voyait pas cette consultation comme une vraie aide psychiatrique mais comme une source d’informations utiles. Le départ d’Aloysius avait causé une petite source d’avancées à l’aveuglette mais Preminger connaissait suffisamment son épouse pour ne jamais en perdre le contrôle « Vous avez manqué beaucoup de choses, mon cher. Mais je suis sûr que l’inverse doit-être vrai, je ne conçois pas que vous puissiez avoir perdu votre temps…Vous devez m’en entretenir, d’ailleurs. »
Il manœuvrable habilement pour contourner un arbre, désignant quelques traces de la main creusées fraîchement dans la terre, en faisant la moue :
- « Des sangliers… Par pitié, Aloïsius, ne suivez pas d’habiles perspectives qui vous lanceraient à leur poursuite, nous avons une piste bien plus appétissante et ô combien moins risquée... »
Il n’appréciait pas les sangliers, ces bêtes chargeaient dangereusement au mépris de toute logique et leur rencontre s’avéraient souvent mortelles, mieux valait s’écartait du chemin que ces bestioles avaient empruntés, quitte à rejoindre les abords de la demeure par des moyens plus détournés. Bien que les oiseaux opéraient leur petit répertoire, il lui semblait percevoir, au loin, le bruit des groins et des sabots… La vision d’un troupeau leur fonçant dessus le fit frissonner. Pâques pointait le bout de son nez mais il ne souhaitait guère être le mets sacrificiel offert pour l’occasion. D’ailleurs, il pariait que le psychiatre avait apprécié la symbolique toute christique de la soirée. Après tout, leur soirée n’était-ce pas une certaine forme d’Art ? Ils faisaient leur offrande vermeil à l’orée du renouveau. Avec adresse, il avait opéré un léger recul, dirigeant son cheval vers l’opposé. Il avait sourit au psychiatre tandis que les bosquets s’épaississaient, sous l’appel, un lièvre passant apeuré avant de ricaner complice:
- « Le loup toujours retourne au bois... »
crackle bones
[/quote]
Aloysius Black
« Before we begin, I must warn you... NOTHING here is vegetarian. »
| Avatar : Mads Mikkelsen
Sweet dreams are made of this...
Who am I to disagree ?
| Conte : Le roi Lion | Dans le monde des contes, je suis : : Scar
“Le diable est diable parce qu'il se croit bon” - Ramiro de Maetzu
S’il y avait bien une chose qui n’avait pas tant manqué à Aloysius durant son année par-delà les murs de Storybrooke, c’était le flot de paroles incessant d’Erwin Dorian. Si l’homme se montrait d’une compagnie plaisante quand il s’agissait de fendre la moralité apparente ou faire quelques discours piquants et acides sur certaines personnes du “petit peuple”, il n’en demeurait pas moins que cet homme avait la langue bien pendue. Si pendue que le psychiatre c’était déjà figuré que c’était l’un des morceaux dont il le délesterait s’ils en arrivaient un jour à ne plus être “ami”. Pour le moment en revanche, il n’en était certes pas questions et il était remonté sur son cheval, non sans un léger sourire moqueur et compatissant pour le verbe dont il avait fait preuve aux premières minutes de leur rencontre. Au moins avait-il pris garde à alléger légèrement sa garde-robe dans son coloris. Il lui arrivait parfois de tels extravagances qu’Aloysius était certain qu’ils auraient pu être repérés à l’autre bout de la ville avec l’une d’entre elle usée en ce début de soirée.
Il avait salué ses premiers mots d’un hochement de tête lent et d’un sourire amusé. Si le notaire était largement plus dégoûté par les effusions de sang que le docteur Black n’en serait jamais, il manifestait pourtant un enthousiasme à tout épreuve à l’idée de l’accompagner dans leurs sombres desseins. Le débit de parole de Banzaï et l’entrain d’Ed, combiné dans cet homme à l’allure des plus... “lumineuse”. Le voilà presque de retour sur la Terre des Lions. Il ne manquait plus que Shenzi... Shenzi. Ne lui en tenant pas rigueur car le sachant bien plus intelligent que ne pouvait l’être les deux hyènes, il l’avait écouté parler de Jérémie avec une certaine délectation qui laissait présager qu’il n’était peut-être pas non plus étranger à son absence dans ces bois. Il avait poursuivi son discours sur son retour et la tournure de sa phrase l’avait envoyé vers d’autres souvenirs, pas si lointains que cela, auprès d’une jeune reine qui pensait à peu de choses près la même chose à son encontre et qui lui avait aussi proposé une balade à cheval, avant de se raviser à cause de la pluie. Cette pensée fit naître un sourire aux coins de ses lèvres tandis que d’un même coup de talon que celui d’Erwin, il avait lancé son cheval au trot également. Un doux ricanement était sorti de sa gorge en entendant son enthousiasme supplémentaire à propos de la chasse. Il n’était pourtant pas question de “petit gibier” ce soir mais bien plus d’un gros morceau bien appétissant. Il percevait dans le ton du discours un sens caché qu’il ne parvenait pourtant pas à expliquer pour le moment. Se refusant à la curiosité mal placée, connaissant suffisamment le notaire pour savoir que tout viendrait en temps et en heure, il se contenta de commenter :
— Alors si c’est le petit gibier qui vous intéresse, mon cher, nous ne manquerons pas d’en ramener une pièce à la douce Georgia...
Il avait laissé planer le nom de sa femme avec une voix veloutée, espérant quand la conversation dévie facilement sur sa blonde femme qui semblait quelques peu soucieuse depuis plusieurs mois. Sautant sur l’occasion, Erwin en avait profité pour railler ses capacités de psychiatre, ce qui n’avait pas manquer de faire rire ce dernier avec douceur, acceptant la boutade non sans pour autant ne pas lui rendre la politesse :
— Mon cher ami, vous qui vous vantez de vos incroyables capacités sur l’esprit humain, il vous semble pourtant que nombre de ses ressors vous soient bien étrangers. Je suis en revanche ravi de savoir que cette chère amie se sente bien plus prompte à parler de cette pauvre fille.
Les thérapies prenaient du temps. Il n’était pas vendeur de solution, il était vendeur d’ouverture d’esprit. Venir chez un psychiatre avec l’idée incongrue qu’il suffisait de payer pour repartir avec une dose de bien être était absolument stupide. A sa façon, c’était ce qu’avait plus ou moins insinué le notaire. Comme si cette thérapie était bien plus efficace quand il n’était plus là. Mais le travail de l’esprit humain était bien plus insidieux, prenait du temps et un maître de la manipulation devait pourtant le savoir... C’était sans aucun doute l’impétuosité qui rythmait la vie de son “ami” qui le poussait à ne plus voir toute la patience dont il avait pourtant lui aussi dû faire preuve pour apaiser la reine puis... sa femme. Il l’avait vu s’ouvrir petit à petit lors de leurs séances, il la savait prête à éclore à son départ, l’idée qu’elle y soit parvenu l’emplissait d’une certaine félicité. C’était sans doute pour cette raison qu’elle avait accouru une nouvelle fois dans son bureau à son retour, à la recherche de nouvelles éclosions que le jardinier qu’il était faisait naître dans son esprit.
— Soyez assuré que je vous entretiendrais de tous mes petits voyages à travers le monde quand nous en aurons l’occasion. Il me semble que vous aussi vous avez quelques nouvelles à m’annoncer...
Il avait coulé son regard vers lui, élargissant ses lèvres fines d’un sourire entendu. Plus que les vaisseaux sanguins de ses yeux, il pouvait percevoir dans le mouvement maintenant qu’ils étaient assez proches à trotter ensemble, un nouveau parfum dans leur environnement. Celui du notaire avait toujours été d’une certaine puissance, comme une signature odorante de son passage parmi les gueux, comme un besoin hurlant de spécifier son passage. L’égocentrisme de cet homme était si délicieuse qu’il gardait en tête une bien belle envie d’aller farfouiller dans son cerveau. Il n’en faisait pourtant toujours rien car la présence de cet individu lui était pour le moment bien plus plaisante en vie que mort. Pourtant, derrière ce parfum qu’il le signait à la perfection, il y avait quelque chose de plus doux, plus mystérieux, plus effacé qui semblait roder. Il savait devoir s’approcher un peu plus pour pouvoir aller au bout de son analyse mais déjà Erwin s’était agité, lui montrant quelques traces qui se rapportaient sans aucun doute au sanglier. Il avait haussé un sourcil amusé et interrogateur lorsqu’il lui avait prié de ne pas se lancer à leur poursuite. Pourquoi diable ce serait-il mis à la recherche de ces porcs quand le seul qui valait vraiment sa délectation se trouvait entourés des murs blancs de la bâtisse qu’ils s’évertuaient à rejoindre ? Avait-il tenté de noyer le poisson ou était-ce simplement sa propension à faire la conversation au-delà de ce qu’il était nécessaire ? Il s’était contenté d’hocher la tête d’un air entendu :
— Je vous assure, très cher que nos amis à groin ne m’attirent aucun intérêt présentement. Passons plus loin puisque vous semblez le désirer.
Avait-il eu une mauvaise expérience avec l’un d’entre eux dans cette vie ou dans la précédente ? Dorian ne semblait pas spécialement entiché de l’espèce à la vue de sa grimace et de sa rapidité à diriger son cheval sur un autre chemin. Il l’avait suivi docilement, ne se sentant pas personnellement menacé par l’espèce bien qu’il comprît l’inquiétude de voir charger une telle masse face à eux. Le lapin qui suivit sembla en revanche l’amuser beaucoup plus et dans son amusement, Aloysius avait eu l’occasion de s’approcher un peu plus de lui afin de se pencher dans sa direction et humer un peu plus l’odeur derrière son parfum. Aussi sournoise était-elle, il finissait par en démasquer les différentes notes jusqu’à ce que le visage de sa propriétaire, aussi sournoise que l’était son effluve. Sa mâchoire s’était machinalement resserrée tandis qu’il se reculait quelque peu pour observer Erwin avec un peu plus d’attention. Les notes prononcées d’épices, de l’ambre et de la rose turque, une odeur significative, que peu portaient dans la ville. Cette odeur était si profondément ancrée sur celle du psychiatre qu’elle n’aurait pu y être déposée que par une tendre étreinte quelque peu... prolongée. Un instant charnel ? Avec... elle ?! Cette pensée le gorgea brusquement d’une amertume et d’un dégoût. S’il y avait bien une personne dont il rêvait de faire disparaître le visage sournois de la surface de la terre, c’était bien cette gamine. Et l’idée même qu’il ne puisse pourtant pas agir sans risquer sa couverture l’en rendait presque malade. Il se remémorait alors les conversations avec Georgia Dorian, ses craintes de le voir brusquement depuis un certain temps travailler si tard et si souvent... fort à parier que ce n’était pas des dossiers qu’ils tâchaient de besogner.
A cette pensée, un ricanement était né dans sa gorge pour se déployer de plus en plus puissamment, ne cherchant pas à se cacher du comique de la situation. Cette fille était à ce point malpolie qu’elle en parvenait à briser un mariage déjà soutenue par très peu de vœux sincères. A moins qu’elle n’en soit nullement au courant ? Qu’y trouvait-il dans cette relation ? Voilà qui devenait brusquement follement intéressant...
— Mon cher ami... Je ne crains que vous vous soyez mis dans une panade sans nom. Et dire que votre chère épouse s’inquiète de vous voir travailler si tard. Vous semblez pourtant avoir des activités d’un autre genre...
Ils avaient continué à avancer sur le chemin. Le psychiatre avait prit garde à reprendre une bonne distante pour éviter de perturber les chevaux qui les menaient jusqu’à leur destination. Après s’être assuré que les bois étaient bien déserts, il tourna une nouvelle fois la tête vers lui avec un sourire entendu :
— Alexis Child ?! Vraiment ? J’espère pour vous que vous détenez une excellente raison à cette incartade. Non pas parce que je serai le moralisateur face à votre devoir marital, que mon amitié pour vous m’en préserve mais tout simplement parce que cette demoiselle me semble être une fouineuse sans nom...
Il prit un moment de silence pour l’observer, le laisser à son rythme. Son but n’était pas de le piéger mais de le comprendre. Il avait les traits tirés, sans aucun doute que la gamine y était pour quelque chose, elle savait se faire des plus ennuyante quand elle le désirait. La conversation du début de leur rencontre lui revint alors en mémoire.
— Était-ce donc de CE petit gibier dont vous parliez tout à l’heure ?
Comme pour faire bonne mesure de l’écho qu’il donnait à l’heure conversation, il avait mis pied à terre. Se rapprochant d’un buisson, il avait fini par y plonger la main brusquement pour récupérer à la volée les douces oreilles d’un lapin, ce même lapin qui les suivait craintivement depuis quelques mètres à présent. L’animal, terrorisé, se débattait frénétiquement entre ses mains mais Aloysius se contenta de le lever à la vue d’Erwin. Après tout, plus que leur petite affaire, il n’avait émis aucune plaisanterie en spécifiant qu’il faudrait sans doute ramener à Georgia de quoi satisfaire leur version. Et si cela pouvait lui permettre de lui expliquer ce que Child venait faire dans cette histoire, alors cela était parfait. Il faisait encore bien trop jour pour attaquer l’homme chez lui, autant s’occuper sur ce petit lapin en attendant. Et cela lui laissait également tout l'occasion toute son expertise sur des proies plus délicates, des fois qu'il lui vienne par la suite l'envie de lui demander de s'occuper de la fille de Regina.
crackle bones
Erwin Dorian
« If the crown should fit, then how can I refuse? »
| Avatar : Rufus Sewell
- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)
| Conte : Coeur de Princesse/Le Prince et le Pauvre | Dans le monde des contes, je suis : : Preminger
“Qui n'aime pas les loups n'aime pas la nuit pour ce qu'elle est, c'est-à-dire la face obscure de notre immense liberté.” - Serge Bouchard
Juché sur son cheval, Preminger se félicitait grandement de cette petite balade crépusculaire. Cela lui rappelait avec une nostalgie réelle, ses anciennes chevauchées, lorsque la nuit venue, il s’engouffrait dans les bois pour recueillir le butin chatoyant que ses complices avaient extrait… Les profits nocturnes existaient toujours, mais rien ne valait encore la sensation saisissante de l’or crépitant au creux de sa main. Les soirées en compagnie d’Aloysius Black possédaient en revanche une saveur particulière. Un goût illicite et d’inédit. Au-delà de tout profit, il s’agissait d’une distraction cruelle qu’il avait appris à pratiquer à Storybrooke. Aloysius avait la faculté d’être particulièrement diversifié en la matière, ce qui consistait pour un homme si propice à la lassitude tel que Preminger du pain béni. L’instinct animal primitif qui constituait l’ancien lion, le rendait redoutable à la chasse. Il avait beau se tenir avec la plus parfaite aisance sur sa selle, le notaire observait du coin de l’oeil l’entièreté de ses sens en alerte, tel un félin près à bondir sur sa proie avec une promptitude rapace. La tranquillité était une qualité principale du psychiatre, même si elle diffusait une fausse impression de sécurité à ses victimes. Il possédait une impressionnante facilité à l’attention tranquille, ce qui le rendait sûrement le déversoir idéal des patients en manque d’une oreille attentive. Et pourtant, d’instinct, en ce qui le concernait, Erwin savait qu’il ne lui aurait jamais rien confié. Il ne le faisait, à présent, que parce qu’il était certain de la teneur de l’individu qui se dissimulait face à lui, cheminant à son côté dans le clair-obscur que la fin de journée commençait à projeter le long des arbres. Il savait à qui il avait à faire, connaissait son emprise, sa personnalité, et parce qu’ils se reconnaissaient, ils discutaient avec bien plus d’aise. Il lui confiait sa chère Georgia, par plaisir de la savoir malléable à la merci d’une si exquise cruauté, par plaisir de savoir par cet intermédiaire délicat contenter le psychiatre. Jouer avec la souris devait être une satisfaction particulière pour le félin, mais observer ledit félin jouer avec la blanche souris possédait un attrait tout spécifique pour lui. Et en plus, il obtenait par un intermédiaire avisé, l’état psychique exact de son épouse… Il cogita les informations distillées. Ainsi, la pauvre souveraine se sentait inquiète de ses activités nocturnes. Pour sa propre santé évidement… Guidant son cheval sur le sentier boisé, il avait néanmoins écouté avec une attention toute particulière Aloysius déclamer son analyse, notant la présence proche du psychiatre, tandis qu’ils avançaient, sondant les traces. Les bois s’épaississaient et il veilla à ce que la proximité de l’autre destrier n’alerte pas Stendhal outre mesure, tandis qu’Aloysius humait les environs… « Un vieux tic de son ancienne condition ». Mais cela se révélait souvent efficace. Midas pouvait bien s’en offusquer, l’odorat du fauve demeurait par le sang affuté d’une précision supérieure. « Où donc se cache ce piteux gibet ? »… Il imaginait le lapin tapi non loin d’eux, les sens en alerte, pris au piège... Il contournait un chêne, écoutant le silence bruissant des fourrés lorsqu’un rire se laissa entendre, sortant comme mal contenu du corps pourtant si maitrisé du psychiatre, ce qui occasionna un froncement de sourcil agacé de l’Ancien Ministre. Bien qu’il n’était souvent pas en reste, lorsqu’il s’agissait de ricanement sonore, il était plus avisé de contenir tout prix anormal qui aurait pu alerter leur proie et l’éloigner de leurs griffes. Mais plus que rire, le psychiatre parla ensuite, décrochant l’intérêt du notaire.
– « Une panade sans nom ? » répéta-t-il les yeux scrutant le sol à la recherche d’empreinte.
Il était extrêmement rare d’entendre son « cher ami » se plier à l’emploi d’une expression familière, cela était si singulièrement anormal qu’il dénia lever les yeux de sa chasse, pour contempler le visage long et acéré de son comparse. Il y avait dans l’insinuation qu’il ajouta quelque chose de...différent, à la limite d’une goguenardise acide malgré tout. Comme si l’allusion, bien que provoquant l’amusement, titillait le psychiatre d’une manière plus irritable.
– « Aloysius, puisque vous n’ ignorez rien des quelques menus larcins que je commandite la nuit…j’échafaude que vous faites donc référence à une frasque plus lascive dont je comptais vous livrer l’intrigue cette veillée même ! »
Il ajouta une toquade mystérieuse du coin de l’oeil à destination du sombre psychiatre, pour ponctuer son discours, puis détourna la tête dans un sourire acéré, pour encourager Stendhal à avancer encore. Depuis qu’il s’était mis au polo, il avait acquis cet animal, le plus beau dans son genre et il devait convenir qu’il réagissait à merveille… Il fronça les sourcils, cherchant une trace même infime du petit animal sûrement blotti entre les fourrés.. Il aurait tôt fait de le débusquer, ce frêle petit être… Un rictus déplaisant se formait au creux de ses lèvres. Puis, releva la tête. « Alexis Child, vraiment ? ». Un petit rire s’éleva de sa bouche, se répercutant légèrement aux alentours :
– « Oh Aloysius, mon cher, vous êtes toujours si admirablement sagaaaace ».
Comment ce cher psychiatre avait-il pu le deviner ? Il supposa une première fois qu’il l’avait peut-être fait l’objet d’un suivi discret de sa part avant de s’en raviser, non… Non, de ce qu’il en disait, cela semblait peu probable, puisqu’il ignorait visiblement tout des tenants et aboutissants du caprice… Il assimilait la jeune femme au petit gibier Et en cela, Erwin s’en félicitait. Il aurait été bien déplorable que les passionnantes péripéties dont il comptait bien l’enseigner soit avéré tuées dans l’oeuf. Il supposait donc que la déduction s’était faite, par un moyen bien plus simple et pourtant propre à Aloysius… Il se remémora sa proximité, sa manière de humer l’air et son incroyable flair. Se pouvait-il qu’il ait seulement reniflé la trace d’Alexis ? Si cela était...cela s’avérait à la fois incroyablement effrayant et passionnant. Une de ces étonnantes facultés venue de son ancien être… Comme pour le confirmer, le psychiatre se laissa glisser subitement de sa scelle, entreprenant une prudente avancée. Les brindilles se pliaient sans bruit sous ses bottes, tandis que sa silhouette se mouvait élégamment. Sans interrompre sa contemplation, Erwin mis pied à terre, laissant Aloysius mener sa chasse jusqu’au bosquet le plus proche. Le psychiatre s’y pencha, promptement, pour y tirer avec adresse par les oreilles, le lièvre terrorisé, qui bondissait vainement entre l’étau redoutable de ses doigts.
– « Merveilleuse prise, très cher » s’enthousiasma le notaire en applaudissant théâtralement, pour mieux jauger l’animal plutôt gras « Superbe. Il sera SAVOUREUX. Vraiment… Oh, en réalité, mon ami, il y a bien à en dire… Mais il est inutile de me mettre en garde sur la nature pour le moins fouineuse de cette douce libraire, je m’en souvenais… Mais il est vrai, que j’en ai fais, récemment, la démonstration. Presque les frais... »
Le souvenir avait invoqué un réel sourire amusé sur son visage, il avait esquissé quelques pas pour s’adosser à l’arbre, y relevant la jambe dans une posture altière, sans dévier les yeux de la proie qui gigotait entre les mains redoutables du prédateur fait homme. Puisqu’il plaisait à Aloysius de s’amuser comme d’ordinaire, il préférait observer, de toute manière, son attention s’était transportée dans le récit qu’il comptait livrer à son ami et qu’il devinait subitement faire l’objet de bien plus d’attention que l’animal vaincu et capturé. Aussi reprit-il du ton de la confidence affectée, un grand geste désinvolte s’emparant de son poignet :
- « Voyez-vous, cette imprudente se promenait au crépuscule tombant à l’orée d’une forêt où je tenais mes affaires. Elle a, pour le moins surpris...une certaine transaction et s’est hâtée de griller deux de mes hommes...Ils se sont fait incarcérer, car encore a-t-elle eu la bonté de les laisser en vie… La mort m’aurait arrangée.. Une moindre perte, entre nous, ils n’étaient guère essentiels, de la peccadille bon marché… J’aurais Mais elle devait intervenir à leur procès et restait persuadée que l’Instigateur courait toujours. Elle avait informé la police de l’existence d’un troisième homme, leur chef. Aussi ne pouvais-je pas anéantir ces gredins inutiles sans attirer la véracité de son témoignage… Voyez-vous mon cher Aloysius, elle ne m’avait pas vu. Aussi, l’ai-je...disons, conviée à mon bureau...pour une affaire tout bonnement "anodine" en l’occurrence, mais ô combien angoissante pour elle… La perte potentielle de son appartement. J’ai feint un chantage par un obscur gredin à mon service que j’ai fait passer pour l’Instigateur et me suis moi-même fait victime de chantage. Vous auriez vu quelle plaisante petite manigance ce fut là, j’y ai mis des artifices DIVINS. Et elle en a ajouté d’ailleurs. » sa voix s’était tenté d’une légère aigreur alors que l’image d’Hera bondissant dans son étude se rappelait à sa mémoire, il poursuivit néanmoins « C’était un piège admirable, un travail d’orfèvre et rien de plus délicieux que d’y assister en « aimable spectateur... » à cette cruelle embuscade. »
Il avait relevé l’œil du lièvre apeuré, pour dévisager Aloysius, reprenant :
– « J’aurais pu achever cette mignonne jeune femme, j’ai préféré, ce jour-là, jouer pour la mettre à ma merci...Et voilà qui fut une merveilleuse fortune. Vous avez toujours eu du flair pour saisir autrui, j’ai toujours eu l’oeil particulièrement expert en ce sens… J’ai décelé ce jour-là, un très bon instinct et un excellent potentiel, mon cher. Que j’ai décidé d’exploiter… Les événements qui ont suivi en ont un peu...étendu le champ d’application de ma méthode, comme votre instinct l’a si brillamment débusqué… Pourtant, calmez vos inquiétudes, mon ami, le Ciel m’est témoin, je ne suis guère un adepte d’un marivaudage appuyé, encore moins d’incartades imprudentes... »
Il s’était détaché de l’arbre, s’était accroupit pour tâter d’un doigt expert le pelage d’un brun fauve de l’animal, sentant ses muscles se tordre sous son toucher
– « Elle furète énormément là où il ne faut pas, mais j’admets adorer cela. Elle est très habile.Je prends énormément de plaisir à la voir s’y prêter, s'y risquer.. Aussi à lui distribuer, mêler ou ôter des cartes… » il avait relevé un regard pernicieux vers la silhouette froide d’Aloysius s’attardant sur les jointures de ses mains, jusqu’à sa musculature tendue, aux abois du sang pour roucouler « Mais vous vous méprenez, my deaaar, Enora n’est pas mon gibier. Vous semblez défavorablement surpris, mon cher, que ce mon dessein m’amène à ce qu’elle m’ouvre sa couche, mais c’est à tort… Croyez-moi, je puis vous assurer qu’au-delà de la compagnie de charmes succulents que m’offrent ce libertinage opportun, cette jeune femme possède un réel intérêt propre à la hauteur de son discernement. Soyez rassuré. She was waiting for ME, and I found something inside her. Oui. Je détiens une excellente raison, Aloysius, oui j’ai vu et je vois quelque chose. »
« De bien plus grand encore… une Vision d’ailleurs. » Mais il ne l’avait pas ajouté. Ses yeux s’étaient infiltrés dans ceux, aux relents sombres du psychiatre, pour aller au-delà. Dans le Futur qu’il avait vu. Ce qu’il avait toujours désiré, la Couronne, son Ascension pleine. L’exercice du pouvoir qu’il avait obtenu n’avait pas tenu à Alexis, mais elle y avait contribué. Et au-delà de toute considération d’ambition, il appréciait sa compagnie bien plus qu’une simple effusion charnelle, l’étreinte n’était pas le but, elle était l’agrément exutoire qui rythmait...oui, une réelle liaison, tordue certes, mais réelle tout de même et il avait pris conscience récemment. Il en ressortait quelque chose, quelque chose qui allait au-delà de la manipulation originelle qu’il avait projeté. Une conversion, sûrement, à sa cause, un engagement surtout. Évidemment, Aloysius ne comprendrait pas cela, ou mal. Il avait suffisamment étudié l’individu pour constater qu’il était...éloigné des choses du monde comme autrui. Cela lui conférait un intérêt tout propre selon le notaire, qui appréciait cet écart avec le reste de l’humanité, lui qui s’en sentait éloigné à sa propre manière.
– « Vous savez à quel point, je raffole de la complexité, Aloysius… Encore plus de la créer. Il n’y a rien de plus plaisant que les rouages délicieux des intrigues qui se lient et se resserrent autour d’individus pris au piège. Néanmoins… Il peut s’avérer que certains chemins amènent à la naissance de détestables anicroches. Contournables, insignifiantes, certes, mais ô combien déplaisantes.. Si Enora n’est pas mon gibier… » il s’interrompit pour décrier plus sèchement « cet animal ne souffre pas assez » puis poursuivit dans un sourire torve « L’être..qui croît en elle, l’est. »
Il avait relevé les yeux vers ceux d’Aloysius, pour sourire à la compréhension qui fait corps chez le psychiatre, un tic nerveux secouant le creux de sa bouche sous les gémissements de l’animal qui recouvraient à présent les bruits alentours.
– « OUI. » confirma-t-il avec une moue dédaigneuse « Vous pouvez féliciter de votre clairvoyant conseil, bien que tardif – je ne vous en tiendrais pas rigueur vous étiez au lointain et je dois cette déplorable venue à une unique vigilance omise - MAIS évitez l’inquiétude amicale qui vous guette et vous étreint le coeur : cela ne nuira en rien à mon mariage… Ma chère...épouse demeurera mienne et ce qu’elle détient aussi.» il s’interrompit pour ajouter prestement « Si vous désirez tuer cet animal, je vous en prie… » poursuivit « Au départ, mon innocente Alexis croyait naïvement en mon superbe célibat, pensait que « j’attendais je suppose l’Amour et me nourrissait de tranquillité » il avait rit « Elle aurait sûrement aussi plongé dans un cas contraire, mais avec bien plus de difficultés que la première fois. Il aurait fallu conquérir son cœur d’abord, là où il a suffi de laisser mon charismatique attrait dévorer ses sens… Après tout, vous savez à quel point, mon cher, je suis redoutablement séduisant pour autrui, qu’il est inné pour moi de susciter cohésion et dévotion… Mais je m’égare un peu. Toujours est-il qu’elle a appris ma « tragique situation maritale » et s’en est accommodée avec une surprenante simplicité. Tout comme elle s’est aisément accommodée de mon désir de ne pas me mêler avec profusion à mon engeance. Cette capacité-là, en Enora, est remarquable...»
Il s’était détourné un peu, pensivement, les nerfs à vif. Il ne parvenait pas à en vouloir durablement à Alexis de s’être laissée conquérir par l’Erreur qui grandissait en elle. Il...comprenait qu’elle puisse désirer le garder. Il avait admis son existence et admis aussi tenter de ne pas le laisser grandir sans lui… Il n’empêchait que cela avait fait croître une réelle frustration de colère à l’encontre de cet enfant. Le formuler devant Jérémie était une chose, comme se parler à soi-même. Le verbaliser devant Aloysius, une autre… D’autant que le second n’était pas, à la différence du premier, responsable de cet honteux et colossal malentendu. Et que tout aussi adorable pouvait être son caniche, il se trouvait bien moins dédaigneux des situations humaines. Ce soir, il désirait avant tout, projeter et relâcher quelques colères à ce sujet. Et quel merveilleux moyen que de le faire aux côtés de ce si suavement sordide compagnon ? S’approchant des fourrés, il y déposa promptement sa botte, arrachant un glapissement soudain à l’animal qui s’y dissimulait :
– « Oh see, my dear ! An another one… Splendide.. » il y maintint son talon, puis se baissa pour ramasser l’animal le brandissant à ce cher Aloysius « Georgia...aura sa flopée de basse-venaison…Louée soit-elle ! » s’exclama-t-il, ses doigts crispés autour de l’être qui se débattait, il maintint un instant sa pression, puis déclara soudainement lassé de trop de simplicité « Mais nous, que nous chaut le menu butin, Aloysius ! A quoi bon s’attarder et lui donner du crédit » D'un geste, ses mains brisèrent d’un coup net cou de l’animal, tandis que ses yeux s'écarquillaient. Puis, subitement, dégoûté de tenir entre ses paumes le cadavre d'un animal mort, il le laissa choir non loin de leurs chevaux, se massant les mains dans un geste précieux de dédain, "Quelle atroooooocitééé..." soupira-t-il dégoûté, puis alors que ses yeux se relevaient jusqu'à ceux du psychiatre, sa bouche s’étira dans un sourire mauvais « Il me tarde de passer au plat de résistance, my dear ! Voilà un appât bien plus propice à l’amusement ! »
crackle bones
Aloysius Black
« Before we begin, I must warn you... NOTHING here is vegetarian. »
| Avatar : Mads Mikkelsen
Sweet dreams are made of this...
Who am I to disagree ?
| Conte : Le roi Lion | Dans le monde des contes, je suis : : Scar
“Le diable est diable parce qu'il se croit bon” - Ramiro de Maetzu
Erwin semblait littéralement ravi de son lapin de garenne. Pas tant celui qu’il avait dans les mains et dont il s’apprêter à tordre le cou avec un certain dégoût mais celle qu’il avait choisi pour partager lascivement son lit, lors d’escapades de son mariage qu’il devait sans aucun doute considérer comme “bien méritées”. Après tout, cela faisait des années qu’il tournait autour de cette “Couronne” pour en caresser uniquement les contours, sans jouir véritablement de la compagnie de la douce blonde qui la représentait. Aloysius pouvait-il lui en vouloir ? Et pour que sa délicieuse épouse à la vue plus que discutable commence à avoir des doutes, cela signifiait véritablement qu’il devait s’en amuser comme un petit fou. Qui aurait cru que Miss Child puisse être une telle distraction constante pour le vorace rapace qu’était son “ami” ? Pas lui sans aucun doute, mais il avait su discerner chez la brune des qualités que le psychiatre n’était pourtant pas parvenu à approcher. De son intelligence et sa finesse d’esprit, il n’y avait vu que les traits rudes d’une curiosité mal placée et bien place utilisée. Des tours de passe-passe tout du moins à peine satisfaisant et des mises en bouche et des transitions qui laissaient fortement à désirer. Déplaisante petite créature. Pourtant Dorian y avait vu son propre plaisir, tant dans sa réflexion que dans les mouvements de son corps et si cela lui convenait, ce n’était pas à lui d’en juger, simplement le mettre en garde face au gouffre d’absurdité que pouvait lui réserver la fille de Regina.
Même s’il était loin de partager son avis au sujet de la brune, à mesure qu’il lui expliquait, Aloysius pouvait entrevoir ce qui avait fait qu’un être aussi appréciable qu’Erwin, toute mesure gardée, puisse s’enticher d’une personne aussi détestable. Il fallait bien avouer qu’entre Alexis Child et lui, l’instinct avait plutôt été direct, voire animal. Il avait vu dans ses yeux l’éclair des gerbilles qu’il prenait plaisir à terroriser avant de dévorer sur la terre des lions. C’était le règne animal ou le “cycle de la vie” comme son abruti de père et son précieux Mufasa prenaient plaisir à l’appeler. Alexis Child n’était qu’une minuscule gerbille, programmée pour reconnaître le prédateur en lui et le craindre. Elle s’était méfiée de lui à l’instant où leurs regards s’étaient croisés avec une telle puissance qu’il n’avait jamais pu ni vu l’attrait de creuser derrière cette première couche de mépris mutuelle. Pourtant, Erwin semblait y avoir découvert des choses intéressantes que ses lèvres taisaient pour certaines tant la commissure de ses lèvres frémissaient d’excitation. Il ne pouvait lui en vouloir de tout lui livrer, après tout, lui non plus ne le faisait pas.
— Et bien et bien... si j’avais pu ne serait-ce qu’imaginer qu’elle puisse vous transporter à ce point. Pauvre Georgia, je comprends nettement plus son inquiétude.
Il lui avait lancé un sourire en coin, complice et mauvais. Erwin avait toujours beaucoup aimé s’entendre parler. Rien de ce qui se raccrochait à lui était détestable ou méritait un tant soit peu de retenu, selon lui. Un cas d’école rare et follement intéressant pour le psychiatre. Il n’était donc pas rare de l’entendre jacasser tel ce bon vieux Zazu des minutes durant. Mais il y avait dans son discours une verve nouvelle, une excitation et un amusement sincère qu’il n’avait jamais vu manifester lorsqu’il s’agissait de parler de sa douce épouse. Sauf peut-être quand il était question de la rouler d’une façon ou d’une autre. Plus que d’être une pique, sa remarque démontrait une connivence, un respect pour ce qu’il croyait voir en la brune même s’il ne partageait pas son intérêt.
La nouvelle suivante en revanche gagna tout son intérêt. “Enora n’est pas mon gibier”. Ainsi donc il lui arrivait de l’appeler par son second prénom. D’après ce qu’annonçait son état civil tout du moins, qu’il avait suivi avec un certain intérêt lorsqu’il était devenu maire. La raison de ce “surnom” restait pour le moment un mystère. Était-ce par pure vanité de se voir dans la possibilité de l’affubler d’un nom que plus personne n’utilisait ? Par esthétisme peut-être... après tout, Erwin y apportait un intérêt tout particulier et si “Alexis” avait un côté plus énergique et masculin, semblait beaucoup plus “récent” malgré ses racines grecques anciennes de par le fait qu’il était porté par une femme. Enora en revanche avait plus de prestance, faisait plus “racé”, une spécificité qu’il souhaitait peut-être pour la petite dévergondée.
“L’être...qui croît en elle, l’est.” Il comprenait alors soudainement tout l’intérêt qu’il avait à voir le lapin entre les mains du psychiatre souffrir. Les yeux rivés sur l’animal, il lui avait fait remarquer son manque d’action dessus tandis qu’Aloysius se contentait toujours de le tenir fermement. Ce n’était que du petit gibier après tout, la vraie prise commencerait bientôt et si Erwin avait une quelconque intention de ramener quelques larcins à sa femme, mieux valait-il encore qu’il le laisse intact. Il n’avait donc pas pris la peine de lui répondre sur le sujet, se qualifiant d’assez bon juge lui-même sur la situation pour avoir besoin de suivre ou non le conseil de son “ami”. Mais la suite de sa phrase avait tout révélé. L'ancien lion avait relevé un sourcil interrogateur lentement avant de laisser s’échapper de sa gorge un petit ricanement. Elle était enceinte. Révélant ainsi toute la perfidie contre laquelle le psychiatre avait tenté de le mettre en garde quelques secondes auparavant. Il avait tiqué sur le mot “panade” et pourtant, c’en était une belle. Une maîtresse fouineuse et enceinte de surcroît. Georgia avait beau être aveugle et aveuglée, Erwin jouait un jeu dangereux mais follement amusant pour le spectateur qui n’y avait aucune bille à y perdre. Son rire sournois à lui seul avait valu pour un “je vous l’avais dit” et le notaire l’avait bien pris comme ça, avec dédain et gardant la certitude pourtant qu’il garderait son mariage intact. Il avait reposé son attention sur le lapin, décidément bien à l’œuvre sur le transfert malheureux qu’il faisait entre l’animal et le fœtus qui croissait en elle.
— Vous êtes bien trop aimable de m’en faire cette délicieuse proposition, mon cher ami. Je vous en remercie, je crois que j’aurai bien été incapable de me décider moi-même sans cela...
La remarque était volontairement acide sans pour autant être hargneuse et vindicative. Une façon simplement délicate de lui rappeler qu’il ne comptait pas sur ses ordres. Que si son petit Midas avait tendance à lui obéir au doigt et à l’œil, ce n’était clairement pas son cas. Il ne le jugeait pas sévèrement pourtant, le toisait plutôt avec humour, concédant que l’image de ce ventre rebondi devait sans aucun doute ternir toute la scène qui se déroulait devant lui. Il le laissa finir tranquillement sa tirade, le lapin se débattant toujours.
— Oui remarquable, répéta-t-il en écho à la dernière phrase de son discours. Cette jeune fille s’est si bien adaptée à votre mariage mon cher, qu’elle s’est pourtant assurée, malgré elle, j’en suis convaincu (bien que son ton supposât l’inverse), d’avoir une place de choix et toute particulière que personne ne pourra lui retirer. Elle porte un enfant... le vôtre de surcroît... hors de votre mariage. Je ne doute pas du fait que vous lui ayez proposé d’avorter ? Et à la façon dont vous sembler vous acharner du regard sur mon lapin, mon cher ami, dois-je comprendre, qu’elle a refusé ?
Son sourire était plein de sous-entendu. Il refusait de croire qu’Erwin n’y avait pas pensé une seule seconde, il était bien trop intelligent pour cela. La question était donc de savoir ce qu’il pensait de tout cela maintenant et ce qu’il comptait faire... Pour toute réponse il s’était détourné à la recherche d’un second lapin. Il avait tôt fait de lui rompre le cou non sans un profond dégoût qui avait fait rire de plus belle Aloysius. Il avait alors rompu le coup du sien et les avait déposés tous deux dans un sac isotherme prévu à cet effet avec quelques glaçons pour laisser à Georgia le temps de la conservation. Suite à cela, il avait hoché la tête d’un air entendu et tout en remontant sur son cheval, il avait précisé :
— Nous devions attendre que le soleil soit moins haut dans le ciel et que le calme tombe sur la ville, je ne promets pas que notre gibier-ci sera toujours aussi silencieux à se faire tuer. Allons-y ?
Il attendit que son coéquipier daigne se mettre en route pour prendre la tête du cortège. Petit à petit les cheveux se rapprochèrent de la grande demeure entourée par les bois tout en étant encore pourtant suffisamment éloignés pour ne pas se faire apercevoir. Ils y avaient déposé leurs chevaux, solidement attachés par les rennes et Aloysius avait quelque peu creusé la terre aux alentours. Il en ressorti avec calme un sac de sport de laquelle il prit une combinaison en plastique souple et transparente avant de se relever pour commencer à s’en vêtir.
— Il y en a une pour vous, très cher. Je me doute que cette vision peut heurter votre sens de la mode mais le sang, ça tâche cher ami et je ne peux vous garantir de m’occuper de notre ami proprement, j’ai déjà quelques projets pour lui...
La nuit était suffisamment tombée une fois que les deux compères étaient prêts. Alors avec un sourire, Aloysius lança la marche en direction de la grande bâtisse, savourant chacun de ses pas comme l’antichambre du plaisir immense que tout ceci allait lui procurer. Il était venu déposer quelques jours avant une grande caisse de matériel utile à son œuvre dans la cave de la maison. Travis Travers n’y allait presque jamais. C’était le problème avec les vieilles et grandes maisons : les caves avaient un accès direct à l’extérieur et on préférait les fuir plutôt que de les surveillait, ce qui laissait bien de la place pour y déposer quelques petites choses personnelles. Il avait laissé le plaisir à Erwin de forcer la serrure pour cette fois-ci, il savait que l’homme aurait des occupations toutes autres que les siennes et il était là aussi pour s’amuser après tout. Une fois passés par la cave, ils étaient remontés jusqu’à atteindre l’ancienne et grande cuisine. Le son d’une télévision leur parvenait dans une pièce voisine.
— Je vous laisse vous annoncer très cher, je me charge de le neutraliser.
Et pendant qu’Erwin s’était dévoilé, Aloysius s’était glissé dans le dos de l’homme par l’arche qui lui donnait accès au salon par la salle à manger. Il avait attendu qu’il se lève d’un bond et Aloysius l’avait agrippé par le cou de ses bras puissants et l’avait laissé se débattre pendant de longues minutes jusqu’à ce qu’il perde connaissance par manque d’oxygène.
crackle bones
Erwin Dorian
« If the crown should fit, then how can I refuse? »
| Avatar : Rufus Sewell
- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)
| Conte : Coeur de Princesse/Le Prince et le Pauvre | Dans le monde des contes, je suis : : Preminger
“Qui n'aime pas les loups n'aime pas la nuit pour ce qu'elle est, c'est-à-dire la face obscure de notre immense liberté.” - Serge Bouchard
Le cou du lapin de garenne rompu entre ses mains, déjà l’esprit de Preminger encourageait le psychiatre à poursuivre d’autres itinéraires bien plus...délicats. Rejetant avec dégoût le corps sans vie de l’animal qui ne valait plus à ses yeux qu’une dépouille maigre et fade au sol. Tout aussi élégant, il monta son cheval, comme si rien des événements précédents n’étaient advenus. Seule la sensation désagréable paraissait encore se ressentir sur ses mains. La fourrure de l’animal...Il s’essuya les paumes sur les cuisses, l’esprit agité par une sorte de joie sourde, avant de lever la tête vers le ciel rougeoyant au dessus d’eux. Si son influence embrasait la voûte céleste dans une traînée sanglante, l’astre était à présent disparu. Ses effets s’atténueraient bientôt, laissant l’obscurité régner dans le pacte éternel scellé depuis la nuit des Temps. Il laissa Aloysius prendre la tête de leur cortège encore songeur aux propos du psychiatre sur la grossesse d’Alexis. Il n’avait pas répondu à sa dernière inquiétude amicale bordée d’une acidité piquante, sur le moment, préférant se laisser griser par le désir net et implacable de mettre fin à la vie inutile du rongeur. A présent que sa proie sans vie trônait comme un trophée misérable dans le symbole de l’être inutile qu’il personnifiait, il revenait aux inquiétudes de son « bon ami » finissant par déclarer après un silence :
- « Je ne peux vous contester que bien qu’accommodée à mon mariage, Enora ne peut qu’en souhaiter qu’il prenne fin. Et s’en vouloir de céder au vice que j’incarne. Quel individu ne désirerait pas m’avoir pour lui seul ?» sa bouche s’était relevée avec orgueil dans un sourire amoral, avant de se perdre dans ses souvenirs « Mais elle me comprend. Il est vrai que dans le moment, j’ai évoqué auprès d’elle la possibilité d’un avortement. Elle m’a fait part de son désir de garder l’enfant. Mais acceptait d’avance mon rejet de l’enfant, elle m’a fait la promesse de ne jamais rien m’en demander. Alors, j’ai quelque peu modifié les termes de cet accord… »
Ce qui pouvait sembler idiot, voir suicidaire d’un œil extérieur. Elle lui avait offert tout ce qu’il désirait, pourquoi donc s’était-il empressé de balayer cette superbe opportunité en s’immisçant dans l’équation ? Par la loyauté dont avait été chargé son amour, par l’orgueil de n’accepter qu’un citoyen échappe à son contrôle, parce qu’agir ainsi avait aussi participé à accroître leurs liens. Alexis n’avait pu que lui en être reconnaissante. De la division que l’Erreur aurait pu amener, Erwin avait amené l’union inespérée. Il s’était tu au fur et à mesure que le trot des chevaux les avaient guidés jusqu’aux murs imposants de la grande bâtisse qui se dessinaient dans le lointain. Décidément, cette demeure possédait un charme non négligeable. Perdue dans les sous-bois… Il aurait presque pu désirer l’acquérir. Comment refuser ? Alors qu’ils attachaient leurs chevaux à l’ombre d’un arbre, Aloysius s’était bientôt mis à creuser la terre aux alentours, arrachant à Preminger un sourcil circonspect. Le psychiatre en déterra bientôt un sac de sport, arrachant un piaillement festif des lèvres du notaire :
- « Mon brave ami, vous êtes toujours très original dans vos trouvailles. C’était assez malin, pour qui sait s’y retrouver, ce qui est votre cas, bien évidement… »
La suite du programme l’avait, il devait l’admettre bien moins enjoint à l’allégresse, tandis qu’il contemplait l’hideuse combinaison plastifiée dont Aloysius se revêtait…
- Si quelqu’un osait se présenter à mon perron aussi dégingandé, je peux affirmer qu’il obtiendrait sinon mon mépris, sitôt ma méfiance et porte close. Mais après tout, nous n’entrerons pas par l’entrée principaaale. Et, l’individu est aussi sot que peut l’être une jeune pintade mais tout de même… »
Il s’arrêta un instant, pour s’esclaffer, main sur le cœur, dans une pause étudiée, offerte à la beauté des environs et la funeste tâche qui les attendait encore, le sang pulsant dans son corps en vie. Puis avait fini par enfiler la transparente matière au dessus de son charmant et si seyant ensemble… Tant qu’il ne pouvait constater la laideur que cela engendrait… La tension d’Aloysius, bien que de prime abord aussi imperturbable que jusqu’alors, semblait croître au fur et à mesure qu’ils s’approchaient de leur objectif. Le psychiatre le dissimulait à merveille mais un individu tel que Preminger distinguait les marques là où un autre n’y aurait vu goutte. Un empressement très légèrement accentué dans les gestes, une attitude dans l’attente, tendue vers la demeure. L’éclat morbide qui avait éclairé ses iris lorsqu’il avait mentionné le sang et les tâches. L’oeil du fauve, la lueur animale qui précédait la mise à mort de ses proies. Ce qui mettait Midas sur la défensive et qui à l’inverse attisait spontanément les propres ombres du notaire, lorsqu’il se trouvait en présence de ce dernier. Aloysius avait du élaborer bien plus que de raison sur ce futur meurtre. Preminger ne le jugeait guère, sûrement la part du lion qui se manifestait différemment et qui faisait de lui un compère de cheminement des plus captivants.
- « Je vois que votre imagination florissante, mon cher, semble s’être donnée à cœur joie dans l’anticipation des petites péripéties réservées à notre si charmante connaissance. J’aaaiiime quand votre inventivité se montre si fertile… Puissiez-vous obtenir bien davantage de félicité dans son accomplissement » ronronna-t-il dans un embrasement sadique.
La demeure les attendait. Ils avaient fini par en prendre le chemin, la nuit ayant gagné son combat contre le jour. Si Aloysius cheminait en tête, une nouvelle fois, Erwin le suivait non loin, contemplant en biais le sinistre réjouissement qui gagnait son visage au fur et à mesure que leurs pas les menaient jusqu’à la porte de chêne inclinée qui menait à la cave. Un cadenas avait été installé autour des poignets de cuivre, lui arrachant un gloussement dédaigneux. Tirant de sa veste intérieure, une faible épingle, il l’introduisit dans le faible interstice du cadenas, obtenant très promptement le petit déclic. Il reproduisit la même astuce pour la serrure principale qui maintenait la porte fermée. Ni une ni deux, une fois les serrures cédant à leurs attentes, ils pénétraient à présent par les entrées secrètes du bien immobilier. Quelle dangereuse petite entrée pour qui les ignorait. Si on en obtenait connaissance, n’était-ce pas la voie toute tracée d’accès ? Il trouva sur place les quelques objets laissés entreposés dans un coin poussiéreux par Aloysius. Il le laissa récupérer les étranges ustensiles qui s’y trouvaient, tâchant de ne pas imaginer leur usage détaillé. A bien des égards, la souffrance possédait ses limites et s’il goûtait à la souffrance, il ne tirait aucune jouissance dans le massacre, bien trop odieux à sa vue… Ils étaient remonté jusqu’à la cuisine. Le son d’une conversation s’élevait dans l’air. Après avoir tendu l’oreille, il reconnu que celui-ci s’élevait du poste de télévision et non d’une conversation construire avec un hôte incongru. Ils n’avaient d’ailleurs remarqué aucune voiture autres que celles possédaient par ce cher Travis Travers, en présence dans la cour principale. Sûrement le poste ronronnait par distraction tandis que le vieil homme mangeait… Au regard de l’heure. A moins que ce dernier ne sommeille déjà. Quelle déception cela serait…Ils contournèrent la table de cuisine. Le notaire jaugeant le décorum dans un reniflement déçu. C’était une cacophonie désastreuse composée de vieilles casseroles, de carrelages datés et de mobiliers peu entretenus, un comble lorsqu’on connaissait, comme il le faisait, le reste du bien… Misérable. L’éclat de verre l’appela néanmoins dans un attrait certain. Il s’y dirigea progressivement, soupirant d’aise de se distinguer au milieu de cette obscurité, superbe, acéré, dangereux. Abaissa son regard sur ses vêtements, retenant un glapissement outragé, avant de se retourner vers son sanglant acolyte, les poids sur les hanches :
- « Non. Je regrette. Vous me garderez bien ceci pour la suite, Aloysius? Mon annonce serait , on ne peut plus gâchée si je persistais dans cette présente tenue… Je la mettrais ensuite. Qu’il sache que nous passons à l’acte II »
Il plaqua sa main sur sa bouche, contenant le ricanement qui menaçait de s’en échapper, laissant la malfaisance gagner l’entièreté de son visage tandis qu’il se dégageait rapidement de la hideuse combinaison qu’il fourra dans le sac d’Aloysius. Laissant une nouvelle fois son costume, bien plus à son aiiise, il prit la peine d’offrir un sourire de connivence à ce cher Aloysius, puis chemina guilleret jusqu’aux portes de la salle à manger. Elles étaient grandes et battantes, s’ouvraient à la volée. Paaarfait ! Il empoigna les poignets, les repoussant avec fracas, vers l’intérieur de la pièce.
- « Traaaaaaviiiiiiiis, my deaaaaar! »
Il avait ouvert les bras, embrassant le vide, avançant dans la maison de sa démarche lente et maniérée, son sourire s’accentuant au fur et à mesure qu’il l’aperecevait. Minuscule, choqué. Une main encore figée dans le vide, sa fourchette bordée d’aliments… Des haricots rouges peut-être ? Il porta la main à sa bouche, singeant le choc :
- « Oh. Je vous interromps ? Miséricooorde. Quel déplorable hôte, je faiiis… Oh mais j’oubliais...je me suis invité... »
Son rire roucoula le long de sa gorge suavement gorgé de miel, écœurant. Il poursuivit sa marche, tournant la tête vers les environs, laissant son regard porter sur les bibelots riches qui tapissaient le marbre des meubles, le grand miroir mural auquel il prit la peine de sourire, machiavélique à son merveilleux reflet.
- « Que...comment êtes-vous… ...Qu’est-ce que ? »
La main de l’individu était retombée, laissant les aliments consteller la table, arrachant une moue dégoutée au notaire. Fort heureux qu’il ait pu être loin de lui, une projection était si vite arrivée. Il aurait détester regretter la combinaison d’Aloysius pour une simple éclaboussure de
- « Entré ? Je suis un homme pleiiin de ressources! Vous seriez surpris de voir à quel point cela est aisé. Une véritable moulin à vent. Les choses passent et viennent dans cette demeure, notamment les transactions. Dans un claquement de doigts, elles vont et viennent ! Au mépris des accords passés.» Il laissa son regard s’égarer un instant ajoutant, en désignant du doigt : « Jolie acquisition d’ailleurs… Un authentique buste de Napoléon ? » - « Sortez ! Foutez le camp de ma propriété… ! Vous n’avez pas le droit d’être ici ! »
Travis Travers semblait avoir été gagné d’un subit gain de courage. Sa face prenait une couleur rubiconde suivant la hargne qui perçait dans ses yeux. L’attitude de châtelain qui tentait de reprendre le dessus, malgré sa crainte. Il se pensait en terrain conquis. Dans SON domaine. Erwin nota que la déférence dont il avait toujours fait preuve à son égard venait de s’éclipser Quel pitoyable individu. Mais cette parade masquait son malaise. Dans le dos de ce dernier, Preminger avait vu l’ombre gracile d’Aloysius se dessiner. Sans lui prêter intérêt, afin de ne pas signaler la présence de ce dernier à sa victime, Preminger laissa un sourire hautain se dessiner sur son visage, se figeant.
- « Traaaavis. Je crains, hélas, que vous ne soyez point en position de me donner des ordres. »
Cela en était trop pour le pauvre Travis. Ce dernier avait bondi, manquant de renverser son couvert, prêt à hurler et ordonner son départ. Preminger le dévisagea avec un relan de pitié cruelle, tandis qu’Aloysius, en profiter pour se coller à l’individu, appliquant ses avant-bras autour de son cou. L’homme avait hoqueté de stupeur et de peur, ses mains hasardeusement tentant de s’extraire de l’étouffante étreinte du psychiatre :
- « Où avais-je la tête. J’ai omis de vous présenter mon très cher ami le Docteur Black. Tadaaa !Voilà qui est chose faiiite à présent. » caqueta Erwin, tout en finissant d’avancer jusqu’à l’homme. Ce dernier gigotait encore, dans des soubresauts ridicules. Le notaire posa une main « compatissante sur l’avant-bras de ce dernier « Vous devriez vous détendre, Travis. Je gage qu’Aloysius et vous ferez de graaandes choses ensemble. Il n’est pas des plus éloquent actuellement, vous en conviendrez, mais il est à vous couper le souffle. »
Le corps de l’homme s’était subitement détendu. Il gisait à présent dans les bras du psychiatre, évanoui, ses cheveux blonds filasses retombant de part et d’autres de ses yeux. Il faisait peine à voir, gisant sans connaissance. Oui, c’était une bien plaisante vision.
- « Superbe : Prompt, propre et net, comme toujours Aloysius... » souffla caustiquement le notaire, remontant sa main sur le bras de son cher ami, le flattant. «La cible est nôtre. Je parie que nous abrégerons sans tarder sa vie, lassés que nous serons de ses jacassements ! »
Tel était leur accord lors de leurs parties « de chasse ». Chacun venait et prenait ce qu’il désirait. D’ordinaire, Preminger cherchait le gain. Aloysius...certains divertissements vicieux tirés de la mort. Mais il aurait été faux d’annoncer que le notaire n’en tirait pas lui-même une source de satisfaction. Le son de l’agonie et savoir qu’il la distillait sonnait comme une agréable mélopée. Parfois, il se contentait d’observer, puis partait lorsque le procédé élaboré par Aloysius devenait trop insolite et insoutenable à ses yeux, lui laissant soit le soin de recueillir son dernier soupir loin de sa chaste vue. Parfois, à l’inverse, il s’y mêlait lorsqu’il sentait son humeur s’accorder pleinement au goût de la cruauté, bien que s’épargnant la vilenie visuelle tirée du trépas, toujours. Aujourd'hui, serait l’un de ces jours. Il savait qu’il en tirerait moults satisfactions, davantage que le disetteux lapin de garenne auquel il avait brisé la nuque. Travis Travers expierait ses propres torts et ensuite il dédommagerait ceux d’un autre.
- « Que diriez-vous de l’emmener au salon ? »
Aussi négligemment que s’ils emportaient un sac de pomme de terres, quoique qu’il était plus habituel à Preminger de s’encombrer d’un cadavre ou d’une victime inconsciente que de féculent, il ouvrit la porte par laquelle Aloysius les avait rejoint. C’était une charmante pièce, remplie de livres et d’objets de valeur en tout genre qui firent sitôt miroiter les yeux d’avidité du notaire. Quelle plaisante petite promenade, cela était ! Bien plus riche qu’il eut pu le penser… Un bureau ancien était installé avec deux chaises pour les visiteurs. Des rideaux lourds en velours encadrait la grande fenêtre ouverte sur le parc. Si l’individu avait observé, peut-être aurait-il presque pu voir leur manège… incroyable, comme on se sentait si idiotement en sécurité derrière les pierres d’un grand édifice. Dans le coin, encadrée dans un meuble chargé de bibelots, une télévision continuait de diffuser les informations du soir, d’une voix monocorde, alors que les images se superposaient, passant de la crise financière à la publicité pour une voiture de seconde zone.
- « Qui eut cru que vous deviendrez le protagoniste d’un sordide fait divers, Travis ? » commenta le notaire d’un ton négligeant.
Il n’eut aucune réponse. L’homme reposait encore inconscient pour le moment entre les bras puissants du psychiatre. Cela le ravit. Il flottait dans un état de puissance considérable, qu’il savait qu’Aloysius partageait les effets. S’ouvrait un champ des possibles à exploiter. Puisqu’ils étaient maîtres de la mort et de la vie, ils étaient maîtres de tout. C’était cette pulsion de pouvoir qui semblait mouvoir le psychiatre. Erwin la partageait, bien différemment. Il ne poursuivait pas l’exercice de cette forme de puissance, il en usait quand il lui semblait bon.
- « N’est-ce pas formidable comme petit théâtre, Aloysius ? Fa-bu-leux. Je sens que vous allez y faire des merveilles »
Ils avaient fini par l’attacher à l’une des chaises se trouvant face à son bureau. Erwin avait enfilé à nouveau la combinaison transparente alors que le psychiatre se plaisait à attacher leur prisonnier. Ils avaient patienté le temps que l’individu ne daigne ouvrir ses yeux… Lorsqu’il l’avait fait, les deux compères se tenaient côte à côté, les mains toutes deux appuyées contre le bureau, lui faisant face. Il agit gémi, tenté de s’agiter, d’abord doucement puis de plus en plus violemment tandis que son esprit prenait la mesure des événements.
- « Welcome back, my dear... » le salua Preminger laconiquement, avant de contourner le bureau « Vous le constaterez, non seulement je n’ai pas quitté votre si jolie demeure, mais en plus, j’ai pris la liberté d’investir les lieux… » Y tirant la chaise, il s’y installa avec langueur. Evidemment, le cadre avait bien plus d’allure quand c’était lui qui y siégeait et non cette petite vermine terrifiée qui singeait pourtant le courroux et la mal politesse.
- « Vous êtes fou !Je vous ne permettrai pas...Vous allez le regretter ! Espèce de tarré ! Sal...» - « Taisez ces vulgarités, Travis. » soupira dramatiquement Preminger en portant une main dramatique à son front « Elles vous suivent votre hideuse personne comme de la souillure, certes… Mais en ma prestigieuse présence et celle de mon si honorable ami, c’est réellement faire lumière de la déférence qui vous fait si lamentablement défaut ! Et que dire de votre navrante duplicité ! Tenter de me prendre de court sur une affaire ! Intercepter un tableau… Me faire croire que vous comptez me le vendre… ME vendre une vulgaire contre-façon en affirmant ne pouvoir me livrer l’original » - « Je… J’ai moi-même été abusé dans cette affaire, Maître Dorian ! » - « Mensonges. Le tableau est ici. Vous l’avez conservé. »
Sa voix s’était levée, à peine plus haute qu’un murmure, amusée. Il aurait pu être furieux. Il aurait du. Il ne l’était pas. Pourquoi l’être lorsque tout ce qu’il désirait se trouvait à porter de main ? Il obtiendrait le tableau, il obtiendrait sa justice et vengeance, il obtiendrait le sang et le pouvoir. Face à lui, le propriétaire avait blêmi. Dans un sursaut plus conséquent, il avait tenté d’arracher ses liens.
- « Vous voyez cela, Aloysius ? La face du chacal pâlit face aux prédateurs. Que vous évoque cette déplorable peinture si ce n’est le dégoût, mon cher ? » - « Je… Je vous payerai… Je vous...promets. Vous aurez votre tableau, et vous aurez de l’argent ! Beaucoup d’argent... »
Il ricana, se leva de sa chaise, non s’en s’étirer élégamment. Travis Travers pendant ce temps, abandonnait toute dignité pour se confondre en promesses nauséabondes, dans un babillage auquel le notaire ne prêtait pas une once d’attention.
- « Je sais que j’aurais tout cela…Mais avant...» il était revenu se poster à côté d' Aloysius, un sourire sadique sur le visage « Stupéfiant comme le passage entre vie et le trépaaas est subtil…n’est-ce pas très cher ? »