Je ne sais pas ce qui m’a poussé à m’enfoncer dans les bois. Je sais simplement que j’ai voulu quitter Storybrooke pour aller je ne sais où mais que mon pneu a crevé à la sortie de la ville. Pour couronner le tout, la batterie de mon téléphone est à plat… J’aurais pu faire marche arrière, retourner en centre-ville demander de l’aide mais je ne l’ai pas fait. Au contraire, j’ai laissé ma voiture derrière moi et j’ai pris un sentier boisé. 
Je marche depuis plusieurs minutes ? Heures ? Je ne serais le dire. Les secondes s’égrènent sans que je m’en rende compte. Il est incroyable comme une petite ville aux apparences tranquilles peu devenir une prison. Chaque jours, je marche dans les rues avec cette impression d’avoir l’étiquette « Sauveuse » collée sur le front. Je vois bien les regards presque admiratifs de certains, les demandes parfois insolites de quelques habitants comme si je pouvais tout régler d’un simple coup de baguette magique. Ce qui dans un sens n’est pas totalement faux… Vous avez une blessure ? Vous avez besoin d’aide pour soulever un poids lourd ? Demandez aux Fées, elles vous aideront. Sauf que moi, je n’ai rien d’une Sauveuse et encore moins d’une fée. Je n’ai pas de pouvoirs magiques ou de baguettes, la seule chose que j’appelle mon « super pouvoir » et de savoir lorsque les gens me mentent, rien de bien sensationnel en somme. Croire aux contes de fées a été une dure épreuve, j’ai du accepter l’inacceptable. J’aurais du faire davantage confiance à mon fils mais cela paraissait tellement insensé… Vous dire que vous êtes la fille de Blanche-Neige et du Prince Charmant semble tellement étrange. Je me souviens avoir regardé une multitude de fois ce conte à la télévision, je n’aurais su dire pourquoi. Il résonnait en moi comme un appel, un souvenir. J’ai mis ça sur le fait que je me sentais seul, abandonnée et que ce dessin animé me donnait de l’espoir mais c’était bien plus compliqué que ça. Henry ne cesse de me répéter qu’en tant que Sauveuse, j’ai des pouvoirs. Je n’ai pas envie de faire la même erreur et de ne pas prendre en considération ce qu’il me dit mais croire à cette possibilité est une autre étape à franchir.
Henry est le premier à avoir une foi en moi inébranlable. Il me donne la force d’avancer. Être a ses côtés me donne l’impression d’être une super maman, mais soyons honnête, je n’ai rien d’une super woman, abandonner son fils n’a rien de glorieux. 
Je continue à marcher, méditant sur mon passé et mon potentiel futur. Croire ou ne pas croire ? Et si tel est le cas, comment m’en servir ? Où cela me conduira ? 
Je respire un grand coup et lève la tête. Le jour commence à décliner, il faut que je rentre et surtout que je retrouve mon chemin. Je m’apprête à faire demi tour lorsqu’un craquement met mes sens en alerte, puis un autre… Il est trop tard à l’instant où je me rends compte qu’un arbre de plusieurs mètres et en train de me tomber dessus… En désespoir de causes, je ferme les yeux et me protège de mes bras. Un étrange bruit me fait ouvrir les yeux et l’arbre se transforme en une multitude de confettis. J’ai à peine pris conscience de ce qui venait de se passer, que je m’évanouie et c’est le trou noir.

La forêt de Storybrooke a beau être luxuriante, ça n'en est pas moins un endroit que je fréquente assez peu notamment parce que j'ai toujours plutôt été une citadine et que je n'aime pas spécialement (pas du tout, même) avoir de la boue sur mes chaussures. Mais parfois, pourtant, je me plais à apprécier sa quiétude et sa faible densité de population. Comprenez : pour s'éloigner des cons, rien de tel que de se mettre au vert ! Et ce jour-là, manifestement, je n'avais pas été seule à avoir cette idée.
Je ne me promenais pas depuis vingt minutes que j'aperçus au bord de la route la très célèbre Coccinelle jaune d'Emma Swan, la Sauveuse, celle par qui le Sort Noir avait pris fin. Même si je n'avais jamais eu le plaisir de discuter avec elle, je la connaissais de réputation - évidemment. Tout le monde ici, à moins d'être un ermite ou éventuellement d'être né ailleurs que dans un monde des contes agrégé par la malédiction de Regina Mills, sait qui est Emma Swan. Si ça se trouve elle signe même des autographes de temps en temps ou fait des selfies. Moi, en tout cas, j'en fais pas alors que je suis l'experte du dégoût la plus renommée à des kilomètres à la ronde.
Mais vous constaterez cependant que si Emma est connue en ville, c'est aussi le cas de sa voiture car il faut dire que les Coccinelles jaunes, ça court pas les rues. Et manifestement ça peut crever, observai-je en constatant qu'un des pneus était à plat. Pas de chance pour elle, songeai-je sans vraiment me sentir concernée avant de dépasser ladite voiture et de m'engager dans le même sentier que la Sauveuse - sans le savoir, pour le moment. Et de toute façon, même si j'en avais eu conscience, ça ne m'aurait fait ni chaud, ni froid. Du moment que je suis en compagnie de ma personne préférée (comprenez : moi), tout va bien.
Je marchai lentement, les mains dans les poches, les pieds dans de superbes bottes Jimmy Choo, l'esprit occupé par ma personne préférée au monde (cf. parenthèse précédente). Nous étions en fin de journée et je savais que cette balade serait assez courte mais cela importait peu. Elle serait suffisamment longue pour me permettre de me recentrer sur moi (eh non, je ne vais pas faire trois fois le coup de "ma personne préférée" parce que ça ferait trop), d'oublier l'essaim de débiles profonds qui pullulait en ville, de me reposer de mes trois plus ou moins adorables boulets émotionnels et peut-être, si le cœur m'en disait, de préparer quelques punchlines bien senties à réutiliser plus tard. Même si en général je préfère les inventer sur l'instant car je suis suffisamment douée pour toujours avoir de la répartie en toutes circonstances.
Je marchai donc, toujours sur le sentier, le même que celui pris par la Sauveuse, quand un craquement vint perturber mes réflexions hautement importantes. Sourcils arqués, je cherchai du regard la provenance du bruit et ne tardai pas à la trouver puisqu'un arbre avait décidé de tomber, là, comme ça, subitement. Après les combustions spontanées, les chutes d'arbre spontanées. On n'était vraiment pas rendus, dans cette ville de l'enfer.
L'arbre, toutefois, se déracina suffisamment loin de moi pour que ma précieuse grande personne ne craigne absolument rien et j'aurais donc sans doute continué mon chemin sans plus y penser (sauf pour écrire une réclamation au garde chasse, éventuellement, plus tard) si dans sa chute l'arbre ne s'était pas tout simplement transformé en confettis. Clairement, dans ce genre de cas de figure, y avait pas besoin d'avoir fait math sup pour deviner l'origine de cette transformation : la magie. Si j'avais un peu de malchance j'avais peut-être été témoin d'un des nombreux sortilèges foirés de Regina Mills - qui a beau être la sorcière la plus puissante de l'est américaine, elle est quand même aussi la plus empotée qui soit. Mais au moins ce serait l'occasion de se moquer, ce qui me décida à bifurquer pour aller jeter un œil d'un pas tranquille.
Quelle ne fut cependant pas ma surprise quand mon regard se posa non pas sur la Méchante Reine mais sur la Sauveuse, évanouie au milieu des confettis. Face à un tel spectacle, y avait de quoi se demander COMMENT elle avait fait pour sauver toute une ville entière. Navrant, songeai-je en roulant des yeux avant de m'accroupir. Dans ma grande mansuétude, je venais de décider de ne pas la laisser roupiller en pleine forêt, des fois qu'une autre pluie de confettis vienne l'ensevelir pour de bon.
- J'en ai vu des choses depuis que je suis dans cette ville, tu sais, mais Emma Swan en personne qui s'évanouit à cause de confettis, c'est la première fois qu'on me l'a fait celle-là. Elle est plutôt bonne, dans le genre inattendu, concédai-je en penchant la tête sur le côté gauche. Bon, allez, la Belle au Bois dormant, il serait peut-être temps de faire honneur à te réputation super badass, ajoutai-je en secouant son épaule pour la faire revenir à elle.
Qu'on se le dise : j'aurais rien eu contre galocher la "Belle au Bois dormant" pour la réveiller, bien que je doutais de pouvoir lui apporter "l'amour véritable" nécessaire pour rompre la malédiction, mais j'avais quelques notions sur le consentement qui m'en empêchaient. Sans compter que je suis partisane de l'adage voulant qu'on ne doit pas faire à autrui ce qu'on n'aimerait pas qu'on nous fasse à nous et que des gens qui ont bafoué mon propre consentement en osant se pavaner devant moi avec toute leur laideur et leur bêtise qui font saigner les yeux et les oreilles, j'en ai croisé assez pour mille vies. Au moins.