« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
« If the crown should fit, then how can I refuse? »
| Avatar : Rufus Sewell
- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)
| Conte : Coeur de Princesse/Le Prince et le Pauvre | Dans le monde des contes, je suis : : Preminger
« ChristmasWishes hiding in your heart, What is yours? "
Pouvait-on se sentir à la fois profondément frustré et gâté à la fois ? Cet état rare survenait notamment chez Preminger lorsque l’ancien ministre se voyait refuser temporairement quelque chose qu’il désirait sous couvert de lui offrir quelque chose qu’il désirait de manière égale. Son humeur changeante se trouvait coincée vers cet état fugace, fait d’un vibrant agacement vite dissipé et disputé par une joie avide d’obtenir. En l’occurrence, qui avait-il de mieux que les cadeaux de Noël ? N’était-ce pas être célébré ? L’occasion annuelle unique de comprendre à quel point Il inspirait son cercle privé ? Et à quel point, également, le plaisir de le satisfaire était conséquent parmi ces derniers. Il ne pouvait nier qu’une certaine dose d’appréhension exigeante le saisissait toujours lorsqu’on lui présentait le cadeau. Ce paquet mystérieux qui pouvait renfermer merveille ou incroyable déception. Preminger DETESTAIT être déçu. Quand bien même, les individus qui peuplaient son monde étaient décevants, il les supportait car ils demeuraient utiles. Mais lorsque l’on cherchait à lui plaire, son exigence gloutonne s’emplissait davantage. Un dégoût très vif s’emparait de lui lorsque la déception venait le saisir à l’encontre du piètre bienfaiteur qui tentait de le flatter, accompagné d’une offuscation vive. IL méritait le Monde. Il n’avait que faire de l’ordinaire. Aussi, les quolibets ne manquaient pas à son imagination pour exprimer tout le dédain qu’il éprouvait pour un présent inopportun, inutile, disgracieux, pire laid. Il ne s’en privait pas. Et de la déception qui vivait en lui s’extrayait alors un sentiment bien plus mesquin : le plaisir de châtier et porter aux gémonies le malencontreux porteur d’un présent décevant. Il ne méritait que l’excellence. L’exception était lorsqu’il se trouvait dans un rôle, là il se trouvait forcé de sourire, sinon... Aussi, plissa-t-il les yeux à la vue des cadeaux qu’Alexis lui présentait dans un sourire. Et si… Non, il ne voulait pas envisager la possibilité que son cher trésor ait pu se fourvoyer. Jusqu’alors, elle ne l’avait jamais déçu. Ce qui était une dangereuse pente, qui la vouait à continuer l’ascension, certes Il convenait qu’elle continua sur cette admirable lancée. Alexis le connaissait et possédait un goût très fin, naturel. Plusieurs cartes en main qui permettaient, en principe, de lui assurer des cadeaux digne de lui. Il lui faisait confiance pour cela. L’image de son superbe triptyque parcouru son esprit. Il s’en souvenait encore nettement. Il y pensait fréquemment, d’ailleurs. Un splendide portrait de lui-même en trois nuances voilà qui avait et constituerait un jour le cadeau idéal scellant sa royauté. Il lui tardait de le retrouver… Et il devait ce présent à Enora qui le lui avait fait confectionner. Et le ferait un jour. Avec si splendide certitude, pourquoi craindre le Présent ? Se prenant au jeu, dissipant ses craintes d’un haussement de sourcils, il jaugea le paquet, sa taille. Que pouvait-il bien dissimuler ? Il était long mais sans dépasser la longueur de sa main et son poignet Un objet long… Une montre peut-être ? Il ouvrit le paquet, défaisant le nœud avec précaution. C’était un stylo plume. Son sourcil s’était levé, alors que fusaient dans son esprit des opinions diverses. L’objet était magnifique. Splendide. Mais il n’utilisait que de réelles plumes pour écrire, taillées comme « autrefois ». Une pratique désuète pour beaucoup, un plaisir le concernant. Il n’y avait pas plus grande élégance que manier un tel objet. Et pourtant, Alexis lui offrait un stylo plume… Aurait-il du être agacé ? Il ne l’était pas. L’objet se voulait précieux, d’un bleu nuit profond. Un soleil luisait sur le capuchon, son empreinte gravée. Le long du manche, on retrouvait un paon, ample de ses plumes lourdes et vaniteuses, étalant à sa puissance avec arrogance. Lui aussi se trouvé gravé d’or véritable, à ce qu’il paraissait… Il pencha la tête, observant la finesse des traits, le véritable travail d’orfèvre qui se trouvait dans ses mains. Une pièce unique, disait-elle ? Oui, à en juger par la présence inopinée du paon, il n’en doutait pas. Il tenait entre ses mains une véritable pièce de collection. Il releva la tête vers sa maîtresse, souriant :
- « J’use ordinairement de véritables plumes de paon pour écrire quotidiennement, tu n’as pas pu le manquer, trésor…. » commenta-t-il un tantinet ironique, son regard dévalant le visage de la jeune femme pour venir se poser sur son cadeau.
Ce qui était... on ne pouvait plus franc. Quelque peu glaçant pour la personne offrant un cadeau Pourquoi ? Ciel, aurait-il du se dispenser de ce commentaire ? Oui évidement. Pourtant, il avait tenu à le faire. Alexis connaissait ses habitudes parfaitement. Il suffisait un peu d’observation, observation dont elle ne manquait pas. Présenté ainsi…on eut pu croire que ce n’était pas satisfaisant. Que le cadeau déplaisait. Était-ce le cas ? Pourtant non. Étonnement non. Clairement non. Erwin voulait seulement souligner le risque conséquent pris par le choix de son présent, pour mieux saluer cette décision. L’émotion de sa joie auprès de la jeune femme n’en serait que meilleur. Son regard s’attardait sur l’objet, captivé. Précieux. Une pièce unique avait-elle dit. Il ressentait sa valeur entre ses doigts. Même si les pierres n’étaient pas des émeraudes.
– « Mais, il est splendide, trésor. J’en suis réellement ravi… Cela me permettra d’utiliser un excellent substrat lors de mes déplacements. Bien plus ravissant que l’actuel. » ajouta-t-il après un silence laissant un sourire danser sur son visage « Il est superbe, réellement. Un Très splendide travail, un objet de collection même !…. Je te remercie, trésor. Autant pour la richesse apparente de l’objet que de la richesse affective que tu as pris soin d’y mettre. »
Ce n’était pas quelque chose à laquelle il apportait, personnellement, de l’importance. MAIS, ici… si. Il n’avait pas menti. Au contraire. S’était senti s’adoucir progressivement en concédant cette satisfaction tirée de ce cadeau. Il se sentait…concerné et particulièrement satisfait du soin symbolique qu’elle y avait apporté. Le Paon était son emblème, l’étalage qu’il lui semblait être le plus représentatif de sa personne. Lorsqu’une nuit, Alexis avait évoqué le sujet des daemons, ces sortes d’étranges créatures reliées à eux, sorte de fragment d’âme matérialisés en animaux dans cet univers curieux où elle s’était retrouvé appelée, il avait réfléchi à ce qui devait être le sien. L’existence d’une telle créature poussait à la réflexion. Preminger n’était guère à l’aise, avec l’idée saugrenue de pouvoir exister à un autre endroit… Sa rencontre avec Ursule avait, de prime abord, illustré à merveille, les risques et dangers de cette hypothèse. Pour finir par lui donner matière à réfléchir. Si son LUI, si sublime, se trouvait placé dans un animal. Quel serait cet animal ? Qu’est-ce qui le représentait ? Il avait songé au paon. Son image et son aura s’imposaient à lui, à son imagination et la pleine image qu’il possédait de lui-même. Il existait une légende sur le plus beau des animaux… Preminger la connaissait depuis l’enfance bien . Il ignorait son exactitude, bien que ce qui était autrefois targué d’affabulations pouvait si aisément se révéler authentique à Storybrooke… Mais il se souvenait très bien de celle-ci pour l’avoir appris de sa propre mère. L’histoire qui racontait que le Paon, autrefois le plus bel animal créé et existant sur cette Terre, avait été puni de sa vanité par son cri si peu somptueux. Là, ils différaient, il possédait une voix magnifique. Mais si Erwin se trouvait parfait, il se savait aussi profondément ambitieux. D’une ambition folle, de celle capable de provoquer le courroux divin, du fait du manque de scrupules. Ainsi, sur l’apparence et le caractère que l’on prêtait à l’animal, il s’y retrouvait pleinement. Il s’en était ouvert à Alexis. Lors de cette belle nuit de lune où ils se trouvaient à veiller le ciel étoilé pensivement. Se trouvait heureux à présent de savoir que plus qu’avoir accepté cette confidence elle avait jusqu’à presque valider l’idée… Oui… il appréciait ce cadeau. Réellement. Et elle pouvait s’en rendre compte…. Pourtant lorsqu’elle lui présenta son deuxième cadeau, il eut un rire entendu :
- « Une enveloppe ? Tu comptes me payer ? Je suis si ignoblement exigeant que tu as préféré m’offrir des étrennes ? »
Il roucoula d’un rire entendu. Cela n’était rien d’autre qu’une plaisanterie. Ses doigts tâtaient le bout de papier, sondant celui qui se trouvait à l’intérieur, songeusement. Il doutait qu’ils avaient eu la même idée mais… Au moins, l’intention se révélait être la même et rien qu’au regard de cette perspective, cela rendait la situation profondément amusante et attendrissante. Un billet. Pour où ? Il avait décacheté l’enveloppe avec une lenteur experte et contrôlée, regrettant presque l’absence de son coupe-papier. Il adorait lorsque le tranchant de la lame fendait le matériau. Cela lui donnait un effet décadent incroyablement magnifique… Faute de mien, il le fit de sa main, allait se saisir du mystérieux billet lorsque Alexis déposa sa propre main sur la sienne, suspendant son geste. Un arrêt sollicité qu’elle requerrait et auquel il répondit favorablement. Aussi, il leva la tête à la recherche de son regard. Si elle préférait stopper les choses, ce ne pouvait être qu’à dessein, dans le but de préciser quelque chose. Etait-elle incertaine de son choix de présent ? Il fouilla ses yeux bleus à la recherche d’un doute. Mais, ce ne fut pas ce qu’il y trouva. Plusieurs émotions se mêlaient à son regard bleu et enflammé. De l’Amour surtout, cette charmante étincelle qui faisait pétiller ses yeux, de la joie et une dose étonnante de compassion, qui fit sens lorsqu’elle ouvrit la bouche, évoquant sa nostalgie de sa vie d’antan et le fantôme de sa vie future…. Ce présent mystérieux avait vocation à lui offrir, non pas un avant-goût mais un zeste… Avant de procéder à la vérification de son subit soupçon, il laissa perdurer ses yeux dans les siens. Songeant à sa douloureuse extirpation de son rêve de l’année précédente. Le chalet symbolisait cela à ses yeux. Une fracture entre le Passé et le Futur, un moment suspendu où sa personne entière s’était livrée. Davantage que par le corps à corps. Il savait que leurs âmes s’étaient rencontrées, sur le fronton. Lorsqu’il avait accepté de s’ouvrir un peu à sa nostalgie. Et les yeux de sa maîtresse le rappelait à ce moment précis. Le ramenait à son déracinement, le rapatriant subitement un an auparavant. Revoyait le chemin, les épreuves entre-temps surmontées, les enjeux conquis… L’Erreur et les victoires, les promesses et les conquêtes.
– « Oui…. La Cour est davantage qu’un luxe, c’est un mode de vie. J’aimerai que tu puisses la ressentir, comme je la ressens. Toi, qui est née dans celui-ci, tu penses, sûrement, ne pas pouvoir te plaire dans l’Autre. Dans le mien. Il est exigeant, plus profond que ne le laisse présager ses abords de pure festivités, plus dangereux aussi… Pourtant, avec un esprit taillé et affûté comme le tien, tu y ferais de grandes heures, crois-moi... Et tu t’y plaisais. »
Preminger pouvait s’éblouir de rêves et d’arrogance, parfois, il n’était pas naïf. Davantage intransigeant et cruel. Aussi, plaisant que ce royaume et le Monde qui le contenait, pouvaient-être, il savait pertinemment qu’Alexis n’éprouvait pas encore pour le lieu un emballement aussi farouche que le sien. Il avait grandi en postérité et machiavélisme au sein de ses bals et banquets, il savait pourtant en déceler les esprits potentiels. Alexis n’aimait aucunement les faire-semblants, le jeu des masques, les manipulations, dans la vie courante. Mais elle avait l’esprit, le verbe haut, le sens du fantasque et l’amusement au coeur. La Cour n’était pas faite que de vices. Elle tirait de chacun ce qu’ils avaient de mieux ou de pire à offrir. Elle les révélait pour ce qu’ils étaient, sans la moindre concession. Alexis, pour son audacieuse intelligence et sa bonté aurait pu en être une égérie et mécène d’avis, si facilement. Elle avait relâché sa main, il avait abaissé son regard. Sorti la révélation. Ce qui était à lui. Son cadeau. Il avait pensé à Versailles, certes mais découvrait entièrement l’excellent concept qui existait visiblement et auquel elle venait à présent de le convier. Cela lui tira une exclamation ravie et aiguë. Merveilleux ! Une sorte de jeu de rôles de luxe où il s’agissait visiblement de revivre, de simuler une soirée de ces Temps d’autrefois. Une époque glorifiée pour ceux qui se prêteraient à l’exercice. Mystifiée. Une réalité si vivace encore pour lui… Un but, aussi. C’était un cadeau somptueux. Cher aussi. Preminger considérait toujours mériter le meilleur. Rien n’était trop beau pour Lui. Il n’empêchait qu’il demeurait capable de savoir la somme considérable qu’Alexis avait investi dans ce présent. Non pas qu’elle ne soit pas fortunée, elle était la fille de l’ancien Président des Etats-Unis tout de même, et la fille adoptive de Regina Mills, il savait pertinemment son compte en banque parfaitement rempli. Mais… pour autant, elle n’en n’était pas vénale ni dispendieuse. Si elle investissait, ainsi, tout cet argent, c’était donc parce qu’elle considérait qu’il le méritait. Et si cela n’aurait jamais du le rendre particulièrement étonné : il connaissait la générosité d’Alexis et mesurait tout l’amour qu’il suscitait… Il en restait simplement…Heureux. Et la perspective de retrouver le goût de sa vie d’autrefois le rendait, sinon triomphant, au moins euphorique. Il releva la tête, les yeux brillants même si sa voix tentait de reprendre le le dessus sur son impatience gourmande, dans un sourire posé, dans le plus calme des tonalités :
– « Tu doutes bien trop de ton goût. Je ne peux pas croire une seule seconde que Enora Alexis Child ne connaisse pas, ne serait-ce que par l’intermédiaire de « Mary Smith », les meilleurs hôtels de Versailles, ne serait-ce que de réputation. Le Louis et le Trianon. Ce sont les meilleurs. Avec une volonté égale de proposer un décorum proche du luxe de la Grande Epoque… Bien qu’aucun des deux ne parviennent à égaler son vaste, hélas…trop de modernité. Même si je concède que parfois, l’époque actuelle possède ses propres avantages...notamment en matière de spa. » il s’esclaffa, heureux, puis déclama : « Nous déciderons ensemble…Et cela sera paaarfait ! Mais... »
Il sourit en observant le billet. Le lustre de son époque flottait devant ses yeux. Il entendait son rythme trépidant et décadent, le protocole imposant, la finesse des soieries, l’appeler. Les rires étouffés et le parfum du talc…
– « C’est un magnifique présent, trésor. J’en suis ravi. Réellement. Mais… Il hésita... poursuivit, sincère " sache que tu risques de m’encourager davantage à la certitude d’appartenir profondément à ce Monde et à quel point celui-ci est, pardonne le terme quelque peu offensant...laid à mes yeux. »
Cela lui avait échappé. Plus comme un regret qu’une méchanceté. Il n’avait pas voulu la blesser d’une quelconque manière, non plus. Outre son envie impérieuse de sentir la Couronne sur sa tête, il voulait sa vie. Celle qu’il aimait et que la Malédiction lui avait volé. Mais à quoi bon s’appesantir de soupirs désolants ? Il se trouvait ici à présent. Si son rêve lui avait été ravi, son champ des possibles n’en n’avait-il pas été, par compensation, pour le moins agrandi ? Oui. A quoi bon ternir cette formidable soirée pour des dépits passés ? Il releva la tête, haussant les épaules, subitement plus assuré
- « Mais ce Monde possède son lot d’agréables surprises, aussi ? Je t’y ai trouvé, mon cher trésor. Et cela me laisse une soirée complète et féerique pour te convaincre de tomber aussi follement sous le charme que mooi du Siècle des Lumières. »
Dans un rire léger, il s’était avancé vers son visage au même moment où sa bouche lui avait souhaité un Joyeux Noël, fondant sur la sienne et ils s’étaient embrassés tendrement. Une tendresse où l’amertume se dissipait un peu, fondant, s’atténuant dans la douceur qu’elle lui apportait. S’enveloppant de coton. Là était la saveur de ces baisers-là, d’une quiétude onctueuse, un abandon des fêlures et frustrations, un apaisement qui se transmettait de corps à corps. Alexis recula à peine, formulant son amour à même ses lèvres.
— Je t’aime.
Il savait. Cela faisait un an jour pour jour qu’elle le lui avait néanmoins admis, dans la fournaise éclatante des feux d’artifices vrillant le ciel bleu nuit de son règle. Lorsque sonnait le Minuit d’un Futur. L’Aurore des prémices… Ils le savaient tous deux, déjà. Mais une chose était la connaissance. Une autre de l’admettre. N’est-ce pas ?… Toute cette journée passée avait été si hautement constructive de ce qu’ils vivaient à présent. Le chalet. L’Erreur… Il n’avait pas envie de ternir cette tendresse de désagréables souvenirs sanguinolents ou de présence non désirée. Il l’avait laissé alors, ajouter une fougue au baiser, lui permettant de sceller par son geste sa déclaration. Inscrire pleinement son sentiment sur sa bouche. Lui le recevait alors ainsi, le palpant de ses caresses, le caressant de sa langue. Une déclaration. Un sentiment. L’Amour. Ce n’était pas la première fois qu’il sentait ce témoignage. En cet instant, il l’aspira, se laissant auréoler de cette certitude, au gré de la tendresse de leur étreinte. Cette dernière finit par cesser, lorsqu’elle décida de faire le ménage autour d’eux ramassant les cadeaux pour les déposer un peu plus loin. Il devinait ce qui motivait son geste : une latitude accordée à leurs futurs mouvements. Elle rejoignait son dessein initial, temporairement balayé par un emportement délicat… S’emparant de la coupe de vin qu’elle lui tendait, il la leva haut, laissant la lueur tamisée de la pièce se fondre dans la robe de l’alcool, assombrissant son liquide par ses nuances.
– « Trinquons. Que ce sang coule donc en nous…Boire du vin et étreindre la beauté vaut mieux que l’hypocrisie du dévot... » commenta-t-il le temps d’entrechoquer sa coupe fuselée contre le verre de sa maîtresse.
Il s’en éleva un tintement clair, faussement pur. La gorgée de nectar coula dans sa gorge, alors qu’il se replaçait sciemment, davantage languissant. Il avait bu encore, le regard dans celui de la jeune femme. Sans mots. Les yeux et les attitudes parlaient davantage. Ils chantaient d’ores et déjà les prémices de leur future réunion, se parlaient à voix basse. Il lui donna son verre, l’observa le déposer sur la table basse, puis l’approcher, les mains posées sur le canapé, la démarche ondulante. Dans sa soierie de dentelle d’un bleu que la lumière tamisée obscurcissait, elle semblait parée de la noirceur scintillante d’une panthère. Et semblait s’accaparer ses mouvements soyeux. Elle l’atteignit néanmoins, picorant sa peau, ses lèvres d’un baiser pour mieux s’allonger langoureusement sur ses genoux. Erwin sentit ses lèvres sourire, alors que sa main venait caresser le haut du crâne de la jeune femme, glissant ensuite le long de ses tempes pour venir se nicher dans le creux de sa joue. Même s’il sentait ses sens s’affiner, l’air se réchauffer un peu, il aurait pu demeurer ainsi. La tête d’Alexis pesait légèrement sur ses cuisses, et elle lui souriait, de ce sourire échauffé où l’amour se mêlait au désir. Ils étaient bien. Débauchés et impudents rien que par cette seule scène, mais néanmoins flottait dans l’environnement une quiétude paisible que le désir irrépressible n’avait pas encore corrompu. Ne rien consommer encore pour savourer ce moment de plénitude était envisageable… Pourtant… Renoncer à des charmes bien plus intenses et voraces… Sa main gauche sur la peau de la libraire se réchauffait à la chaleur de ses joues, l’autre avait été « volée » par celles de la jeune femme, se retrouvant aux prises de baisers sensuels et humides. Une invitation qu’elle tentait de lancer. Il la laissa mener la barque. Il appréciait de la voir tenter d’allumer les hostilités, sachant parfaitement qu’il demeurait maître d’y céder ou non… Et il aimait aussi se laisser un peu surprendre, se sentir désiré. ET se faire désirer, laissant monter l’attente jusqu’à ce qu’elle ne devienne insoutenable ! Alexis plaqua soudainement sa main baguée contre sa poitrine généreuse, allumant une étincelle vive dans son regard de braise. Elle sembla s’en satisfaire, ne le lâchant pas des yeux, continuant à guider sa main sur la frêle dentelle et les promesses qu’elle cachait. Il ressentait sa peau, cette chair en dessous, à peine préservée de son toucher. Mais qui voulait décemment être préservée d’un toucher lorsque l’on choisissait de se parer ainsi ? Bien au contraire, le tissu ne faisait qu’émoustiller, parer. Il n’était pas une barrière mais une parure, soulignant et agrémentant les fantasmes de la nudité, excitant celui qui l’observait et celle qui s’en paraît… Sa main glissait aventureusement le long de son corps, invitée par les siennes, tentatrices, à continuer sa course et sa charmante « découverte »… Paresseusement, sans le quitter des yeux, Alexis releva l’une de ses jambes écartée pour venir la déposer doucement contre le dossier du canapé, galbant sa cuisse et son mollet blanc. Ce geste remonta le tissu, entr’ouvrit davantage l’interstice que sa position découvrait déjà. Il n’y portait pas forcément le regard, quand bien même elle l’y invitait de cette manière si délicatement subtile, préférant davantage sourire en retour au regard insolent qu’elle lui servait. Ornant le sien d’une dose de compréhension fourbe. Elle le regardait, attentivement, un éclair de malice venant pétiller son regard davantage. Satisfaite de son manège et il lui sourit en retour, gagné par ce même sentiment. Le sien fonctionnait aussi à merveille. Puisque chaque impulsion se voulait dictée par une envie commune de s’attiser. Elle par son attitude, lui par sa fausse indifférence. Il referma sa main le long de sa taille, faisant mine de s’y arrêter, refusant de poursuivre sa dégringolade et il vit alors, dans le bout de son champ de vision, la jambe fuselée de la jeune femme s’impatienter contre l’appui tête. Puisqu’il feignait de ne lui accorder aucune attention, alors, elle jouait encore d’une autre manœuvre. Une tentative rusée de faire dériver son attention jusqu’à sa jambe nue, tout en tentant de faire remonter le tissu jusqu’à l’indécence pure, sans risque de fendre la dentelle par un geste trop brusque. Lui-même devrait veiller, ensuite, ensuite à ne pas ébrécher le tissu avec l’une de ses bagues dans un mouvement de délicieuse impatience… Après tout, il aurait été fort dommageable d’abîmer une telle merveille… qui resservirait. Après un haussement de sourcil, quasiment imperceptible qui signifia à la jeune femme, bien nettement, ô combien il comprenait son manège, il délaissa lentement le regard du charmant minois de sa maîtresse pour glisser son regard incandescent…là où elle tentait fourbement de guider sa main. Y trouvant de la peau nue. Rien que cela. Mais c’était déjà source de nombre de promesses intimes dont leurs corps semblaient avoir le secret… Il n’y porta pourtant pas, ne serait-ce que l’index. Guida néanmoins sa main à sa frêle et insoutenable lisière, se déposant sur sa cuisse.
– Il n’était pas l’Heure que je réponde aux appels du Roi de la Nuit ? A moins que celui-ci soit désormais trop endormi… Et si facile à dompter ?
Il éclata d’un rire entêtant, bas, presque sourd. Presque une plainte. Presque la base d’un ricanement rauque annonciateur et sombre. Charnel, sûrement. Pencha la tête, l’observant sans trop avancer. A mi-chemin entre l’écart et la proximité de sa peau. Elle voyait sûrement ses yeux flamber. Non d’une braise vive et dévorante, davantage d’une flamme insidieuse mais non moins efficace. Un feu semblable au miel s’écoulait de son regard. Laissa sa main, ses ongles même s’incruster dans sa cuisse, remonter, imperceptiblement. Elle inspira soudainement, alors que ses yeux s’écarquillaient un peu.
– « Fatigué ? Facile à dompter ? Est-ce vraaaimeeent de la bouche de la féline ingénue qui se prélasse sur mes genoux, que sort cette affirmation ? Qu’est-ce donc cette posture, si ce n’est la langueur que je vous inspire assurément» il soupira ces mots, laissant ses doigts s’inscrire au creux centre ardent de son désir émergeant, le forçant à s’animer plus vivement que jusqu’alors. Sentant son frémissement, il ricana, un rictus narquois plaqué sur sa face arrogante « Par ailleurs… vous semblez pour le moins...réceptive à mon charme » déclama-t-il dans un murmure, la mine mesquine, alors que sa main la frôlait encore, lentement, telle une meurtrissure rougeoyante, une braise qui prenait feu, l’incendiant. «Et pourtant, vous êtes dans le vrai. Je l’exerce encore siiii légèrement. Mais, puisque vous vous pensez digne d’attirer mon exigeante attention, je viens ma chère… Prudence, un coeur trop pur peut facilement s’y briser, en deux ; je ne suis qu’ombre et glace après tout. »
Son autre main était venue taquiner son menton, lui accordant une fine once de sourire altier. Dans un contrôle total. Sa main encore humide des baisers qu’elle y avait distillé, elle, s’affairait bien plus cruellement. Il n’avait pas besoin d’y porter le moindre regard, préférant récolter le fruit de son effet sur son visage nu, enfiévré et provocateur. L’effet de son tourment, son appel à sa poursuite, son abandon lascif, son charme offert. Il abaissa le visage, alors qu’elle tendait le sien vers lui, sous l’inquisition féroce de ses yeux dorés..
– « Ce qui ne signifie pas qu’une telle morsure, crue… ne puisse…vous brûler de la plus belle des manières. Le baiser du froid possède sa propre chaleur...létale.»
L’’une de ses mains quitta son visage pour glisser sous elle, impulsant une courbure, tandis que l’autre ondoyait,se pressant contre sa peau fine, soyeuse et brûlante, la parcourant lentement. L’échauffait par la tension qu’y faisait naître ses longs doigts experts. provoquant un spasme alors qu’il avançait encore vers son visage :
– « Mais après tout, je sais que vous vous dites… comment refuser ? »
Il avait murmuré ses deux mots. Les siens. Son credo. Son slogan. Son ambition. A même ses lèvres. Clouant par ce biais la force de son désir, et le plaisir qu’il provoquait, dégustant sa puissance de la pointe de ses lèvres et la saveur des mots proférés. Il la goûtait, du renflement splendide de sa bouche jusqu’à la fournaise embrasée qu’il allumait dans l’entièreté de son être, suavement, lentement. Son toucher était délicieux semblait-il, à constater Il absorbait les plainte qu’il créait avant même qu’elles ne s’expriment. Le baiser devenait volupté pure. Charnel, la langueur l’emportant sur la fougue, alanguissant leurs sens aux abois. Tel le miel, il distillait son charme dans son étreinte, titillant, picorant ses lèvres douces, la faisant sombrer sous sa redoutable séduction. La moindre agressivité était niée, ne restait que la langueur lascive que le désir créait en eux. Une onctuosité croissante qui les étourdissait, gommant les alentours. Il dégustait sa bouche, traçait son plaisir, activait le sien… La nuit était pleine de promesses. Il convenait de les cueillir. Lentement, alors, il ploya sa taille de sa taille, pour mieux glisser. Dans un geste délicat, il se redressa, l’étendit pleinement contre le canapé, la dominant pour mieux s’allonger sur elle. Lentement, sa cape sombre et nocturne se referma sur elle, tandis que sa main retrouvait, avec aisance, le chemin emprunté. Bientôt leurs corps entiers se rencontreraient pour mieux s’unir. Plus tard, avant que le voile entier de la Nuit blafarde ne s’abatte sur eux, leurs corps et leurs âmes fusionnées strieraient le ciel de firmaments incandescent, aussi brûlants que le rayonnement de l’Aurore.
Ce fut le Soleil qui le réveilla, baignant la pièce dans un halo clair et presque laiteux. Des lours rideaux épars encadrant les volets, filtrait le simple faisceau qui suffisait à le tirer de son sommeil, caressant sa joue d’une rayure chaude de lumière… Il remonta sa main par delà la surface de l’antre chaleureux et bienfaisant que constituait le lit, réajustant le drap sur le haut de l’épaule nue d’Alexis. S’’il n’avait ouvert les yeux spontanément sous l’éclat de lumière, le chatouillement léger des mèches brunes et long de sa maîtresse au creux de son cou ainsi que la chaleur de son corps le long de son corps, suffisait à signaler sa présence blôttie contre lui. Il tourna la tête, paresseusement, pour néanmoins la dévisager dans le clair épars de la chambre, les yeux encore quelque peu brouillés par la fatigue. Le sommet de son crâne dépassait et il apercevait son profil paisible, à moitié apposé contre sa musculature. Ainsi visible, elle paraissait...gracile. Un léger sourire flottait sur ses lèvres qu’il appréciait voir sur elle. Alexis était une jeune femme souriante, jusqu’à son sommeil. C’était un moment qu’ils ne partageaient peut-être pas mais qui pourtant trouvait grâce aux yeux du notaire comme étant à son seul profit. Il la connaissait sous ce jour qu’elle même ne connaissait pas. A cet instant précis où son esprit voguait dans les contrées éphémères et folâtres des rêves, il lui semblait pourtant qu’elle lui appartenait plus encore. Ils baignaient dans cette sorte de tendre éveil dont seule l’union passée avait le secret. Comme si le plaisir porté jusqu’aux nues faisait accéder autrui à un état de nudité qui dépassait la simple visibilité de l’entièreté de leurs membres. Et pourtant… Preminger savait à quel point, cela avait pu se révéler faux dans toute autre relation passée. Il n’avait aucune difficulté à se réintroduire dans la peau d’un personnage aux premiers sursauts de l’éveil. Là, à cet endroit et auprès d’elle, il se sentait simplement lui-même. Et puisqu’il s’adorait, une saveur particulière accompagnait le moment. Il aimait se faire passer pour autrui, jouer être autrui, il n’aimait pas être autrui. Alexis remua un peu arrachant au Maire un sourire presque attendri. Le sommeil semblait pour elle, un paradis à en juger l’expression de plénitude qui transparaissait. Il gommait ses peurs sauf lorsque l’ombre sinistre d’un cauchemar hantait jusqu’au profond de l’esprit… Là repliée contre lui, elle semblait goûter un bonheur dont il s’accordait en majorité le bénéfice. Erwin Preminger savait sa présence dévorante dans l’excès du positif comme dans le négatif. Il exigeait beaucoup, donnait peu. Mais ce qu’il donnait restait éminemment bien plus précieux… N’est-ce pas ? N’était-elle pas comblée à ses côtés ? Soudainement transporté par cette arrogance, il se redressa, mué d’un besoin soudain:/ Il fallait qu’il s’empare de son miroir… La perspective de se mirer dans cette lumière, dans cette ambiance. - Il l’aurait fait en tout Temps pourtant-. Aussi, il se dandina un peu, sous les draps tendant la main à tatons, à la recherche de la commode. Il avait placé l’objet à dessein pardessus, hier, une habitude nécessaire… Mais pourtant, encore trop engourdi, peinait à y mettre la main, ne rencontrant sous sa paume que le bois tiède. Où diable pouvait-il être ? Comme sentant son agitation, dans un mimétisme ignoré, Alexis bougea un peu, s’avançant dans son sommeil, dans un geste vigoureux. Il émit une protestation à peine étouffée, lorsqu’elle s’appuya sur lui davantage, une jambe pardessus sa cuisse venant involontairement jusqu’à lui écraser le bras qu’il avait laissé le long de son flanc. Puis s’empressa d’ôter ce dernier de cette compression involontaire, causant un mouvement supplémentaire chez la jeune femme. Elle se réveillait. Ses longs cils battirent une mesure inconnue, sous la surprise… et bientôt elle fut là, à l’observer. Un autre s’en aurait sûrement voulu de l’avoir tirée du sommeil. Mais outre le fait que cette cause avait été totalement involontaire, elle suivait les intérêts du notaire. C’était son défaut, lorsqu’il était éveillé et pleinement pressé de jouir pleinement du Futur qui s’annonçait dans les premières heures, il ne résistait que rarement à l’idée d’entraîner autrui dans ce dernier. Parfois, tempérait-il en allant prendre une douche, mais là… Noël… Son autre main caressa du revers de l’index la joue veloutée de la jeune libraire, la ramenant à la réalité de la plus délicate des manières. Émerger, s’ancrer pour mieux vivre. Bientôt déjà, le quotidien la rappellerait trop vite, notamment à son devoir ennuyeux de mère qu’elle voyait pourtant avec une émotion heureuse, que Preminger ne comprenait goutte. Mais en cet instant, elle restait à dans cet entre-deux, dans ce surgissement où elle ouvrait les yeux sur lui, la bouche encore souriante, presque malgré elle, les cheveux emmêlés de la nuit et des ébats.
– « Why hellooo ? » chantonna-t-il dans ce qu’il ne devait être qu’un murmure mais dont l’enthousiasme avait ôté la discrétion, sa main jouant écartant de l’ongle le bas d’une mèche qui le dissimulait un peu à sa vue. « Joyeux Noël mon trésor ! »
Son autre main enserra sa taille, la pressant davantage contre nous, tandis que profitant du fait qu’elle levait faiblement la tête vers lui, la mine hésitante entre fatigue écrasante et douceur, pour abaisser son visage, apposant son front sur le sien. Il savait qu’à elle point, elle appréciait ces moments d’apaisement mutuel et de partage muet. Il laissa le temps s’écouler encore, sachant le monde nécessaire à l’acceptation de son réveil. Elle pouvait bien grommeler et se retourner paresseusement dans le lit… Mais ainsi, finirait par d’avantager admettre les points positifs qu’amorçaient une nouvelle journée ? Pouvait-il exister plus plaisante figure à apercevoir que la Sienne pour parer un Jour de la plus belle des promesses ? Diantre non ! Relevant le visage dans ses cheveux, y mêlant les siens, il déposa ses lèvres sur le sommet de son crâne, laissant sa bouche se referme doucement sur sa chair. Toute éprouvante que la nuit avait été, elle ne les avait pas étreint d’un épuisement las. Davantage, avait mêlé leurs êtres et leurs corps. « Un ravissant réveillon se fut là » songea son âme orgueilleuse, enjouée des souvenirs galopant son esprit. Il eut pu recommencer. Il était suffisamment alerte. Mais… aussi fourbe que puisse être la tentation, il n’était pas Temps. Non. Il se prélassait avec plaisir dans la tendresse presque sensuelle du matin…
– « As-tu bien dormi ? » son pouce caressa doucement le contour d’une cerne, marque nette de l’effusion passée, une mine satisfaite sur le visage « Si cela fut bref, on ne peut dire que pourtant, elle fut plus conséquente que l’année passée »
Conséquence non causée par le manque de désir, loin de là… Pour autant, ils avaient profité différemment des auspices de cette nuit de Noël. Dans une lenteur faite langueur. Avec une étreinte que l’effusion avait changée en fusion.
– « Trêeeeve de sommeil, mon petit Trésor ! Que dirais-tu d’ouvrir ton dernier préseeent ?» ronronna-t-il langoureusement, s’étirant avec grâce sur le matelas, un sourire narquois fusa sur sa mine altière « Après tout, n’est-ce pas Noël aujourd'hui ? Ne faut-il pas le fêter dignement ? Prends donc ton cadeau.»
Il relâcha son étreinte, lui tourna le dos, récupéra le miroir sur la table de chevet, ENFIN, pour mieux revenir se caler entre ses oreillers. Un sourire ironique figé sur son visage, il porta le miroir jusqu’à ses yeux, feignant de ne pas accorder une once d’attention au désarroi d’Alexis. Tout aussi absorbé qu’il pouvait être de son magnifique reflet, il ricana en silence, pinçant ses lèvres charnues l’une contre l’autre, contenant à grand peine un ricanement silencieux. Elle avait visiblement cru qu’il se penchait pour récupérer le présent… Que nenni… Il se sourit, découvrant légèrement ses canines, puis tourna l’objet de manière à faire entrer la jeune femme dans le champ de vision de la glace, l’observant à travers son si cher objet :
- « Non… ce n’était pas une plaisanterie. Tu as bien un présent. Et, non » proféra-t-il avec un empressement suave « Ce n’est pas moi. Aussi précieux que je puis être et bien que je sois une pure et réelle merveille, je ne suis ni à offrir ni à vendre… En tout cas pas sans… » il leva les yeux au ciel, avec humour, comme incapable de formuler une pensée. En réalité, il savait très bien : une Couronne, un royaume, le Monde. Des choses qui supposaient bien davantage de se vendre que de s’offrir. Offrir nécessitait une abnégation de soi, notion dont le maire se trouvait fort ignorant et se considérait satisfait de l’être. Reportant son attention sur la libraire, qui à présent, se relevait un pour s’accouder, il précisa :
- « Non, non trésor… Il suffit de le trouver… Je pense que ton esprit n’a jamais été aussi proche de lui que cette nuit ».
Il sourit d’un ton mystérieux, ponctuant son petit discours d’un rire satisfait, laissant son esprit vif faire le rapprochement. Sourit lorsqu’elle trouva enfin, soulevant son oreiller pour y découvrir son présent. L’enveloppe était fine, à peine rembourrée. Il savait néanmoins que ce qui s’y trouvait n’en restait pas moins précieux. Aussi, alors qu’elle s’accoudait, replaçant ses cheveux en arrière, sur le reste de l’oreiller, il se replaça à sa hauteur déposant son miroir sur ses genoux. Sa main sur superposa à celle d’Alexis, tandis que, suspendant son geste, il déclarait :
– « A vrai dire… Toute la soirée d’hier était un avant-goût… Mais regarde-donc...»
Il la laissa ouvrir l’enveloppe à son intention qu’il avait scellé d’un sceau de cire, ses yeux d’or guettant avec un empressement curieux son expression lorsqu’elle découvrirait son cadeau… Il attendit qu’elle ne tire les deux billets pour préciser avec une emphase triomphante :
– « « Casse-Noisettes ». Tu es telle Clara, en ces temps enneigés… Et Tu as, à présent, l’insigne honneur d’être invitée par mes soins à assister au ballet, cette fois, qui se tiendra prochainement au théâtre Marrinsky de Saint-Pétersbourg… Et pour cette fabuleuse occasion, nous séjournerons cinq jours à l’Hôtel des Quatre Saisons...qui suit un peu l’équivalence du faste versaillais, d’ailleurs. Le Temps de profiter de l’époque perdue de ce pays…Et si tu désires allonger ce jour à une semaine...comment refuser ?».
Son sourire s’élargit, satisfait. Elle appréciait cet univers. Les livres et la culture russe qu’il avait vite songé à lui faire découvrir cet endroit en vrai. Et Casse-Noisette se prêtait avec une telle facilité à l’époque de Noël… Son histoire ne se déroulait-elle pas en ce jour si particulier ? L’occasion idéale de l’illustrer. A l’intérieur de l’enveloppe se trouvait une élégante miniature de Casse-Noisette, qui pouvait se porter en pendentif et qui servait surtout à "boucler la boucle" du conte de fée. La main droite toujours sur le poignet souple de la jeune libraire, Erwin chantonna avec douceur :
-« ChristmasWishes Hiding in your heart Deep inside with all your hopes and... ChristmasWishes want to be a part of bringing joy to you and making dreams come true... »
Une charmante chanson qu'il avait entendue sur son marché de Noël, la veille, et dont la mélodie était restée gravée dans sa mémoire. Les voeux de Noël... Avaient-ils réellement plus de forces que ceux des jours ordinaires? Ou était-ce davantage ce Jour qui provoquait chez autrui une capacité à rêver plus férocement que jusqu'alors? Il observa son amante, se pencha pour l’embrasser, afin de savourer la joie et la perspective des moments de partage et d’émerveillement qu’il venait de lui offrir. Ils feraient ce voyage. Et tant d'autres, dont il n'avait pas encore conscience aujourd'hui. Si son Destin lui paraissait toujours clair, inscrit en lettres d'or qu'il avait lui même tracées, les surprises et détours qui constelleraient sa route lui étaient, en revanche, inconnus. La route demeurait à écrire, seul l'Avenir se trouvait joué. Il savait seulement qu'aujourd'hui n’en était pas le début. Aujourd'hui n’était que la continuation. Et demain la promesse de rêves accomplis et de victoires à venir… Qu'il vivrait, avec elle à ses côtés.
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Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »
| Avatar : Kaya Scodelario
Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...
Christmaswishes are hiding in your heart, so what are yours ?
Plus que les rayons du soleil ou les pleurs prononcés de mon fils, c’était son père qui avait mis fin à mon sommeil ce matin-là. Est-ce que ça m’étonnait ? Non, il n’était pas rare qu’il le fît. Est-ce que ça m’ennuyait. Totalement. Si je n’avais rien retrouvé à y redire pendant nos premiers mois de relation, son habitude devenait de plus en plus casse-pieds. Déjà parce que j’étais pas matinale, argument et non des moindres et surtout parce que depuis que j’étais mère célibataire, le sommeil était une denrée rare et précieuse et s’il existait des matins bénits où je n’étais pas réveillée par Isaac, ils étaient destinés à mon plein sommeil et n’avait pas vocations à être interrompus par le paternel. Tout en grognant légèrement en me tortillant sous les draps, je lui avais tout de même souris tandis qu’il me saluait :
— Why hellooo ?
— Tu m’embête Erwin Dorian, pour éviter d’utiliser un autre mot qui choqueraient tes prudes oreilles en ce matin de Noël.
— Joyeux Noël mon trésor !
— Ouais c’est ça ouais, tout pareil.
Je n’avais que très peu suivie la joute qui avait précédé mon réveil, ne l’ayant pas senti tenter de s’extraire de mes bras ni même les réflexes que j’avais eu pour le retenir et me raccrocher également au sommeil. Je m’étais contenté de lui envoyer un regard aux sourcils froncés avec douceur lui montrant mon mécontentement tout en me laissant aller à la légèreté du moment. J’avais d’ailleurs eu un petit rire qui avait détendu mes traits avant que mes yeux ne se posent sur le miroir qu’il tenait à la main. Je préférai déjà oublier qu’il m’avait réveillé pour ça au risque de lui briser sur la tête.
— Joyeux Noël à toi aussi.
Je lui avais souris, sentant sa main trouver refuse au creux de mes reins, me ramenant à lui d’avantage pour une étreinte empreinte de douceur. Je m’étais laissée aller au moment, fermant les yeux au contact de son front contre le mien, réalisant alors à quel point ceux-ci me brûlaient et me supplier de garder mes paupières closes pour leur offrir encore un peu de repos. C’était pourtant peine perdue et je le savais. Des deux hommes qui se trouvaient dans ce chalet, aucun d’eux n’avait l’intention de me laisser me rendormir après m’avoir réveillé. J’avais alors senti ses lèvres se poser sur mon front et j’avais eu un léger gémissement d’aise tandis qu’il me questionnait sur la nuit :
— Oui bien dormir, bien que pas assez, je me demande pour-quoi...
J'avais ponctué mon dernier mot d’un doigt accusateur qui était venu se presser sur sa poitrine à deux reprises, sans douleur pourtant. Un sourire amusé était alors né à la commissure de mes lèvres tandis qu’il précisait que nous avions pourtant d’avantage dormit que l’année précédente. J’avais alors eu un petit rire en précisant :
— Eeet oui, depuis y’a un être vivant de 3,5 kilos qui est sorti de mon corps... La jeunesse, c’est plus ce que c’était...
J’avais eu une moue désapprobatrice exagéré tout en secouant la tête, faisant semblant de croire sincèrement à ce que je disais. Et pourtant, au fond de moi, même si je rigolais de la situation, même si je savais qu’il ne l’avait pas dit en ce sens, je n’avais pas pu m’empêcher de le prendre pour moi, de me sentir coupable. Ce que j’avais été n’existait plus. Je ne regrettais en rien ce choix qui, dans l’absolu, couvrait largement toutes mes espérances et faisait mon bonheur au jour le jour. Pourtant, quand il m’arrivait de regarder égoïstement ma vie, de façon largement plus microscopique, je voyais les changements opérés sur mon corps, la fatigue qui creusait le dessous de mes yeux, mon endurance largement amoindrie car entièrement pompé par les soins que j’offrais à Isaac. Et dans ces moments-là, je regrettais celle que j’avais été, celle qui n’avait besoin que de peu de sommeil la nuit, celle qui faisait des raves party jusqu’à n’en plus finir ou qui vivait des nuits blanches charnels sans même sourciller. Alors je culpabilisais encore plus de les préférer par moment à mon fils, je me demandais si je le méritais vraiment et si une bonne mère avait ce genre de pensées. Et j’en revenais alors là à cette phrase qu’il venait de lancer, au fait même que quelques minutes auparavant j’avais pesté à l’idée qu’il puisse me réveiller et je me demandais alors si tout cela n’était finalement pas un peu plus que le fruit de mon imagination et de mon mal-être et si finalement, il ne l’avait pas aussi dit un peu dans ce sens, regrettant la jeunette fougueuse qu’il avait connu au profit de cette mère de famille qu’il avait à présent à côté de lui.
Pourtant, plus que d’insister sur ce point qui me faisait déjà bien mal, il revenait sur cette histoire de cadeau, me précisant qu’il m’en restait encore un. Il s’était détourné de moi et j’avais attendu, bien qu’il était revenu vers moi bredouille, se mirant sous l’effet de sa “blague” à travers son miroir tandis que j’haussais un sourcil, un air de “t’es sérieux là ?” très clairement inscrit sur mon visage. Je ne m’étais pas départie de mon expression quand son miroir avait fini par me révéler à sa vue. Il me confirma que j’avais bien un cadeau et je commençais sincèrement à me demander où il voulait en venir. Mais plutôt que de me répondre, il avait trouvé utile de préciser que...
— Ce n’est pas moi. Aussi précieux que je puisse être et bien que je sois une pure et réelle merveille, je ne suis ni à offrir ni à vendre…
— T’es surtout pas un cadeau oui...
Je l’avais ricané doucement, aussi fière de ma vanne que je le pensais sincèrement. Non pas pour le descendre en flèche mais parce que d’une certaine façon, je trouvais que l’expression lui sciait à merveille. Bien sûr que non il n’était pas un cadeau, il puisait dans mon capital patience sans aucune vergogne et si je passais auprès de lui des moments délicieux et que je l’aimais profondément, je ne pouvais nier que son caractère et sa façon d’être et LOIN d’être de tout repos. De son côté, il avait poursuivi, sans doute encore trop absorbé par sa phrase précédente pour entendre la mienne :
— En tout cas pas sans…
Il s’était tut mais mon humour et ma joie de vivre l’avaient suivi. Il n’avait pas eu besoin de finir sa phrase. Il avait feint de ne pas savoir finir sa phrase mais j’étais certaine du contraire. On avait eu la fin de sa phrase qui avait été hurlée dans le silence, nous explosant à la figure à tous les deux. Bien sûr, je pouvais toujours me tromper, mes peurs, doutes et complexes pouvant prendre le dessus sur une vérité qui n’en était pas une mais j’avais beau tenter de le penser et de me le répéter pour me calmer, je savais au fond de moi que ce n’était pas vrai. Pas vrai parce qu’il m’avait plus d’une fois montré cette partie de sa personnalité et que même si je pensais chaque jour un peu plus qu’il m’avait menti sur ce point, il tentait de moins en moins de me dissimuler la vérité tandis que je continuais à creuser à sa recherche. Pas sans Couronne. Était-ce si difficile à deviner ? Sa précieuse couronne qui ne quittait presque jamais son esprit. Parce que son monde et ses beautés ne quittait jamais son esprit. Il me l’avait encore avoué la veille au soir lorsque je lui avais offert son cadeau. Je m’étais bien endormi dessus car la suite de la soirée me l’avait fait oublier mais tout revenait désormais avec une certaine amertume. Il n’avait aucune envie de s’acclimater à cette vie, il n’avait de cesse que de penser à y retourner, persuadé que je saurai y trouver mon bonheur et ma voie également.
Sa précieuse couronne... celle qui faisait que nous avions dû nous cacher toute la soirée d’hier, que notre journée de Noël se trouvait entrecoupée par elle. Il n’avait aucune honte à avouer qu’il était prêt à se vendre ou à s’offrir si c’était pour la couronne... après tout, ne l’avait-il pas fait ? Mais si jusqu’à présent son mensonge m’avait fait oublier ce morceau crucial de la réflexion, sa petite boutade me le renvoyait en pleine tête. Non il n’avait aucune honte à se vendre comme un Escort en recherche d’argent. Il n’avait même pas honte d’avoir dû le faire. Il avait été près à le faire pour une bonne partie de sa vie et loin du devoir marital qui était le sien, ce devoir de bienfaisance qu’il m’avait servi, il s’était offert à la reine à la seconde où elle avait bien voulu le voir comme un bon parti. A Elle. Sa femme. J’avais dégluti en y pensant, me reculant légèrement de son étreinte, avalant ma salive avec difficulté. J’avais d’ailleurs fini par me retirer franchement pour me reposer sur mon oreiller tandis qu’il poursuivait sur son cadeau que je n’étais plus très sûre de vouloir. Tentant de me concentrer sur le son de sa voix pour oublier ce que j’étais en train de réaliser, je finissais sa petite énigme de façon presque mécanique. Je ne devais pas me laisser submerger par mes émotions, il fallait que je reste calme, la tête froide, il ne servait à rien de gâcher le moment...
Ma main s’était glissée sous mon oreiller pour récupérer une enveloppe que j’observais un peu surprise. Déglutissant avec peine, je lui précisais d’une voix à demi éteinte, avec une pointe d’acidité dans mon comique de répétions que j’aurai préféré savoir gommer :
— Une enveloppe ? Tu comptes me payer... ?
Il avait posé sa main sur la mienne pour m’empêcher d’ouvrir le sceau avec trop d’empressement, le temps de me donner une ultime précision. Il me laissa ensuite faire et je découvris non sans surprise deux billets pour Casse-Noisette, un ballet à voir à St-Pétersbourg. J’avais haussé les sourcils, foncièrement surprise, le cœur battant. Je me détestais en cet instant, piégée entre mes pensées polluées qui brûlaient mon cœur aussi fortement que le plus pur des acides et la joie qui s’élevait de ce cadeau, rajoutant par-dessus mon âme rongé un vent de douceur qui rendait le tout presque vomitif. Ce cadeau... c’était pourtant si parfait. C’était quelque chose qu’il voulait partager avec moi, me dévoilant à quel point il me connaissait sur mes goûts et mes envies. Jamais encore je n’étais allée en Russie et pourtant, ce n’était pas l’envie qui m’en manquait, tant le pays était chargé d’une histoire riche et des plus éminents artistes et scientifiques du 19e et 20e siècle.
— « Casse-Noisettes ». Tu es telle Clara, en ces temps enneigés…
Clara ? Qu’est-ce qui me rapprochait de Clara hormis le fait qu’elle était tombée amoureuse de son casse-noisette personnifié par un homme ravissant et qu’elle perdait en sortant de ses songes ? Il avait beau déroulé son programme, je ne cherchais plus qu’à comprendre la comparaison tandis qu’un petit Casse-noisette scintillant et finement ouvragé tombait dans ma main, laissant apercevoir le bijou qui pourrait être lié à une chaîne.
— Une semaine... wouahou... c’est... c’est trop...
Ma gorge se nouait toujours plus, mes larmes se faisant de plus en plus pesante dans la prunelle de mes yeux. Mes sentiments, mes pensaient me dévoraient et plus je tentais de lutter pour éviter de gâcher le moment, plus je le gâchais intérieurement. Il m’offrait un voyage de rêve, il me proposait même de le prolonger comme s’il ne souhaitait pas que tout cela s’arrête entre nous... alors pourquoi est-ce que j’étais incapable de le voir ? Pourquoi, plus que de voir qu’il souhaitait retourner dans son monde et que rien ne comptait plus que sa couronne, je ne prenais pas non plus conscience qu’il avait tenté de me faire comprendre qu’il souhaitait sincèrement que je m’y plairai car il ne se voyait pas faire ce voyage et ce déménagement sans moi ? Pourquoi je me raccrochais à la moindre petite chose qui allait dans le sens de la destruction ? Comme cette chanson qu’il chantonnait sur mon cœur, mes rêves, comme s’il y était parfaitement étranger, profitant de ce qu’il y avait à profiter avant de retourner à ce qui était vraiment important ?
“Il n'en a rien à faire de vous, il vous couvre de cadeaux dont il ne comprend pas même le sens uniquement pour vous tenir tranquille dans sa main comme une loutre apprivoisée.”
J’avais senti ses lèvres se poser sur les miennes mais je n’avais que très peu répondu au baiser tentant juste d’empêcher les larmes qui montaient encore et toujours plus de couler. Peut-être même avais-je grimacé au contact, il fallait que je trouve un moyen de me reprendre, de revenir dans cette conversation avant de tout gâcher, il fallait que je respire, que je me calme, que je...
J’avais bondi hors du lit plus vite qu’un cabri, le laissant planté là, avec ses lèvres encore tendues vers notre baiser, ses bras non loin de l’enveloppe et du petit Casse-Noisette que j’avais laissé derrière moi tout en sortant de la chambre le plus rapidement possible, récupérant au passage mon peignoir que j’avais posé stratégiquement sur la chaise au cas où Isaac pleurerait pendant la nuit. J’avais écrasé mes larmes, espérant qu’il ne me verrait pas faire avant de disparaître de sa vue pour m’approcher de la pièce où j’avais laissé mon fils et qui faisait office de chambre. Il y avait un grand fauteuil dans cette pièce qui serait parfait. Je m’étais dirigée vers son lit où il s’époumonait sans aucun répit. Le prenant dans mes bras, j’avais rejoint la cuisine pour récupérer un des biberons dans le frigo, préférant éviter lui donner de mon sein de peur que l’alcool ne se soit pas entièrement dissipé de mon lait. Je l’avais réchauffé au micro-ondes quelques secondes, tentant de le bercer en même temps pour éviter qu’il ne crie trop fort à s’en briser les cordes vocales. Le faire cesser était peine perdue, il avait mal, il souffrait, peut-être autant que moi. Mais il n’avait juste pas encore appris à encaisser silencieusement. Récupérant l’objet du désir, j’avais fait couler quelques goûtes sur mon poignet pour m’assurer de la bonne température avant de retourner m’enfermer dans la pièce avec lui. La veille encore, j’avais prévu de lui donner son premier biberon avec nous, dans notre lit, pour profiter du moment ensemble. En cette instant pourtant, je n’en avais aucune envie, j’avais juste besoin de temps, de calme, de me remettre de ce que je pensais à tort ou à raison. Isaac avait stoppé ses cris à la seconde où la tétine était entrée en contact avec sa bouche, émettant les petits bruits de glouton qui me faisait tant fondre habituellement. Ils avaient eu le don cette foi d’ouvrir les vannes, me laissant échapper un gémissement qui se transforma en pleurs silencieux tandis que mon fils tétait toujours, m’observant de ses grands yeux mordorés, levant la main pour attraper mes cheveux. L’aidant à en attraper, prenant soin de ne pas le noyer de mes larmes, je lui précisais dans un chuchotement :
— Tu es une de meilleures choses qui me soit arrivée. Tu es aimé. Tu es intelligent. Tu es précieux.
Si la première phrase était un cri du cœur, les autres étaient un rituel que j’avais instauré avec lui. Je me souvenais que maman me le disait à chaque fois que je me levais et que je me couchais. La “Famille” l’avait dans ses traditions, pensant que ça aidait au développement des futurs chevaliers que de se sentir protégés par ces trois dogmes. Isaac ne les comprenait peut-être pas encore de son tout petit âge, mais je les pensais de la plus grande ferveur de mon cœur. Ressuyant mes larmes, je tentais d’analyser ce qui venait de se passer, réalisant alors que la violence de mes pleurs avait peut-être été un peu disproportionnés face à la situation. Je pouvais clairement mettre une partie de mon chagrin sur mes hormones qui se remettaient clairement de tous mes changements mais je savais aussi qu’une partie de moi avait été refoulée pendant bien trop longtemps et que plus que de se taire, elle commençait désormais sérieusement à pourrir en moi. Elle avait failli me tuer au mois de juillet lors de cette croisière et voilà qu’à présent elle gâchait mon Noël... Il fallait que j’arrête d’essayer de la refouler, que j’arrêter de peser le pour et le contre et que j’apprenne à me confronter à la vérité. Et comme si mon fils avait décidé d’approuver mes pensées, il avait émis un petit hoquet en repoussant le biberon de sa langue tout en tournant la tête pour me spécifier qu’il avait terminé son repas. Reposant le biberon au sol, je l’avais mis en position verticale, le posant sur mon épaule et sur le torchon que j’avais posé un peu plus tôt. Je m‘étais levée d’un bond, commençant à faire les cents pas machinalement pour me vider la tête et me préparer à ce que j’allais faire. Il fallait que j’accepte aussi que ce que j’allais entendre risquait de ne pas me plaire mais je ne pouvais plus rester ainsi entre doutes et espoirs, avec mes propres conclusions à un problème qui n’était pas seulement le mien. Posant mon nez sur le haut du crâne d’Isaac, j’avais humé plusieurs bouffées de son odeur tandis que son petit rot retentissait. Je l’avais alors gardé encore contre moi quelques minutes, déposant avec douceur plusieurs baisser sur sa peau, me calmant à son contact tandis que ses petites mains s’agitaient contre moi. Je finis par sortir de la pièce, poussant avec moi son berceau pour le remettre dans le salon, à la lumière du jour. Le posant dedans, je lui remettais sa tétine, lui tendais son petit papillon et déposait un dernier baiser sur sa joue rebondie. Je réalisais alors que le petit déjeuner était dressé sur la table, il semblait l’avoir préparé et je le voyais à présent sortir de la chambre pour se diriger vers la salle de bain. Me dirigeant vers lui avant qu’il ne l’atteigne, je précisais :
— Erwin... il faut... j’aimerai... on doit parler... je crois.
Je lui avais indiqué la chambre d’un signe de tête, préférant vers ça à l’abris des oreilles d’Isaac, même si celui-ci n’y comprenait encore rien. M’asseyant sur le lit, j’attendais qu’il fasse de même, tentant de rassembler mes pensées :
— Il y a quelque chose que je garde en moi depuis quelques temps maintenant et je crois que... ce n’est pas très bon. Ni pour moi... ni pour nous. Pour rien en fait. Et je crois que ça a un rapport avec... ce qu’il s’est passé au mois de Juillet. Je sais qu’on n'en a jamais vraiment reparlé, qu’on a préféré enlever ce moment de notre vie jusque maintenant mais je réalise aujourd’hui que c’est important qu’on reparle au moins de certaines parties... Notamment de... Gaspard.
J’avais croisé son regard avant de prendre une profonde inspiration, posant mes yeux sur mes mains que j’avais posé à plat sur mes cuisses :
— Si j’ai fait ce vœu là et si j’ai eu cette peur-là, matérialisé par Gaspard c’est parce que... parce que je crois qu’il y a quelque chose de dysfonctionnel entre nous. J’ai toujours fait de mon mieux pour accepter tout ce qui nous arrivait, ta vie, ce que tu es aussi mais je réalise que certaines zones d’ombres sont en train de... bref ça me convient plus vraiment je crois. Je te dis pas que je veux finir notre histoire, que tu quittes ta femme ou qu’on soit une famille plus poussée, hein, rien de tout ça rassure-toi. Je sais que tu m’as dit que tu ne voulais pas la quitter et... je crois qu’on commence un peu à savoir tous les deux pourquoi maintenant... je te demande pas non plus d’en faire plus pour Isaac, je t’ai toujours promis de n’accepter que ce que tu seras prêt à lui donner et je reviens pas sur ça... Je voudrai plutôt qu’on parle de quelque chose qu’on n'a jamais vraiment... “codifié” disons mais... je crois que j’ai besoin que ça le devienne. Parce que... je comprends pas vraiment et... ça me fait mal...
J’avais de nouveau pris une grande inspiration, aidée par une expiration pour me donner le courage et l’élan nécessaire. J’avais repoussé mes cheveux en arrière d’un geste impatient avant de tourner lentement la tête vers lui, relevant les yeux avec une telle langueur que j’avais l’impression que je n’aurai jamais la force d’atteindre sa vue. Et pourtant, je le devais. Les yeux était une fenêtre de l’âme j’en était persuadée et je ne l’avais jamais aussi bien vu qu’en le regardant dans les yeux. Déglutissant, je gardais le silence un instant avant de préciser :
— Je... Je vis vraiment de très bons moments avec toi. J’aime nos moments, j’aime les cadeaux que tu me fais, surtout quand on peut les partager ensemble. Mais... parfois je me demande... je suis pas comme toi Erwin. J’ai l’impression que le matériel a une très grande place dans ta vie, que les cadeaux sont une finalité en soit, d’une certaine manière... mais... mais c’est pas mon cas. Pour moi, ils sont la traduction de quelque chose, de plus profond... entre autre... je veux pas parler des cadeaux, je sais même pas pourquoi j’en parle en fait...
“Il n'en a rien à faire de vous, il vous couvre de cadeaux dont il ne comprend pas même le sens uniquement pour vous tenir tranquille dans sa main comme une loutre apprivoisée.”
— Bref c’est si confus... excuse-moi c’est juste que... c’est un peu dur à dire et... à demander... mais c’est important. Pour moi en tout cas... Je... Est-ce que tu m’aimes ? Ou... est-ce qu’on passe juste des bons moments ensemble ? Du sexe... des cadeaux... est-ce que tu penses que tu m’aimeras un jour si ce n’est pas le cas ? Je... parfois j’ai juste l’impression d’être ta maîtresse, une parenthèse dans une vie bien rythmée, une... sucrerie ou un truc du genre... et parfois... on vit des choses plus fortes... l’orage... mon accouchement... mais... on en reparle jamais après... ou pas comme ça... j’ai l’impression que tu ne pourras jamais me le dire, comme si tu refusais de le vivre... et des fois je me demande si... si je compte pour toi... pour moi, pour ce que je suis en tant que personne ou si... si ça ne peut pas compter parce que je suis pas née princesse... et que je reste... un trésor parmi tant d'autres...
Pour ne citer que le clown qui m'était revenu comme un boomerang à cet instant. J’avais senti les larmes remonter si brusquement, ma gorge se nouer si fortement que j’en avais serré les dents en détournant le regard. Il me fallait quelques secondes, rien que quelques secondes, pour avaler ma douleur et affronter ensuite son regard... et la vérité qui en découlerait.
Erwin Dorian
« If the crown should fit, then how can I refuse? »
| Avatar : Rufus Sewell
- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)
| Conte : Coeur de Princesse/Le Prince et le Pauvre | Dans le monde des contes, je suis : : Preminger
« ChristmasWishes hiding in your heart, What is yours? "
Si l’ancien ministre savait parfaitement que la journée ne lui imposait pas de se réveiller aussi matinalement, il devait admettre ne pas disposer d’un organisme le poussant à rêvasser jusqu’à tard dans la matinée. Il s’éveillait souvent tôt, une routine qui avait servi lors de ses années à la Cour, qu’il avait hérité de son enfance. Bien que cela soit un sujet tu, il demeurait fils de paysan, aux jours rythmés par les menus services et les tâches physiques. Même lorsqu’il s’en était échappé, il avait conservé cette soif d’user de chaque minute de vie à ses propres fins. Ne disait-on pas que le Monde appartenait à ceux qui se levaient tôt ? Aussi, même si cela l’indisposait, il ne changeait pas ses habitudes. C’était l’un des nombreux défauts qu’il possédait, que cette manière agaçante qu’il avait pour autrui, que d’impulser des choses, en régissant les vies, implicitement ou directement. La laissant s’éveiller, toute semi-endormie semi-amusée de son sommeil volé, il s’amusa, lui promettant son dernier cadeau, se permettant de plaisanter sur la nuit passée et l’heure tardive et preste à la fois, où ils s’étaient endormi. Lorsqu’elle lui rétorqua la perte de sa jeunesse, il y répondit par un haussement d’épaules indifférent, amusé. L’esprit tranquille. S’il était connu que sa langue pouvait être aussi charmante que cruellement aiguisée, il n’avait, pas insinué quoique ce soit de ce genre. Lui-même, étant doté d’un âge, selon lui, à peine plus avancé que la jeune femme, il continuait à se sentir, particulièrement vif. Alexis était tout ce qu’il y avait de plus charmante et son épuisement d’hier n’était rien d’autres que la démonstration d’une fatigue partagée et de ses prouesses, assurément. Aussi, il y répondit par un sourire, considérant son allure, un bref instant, un amusement franc gagnant son visage :
– « Nous pourrons revérifier l’entièreté de tes aptitudes, si tu le souhaites. Il y a nombre de « situations » qui peuvent se prêter à cette exercice et les idées ne manquent pas non plus… » argua-t-il se laissant aller à un rire jovial.
Alexis ne pouvait songer, sérieusement, à ne pouvoir réitérer ses promesses. Même si Preminger sentait la plaisanterie, son esprit, malgré cela, avait néanmoins approuvé l’une des excuses proposées par la jeune femme… qui concernait l’Erreur. Bien évidement. Le Ministre n’éprouvant pour la marmaille qu’une opinion bien peu reluisante, il ne pouvait que concéder qu’un enfant provoquait un exténuement instinctif à qui les fréquentait. Lui-même, se sentait particulièrement pompé d’énergie lorsqu’il entendait ses cris… L’Erreur tentait sûrement de puiser dans sa force vitale, à perte, évidement. Fort adroitement, néanmoins, il se retint de s’exprimer sur le sujet. L’enfant était cher à sa maîtresse et si l’esprit du maire pouvait encore nager dans le brouillard désinhibant du lever, il n’était plus suffisamment endormi pour ne pas se remémorer que certains débats devaient être tenus en sommeil. Aussi remémorer qu’il avait depuis le commencement de sa conception désapprouvé l’arrivée et l’intérêt de cet enfant, en devinant l’impact ennuyeux qu’il ne manquerait pas de produire sur leur vie quotidienne devait donc être tue. Tout comme la proposition d’une éventuelle adoption si la charge mentale générée par ce petit être l’écrasait bien trop. Elle n’aurait manqué de lui rétorquer sa cruauté. Même si, malgré cela, il ne faisait aucun doute, pour lui, que la disparition du petit être aurait tôooot fait d’absorber une bonne fois pour toute, les tracas quotidiennes et la fatigue itinérante de la jeune femme… Pour ce qu’il créait dans sa vie…il serait vite oublié, non ? Mais cela n’était que le point de vue scandaleux d’un individu amoral. Elle... Alexis n’était pas en capacité de penser ni d’agir ainsi. Elle aurait souligné sa méchanceté et son éventuel manque d’investissement ou d’autres petits justificatifs, sûrement même ne se serait-elle jamais remise de cet abandon. Vraisemblablement, à cause de l’amour qu’elle portait à son fils… Incroyable comme cela pouvait être puissant… Si bien qu’elle ne pouvait voir ni même penser, comme lui. C’était suivre une voie aride, égoïste, qui ne trouvait d’épanouissement que dans la satisfaction de l’entièreté de ses besoins personnels. Ce n’était pas sa vision de la vie, ni la personne qu’elle était. C’était pleinement lui, en revanche. Il opta donc pour une alternative plus acceptable pour elle qu’il trouvait réellement bénéfique pour elle.
— « Lorsque...Il sera en mesure d’être seul davantage, nous devrions partir en voyage, seuls. L’idée ne t’enchantera pas nécessairement, de prime abord, mais tu en as besoin... »
L’Erreur lui prenait un Temps et nécessitait des soins permanents dont elle ne pouvait se décharger avec facilité. Alors, outre ses propres intérêts, il songeait réellement que parfois, un peu de recul lui ferait un grand bien, à elle. Ne serait-ce que pour se ressourcer et se déstresser de ces nouvelles responsabilités éreintantes et pour le moins anxiogène aussi. Le sujet ayant dérivé, il s’engagea à lui offrir son dernier cadeau, non sans se priver du plaisir de s’autocongratuler, par le biais d’une plaisanterie fort bien trouvée sur sa nature. Sa bouche s’était tordue en un sourire lorsqu’elle lui avait déniée, en plaisantant, la qualification. Au-delà de l’humour, une partie d’elle le pensait, néanmoins. Il le savait. Pouvait-il le nier ? Cela dépendait de ce que l’on attendait de Lui. Si l’on recherchait ce que n’importe autre être humain était capable de donner, si on pensait à l’attachement et l’humanité en tant que qualité, certes, Preminger n’était, ceeertes pas un cadeau. Mais, à ses yeux, si on le regardait pour ce qu’Il était, l’Homme qui gouvernerait un jour, il regroupant toutes les qualités notables et enviables à savoir : l’intelligence, la Beauté à l’état le plus brut et net, le charisme, l’exigence, la grâce et le Monde lui était, ainsi, dû. Qu’importait la gentillesse lorsqu’on se trouvait à côté d’un génie ? Sa nature le rendait difficile à vivre, sûrement. Et son égoïsme l’écartait des voies ordinaires. Qu’importait. Il était les deux à la fois. Un cadeau sans l’être. Et elle se trouvait, sûrement, malgré tout bien heureuse de le posséder dans sa vie, non ? Il n’avait pas honte de ce qu’il était. Aucune honte sur le fait d’avoir pu se vendre ou s’offrir pour obtenir ce qu’il désirait. Il avait pris la vie selon un prisme différent de la majorité. Sans limites morales. Qui pouvait le juger ? Les autres auxquels il se révélait bien plus supérieur ? Lorsqu’on possédait une vraie estime de soi, lorsqu’on possédait le courage de regarder au font de soi-même pour comprendre ce que l’on désirait, ce que l’on valait et de l’obtenir, alors le remords n’existait même plus. Tous les moyens étaient bons. Cela avait sembler...l’affecter, malgré lui. Il avait choisi de ne pas y prêter attention. Ce n’était que le reflet de quelques divergences morales, rien de grave. Non, cela ne pouvait pas l’affecter, réellement… N’est-ce pas ? Il encouragea le jeu, focalisé sur son cher présent, se gorgeant de sa joie. Il y avait quelque chose pourtant au fond de ses yeux bleus… qu’il refusa d’observer. Elle était heureuse, seulement heureuse. Pourquoi diantre ne l’aurait-elle pas été ? Il avait trouvé là un présent PARFAIT qui la représentait complètement ! Une manière de lui remémorer à quel point, il la connaissait bien. Et cela lui accordait aussi la possibilité de réaliser un de ses rêves. Elle en était ravie, et lui aussi envisageait ce voyage comme une escapade, on ne pouvait plus gracieusement agréable. Il goûtait énormément les ballets. Casse-noisette symbolisait Noël et il avait apprécié le conte pour ce qu’il y avait de plus joliet et féérique. Passé le moment de saisissement enchanté, Enora s’était absentée, vaguement pensive pour alimenter l’Erreur. Preminger en avait profité pour se lever non sans se contempler une nouvelle fois dans son miroir de poche, organisant la coiffe désordonnée de ses cheveux sombres. Une fois dans la grande pièce, il avait sorti du réfrigérateur tout ce qui servait à la préparation du petit déjeuner, tout en chantonnant un petit air classique, après avoir rallumé l’enceinte. C’était une activité ô combien ennuyeuse, au moins n’avait-il rien à préparer réellement. Il suffisait de faire chauffer l’eau du thé, sortir les assortiments...toutes des menus tâches du travail misérable des serviteurs que les individus d’aujourd’hui s’étaient empressés de récupérer, il ne savait guère pourquoi… Le commun des mortels se plaisait dans une vie de servitude.
Terminant sa tâche, la mine altière, il prenait le chemin de la salle de bain, s’enthousiasmant d’avance, de la toilette qu’il ferait, lorsque Alexis reparu. Son allure pensive avait empiré, constata-t-il d’un seul coup d’œil. Il manqua de lui faire remarquer sa mine dépitée, mais elle le devança, avec une gravité inquiétante. Son ton était curieux… son signe de tête, incitatif, encore plus. Pourquoi diantre souhaiter lui parler dans la chambre ? Ils étaient seuls, ici. Si on excluait l’Erreur qui n’y comprendrait rien. Il eut pu croire à un « jeu » si elle n’avait pas eu une mine si particulière. Le sujet semblait important. Aussi ne protesta-t-il pas. Aussi dramatique qu’il pouvait être, par simple plaisir de dominer l’attention, son intelligence dominait son égo lorsque la situation le nécessitait. Aussi, la bouche pincée, il l’avait regardée s’asseoir sur le lit qu’ils venaient à perdre de quitter, l’esprit traversé d’une inquiétude acide. Non. Qu’elle ne lui annonce pas une hypothétique deuxième grossesse, c’était IMPOSSIBLE. Il avait déjà bien fort à faire à supporter celui-ci. Cette éventualité ne pouvait advenir. Tâchant de chasser cette désastreuse potentialité de son charmant cerveau, pinçant davantage les lèvres, il se concentra pour l’écouter. Elle évoqua juillet, dissipant les craintes du ministre. Une grossesse ne pouvait advenir tant que la première n’était pas arrivée à son terme FORT heureusement…
— Je sais qu’on n'en a jamais vraiment reparlé, qu’on a préféré enlever ce moment de notre vie jusque maintenant mais je réalise aujourd’hui que c’est important qu’on reparle au moins de certaines parties... Notamment de... Gaspard.
Gaspard ? Son froncement de sourcils s’était accentué l’espace d’un instant, avant de s’effacer. Son visage venait de s’appliquer devant ses yeux, se superposant au visage d’Ursule. Gaspard... Pourquoi diantre songeait-elle, à présent, à ce minaudant et malsain garçon ? Craignait-elle que l’Erreur ne finisse par lui ressembler ? Cela avait-il un lien avec la discussion qu’ils venaient d’avoir quant à sa fatigue où il n’avait vu qu’un trait d’humour ? Se distanciait-elle de son fils ? Il n’avait rien vu de tel dans son comportement… Il se demanda subitement si cela avait trait au meurtre qu’elle avait dû commettre. Ils avaient sciemment évité le sujet, depuis. N’avaient que très peu évoqués ce qui leur étaient arrivés sur la croisière. Les peurs de chacun, les actes commis, les compréhensions individuelles, qu’ils préféraient peut-être taire. Alexis possédait un bon coeur… Aussi nécessaire qu’il avait été, ce geste la hantait-elle lorsqu’elle posait les yeux sur son vrai enfant ? C’était une possibilité qu’il n’avait jamais pu envisager, n’étant guère hanté par ses nombreux gestes criminels, mais qui se présentait à son esprit, à présent… La jeune femme l’en détrompa néanmoins, prenant une tangente pour le moins...encore plus déplaisante. La mâchoire du ministre s’était contractée lorsque la jeune femme avait évoqué le caractère « dysfonctionnel » de leur relation. De quoi diable parlait-elle, en quoi étaient-ils particulièrement dysfonctionnels ? Ils s’entendaient à ravir sur l’organisation respective de leur vie, passaient des moments des plus agréables en la compagnie de l’un de l’autre en ce compté leurs moments charnels. Elle lui portait un amour dont il possédait l’assurance et sa frondeur et orchestraient leur vie dans un rythme appréciable. De son côté, n’était-il pas parfaitement au courant de ses goûts ? Ne venait-il pas d’ailleurs de le démontrer ? Il cligna des yeux, déboussolé. Le seul élément dysfonctionnel de cette liaison restait l’Erreur, puisqu’il s’était attaché à cette histoire sans en être prié, non ? Mais il était flagrant qu’elle ne dirigeait pas cette sorte de critique à l’égard du nourrisson. Elle poursuivait, dans un flot de paroles qui trouvait un sens à ses yeux sûrement mais non réellement chez l’ancien ministre. Qu’est-ce qui subitement ne lui convenait plus ? Pourquoi subitement songeait-elle à ça ? Sans que pour autant elle ne souhaitait que tout s’arrête entre eux, de ses propres mots… ou que quelque chose change. Que voulait-elle codifier ? Preminger s’en trouvait perdu. Elle évoquait la Couronne, parlait même qu’à présent ils comprenaient tous deux la raison pour laquelle il restait marié… N’était-ce pas évident ? Quel Roi abandonnerait son titre ? Surtout lui. Elle leva les yeux vers lui et il perçut, soudainement, au fond de ses pupilles toute la détresse qu’elle vivait en elle. Une sorte de douleur qui n’avait rien à voir avec une sorte de désintérêt ou d’indifférence. C’était tout le contraire. Cela hurlait en elle. Visiblement quelque chose qu’elle lui reprochait sans qu’il puisse parvenir à mettre le doigt dessus à cause de son langage décousu. Et qui le concernait, apparemment. Il s’en s’était...éloigné. Froid. Il s’était assit sur le lit, comme elle l’en avait prié, la regardant comme si un film passait devant ses yeux dorés. Il ne comprenait rien…. Ou se sentait soudainement plongé dans un dilemme dont il ignorait le sens… ou qu’il préférait ignorer. Comme lorsqu’elle évoquait les cadeaux avec une pointe de dépit douloureux. N’étaient-ils pas splendides, pourtant ? De tels joyaux, qui avait taant fait sa fierté ! Puis subitement, tout devint limpide, quand bien même, celui lui était étranger. Des méandres des peurs, angoisses, balbutiements surgit le sujet causant l’entièreté de cette scène étrange. Elle ne l’avait pas encore verbalisé. La question transparaissait de son attitude, raidissant Preminger. « Evidemment...Nous y voilà… » Il avait toujours veillé à éviter le sujet et s’était émerveillé que celui-ci ne vienne jamais troubler leur quiétude. Avec le Temps, s’était-il sûrement figuré qu’elle connaissait déjà la réponse et que celle-ci lui convenait. Voir son visage à présent, lui apprenait que non. Elle avait seulement tu ses inquiétudes et cet agaçant sujet se décidait à pointer le bout de son nez aujourd'hui… N’ y avait-il pas meilleur jour pour cela ? Il devait se rendre au déjeuner de Noël et il convenait de ne pas trainailler si la poursuite des activités devait être faite. Et il y tenait.… Si activités il y avait… Au regard de la question, et de la réponse, il pouvait en douter… Peste ! Pourquoi diantre, ce tourment venait-il risquer de gâcher cette prometteuse journée ? Il aurait pu trépigner de colère, n’avait qu’envie que de mettre sur pause pour revenir dans le Temps. Pourquoi diantre, parlaient-ils de ça ? Qu’est-ce qui avait pu la mettre sur cette voie ? Le cadeau ? Avant cela ? Et plus important, puisqu’il ne maîtrisait guère les aléas du Temps...que convenait-il de faire ? Mentir ? Dire la vérité ? Il préféra d’avance, la laisser poursuivre. Cela demeurait du Temps de gagné pour réfléchir à la position à adopter…
— Bref c’est si confus... excuse-moi c’est juste que... c’est un peu dur à dire et... à demander... mais c’est important. Pour moi en tout cas... Je... Est-ce que tu m’aimes ? Ou... est-ce qu’on passe juste des bons moments ensemble ? Du sexe... des cadeaux... est-ce que tu penses que tu m’aimeras un jour si ce n’est pas le cas ? Je... parfois j’ai juste l’impression d’être ta maîtresse, une parenthèse dans une vie bien rythmée, une... sucrerie ou un truc du genre... et parfois... on vit des choses plus fortes... l’orage... mon accouchement... mais... on en reparle jamais après... ou pas comme ça... j’ai l’impression que tu ne pourras jamais me le dire, comme si tu refusais de le vivre... et des fois je me demande si... si je compte pour toi... pour moi, pour ce que je suis en tant que personne ou si... si ça ne peut pas compter parce que je suis pas née princesse... et que je reste... un trésor parmi tant d'autres…
— « Oh Ciel, Enoraaaaaa » il avait levé les yeux au ciel, se massant les tempes dans un long mouvement dramatique.
Il ne l’avait pas dit avec mépris mais mélodrame. C'était sorti, seulement, dans le symbole de tout.. Tout ce qu'elle venait de lui avouer. Toutes ces craintes amplifiées qu'elle lui livrait, le laissant pantelant, au bord du vide, à devoir avancer sur une corde sans filer. Profitant de ce moment d’attente pour réfléchir à la posture à adopter, puis qu’elle se trouvait là, sous son nez, vibrante et en souffrance. Le cœur blessé mais les sens affutés. Ils l’étaient toujours lorsque la cause d’une souffrance se trouvait sous son nez. Prêts à examiner, décortiquer la moindre intonation, la moindre mimique. Il savait ce qu’elle voulait entendre. Ce qu’il suffisait de dire. Il suffisait seulement de proférer cet « Amour » qu’elle désirait tant. Une phrase seulement, puis un flot de mots rassurants suffirait à gommer sa crainte. Quand bien même, elle se trouvait astucieuse, il avait déjà berné de nombreux grands esprits, l’abuser était à sa portée. Il tarirait ses larmes, gorgerait son coeur d’un soleil plus brillant. La reconnaissance et le soulagement seraient ensuite ses atours, reléguant l’odieuse peur à l’état léthargique. Il savait faire. Comme un serpent sournois s’entortillant au cou d’autrui, pour mieux l’inciter au sommeil, manipuler autrui était une seconde nature, si ce n’était un fondement de sa personne. C’était aisé. La solution la plus simple. Celle qui leur offrirait l’apaisement et l’assurance de la journée dont il rêvait. Pour autant… Il mentait peu à Alexis. Il omettait surtout. Pourquoi… Il ne le savait qu’à peine. Leur relation avait grandi ainsi, dans un climat pittoresque de franchise déguisée et atténuée. Il s’était orné d’apparats généreux lors de leur première rencontre, mais au premier soir de leur liaison avait pris plaisir à lui servir un visage non éloigné de sa vraie nature. Cette tendance avait croît ensuite, jusqu’alors… Et qui était l’Homme dont elle était tombée amoureuse si ce n’était son véritable Lui ? Et son véritable LUI n’était pas amoureux d’elle. Devait-il considérer qu’il devait à leur relation d’à présent cette vérité ? Cette même relation pouvait-elle l’entendre sans se flétrir ou même s’anéantir vivement? Aussi assuré que demeurait Preminger dans sa séduction il ne pouvait pourtant garantir d’aucune façon la réaction d’Alexis. Dire qu’elle était susceptible de mal vivre cette information était un euphémisme. Si son sentiment a ce sujet ne posait pas débat ni difficulté la rosée de ses larmes se serait pas en train de fleurir au bord de ses cils. Ni sa vision chancelante en train de s’embuer progressivement. Alexis n’était pas encore pleinement devenue Enora. Son Enora savait, il en était persuadé. Elle apprendrait à vivre ainsi, à l’aimer pleinement tout en sachant le coeur du Ministre loin des préoccupations primaires de tous autres, sans l’en blâmer. Bien qu’en souffrant sûrement, parfois, elle se saurait, malgré tout et au contraire, tout chanceuse et spéciale à ses yeux. Chose qu’Alexis ne semblait même pas percevoir, au regard du dialogue lourd de panique et d’effrois qu’elle venait de lui servir, quant à la nature même de la manière dont il voyait autrui. Aujourd'hui était peut-être le jour de cette transition. Du moment où elle avait appris la Vérité et où il avait posé les jalons de son acceptation future. Il rabaissa, alors, le visage vers elle. N’en déplaise à ses grandes manières théâtrales, il n’abordait pourtant pas cette confrontation avec panique mais avec un recul serein.Il lui en faudrait pour affronter ses sentiments. Se trouvant presque peiné pour elle, qui se débattait avec des sentiments et des souffrances qu’il ne comprenait pas et qu’il était voué à contempler sans saisir. Il ne pouvait s’en vouloir d’être ce qu’il était. Il était ce qu’il voulait être. Et avait construit ce qu’il était devenu. Et il se trouvait suffisamment en accord avec lui-même pour ne vivre aucun chaos.
– « Mon cher trésor... » soupira-t-il.
N’ajouta rien encore. Seule une douceur, teintée de sa nature sournoise, qui n’était guère dirigée contre elle, mais qui n’était que le reflet de son âme s’échappant de son regard. Il souhaitait l’apaiser. Sûrement en vain. Elle attendait pourtant le couperet qui sonnerait la sentence. Espérait en la déclaration… Elle lui servait même sur un plateau l’excuse parfaite pour excuser son éventuel manque de sentiment, sa « volonté d’étouffer ces derniers ».. Tout en verbalisant ses craintes, elle élaborait les excuses qu’elle formulait sûrement parfois dans le secret de son esprit à son égard. Il aurait été aisé de s’en saisir pour illuminer la réalité. Une dose de duperie pour apaiser ses tourments. Mais, fixant son visage pâle et fragile, il se rendit compte qu’il ne le souhaitait pas. Une énième menterie, une mise en scène n’avait d’exquis que le Temps qu’elles duraient. Il ne pouvait espérer que ce mensonge survive longtemps. S’il lui donnait l’Espoir et la Foi, à la seconde où elle ferait face à la Vérité, se briserait en mille morceaux de verre la confiance qu’elle lui offrait. Il convenait de ne pas la blesser davantage. Elle n’était pas un simple pion dans son échiquier. Elle était une pièce qu’il tenait à amener à l’arrivée, à ses côtés. Loyale non par abrutissement de mensonges joliets mais par choix et amour. Et le Choix nécessitait sa pleine franchise, adoucie par quelques contre-vérités et un discours respectueux et teinté de douceur.
– « Le Ciel m’est témoin que je pensais cette discussion non nécessaire. Et je n’ai envie nullement de te blesser ou de créer en toi doutes, failles ou que sais-je d’autre. Nous sommes bien… Mais, si tu en ressens ce besoin d’éclaircissement et si tu peux qu’il sera...bénéfique pour toi et nous...c’est que je suppose que, contrairement à ce que je songeais, peut-être que toi, tu ne l’es pas entièrement et que certaines choses ont ...besoin d’être clarifiées. » il attendit un bref instant, suspendant le moment, prenant sa respiration, recherchant ses mots.
C’était à son sens, l’entrée en matière la plus respectueuse de sa demande. Un rappel où il lui faisait comprendre indirectement qu’il considérait leur situation, pour accepter sa demande. Puis, il poursuivit, d’un ton doux, posé.
– « Je n’ai pas envie de te mentir, aujourd'hui, trésor… Ce que nous partageons est fixé sur une base de franchise, à défaut de pleine et entière transparence, parfois. Y porter atteinte serait remettre en question, ce que nous vivons. Et je nous porte suffisamment d’estime pour refuser de le faire. Aussi...te dirais-je la stricte vérité... »
Il s’interrompit, un instant supplémentaire la fixant avec un sérieux adouci. Ses yeux rentraient dans les siens. Il savait qu’elle aurait mal. Il serait aux premières loges pour l’observer, puisque c’était lui qui planterait cette épée droit dans ses espoirs. Il convenait de guider la lame pour qu’elle ne l’achève pas. Pour que la douleur de l’entaille soit atténuée par son discours. Pour autant, il convenait, aussi, de ne pas laisser son attitude se gorger d’un mielleux hypocrite.. Comment avancer ? C’était une discussion délicate. Plus délicate qu’auprès de n’importe qui puisqu’il prenait la route d’une réponse honnête… Tout en souhaitant absolument la maintenir auprès de lui.
— « Et puisqu’à présent, je me suis engagé à te la donner… Alors. Non. Ce que je ressens pour toi, n’est pas de l’Amour »
Il se trouva fort adroit. Cette manière de lui asséner sans pour autant lui ôter toute illusion ou toute joie. Non. Il ne l’aimait pas. Mais, proféré ainsi, le sens de ses paroles s’atténuait d’elle-même. Il ne rejetait pas l’Amour, officiellement par ses paroles, et tout ce qu’il y avait attrait à des sentiments. Une simple déclaration d’absence d’amour aurait été interprétée ainsi. Présentée de cette manière, en revanche, non. Il « refusait de qualifier d’Amour ce qu’il vivait ». Bien différent. Ce faisant, il tempérait la cruelle nouvelle, lui rappelant instantanément qu’il n’y avait pas rien, au-delà de cette absence d’état amoureux. Mais quelque chose, au contraire. Quelque chose à laquelle, elle pouvait aisément se raccrocher. Formulé ainsi, il ne paraîtrait pas avoir tenté vainement de rattraper la dureté de ses propos, ensuite, non. Elle le verrait différemment. Comme une phase de relation, sur laquelle, il ne parvenait pas à poser le doigt, pour laquelle aucune qualification ne semblait coller. Après tout, n’était-ce pas ce que vivaient parfois les couples à leurs débuts ? Il ne faisait que le deviner, ne l’ayant jamais vécu. Certes, leur liaison ne datait pas d’hier, non plus, mais elle ne pouvait pas nier, non plus, savoir à quel point, il était un individu exigeant. Quand bien même, ses yeux se refermaient volontairement sur la portée de son narcissisme, au-delà de ce trait de caractère, elle le savait homme peu aisé à toucher. Il la regarda, laissant une mine contrite le gagner, lui peinant le visage. D’une certaine manière, son désarroi l’atteignait. Il ne pouvait le faire disparaître. En avait eu le pouvoir, sans jamais le posséder réellement. Et ne voulait pas que cela puisse détruire ce qui les liait. Il ne voulait pas que cela se finisse.
– « Je serais bien...peiné...de devoir définir ou même de …. Je vois que tu m’aimes. Tu me le dis. Je le sens. Et j’en suis infiniment ravi. Mais j’ignore, pourquoi, en ce qui me concerne… Ce n’est nullement de ta faute. Tu es une femme digne d’être aimée. Je… je suppose….que ma vie m’a plus que tenu éloigné de ce sentiment. Au point, où je crains de ne l’avoir jamais ressenti pour autrui. Si bien que je ne sais pas ce que cela signifie et que s’il venait à se présenter à moi, je ne saurais sûrement pas le reconnaître. »
Il ne mentait pas. C’était la vérité. La Vie l’avait éloigné de l’Amour. Même s’il se gardait bien de préciser que les actions l’ayant poussé sur ce chemin résultaient de lui-même. C’était Lui qui l’avait fait. En étant ce qu’il était. Elle pouvait le deviner, mais ignorait l’intégralité de son parcours. D’une certaine manière, tristement pour elle, elle n’envisageait pas son degré de méchanceté. Aussi, pouvait-elle aisément croire que des mauvaises expériences diverses avaient égréné sa route pour le sculpter tel l’homme qu’il était aujourd'hui. Cela servait ses intérêts d’aujourd’hui.
– « Tu dois trouver cela affreux. On porte aux nues cette norme habituellement. Et je m’en sens...éloigné. Indifférent. Vide. Mais pas à ton égard. Car, au-delà de ma propre situation, cela doit te faire souffrir. » il avait pris un instant pour inspirer, plonger jusqu’au fond de ses yeux, pour atteindre son âme « Je m’excuse de te faire du mal. Je n’ai pas l’intention de te blesser, trésor. Ni de te leurrer. Je ne veux pas entretenir ou cultiver des espoirs, ni que tu puisses croire comme tu pourrais le faire, que je te manipule. Ca n’est pas le cas. »
Il s’arrêta un bref instant, les yeux se portant au loin, au-delà d’elle, au-delà de lui, dans le vague. Les contours du décor qui les entouraient, s’estompaient un peu, comme il plongeait dans son propre inconscient, au coeur de sa psyché. Cherchant à définir ce qu’ils vivaient. Lui-même… ne semblait pas le savoir et cette discussion créait bien davantage de questionnements chez le Maire le renvoyant à des événements récents, dont sa mémoire se préoccupait, ordinairement, très peu. Le rouge et les cris d’une salle d’hôpital. Pinça les lèvres pour chasser l’odieuse odeur de sang qui s’engouffra subitement, faussement dans ses narines. Se concentra sur son parfum pour reprendre posément :
– « Oui. Je te considères comme ma maîtresse. Tu ES ma maîtresse, c’est un fait. Pas mais dans le sens désobligeant auquel tu sembles songer. Aux yeux de la Loi et des bonnes mœurs » les coins de sa bouche s’étaient relevé dans un pli ironique qui ne portait aucune moquerie à son égard.
Pour le reste qu’était-elle ? Elle avait parlé de friandise… Elle était une friandise parfois, oui. Son caprice. Pour autant, elle n’était plus un simple caprice. Le Temps avait parlé pour lui, au moment même de leur plongée dans Son règne restauré, un an auparavant. Qu’y avait-il eu ? Il l’ignorait, mais une rupture avait eu lieu là-bas et ici, même en ce jour symbolique. A quoi cela était-il dû ? Avait-il vu en elle autre chose, ce jour-là, lorsqu’il avait pris connaissance de son éventuel destin ? Ou ce moment n’avait-il été qu’un révélateur d’un lien qui s’était tissé entre eux, au gré de leurs rencontres, et qui s’était amplifié lorsque les masques avaient été mis à bas ? Il songea, brusquement, à la plaisanterie qu’elle avait fait plus tôt, lorsqu’elle avait découvert l’enveloppe… Un paiement. Erwin savait qu’il avait apprécié la jeune femme, depuis leur entrevue dans son office notarial. Et pourtant ce n’était guère gagné. Son opinion débutait pourtant polluée de ses souvenirs d’elle, de « fausses années de malédiction » auparavant et et du dédain moqueur que lui amenait son aventure professionnelle au « Rabbit Hole ». Pourtant, il avait changé d’opinion au cours de leur entretien. Son esprit lui avait plu. Cette découverte avait constitué, sur le moment, plus qu’une réelle bonne surprise quant au piètre souvenir qu’il gardait d’elle. Et lorsqu’il avait vu en elle, un caprice et un pion utile, jamais, il devait l’admettre, son appréciation n’en n’avait été dépréciée. Au contraire… Une complicité spontanée était née entre eux. Preminger. Il avait toujours eu. Sans réelle autre contrepartie que la désintégration progressive de son âme. Si bien que la question se reposa à son esprit soudainement, puisqu’elle attendait elle-même la qualification de ce que leur relation signifiait pour lui. Pourquoi elle, en définitive ?… Et pourquoi, à présent eue, s’en contentait-il à présent ? Il savait qu’elle n’avait été qu’un caprice d’un soir. Une pulsion de domination et de possession qu’il lui avait fallu rassasier et qu’il avait transposé sur la jeune libraire. Les conditions s’y prêtaient, le jeu de séduction qu’il avait mené pour le simple plaisir de brouiller son esprit entre le vrai et le faux avait aussi titillé son égo. Tout ce qui en avait suivi n’avait été que la concrétisation d’un pari fait pour l’avenir. Le pressentiment qu’elle serait utile. Et il ne pouvait nier qu’il demeurait persuadé qu’elle resterait une pièce essentielle à la réalisation de son plan. Mais qu’en était-il du surplus ? Ce qui le poussait à prendre plaisir en sa compagnie, bien davantage qu’une simple machinerie cruelle ? De la complicité réelle qu’il ressentait ? Sur cela, il prenait à peine de le Temps de s’interroger, ordinairement. Cela paraissait machinal, naturel, si bien qu’il le vivait simplement. Etait-ce un tort ? Devait-il s’intéresser à ce qui les liait, comme elle le faisait, aujourd'hui ? Ou cela n’était-il qu’une pente dangereuse ? S’il y pensait… qu’en résulterait-il ? Ses nerfs s’agaçaient, se crispaient sous cette interrogation. Puisqu’il n’y avait encore aucune réponse. Il l’ignorait. Il savait seulement ce qu’elle n’était pas ou plus. Si bien qu’il proféra, rapidement, comme pour soulager son esprit agité. Sans savoir s’il s’agissait de celui de la jeune femme qui polluait son esprit :
– « C’est offensant pour toi comme pour moi que tu puisses te voir comme une menue victuaille. Une denrée que l’on consomme et que l’on jette. T’ai-je déjà donné cette impression ? Te sens-tu...par mégarde, maltraitée ? » il sonda son regard, s’infusant dans ses pupilles « C’est important pour moi que tu saches que tu es importante à mes yeux. Réellement. Penses-tu donc que je passerai autant de Temps auprès d’une personne qui ne me servirait que de simple loisir? A quoi bon, ce serait un piètre gaspillage ! J’aurais du, ne serait-ce, alors, que t’échanger à la minute où tu aurais évoqué l’existence d'Isaac. Mais, je suis resté. Pourtant, CIEL, je suis...sélectif dans mes fréquentations privées… lorsque je bats le masque public, s’entends…. Alors... »
Il s’était arrêté, ses pupilles se dilatant subitement, prenant conscience de son attitude. C’était un discours...discutable. Orgueilleux et souffrant des mêmes défauts qui le composaient. Un raisonnement qu’il suivait, tout vivant corps et âme dans sa suffisance. Ce n’était pas qu’il aurait du dire. Ce n’était même pas lui répondre encore. Mais, tout ce qui avait trait à elle, à eux, semblait barré d’une ligne blanche. Ce n’était pas qu’il n’y avait rien… Ce n’était pas qu’il avait peur… Ou peut-être. Puisqu’il prenait conscience malgré tout, qu’il ne parvenait pas à qualifier ceci. Elle voulait quelque chose de lui. Quelque chose qu’il ne pouvait pas lui donner. Mais qu’est-ce qu’il vivait, lui, exactement en parallèle de toute cette introspection… Il ne savait pas lui-même. Il inspira, longuement, maîtrisant mentalement son agitation mentale, pour qu’elle ne puisse filtrer. Il ne pouvait pas se permettre de perdre le contrôle de ses paroles, son attitude. Pas pour une bête question de qualification le concernant mentalement. Il verrait plus tard, n’est-ce pas ? Rien ne pressait. Il posa ainsi, doucement, sa main sur celle d’Enora. Si elle décidait de l’en ôter, il n’esquisserait aucun geste, le but n’était pas de la brusquer, simplement de rentrer dans la chair ce qu’il affirmait :
– « Alors, oui je prends notre relation au sérieux. N’est-ce pas évident ? Tu as une place privilégiée dans ma vie. Sinon, pourquoi diantre, m’amuserai-je à tout ceci ? A t’offrir tout ceci ? n’est pas une preuve que je t’estime ? Que te te connais ? »
Il s’arrêta néanmoins. Non. A ses yeux, ce n’était pas suffisant. Ils ne raisonnaient effectivement pas de la même manière et il ne pouvait le nier. Le matériel prenait une grande place dans sa vie. C’était...pour ainsi dire, l’une des seules manières qu’il connaissait pour témoigner de l’intérêt à quelqu’un. Lui offrir quelque chose. Parce que c’était tout ce qu’il avait toujours désiré : OBTENIR. Son rassasiement passait par cet état ravissant de possession. Il n’avait jamais su se satisfaire des relations humaines. Sûrement parce qu’il ne prêtait pas d’intérêt aux autres, hormis pour leurs compliments ou les manipuler. Il ne voyait pas ce qu’ils pouvaient lui apporter. Sauf… certaines rares personnes… Dont son caniche. Qui n’était rien d’autre qu’une possession pourtant. Et… elle d’une certaine manière. Qu’il voyait aussi, tristement ainsi. Sans pour autant lui denier son individualité, ni son humanité. Elle était à lui, mais elle était aussi Libre. Elle n’était pas à ranger dans un coffre. Elle était… indéfinissable, finalement. Fallait-il s’en inquiéter ? Si bien qu’il se devait de tenter de présenter les choses mieux. A sa manière à elle, selon sa vision à lui.
– « Il s’agit d’une liaison… qui dépasse le plaisir que nous pouvons avoir ensemble. C’est bien davantage à mon sens...une » il ralentit le rythme pour mieux ancrer les mots « une compréhension et une finalité. Tu n’es pas un objet, voyons. Et Je t’estime. Je t’apprécie. J’aime ta compagnie. Pour toi-même. Tu es rafraichissante à ta manière.» Il eut un sourire sec, sans joie « Regarde-moi. Je sais que ce n’est pas tout ce que tu désires entendre. Tu désires l’Amour. Toi il te porte, puisque tu en es entièrement composée. Aucun des objectifs que tu poursuis ne sera vaincu par l’Amour, au contraire, c’est ta capacité à aimer qui agit comme un moteur pour toi. Tu te livres pour les autres. C’est louable pour qui adule la Bonté. De te voir si...solaire. Et j’aime cela en toi. Mais sur cela, je ne te ressemble pas, Enora. »
Il l’avait proféré doucement. C’était une vérité. « L’Amour pour autrui ME dessert. ». C’était une certitude gravée dans son être, qu'il ne pouvait le verbaliser sans mettre à nue toute sa profondeur narcissique.
– « Comme je refuse de te faire de fausses affirmations sur mes sentiments à ton égard, je ne peux pas te faire de fausses promesses sur ce que seront mon affection à l’avenir ton égard. Mais cela ne signifie pas que ce que nous vivons ne compte pas. J’ignore si cela sera suffisant, je l’espère mais sache que je te donne...réellement, ce que je suis en faculté de te donner. Pour notre propre bien à tous deux, je pense, même si tu ne l’entendras sûrement pas ainsi. Et je ne t’en blâmerai pas. Mais je ne te demande qu’une seule chose. Que...quand bien même, aussi, aussi dur que cela puisse être, tu puisses ne jamais douter de notre lien. Le lien qui existe entre nous, que tu ressens, existe bel et bien. Qu’importe ce qu’il est à tes yeux et ce qu’il est aux miens. Qu’importe comment nous le nommons ou l’appréhendons. Il existe. ».
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Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...
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Je l’avais vu se raidir au fur et à mesure de mon discours pour atteindre cet état de tension qui le caractérisait à l’instant où il avait levé les yeux au ciel, s’exclamant dans un mélodrame flagrant, s’ancrant sur mon ancien prénom avec une certaine force qui m’étais presque douloureuse. Je savais qu’il préférait ce prénom, même si j’avais beau lui préciser que je me reconnaissais nettement mieux sous celui d’Alexis. Mais lui se fichait bien souvent de celle que je voulais être. Il voulait sans doute que je sois celle qu’il voulait que je sois, pensant sans doute que ce serait une meilleure chose pour moi également. A tort ou à raison. D'une certaine manière, le futur que nous avait offert Elliot lui avait donné raison, mais le sentiment de la femme que j’étais devenue à ce moment ne m’étais jamais parvenu, puisque je l’avais remplacée. Le cœur battant, je l’avais scruté dans ses moindres expressions, ses moindres gestes. Il se massait les tempes comme pour se prémunir d’une éventuelle migraine à venir. Il semblait abattu par la nouvelle, désemparé et sans aucune envie de se lancer dans un tel sujet. Pourtant j’avais ouvert une porte et il allait falloir qu’on la referme. Elle ne se refermerait pas comme je le voudrai, je le savais déjà, sa réaction parlait pour lui. Un homme amoureux m’aurait observé, offusqué, me répondant avec force “mais évidemment que je t’aime, enfin !” mais pas lui. Lui n’avait pas semblé savoir où je voulais en venir pendant les premières minutes de mon discours, s’était figé dans les suivantes pour arriver à la posture qu’il tenait à présent. Je réalisais alors qu’au fil de mon analyse, mes propres mains s’étaient fermées en poing, j’avais serré les dents, comme pour me protéger des coups qui allaient bientôt me frapper en plein visage.
Le silence qu’il avait alors placé entre nous était insoutenable. Il réfléchissait, je le voyais, ce qui, paradoxalement, me rassurait. Je savais que sa langue était habituée à mentir et qu’il le faisait d’ailleurs avec une facilité déconcertante. S’il avait voulu me mentir, cela ne lui aurait sans aucun doute pas pris autant de temps. Non, s’il réfléchissait c’est qu’il essayait d’être sincère. Par habitude, ironie ou cruauté, il avait fini par déplorer une nouvelle fois l’arrivée de cette conversation en me qualifiant par ce surnom qui lui avait été si facile à trouver et par lequel j’avais fini mon discours. Trésor. “Preminger et ses trésors” avait dit le clown. “Un trésor parmi tant d’autres” avais-je supposé. J’avais pris une profonde inspiration, luttant contre mon envie de le brusquer, et celle de tout arrêter avant que la Vérité nous envahisse tous les deux.
Il avait parlé pourtant, précisant qu’il pensait la discussion non nécessaire. Cela m’avait surpris, même si je n’avais pas eu la force de le laisser paraître son mon visage. C’était le genre de chose que l’on disait quand il semblait évident que l’amour était présent des deux côtés, pourtant le revirement de situation était trop beau pour être vrai. Je réalisais alors qu’il pensait simplement que notre bien être apparent prendrait le pas toujours sur tout. Il l’avait pris pendant 2 ans, j’avais été patiente. Par bonté d’âme d’un certain point, puisque j’avais voulu lui laisser tout le temps de laisser fleurir ses sentiments, me figurant que chacun avait son propre rythme. Par peur et par égoïsme surtout. La Vérité était parfois douloureuse, tant qu’elle n’existait pas, je pouvais croire en ce que je voulais. Pourtant la Vérité, c’est ce que je voulais en ce jour et c’est ce qu’il me promettait de me donner. L’un comme l’autre, nous évoluions dans une relation ampli d’une certaine franchise que nous affectionnons, à dire et à recevoir bien que, comme il l’avait lui-même souligné, il y avait certaines opacités avec lesquelles nous parvenions à vivre. Il lui arrivait de ne pas tout me dire, je le savais, je le sentais mais je l’acceptais. Parce que je ne lui disais pas tout non plus, qu’il le sentait, qu’il le savait, mais que pour le moment du moins, il l’acceptait. Il se targuait souvent que rien ne pouvait être caché à sa vue longtemps, qu’il savait. Mais je savais pourtant que ce n’était pas vrai pour tout. Que certaines choses étaient mieux cachées que d’autres et je soupçonnais qu’il le savait aussi, attendant son heure, persuadé qu’elle arriverait.
Une fois engagé, il n’avait pas fait durer le suspense plus longtemps. Il avait balancé sa Vérité avec rapidité, comme si on arrachait un pansement et je n’avais pas bronché, encaissant le coup pour lequel je m’étais préparée pour ces derniers mois. Il ne m’aimait pas. Mais ce n’était pas ainsi qu’il l’avait formulé. Il laissait sous-entendre qu’il ressentait pourtant bien quelque chose pour celle que j’étais, même s’il ne parvenait pas à le qualifier d’Amour. Etais-ce une de ses ruses, de ses bons mots pour éviter la douleur et la colère ? Il avait pourtant promis de dire la Vérité. Alors ressentait-il quelque chose ? Si oui, quoi ? Il me considérait comme digne d’être aimée. Alors pourquoi ne le faisait-il pas, tout simplement ? Il semblait être assez au courant de ce qu’était l’Amour pour m’en juger digne, alors pourquoi ne pas mettre un mot sur ses sentiments ? Mais était-il seulement au courant ? Il disait que sa vie l’avait éloignée de l’amour, qu’il pensait n’en avait jamais ressenti jusqu’alors. Mon âme meurtrie aurait pu lui répondre dans l’instant qu’il semblait pourtant en éprouver constamment lorsqu’il s’observait dans un miroir mais je n’avais rien dit. Pas par manque d’impulsivité. Simplement parce que le coup qu’il venait de me donner me laissait encore chaos. Tout tournait dans ma tête et je réalisais alors que j’avais beau m’y être préparé, le savoir intrinsèquement, rien, absolument rien, ne m’empêchait à cet instant de souffrir au point d’avoir envie de vomir, de pleurer, de hurler et surtout, surtout de refuser que tout cela soit vrai. J'étais en plein cauchemar. Je n’avais jamais vraiment posé la question. Nous étions encore endormis, épuisés de nos ébats et bien sûr qu’il m’aimerait. Bientôt, le soleil nous réveillerait et nous nous réveillerons enlacés, prêts à rire ensemble avant de passer un moment tendre avec Isaac. Je savais pourtant que ça sonnait faux, que ce ne pouvait être que si faux que seul ce que je vivais à présent était la réalité, mais mon cœur refusait de l’envisager.
Ma tête pourtant se souvenait de tout, classait les dernières bribes d’informations que j’avais laissé en suspens. Se pouvait-il qu’il ait été le méchant de son conte avais-je songé au mois de Juillet. A cela je répondais à présent que ce devait-être une évidence. Qui d’autre que le vilain s’était perdu en chemin au point de ne pas connaître l’amour ? Ne pas savoir l’éprouver ou reconnaitre ses propres sentiments ? Pas spécialement de l’amour alors, mais ce qu’il disait éprouver pour moi. Mais je réalisais en cet instant quelque chose de puissant et qui émanait de moi : il n’avait pas besoin d’être sauvé. Là où Elliot s’était perdu en chemin par un trop plein d’amour transformé en ambition, Erwin se complaisait parfaitement dans ce qu’il était, parce que l’ambition l’avait pourri bien avant même qu’il ne puisse éprouver de l’amour. Mais pourtant, il avait forcément été enfant, forcément connu l’innocence...
— Tu n’as... jamais aimé tes parents ? Ce n’est pas le même amour mais... tu me dis ne jamais avoir aimé...
— Je… je suppose que… enfin, si bien sûr mais…
Il s’était interrompu, le regard dans le vide. Il semblait résolument volontaire à m’éclairer sur ce point, sans pourtant y trouver une cohérence pourtant, perdu. Il tenta cependant :
— … Disons que nous avons eu… une histoire compliquée. Au point où je me suis détaché d’eux et de leurs souvenirs, il y a fort longtemps.
Les seules bribes de son histoire familiale qu’il m’avait racontées, je le savais à présent, n’étaient que des mensonges. Je ne pouvais donc pas être sûre de ce qu’il m'expliquait, je ne pouvais que le croire sur parole. Dans un autre cas, peut-être aurais-je voulu en savoir plus sur ce pan de sa vie, mais en cet instant, l’idée même d’imaginer que nous puissions avoir une discussion intimiste et simple, loin de toute la douleur du moment me semblait insurmontable. Je décidais donc de me fier à ce que je voyais de lui jusqu’à cet instant, cette douleur et cet essai de franchise qui semblait le tenir, hochant la tête d’un air entendu dans le silence. S’il disait la vérité, c’était sans doute quelque chose que je pouvais comprendre. J’avais moi-même eu une histoire compliquée avec mes parents biologique au point de m’en détacher. Je ressentais des choses à leur égard, différentes pour les deux mais rien qui ne pouvais se rapporter à de l’amour. Après un silence, il était donc revenu au sujet principal, reprenant son discours et son explication où il l’avait laissé.
J’étais sa maîtresse. Il ne pouvait pas le nier. Moi non plus d’ailleurs. C’était bien ce que nous étions l’un pour l’autre. Ce qui faisait qu’en dehors de nos moments j’étais “seule”, qui faisait qu’il n’était pas avec moi comme tout autre couple. Que je devais accepter de le partager avec une autre. Que je ne pouvais pourtant pas me laisser aller à cette dualité moi-même. C’était douloureux parfois, difficile à vivre souvent mais c’était une réalité. Je ne pouvais pas lui en vouloir d’appuyer dessus. En revanche, il niait le fait que cela incluait uniquement des bons moments, une simple douceur teintée de sexualité où tout le reste était sans importance. Il m’avait regardé profondément en me demandant si je pensais avoir été maltraité, lui-même vexé comme il me le disait que je n’en puisse me considérer que comme une gourmandise. J'avais soutenu son regard mais je n’avais rien répondu. Je n’avais tout simplement pas la réponse. M’avait-il traité de la mauvaise manière ? Je pouvais répondre non s’il s’agissait d’imaginer des mots à mon égard ou des gestes qui laissaient supposer que je n’étais qu’une escorte, un simple objet de luxure. Si on considérait en revanche toute la douleur que ça engendrait, les non-dits, cette situation entre deux eaux où il semblait s’épanouir sans même réaliser apparemment que je n’en étais pas si heureuse, tombant des nues concernant cette conversation, n’y avait-il pas ici les traces d’une mauvaise attention ? D’un mauvais traitement ? Ignorant le chemin que mon esprit voulait prendre, j’avais préféré rester silencieuse que de risquer une réponse qui aggraverait la situation sans que je ne sois sûre de mes convictions. Il avait alors tenté de me donner sa vision de la situation que je comprenais sans partager, au point que j’avais tenté un instant de me soustraire à son regard pour réfléchir, ce qu’il ne m’avait pas accordé, me ramenant à lui. Il disait m’estimer, m’apprécier, voir un lien important dans notre relation. Tout en refusant de lui donner un nom, le nom que j’aurai été prête à lui donner. Mise à part apporter plus de confusion dans mon esprit et peut-être dans le sien, je ne sentais aucun bénéfice à cette discussion. Je n’en apprenais rien, je ne parvenais pas à m’en faire une décision et je réalisais à cet instant qu’il me faudrait sans doute un peu de temps pour comprendre où je voulais aller et comment. Il m’avait demandé de ne jamais douter de notre lien. J'avais dégluti, passant la pointe de ma langue sur mes lèvres pincées et sèches. Je ne pouvais pas douter de notre lien, il avait raison. Il nous tenait depuis si longtemps. Mais j’ignorais par quoi il tenait. Était-ce mon amour seul qui parvenait à avoir cette force alors ? Ou quelque chose de son côté qu’il ne pouvait pas nommer et que je ne pouvais pas imaginer ? J’avais laissé un moment de silence supplémentaire entre nous avant d’hocher la tête. D’abord une fois, lentement, puis plusieurs fois, un peu plus rapidement et de façon saccadée et désordonnée comme l’était mon esprit à cet instant précis. Après une énième déglutition, j’avais enfin réussi à ouvrir la bouche, priant pour que ma voix paraisse légère, de sa composition habituelle et non pas trop rauque par la douleur qu’il me causait et ma gorge nouée.
— Je te remercie pour ta franchise. J’en avais besoin. Je pense... je pense que je connaissais déjà la réponse et... en un sens tu as raison, cette discussion n’était pas nécessaire pour son fond. Mais j’avais besoin de l’entendre de ta voix... et que tu me prouves que tu ne serais pas capable de me mentir dans un moment pareil. En ça au moins, tu ne m’as pas déçue...
J’avais détourné le regard pour déglutir et ravaler l’amertume qui était apparu avec ma dernière phrase. Ce n’était pas ce que je voulais. Je n’avais pas envie de lui mentir sur ce que je ressentais mais je ne voulais pas pour autant déclencher une dispute. Il avait eu le courage de me dire sincèrement ce qu’il pensait, je me devais de respecter au moins cela. C'était moi qui avais lancé la discussion après tout.
— Je... Euhm... je comprends ce que tu me dis... Mais... je t’avoue que je ne sais pas trop quoi en penser pour le moment... ou comment réagir... il... Il y a eu beaucoup d’informations.
J’avais eu un rire nerveux, que j’avais fait taire au fond de ma gorge tandis que je m’acharnais sur les petites peaux autour de mes ongles pour calmer mes ardeurs et ma douleur. J'avais dégluti, le regard devant moi avant de baisser les yeux vers mes mains pour reprendre.
— Je pense... je pense que je vais avoir besoin d’un peu de temps pour tout ça. Je comprends que tu veux croire en un lien entre nous mais... c’est con, je sais, tu en as sans doute moins besoin que moi, mais pour moi c’est vital. J’ai... j’ai besoin de comprendre ce qui nous unis... c’est que comme ça que je sais où aller. Pas qu’avec toi, avec tout le monde. Comme tu le dis, l’amour me... “porte”, oui, d’une certaine façon. Je peux pas répondre à toutes les questions que tu m’as posées pour le moment... je... bref. Je veux juste te dire ce que je sais ou ce que je pense savoir...
Je m’étais levée lentement, tout en lissant les plis de ma robe de chambre sans l’observer. Quand j’en avais trouvé le courage, j’avais levé mes yeux, sans doute rougis par l’émotion vers lui :
— Je pense que tu as tort sur l’Amour. L’Amour ne te dessert pas. Ce n’est pas un démon malin et persécuteur, empreint de sa propre vie.
Je ne pouvais que le savoir. La mère de mon meilleur ami en était la gardienne et elle n'en était nullement l’instigatrice. Mais peut-être qu’en lui disant ça, un cheminement opposé se ferait dans son cerveau. Je n’avais pas conscience de ce que j’avais pu créer en cet instant, cherchant juste à dire les choses comme je les pensais, avec ce que je savais.
— C’est un instrument... que nous avons tous entre nos mains. Il ne te dessert pas. C’est toi qui te dessers à son contact. C’est vrai, parfois ça fait mal d’aimer et on en sort misérable. C’est parfois une épreuve difficile à passer. Mais ne penser qu’à ça, c’est ne voir que la nuit dans ta journée. Il y a aussi tout ce qu’il t’apporte, tout ce qu’il te pousse à faire. Je ne cherche pas à te convaincre. C’est peine perdue. Comme tu le dis, nous ne nous ressemblons pas sur ce point et je sais que quand tu as une idée en tête, on ne peut pas t’en faire changer. Mais j’avais besoin de le dire. Parce que...
Je m’étais dirigée vers la commode où j’avais posé l’enveloppe qu’il m’avait donné dans la hâte de récupérer Isaac quelques minutes auparavant. L’ouvrant, je l’avais légèrement penché pour laisser glisser le petit casse-noisette dans ma main avant de la refermer. Reposant l’enveloppe, je lui avais fait face, laissant ma phrase en suspens pour en commencer une autre.
— Tu fais souvent référence à ce futur que nous avons vu l’année dernière. Je suis presque sûre qu’il ne s’est pas fait sans amour. Je ne peux pas l’affirmer à 100%, je n’ai pas eu l’occasion de nous découvrir tel que nous étions dans ce monde mais... je pense me connaître sur ce point...
Je laissais pourtant une nuance, toujours pas certaine de ce que je pensais de tout cela.
— Et si j’ai raison. L’Amour peut construire bien plus que tu ne le pense. Une chose est certaine, pour moi ce Futur n’est pour l’instant qu’un rêve ou une chimère dont je n’en comprends pas bien les contours et que je ne suis pas sûre de désirer. Je sais juste que pour le moment... je crois que...
Je m’étais approchée de lui pour lui prendre le poignet avec douceur, le forçant à ouvrir sa paume devant moi pour y déposer le petit casse-noisette.
— … Je ne veux pas vivre dans un rêve.
Je lui avais lancé un sourire, un peu triste et un peu gêné. Refermant sa main sur le casse-noisette, je m’étais reculée d’un pas pour l’observer. Ce n’était pas une rupture ou un refus de son cadeau. Je voulais juste lui faire comprendre à ma façon que je n’avais peut-être pas envie d’être la Clara qu’il voyait en moi. Avec douceur, j’avais posé le bout des doigts sur son visage, lui caressant la joue avec tendresse avant de préciser d’une voix ferme, qui ne trahissait aucun doute :
— Je t’aime. Tu le sais, tu me la dis. Mais si tu tiens à moi, d’une façon ou d’une autre comme tu sembles me le dire, essaye de comprendre que... que je vais avoir besoin d’un peu de temps. Pour comprendre, justement. Je... je ne suis pas sûre de savoir où j’en suis actuellement ou ce que je veux. Je sais juste que j’ai entendu ce que tu m’as dit, je l’accepte et je veux bien le comprendre. Il me faut du Temps maintenant. Pour savoir si ce sera suffisant. Et où je veux aller.
J'avais relâché mon étreinte, reposant ma main contre mon corps, me reculant doucement.
— Prends le temps qu’il te faut pour te préparer... J’attendrais.
J’avais précisé la fin avec un petit rire en haussant les épaules, sous-entendant assez clairement que j’avais l’habitude de toute façon de l’attendre, de me plier à sa volonté. Mais une fois que cela serait fait, je voulais qu’il plie à la mienne...
— Je vais manger en attendant et m’occuper d’Isaac. En revanche... j’aimerai après que tu nous ramène chez nous...
Il n’y avait aucune équivoque dans le “nous”. Je parlais d’Isaac et de moi-même. Il n’avait jamais fait partie du “nous”. Parce qu’il n’avait jamais voulu en faire partie pour des raisons que je comprenais plus clairement encore qu’auparavant. J'étais persuadée même qu’il ne relèverait pas le point.
— Je ne sais pas ce que tu avais prévu pour ce soir et demain mais... je crois qu’il est préférable que nous arrêtions là pour le moment. Si... Si c’est possible pour toi... d’annuler, je veux dire. Je crois que je vais vraiment avoir besoin de réfléchir à tout ça. J’en ai besoin. Si tu veux partir avec ta femme à la place...
J'avais haussé les épaules, me pinçant les lèvres pour éviter que la douleur ne remonte en sanglot, tout en lui spécifiant de mon geste que je m’en fichais. C’était vrai d’une certaine manière. Même si c’était douloureux, c’était la situation entière qui l’était. Pour le reste, je savais que je n’avais pas la force de passer un moment et je préférai encore qu’il le passe avec quelqu’un d’autre qu’il ne m’oblige à le passer. Comme pour lui expliquer ce point et lui rappeler que je ne cherchais pas à rompre ce “lien” qu’il voyait en nous, je lui précisais alors :
— Je pense que c’est pour le mieux. Pour nous deux. Je sais déjà que je ne serai pas au top de ma forme si tu m’empêche de prendre du recul. Je vais ruminer, je serai sans doute un peu absente et je pense que c’est la dernière chose que tu veux en cet instant. Alors, ne partons pas fâchés. Il n’y a aucune raison de l’être. Autant s’arrêter sur cette note... étrange... un peu amère pour moi je l’avoue mais que je transformerai. Je t’appellerai, t’enverrai des messages si tu veux et si tu m’en envoie, je répondrai. Je veux... juste être un peu seule pour le moment.
J’étais restée un instant à l’observer. Ne trouvant plus rien à dire, je lui avais souris légèrement, sans doute un peu tristement avant de sortir de la chambre. Je m’étais dirigée vers le tourne-disque, à la recherche d’une musique qui me permettrait de me vider l’esprit, couper définitivement cette conversation qu’il voudrait peut-être reprendre alors que je ne souhaitais qu’en finir. Me dirigeant vers les vinyles, ma main avait attrapé le premier qu’il lui était venu. Ironiquement ou par coup du sort, je réalisais qu’il s’agissait d’un vinyle d’une chanteuse britannique que je ne connaissais pas. Comment celui-ci était venu jusque-là ? Est-ce que l’ancien propriétaire avait des goûts exotiques qu’Erwin n’avait pas encore entièrement réussi à faire disparaître ? Une chose était certaine, ce disque était là, entre mes mains et il annonçait un rempart efficace contre toute nouvelle discussion. La pochette annonçait “Running Up that Hill”. J’ignorai quelle colline se devait d’être gravie mais j’étais presque sûre qu’elle était largement moins difficile que la mienne. Sortant le disque, je l’avais posé sur le tourne-disque et avait posé la branche à l’endroit adéquate. Un son venu d’un autre temps, des années précédents celles de ma naissance avait alors raisonné dans tout le chalet.
It doesn't hurt me...
Do you want to feel how it feels ?...
J’avais alors entendu la porte de la salle de bain se refermer, comme en réponse à ce que la chanteuse venait de traduire de mon ressenti le plus profond. Fermant les yeux, j’avais dégluti, sentant alors la musique et les paroles me transpercer comme s’il avait la capacité de retransmettre en direct tout ce que je ressentais. Refusant de me laisser submerger, je récupérais alors les deux verres de vin que nous avions laissé sur la table du salon la veille, près de l’endroit où nous avions fini par nous étendre, près de la cheminé. Les images de la veille se superposaient au moment, comme un poignard affuté meurtrissant ma chair. Il fallait que je me vide l’esprit. Arrivant dans la cuisine pour faire la vaisselle de la veille, j’avais agrippé l’éponge comme si ma vie en dépendait et tandis que j’ouvrais le robinet, le refrain s’était déversé avec telle puissance dans toute la pièce que mes larmes s’étaient remises à couler instantanément, puissamment, en gros sanglots que je refusais de retenir. Me sentant si proche de cette chanson, la volonté d’échanger nos places si profondément ancrée dans ma chair, je ne parvenais plus à m’arrêter. En même temps que Kate Bush, je nous voyais inversés, moi ressortant de cette foutue salle de bain pour me précipiter pour lui, réaliser à quel point j’étais stupide, l’embrasser avec puissance. Mais ça n’arriverait pas. Non ça n’arriverait pas.
Prenant le temps de me calmer, laissant couler mes larmes autant qu’il faisait sans doute couler l’eau dans la pièce d’à côté, je terminais ma vaisselle avec lenteur. Isaac était bien trop petit pour comprendre toutes mes peines, je le savais. Mais j’avais lu quelque part que les enfants ressentaient les énergies, le stress de leur parent notamment. Mon fils m’avait déjà vu pleuré au moment de la tété, je n’avais pas envie de lui infliger ça une nouvelle fois. Ressuyant mes larmes avec force, j’avais posé mes mains froides de l’eau qui avait coulé précédemment sur mes yeux pour les faire dégonfler avant de récupérer mes affaires. Retournant dans la pièce qui avait servie de chambre au bébé afin d’éviter de croiser Erwin, je m’étais changée rapidement, préférant encore prendre une douche chez moi quand je serais seule et loin de ce moment cauchemardesque. Revenant sur mes pas, j’avais récupéré Isaac et l’avait installé avec ses draps sur le canapé pour lui changer la couche et ses vêtements, prêt au départ. Une fois les bagages fait et Isaac dans mes bras, je m’étais installée sur le canapé, attendant le cliquetis de la poignée de la porte de la salle de bain qui ne tarda pas. Je m’étais légèrement raidi à l’entente du son, cherchant à adopter la posture adéquate : je lui avais promis que je comprenais, que je ne lui en voulais pas d’une certaine manière peut-être, mon visage tâchait dont d’être détendu, ouvert, détaché, sans la moindre animosité ou douleur que je ne voulais surtout pas lui montrer. Je lui en avais déjà fait tout un spectacle précédemment. Mon regard pourtant était ferme et décidé, pas violent, juste ce qu’il fallait pour lui faire comprendre que je n’avais pas changé d’avis sur ma décision. Mon paquetage, mes habits et ceux d’Isaac parlaient désormais pour nous.
Erwin Dorian
« If the crown should fit, then how can I refuse? »
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- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)
| Conte : Coeur de Princesse/Le Prince et le Pauvre | Dans le monde des contes, je suis : : Preminger
« ChristmasWishes hiding in your heart, What is yours? "
Se pouvait-il que deux êtres errèrent, en permanence, sur deux chemins parallèles, sans jamais comprendre la perception de l’autre mais dans une même finalité commune ? A en croire les circonstances, il fallait admettre que oui. Preminger sentait que sa maîtresse comme lui cheminaient ensemble. Des choses se construisaient au gré de leur avancée possédant une réelle consistance, outre même l’enfant né de leur union. Et pourtant… Ils semblaient voués à s’observer, séparés par un voile dense de cellophane. L’Amour. Cette notion qu’elle portait aux nues. L’Amour, cette notion dont il ne voulait pas, qui ne comptait pas, à ses yeux dorés par l’ambition. Pourquoi sa présence pour l’un et son absence pour l’autre paraissait voué à chambouler le nœud de leur liaison ? Pourquoi tout individu examinait-il tout par le prisme de ce sentiment ? En pensant, ainsi, Erwin la blessait, il ne pouvait l’ignorer. Et admirait presque la maîtrise avec laquelle elle appréhendait, malgré tout, ce qu’il lui livrait. Luttant pour contenir l’orage derrière la courbure de ses yeux bleus. Elle articula, même, une question. Légitime, somme toute, concernant ce qu’il avait pu ressentir pour ceux qui lui avaient donné la vie. Question qui avait eu le mérite de désarçonner l’ancien ministre. Il aurait du s’y attendre mais n’avait pas prévu l’interrogation. N’y avait jamais réfléchi non plus et s’était retrouvé presque bredouille quant à la réponse à donner. Erwin ne pouvait nier avoir ressenti de l’amour pour eux. Il ne s’agissait pas d’être dans l’incapacité mentale d’aimer… Juste, non de s’en sentir dissocié, indifférent. Sa relation avec ses parents étaient la démonstration parfaite de son état d’esprit. Oui, il avait ressenti de l’amour pour eux, mais tout ceci s’était vite assourdi dans le déluge impérieux de son narcissisme. Et ne restait que les lambeaux d’un sentiment qui n’avait pu suffire, confronté à un autre. Bien évidement, il ne le formula pas ainsi, arrivant néanmoins à traduire suffisamment de sa vérité, dans une réponse trouble et propice à multiples interprétations. Puis, avait poursuivi le tracé de sa pensée, tâchant en parallèle de s’apporter une lumière quant à la place de la jeune femme dans sa vie. Son cheminement l’avait même poussé, dans un emportement à soupirer quant à l’utilité de cette interrogation. A quoi bon savoir si on était aimée ? Il ne voyait pas ce qu’il aurait pu lui offrir de plus s’il l’avait aimée. Ne lui donnait-il pas déjà énormément ? Comment pouvait-elle seulement en ressentir le manque ? Il avait même poursuivi notant, fort pertinemment, pensait-il, son traitement royal par ses soins et son manque de maltraitance. Bien évidement, il ne s’extasiait pas sur le fait de ne pas se comporter en bourreau à son égard. Quel individu s’en serait enthousiasmé, si ce n’était un authentique psychopathe ? Aussi Preminger ne faisait guère évocation à ceci, mais bien au traitement de faveur qu’il concédait spontanément et sans arrière pensée à la libraire. Aussi fut-il particulièrement interrogatif à la vue de la lueur qui passa dans le regard bleuté de cette dernière. Si l’impulsion de ce regard n’était pas nécessairement un pur désaveu, elle était loin d’être une approbation. Si la voix du ministre avait poursuivi, n’y semblant en prendre acte, néanmoins, son regard était resté captif du sien et de son mutisme. Leurs yeux s’étaient parlé un moment, sans rompre leur contact, se livrant sûrement une vérité différente. Elle n’avait pas approuvé. Et ne s’était pas empressée de le faire, une fois son discours terminé. Ce qui signifiait bien que cela n’allait pas de soit, la concernant. Et pourtant, songeait-il interloqué et piqué, il avait toujours eu l’impression de faire preuve d’une délicatesse rare à son encontre et d’une exquise politesse… Tout en étant, certes, difficile à vivre, parfois… N’en pris cependant pas ombrage et poursuivit. Il avait poursuivit, encore, encore, jusqu’à ce qu’il ne sache plus que dire. Il n’était pas question de se justifier, seulement de s’expliquer et de poser des mots sur ce qui les entourait. Sur le lien qui les maintenait ensemble. Et qui dépassait réellement, les plans machiavéliques qu’il avait pu ourdir en l’y incluant. Non. Parler de lien signifiait parler de celui qui le faisait apprécier, sincèrement et pour ce qu’elle était - en dehors de son utilité - sa compagnie et sa personne et qui n’était en rien justifié par la seule attirance physique. Et Erwin considérait ne disposer d’aucune réponse supplémentaire outre ce qu’il venait de lui livrer. Alexis avait hoché la tête. Doucement de prime abord, puis les saccades s’étaient intensifiées, devenant de plus désordonnées… Cela témoignait visiblement de son débordement intérieur. Elle le dominait, avec élégance, de façade. Mais il ne pouvait ignorer que Sa Vérité faisait mal, lézardant allégrement les chambranles des fondations qu’elle avait bâti autour d’eux. Preminger avait beau tenter de la préserver, sachant qu’elle entendrait davantage la réalité, quand bien même celle-ci serait difficile à écouter, qu’un mensonge édulcoré mis à bas quelques temps plus tard, il restait maître de cette souffrance infligée. C’était lui qui avait porté le premier coup à ces fondations, ébranlant l’édifice. Quand bien même n’avait-il pas cherché à être cruel et à infuser l’affliction en son âme, ses mots possédaient un puissant impact blessant. Et quand bien même, courageusement, elle persévérait à contenir cette souffrance à l’intérieur de son corps… Pourquoi ? Une volonté de ne pas plier devant lui ? Ou une simple tentative de ne pas se briser, net, de l’intérieur ? Si le réceptacle tenait, alors son mental s’encourageait, visiblement, de sa force. Il aurait été aisé de l’amener au point de rupture. Si aisé. Néanmoins. Erwin n’en éprouvait aucune envie. La souffrance qu’il causait ne possédait pas cette pointe de miel qui rendait délectable la douleur qu’il pouvait infliger, ordinairement. Puisqu’il n’avait eu aucune envie de la susciter. Et si, une partie de son orgueil s’en satisfaisait, constatant par cet intermédiaire tout l’Amour qu’elle lui portait et toute l’influence qu’il exerçait sur elle...il admettait ressentir nul besoin ni aucune envie de l’éprouver par ce biais. La vision de ce tourment, il n’en voulait pas, tout aussi en paix avec ce qu’il était pourtant. Après un moment, Enora l’avait, pourtant, remercié. Sincèrement. Amèrement. Pour sa franchise. C’était risible, pour quiconque autre personne, de remercier Preminger pour une telle chose, lui qui n’était entier que composé de mensonges, malice et manigance. Pour autant, elle le faisait à raison. Et cela restait tout à son honneur de pouvoir, d’ores et déjà, admettre que le coup qu’il lui avait infligé possédait, outre sa souffrance, une finalité. « En ça, au moins, tu ne m’as pas déçue ». La formulation en disait long sur ce qu’elle pensait du reste, même si, presque, celle-ci s’’était échappait de sa bouche, sans préméditation, en témoignait son visage détourné. Preminger ne lui en voulait pas. Autant, s’assumait-il pleinement comme il était, autant, il ne pouvait lui en vouloir d’être telle qu’elle était. Ce composé d’amour. Erwin l’avait, lui-même souligné, loué même. Il aurait été des plus ironiques d’en rire ou de s’en offusquer la minute suivante. Qui ne désirait pas être aimé ? Et de lui, lorsqu’on occupait une place si particulière dans sa vie ? Pouvait-il lui en vouloir de n’avoir pas su le cerner avec trop d’acuité et ne pas avoir décelé cette absence en son être ? Qui ne se serait pas aveuglé ? Personne. Qui n’aurait pas espéré ? Personne. Quand bien même, s’il ne lui avait jamais menti, Preminger n’avait jamais fixé, non plus les termes de leur relation… Pour cause qu’il ne les comprenait que peu… Les découvrait au fur et à mesure, comme fouillant dans une malle perdue sous les toiles protectrices d’un grenier. Derrière les tissus et les fichus passés de mode, se trouvaient parfois des cartes menant à des sentiers insoupçonnés. Il n’avait rien dit, la laissant parler, évacuer, même la pression intolérable, nichée au creux de sa gorge. C’était son tour. Son pauvre exutoire, mais sans libération. Ne fit rien d’autre que l’écouter. Le moment ne se prêtait pas à une effusion. Quand bien même maudissait-il cette interrogation saugrenue, surgie subitement… Pourquoi, diantre, cette question se posait, à présent ? Avait-il dit ou fait quelque chose qui l’avait amenée à jusqu’à là ? Les images de la soirée et du lever défilaient, parallèlement, comme à sa mémoire : parfaites, idylliques. L’espace d’un bref instant, néanmoins, les souvenirs du notaires le ramenèrent à une réaction brusque et semblablement émotive de la jeune femme...qu’il avait préféré ignorer et gommer de sa perception. Elle avait visiblement souffert de quelque chose… Alexis ne revint pas pourtant pas dessus, poursuivi son dialogue, tandis qu’elle jouait avec ses ongles, tentant visiblement de diriger sa frustration sur une détérioration moindre de sa personne, les yeux baissés. S’attachant à suivre le fil de son monologue, le fil de ses pensées, le fil de ce qui lui permettrait de se protéger de cette désillusion. Lorsqu’on focalisait son esprit sur quelque chose, aussi atroce fut-il, on canalisait néanmoins parfois, l’entièreté de ses émotions dans le bon déroulé de cette discussion. Le tumulte restant ainsi, maîtrisé. Erwin abaissa le visage lentement, en signe d’approbation, tandis qu’elle faisait part de son besoin de Temps. Une nécessité. Bien évidement. A quelle autre envie, un échange similaire aurait-elle pu la mener ? Alexis était ainsi, il l’avait lui-même souligné, pleine d’amour et en recherche permanent de ce même sentiment. Ses stigmates d’abandon devaient contribuer, selon lui, à renforcer cette recherche, qu’elle assimilait à une sécurité quant à son cercle privé. S’éviter toute désillusion. Tout abandon physique ou affectif. Peut-être, ne pas lui mentir constituait, au regard de ses différends passés, une erreur stratégique de taille. Un levé de rideau sur un pan de lui-même et d’eux que sa psyché n’était pas prête à appréhender sans stigmates plus considérables la ramenant à ses traumatismes personnels… Après SA tempête et son orage hurlant, il avait promis qu’elle ne serait plus jamais seule. Le manque d’amour ne pouvait que la faire douter de la force de cet engagement. Même de sa seule consistance et véracité. Mais, il ne regrettait pourtant pas son choix. A la voir devant lui, le corps droit, pourtant agité par la douleur…. Il regrettait l’impact de ses paroles, sans se le reprocher, sans les lui reprocher, les considérant comme d’évidence… Leur lien se nourrissait de vérité. Si Preminger le biaisait par nombre de menteries, il s’émietterait pour ne sembler plus rien d’autres qu’un vulgaire cordon jalonné de faux semblants et de manigances… Comme tout ce qu’il possédait autour de lui. Pourtant, ceci n’était pas source de soucis ordinairement. Preminger se moquait des autres, ils n’étaient pas importants. Il méprisait les liens qui le liait à eux, s’amusant de la nature trompeuse de ces derniers. Mais...pour autant… il ne désirait pas que ce qui les liait ensemble finisse par ressembler à l’ordinaire. Ca ne l’était pas. C’était une exclusivité particulière à laquelle il tenait.
— Je pense que tu as tort sur l’Amour. L’Amour ne te dessert pas. Ce n’est pas un démon malin et persécuteur, empreint de sa propre vie.
Elle avait levé ses yeux sur lui en prononçant ses mots, lui livrant par la même occasion leur rougeur. Un rictus amer creusa la joue du ministre. L’Amour ne le desservait pas…disait-elle. Les propos d’Enora répondaient aux siens, informulés, comme si elle avait pu sentir son opinion au-delà des mots prononcés. Comme si elle avait mesuré son opinion au-delà de ses mots. Une opposition intrinsèque. Il lui avait pourtant dit qu’il n’était pas comme elle… Elle ne pouvait le croire peut-être mais c’était réellement la vérité. Son rictus s’était accentué. Un démon malin et persécuteur… Oh, non, il n’allait pas jusque là… Il ne craignait pas l’Amour, ne craignait rien… N’est-ce pas ? Mais… il devait admettre qu’il possédait de ce sentiment un « a priori » agacé et méprisant. Aussi, oui, son idée de l’Amour ressemblait, malgré tout, à cela dans ses pensées. Cupidon n’était-il pas ordinairement représenté comme un bambin railleur s’amusant à viser ses victimes d’un flèche ? Aussi « adorable » ce sentiment était-il censé être, il n’empêchait qu’il s’effectuait symboliquement par l’usage d’une arme et se trouvait laissé à des mains immatures. Là résidait la vraie symbolique de l’Amour naissant entre les Hommes : inconsistance, hasard, immaturité… Il s’engonçait dans la chair et dans le coeur aussi sûrement qu’un poignard… Non, cela ne faisait guère envie. Et étant parfaitement lucide sur l’inutilité que cela représentait, clairvoyant quant à la dépendance qu’il provoquait, Preminger se targuait d’y être immunisé. Aussi, ne pouvait-il entendre le discours opposé qu’Alexis lui livrait. Elle le pensait, songeait qu’il fallait y céder autant qu’elle le faisait, le concernant. Ce qui, à elle, ne lui causait aucun tort ? Vraisemblablement si, à l’y observer, à l’instant. Mais il l’écoutait néanmoins, sa vision des choses. Ce n’était pas mal, Erwin, presque, admettait apprécier découvrir la manière dont elle l’envisageait. Celle d’un sentiment qui n’emprisonnait pas. Ne se résumait pas à se livrer entier aux besoins d’autrui. Elle disait qu’aimer faisait mal, cependant. Qu’on en sortait misérable. Tout en continuant que cela n’était qu’une épreuve difficile à passer. Il ne pouvait qu’en voir le reflet à l’observant sans peine, observer l’agitation continue qui se déversait pourtant à flots dans son corps… Pourquoi aurait-il du souhaiter ressentir cela ? Elle n’évoquait ceci que comme la face sombre de ce sentiment, ce qu’il poussait à faire, à ressentir. A sa face lumineuse, néanmoins, elle n’apporta aucun exemple… Parce que cela n’existait pas. Qu’est-ce que l’Amour apportait aux autres ? Ce qu’ils n’avaient pas la force de s’apporter eux-même. Qu’est-ce que cela aurait eu à lui offrir, à LUI, l’individu qui possédait et posséderait TOUT ? Pourquoi, aurait-il du le désirer de la même force que la puissance de ses caprices ? Il avait beau chercher, il ne voyait rien. Rien qui ne suscita de désir en lui, d’attrait, d’envie. Dans un bruissement, elle s’était levée jusqu’à l’armoire. Lorsqu’elle se tourna vers lui, elle tenait l’enveloppe dans ses mains. Son dernier cadeau. Preminger sentit ses sourcils se froncer… Comptait-elle… ? Refuser ? Non. Non. Une dose de soulagement s’était glissé en lui, lorsqu’il constata qu’elle n’avait fait que récupérer le minuscule présent qu’il avait glissé à l’intérieur.
— Tu fais souvent référence à ce futur que nous avons vu l’année dernière. Je suis presque sûre qu’il ne s’est pas fait sans amour. Je ne peux pas l’affirmer à 100%, je n’ai pas eu l’occasion de nous découvrir tel que nous étions dans ce monde mais... je pense me connaître sur ce point...
Il ne répondit rien. Elle ne s’était pas vue comme il l’avait vue, sans jamais la rencontrer. Une part d’elle qu’il avait conservé pour lui, tel un secret. Ca n’en n’était pas un pourtant, mais la Enora qu’il avait deviné là-bas s’était révélée impliquée. Bien davantage qu’Alexis pouvait l’envisager, dans ses plans. Etait-ce à présent aujourd'hui qu’il devait lui révéler son implication ? Il n’en fit rien. Cela n’était pas le sujet et lui ajouter une prise avec une elle différente encore de ce qu’elle était aujourd'hui ne ferait rien d’autre que brouiller encore davantage les lignes. Quant à son évocation de l’avenir… Ce Futur. Il ne voyait pas ce qu’elle entendait par là. Il allait de soit qu’elle l’aimait dans ce Futur. Puisqu’elle l’aimait déjà maintenant. Mais il ne s’agissait pas d’elle. Enora n’avait pas voulu s’évoquer. Uniquement lui. Uniquement eux. Comme si le couple qu’elle avait entraperçu par l’intermédiaire de leurs expériences respectives dans ce monde différait d’eux, maintenant.. Pas pour lui. Lorsqu’il lui promettait cet Futur, il lui promettait la même place à ses côtés. Non en ce qu’il pouvait avoir de dégradants à ses yeux à Elle, mais en tout ce qu’il pouvait signifier de pouvoir et de crédit à ses yeux à Lui. S’il l’envisageait déjà digne de ce Futur, ceci ne balayait-il pas complètement la théorie de la jeune femme ? Ou alors cela signifiait-il qu’il éprouvait déjà pour elle, un quelque sentiment ? Non. Non… Billevesée. Billevesée que cette conversation ridicule qui m’amenait à rien d’autre que les malheurs et les réflexions inutiles… Les déconstructions… Et puis, à quoi bon mettre un mot sur un sentiment ? A quoi bon tendre vers un sentiment ? Il valait mieux vivre, prendre ce que l’on désirait, se gorger de ce qui nous apportait la joie, sans chercher à le définir, au risque de l’abîmer et s’en lasser. La main d’Alexis s’était glissée sur la sienne, délicatement. Ne s’y superposait nulle caresse mais Erwin ouvrit sa paume néanmoins, devinant ce qu’elle souhaitait y déposer. Son présent. Son Casse-noisette.
— … Je ne veux pas vivre dans un rêve. – « Je ne te le demande pas. » avait-il murmuré gravement, alors que son annulaire se refermait sur la figurine de bois.
Il l’avait dit, dans un souffle. Il ne sut même pas si le son avait franchit ses lèvres. Mais c'était vrai. Cela n’avait jamais été son but. Jamais été la métaphore qu’il avait voulu lui faire passer. La main de la jeune femme avait encouragé la sienne à se refermer sur le casse-noisette, dans un sourire gêné et triste. Là se trouvait visiblement la faille. Ce qui avait causé cette discussion curieuse… Cela résidait visiblement dans le choix de son cadeau. Il fronça les sourcils, un peu perdu. Il ne pouvait pas avoir tapé à côté. Elle était RAVIE lorsqu’il lui avait offert ce spectacle géant sur la place publique. Tout comme elle avait apprécié chaque minute de sa mise en scène… Alors, pourquoi diantre à présent, avait-il l’impression qu’une partie de son mal-être avait commencé là ? Lorsqu’elle avait reçu son dernier cadeau… Lors de leur discussion ? Lors de sa comparaison. Ce qui expliquait pourquoi, alors, elle lui rendait à présent le Casse-noisette. Pour la symbolique. Liée directement à la comparaison qu’il avait fait. La symbolique de Clara l’avait fait souffrir, apparemment. Elle avait du penser qu’il l’identifiait à elle. A son rêve somptueux mais amer. Alors qu’il n’y avait vu qu’un conte qu’elle affectionnait, sans réel parallèle permanent entre la jeune femme et Enora. Il fut tiré de ses pensées analytiques par la main de sa maîtresse, venue lui caresser doucement la joue. Ce geste ne s’analysait pas en une tentative de réconciliation, mais dans un effet d’apaisement des propos. Bien loin de gommer les souffrances, il témoignait de la volonté de la jeune femme de tenter de ne pas lui en tenir rigueur, mais d’une certaine manière, se « satisfaisait » de sa franchise. Une volonté, aussi, de démontrer qu’au-delà de la souffrance, elle était forte. D’une force qu’il n’ignorait pas et dont il connaissait même la teneur. Ce Temps précédemment invoqué revenait sur le tapis. Il avait gagné en importance entre temps. Etait-ce le fil de ses pensées qui avait conduit Enora à en réclamer davantage, à solliciter ce qui ressemblait bien plus, à présent, à un repli ? Une réflexion ? Ou était-ce lui, qui, de prime abord, n’avait pas pris la mesure de ce qu’elle avait demandé ? Elle le demandait tout en lui renouvelant son amour. Comme elle le disait elle-même, il savait qu’elle l’aimait. Il en devinait la portée. Peut-être plus qu’elle. Ou peut-être était-ce son orgueil. Il pouvait ajouter maintes et maintes choses. Tenter encore de se frayer un chemin parmi sa propre conscience, de fixer un socle qui constituait ce qu’il ressentait, verbaliser cela. Mais… C’était inutile pour le moment. Déjà une masse considérable devait être digérée. Il ne servait à rien de plonger encore et encore pour s’aventurer dans cette discussion. Elle ne voulait pas plus d’explications hasardeuses, pas plus de discours sur son mépris de l’Amour. Elle sollicitait un repli sur elle, un Temps pour digérer ceci, pour se poser. Alors, il se tut, se contentant de la laisser prolonger son contact sur sa peau, cette caresse désolée pour le Temps qu’elle durerait, n’émit aucune protestation, aucun son lorsqu’elle cessa. Clôturant presque cette conversation. Presque. Sûrement aurait-il mieux fallu. Il n’avait eu aucun pressentiment lorsqu’elle lui avait proposé de se rendre à la salle de bain. S’était un peu tendu lorsqu’un rire était venu ponctuer son attente. Mais, cela n’avait guère d’importance. Elle était à vif et tant qu’elle le serait, il rongerait son frein. Non. La dégringolade était venue...ensuite. Lorsque d’un seul mot,
— Je vais manger en attendant et m’occuper d’Isaac. En revanche... j’aimerai après que tu nous ramène chez nous...
Chez « nous » ? Une nuance légère de courroux crispa ses lèvres dans un rictus, avant qu’il ne le dissipe. Bien sûr qu’il comptait la ramener chez elle. Il n’y avait eu aucune ambiguïté dans son esprit à ce propos. Tout avait été convenu comme tel. Il déjeunerait auprès de sa royale épouse, Alexis auprès de sa famille. Ainsi, fêterait-il officiellement Noël comme tout citoyen idéal le fêterait. Non. Ce qui le piquait n’avait rien à voir avec cela. C’était à l’inverse cette sorte d’exclusion qu’elle matérialisait à son encontre. « Chez nous ». Le ramenait aussi à cet moment, insolite, où il avait cru qu’elle comptait lui offrir cette demeure. C’était aussi chez lui, non ? Quand bien même son métier le « forçait » officiellement à reconnaître le droit de propriété et quand bien même il avait toujours respecté – après l’amertume de l’absence de cadeau - l’envie de sa maîtresse de posséder un endroit à elle. C’était chez elle. Chez l’Erreur si on envisageait les choses, comme Alexis le faisait. Mais lui… Lui. N’appartenait-il pas à sa famille ? Bien sûr, elle était en souffrance. Elle n’avait même pas spontanément cherché à le vexer. Elle énonçait un constat à ses yeux. Un constat qui venait de son attitude à Lui qui plus est. Puis vint l’APRES. Le forçant à pincer les lèvres. Si fortement, que le sang dans ces dernières se dissipa, les faisant devenir blanches. Annuler… Annuler ? Ce n’était pas une rupture, ni quoique ce soit d’autres. Ce n’était qu’une demande de recul dans la journée qui suivait cette déclaration. Mais il ne parvenait pas à réagir. Se dominait et se forçait à demeurer dans cet état cathartique alors qu’elle justifiait sa décision par des excuses recevables dans toutes circonstances. Seule sa main s’était crispée sur le Casse-Noisette, tandis qu’il la fixait d’un regard accru, fixement, incapable de prononcer le moindre mot. Sonné. Elle aussi le faisait, nota-t-il dans le vague. Ce pincement. Pourquoi ? Pour rien ne déborde de sa carapace ? Pourtant, il avait presque envie de l’y forcer à le faire, là. Que toute cette tension de souffrance accumulée s’exprime enfin. Explose, comme les éclairs qu’elle retenait en elle. Tout plutôt que cette...note curieuse de recul tempéré. Qui lui coûtait sa merveilleuse soirée en sa compagnie ! Quelque chose qu’il avait, notamment, concocté pour elle…
Mais, il n’avait rien dit, puis...elle était partie. Le laissant ainsi. Encore assis. Encore sous le coup de l’échange qui venait de se terminer. Encore sur le coup de ce qui venait de se jouer. Des émotions contradictoires montaient, fusaient, envahissaient son cerveau, créant une farandole improbable de postures diverses. Il fulminait. Fulminait de se voir éconduit, privé de son séjour, de son Noël. Un Noël qu’il avait pensé PARFAIT et dont il avait concocté le programme en sachant parfaitement ô combien elle serait comblée.. Et elle refusait ? Peu importait les raisons pour lesquelles elle déclinait son invitation, une partie de lui, luttait pour ne pas la rejoindre en vociférant qu’elle passerait ce Noël en sa compagnie puisqu’il l’avait décidé. Une autre, plus prudente et d’une étrange manière, consciente de la situation l’empêcherait de se conduire de la sorte. Cela ne résoudrait rien. Cela ne ferait que la braquer davantage… à plus forte raison. Pire encore, c’était là, lui accorder des munitions pour se détacher de sa personne et lui permettre de voir en lui plus qu’un homme incapable d’amour. Ce qu’il était aussi, certes, mais l’Heure n’était pas à la mise à bas des masques sans la moindre vergogne. Enfin, une dernière part de lui comprenait. Comprenait l’attitude de la jeune femme et ressentait combien, son désarroi était égal, sinon plus considérable que le sien, qui n’avait été que « bêtement » éconduit pour une chose aussi futile qu’un bal. Elle venait d’accuser une souffrance dense et… … aussi profondément curieux cela pouvait-il être...il retenait aussi l’image obsédante de son sourire triste. Brisé.
Après un long moment, Preminger avait fini par se lever… Une poignée de notes s’elevait dans l’air. Alexis avait du mettre de la musique… Qui ne possédait plus rien de l’essence du classique. Vaguement une musique des années 80. Pourquoi avait-il ceci ? Midas sûrement à qui il prêtait aussi le lieu... Les paroles vrillaient, dépassant même la porte. Il finit par la reconnaître. Rattachée à des souvenirs qui n’étaient en réalité que des mirages. Où, cette chanson passait dans la radio d’un des bolides que Midas avait acheté à l’université… A l’époque où les paroles possédaient un tout autre sens à ses yeux.
« It doesn't hurt me... Do you want to feel how it feels ?... »
Etait-ce vrai que cela ne blessait pas ? Lui qui proclamait vivre au dessus de l’opinion des autres… Malgré ces émotions contradictoires. Dans un geste vif, il déposa, une fois, levé le Casse-noisette sur la commode. Il convenait de se rendre en salle de bain. A quoi bon stagner ? La musique fut celle-ci qui guida ses pas dans la salle de bain…et il referma la porte sur elle, assourdissant l’atmosphère. Preminger entrait en terrain conquis, se retrouvait seul avec lui-même, un moment plein et offert à son encontre… La chanson pourtant, perçait encore la porte. Ou alors était-ce lui qui rythmait la musique assourdie, des mots qu’il connaissait déjà ?
«Do you want to know, know that it doesn’t hurt me ? Do you want to hear about the deal that I’m making ?»
Non. Elle ne voulait pas réellement savoir. Elle désirait surtout qu’il puisse sentir sa peine. Ce qu’elle vivait et qu’il devinait, sans sentir ni comprendre la fréquence des battements de son coeur ni même l’étau qui écrasait sa poitrine. Il se déshabilla, songeant pourtant qu’il désirait aussi, presque qu’elle puisse appréhender le monde de sa perspective. Le voir avec ses yeux ne lui permettrait jamais d’accéder à sa pleine compréhension, quand bien même elle disposait d’une compassion sans limite. Si elle l’avait pleinement vu à travers ses yeux, alors elle l’aurait pleinement compris. Compris tout ce qu’il avait fait et au nom de quoi. Le robinet vrombissait une eau dont la température n’avait rien à envier à la glace, trop froide encore pour l’accueillir son être fait de feu… Il tourna le robinet, passant une main dont toutes les bagues avaient été précautionneusement ôtées préalablement, pour en jauger la chaleur… Echanger les places… Leurs places. Si elle avait éprouvé la noirceur de son être, il se serait vu soumis à la force de son âme solaire. Ce serait-il corrompu dans les circonstances auxquelles elle avait été confronté ? Aurait-elle choisi une route différente si elle avait vécu ce qui l’avait amené jusqu’ici ? Cette transition serait-elle un effet bénéfique ? Ou les forcerait-elle à voir, que nonobstant ce ''lien'', leurs êtres et leurs morales d’hier et d’aujourd’hui demeuraient incompatibles ? L’esprit néanmoins plein de brouillard, il rejoignit bientôt la douche, laissant l’eau laver ses préoccupations. Les gouttes dégoulinèrent le long de son cou, tandis qu’il appuyait ses mains contre les parois, offrant son corps au liquide. Les notes lui parvenaient, toujours, malgré l’eau, la porte close. Avait-elle monté le son ? Ou la musique s’était-elle élevée d’elle-même ? Il en distinguait nettement les paroles, outre la mélodie entraînante.
«You don't want to hurt me But see how deep the bullet lies Unaware I'm tearing you asunder Oh, there is thunder in our hearts»
Cela lui ressemblait bien de mettre de l’orage dans son coeur… Une ironie propre à eux. Et pourtant, il n’avait pas voulu la blesser. Mais il l’avait fait, malgré cela, ne pouvant maintenant que voir à quel point la balle reposait profondément en elle. A quel point sa Vérité l’avait meurtrie. Au point de gâcher sa perception des choses. Au point de mettre fin à la formidable escapade qu’il avait envisagé… Au point qu’il emportait malgré tout, son visage blessé avec lui, sous l’eau… C’était inutile ! Que l’eau le lave donc de cette tétanie ! Qu’elle lui accorde néanmoins bien plus qu’une saute d’humeur. Qu’il cesse donc de se questionner… Il aurait pu dire « sottement » mais la sottise ne faisait pas partie de lui. Il augmenta le volume d’eau, tâchant de gommer les sons, les bruits le rattachant à cet instant, à ce qu’il venait de perdre, à elle. Tachant de diluer la irritation saisissante qui suintait de ses pores.
«Is there so much hate for the ones we love ? Oh, Tell me we both matter, don't we ?»
Mais qu’importait donc la nature du lien qu’il ressentait pour Enora ! Il n’avait pas lieu de s’en émouvoir ! Pourquoi diantre, y aurait-il raison ? Si cela ne l’avait pas préoccupé précédemment, si la situation bien qu’inédite pour lui n’avait pas attiré son attention pour l’alerter, c’était donc que cela ne méritait pas de s’en inquiéter. Ils avaient un lien. POINT ! Point. Il plaqua ses mains contre son visage, se livrant à la caresse de l’eau, la chassant des contours agréables de son visage. Progressivement, il s’apaisait, calmait ses nerfs à vif, sa tension, retrouvait sa lucidité. Sa mainmise. Il savoura un long moment auprès de lui-même puis referma le robinet. Achevant de se sécher, il s’était arrêté devant le miroir, observant sa beauté. Il se remémorait ce qu’elle causait. Ce qu’il causait… Pris, malgré tout, un temps magnétique à se mirer, achever sa préparation, afin de ressortir plus resplendissant et rayonnant de netteté. Lorsque la porte s’ouvrit, la musique s’était tue et un silence pesant entourait les lieux, annonçant, par le moindre bruit l’emplacement de toute chose. Ses talons claquèrent sur le parquet, l’amenant jusqu’au salon et au fauteuil dans lequel Enora se trouvait avec Isaac. Installée, prête au départ. Elle semblait pareille à ces voyageurs dans les hall de gare, leurs paquets et valises soigneusement ramenés vers eux, n’attendant que l’annonce de l’arrivée de leur train pour bondir et s’enfuir. Ne dépassant pas le perron de la pièce, il s’attarda un bref instant, l’épaule apposée à l’encadrement du mur, à l’observer, la mine pensive et fermée. Son attitude se résumait à cela. Une fuite en avant. Elle l’attendait là tel le train. Sans pour autant voir, en lui, cette fois, la destination qu’elle recherchait. Au contraire. Comme elle avait du redouter son retour… L’incarnation même de ce qui la poussait à rompre leur programme, leur rythme, leur réunion. A dire adieu à leur si beau Noël… A fuir sa compagnie et son aura. Il n’avait pas besoin de se glisser plus près pour noter qu’elle avait pleuré en son absence. Le ruissellement récemment essuyé portait encore une trace sur son joli visage ferme. Ce qu’elle avait décidé, ce qu’elle faisait encore, à présent, n’était pas sans heurts. Et cela allait de soi. Elle ne l’aurait jamais fait par désintérêt. La souffrance dictait ses gestes. Son désarroi la poussait en avant, dans cette course effrénée pour fuir son mal, une volonté de faire taire ses tourments, un repli nécessaire pour les dompter, les envisager, les apprivoiser. Elle avait dit qu’elle réfléchirait à la suite. Savoir si cela lui était suffisant. Et cela le serait. Of course. Elle avait pu le faire auparavant. Puisqu’elle le comprenait et puisqu'elle l’aimait, cela suffirait, n’est-ce pas ? Il savait qu’elle finirait par l’admettre. Lui revenir pleinement. En attendant… Dans un geste doux, sa silhouette s’était mue jusqu’au fauteuil, dans lequel il avait pris place, de son ordinaire élégance. Après une brève et inutile seconde où il avait contemplé le devant comme elle, tel un gisant, un étranger, il avait finalement tourné sa tête vers elle. Affrontant sa douleur désormais calfeutrée sous une couche de résolution. Lui faisait face au même visage qu’il avait embrassé et séduit, ici, envahi à présent d’une émotion différente. Bientôt, elle trouverait le prétexte pour bondir et amorcer le départ, rompant ce silence lourd et significatif qui s’était installé entre eux. Rien n’était brisé pourtant, Preminger en demeurait persuadé. Ce que l’on ressentait ne disparaissait pas dans un claquement de doigt. Il y veillerait aussi. Mais tout semblait...suspendu. Non de cette sensation agréable qui surgissait, parfois, alors qu’ils se trouvaient ensemble, gelant l’alentour pour les ramener au partage. Non… Bien davantage à l’impression d’un ralentissement… Un enrayement dans la roue du Temps. Il aurait pu lui sourire, ne le fit pas. Il n’en n’avait aucune envie, ce n’était pas ce dont elle avait besoin en ce moment. Sourire eut sûrement donné l’impression qu’il vivotait, indifférent à son ébranlement interne. Ce qui se révélait être faux. Il n’avait même pas besoin de mentir. Il prenait cet instant avec bien trop de sérieux pour l’Avenir et le leur pour s’en permettre d’en ricaner éhontément, ainsi. Au contraire, sa main s’était levée, gracieusement, lentement et le dos de celle-ci s’était déposé dans une caresse suave sur la joue de la jeune fille. Elle était essuyé, gommé ses larmes, mais sa peau en conservait la moiteur d’un essuyage à la hâte et la rougeur caractéristique. Un geste choisi, voulu, une offrande à la paix qui témoignait à sa manière de sa compréhension. Le seul apaisement qu’il pouvait lui offrir et désirait offrir. Elle s’était raidie, saisie de son contact, comme ne l’ayant pas appréhendé ou envisagé. Et l’espace d’un bref instant, ses pupilles noires s’étaient dilatées, comme une alerte, plongeant dans l’appel des siennes. Il n’avait pas agit dans cette optique, n’avait recherché qu’un apaisement tendre, une volonté de lui transmettre avec douceur son acceptation de la situation, mais le distinguait perceptiblement. La faille qui cachait le gouffre béant. L’opportunité. S’il s’avançait maintenant, s’il incitait quoique ce soit, alors, pensait-il, tout serait dévasté, balayé… Il l’agripperait, la faisant sombrer avec lui, la jetant en pâture à ce qui émanait de son âme, bien davantage que de l’aider à obtenir ce qu’elle désirait à présent. Agir ainsi la forcerait à voir, la profondeur de son amour, mais à en extérioriser toute la détresse et la cruauté de sa posture. Il pouvait. Il suffisait d’initier. Il ne le fit pas. Il ignora ce qui le poussa à ne pas céder à ce qui aurait pu constituer un excellent ascendant. Le respect. Agir ainsi aurait été profiter de sa faiblesse, une faille qu’elle avait ouverte avec pudeur et respect de lui-même, n’en déplaise à la journée qu’elle sacrifiait. Elle n’avait pas rejeté ses paroles, ne s’était pas outragée de ses pensées, ni rebellée contre son absence de sentiments. Elle avait respecté ce qu’il était. Qui il était. N’avait manifesté que sa douleur à cette compréhension. Et pour ceci… Il ferait de même. Aussi, il ne le fit pas. Une seconde d’hésitation. Une seconde de décision. Ce serait, de toute manière, tout ce qu’il aurait. Car elle avait profité de ceci pour esquisser une impulsion en avant, le forçant spontanément à relâcher son contact, alors qu’elle se levait d’un bond. La fameuse fuite en avant. En tâchant de gagner du temps, il l’avait provoquée. Qu’importait, ce n’était que la suite logique et l’ordre naturel des choses. Son corps filait pour échapper au risque qu’il avait décelé un instant plus tôt, pour se garder maître de ses décisions, pour se garder maîtresse d’elle-même. La main du notaire retomba, tranquille, sur ses genoux, alors qu’elle s’agitait, debout, sous la surveillance de ses iris dorés. L’Heure avait sonné. Elle reprenait tout. Elle, Isaac, les vêtements, les affaires, les cadeaux. Elle vidait cet endroit, le laissant désincarné. Les décorations de Noël accrochées avec soin, paraissaient honteusement déphasées, et ne parvenaient guère à réchauffer l’atmosphère. La froideur de l’hiver était, somme toute, parvenu à s’infiltrer dans les replis, pour les gagner.
– « BIEN. Hâtons nous de traverser le perron… l a énormément neigé cette nuit. Fort heureusement, la voiture est non loin de là »
Il conviendrait en revanche d’effectuer le chemin inverse une fois Alexis ramenée, ne serait-ce que pour ramener la calèche et l’attirail animalier à l’enclos prévu… oh, il trouverait bien quelqu’un d’autre pour s’occuper de cette tâche ingrate ! Hors de question de gaspiller son temps pour ce genre de choses… Ses doigts pianotaient agacés le long du volant, tandis qu’il traversait route et campagne, Alexis mutique à côté de lui. Il ne tourna pas la tête, la guettant à l’oblique, la tête penchée vers Isaac. Ce dernier babillait vigoureusement et Enora s’abîmait dans sa contemplation, qui malgré sa tristesse, parvenait à lui arracher quelques sourires attendris. Il finit par allumer la radio, par soucis d’habiller l’atmosphère d’autre chose que l’amertume et la tristesse, et s’empêcher de lui-même babiller, avec davantage d’arrogance sur ce qui lui viendrait en tête. Elle voulait du silence. La musique, d’une certaine façon, en offrait à sa manière. Il zappa néanmoins, lorsqu’une chanteuse se mis à brailler les premières notes insipides d’une chanson de Noël gorgée de mièvrerie, retenant son ricanement méprisant dans le creux de sa gorge. Il laissa une chaîne inconnue, se satisfaisant d’une mélodie ordinaire et insipide, l’esprit songeur. Il prenait de la hauteur, songeait pragmatique au chalet qui disparaissait dans le rétroviseur, comme un point dans l’horizon blanc, à l’ombre des arbres nimbés de neige. Convenait-il de vendre l’habitacle à présent ? Cette dernière l’ennuierait, peut-être, de souvenirs désagréables. Mais une réhabilitation s’imposait. Conservé, il restait utile. Initialement, il ne l’avait vu que pour ce qu’il était réellement : un simple logis de confort standard qu’il utilisait lors de missions nocturnes et criminelles. Enora l’avait aimé pour son pittoresque… Et… Il s’y était attaché pour son symbole et ce qu’il avait été...un endroit transcendant le Temps. Où les souvenirs affluaient finalement. Le passé, le présent et le futur. Tout avait fusionné, en ce lieu. A présent, qu’ils remontaient cette route, les pneus saturés de glace, Erwin songeait que possiblement, l’atmosphère du lien s’était pour toujours évaporé et saturerait à présent leurs souvenirs communs de superposition d’agréables et notables moments à des instincts davantage critiques. Bientôt, la forêt derrière eux, les rues se peuplèrent de maisonnettes, puis de bâtisses. La ville. Pour autant, elle s’éveillait pareille à un lieu désincarné. La neige avait blanchi le paysage, recouvrant les toits et jusqu’au boites aux lettres extérieures, dépersonnalisant toute demeure. Rendant chaque maison semblable. « Ce n’est pas parce qu’il y a de la neige sur le toit qu’il n’y a pas de feu dans l’âtre ! » il connaissait ce proverbe… Pourquoi venait-il le perturber à la vue de ce paysage ? Il le chassa, avec dédain. Il passa par le centre-ville, n’y croisa personne hormis quelques voitures pressées par la recherche d’un cadeau tardif, et éteignit enfin la rue desservant la maison d’Alexis.
– « Nous voici arrivés… » commenta-t-il en arrêtant la voiture, non loin de chez elle « Pour le cadeau d’Isaac, tu as juste à me dire l’heure et le jour t’arrangeant et je m’arrangerai pour le faire livrer chez toi. Avec la librairie, ce n’est pas évident. »
Il avait coupé le contact avant de se tourner vers la jeune femme. L’Erreur dans ses bras ne s’agitait désormais plus, plongé dans un état de repos qu’était loin de partager sa mère. Même, alors qu’elle n’était que de profil, il devinait sa situation. Il devait parler avant qu'elle ne sorte. Même si le son de sa voix la ramenait à un souvenir récent dans douloureusement vorace, il ne pouvait la laisser partir ainsi. L’Avenir se jouait, dans chaque geste. Le Futur. Et à l'en observer, Preminger réalisa qu'il tenait, visiblement, réellement à ce futur qu'il avait vu se jouer auprès d'elle. Pourquoi ? Après tout, il n’avait jamais douté qu’il finirait souverain ultime des contrées et continents. Comme l’avait fortement déclaré Enora, précédemment, ce n’était qu’un des Futurs possible. Il savait qu’il obtiendrait son trône et sa couronne, d’une manière ou d’une autre. IL écrivait son Destin. Alors, finalement, pourquoi ce dernier trouvait une grâce particulière à ses yeux au point qu’il s’acharnait ? L’écharpe d’Alexis avait été nouée à la va-vite et ses yeux s’attachèrent à ce point de détail, gommant sciemment sa réflexion, avant de rejoindre son visage. Plongeant à présent ses yeux inquisiteurs dans les siens, il déclara :
– « Je.. je tenais à te dire quelque chose... Pour le Casse-Noisette. Et Clara. La métaphore que tu en tires n’était aucunement celle qui t’était destinée. Tu vivrais dans un rêve si tu t’illusionnais ou si je t’encourageai à le faire. Ce n’est nullement mon intention. Je n’ai jamais voulu te faire de fausses promesses. Mais ce soir, je voulais que tu puisses découvrir de l’intérieur, l’univers des ballets que tu aimes tant, l’espace d’une soirée. Te faire goûter à ce à quoi le monde des contes de fée pouvait ressembler, dans un univers plus proche de tes goûts que des miens. T’éblouir.» » Elle l'avait écouté attentivement…la ceinture décrochée encore dans la même. Avait dégluti avant d' hocher la tête au bout de quelques secondes comme si elle comprenait pour l’image fausse et qu’elle acceptait l’hypothèse. Elle n'avait rien dit. Rien ajouté. Un petit silence s'était écoulé entre eux. Puis elle lui avait dit:
- “Tu l’as fait. M’éblouir. Tu as réussi.”
Un sourire doucement, flotta bientôt sur les lèvres de la libraire. Mais il était triste, timide et un peu amer. Et il sous-entendait “c’est d’ailleurs tout le problème, c’est pour ca que ca fait si mal”.
Une sorte de gêne s’était installée entre eux. Gêne était un grand mot, puisque Preminger n’était jamais gêné de rien. Mais, si son esprit le proclamait, sa bouche ne s’ouvrit pas pour autant. Il n’était pas question de caqueter innocemment, comme il aurait pu le désirer. Elle en aurait, sûrement, été outragée, blessée. C’était l’énième moment, avant qu’elle n’ouvre la porte et ne rejoindre entièrement la solitude – relative en raison de l’Erreur-, qu’elle recherchait.
— « ... Tu devrais réajuster ton écharpe, tu te livres, ainsi, à la morsure du froid » proposa-t-il en pointant un index vers elle , son attention s’était focalisée sur la maison, derrière elle, à travers le carreau « D'ailleurs Il est tombé une quantité considérable… L’allée ne doit pas être très praticable… Veux-tu de l’aide ? »
Puisqu’elle accepta, ils remontèrent ensemble l’allée menant jusqu’au perron de sa demeure, tous deux chargés de colis plus ou moins précieux. Il l’invita à enserrer son coude du sien bien que les bras chargés par Isaac, pour s’assurer un appui. Qui n’était non pas moins inutile le concernant. Le parcours s’avéra moins ardu que prévu.
– « Ce Temps à ses propres attraits. Tout ceci est paisible dans sa froideur. Et ce qui est caché dans la neige apparaît au dégel... » commenta-t-il, presque pour lui-même en achevant de grimper les dernières marches. Preminger déposa ses affaires à l’entrée, sous le porche, non sans avoir claqué la pointe de ses talons chaussures sur la marche. La neige qui s’y était incrustée s’y détacha facilement et il passa deux mains dans ses cheveux pour en ôter les flocons et par pure coquetterie.
– « Je te laisse céant, à présent. A bientôt, trésor. »
Il lui épargna le Joyeux Noël et ne lui proposa pas de l’appeler si elle changeait d’avis sur son programme. Elle ne changerait pas d’avis. Il s’organiserait donc en conséquence. Elle avait hoché la tête, n'avait rien rajouté. Alors, il était parti. Empruntant le chemin inverse pour disparaître rapidement de l’allée, reprenant le chemin de son domicile et de la gangrène qui se cachait sous l’apparent et rutilant verni du tableau familial. Il gara la voiture sans croiser quiconque, puis rentra chez lui, non sans quelques consignes pratiques. Sans être accueilli. Les somnifères administrés par Midas le préservaient d’une insomnie gênante de Geneviève. Aussi dormait-elle encore, lui offrant l’occasion d’un petit tête à tête avec lui-même. Il se servit un verre de champagne, sirotant sa coupe, non loin du miroir qui tapissait le salon, les jambes élégamment croisées. Son esprit pourtant, revenait inlassable à cette discussion. A la question. Au lien. Au Futur. A l’Amour dont il ne voulait pas. A celui qu’elle tentait pourtant de convertir… Sottise, ça ne marcherait pas. Il n’avait pas besoin de tout ceci. Et elle n’avait pas besoin qu’il ressente ça pour être heureuse à ses côtés, n’est-ce pas ?
« L’Amour ne te dessert pas. Ce n’est pas un démon malin et persécuteur, empreint de sa propre vie.»
Ses paroles revenaient dans son esprit, ne trouvant aucune approbation. BIEN EVIDEMMENT, il n’était guère sujet à ce sentiment mais plus encore, il désapprouvait… Cela ne l’empêchait pas d’apprécier Enora. Sincèrement. Il l’estimait, comme peu. Il but une gorgée de champagne. C’était inutile de vouloir d’Aimer autrui. Du Temps gaspillé. Un sentiment qui n’ouvrait aucune jouissance pour un esprit aussi futile que lui, puisqu’il était ingrat. Il privait les individus de leur plein potentiel, les vouant à autrui lorsqu’ils auraient pu être tout à eux. Et à la souffrance Non. Ou tout à lui, puisqu’il était au dessus d’eux. Il ne voulait pas de ce sentiment. Et ce sentiment ne l’aurait pas. Il inclina la tête un peu, fermant les yeux.
« Ce n’est pas un démon malin et persécuteur, empreint de sa propre vie. »
Il avait levé son verre. Ce dernier n’avait jamais atteint ses lèvres… « Empreint de sa propre vie ». L’Amour n’était certes pas un être, mais un être le personnifiait et en dirigeait les flèches avec bien plus d’adresse que Cupidon. Oh, oui, quelqu’un avait les pouvoirs et les raisons impersonnelles de provoquer cette confusion générale dans sa liaison. Ses yeux s’ouvrirent, flamboyants. Une personne. Aphrodite.