Tenir à la fois une épée et es rênes d'un cheval pour le guider tout en lançant des boules de feu demandait une sacrée coordination. Voire une troisième main, songea Honey, amusée par cette idée saugrenue (quoique la magie pouvait apparemment faire bien des choses). Dans tous les cas, elle était impressionnée de constater chaque jour un peu plus que Morgane était décidément une sorcière et une femme badass. Exactement le genre de personnes dont la jolie blonde aimait s'entourer. C'en était presque étonnant, alors, de l'entendre dire qu'elle préférait presque cette nouvelle vie à Storybrooke, globalement plus normale que l'ancienne, surtout du point de vue de Honey Lemon.
- La vie moderne, au sens la vie du XXIe siècle, précisa la scientifique qui ne voulait surtout pas vexer Morgane en sous-entendant malgré elle qu'elle venait qu'une période ou d'un endroit arriéré, a aussi ses challenges. Moins de charge physique et plus de charge mentale, je dirais. D'ailleurs, il y a des TAS d'études sur la charge mentale et la façon dont elle draine l'énergie des humains d'aujourd'hui... Mais quelque chose me dit que si je m'embarque là-dessus je vais devenir ennuyeuse alors je ne vais rien en faire, se rattrapa la jolie blonde en adressant une moue contrite à son amie. Et la vie à Storybrooke, je n'en parle même pas, ça peut carrément devenir très physique aussi ! conclut donc rapidement la chimiste avec un sourire presque d'excuse, cette fois, de s'être encore laissée embarquer par les élucubrations incessantes de son esprit génial.
Heureusement, ce dernier, parfois arrivait aussi à se mettre en pause et à laisser place à un cerveau plus émotionnel chez de la jeune femme, car Honey Lemon avait aussi un cœur immense (en tout cas au sens métaphorique du terme : au sens strict, son cœur était l'organe le plus banal qui soit). Naturellement, elle fut très touchée d'être celle pouvant recueillir les confidences de Morgane sur sa maman disparue, sur tout l'amour qu'elle lui avait porté (et qu'elle continuait sans doute de lui porter) et sur la façon dont elle retrouvait une trace de celle qui lui avait donné la vie dans le regard de son frère. C'était une très bonne chose, très saine, que de constater que la puissante sorcière n'était pas que puissance mais qu'elle avait ses faiblesses, celles qui la faisaient humaine, qui lui apportaient compassion et empathie, des qualités au moins aussi importantes que la force et la détermination.
Bien sûr, Honey ne pouvait pas plus imaginer le sentiment (étrange, sans doute) que cela pouvait être de retrouver un fragment d'un être cher qu'on avait aimé dans les traits d'un autre, tout comme auparavant elle n'avait pu imaginer la douleur accablante de la perte d'un de ses parents. Car si elle n'était pas orpheline, Honey n'était pas non plus membre d'une fratrie, aussi, lorsque ses parents mourraient, il ne resterait qu'elle. La perspective, vue depuis cet angle, n'était pas forcément très encourageante. Elle était aussi inéluctable, car tout, dans l'Univers, avait toujours une fin, mais la scientifique préférait ne pas encore y penser. La vie humaine n'était certes pas longue mais elle l'était encore suffisamment pour que bien des chapitres encore s'écrivent avant celui de la fin ultime.
- C'est très beau ce que tu me racontes, souffla Honey, le regard brillant. Très émouvant. Peut-être que ton frère ressent sensiblement la même chose, que tu as hérité quelque chose de ta mère. Du point de vue génétique, tu as forcément hérité de 50 % de son patrimoine, en plus, ne put-elle s'empêcher de remarquer, signant ainsi le retour de son cerveau rationnel sur le devant de la scène.
Et comme pour le confirmer, Morgane annonça qu'elle avait hérité, elle aussi, du regard de sa mère. Honey sourit à cette nouvelle, laissant son esprit vagabonder et son imagination se figurer ce qu'avait pu être la première rencontre entre le preux chevalier grognon et la sœur pas si pieuse malgré son éducation religieuse.
La scientifique n'avait pas besoin de connaitre Adam aussi bien qu'elle connaissait Morgane pour voir qu'ils étaient effectivement très différents et imaginer les frictions au début de leur relation. Car c'était le cas dans toutes les fratries, d'après les connaissances théoriques que la jeune femme avait du sujet.
- Ce que tu décris n'est pas très étonnant dans une famille classique, en fait, expliqua-t-elle. L'ainé d'une fratrie ressent souvent - quoique pas toujours - de la jalousie envers le deuxième enfant, il a souvent l'impression que ce dernier lui "vole" ses parents car, étant donné qu'il est plus jeune et à donc besoin de plus d'attention. Evidemment, votre histoire est un peu différente, il y a des tas d'autres facteurs à prendre en compte mais, pour le fond, votre relation a suivi un parcours relativement classique. C'est rassurant, non ? demanda Honey avec enthousiasme.
Peut-être aurait-elle dû avoir une réaction plus mesurée, car Morgane lui confiait la douleur de ses pertes et les intrications de sa relation avec Adam, mais Honey ne pouvait pas s'empêcher de toujours voir le verre à moitié plein (métaphoriquement) et de se réjouir des succès plutôt que de se concentrer sur les défaites et les difficultés. Surtout après avoir vu Morgane évoluer de façon aussi positive ces derniers mois et encore davantage quand elle l'entendait affirmer qu'elle lui faisait confiance.
Il n'en fallut pas plus que cette conversation pour que Honey passe une belle journée. Les deux amies terminèrent leur boisson en discutant de tout et de rien, en refaisant le monde (métaphoriquement) puis se quittèrent pour un temps, car elles se retrouveraient bien.