Stefan n'avait pas l'air décidé à être contraignant vis-à-vis du futur mariage, qu'il s'agisse de la durée des fiançailles, de la date à choisir, du détail de la cérémonie ou encore de la destination du voyage de noces. Sa seule requête était d'éviter d'effectuer le voyage de noces sous les tropiques, commentaire qui fit sourire Honey. En Californienne qui se respecte, elle ne craignait absolument pas la chaleur mais savait qu'il n'en allait pas de même pour son compagnon, pardon, son fiancé. Qu'à cela ne tienne, la Terre était vaste (même si Terre 2 l'était encore davantage), les paysages variés et ils trouveraient sans aucun doute la destination idéale quand le moment viendrait. Et il viendrait, mais pas tout de suite. D'ailleurs, le couple ne pourrait songer à organiser son voyage de noces qu'après avoir sérieusement commencé à organiser la noce, ce qui ne serait pas de tout repos. Raison de plus, donc, pour ne pas s'y atteler pendant qu'elle était en train de fabriquer la vie.
- Pas les tropiques, c'est noté, l'informa la future mariée en souriant. L'Italie, ça pourrait être sympa, ajouta-t-elle tout naturellement, le nom du pays ayant soudainement surgi dans son esprit, un peu comme une évidence. Ou un autre endroit plus continental, poursuivit-elle, décontractée.
Même avec un diamant autour de son annuaire gauche, Honey ne ressentait pas (encore) de pression inhérente au mariage à venir. Pour elle l'événement était encore trop loin et, de fait, trop flou. Honey était sans doute trop terre à terre, trop ancrée dans son présent, pour réellement imaginer ce que serait sa vie à ce moment-là, quand le mariage se concrétiserait. Sa seule certitude pour l'instant était qu'un jour elle s'avancerait vers l'autel pour y épouser Stefan. Au fond, c'était le plus important, non ? Même si elle aurait peut-être à y rouler, d'ailleurs.
- Un prêtre ça me va, assura la jeune femme, pourtant athée. C'est traditionnel, non, et je pense que ça te ferait plaisir, poursuivit-elle, se rappelant qu'étant plus vieux, Stefan était tout naturellement plus attaché aux traditions qu'elle.
Et les traditions, justement, il y en avait aussi à Noël, depuis la messe de minuit (à laquelle Honey n'avait jamais assisté de sa vie) jusqu'à l'ouverture de présents qu'ils avaient soudainement interrompue après que Stefan ait posé une question qui méritait de s'y attarder quelques instants et qu'il ait redonné la vie à son propre fils. Forcément, ce genre d'événement, peu banals même le matin de la Nativité, avait de quoi chambouler les traditions. Heureusement, Damian était là pour rappeler son père et sa belle-mère à l'ordre !
Stefan attrapa donc son premier paquet, offert par son fils. Une bouteille en inox rouge, un cadeau plus pratique qu'émouvant, ce qui n'était sans doute pas plus mal quand il était destiné à un homme vieux de plusieurs siècles qui possédait déjà tellement de choses. Le destinataire, en tout cas, semblait ravi et c'était le principal en fin de compte. Restait à espérer que le cadeau prévu par Honey, qui misait davantage sur son aspect pratique que son aspect émotionnel ou romantique, aurait le même effet.
En proie à une légère appréhension, Honey observait attentivement chacun des gestes et chacune des expressions de Stefan dont les mains s'étaient emparées d'un petit paquet circulaire haut d'une quinzaine de centimètres. Déchirant le papier cadeau rouge qui l'entourait, le vampire découvrit ce qui avait tout l'air d'un pot de cosmétique, au détail près qu'aucune marque ni aucune autre indication n'était mentionnée sur ledit pot. Le pot, en fait, se contentait d'être pourpre et circulaire et c'était naturellement voulu par la jeune femme qui l'offrait et qui espérait susciter la curiosité de Stefan - qu'elle crut effectivement lire sur son visage. Prenant son expression pour le signal qu'elle pouvait dérouler son explication, Honey reprit la parole, assez excitée de savoir si elle avait visé juste ou pas du tout.
- C'est de la crème solaire, expliqua-t-elle. Mais pas n'importe quelle crème solaire. Elle n'existe pas sur le marché, en fait. Elle a en théorie un indice anti-UV bien plus élevé que ce qu'on trouve sur le marché. Je le sais parce que... eh bien c'est moi qui l'ai fabriquée, avoua la jeune femme, presque gênée de devoir l'admettre car elle ne souhaitait pas se faire mousser : elle voulait seulement offrir un cadeau qui serait apprécié. Ca fait six mois que je travaille dessus, j'ai fait quelques tests avec Damian et le dernier était plutôt concluant, résuma-t-elle sommairement, jugeant soporifique et trop long de raconter à Stefan tout le détail de cette fabrication.
Toutefois, parce que la jeune femme savait que sa vie ne serait pas immortelle, elle poussa ensuite une enveloppe vierge et épaisse vers Stefan et indiqua :
- Ca c'est la formule chimique de la crème solaire, comme ça si elle fonctionne mieux que les autres, tu pourras toujours en avoir, même quand je serai morte.
Honey fit ce commentaire aussi naturellement que si elle avait parlé de la météo. Elle avait à peine conscience qu'on n'était pas censé tenir ce genre de discours le jour de Noël. Mais peut-être que les réactions autour d'elle ne tarderaient pas à le lui rappeler.
Ou alors Stefan allait l'embrasser dans le cou pour la remercier et lui proposer une partie de jeu de société. C'est cette option qu'il choisit, proposant un jeu qui s'appelait Cranium et que les Vulpesco possédaient depuis quelques temps sans pour autant y avoir joué une seule fois.
- Je ne connais pas ce jeu, mais si vous l'avez acheté, je suis persuadée qu'il est génial, allons-y ! déclara la jeune femme avait entrain en suivant Stefan et Damian au salon, bien plus indiqué pour une partie de jeu de société.
En quittant la cuisine, Honey ne put toutefois s'empêcher de penser à la vaisselle du petit déjeuner de Damian qui n'était pas faite. Puis elle se rappela que c'était Noël et qu'à Noël on pouvait bien faire les choses différemment.
- Alors, demanda-t-elle avec le même enthousiasme quelques instants plus tard, une fois au salon. Qui m'explique comment on joue ? demanda-t-elle en tournant son attention vers Damian.
Honey aurait pu s'emparer des règles du jeu, les lire à vitesse express comme elle savait si bien le faire grâce à son QI hors normes, mais n'en avait rien fait, laissant aux hommes le soin de déballer le jeu et à son beau-fils celui de lui apprendre à y jouer.