« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
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Let's talk of graves, of worms, and epitaphs. “Because I'm evil, my middle name is misery.
Well, I'm evil, so don't you
mess around with me.”
| Conte : Intrigue divine sauce titanesque avec soupçon de mal de crâne | Dans le monde des contes, je suis : : Cerbère, le fidèle et redoutable chien à trois têtes
Nothing's ever really dead if you look at it right.— Wouah, canon l’appart !
La jeune femme étouffa une exclamation admirative en passant la porte de l’appartement. Desmond demeura silencieux. Ce genre de réaction était fréquente quand il emmenait des gens chez lui. A force, il n’y prêtait plus attention. Il savait que son habitation était aussi élégante, fastueuse et distinguée que lui-même. D’un geste presque las, il posa sa veste de costume sur le plan de travail de la cuisine en inox, qui n’était pas sans rappeler une table d’autopsie.
— Mets-toi à l’aise, déclara-t-il à sa conquête.
Il l’avait choisie blonde, de taille assez petite, menue, avec des mensurations convenables. Elle était jolie sans être provocante, mais il lui manquait quelque chose au fond des yeux. Une lueur d’intelligence, sans doute. Desmond l'avait abordée pour tromper l’ennui. La nuit allait se poursuivre sur deux étapes : le divertissement des deux parties, suivi par la mise à mort de la blonde aux yeux de biche. Il avait besoin d’un petit massacre afin de s’éclaircir les idées. La monotonie de l’existence était parfois bien pénible. Il hésitait encore sur la manière de lui ôter la vie : de façon lente ou rapide. Tout dépendrait du plaisir qu’elle lui procurerait.
— Ça sent quand même beaucoup le détergent, fit soudain remarquer la jeune femme en fronçant son joli nez.
Desmond n’était pas insensible à cette odeur tenace, mais elle lui semblait moins agressive que le parfum de Sasha. Quand il avait compris qu’elle était venue chez lui, il avait fait venir un service de nettoyage composé de cinq personnes. Elles avaient récuré l’appartement du sol au plafond. Malgré tout, l’odeur de chat persistante avait contraint Cerbère à passer un dernier coup de brosse. Son antipathie pour la démone n’en avait été que renforcée. Indirectement, elle l’avait forcé à devenir agent d’entretien...
Il chassa ce désagréable souvenir de son esprit et plantant son regard dans celui de sa conquête, il articula :
— J’ai dit : mets-toi à l’aise.
— T’aimes bien donner des ordres, toi... roucoula l’inconsciente.
Elle fit tomber les bretelles de sa robe et cette dernière glissa sur son corps comme de l’eau pour choir à ses pieds. Desmond l’observa longuement de bas en haut puis s’approcha. A l’instant où il allait poser ses mains sur sa peau tendre et chaude, il perçut une fluctuation étrange dans l’air. Une odeur indistincte, lointaine et proche à la fois...
L’esprit aux aguets, il se concentra, cherchant à savoir s’il s’agissait d’une menace. La jeune femme, indifférente à cette subtile fluctuation, fronça les sourcils, contrariée qu’il ne poursuive pas ses gestes plus avant.
— Je commence à prendre racine, désapprouva-t-elle avec une moue étudiée.
Sans doute cherchait-elle à se rendre plus désirable qu’elle ne l’était déjà, mais Desmond n’y prêtait plus la moindre attention. Il tourna la tête vers la fenêtre. Le vent soufflait, charriant des notes de pluie. Pourtant, les environs ne semblaient pas humides. Quelque chose se préparait.
Desmond se crispa. S’agissait-il d’un autre saut temporel ? Il était las de tout ceci.
— Monte dans la chambre. Je te rejoins, déclara-t-il brusquement.
— Oh, tu aimes faire durer le plaisir. D’accord, j’y vais.
Comme pour l’inspirer davantage, elle plaqua son corps contre lui et referma ses doigts fins sur sa nuque pour lui mordiller l’oreille. Pendant un bref instant, Desmond fut tenté d'ignorer cette odeur de “pluie sèche”, mais il songea à son Maître et réalisa qu’il était de son devoir de voir de quoi il retournait, dans le cas où il s’agirait effectivement d’un saut temporel. Il fallait mettre un terme à tout ceci.
Tandis que la jeune femme empruntait l’escalier menant à la mezzanine, Desmond se plaça près de la fenêtre. Alors, il l’aperçut : une apparition immaculée sous la pâle lumière de la lune. Elle avait la tête levée et l’observait fixement. Elle portait une robe qui n’était pas sans rappeler la mode de la Renaissance. Un fantôme. Pourtant, les fantômes n’existent pas. Il s’agissait d’autre chose. Une ruse pour troubler l’esprit. Desmond ne se laissa pas troubler.
Il se téléporta juste devant elle, dans la rue. Le vent s’intensifia. L’odeur de pluie sèche devenait persistante. Il ne prononça pas un mot. Il n’allait pas s’abaisser à parler à un “fantôme”. En revanche, il en profita pour la détailler. Elle était immobile, bien que sa robe et ses cheveux clairs remuaient mollement dans l’air, comme si elle se trouvait dans l’eau et non dans l’atmosphère.
Brusquement, elle se détourna et commença à avancer. Desmond lui emboîta le pas. Il était curieux de voir jusqu’où elle allait l’emmener. Il se savait capable de se sortir de n’importe quelle situation, au besoin. Il constata qu’à chacun de ses arrêts, elle stoppait également et pivotait vers lui. Elle était directement reliée à sa personne. Ingénieux. S’agissait-il d’un sortilège ? Pouvait-il être victime de la magie ? Cela lui semblait aberrant. Il reprit la marche. La dame blanche le conduisit au cœur de la forêt. Bientôt, il fut entravé par des branches basses et les rafales de vent. Il les repoussa avec force et se retrouva brusquement dans une sorte de vaste clairière.
A une dizaine de mètres se dessinait la silhouette d’une grande maison coloniale, entourée par un élégant jardin entretenu. La demeure paraissait du même acabit.
Desmond ne fut pas surpris de constater que l’apparition avait disparu. Elle l’avait mené où elle le souhaitait. Il entendait des bruits de soirée mondaine et de musique depuis la maison, bien que tout soit calme aux alentours. Tout l’enjoignait à s’approcher de la demeure, mais il n’avait pas envie de rendre la situation facile à l’esprit frappeur.
Il fit bientôt face à une autre apparition, bien en chair celle-ci. Brune, formes avantageuses, expression à la fois égarée et décisive sur le visage. Il huma l’air autour d’elle sans cesser de la fixer.
— Tu as l’odeur d’Hadès, dit-il enfin.
Ce n’était pas la note la plus ténue du bouquet qui la composait. Au contraire, il s’agissait d’une fragrance secondaire. Cela signifiait simplement qu’elle était fréquemment en contact avec lui.
— Alexis Child.
Son Maître parlait d’elle, quelquefois. Desmond pencha la tête en direction de son ventre et inspira brièvement. Il sentait deux auras. La mère et l’enfant. Cette femme était pleine. Indifférent à cette information, il cligna des yeux et plongea de nouveau son regard dans le sien afin de se présenter :
— Je suis Desmond Blake, le gardien des Enfers.
Puisqu’elle connaissait Hadès, elle serait sûrement ravie d’obtenir cette donnée. Tout en l’observant toujours, il pencha légèrement la tête. Quelque chose l’intriguait. Une odeur familière et lointaine à la fois. Un parfum qu’il ne comprenait pas. Pourtant, les odeurs n’avaient aucun secret pour lui. L’aura de cette jeune femme était différente de toutes les autres. Il ne savait pas en quoi, mais il était bien décidé à le découvrir.
A cet instant, il perçut une autre présence, celle d’un homme vêtu d’un costume de majordome ou de domestique.
— Les retardataires que nous attendions !
Avec un grand sourire, il s'exclama :
— Bienvenue, je m'appelle Anthony Clarice. Je vais vous conduire à vos chambres avant que vous ne vous joigniez à la fête.
Bien sûr, compte là-dessus...
Une autre fluctuation dans l’air l’incita à baisser les yeux. Le costume qu'il portait était noir et comportait une cravate plus claire et un peu trop courte. Il sentait des bretelles dans son dos, mais surtout, il perçut l’odeur de la brillantine dans ses cheveux.
Il aperçut son reflet dans l’une des vitres du rez-de-chaussée et secoua lentement la tête. Le saut temporel prenait de plus en plus de libertés... :copyright:️ 2981 12289 0
Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »
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Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...
J’allais mieux. Beaucoup mieux. Depuis quelques jours, j’avais commencé à prendre l’habitude de cette nouvelle position que mon corps avait pris malgré moi : le bassin plus en avait, le point de gravité moins bien centré, me poussant à cambrer mon dos et découvrir les joies de nouvelles douleurs. Le souffle court, j’avais relevé la tête en repoussant mes cheveux en arrière, observant fièrement le calendrier que j’avais magnétisé sur le frigo. Nous étions le 3 Mai, j’en étais à 17 semaines de grossesse et malgré mes peurs habituelles, je pouvais me permettre de me congratulais un instant avec une bonne vieille méthode Couet. Jusqu’ici, tout allait bien. J’assurai. J’allais devenir une maman d’enfer. Tout avançait comme il se devait. Les tests d’urine, la toxo, tout avait été fait en Temps et en heure, les derniers papiers pour la maison avaient été signés avec Erwin et j’étais tranquillement en train de finir mes derniers cartons pour être fin prête pour le déménagement qui approchait à grand pas. Ouais... j’assurai. J'allais être une maman d’enfer.
Le seul problème qu’il me restait, je l’avais croisé en observant l’heure sur la porte du four : 23h13... Mouaip. J’étais enceinte, j’étais en train de faire mes cartons et il était 23h13. J’allais tellement mieux, je sentais tellement plus mon dos ni même mes problèmes d’afflux sanguins grâce aux différentes tisanes et autres trucs aux plantes qu’on m’avait donné que du coup... je dormais plus. En pleine forme même en début de nuit. On m’avait assuré que ça n’allait pas durer, que la fatigue reviendrait avec la douleur, le ventre toujours plus gros et mon bébé qui commencerait à prendre suffisamment de place pour que ses mouvements qui étaient apparemment déjà bien actifs me deviennent perceptibles au point de ne pas m’en faire dormir la nuit. Je voulais bien le croire mais en attendant... j’en étais là. Utilisant mon pistolet à scotch pour fermer un dernier carton avant de me promettre d’aller dormir, j’avais relevé la tête en entendant une puissante bourrasque de vent s’écraser contre les fenêtres de l’appartement. Le temps changeait, se chargeait sans doute d’une électricité nouvelle. C’était assez étrange pour un début de mois de Mai, nous étions loin des giboulés de Mars et le printemps semblait s’être installé. Perturbée par le bruit que j’avais entendu, je m’étais approchée des fenêtres pour mieux aviser des trombes d’eaux... qui pourtant ne tombaient pas. J’avais beau plisser les yeux, la route semblait sèche. Haussant les épaules, j’avais alors décidé d’éteindre la lumière pour aller me coucher. Ma chambre donnait sur le petit parc à l’arrière. Je m’étais approchée des fenêtres pour en fermer les volets quand je l’aperçue. Une femme, à l’allure fantomatique. A bien y regarder, elle avait pas juste l’allure, c’ETAIT un fantôme. Enfin j’en avais l’impression... de ses grands yeux qui ne semblaient pas cligner à sa robe d’une autre époque, tout me disait qu’elle n’était plus de première fraîcheur. Je remarquais alors qu’elle m’observait avec une certaine intensité et j’eus un petit ricanement de stress.
— Oh non non non ma grande, moi j’ai rendu le tablier, je fais plus de service. Va voir quelqu’un d’autre pour t’aider, je suis juste dispo pour devenir une maman ici.
Ayant plus l’impression de parler toute seule que de lui parler vu la distance qui nous séparé, j’avais fermé le volet, tentant de me rassurer à l’idée qu’elle chercherait sans doute à embêter quelqu’un d’autre. Pourtant, je ne pus m’empêcher de pousser un hurlement déchirant en faisant un bon en arrière quand je la découvrir en face de moi. J’avais senti Pétunia galoper aussi vite qu’elle avait pu jusqu’à la porte close de ma chambre et je l’entendais désormais grogner derrière celle-ci. Tentant de reprendre mes esprits, une main sur le cœur, je lui lançais alors :
— Tout va bien Pétu, c’est rien.
Elle émit un grognement moins fort, entrecoupé de silence, comme si elle hésitait puis au bout d’un moment, elle devint silencieuse et j’entendis ses pas s’éloigner légèrement. Observant le fantôme, je fronçais les sourcils :
— Ca va pas de faire peur aux gens comme ça ?! Je suis désolée mais je peux pas vous aider, je me mets dans plus rien de dangereux. Cette ville regorge d’aventureux alors tentez votre chance ailleurs.
Pour toute réponse, elle continua de me fixer sans rien dire. Soupirant, j’avais fait un pas en avant pour ouvrir mon lit en espérant qu’elle comprendrait mieux l’image mais elle se contenta de lever la main vers moi. Hésitant un instant de plus, j’avais fini par comprendre qu’elle ne me lâcherait pas et j’avais soupirer en précisant :
— Okay c’est bon, je prends un manteau et j’arrive...
Comme si elle m’avait comprise, elle avait traversé la porte de ma chambre tandis que je l’atteignais. J’avais alors récupéré mon manteau que j’avais mis sur mon pyjama licorne, enfilé une paire de baskets à la va-vite et l’avait rejoint dehors, non sans regarder autour de moi pour voir ce qui m’attendait. Pétunia m’avait regardé avec un air plein de curiosité mais n’avait pas plus bougé que cela. Je me disais que je pouvais toujours compter sur elle pour prévenir quelqu’un au cas où... elle l’avait fait avec Elliot après tout.
J’avais suivi le fantôme un bon moment, jusqu’à ce que je la voie disparaître dans l’orée du bois le plus proche. Soupirant j’avais fini par m’y engouffrer à mon tour, sentant le vent souffler toujours plus sur moi. Se frayer un chemin devenait de plus en plus ardu à mesure que le temps passait, je la voyais presque plus, comme si sa lumière blanche n’était plus qu’un vague point d’espoir au bout d’un long tunnel sans fin. Mon manteau se faisait agripper par le branchage, toujours de plus en plus violent et je m’étais débattu longuement, avec patience bien que pestant à chaque instant, préférant avancer que rebrousser chemin. Après tout, repartir en arrière me semblait aussi ardu qu’avancer alors au point où j’en étais, je pouvais au moins tenter de l’aider. Cette femme ne me faisait pas peur outre mesure. Contrairement à Eleanor, elle ne parlait pas, ce qui me donnait bien moins l’impression de parler à un démon qu’à une âme en peine qui avait besoin d’aide. Je tentais de me répéter cette logique à mesure que j’avançais jusqu’à enfin atteindre le bout du calvaire.
A ma grande surprise, je n’étais pas arrivé dans une clairière mais dans ce qui semblait être un immense jardin qui menait au loin à une grande maison victorienne où la vie semblait avoir sa place. Elle était tout illuminé et je pouvais percevoir les bribes presque fantomatiques d’une musique d’un autre Temps, plus proche du Rock’n’roll des années 50 que de notre époque. Le vent avait cessé de souffler, tout était parfaitement calme et à bien y regarder, même le fantôme avait disparu. Si aide elle demandait, la réponse au mystère se trouvait sans doute dans cette maison. J’avais entendu un petit craquement à côté de moi et j’avais tourné la tête instinctivement :
— Erwin ?
Ces derniers temps, à chaque fois qu’il y avait un problème, il était toujours là. Mais ce n’était pas Erwin. Il m’avait fallu quelques secondes pour être certaine que je ne connaissais pas cet homme. J'avais plissé les yeux et esquissé un pas dans sa direction, me stoppant rapidement en voyant qu’il me fixait intensément.
— Tu as l’odeur d’Hadès.
— Ah...
Je voyais pas quoi dire de plus pertinent. C’était qui ce type ? Il était capable de me sentir de là où il était... et de sentir Hadès ?! J’avais tourné la tête légèrement pour tenter de coincer certaines mèches de mes cheveux entre mon cou pour tenter d’y trouver l’odeur d’Hadès ou même mon odeur... mais je n’y trouvais rien d’inhabituel. De son côté, il m’avait présenté avant même que je puisse le faire et tout aussi perdu, j’avais hoché la tête lentement, attendant qu’il se présente à son tour. Sentant son regard se poser sur mon ventre, j’avais instinctivement refermé mon manteau sur mon pyjama licorne pour éviter qu’il ne l’observe trop. C’était un truc que j’avais découvert en tombant enceinte : notre ventre ne nous appartenait plus. Tout le monde se permettait de l’observer longuement, de faire ses remarques voire de le touchant sans que nous ayons notre mot à dire. Du côté du jeune homme, il n’avait rien dit mais son regard ne me disait rien qui vaille. Je me sentis pour autant un peu plus soulagée sans aucune raison... et très rapidement impressionnée. Gardien des Enfers... LE Gardien des Enfers ? Je savais que Cerbère était de nouveau en ville, il me semblait que Norbert me l’avait soufflé dans une discussion mais je n’avais pas encore eu l’occasion de discuter avec lui. Je comprenais mieux son odorat des plus perturbant... mais contrairement à Sasha, Norbert ou même Hadès, il n’avait pas l’air des plus commodes.
— Je vois ! Contente de te rencontrer, j’ai déjà un peu entendu parler de toi...
J’avais préféré rester un peu vague sur la façon dont j’avais entendu parler de lui. La grande majorité venait surtout de mes bouquins de mythologie et je savais désormais depuis longtemps que je ne pouvais pas vraiment me fier à ça.
— Les retardataires que nous attendions !
J’avais tourné la tête en direction de la voix dans un mouvement vif, ne m’attendant pas à cette présentation. Un homme à l’allure plutôt chic bien que légèrement effrayant s’était approché de nous avec un sourire chaleureux. Il semblait habillé comme un groom ou un domestique des années 50. Il parlait d’une fête, je me demandais s’il était question d’une fête costumée. J’avais voulu échanger un regard avec Desmond mais j’avais eu un léger sursaut en voyant que sa tenue avait changée de tout au tout. Il portait désormais une banane et une tenue digne de Grease. Un peu perplexe, j’avais baissé les yeux vers ma propre tenue qui avait également changé. J’arborai désormais une robe de soirée violette, plutôt chic et sobre. En entrant dans la maison dans le grand hall, j’avais pu tourner la tête en direction d’un miroir pour observer ma coiffure. Mes cheveux étaient désormais noués en un chignon banane savamment étudier et digne des années 50 également. Je me sentais légèrement déstabilisé sur mes talons, moi qui n’en mettais plus depuis quelques jours mais j’avais réussi à suivre Anthony Clarice jusqu’au grand escalier de bois qui menait à l’étage.
— Merci de cet accueil Anthony, nous sommes navrés d’arriver si tard.
— Oh, ne vous inquiétez pas pour cela, Miss. Monsieur est toujours ravi de vous voir, quelque soit votre heure d’arrivée. Il en est de même pour vous, Monsieur.
Il avait incliné poliment la tête en direction de Desmond avec un sourire entendu et j’avais échangé un regard avec Desmond qui se lassait plutôt faire à première vue... à moins qu’il se fichait complétement de ce qui se déroulait devant nous ? Je n’arrivais pas vraiment analyser ce qu’il en pensait. Anthony nous mena alors jusqu’à un long couloir qui semblait légèrement plus ancien que l’époque dans laquelle nous semblions être, ce qui laissait présager que cette maison était habitée depuis longtemps par la même famille... c’était des choses qui se voyaient dans les familles riches. Mes talons s’enfoncèrent dans les épais tapis et le majordome présenta sa chambre à Desmond en l’invitant à se rafraîchir avant de descendre avant de me montrer la mienne, un peu plus loin dans le couloir. Avec un sourire complice, il me précisa :
— Monsieur a souhaité que vous ayez la meilleure chambre, bien entendu...
— Merci...
— Il ne sera pas long, il a dit qu’il vous rejoindrait quand une petite vingtaine de minutes...
J’avais hoché vigoureusement la tête avant que le majordome ne referme la porte derrière moi. Tentant de me calme, j’avais soufflé, mon regard croisant le miroir de ma causeuse. La robe que je portais cachais assez bien mon petit ventre rebondi. Je me demandais pourquoi c’était ce qui avait été choisi. Me dirigeant vers la fenêtre j’avais observé les alentours avant d’ouvrir de nouveau la porte pour passer la tête au dehors. Le couloir était vide. Avec une certaine allure, j’avais rejoint la chambre de Desmond. Après deux coups frappés à la porte, j’avais fini par entrer dans la pièce sans attendre son invitation pour lui faire face :
— Apparemment nous sommes connus ici... Le type qui semble gérer la maison me connait... Je voulais savoir... T’es arrivé comment ici ? Toi aussi t’as vu une mariée à l’allure fantomatique ?
Elle m’avait amené ici, tout avait donc forcément un lien avec elle. Je ne savais pas ce qu’elle voulait me montrait et j’espérais que le jeune homme en sache un peu plus... histoire de comprendre et surtout... de partir au plus vite.
Desmond Blake
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Nothing's ever really dead if you look at it right.Desmond ne rencontrait aucun souci à porter la “banane”. Il avait déjà arboré cette même coiffure durant les années cinquante et trouvait qu’elle le mettait en valeur –comme à peu près tout. Il avait la chance de posséder une élégance naturelle alliée à un magnétisme dévastateur. Il tira sur sa veste de costume et emboîta le pas au dénommé Anthony Clarice. Il avait décidé de se méfier de tout et de tout le monde jusqu’à ce qu’il mette cette affaire au clair. Cela incluait également Alexis Child. Bien que sa tenue, coiffure et maquillage changèrent radicalement en l’espace de quelques secondes, il préférait demeurer distant et sceptique. Peut-être s’agissait-il d’un stratagème afin de lui faire croire qu’elle était son alliée dans cette histoire ? Qui plus est, elle entrait “dans le jeu” du majordome avec une facilité bien trop déconcertante.
Le chien des Enfers demeura silencieux durant la traversée de la maison victorienne, profitant que les deux autres soient occupés pour détailler l’intérieur. La demeure était ancienne et bien qu’elle soit entretenue, elle portait çà et là les marques du passage du temps. Desmond jeta des regards houleux aux portraits accrochés aux murs, témoins d’époques à jamais révolues.
Avec une docilité de surface, il se laissa conduire jusqu’à sa chambre. Anthony Clarice le salua poliment puis repartit en sens inverse avec Alexis. Desmond profita de ces quelques instants de répit pour affiner son ouïe : le tumulte d’une fête se faisait toujours entendre, au rez-de-chaussée. La musique évoquait clairement les années cinquante, à l’instar de ses vêtements. Ouvrant grand les narines, il analysa chaque recoin de la chambre. Vieux cigare, eau de Cologne, parfum capiteux, cuir, brillantine. D’autres odeurs se mêlaient à celles-ci de manière toute aussi diffuse. Enfin, Desmond s’intéressa à l'agencement de la pièce : la chambre était spacieuse, dotée d’un grand lit rehaussé d’une multitude de coussins rouges. Les rideaux en velours avaient la même couleur. Puisque c’était la seule que le chien des Enfers était en mesure de voir, il conclut qu'il ne s’agissait pas d’une coïncidence. La fourrure d’ours nonchalamment étalée en travers de la pièce était un message supplémentaire.
Desmond ouvrit la haute armoire en bois sculpté puis les tiroirs de la coiffeuse. Evidemment, aucun indice. Cela aurait été trop simple. L’idée d’interroger Anthony Clarice de manière musclée lui caressa l’esprit mais à cet instant, on frappa à la porte par deux fois. Le chien des Enfers chercha à savoir qui se trouvait de l’autre côté. Il perçut l’aura d’Alexis et elle entra avant qu’il n’en donne l’autorisation. Il fut partagé entre la contrariété et la satisfaction que cette mortelle prenne des initiatives.
— Apparemment nous sommes connus ici... Le type qui semble gérer la maison me connait... Je voulais savoir... T’es arrivé comment ici ? Toi aussi t’as vu une mariée à l’allure fantomatique ?
— Il semblerait...
Desmond resta volontairement flou. Il fixa la jeune femme sans ciller, cherchant à déceler une lueur de mensonge. Elle paraissait sincère mais il aurait souhaité établir un examen plus poussé.
— Nous sommes probablement au cœur d’un engrenage diabolique. La dernière fois, un clown avait causé le désagrément. Peut-être s’agit-il à nouveau d’une illusion ?
Il laissa échapper un soupir ennuyé. Tout ceci le rendait morose. Et dire que s’il n’avait pas suivi la dame blanche, il serait en ce moment-même en train de croquer un morceau en plaisante compagnie. Parfois, la vie était mal faite.
Soudain, la porte s’ouvrit à la volée et une flopée de jeunes gens envahit les lieux. Ils parlaient fort et avec animation. Desmond se crispa, irrité par cette brusque cacophonie. Chacun était vêtu à la mode des années cinquante. Un homme d’une vingtaine d’années s’approcha de lui et lui tapa l’épaule.
— Que fais-tu ? Tout le monde t’attend !
Puis, le regard du jeune homme tomba sur Alexis et il tourna de nouveau la tête vers Desmond, un sourire au coin des lèvres.
— Toujours en train de conter fleurette. Sacré Des’ !
Le chien des Enfers resta stoïque. Il avait baissé les yeux sur la main que l’individu avait osé poser sur lui, réfléchissant à la meilleure manière de lui faire comprendre de ne plus recommencer. La lui arracher ? La dévorer devant lui ? C’était à méditer.
— Deeesmond, tu m’as promis la première danse ! Tu te souviens ? Intervint une jeune fille avec un serre-tête dans les cheveux.
— Il danse le Boogie-woogie comme personne, souligna une autre.
Plusieurs filles gloussèrent.
— Mesdemoiselles, ce soir mon cousin est tout à vous, précisa le jeune homme qui se tenait décidément trop près. Mais demain, j’aurai besoin de lui.
Il adressa un clin d’œil à Desmond qui demeura de marbre.
— J’ai tellement hâte de ce mariage ! s'écria une fille en joignant les mains. Ça va être merveilleux !
— Moi aussi, je suis très impatient, mentit Desmond d’un ton morose.
Il cherchait seulement à entrer dans leur jeu afin de mieux le retourner contre eux. Il coula un regard perçant en direction d’Alexis. Les personnes présentes accueillirent ses propos avec ravissement. Pourtant, le chien des Enfers décela une étrange lueur au fond de leurs yeux. Certains esquissèrent des sourires dérangeants, au point de mettre mal à l’aise. Desmond se sentit au contraire piqué par la curiosité, voire stimulé. Le mariage allait-il tourner au cauchemar ? Subitement, cette “sauterie” lui apparut sous un meilleur jour. Peut-être qu’en fin de compte, il allait réellement s’amuser.
A cet instant, comme sous la direction d’un scénario extrêmement bien orchestré, une ravissante jeune fille entra à son tour.
— Edmée, mon aimée ! s'écria le “cousin” de Desmond avant de se précipiter vers elle.
Elle eut un sourire et le rose lui monta aux joues en voyant tous les visages se tourner dans sa direction. Le futur marié lui prit les mains et la mena jusqu’aux autres. Les hommes semblaient sous le charme et les filles s'empressèrent de papoter avec elle comme si elles cherchaient à tous prix son attention. La demoiselle demeura sage et silencieuse.
Desmond les observait tous avec attention, puis s’attarda de nouveau sur la jolie fiancée.
Trop ravissante. Trop perdue. Trop fragile.
— Tu es bien silencieux, cousin ! remarqua soudain le futur marié.
Le chien des Enfers pencha légèrement la tête sur le côté, les narines dilatées. Il respirait le parfum de la jeune fille située à trois mètres de lui. Il séparait les autres odeurs afin de ne sentir que la sienne. Il la jugea très agréable, à la fois naïve et sucrée. ()
— Je vais danser avec ta fiancée, décida-t-il.
Et joignant le geste à la parole, il s’anima brusquement pour stopper devant la jeune fille perplexe et rougissante. Comme il s’y attendait, l’affable cousin en fut ravi.
— Et même deux si tu veux ! Je sais qu’avec toi, elle est entre de bonnes mains.
Desmond eut l’ombre d’un sourire torve. Il ne croyait pas si bien dire.
— Mademoiselle Edmée, dit-il en inclinant la tête vers elle, gentleman.
Il lui offrit son bras et quitta la chambre en tête de file. Quitte à être piégé dans une mauvaise plaisanterie, autant convoiter le meilleur morceau. Il avait bien l’intention de se mettre la jeune fiancée sous la dent.
Tout en traversant le couloir, il jeta un coup d’œil à Alexis par-dessus son épaule. Qu’elle l’accompagne ou pas lui importait peu. Après tout, il la suspectait toujours de faire partie de cette farce.
Il n’était pas une créature d’Hadès. J’en étais venue cette conclusion au bout de quelques minutes seulement. C’était évident. Tout ce qui se rapprochait d’Hadès était bavard, joyeux et... un peu con. Il n’avait pas l’air stupide, il n’avait pas l’air heureux et le moins qu’on puisse dire c’est qu’il n’était pas bavard. Je mesurai ma chance de ne pas avoir été bloquée dans cette aventure avec Norbert mais il n’en restait pas moins que je ne savais pas encore quoi penser de mon coéquipier. Y’avait mieux comme rencontre qu’une énigme bizarre donnée par une fantôme cheloue. Mais il fallait faire avec et comme il ne semblait pas prêt à prendre les choses en mains, j’avais répondu pour nous, tentant de grapiller quelques informations comme je le pouvais, habituée depuis peu à ce qu’on me prenne pour une autre. Mon arrière-arrière-grand-mère à je savais même pas quel degré, mon moi du futur et maintenant ça...
A peine on m’avait laissé seule dans la chambre que je m’étais mise à compter le nombre de secondes nécessaires à Anthony pour retraverser le couloir avant de foncer vers la chambre de Desmond. Il fallait déjà que je comprenne si c’était la même chose qui nous réunissait ou pas... Et j’avais eu la confirmation une fois de plus qu’il n’était sans aucun doute pas une créature d’Hadès. Il était resté vague, me toisant comme s’il cherchait quelque chose au fond de mes yeux sans que je ne comprenne quoi ou que je prenne le temps de comprendre quoi. Cette histoire ne me disait rien de bon et je préférai encore qu’on discute de si on s’aimait ou pas autour d’une bonne tisane, au chaud et à l’abris que dans un manoir glauque après y avoir été emmené par une mariée fantomatique... pourquoi je l’avais suivie déjà ? J'avais réfléchi à sa proposition en fronçant les sourcils :
— C’est pas faux... T’avais vécu ce truc toi aussi avec le Clown ? T’étais où ?
J’avais soudain eu une certaine curiosité, l’envie de savoir si ça avait été moins catastrophique que nous mais je m’étais brusquement reprise en secouant la tête de gauche à droite.
— Peu importe, on discutera de ça plus tard, c’est pas important dans l’immédiat. Si c’est encore ce foutu Clown, cette fois-ci je l’explose pour de b...
Mais je n’avais pas eu le temps de terminer ma phrase qu’une nuée de personnes avaient brusquement envahit la chambre. Un peu surprise et sur la défensive, je m’étais tournée vers eux avant de reculer lentement pour me terrer dans un coin de la pièce tandis qu’ils s’approchaient tous de Desmond avec un air sur le visage qui laissait croire qu’ils le connaissaient depuis toujours. C’était sûr, c’était un tour du Clown... pourquoi j’y avais pas pensé avant ?! Peut-être parce que je n’avais pas vu de ballon ? Je m’étais mise à les chercher des yeux quand soudain la voix d’un jeune homme me sorti de ma rêverie :
— Toujours en train de conter fleurette. Sacré Des’ !
J’avais ouvert grand les yeux en secouant légèrement la tête de gauche à droite comme pour dissiper le malentendu mais pour tout réponse, le jeune homme me lança un clin d’oeil. Il avait le regard tendre, comme protecteur, comme s’il cherchait me faire comprendre qu’il ne faisait que me charier. J’avais alors dégluti avec un faible sourire, ne sachant que faire de plus. De leur côté, les filles m’avaient souri avec la même sympathie avant de se jeter sur Desmond. Apparemment, elles aimaient les hommes qui avaient du chien et il fallait bien que j’avoue que Cerbère avait nombre de conquêtes prête à lui tomber dans les bras. J’avais alors vu apparaître un éclair d’orgueil sur son visage morose que je ne connaissais que trop bien. Je n’avais pas pu m’empêcher de lever les yeux au ciel, amusée de la situation tandis que celle-ci était en train de dégénérer complet et de m’échapper. Le jeune homme terne qui m’avait accompagné jusqu’alors semblait brusquement y trouver un certain amusement, prêt à danser avec “Edmée” et à suivre les autres jusqu’au bout de la nuit. Avait-il été envoûté ou jouait-il simplement la comédie ? Je n’avais pas pu le savoir. J'avais tenté de lui faire quelques gestes discrets pour lui faire comprendre que je devais retourner dans ma chambre mais il ne semblait rien en avoir à faire. Tous étaient sortis et le “cousin” avait été le dernier, je m’en étais rendu compte en entendant son petit rire posé. Il s’était tourné vers moi et avant que je n’eusse pu dire quoi que ce soit, il m’avait précisé :
— Ne le fais pas attendre, je suis sûr qu’il est aussi stressé que toi. Mais tu es très en beauté, rassure-toi, tout va bien se passer.
— D’accord... merci.
J’avais voulu remettre une mèche de cheveux derrière mes oreilles dans ma gêne mais je m’étais brusquement souvenu qu’ils étaient noués en un chignon banane. Mon geste devenant imprécis, j’avais laissé tomber ma main mollement en le regardant sortir de la pièce et je m’étais dirigée à mon tour vers ma chambre, le cœur battant, la gorge nouée. Je craignais de ce que j’allais y trouver, j’aurai largement préféré avoir Desmond avec moi... et si je me retrouvais face au Clown ?! Rien que d’y penser j’entendais presque sa voix étrange dans ma tête. Pourtant, quand je tournais la poignée de la porte avec une appréhension palpable. Pourtant à ma grande surprise, ce n’était le Clown qui m’attendait :
— Alexandra !
Euh... non ? J'étais entrée dans la pièce, refermant la porte à contrecœur. L’homme qui s’était précipité sur moi ne devait pas être beaucoup plus âgé. Il était grand, avait le temps pâle, des cheveux noirs de jais et des yeux verts intense. Il était beau, je devais bien l’avouer mais il n’en était pas moins inquiétant pour autant. Il m’avait appelé “Alexandra”, pas “Alexis” qui devait sans doute être moins fréquent à cette période, mais pas “Enora” non plus, ce que le Clown ne se privait jamais de faire... Ce n’était donc pas le Clown ? Pouvait-on l’écarter une bonne fois pour toute ? En attendant, le jeune homme avait pris mes mains dans les siennes pour les embrassés et j’avais fait tous les efforts du monde pour retenir mon envie de les lui retirer. Mon regard s’était perdu sur une bague qui était apparue à mon annulaire gauche. Elle était ancienne dans sa forme mais semblait neuve pourtant. Elle était en or, habillement forgée en son centre pour faire quelques fioritures ce qui expliquait la largeur et un énorme diamant trônait au milieu. Elle n’était pas du tout à mon goût mais elle était clairement d’époque.
— Je commençais à m’inquiéter...
— Tu pensais que je m’étais perdue ?
Je lui avais lancé un petit sourire amusé auquel il avait répondu avec un rire.
— Je me demandais si ma ravissante future épouse ne m’avait surtout pas fait faux bond...
Il me regardait avec des yeux tellement amoureux que j’avais papillonné du regard, cherchant à le fuir un instant pour éviter de lui montrer la gêne qui en découlait. Ce type m’aimait, profondément ou il en donnait l’impression en tout cas et moi, je ne savais même pas son nom. Déglutissant, je m'étais écartée de lui pour m’avancer dans la chambre, me permettant une seconde de répits loin de ses yeux.
— Ne t’en fais pas... Je suis arrivée avec Desmond, Anthony m’a montré ma chambre mais... je voulais voir si tout allait bien pour lui.
— Sacré Desmond, mon petit frère fera toujours des siennes !
Il avait ri de nouveaux et je l’avais suivi avec ce que je pouvais d’actor studio. SU-PER donc j’étais la mariée et lui le petit frère... Je comprenais brusquement mieux la blague du “cousin”.
— C’est surtout que j’étais un peu impressionnée...
A travers le miroir de la grande causeuse posée dans un coin de la pièce, j’avais brusquement vu son visage se décomposer, inquiet. D’une simple enjambée, il m’avait rejointe, posant avec douceur ses mains sur mes épaules avant de m’attirer vers la petite banquette au pied du lit :
— Oui, évidemment, je manque à tous mes devoirs, je suis sincèrement désolé. Mais ne t’en fais pas, je suis certain que tout ira bien. Je te l’ai dit, ma famille est très ouverte, tout ce qu’ils désirent, c’est mon bonheur. Peu importe si ma fiancée vient du même monde que moi ou pas. Je suis tombé amoureux de toi à la seconde où j’ai croisé tes yeux.
Il posa sa main sur ma joue pour m’obliger à tourner la tête, délicatement et l’observer de nouveau. Il avait souri tendrement et j’avais tenté de faire de même sans vraiment y parvenir. Faire semblant d’aimer n’était jamais simple... J’avais pourtant souvent du jouer le rôle pour quelques-unes de mes missions, la dernière avait d’ailleurs terminé définitivement le jeu et quelque chose avait fini par pousser dans mon ventre lorsque la vérité avait rattrapé le mensonge. C’était sans doute à cause de ce bébé que tout était plus compliqué... même si ma robe me mettait suffisamment en valeur pour cacher mes premières rondeurs, je me demandais déjà comment le futur mari ferait pour ne pas le voir. Mes yeux toujours dans les siens, il poursuivit sa pensée :
— Et il en sera de même pour ma famille.
Il m’avait souri d’un air rassurant et j’avais hoché la tête d’un air entendu, singeant un soulagement. Il se releva et me tendit son bras :
— Nous descendons, ma douce ? Tu es prête ?
— Je suis prête.
De toute façon, je voyais pas quoi faire d’autre dans cette situation. Je m’étais levée à mon tour pour prendre son bras et nous étions descendu en direction du hall et du salon. Le moins qu’on pouvait dire, c’est que la fête battait son plein. Il y avait des airs de musique entraînante qui raisonnait dans toute la maison qui semblait immense. Tout le rez-de-chaussée était noir de monde. “James”, puisque j’avais fini par avoir son prénom m’avait présenté au maximum de personne comme ses parents qui m’avait accueilli avec une bienveillance incroyable, me souhaitant la bienvenue dans la famille. Sa mère m’avait longuement parlé, comme si elle essayait de me rassurer et nouer un contact. J’avais ensuite eu le droit aux cousins, cousines, aux amis, bref toute une myriade de gens desquels je ne retenais rien, tentant juste de comprendre à quoi rimait tout cela et à guetter le danger qui devrait forcément être là. A un moment, j’avais vu Desmond du coin de l’oeil se dandiner plutôt sur la piste de danse, apparemment assez à l’aise sur des musiques du King, en compagnie de différentes jeunes femmes. J’oubliais parfois que les créatures avaient traversé les époques et que ce moment devait être juste un retour en arrière dans sa vie. Ce n’était pas mon cas en revanche et quelle ne fut pas ma surprise en entendant les premières notes de trompette d’un slow entraînant et que je vis que mon futur mari me tendait la main avec un sourire tendre.
— La chanson sur laquelle nous nous sommes rencontrés... me ferais-tu l’honneur ?
— B... Bien sûr mais tu sais que je ne sais pas très bien danser.
— Arrête, tu es parfaite à mes yeux.
Il m’entraîna au centre de la piste, posant délicatement une de ses mains dans le bas de mon dos, la seconde dans la mienne tandis que nous commencions à tournoyer lentement au son de la musique. Si j’avais toujours aimé It’s been a long long time, je devais bien avouer que la voix grésillante de Bing Cosby et la résonnance particulière de la pièce ajoutait quelque chose de fantomatique et d’inquiétant au lieu. J'avais presque l’impression d’être dans la Tour de la Terreur à Disneyworld et tout me semblait terriblement angoissant. Les gens avaient formé un cercle autour de nous et nous observait avec une certaine bienveillance. J’avais fini par apercevoir Desmond dans la foule mais j’avais évité de le regarder, toujours concentré sur la danse et sur les pas que je faisais. A la fin de la dernière note, je reçu un baisemain sous les applaudissements enthousiastes de l’assemblée et je m’étais senti brusquement rougir violemment. C’était un cauchemar, un enfer sur terre, un truc que je devais terminer au plus vite. Mais le supplice n’était pas à sa fin. Je sentis la main de mon futur époux se refermé sur ma taille tandis qu’il nous dirigeait vers Desmond malgré moi, lançant d’une voix tonitruante :
— Desmond ! J’espère que tu passes une bonne soirée, petit frère ! Et que tu n’as pas trop dérangée nos invitées féminines ?
Il tourna la tête en direction des jeunes femmes non loin de nous qui se mirent à glousser avec une excitation perceptible.
— Je ne te présente pas Alexandra, n’est-ce pas ? Elle m’a dit que vous étiez venu ensemble...
Je sentis alors sa main raffermir sa prise sur ma hanche, me déclenchant un sursaut que je n’avais pas pu m’empêcher d’avoir, plaquant avec forme ma main sur la sienne pour le stopper. Sentant que j’étais peut-être allée trop loin, j’avais caressé sa main mais il ne faisait pas attention à moi, fixant son “frère” intensément, un sourire figé sur les lèvres. Comme pour détendre l’atmosphère, le “cousin” avait décidé d’intervenir.
— Ne t’en fais pas James, je veillais de toute façon ! Il s’est bien plus intéressée à Edmée qu’à Alexandra.
Il avait échangé un regard entendu que je n’avais pas vraiment compris et James s’était brusquement adouci.
— Tu ne changeras jamais Des’... J’espère en tout cas que tu offriras à Alexandra sa seconde danse demain, comme le veut notre tradition. Bien... il me semble que c’est l’heure de la photographie, n’est-ce pas ?
Il s’était tourné vers le reste de l’assistance qui avait acquiescée pour une grande partie. C’était une cérémonie étrange. Cette famille semblait avoir beaucoup de tradition. Comme si cela avait été convenu, les amis s’étaient mis derrière l’appareil photo pour observer la scène et donner des conseils de position tandis que la famille s’était placée devant l’objectif. Un divan avait été posé et on m’avait demandé de m’asseoir dessus, à côté de James, la famille nous entourant. Après un petit décompte, nous nous mimes à sourire machinalement et la photographie fut prise.
Desmond Blake
« I am the perfect devil. Tell me how bad I am. It makes me feel so good. »
| Avatar : Rami Malek *o*
Let's talk of graves, of worms, and epitaphs. “Because I'm evil, my middle name is misery.
Well, I'm evil, so don't you
mess around with me.”
| Conte : Intrigue divine sauce titanesque avec soupçon de mal de crâne | Dans le monde des contes, je suis : : Cerbère, le fidèle et redoutable chien à trois têtes
Nothing's ever really dead if you look at it right.Au final, même si Desmond demeurait vigilant, il trouva la soirée divertissante. La musique était d’excellente qualité et bon nombre de jeunes femmes était à son goût. Edmée restait la plus “fraîche” du lot. Il avait définitivement jeté son dévolu sur elle. Tandis qu’ils avaient dansé ensemble sur Don’t Be Cruel, il avait élaboré la suite des réjouissances dans son esprit aiguisé. Inviter la jeune fille à prendre l’air après l’avoir fait tourner serait chose aisée. Il lui suffisait de la conduire sur un balcon et de lui administrer la morsure fatale dans la nuque. Trancher la jugulaire et elle deviendrait de la gelée entre ses doigts... Il en salivait par avance. Peut-être crierait-elle au début, mais ses cris seraient couverts par le tumulte de la fête.
Il fut assez contrarié que d’autres jeunes femmes réclament des danses. Même s’il était flatté par tant de considération, son entrain était gâté par le fait qu’elles sentaient nettement moins bon qu’Edmée. Il décida de se détendre et de profiter. Après tout, il pouvait très bien la dévorer plus tard dans la soirée. Rien ne pressait.
Un slow résonna dans toute la salle et Alexis dansa en compagnie d’un homme que Desmond ne connaissait pas. Eh bien... cette demoiselle savait s’entourer. Preuve supplémentaire qu’elle faisait partie de cette supercherie. A la grande surprise du chien des Enfers, les invités cessèrent de danser pour se rassembler autour du couple et l’observer. A la fin du slow, ils applaudirent. Desmond plissa des yeux, intrigué. Il remarqua qu’Alexis rougissait, troublée par tant d’attention. Les gens autour d’eux les fixaient d’un œil attendri et perçant à la fois. Cerbère étouffa un grognement maussade ; il détestait quand quelque chose lui échappait. Une fois encore, il inspira profondément, cherchant des indices à travers les odeurs diverses de la salle de réception. Mais rien hormis l’étrange parfum enivrant d’Alexis Child. Parfum sur lequel il était incapable de mettre le moindre mot.
L’homme brun aux yeux verts s’avança vers Desmond, entraînant la jeune femme avec lui et lança d’un ton jovial :
— Desmond ! J’espère que tu passes une bonne soirée, petit frère ! Et que tu n’as pas trop dérangée nos invitées féminines ?
Petit frère ? Cerbère se contenta de hausser un sourcil. Il se sentit presque insulté d’être affilié à ce jeune gougnafier. Cela lui déplut profondément et se traduisit par un spasme au niveau de sa mâchoire.
Indifférent à cette réaction proche du dégoût, le “grand frère” tourna la tête en direction des jeunes femmes non loin de Desmond qui gloussèrent. Le chien des Enfers songea que ce bruit devenait agaçant, à la longue. Il aurait aimé toutes les faire taire d’un coup de griffe.
— Je ne te présente pas Alexandra, n’est-ce pas ? Elle m’a dit que vous étiez venu ensemble...
Cette fois-ci, Desmond posa un regard entendu sur “Alexandra”. Ainsi, elle faisait bel et bien partie du décor. Il avait eu raison de se méfier. Cela étant, elle semblait si peu à l’aise, presque anxieuse par le contact rapproché du “grand frère”, qu’il hésita de nouveau sur son véritable rôle. Elle jouait sur deux tableaux. C’était la botte secrète des grandes actrices des ratées. Tout dépendrait de la qualité du retournement de situation. Il se désintéressa d’elle. Pour l’instant, la qualité de sa prestation le laissait sur sa faim. Il chercha des yeux Edmée. Son estomac commençait à grogner. Déçu de ne pas trouver la jeune fille, il reporta son attention sur le “grand frère” et constata qu’il le fixait toujours avec la même expression intense, un sourire figé sur les lèvres. Desmond fronça les sourcils. Était-il en plastique ?
— Ne t’en fais pas James, je veillais de toute façon ! Il s’est bien plus intéressé à Edmée qu’à Alexandra, intervint le “cousin”, débonnaire.
Les deux hommes échangèrent un regard entendu et le “grand frère” parut se détendre. Certaines filles, dans le dos de Desmond, étouffèrent des soupirs de désespoir. O_o
— Tu ne changeras jamais Des’... J’espère en tout cas que tu offriras à Alexandra sa seconde danse demain, comme le veut notre tradition.
De quelle seconde danse parlait-il ? Desmond réfléchit quelques instants, et comprit finalement qu’il s’agissait d’un mariage. Combien y en avait-il en tout ? A moins qu’il ait mal interprété les signes donnés par ces jeunes gens ? Alexis “Alexandra” était donc promise au dénommé James.
Elle semble aussi ravie qu’une vierge destinée à être sacrifiée le lendemain sur l’autel de la gloire... songea-t-il, mi-curieux, mi-blasé.
Puis, il fut question d’une photographie de groupe. Desmond se prêta à l’exercice avec une rigidité morose. Il resta debout derrière le canapé sur lequel étaient assis les fiancés. Juste avant que le photographe ne prenne le cliché, il adressa un sourire quelque peu sournois à l’objectif, la bouche fermée. Une façon comme une autre de rire de cette situation. En fin de compte, il s’amusait plutôt bien parmi tous ces gens aux intentions douteuses. Qui plus est, l’épisode de la photographie lui permit de retrouver Edmée. Elle se trouvait à l’extrémité gauche du champ, entourée par deux de ses amies.
Hélas, c’était sans compter la présence d’une vieille dame qui, très émue et éméchée, prit Desmond à parti pour regarder l’album photo de la famille.
— Je m’en fous, lança-t-il, négligent, tout en se détournant de la vieille ruine.
Le visage ridé prit une expression choquée.
— Surveille ton langage ! On ne t’a pas élevé comme ça ! fit-elle d’un ton sévère.
Il leva les yeux au ciel. Ce genre de contretemps l’agaçait. Dans son dos, il entendit de nouveau glousser. La vieille jeta un coup d’œil de côté pour voir derrière lui et lui lança ensuite un regard encore plus désapprobateur.
— Toujours en train de faire le joli cœur. Il faudra bien que tu maries un jour, mon petit !
Un rire franchement amusé s’échappa de sa gorge. On ne l’avait plus appelé “mon petit” depuis des milliers d’années. La sournoise petite vieille avait profité de la conversation pour dégainer l’album photo. Elle tapota le canapé à côté d’elle. Desmond s’y installa. Après tout, Edmée n’allait pas s’envoler. Les invités commençaient à se disperser vu que la soirée touchait à son terme, mais il vérifiait régulièrement du coin de l’œil que la jeune fille se trouvait toujours dans les parages. Pour le moment, elle discutait avec ses amies –et croisait de temps en temps le regard ardent de Cerbère.
— Cet album est très spécial, déclara la vieille ruine avec un sous-entendu qui échappa à Desmond. Il est très cher à mon cœur.
— Hum, hum...
Il remarqua qu’elle lui lançait un regard appuyé, comme s’il était de connivence avec elle.
— Très spécial... c’est-à-dire ? Demanda-t-il.
— Voyons, tu le sais bien ! Le houspilla-t-elle.
Il jugea qu’il n’appréciait guère cette vieille bique. Elle ne lui évoquait même pas l’envie de la manger. Elle était si usée et racornie qu’elle aurait sûrement un goût amer, trop sec sous la dent. Patiemment, il l’écouta s’émerveiller sur les différentes photos. Il devina qu’elles étaient toutes en noir et blanc (bien que pour lui cela ne changeât rien) car les tenues et les coiffures représentaient des époques différentes, toutes antérieures aux années cinquante. Il vit même des gravures. A chaque fois, la famille entière posait dans le vaste salon, rassemblée autour du canapé sur lequel étaient assis les futurs mariés. Drôle de tradition... Desmond plissa les yeux en croyant reconnaître certains visages. Des gens qu’il avait croisés à Storybrooke. La tête toujours penchée, il croisa le regard d’Alexis, assise de l’autre côté du canapé. Son expression lui signifia qu’elle avait eu la même impression que lui. L’énigme prenait de l’ampleur. Il observa les dates présentes sur les photos, feuilleta l’album -à la grande satisfaction de la vieille dame. 1550, 1880, 1900, 1920, 1930... Cela sous-entendait-il que d’autres habitants de Storybrooke avaient été emporté à travers le Temps pour célébrer un mariage maudit ? C’était plutôt grisant, mais également inquiétant. Il tenta d’établir une logique entre toutes ces dates sans en trouver aucune. Finalement, il rendit l’album un peu brusquement à la vieille bique et se leva d’un bond.
— Mais... nous n’avons pas fini de...
— Il suffit, coupa Desmond. Je vais m’encanailler.
Dans son dos, il entendit la vieille caqueter auprès d’Alexis que son arrière-petit-fils était “une vraie calamité” et “heureusement que James était là pour maintenir la famille dans la droiture”. Un sourire cynique glissa sur les lèvres de Cerbère. Il appréciait assez ce rôle de dandy, en fin de compte. Il tira sur les pans de sa veste de costume.
Tranquillement, il se dirigea jusqu’à Edmée alors qu'elle s’apprêtait à partir. Le timing était parfait.
— Où allez-vous comme ça ? demanda-t-il en se composant son meilleur profil.
— Il faut que je rentre. La fête est terminée.
Ses yeux innocents semblaient poser une question. Desmond lui adressa un regard enjôleur.
— Puis-je vous raccompagner ?
Ses cils papillonnèrent. Elle avait l’air tellement idiote et... succulente. Elle acquiesça avec une candeur qui donna encore plus les crocs à Cerbère. Ensemble, ils se dirigèrent vers la sortie de la maison. Une fois au-dehors, plutôt que de suivre les invités séparés en petits groupes qui rejoignaient leurs voitures, Desmond saisit la demoiselle par la main et l’entraîna à l’ombre des arbres.
— Que faites-vous ? S'enquit-elle.
Il décela de l’anxiété dans sa voix, mais également de la curiosité. Il renforça sa prise autour de sa main, de sorte à ne pas lui faire mal ni l’effrayer davantage, mais lui faire comprendre qu’il souhaitait la voir à part. Une fois avalés par l’obscurité du parc, Desmond lâcha enfin la main d’Edmée.
— Voyons, monsieur ! C’est très inconvenant ! S'épouvanta la demoiselle.
Elle regardait de tous côtés comme si elle craignait qu’on les surprenne. Malgré la pénombre, Desmond voyait que ses palpitations cardiaques conféraient une élégante roseur à ses joues.
— Il me fallait absolument vous voir seule à seul.
— Pour quelle raison ? Demanda-t-elle avec la grâce faussement farouche des jeunes filles bien élevées.
— Laissez-moi vous embrasser, dit-il d’un ton suave.
Il ne lui donna pas le temps de répondre qu’il fondit sur elle. Sa voix était aussi caressante que ses gestes. Etourdie, la demoiselle laissa le cabochard déposer plusieurs baisers dans sa nuque. Il inspira son odeur à pleins poumons, ses lèvres effleurèrent sa jugulaire palpitante.
C’est ici, lui susurra son instinct. Maintenant.
Il mordit à pleines dents. La jeune fille voulut crier mais il avait déjà plaqué une main contre sa bouche. Ils étaient loin de tout. La musique résonnait encore à l’intérieur. Personne n’entendrait... De toutes façons, il n’avait pas l’intention de la garder consciente bien longtemps. Ce serait trop risqué.
Cependant, il se produisit quelque chose qu’il n’avait pas prévu : ses dents ne déchirèrent pas la gorge de l’innocente. Tout au plus, elles laissèrent l’empreinte rougie de sa mâchoire. La petite peste le mordit à la main, si bien qu’il fut contraint de la lâcher. Elle plaqua ses doigts contre sa nuque, horrifiée et scandalisée.
— Comment osez-vous ? S'écria-t-elle. Ne... ne vous approchez plus !
Et elle s’en fut en courant. Plus choqué par sa propre incapacité que par le tempérament étonnamment fougueux de la donzelle, Desmond passa la langue sur sa dentition. Les crocs n’étaient pas apparus, en dépit de toute sa volonté. Il baissa les yeux sur ses doigts, espérant discerner un début de griffes aiguisées comme des rasoirs mais là encore, rien.
Il était devenu un chien de salon. Reniées les griffes, reniés les crocs !
Tout compte fait, cette histoire ne lui plaisait plus du tout. Tourmenté, il retourna à l’intérieur. Il constata qu’il était incapable de se téléporter ou de se transformer en chien à trois têtes. Quelque chose bloquait ses capacités. Il détestait cela. Il ne revit plus Edmée, qui devait le considérer comme un fou assoiffé de chair. La fête étant terminée -et n’ayant de toutes façons plus le cœur à la fête- il se rendit dans sa chambre. En chemin, il croisa James, qui lui offrit un sourire de façade.
— Que t’arrive-t-il encore, mon cher frère ? Je connais cette moue maussade.
— Il se peut que j’aie légèrement chahuté Edmée.
Il avouait sa “faute” plus par souci de découvrir la réaction de son “grand frère” que par obligation. Ce dernier passa un bras autour de ses épaules.
— Tu ne changeras jamais.
Il lui tapota le bras et s’éloigna en lui souhaitant bonne nuit. Déçu, Desmond ferma la porte de sa chambre et alla s’étendre en travers du grand lit. Il allait mettre la nuit à profit pour réfléchir au moyen de quitter cet endroit déplaisant.
Au bout d’un moment indéfini, il se redressa sur un coude en constatant que la dame blanche était de retour. Elle flottait dans sa robe immaculée, le regard vide, au beau milieu de la chambre. Il remarqua qu’elle ne ressemblait pas à celle qui l’avait conduite jusqu’à cette maison. Qui plus est, sa robe de mariée avait un style très années cinquante. Peu à peu, elle flotta jusqu’à la porte et la traversa. C’était là une invitation à la suivre.
— Et c’est reparti... murmura Desmond, blasé.
Il lui emboîta le pas. Le “fantôme” le conduisit jusqu’à un endroit reculé du manoir, devant deux portes closes. Après un instant, elle leva la main vers lui et montra une petite clé en or. Avec la nette impression de mettre le nez dans un piège, Desmond utilisa la clé et découvrit coup sur coup un bureau ainsi qu’une bibliothèque. Il accorda une attention plus particulière à une armoire en verre remplie d’objets anciens, dont des boîtes en acajou vernies. La dame blanche désigna une des boîtes en particulier. Par esprit de contradiction, Desmond tenta d’ouvrir les autres, sans succès. Alors, irrité, il s’attaqua à la première. A l’intérieur se trouvaient plusieurs bagues de fiançailles, chacune assortie à une mèche de cheveu. Une date était brodée en lettres d’or en dessous de chacune des bagues. Le dernier emplacement, daté à 1957, était vide. Desmond devina qu’il était réservé pour le mariage du lendemain. Vraiment étrange. Il s’agissait sûrement d’un rituel.
Alors qu’il redoublait d’attention envers les autres boîtes, James fit irruption dans la pièce. La dame blanche avait évidemment disparu.
— Desmond, qu’est-ce que tu fabriques ? Ce n’est pas prudent d’être là ce soir, ça porte malheur !
Sans une explication de plus, il lui reprit la clé des mains et lui recommanda d’aller se coucher.
— Tout doit être prêt pour demain, tu le sais bien.
Il lui adressa un clin d’œil.
— Bien entendu, articula Desmond lentement. Bonne nuit, mon frère.
— Bonne nuit !
James lui tapota l’épaule (encore une fois) et s’assura qu’il empruntait bel et bien le couloir de sa chambre, avant d’entrer dans la sienne. Desmond songea que les murs avaient des oreilles et des yeux, et sombra dans un sommeil de plomb auquel il était inaccoutumé.
Je m’étais brusquement retournée vers la porte en l’entendant se refermer derrière moi. C’était sans doute à cause de mon teint livide que Clarisse s’était proposé de me raccompagner jusqu’à ma chambre. Tirant mes cheveux en arrière j’avais nerveusement fait quelques aller-retours dans la chambre avant de me laisser tomber lourdement sur la banquette aux pieds du lit, observant mon reflet dans le miroir de la causeuse. Je pouvais voir que mes joues avaient rosies sur le coup de l’émotion, j’hyperventilais à cause du choc que je venais de vivre et la grossesse n’arrangeait rien. Inspirant et expirant profondément pour me calmer, je contemplais mon regard terrorisé dans le miroir. Toute cette situation était plus qu’étrange. Je ne comprenais toujours pas ce qu’on foutait là et ce qu’on attendait de nous mais une chose était devenue nettement plus clair ce soir-là : nous n’étions pas les seuls. J’avais très clairement reconnu Amaltea et son air mystique sur la gravure d’un tableau dans les années 1500 puis Deborah et Meredith fin 1800. Il m’avait fallu un certain temps pour trouver Deborah mais Meredith m’avait sauté tout de suite aux yeux, à la même place que la mienne, celle de mariée. Tout comme Honey que j’avais croisé quelques pages plus loin. J’avais alors échangé un regard furtif avec Desmond, ce qui m’avait rassuré le temps d’une seconde : je n’étais pas folle, lui aussi les voyait et comprenais l’enjeu... ou alors on était fous à deux.
Lorsque la soirée s’était achevée, j’avais voulu m’approcher de lui pour lui en faire part mais mon futur époux m’avait attiré à lui, précisant alors que c’était la dernière nuit que nous passions une nuit loin l’un de l’autre et j’avais dû retenir un haut-le-cœur qui m’avait pris brusquement. Peu importait ce qu’on avait à faire ici, j’espérais juste que tout ceci se termine avant la nuit de noce, je n’avais aucune envie de jouer la comédie... et que se passerait-il lorsqu’il verrait que son mariage avait été bien consommé avant lui ? C’était sans doute à cet instant que j’avais perdu le reste de couleurs qui me restait, je l’avais lointainement entendu appeler Anthony et celui-ci m’avait offert un verre d’eau avec du sucre avant que mon mari me propose de me reposer. Après un dernier baiser sur ma main, j’avais fini par suivre le majordome à contre-cœur, manquant une occasion de discuter avec Desmond. J’avais tenté de croiser son regard mais ce dernier semblait bien plus occupé à draguer (ou à “s’encanailler avec” selon ses dires) une jeune femme plutôt qu’à me regarder. Il se croyait à Disneyland ou bien ?! Une pointe de colère m’avait brusquement envahi mais j’avais préféré la maîtriser et c’est comme ça que j’en étais là à présent. Seule. A paniquer.
J’avais soupiré en me relevant, me dirigeant vers la fenêtre de ma chambre, qui donnait sur le parc à l’entrée. Je voyais alors la jeune femme de tout à l’heure s’enfuir en courant tandis que Desmond restait sur sa position. Il semblait abasourdi et passait sa main sur sa bouche. Fronçant les sourcils, je ne me lassais pas d’observer le spectacle, un peu perplexe. Il embrassait si mal que ça ?! Je ne savais pas depuis quand il avait une apparence humaine, peut-être était-ce très récent ? Avait-il tenté de l’embrasser comme un chien, en lui léchant le visage ? Cette pensée m’arracha un petit rire de gorge qui eût au moins le mérite de me détendre quelques instants. L’homme disparu alors de mon champ de vision pour entrer à l’intérieur du manoir et je me mis à croiser les doigts en comptant les secondes, imaginant un peu son allure, la route qu’il devait prendre pour rejoindre sa chambre. Pensant que c’était sans doute le bon moment pour le rejoindre, j’avais ouvert ma porte et passé la tête dans le couloir. Il était désert. Me hissant hors de la pièce, je m’étais mise à marcher rapidement en direction des appartements de Desmond quand soudain...
— Cousine !
J’avais sursauté sur violemment que j’en avais fait un demi-tour sur moi-même, la main sur le cœur. C’était le “cousin”.
— Mon dieu, ce que tu m’as fait peur...
— Tu ne devrais pas te reposer ? On m’a dit que tu n’étais pas très bien.
— Si si, j’allais juste voir...
— James ? Ou... Desmond ?
Son regard avait brillé d’une étrange lueur, un sourire en coin. La bouche légèrement entrouverte, j’avais cligné des yeux un instant, me sentant désarçonnée.
— Euh... Tu t’appelles comment déjà ?
— Hubert...
— Ah oui, pardon, Hubert. En réalité, je voulais juste descendre me reprendre un verre d’eau...
— Oh mais il n’y a pas besoin de descendre pour cela, je vais demander à Anthony de t’en apporter un, viens avec moi.
Sans me laisser le temps de faire quoi que ce soit, le “cousin Hub” qui portait décidément bien son nom m’avait raccompagné jusqu’à ma chambre. J’avais fini par avoir mon verre d’eau et il m’avait regardé d’un air intense :
— Il vaudrait mieux que je ne reste pas loin au cas où tu aurais encore besoin de quelque chose...
— Non mais ça va aller, je vais me coucher et...
— Sage décision, si tu as besoin de quoi que ce soit, je serai dans le couloir. Bonne nuit.
— Bonne nuit... Connard.
Je l’avais marmonné après qu’il eut refermé la porte avant de poser mon verre d’eau sur la table de chevet. J'avais fini par récupérer la chemise de nuit qui m’était destiné, toujours en colère et anxieuse et je m’étais allongée dans le grand lit à baldaquin, attendant le sommeil, très peu sereine...
Je ne savais pas trop comment je m’étais endormie ni même depuis combien de temps mais le souffle frais incessant sur ma joue avait fini par me sortir de mon sommeil. Grimaçant, j’avais ouvert les yeux pour tenter d’appréhender la pièce à l’aide de la lumière de la lune au dehors. Clignant plusieurs fois des yeux, je m’étais alors redressée pour étouffer un cri en apercevant une silhouette fantomatique en face de moi, me regardant, assise à la causeuse. Portant mes mains à ma bouche pour éviter de crier plus fort, je l’avais observé un un instant, le cœur battant. Elle avait l’air inoffensive, calme. Elle ne ressemblait pas à celle qui m’avait amené ici. Elle portait un chignon bas élégant, très années 50. Elle semblait avoir été brune, un jour dans sa vie. Elle portait une robe de mariée qui ressemblait plus à l’époque dans laquelle j’étais actuellement, plus courte que les robes de mariées traditionnelle et légèrement bouffante au niveau du ventre.
— Qui es-tu ?
Je l’avais chuchoté dans sa direction. Pour toute réponse, elle se contenta de tourner la tête en direction de la grande armoire en bois massif comme pour m’indiquer d’y jeter un œil. Me levant d’un bond, j’avais ouvert la porte pour y découvrir “ma” robe de mariée... la même que la sienne... bouffante au niveau du ventre. Instinctivement, j’avais posé ma main sur le petit rebondi qui avait pris possession de moi depuis quelques semaines. C’était parfait pour cacher ma grossesse. Ma grossesse... Faisait volte-face j’avais de nouveau observé la jeune femme. Pour toute réponse, comme si elle m’avait compris d’un regard, elle avait posé sa main sur son ventre et s’était mis à le caresser. Je n’avais pas été envoyée là pour rien... elle était enceinte le jour de son mariage... et... personne ne le savait ? Cette nouvelle avait été tellement vertigineuse que j’avais dû prendre appui sur l’une des barres de bois du baldaquin pour me soutenir. Et j’avais du carrément m’asseoir quand j’avais vu apparaître de la buée sur le miroir et qu’elle semblait y avoir écrit :
Tu ne méritais pas cela.
Autant dire que le reste de la nuit n’avait pas été une partie de plaisir. J’avais eu du mal à retrouver le sommeil, terrorisée à l’idée de ce qui pouvait m’attendre, sans aucune idée de comment le contrer. Plus que pour moi, je craignais pour mon enfant. Si un seul osait s’approcher de mon ventre, je me promettais de déchaîner toutes les foudres des enfers s’il le fallait. Et à force de me battre avec mes peurs, j’avais fini par m’endormir de nouveau... pour un combat d’un autre genre. Tout était si confus et en même temps si clair. Plus que de faire un rêve, j’avais l’impression de voir des images, des clés de ce qui devait se passer. Je m’étais vu à travers mes yeux m’avancer vers l’autel, les alliances, ma main dans cette de James, la vieille à l’album photo courir sur moi, un rire guttural au fond de la gorge et le cousin Hub... Je m’étais entendu courir, j’avais entendu mon souffle, une montée d’escalier, une porte qui se ferme, les yeux vers de James, un bruit de pelle plongé dans la terre, une odeur de terre battu, des aboiements de chiens, des lampes torches et la nuit... le son d’une horloge. La silhouette du Manoir, brusquement en feu, s’illuminant de rouge et d’orange dans la nuit et une voix, à peine plus haute qu’un murmure, s’étirant dans la nuit.
— Enrayez le cycle ! Après le mariage...
— Bonjour Alexandra...
— Alexandraaaaaa...
Ils avaient tous débarqué dans ma chambre, avec une énergie débordante, déchirant les derniers instants de mon rêve, faisant disparaître à jamais la voix de la mariée. Je n’avais pas vraiment eu le temps de m’en remettre, je me rendais compte que mon corps battait très vite, que j’étais essoufflée et transpirée. Frottant mes yeux, j’avais tenté de les ouvrir pour analyser mon espace. Clarisse tenait un plateau en argent dans les mains qu’il déposa à mon chevet avec tellement de nourriture que j’en eu instantanément la nausée.
— C’est plus un petit déjeuner, c’est un buffet...
Je l’avais marmonné, grincheuse et les filles qui l’avaient suivi et qui piaillaient déjà de bon matin avaient eu un éclat de rire.
— C’est le grand jour, il faut prendre des forces pour ton mariage !
— Oooh j’en connais une qui a mal dormi, tu es toute transpirée... le stress de la jeune mariée...
Elle avait échangé un regard avec les autres et elles s’étaient de nouveau mises à rire d’un son strident qui me crispa instantanément.
— On va devoir débarbouiller tout ça sinon ton maquillage ne tiendra jamais et tes cheveux... enfin bref, dépêche-toi de manger et hop, tu passes sous la douche avant la préparation !
Et plus vite que je ne l’aurai voulu, je m’étais retrouvée nourrie, douchée, maquillée, coiffée et habillée comme un porc qu’on destinait à l’abattoir. Si j’avais eu l’occasion de mettre ma robe seule, il avait fallu que je veille à ce qu’elle ne s’approche pas trop de mon ventre avec leurs retouches et j’avais supporté pendant des heures leurs commérages incessant. La seule chose qui avait attiré mon attention avait été le moment où elles s’étaient mises à parler du “mignon petit frère” et que la jeune femme qui fricotait avec lui la veille avait répondu avec froideur qu’il fallait l’éviter car c’était un malade. Un peu surprise, nous avions toute échangé un regard sans oser trop demander mais j’avais remarqué qu’elle portait un carré de soie qui couvrait parfaitement sa gorge.
— Enfin, toi tu pourras pas trop l’éviter vu qu’il va t’amener jusqu’à l’autel...
— Ah... oui... Un conseil du coup ?
— Reste loin de sa bouche...
Oui c’était plus ou moins prévu... j’avais eu un rire un peu nerveux mais je n’avais pas pu en savoir plus. Elle m’avait collé mon bouquet dans les mains un peu brusquement avant que les filles sortent de la pièce, sans doute pour aller rejoindre les autres invités.
— Restez-là mademoiselle, monsieur Desmond viendra vous chercher quand ce sera le moment.
Oui, enfin j’espérais que “Monsieur Desmond” se donnerait surtout la peine de débarquer AVANT qu’il m’amène jusque là-bas, j’avais un besoin fou de débriefer. La mariée, le rêve... si j’étais maintenant sûre que je devais aller au bout de ce mariage, il fallait que je voie si mon partenaire était raccord avec moi. La mariée fantomatique lui avait-elle aussi rendu visite ? De mon côté, tout me semblait plus clair : elle avait besoin de nous pour arrêter ce massacre, la venger peut-être... et pour cela, il fallait aller au bout du mariage et faire flamber cette maudite demeure...
J’avais sursauté en entendant la porte de ma chambre s’ouvrir. Desmond venait y entrer, d’un air morne.
— Ah ben c’est pas trop tôt, j’ai vraiment cru que j’allais pourrir ici...
Je lui étais passé devant pour aller fermer la porte derrière lui et nous laisser quelques secondes d’intimité.
— Classe le costard... j’ai voulu venir te voir hier soir mais l’autre casse pied de cousin Hub’ m’a pas laissé faire...
J'ignorai s’il saisirait la référence. Il était amateur de cinéma ou pas ? Je savais pas grand-chose de lui en définitive avec toutes ces aventures mais il y avait une chose que je voulais absolument savoir :
— T’as foutu quoi l’autre soir ?! Je t’ai vu avec Edmée et aujourd’hui elle raconte à qui veut l’entendre que t’es un grand malade et elle m’a conseillé de rester loin de ta bouche quand tu m’amèneras à l’autel...
J’avais grimacé à l’image qui se faisait dans ma tête : sa bouche sur la mienne tandis qu’il m’amenait en avançant en crabe jusqu’à l’autel de la Muerte où m’attendait mon mari chelou... bon ok, l’image était plus comique qu’écœurante mais il fallait bien que je me détende.
— C’est eux les fous... je crois... je crois qu’ils ont tué celle dont j’ai pris le rôle. Elle est venue me voir hier soir et elle m’a dit qu’ils allaient me faire la même chose... faut que tu m’aides ! Si j’ai tout compris pour sortir d’ici faut qu’on crame la barraque... j’ai ce qu’il faut pour ça...
J’avais détaché l’une de mes mains du bouquet avec un sourire pour lui montrer... rien d’autre que ma paume en fait. Ma paume, mes doigts... pas l’ombre d’une étincelle...
— Aaaaah... ben ou pas... Dis-moi que tu sais faire du feu... ou que t’as des allumettes.
Je l’observais inquiète, sentant les secondes qui nous séparaient du grand départ s’amenuir à vitesse grand V.
Desmond Blake
« I am the perfect devil. Tell me how bad I am. It makes me feel so good. »
| Avatar : Rami Malek *o*
Let's talk of graves, of worms, and epitaphs. “Because I'm evil, my middle name is misery.
Well, I'm evil, so don't you
mess around with me.”
| Conte : Intrigue divine sauce titanesque avec soupçon de mal de crâne | Dans le monde des contes, je suis : : Cerbère, le fidèle et redoutable chien à trois têtes
Nothing's ever really dead if you look at it right.La nuit avait été agitée, et pas de la manière dont Desmond l’avait escompté. Il avait été surpris de s’éveiller d’un sommeil déroutant. N’ayant jamais fait de cauchemar, il était incapable de mettre un mot sur ce qu’il avait vécu en dormant. Le simple fait de dormir avait suffi à perturber le chien des Enfers. Il s'était éveillé en sursauts, en sueur dans les draps froissés, tétanisé. Toutes les images qu’il avait vues, les sons qu’il avait entendus ne l’auraient pas angoissé en temps ordinaire. Il était né du chaos. Il s’y sentait bien. Et pourtant... Il se souvenait du manoir dévoré par les flammes, de l’angoisse qu’il l’avait envahi, émotion collante et désagréable. La seule chose un tant soit peu rassurante et présente dans ses songes avaient été les aboiements de chiens, mais il n’avait pas réussi à entrer en contact avec eux.
Malgré la douche et le costume parfumé de frais qu’il avait enfilé, il n’avait réussi à se débarrasser du fond d’anxiété qui le tenaillait. L’absence de ses capacités offensives y était sûrement pour beaucoup. Il se serait senti beaucoup plus à l’abri s’il avait pu trancher une tête d’un coup de griffes ou arraché la gorge d’un coup de dents.
Désœuvré, il avait déambulé sans but dans la demeure, à la recherche d’un quelconque moyen de mettre un terme à toute cette histoire. Au moment où il s’était presque rendu jusqu’à la porte où, la veille, il avait trouvé la boîte garnie de bagues et de mèches de cheveux, son “frère” avait surgi au bout du couloir avec un large sourire aux lèvres.
— Desmond, enfin ! Tu es là ! Alexandra t’attend, voyons !
Il haussa un sourcil dubitatif. Vraiment ? Fallait-il encore jouer une scène insipide face à tous ces rupins ? Le grand frère sortit un peigne et se coiffa énergiquement la mèche. Desmond remarqua qu’il avait copié son style. Ah, ces mortels. Incapables d’être originaux par eux-mêmes...
— Rappelle-moi où se trouve sa chambre. Ce manoir est immense, je m’y perds.
En réalité, il aurait pu trouver la jeune femme à l’odeur, mais il se doutait que cette manière de procéder risquait d’attirer des soupçons. Même si cela lui coûtait beaucoup, il se devait d'agir comme un humain ordinaire afin de s’en sortir, puisqu’il ne pouvait avoir recours à ses pouvoirs.
Le grand frère le conduisit jusqu’à un couloir et s’arrêta devant une porte fermée.
— Je n’ai pas le droit de la voir pour l’instant. Je t’envie tellement, si tu savais ! fit-il en agrippant ses épaules, exalté.
Desmond se crispa et se contenta de l’observer d’un œil oblique. Enfin, le type le lâcha et s’éloigna à grands pas. Le chien des Enfers secoua la tête puis entra dans la chambre, un air morne sur le visage. Il découvrit Alexis dans une robe immaculée, un bouquet de fleurs dans les mains. Elle était pomponnée et parfumée, mais cela n’atténuait en rien l’étrange odeur qui la caractérisait. Elle s’empressa de combler l’espace entre eux pour fermer la porte derrière lui. Elle semblait fébrile.
— Tu es très... appétissante.
Il l’observa avec une attention décuplée, les narines largement ouvertes. La robe la mettait en valeur. A moins que ça ne soit cette odeur enivrante, sur laquelle il ne parvenait pas à mettre de mots et qui le troublait ? Personne ne sentait comme elle. Qu’avait-elle de si différent ? Elle était plutôt commune, pas particulièrement belle. Il ne comprenait pas ce qui la rendait fascinante.
La jeune femme l’observa, interloquée, et hésita un instant avant de dire, l’air incertain :
— Euh... merci ?
Puis elle continua de le regarder d’un œil méfiant et prudent à la fois, ce qui ne rendit Desmond que plus arrogant : il aimait être craint. Distraitement, il tira sur son nœud papillon, puis sortit un peigne noir de sa poche pour recoiffer sa banane. C’est fou comme les vieilles habitudes reviennent vite...
Alexis parlait beaucoup et l’ennuyait encore plus. Lorsqu’elle mentionna Edmée, il stoppa son peigne au-dessus de sa coiffure. Le rangeant posément, il déclara, désinvolte :
— Elle a voulu voir le loup mais elle n’était pas de taille.
Il n’allait certainement pas avouer à Alexis qu’il avait perdu certaines de ses capacités. Se montrer en position de faiblesse ne faisait pas partie des alternatives.
— J’ai voulu la mordre. Finalement, j’ai changé d’avis, mentit-il éhontément. Elle avait mauvais goût.
Figée, la jeune femme le fixa avec la même expression à l’opposé de la sérénité.
— Euh... ok, dit-elle finalement, visiblement à court de mots.
Puis, elle reprit son récit. De plus en plus intrigué, il baissa les yeux sur la main de la jeune femme, mais son effet fut celui d’un feu de paille : insignifiant. Avec un soupir las, il plongea la main dans sa poche de pantalon et en sortit un briquet en métal.
— Je l’ai trouvé à côté d’un paquet de clopes, dans ma chambre.
Alexis parut aussitôt soulagée.
— Top ! Garde-le précieusement surtout j'ai... pas de poches dans cette foutue robe.
Tout en parlant, elle observa sa tenue sous toutes les coutures comme si elle espérait qu’une poche se crée toute seule. Desmond prit une expression pincée. Son exubérance l’agaçait.
Au moins, il venait d’apprendre qu’ils avaient fait sensiblement le même rêve. Brûler le manoir... C’était une idée plaisante. Cependant, quelque chose contrariait Desmond.
— C’est trop évident. Pourquoi nous envoyer la solution en dormant ? Qui nous dit que la dame blanche cherche à nous aider ? Peut-être que déclencher l’incendie, c’est ce qu’ils attendent de nous.
Brusquement, une autre information lui revint en tête.
— Pourquoi dois-je te mener à l’autel ?
Il réfléchit. Cela signifiait sûrement que la mariée “Alexandra” n’avait plus de père. D’ailleurs, elle donnait l’impression de n’avoir aucune famille présente au mariage. Ce serait forcément plus facile de la neutraliser de cette manière. Aucun témoin gênant. Cela confirmait que tous les invités étaient de mèche. A moins que le sacrifice rituel se déroule en petit comité durant la nuit de noces ? Desmond était à la fois impatient de le découvrir et nerveux, car il ignorait quel serait son rôle. Il doutait de demeurer simple spectateur de l’histoire.
— Personne n’a remarqué que tu es pleine ? fit-il sans aucun à-propos.
Réalisant qu’Alexis ne comprenait pas ses paroles, il baissa les yeux vers son ventre, avant de revenir sur son visage. Au début, elle semblait happée dans ses pensées puis elle réalisa ce qu’il venait de dire et rétorqua, scandalisée, les mains sur son ventre :
— Alors déjà, je suis pas “pleine"” je suis enceinte, d'accord ?
Desmond se retint de lever les yeux au ciel. Cette nuance importait peu. Elle s’était faite engrosser, point barre. Il ne releva pas à quel point elle semblait outrée. Puis, elle soupira et reprit d’un ton plus mesuré :
— Je sais pas s'ils le savent ou pas... c'est très bizarre... j'ai... j'ai vu la fille qui était là avant moi, la vraie victime. Elle aussi elle était... enceinte.
Elle appuya bien sur le dernier mot tout en dévisageant Cerbère, puis précisa :
— Elle semblait tout faire pour le cacher... Personne n'a touché mon ventre et James ne m'en a pas parlé une seule fois.
Elle prit le temps de réfléchir encore un peu. Il semblait clair pour Cerbère que nul n'était au courant de sa grossesse. Il ignorait si c'était une bonne ou une mauvaise chose. Si ça se trouvait, c'était cette découverte qui allait déclencher le rituel, comme une "punition" dirigée envers la mariée qui avait menti.
— Je ne pense pas que la fantôme soit contre nous... elle nous a amené. Celle qui est morte ici semble avoir subi une injustice, sans doute parce qu'elle était enceinte... De ce que j'ai compris, elle n'a pas vraiment de famille, elle vient d'un milieu pauvre et elle va l'épouser lui, mônsieur beau gosse et pété de tunes. Peut-être que pendant le mariage il s'est rendu compte qu'elle était enceinte et il a pété un plomb à la Carmen et il l'a buté ? Elle a parlé d'un cycle...
Desmond la fixa avec davantage d’acuité. Alexis parut dubitative et secoua finalement la tête.
— J'en sais rien... j'ai plus envie de lui faire confiance à elle qu'au reste de la famille... on a qu'à tenter d'en savoir plus pendant le mariage... Si t'entends quelqu'un de la famille crier "brûle la baraque !" on la brûle pas et si au contraire ils te demandent de poser ton briquet gentiment, c'est ce qu'il faudra faire ? T'en pense quoi ?
Elle haussa un sourcil dans sa direction. Desmond esquissa un sourire amusé. Sa proposition, qui sonnait comme un jeu, avait le mérite d’être à la fois stupide et divertissant. En guise de réponse, il rangea le briquet dans sa poche.
— Cela promet de grands moments, admit-il.
Il passa le reste de la journée à demeurer vigilant. Dans un sens, comme dans l’autre. A plusieurs reprises, il échangea des regards éloquents avec Alexis, afin de deviner si elle avait trouvé le moindre indice susceptible de les aiguiller sur la chose à faire. Hélas, la cérémonie fut redoutablement orchestrée, rien ne fut laissé au hasard, et les protagonistes agirent comme de parfaits pantins obéissants. Tout le monde souriait, tout le monde feintait la joie, mais quelque chose n’était pas franc au fond de leurs yeux. Desmond aurait beaucoup apprécié d’en arracher quelques-uns hors de leurs orbites mais cela aurait fait désordre dans le décorum.
Il y eut l’échange des alliances, le sermon du prêtre, beaucoup de discours inutiles qui ennuyèrent énormément le Chien des Enfers. Malgré tout, il s’efforça de demeurer alerte. Il lui semblait logique que le rituel débute lors de la cérémonie, mais il n’en fut rien. Tout se déroula dans une platitude désarmante, dans le grand jardin de la propriété. En moins de deux heures -Cerbère avait consulté la montre à son poignet- Alexis se retrouva mariée à l’aîné de la famille.
S’ensuivirent les embrassades, les félicitations et tout ce beau monde se retrouva à célébrer l’heureuse union “comme il se doit”. Les mariés ouvrirent le bal par la danse habituelle lors de ce genre d’occasion. Desmond nota qu’Alexis paraissait plus crispée que jamais face à son époux rayonnant. Ses pas étaient mécaniques et la sueur perlait à son front.
Il ne manquerait plus qu’elle perde son petit au beau milieu de la fête, songea-t-il, plus las que préoccupé.
Il nota que les demoiselles se pressaient moins autour de lui. Sans doute qu’Edmée lui avait fait une mauvaise publicité. Il aurait dû lui tordre le coup derrière les buissons, quand il en avait eu l’occasion. Il l’aperçut près du buffet. Elle lui offrit un regard noir et rehaussa instinctivement le foulard qu’elle avait autour du cou. Puis elle leva le menton en l’air et posa la main sur le bras d’un monsieur, tout en narguant Cerbère de loin. Quelle idiote...
Il préféra promener le regard sur les autres convives. Sans qu’il puisse l’expliquer, il sentit que quelque chose se préparait. Certains semblaient plus agités, ils se renvoyaient des regards éloquents. Il plissa des yeux, très concentré sur les actions de chacun sans pour autant comprendre ce qu’ils avaient en tête.
— Desmond ! s'écria soudain le “grand frère”. Tu dois danser avec la mariée.
— Le faut-il vraiment ?
L’autre répondit par un grand éclat de rire et passa un bras autour de ses épaules. Il fallait vraiment qu’il cesse ce genre de familiarité. Ne pouvait-il pas retourner, lui, danser avec la mariée ? Cerbère jeta un coup d’œil à Alexis ; elle ne semblait plus très fraîche. Le stress la rendait aussi pâle que sa robe.
— Voyons, ne fais pas ton grincheux ! Tu me l’as promis.
Desmond observa le “frère” attentivement. Ce dernier lui adressa un regard complice, empli de sous-entendus. Il lui tapota l’épaule tout en le poussant subrepticement vers la piste de danse. Le chien des Enfers reprit vite du poil de la bête et se planta devant Alexis. Là, il tira sur les pans de sa veste de costume pour se donner un genre et murmura à la jeune femme :
— Il semblerait que je te doive une dernière danse...
Réticent, il lui tendit la main. Les premières mesures de “My Prayer” de The Platters envahirent le jardin. Desmond eut un rictus sinistre.
— Cette chanson a eu un autre titre, si je me rappelle bien : “Avant de mourir”. Décidément, ils ne laissent rien au hasard, dit-il à voix basse, de sorte à ce que seul Alexis puisse l’entendre.
Ils avaient surtout un sens de l'humour qui lui plaisait beaucoup.
Il sentit la main de la jeune femme devenir fébrile dans la sienne. Il resserra sa prise autour. La tête haute, il continua de danser, l’entraînant avec lui. Certains invités dansaient eux aussi, mais la majeure partie les observait. C’était dérangeant.
— Quelque chose est en train de se passer, lui glissa-t-il à l’oreille quand la chanson lui permit de se rapprocher. J’ignore quoi mais je pense que... c’est pour bientôt.
Le but n’était pas de tester les résistances d’Alexis face au stress, mais bien de la préparer au pire. Il cherchait surtout à savoir si le marié avait laissé sous-entendre quoi que ce soit qui pût leur être utile. Il n’avait pas oublié le briquet, sagement rangé dans sa poche de veste. Il attendait le bon moment pour s’en servir, si tant est que ce fût la solution adéquate.
Soudain, une personne en particulier attira son attention. La pâle silhouette fantomatique d’un jeune homme. Il se promenait entre les tables d’un air désœuvré. Puis, il croisa le regard de Desmond. Le chien des Enfers fut saisi par l’expression navrée au fond de ses yeux, en dépit de la distance qui les séparait.
— Tourne la tête, ordonna-t-il à Alexis.
Le temps qu’elle s’exécute, le “fantôme” avait disparu. Entretemps, Desmond avait cligné des yeux. Pourtant, il savait qu’il ne s’agissait pas d’un effet de son imagination. Il n’avait jamais cru aux revenants et dans cette histoire, il y en avait un peu trop. Les gens présents autour du “fantôme” ne semblèrent pas le remarquer non plus. Ce jeune homme s’était manifesté rien que pour Cerbère. Pour une fois, il ne se sentit pas flatté. Il raconta ce qu’il avait vu à Alexis, inventant quelques pas de danse audacieux afin de se rapprocher d’elle plus que de coutume –certains pas furent salués par les exclamations positives des invités- puis il conclut par :
— Ça prouve que nous touchons au but. Les revenants se manifestent aux moments-clés.
Il se demandait quel était ce mystérieux jeune homme. Un parent de la mariée ? Un amant éconduit ? Le véritable marié qui, lors du premier rituel, n’avait pas réussi à endiguer le processus ?
Tout en exécutant quelques pas inattendus de fox-trot, qui leur valu des applaudissements du public, il se perdit dans ses pensées. Il ne se rendit pas compte qu’il serrait beaucoup trop fort la main d’Alexis dans la sienne. :copyright:️ 2981 12289 0
Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »
| Avatar : Kaya Scodelario
Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...
A mesure que les heures passaient, une furieuse envie de vomir montait crescendo du creux de mon estomac. C’était un cauchemar... et il me semblait interminable. Y avait-il quelque chose de pire dans un mariage que de vivre le sien sans avoir ni l’impression d’y être à sa place, ni que cela était la meilleure des idées ? Je touchais presque du doigt toutes celles qui avaient été mariées de force. J’avais envie que tout cela cesse, une bonne fois pour toute, cramer cette barraque, prendre le bouledogue à l’air morose sous le bras et me barrer en courant. Mais aucun n’indice ne m’indiquait l’heure du barbecue et porter Desmond de cette façon en étant enceinte me semblait de toute façon impossible à faire... Pourquoi je pensais à ça au fait ? Comme si brusquement ça m’avait semblé un plan adéquat sur lequel il fallait que je réfléchisse un peu plus longtemps. J’étais juste en train de perdre la tête et je n’en avais pas le droit. Je devais garder la tête froide. Pourtant j’étais presque autant effrayé que le jour où j’avais compris que j’étais sur le Titanic le jour de son naufrage, sans aucune porte de sortie à l’horizon. La situation m’étouffait, me rendant claustrophobe. J’avais pourtant dirigé un faible sourire en direction de mon mari lorsqu’il s’était éloigné de moi après notre danse, non sans un baisemain. J’avais la désagréable impression que cette foutue alliance était en train de me ronger la peau comme l’acide et la suite n’abrégeait pas mes souffrances... danser avec Desmond... il avait l’air aussi ravi que moi.
— Cette chanson a eu un autre titre, si je me rappelle bien : “Avant de mourir”. Décidément, ils ne laissent rien au hasard.
— Cool, je penserai à eux si un jour je dois organiser mon vrai mariage...
C’était sorti tout seul, le ton acide, la peur au fond des yeux. J’étais tendue, on arrivait à la fin et je commençais sérieusement à douter de nos chances de survie. Pendant que je dansais avec James, je m’étais mise à compter les invités... et je continuais mon calcul dans les bras de Desmond et le résultat était sans appel : ils étaient beaucoup trop nombreux.
— Quelque chose est en train de se passer. J’ignore quoi mais je pense que... c’est pour bientôt.
J’avais dégluti. Déjà parce qu’il venait de me dire... ensuite parce que j’avais eu une sensation bizarre lorsque son corps s’était approché de moi. Je ne savais pas l’expliquer, je n’arrivais même pas vraiment à identifier si je sentais quelque chose ou si c’était juste mon stress qui me jouait des tours mais quelque chose avait presque remué au fond de moi. Pas le bébé... au fond de MOI. C’était pas désagréable. Mais c’était pas agréable non plus. C’était juste étrange et ça n’avait passé que le temps d’une seconde, fugace, si bien que je ne m’y étais pas concentrée, préférant penser à ma mort imminente. Il s’en foutait lui, il pouvait pas mourir... mais ne le pouvait-il vraiment pas ? Après tout, il n’avait plus ses pouvoirs... c’était con, un méga chien à trois têtes, ça m’aurait quand même été bien utile à première vue. Hop, hop, deux trois coups de crocs et on en parlait plus.
— Tourne la tête.
Il l’avait ordonné avec une telle force que ma tête s’était tournée instantanément pour voir... rien. Rien du tout. Un peu perplexe, j’avais reporté mon attention sur lui, fronçant les sourcils. Il avait vu quelque chose apparemment, un revenant que je n’avais pas vu. Il pensait que cela approchait et comme pour lui donner raison, la musique se finit alors lentement sur les dernières notes et j’entendis alors la vieille horloge du hall sonner au loin les neuf coups du soir. C’était presque comme dans Cendrillon, mais en version glauque. En un instant, l’air était devenu beaucoup plus lourd. Les invités bordaient tous la piste de danse et me regardaient intensément. Il régnait un silence de mort, plus aucune musique n’était jouée, plus rien ne semblait bouger, pas même le vent. Mais soudain, ma “belle-mère” se détacha alors du reste du cercle et sans un regard pour celui qui devait être son fils cadet et me prit les mains avec une grande douceur et une lueur étrange, espiègle, au fond des yeux.
— Ma Chère... que diriez-vous de faire un jeu ?
— Un... Jeu ?
— Un Jeu !
Non.
— Euh... d’accord ?
C’était comme si je venais de donner le signal d’un truc que je ne maîtrisais pas. Il y eu du mouvement, du bruissement d’étoffe et j’observais les alentours pour me rendre compte que chaque invité était en train de revenir une cape noire avec un capuchon de la même couleur, un loup sombre sur les yeux. Certains se munissaient de fourche, d’autres d’armes à feu ou d’armes blanches. Le sourire de ma belle-mère s’agrandit tandis qu’elle posait les yeux sur le marié qui s’avança à son tour, déjà vêtu de sa cape, sans loup cependant et tenant ce qui semblait être un fusil de chasse dans ses mains :
- Nous avons une vieille tradition dans la famille, qui remonte au temps de la Renaissance. Lorsque l'héritier est en âge de se marier, il choisit une brebis comme première épouse. Une femme douce, jolie, aimante, de famille pauvre et de préférence, sans famille. Il se marie, comme nous venons de le faire ce soir et une petite... sauterie est alors organisée. Un "Jeu", comme nous l'aimons l'appeler. Cela permet à la famille de vivre éternellement, de grandir et de s'épanouir, de se purifier aussi. Un rite très important donc... avant son véritable mariage. La brebis du sacrifice...
Ses yeux brillèrent alors d’une lueur si malsaine que je reculais malgré moi d’un pas, percutant sa mère qui avait à son tour revêtu sa cape. Où était passé le visage amoureux de James ? Déglutissant, je tentais tout de même d’argumenter.
— Sauf que là, vous tombez un peu sur un os, très cher. Je suis tout sauf une brebis...
… Et je suis “pleine”. J’avais presque eu envie de le sortir, espérant sans doute qu’ils réagissent à leur erreur et tente l’expérience avec quelqu’un d’autre. Mais donner mon bébé en pâture ne me semblait tout de même pas la meilleure des idées, bien qu’une envie au fond de moi me criait que cela pourrait les attendrir suffisamment pour qu’ils me foutent la paix. Pour toute réponse, mon époux éclata d’un petit rire, visiblement amusé, tout en se plaçant à côté de Desmond, les deux face à moi.
— Oooh ça je le sais, ma chère. Vous avez été une vilaine fille. Mais ça ne fait rien, je suis sûre que les dieux ne nous en tiendront pas rigueur, n’est-ce pas petit frère ?
Il tourna alors la tête vers le chien des enfers, un sourire entendu aux lèvres, patientant apparemment pour une réponse qu’il ne lui laissa pourtant pas donner.
— Tu sais... j’ai toujours su que tes bêtises finiraient par faire honte à Mère et Père... je n’imaginais juste pas à ce point. Mais ce n’est pas grave, tu n’as pas pu te retenir et grâce au ciel, je suis l’héritier à ta place.
— Tu as tort, je l’aime.
J’avais eu un sursaut en entendant les mots, tournant la tête vers Desmond, ébahie. Il nous faisait quoi là ?! Sauf qu’à voir son regard, je compris que ce n’était pas lui qui avait parlé. Tournant la tête en direction de la voix, je le vis enfin, celui dont mon coéquipier m’avait parlé : un jeune homme à l’allure tout aussi fantomatique que la mariée. Mon regard passa un instant de ses habits à ceux de Desmond et je remarquais qu’il n’y avait aucune différence dans leur tenue. Certes, il était toujours difficile d’en voir sur un smoking mais les deux étaient si similaire que...
— Et comme tu es mon petit frère, je vais tout de même te laisser une dernière chance.
Il lui tendit alors l’arme tous mes muscles se crispèrent instantanément. James tourna de nouveau la tête vers moi, les yeux fixés sur mon ventre :
— Aussi blanche qu’une brebis crottée... et tu n’as même pas eu la décence de m’avouer ce petit écart...
— Il disait que c’était le seul moyen pour nous de nous en sortir.
A l’autre bout de la pièce, face au jeune homme, la mariée venait d’apparaître, le regard triste. Avec douceur, elle posa sa main sur son ventre et j’en fis de même, comme l’effet d’un miroir. Tout devenait de plus en plus clair. Il n’y avait pas eu qu’un mort le soir-là. Le vrai “Desmond” était tombé amoureux de la brebis... et elle était tombée enceinte. Il avait dû lui dire de jouer le Jeu jusqu’au bout, qu’il saurait la libérer mais... ils s’étaient fait prendre à leur propre piège. J’ignorais si Desmond voyait ce que j’étais en train de voir où non, une chose était certaine, il avait empoigné le fusil d’un air décidé.
— Desmond...
J’avais peur brusquement, peur de ce qu’il allait faire, du choix qu’il allait faire. Malgré moi, j’avais reculé encore d’un pas, levant mes mains comme pour me protéger, lentement. Je ne le connaissais pas après tout, il avait l’air d’être un type plutôt sanglant et égoïste... et si... et s’il décidait de me tuer pour sauver sa peau ?
— C’est l’heure du choix petit frère, ta Famille ou... elle.
James tourna la tête vers moi, un air de dégoût sur le visage. Mon cœur battait si fort que j’avais l’impression de le sentir battre dans ma gorge, mes oreilles. Desmond mit le fusil en joue et...
Clic.
Il avait choisi de tirer sur son “frère”. Abasourdi, je l’observais, en proie à des tremblements si fort que je me demandais si je n’allais pas finir par m’effondrer ou éclater en sanglots. Pourtant je n’en fis rien, ni l’un, ni l’autre, observant les deux frères qui se faisait face. James avait un sourire triomphant sur le visage. L’arme n’avait juste pas été chargée...
— Vous voyez Mère ? Je vous avais dit qu’il était irrécupérable. Un bon à rien, hormis mener notre famille au déshonneur et à l’opprobre.
Se détournant de nous, je m’étais approchée brusquement de Desmond, sentant que j’avais désormais un allié à mes côtés... mais une victime aussi...
— Merci...
Ça aussi c’était sorti tout seul, parce qu’après tout, il n’avait aucune façon de me faire du mal mais il avait au moins choisi de ne pas le faire, contrairement à Edmée... qui d’ailleurs était un peu plus loin à rire comme une dinde sous son loup, apparemment impatiente de lui faire payer ses “bisous” de la veille.
— Pitié dis-moi que tu vas finir par me la bouffer celle-là...
Je l’avais marmonné entre mes dents, tandis que James chargeait le fusil en précisant :
— Tu connais déjà les règles petit frère, mais je vais tout de même les énoncer pour ta chérie. Désormais, tu es répudié de cette famille. Nous ne sommes pas des monstres très chère, vous êtes en infériorité numérique, nous avons donc un cadeau pour vous... Même si je dois avouer que vous avez eu plus de chances que les autres, vous au moins, vous mourrez à deux. Le jeu a commencé au neuvième coup de l'horloge cette nuit. Il se terminera au sixième coup de l'horloge demain matin. Cachez-vous. Si personne ne vous trouve, alors vous pourrez vivre. Mais si on vous trouve...
Il avait fait une grimace non équivoque et j’hochais la tête d’un air entendu :
— On est mort, compris.
Tous les invités se tournèrent alors comme un seul homme, nous tournant le dos. Ils s’étaient mis alors à compter d’une même voix, le ton gourmand de ceux impatient de s’amuser... sauf que je ne savais pas jusque combien ils compteraient... Ils avaient commencé par le “un”... de quoi nous laisser dans le flou le plus total. Sans aucune arme à proximité, j’avais enlevé brusquement mes talons pour les récupérer dans mes mains :
— Putain de merde... On se tire !
Je m’étais mise à courir en direction du reste du parc. Par où aller ? L'intérieur ? L’extérieur ? J’entendais au loin des chiens aboyer... cela me semblait si simple de sortir de la propriété que quelque chose me disait que c’était le pire des plans à tester. Il nous fallait une arme au cas où et pour le moment, je n’avais que mes talons et... il nous fallait la cachette du siècle. Complétement essoufflée par la course, je lui lâchais un peu paniquée :
— ça y est ? T’es décidé à cramer cette foutue barraque maintenant ?!
Au loin, une musique s'était mit à raisonner avec puissance dans les alentours. Hound Dog... il allait se sentir comme chez lui le petit Cerbère. Plutôt cool comme musique pour un cache-cache mortel... Enfin, j'aurai sans doute trouvé ça plus cool si c'était pas moi le gibier chassé.
Desmond Blake
« I am the perfect devil. Tell me how bad I am. It makes me feel so good. »
| Avatar : Rami Malek *o*
Let's talk of graves, of worms, and epitaphs. “Because I'm evil, my middle name is misery.
Well, I'm evil, so don't you
mess around with me.”
| Conte : Intrigue divine sauce titanesque avec soupçon de mal de crâne | Dans le monde des contes, je suis : : Cerbère, le fidèle et redoutable chien à trois têtes
Nothing's ever really dead if you look at it right.Depuis toujours, Desmond était répugné par l’usage des armes à feu. Ce n’était pas par égard envers les pauvres mortels. Il estimait simplement que cette technique était bien trop rapide pour tuer. Lorsqu’il ôtait la vie à quelqu’un, il aimait prendre son temps. Un coup de feu faisait des dégâts, un coup de feu bien placé tuait dans la seconde. Où était la poésie là-dedans ?
Hélas, la situation ne lui permettait pas d’autre alternative. Il avait donc appuyé sur la détente, tandis qu’un mauvais pressentiment le traversait. Il aurait dû s’y attendre : le fusil n'était pas chargé.
Les protagonistes venaient de révéler un rebondissement intéressant. Son alter ego, en des temps reculés, était tombé amoureux de la fiancée de son frère. Desmond avait l’impression de se trouver au cœur d’un soap horrifique. Désormais, il était clair qu’il allait “payer” son crime tout autant qu’Alexis.
James énonça les règles du “jeu” puis les invités firent le décompte. Comme il fallait s’y attendre, Alexis se mit à paniquer et courut à travers le parc, ses talons dans les mains. Desmond entendit les chiens aboyer au loin. Il hésita à se rendre jusqu'à eux mais réalisa, désenchanté, qu’il ne pourrait sûrement pas les tenir en respect, encore moins les dominer d’un seul regard, comme il savait si bien le faire d’ordinaire.
Bientôt, une musique agréable parvint jusqu’à ses oreilles. Le King en pareil moment... Si ce n’était pas un signe du destin. Galvanisé par cette chanson qui le symbolisait totalement, Cerbère pivota vers Alexis qui venait de lui faire remarquer qu’il serait temps de “faire cramer cette foutue baraque”. Il partageait entièrement son avis, et le lui fit comprendre d’un bref regard perçant.
Puis il se remit à courir. Il ne perdait pas de temps à parler en même temps, contrairement à elle. Dépourvu de ses capacités divines, il se rendait compte qu’il s’épuisait plus vite s’il utilisait ses cordes vocales pendant sa course.
Il cherchait quelque chose de précis qu’il ne mit pas longtemps à trouver : toute demeure possédant un parc dispose d’une cabane à outils ou d’une remise.
— Nous aurons tout ce qu’il nous faut là-dedans, dit-il, le souffle saccadé.
Il accéléra l’allure et une fois devant la porte fermée, stoppa net, le temps de reprendre sa respiration. Il en avait assez de dépendre d’un corps aussi peu endurant. Les humains sont tellement fragiles... Tout d’abord, il tourna la poignée en partie rouillée, sans succès. Il s’attendait à ce que ça ne soit pas si facile.
Il donna un coup de pied dedans. La porte oscilla mais resta sur ses gonds. Contrarié, il la heurta de côté, donnant un coup d’épaule. Il s’éloigna en se massant le bras, tout en lançant un regard hargneux au panneau de bois qui lui résistait. Heureusement que nul n’était là pour voir ce désastre. Il n’y avait qu’Alexis mais elle n’avait aucune importance. Si jamais, de retour à Storybrooke, elle ouvrait son bec, il aurait vite fait de lui faire fermer à jamais.
Poussant un cri de rage, il prit son élan et donna un nouveau coup d’épaule. Cette fois-ci, la porte s’ouvrit dans un bruit craquant et sortit en partie de ses gonds. Il s’empressa d’entrer dans la remise envahie par la pénombre. L’obscurité du parc lui permettait de déceler les objets dans le noir. Il aperçut les reliefs de bidons d’essence. Un mince sourire apparut sur ses lèvres.
— Prends en un, ordonna-t-il à Alexis.
Il se moquait qu’elle porte un petit. Si elle voulait survivre, il fallait qu’elle participe. Il se saisit d’un autre bidon. Un seul suffirait sûrement à provoquer l’incendie mais il préférait en avoir deux à portée au cas où. Dans une situation critique, il faut toujours prendre des précautions. Ensuite, il prit le temps de choisir une arme parmi les outils de jardinage. Il demeura sourd aux paroles d’Alexis qui ressemblaient à quelque chose comme : “Il y en a qui approchent ! Ils approchent ! BORDEL ILS SONT PRESQUE LÀ !”
Les gens qui paniquaient le laissaient indifférents, quand ils ne l’excitaient pas. Ce dernier cas de figure se produisait uniquement quand c’était lui qui torturait. C’était bien la première fois qu’il se trouvait du mauvais côté de la partie de chasse.
Finalement, il jeta son dévolu sur une pelle dont il testa l’extrémité du bout des doigts. En donnant un peu de force, elle serait tranchante. Parfait.
Après quoi, il rejoignit Alexis à l’extérieur. Il nota que seules trois personnes les avaient rejoints. Il fut déçu de s’apercevoir qu’elles ne faisaient pas partie des protagonistes principaux. Il aurait souhaité avoir un morceau de choix pour débuter les hostilités. Sans doute que les autres attendaient à l’intérieur. Après tout, ils avaient toute la nuit pour mourir.
Tranquillement, il posa le bidon d’essence sur le sol humide du parc puis s’avança vers leurs ennemis, tournant la pelle dans ses mains à la manière d’un bâton.
— Je vais tenter de faire ça proprement, dit-il aux trois hommes qui lui faisaient face. Mais ça risque de s'apparenter à une improvisation. Ça fait longtemps que je n’ai pas utilisé ce genre d’outil.
Leurs ennemis ricanèrent. Deux d’entre eux tenaient un couteau de cuisine. Le dernier s’était montré plus original : il avait un pistolet à clou mécanique dans la main. Aussitôt, Desmond se sentit envahi par une frénésie dévorante. Il lui fallait ce joujou.
— On va vous saigner comme des porcs ! assura l’un des types.
Cerbère lui lança un regard désabusé.
— Ne fais pas de promesse que tu ne peux pas tenir.
Le plus imprudent ouvrit les hostilités, couteau en avant comme l’inexpérimenté qu’il était. Desmond para son coup avec une facilité déconcertante et lui administra un coup de bâton dans l’abdomen, suivi d’un autre sur la tête. Une fois qu’il fut à terre, il lui fendit la tête avec le métal de la pelle. Du sang gicla sur son visage. Il le lapa d’un coup de langue au coin des lèvres. Pas mauvais. Un peu fade, peut-être.
Prestement, il pivota vers les deux autres qui semblèrent hésiter. Cela accentua son petit sourire torve et son envie de les tuer.
— Estimez-vous heureux que je vous accorde une mort rapide. Je n’ai pas le temps pour une lente agonie.
C’était dommage. Tous ces corps gâchés. Il s’occupa des deux autres sans sourciller. Le dernier avec le pistolet à clou lui donna un peu de fil à retordre, mais il finit par le récupérer, après lui avoir logé deux clous dans le crâne. Il observa l’appareil avec volupté. Il n’avait jamais pensé à se servir d’un tel engin avant ce soir. Comme quoi, cette situation avait aussi ses bons côtés.
S’étant débarrassé des ennemis, qui gisaient autour de lui dans plusieurs mares de sang, il réalisa qu’Alexis avait disparu avec l’un des bidons d’essence. Avait-elle mis ce temps à profit pour préparer le feu de joie ? Il fut agréablement surpris par la vivacité d’esprit de la jeune femme. A moins qu’elle ne se soit cachée dans un coin en attendant que ça se passe ? Probablement pas. Elle semblait débrouillarde.
Gardant le pistolet à clou d’une main et le bidon d’essence de l’autre, il retourna jusqu’au manoir au pas de course.
Evidemment, il ne passa pas par l’entrée principale. Il préféra une porte utilisée par les domestiques, bien qu’il se doutât qu’eux aussi le trahirait s’il croisait leur chemin. Il en eut la démonstration à peine deux minutes plus tard : le majordome en personne émit un coup de sifflet pour alerter les invités qu’une de leur cible avait emprunté l’escalier de service. Desmond changea de plan, poussant le vieil homme sans ménagement dans les marches, pour retourner au rez-de-chaussée. Il s’empressa de vider le bidon d’essence dans la salle à manger et marcha allègrement jusqu’à un salon fumoir, tout en continuant d’asperger généreusement les tapis d’essence. Le feu prendrait mieux depuis ces pièces-là, pour gagner rapidement les cuisines qui contenaient beaucoup de produits inflammables. Desmond se félicita intérieurement de se montrer aussi intelligent.
Une fois le bidon vide, il le jeta nonchalamment dans un coin de la pièce, puis plongea la main dans la poche intérieure de sa veste. A cet instant, un sursaut d’angoisse le saisit. Il tapota sa poche, chercha dans les autres, sans trouver le briquet. Pourtant, il était persuadé de l’avoir sur lui !
— C’est ça que tu cherches ? dit une voix mielleuse dans son dos.
Il fit volte-face, reconnaissant Edmée à moins de cinq mètres, agitant un petit objet argenté dans sa main manucurée. Elle jubilait. Desmond lui jeta un regard oblique. Jusqu’au bout, elle faisait tout pour l’agacer. Plutôt que de comprendre comment elle avait pu s’emparer du briquet, il marcha droit sur elle dans l’intention de l'arracher à son cadavre.
Brusquement, quelque chose heurta ses chevilles et lui fit perdre l’équilibre. Il se retrouva face contre terre, aux pieds d’Edmée qui poussa un éclat de rire moqueur.
— Cher petit frère, tu tombes bien bas, décidément ! lança James avec un mélange de mépris et de méchanceté.
Desmond tourna la tête vers lui et l’aperçut, debout, tenant une lance qu’il avait piqué à une armure dans le couloir. C’était avec cette dernière qu’il avait fait chuter le chien des Enfers. Desmond ravala sa fierté et laissa libre cours à sa rage. Il voulut se relever mais l’autre lui assena un coup dans le dos qui le renvoya au tapis.
— Bats-toi comme un homme et non comme un lâche, grogna-t-il entre ses dents.
— Oh, mon petit frère souhaite me donner une leçon. J’ai toujours été meilleur en tout, mais soit.
James laissa échapper un soupir lassé et consentit à laisser Desmond se relever pour l’affronter en face à face. Edmée en profita pour se reculer, gardant le briquet en otage. Le chien des Enfers braqua un regard sombre sur son “frère” et déclara d’un ton cinglant :
— Il me semble avoir été meilleur que toi pour avoir réussi à te cocufier avant ton mariage.
James lui renvoya un regard assassin qui excita le gardien des Enfers. Il voulut lui donner un coup de lance mais l’autre l’évita avec aisance. Il avait peut-être perdu sa force au-dessus de la moyenne ainsi que sa capacité à se fondre dans le décor, mais il conservait une grande agilité. Il souleva un loquet du pistolet à clou et appuya sur la détente. Le clou jaillit hors de l’appareil pour se loger dans le bras de James. Desmond écarquilla les yeux, agréablement surpris. Il n’était pas certain que cela produirait l’effet escompté.
James n’en devint que plus enragé. Il se précipita vers lui, lance levée. Desmond para les premiers coups, mais l’autre s’adaptait très vite, aussi il lui assena plusieurs coups avant de lâcher la lance pour se jeter directement sur lui. Dérouté, Desmond en lâcha le pistolet qui chuta à moins d’un mètre d’eux. Tout en se battant à mains nues, l’un et l’autre cherchait à récupérer l’arme.
Edmée envoyait des encouragements à James de sa voix de crécelle. Soudain, à travers un brouillard sanglant, Desmond crut apercevoir Alexis. James se trouvait au-dessus de lui et cherchait à l’étouffer. Il sentait son propre sang affluer dans sa gorge et bloquer sa respiration. Tout en se débattant, il tenta de faire comprendre à la jeune femme de récupérer le briquet.
— Ce ne sera plus très long, petit frère... haleta James.
Desmond rassembla ses dernières forces pour lui décocher un crochet du droit. James en perdit son emprise sur sa gorge et Cerbère en profita pour prendre le dessus. Il le fit basculer violemment de côté. Sa tête heurta la table basse. Malgré tout, James l’increvable remuait encore. A quatre pattes, Desmond ramassa le pistolet à clou et s’approcha lentement de son “frère” pour lui remettre les idées en place. Définitivement.
A cet instant, un bruit discret suivi par une étonnante chaleur s’empara du salon fumoir. L’incendie gagnait déjà les rideaux et les tapis imbibés d’essence. Hagard, le visage ensanglanté, Desmond tourna la tête vers Alexis. Elle venait de lâcher le briquet sur le sol. Edmée se trouvait près d’elle. Il ignorait si elle était encore consciente ou pas.
James remuait de plus en plus. Desmond leva le pistolet à clou vers sa tête, avant de se raviser. C’était mieux que son “frère” soit purifié par le feu et qu’il en ait pleinement conscience. Le tuer avant serait bien trop charitable. Il se contenta de cracher le sang qu’il avait en bouche sur lui.
— Avec mes meilleurs sentiments, grogna-t-il.
Il en profita pour appuyer sur son genou toujours au sol, afin de s’assurer que l’autre ne pourrait sortir de la demeure. Après quoi, il sortit en quatrième vitesse, en compagnie d’Alexis. Ensemble, ils observèrent la maison disparaître dans les flammes. Le spectacle était éblouissant, une merveilleuse flambée qui montait jusqu’aux étoiles. Le manoir brûla des heures durant, et Desmond mit un point d’honneur à neutraliser quiconque tentait d’en sortir. Tout compte fait, il s’amusa beaucoup, même s’il se sentait exténué. Au petit matin, la charpente flambait encore, tandis que sonnèrent les six coups du carillon, comme si ce dernier émanait de l’écho du passé.
Puis, la maison disparut au profit d’une plaine paisible, entourée par une forêt. L’odeur de brûlé se volatilisa également. Le soleil était éclatant dans l’azur du ciel. Une brise se faufilait dans la chemise déchirée de Desmond. Il huma les alentours. Le fond de l’air avait changé. Il pouvait le sentir... Ses pouvoirs étaient de retour.
Soudain, il se rendit compte qu’il était entouré par des habitants de Storybrooke. Ils semblaient avoir passé une nuit similaire, à en juger par leurs vêtements roussis ou abîmés. Au loin, toutes les mariées apparurent, chacune habillée d’une robe représentant son époque. Un jeune homme tenait la main de l’une d’elle, le fantôme que Desmond avait aperçu pendant la danse. Cependant, aucune de ces apparitions n’en était une, désormais. Ils avaient une consistance. Ils étaient redevenus des êtres de chair. Apaisés. Un grognement parcourut l’estomac du chien des Enfers. Il était déçu d’avoir contribué à les aider. Ce n’était pas dans ses habitudes de faire quelque chose de bien. Il en conservait une impression désagréable.
Tous souriaient. La mariée qui était venue chercher Desmond à sa fenêtre, celle par qui tout avait commencé, s’avança alors. Elle prit la parole d’une voix claire :
— Merci... de nous avoir rendu notre liberté. Nous revivions toute cette nuit encore et encore depuis le nuage de la méchante Reine. Cette nuit-là, notre monde entier a été détruit, comme dévasté... la Famille est morte pendant le Jeu. La malédiction nous a alors transporté ici...
Elle leva les bras pour montrer le lieu où se trouvait la maison quelques minutes plus tôt.
— J'ignore où nous sommes... sans doute dans des limbes... ou en enfer peut-être...
— Si tu étais en Enfer, je le saurais, grommela Desmond, contrarié.
La mariée, qui n’avait pas entendu sa remarque, poursuivit :
— Il m'aura fallu du temps pour vous atteindre. Mais grâce à vous, nous pouvons désormais reposer en paix.
Elle adressa à tous un regard de gratitude, à l’instar de toutes les autres mariées. Puis, elle leva la main, paume vers le ciel, comme pour montrer un chemin derrière eux. Désabusé, Desmond tourna la tête vers la forêt et aperçut alors une lumière au fond des bois, transperçant le feuillage des arbres. La lumière qui montre la sortie.
— Affligeant, soupira-t-il.
Il en regrettait presque les réjouissances de la chasse à l’homme. Il emboîta le pas aux autres Storybrookiens tout en grinçant des dents. Il détestait se mêler à la populace. Ce faisant, il marchait près d’Alexis. Ils n’eurent pas à avancer bien longtemps : la forêt dévoila bientôt les reliefs de la ville, de nuit.
Plutôt que de continuer à marcher comme le commun des mortels, Desmond saisit la jeune femme par le bras et se téléporta dans le salon de son appartement.
— Je suis déçu de ne pas avoir eu l’occasion de tuer Edmée de mes mains, confia-t-il, ennuyé. C’est mon seul regret.
Il s’entretenait avec Alexis comme s’il ne venait pas de l’arracher à la rue rassurante de Storybrooke au profit de son intérieur sombre et classe à la fois. Il crut déceler une lueur de crainte au fond de ses yeux. A moins qu’il ne l’ait imaginé ?
— L’idée de te séquestrer m’a traversé l’esprit. Ce serait plus commode pour comprendre d’où te vient cette odeur si étrange, mais ce serait contraire aux principes inculqués par les titans.
Sa mâchoire se crispa à ces mots. Il avait encore en tête le souvenir cuisant de sa rencontre avec la hache d’Atlas.
Il tendit la main vers la joue d’Alexis afin de l’effleurer du bout des doigts, puis s'écarta avec l’ombre d’un sourire. Il ouvrit la bouche mais une voix féminine le devança :
— Bébé ?
Surpris, Desmond leva la tête vers la mezzanine. Une jeune femme blonde en lingerie était penchée sur la rambarde métallique et les observait d’un air indigné.
— C’est qui cette pouffe ? lança-t-elle.
Le chien des Enfers resta de marbre. Il avait oublié la ravissante idiote qu’il avait laissée en plan pour jouer au héros. Il frissonna. Ce rôle ne lui convenait guère.
— Et c’est quoi ce sang sur ton visage ? s'inquiéta-t-elle.
Enfin, elle remarquait le principal. Desmond l’ignora pour se tourner de nouveau vers Alexis.
— Tu es libre de partir ou de participer. Un plan à trois, ça fait longtemps...
Il considéra la jeune femme brune d’un œil perçant et plein de convoitise. Quoi de mieux que de se divertir de cette manière après une nuit si mouvementée ? Elle aussi avait besoin de relâcher la pression. Et puis, elle avait une odeur si inhabituelle...
Il caressa de nouveau sa joue. Depuis la mezzanine, il perçut une exclamation scandalisée et du mouvement. Sans doute que la blonde était en train de se rhabiller. Desmond ne sourcilla pas. Il pouvait toujours l’attacher le moment voulu.
Si j’avais douté de Desmond depuis le début de cette histoire, j’avais enfin trouvé le VRAI bon point du chien des Enfers. Ok, il était pas du genre causant, il avait constamment une tête de Droopy et il avait l’air d’avoir des pratiques plutôt étranges avec les jeunes femmes mais je devais admettre que sur un champ de bataille il avait... ben... du chien. C’était LE Chien qu’il me fallait, je l’avais compris à la seconde où je l’avais vu récupérer sa pelle, plutôt fier de lui, les yeux brillants comme ceux d’un petit garçon dans un magasin de bonbons. Instinctivement, en voyant les deux autres nous arriver dessus, j’avais reculé pour lui laisser le champ libre, tout en récupérant le premier truc qui me tombait sous la main : un croc à fumier. L’ironie m’avait presque fait étirer un sourire tandis que Desmond laissait la conversation avec les deux hommes. Je les avais vu s’élancer vers nous et le jeune homme les avait concentrés sur lui, arrivant à les maîtriser avec une dextérité plutôt impressionnante. Mon bidon d’essence toujours dans l’autre main, j’avais tourné la tête en arrière pour voir si j’avais le champ libre, ce qui était clairement le cas. J’avais toujours été plus douée pour prendre la fuite que pour me battre, même si les Templiers et Athéna m’avaient un peu plus préparé au combat. Mais dans la mesure où j’étais enceinte, que mon coéquipier semblait s’en sortir plutôt bien et que le temps pressait, je lui avais sorti d’une petite voix :
— Bon ben t’as l’air de gérer, du coup je vous laisse, je commence à verser par là-bas...
J’étais même pas certaine qu’il m’avait entendue dans sa lutte mais j’avais pas pris le temps d’en être certaine, détalant autant que je le pouvais dans ma robe de mariée, mon bidon d’essence et mon espèce de fourche à la recherche de l’entrée principale du bâtiment. En entendant quelques hurlements et déplacements, je m‘étais collée contre le mur, paniquée à l’idée d’être vue, surtout avec la pâleur de cette robe dans la nuit. Pourtant, le petit groupe se dirigea tout de go vers la forêt environnante et après avoir attendu qu’ils soient suffisamment éloignés, j’avais monté les escaliers de devant quatre à quatre pour m’engouffrer dans le hall. Tout en posant ma fourche au sol, je m’étais mise à dévisser le bouchon le plus vite que je l’avais pu pour commencer à verser du liquide sur le parquet du hall jusqu’au salon où j’avais dansé avec mon salaud de fiancé la vieille. Complétement paniquée, je m’étais mise à marmonner en direction de mon ventre :
— J’espère que tu t’éclates, bébé parce que depuis le début, c’est rock’n’roll avec toi... J’espère que ça va finir par se calmer parce que maman en a ras la jupe là...
Au même moment, un cri strident avait été poussé vers ce qui semblait être la porte qui menait à l’arrière de la maison. Une des greluches d’Edmée c’était mise à courir dans le couloir en direction du salon :
— Elle est là, les filles, elle est LAAAA je l’ai vu !!!
Me collant contre le mur, j’avais tiré le bidon d’essence vers moi pour le protéger d’une éventuelle bousculade, tout en récupérant ma fourche à pleines mains tout en grimaçant. Je savais vraiment quoi faire mais l’idée de le faire me dégoûtait au plus haut point. Le gore, très peu pour moi, surtout accompagnés de bruit de pastèque écrasé. Pourtant, en l’entendant arrivé, j’avais pris de l’élan, tenant toujours bien le manche à deux mains et lorsque je l’avais senti passer l’arche de la pièce, j’avais fait un mouvement circulaire de toutes mes forces, ramenant les piques en direction de son buste et de sa tête. Ma force combinée à la sienne, la planta dessus comme une saucisse sur une fourchette, dans un bruit écœurant. J’avais senti pourtant que je n’avais pas pu y aller assez profondément, la cage thoracique la protégeant notamment, ses os vibrant jusqu’au manche de mon méga râteau. J'avais retenu un haut-le-corps tandis que je la sentais basculer en avant, jusqu’à s’effondrer au sol. Dans sa chute, elle avait fait tomber un petit revolver coquet qu’on devait sûrement donner aux jeunes femmes de bonne famille à l’époque pour qu’elles le mettent dans leur sac à main. Sans attendre une seconde de plus, je me jetais dessus pour la mettre en joue et tirer dans sa tête, son corps ou que sais-je les yeux à moitié fermés.
Entendant les pas d’un troupeau de filles surexcitées arriver, j’avais récupéré le bidon d’essence, l’arme toujours en main et j’abandonnais le corps et ma fourche en tentant d’éviter de tout vomir sur mon passage. Le coup de feu en avait forcément rameuté plusieurs et c’était sans doute la pire idée que de monter à l’étage mais c’était la première chose qui m’était passé par la tête, me doutant que tout le monde se précipitait désormais vers les entrées. Tout en montant du plus vite que je le pouvais, j’avais aspergé les marches et l’épais tapis les recouvrant avant d’arriver dans le long couloir des différentes chambres à la recherche d’une cachette.
— Elle a tué Mindy !!!
— On va te faire la peau, espèce de salope !
J’avais de nouveau mis mon arme en joue, tirant dans la cage d’escalier pour dissuader les autres de monter, ce qui marcha redoutablement les premières secondes. Malheureusement, le revolver avait déjà donné tout ce qu’il avait et j’avais tourné la tête pour poser les yeux sur... une des armures qui gardait le couloir, un ricanement de folie dans la gorge. J’étais peut-être pas aussi douée pour la mort que Desmond, mais grâce à Athéna et aux Templiers, je savais désormais me battre avec une épée... il y avait plus qu’à espérer que celle-ci soit aiguisée... Quitte ou double. Je l’avais arraché des mains de la statue de fer avant de commencer à frapper les panneaux de bois frénétiquement. Le rappel de mes Frères venait de me donner une idée. Nous étions dans une vieille maison. Il y avait forcément quelque part une porte dérobée... celles-ci menaient généralement à l’étage inférieur permettant à l’homme de maison de rejoindre sa chambre après une soirée dans son bureau sans passer par les domestiques. J’avais failli hurler de joie en sentant enfin la porte dérobée, tandis que mes assaillants se rapprochaient à une allure folle. Je l’avais alors fait coulisser juste à temps avant de me retrouver enfermer dedans, le souffle court. Beaucoup trop choquée par l’enchaînement des évènements, je m’étais assise quelques secondes, les jambes flageolantes, dans l’escalier de pierre après y avoir descendu quelques marches à l’aveuglette. Je me sentais défaillir, j’avais une folle envie de vomir et j’étais pas au meilleur de ma forme avec mon ventre. Je pouvais presque encore ressentir le tressautement de Mindy lorsqu’elle s’était empalée contre la fourche. Tentant d’oublier cette vision d’horreur, j’avais essuyé ma lèvre supérieure couverte de sueur à l’aide d’une main tremblante. C’était pas le moment de se laisser aller. Tentant d’inspirer et d’expirer grandement, je m’étais relevée d’un air décidé avant de continuer à descendre les escaliers, épée à la main. Je ne pouvais de toute façon par rester là éternellement, même si le reste de la “Famille” ne connaissait pas ce chemin, le maître de maison le connaissait fortement et finirait par me trouver.
Arrivé en bas, je m’étais rendue compte que j’étais tombée dans un magnifique bureau. Bloquant l’accès au passage avec ce que j’avais trouvé, j’avais versé le reste du bidon dans la pièce avant de l’y abandonner. Après m’être assurée que la voie était libre, je m’étais engagée dans un couloir mince, à côté du couloir principal et mon nez s’était retroussé instantanément à l’odeur puissante d’essence qui y régnait. Desmond était forcément passé par là. Suivant la piste olfactive, j’avais fini par arriver à la cuisine par une porte de service. Entendant des voix, je m’étais plaquée contre le mur en observant la scène, à travers la cuisine, qui se déroulait dans le salon fumoir. Je ne voyais pas mon coéquipier mais à la façon dont se tenaient Edmée et James, je pouvais supposer qu’il était au sol. Mon “mari” l’avait alors laissé se relever avant d’engager un combat avec lui. De mon côté, j’évaluais les distances, grimaçant. Foncer avec ma lame dans le tas était la meilleure façon de faire une erreur, il y avait beaucoup de personnes et très peu de place pour m’insérer... Cherchant autour de moi, j’avais fini par trouver une cagette de légumes qui semblait assez solide, en vieux bois épais, tandis qu’Edmée s’époumonait à encourager James. Espérait-elle être la véritable femme de ce type ? Je commençais à me le demandais tant sa voix était dégoulinante de miel et cette pensée me tira une grimace de dégoût. Comment pouvait-on se réjouir de la mort d’une innocente en espérant passer après ? J’espérais juste avoir suffisamment de force pour lui faire bien mal comme il fallait.
Je m’étais approché lentement. La jeune femme était bien trop absorbée pour le combat pour faire attention à moi mais mon regard avait croisé celui de Desmond. Il tenta de me faire comprendre silencieusement un truc sur Edmée et un rapide regard vers elle m’informa qu’elle tenait le briquet. Alors non, ça on en avait besoin madame ! N’y tenant plus, j’avais levé la caisse au-dessous de ma tête avant de faire un mouvement violent pour lui fracasser sur le crâne. Complétement déstabilisée et abasourdie par le choc, elle était tombée à genoux, lâchant le briquet par la même occasion qui glissa un peu plus loin en direction de la cuisine. Je m’étais alors précipité pour le récupéré mais elle m’avait attrapé la cheville, me faisant chuter vers l’avant. Craignant pour mon bébé, j’avais rapidement mis mes mains à l’avant de mon corps pour m’y réceptionner tandis qu’elle me tirait à elle. Vainement, j’avais amorcé un geste pour récupérer l’objet en argent mais je n’avais fait que le repousser un peu plus loin. Tentant de me dégager d’un coup de pied, elle avait été plus rapide, me grimpant presque dessus pour récupérer le briquet, me griffant avec force à la joue au passage. Notre lutte avait féroce et j’y mettais toute ma concentration pour la garder loin de mon ventre. Sans vraiment nous en rendre compte, nous nous étions éloignés jusqu’à la cuisine, poussant toujours le briquet un peu plus loin en tentant de le récupérer. Mais au bout d’un moment, Edmée avait pris le dessus et sa main s’était dangereusement approché du briquet. Ça avait été plus un réflexe qu’autre chose, ma main avait agrippé une grande partie de ses cheveux et j’avais tiré de toute mes forces tandis qu’elle poussait un hurlement déchirant. Ma main libre s’était alors refermée sur l’objet et j’étais parvenue à me mettre à genoux, à hauteur des poignets du frigo américain pour l’ouvrir avec force, lui envoyant la porte en plein visage. Assommée de ce coup et du précédent, elle était alors tombée sur les fesses, les mains sur son visage, du sang coulant entre ses doigts tandis qu’elle gémissait :
— Tu m’as cassé le nez, espèce de grognasse !
— Ben tu seras peut-être plus jolie comme ça...
Je m’étais alors relevée en titubant, complétement sonnée par la lutte, tout en récupérant un rouleau à pâtisserie qui traînait sur l’un des plans de travail avant de m’avancer vers elle, épuisée.
— Et si t’es pas jolie... sois au moins... polie.
Pour faire bonne mesure, j’avais fini de l’assommer avec l’ustensile de cuisine et elle s’effondra au sol. Mon reflet dans le miroir m’informa que ma lèvre s’était ouverte sous notre combat, que l’une de mes pommettes était amochée et des parcelles de mon visage avaient été griffées comme si j’avais eu affaire à un chat sauvage. Ma robe était dans un état déplorable, à moitié déchirée, ensanglantée, mais je m’en fichais. Je m’étais alors retournée vers Desmond qui semblait lui aussi avoir pris le dessus sur James. Sans plus attendre, J’étais revenue sur mes pas, dans leur direction et j’avais alors activé le briquet avant de le jeter au sol, dans la pièce juste à côté qu’était le salon fumoir. Il n’avait apparemment pas lésiné sur l’essence car tout commença à prendre feu comme du petit bois. J’échangeais un regard avec Desmond avant que nous décidions de sortir de ce foutoir, du coin de l’œil, j’avais pu observer que James était toujours éveillé et tentait dans bien que mal de se relever sans le pouvoir, comme cloué au sol. La pire des morts l’attendait et bien que l’idée de subir le même sort m’avait fait frissonner instantanément, je ne pouvais pas dire pour autant que ce n’était pas ce qu’il méritait. Détournant le regard, j’avais suivi mon coéquipier dans le jardin pour regarder la baraque flamber, de la même façon qu’elle l’avait fait dans mes rêves, la nuit précédente.
Et soudain, le temps s’était éclairé, l’air était devenu plus doux, avait perdu tout odeur de cendre, les bruits étaient devenus moins agressif... le calme... Encore un peu sous le choc, j’avais tenté de me calmer, me massant le ventre machinalement tout en essayant de reprendre pieds. Les fantômes, la jeune femme, l’explication, la conversation avec Honey, tout m’avait semblé bien flou mais malgré la peur qui me tenaillait encore le ventre, je m’étais sentie fière d’avoir pu accomplir quelque chose pour toutes ces femmes. Où qu’était la Famille à présent, j’espérais sincèrement qu’ils seraient damnés pour l’éternité pour toutes leurs atrocités. J’avais repassé le chemin des bois, bien décidée à rentrer chez moi, quand j’avais soudain senti des doigts se refermer sur mon bras et que le décor changea. Un peu abasourdi, j’avais cligné des yeux en observant le grand duplex qui s’offrait devant moi. La décoration avait été choisie avec goût, un certain luxe s’en dégageait et une froideur tout aussi certaine que l’était celle de son propriétaire, vers qui je m’étais tournée, lentement, incertaine.
— Je suis déçu de ne pas avoir eu l’occasion de tuer Edmée de mes mains, c’est mon seul regret.
— Ah... euh... Ouais, désolée... Mais je l’ai bien amochée si ça peut te consoler...
Je savais pas quoi dire, j’étais gênée, un peu paniquée aussi. Ce petit voyage m’avait permis d’apprendre un truc : s’il y avait au moins une personne qui méritait bien sa place aux Enfers, c’était Desmond. Sasha était déjà rebelle dans son genre mais Cerbère était... noir. Très noir. Il avait un instinct animal plus que poussé, un goût pour le sang et la torture sacrément prononcé... en sommes c’était un psychopathe, un vrai et l’idée de le voir me téléporter comme ça alors que j’avais pas non plus l’impression qu’on avait une affinité de dingue ne me disait rien qui vaille. La seule chose qui me rassura un instant, c’était que nous étions de retour... en cas de besoin, je pouvais toujours utiliser mon pouvoir... ce qui me força à me rappeler qu’il avait forcément retrouvé les siens... je me demandais combien il mesurait sous sa forme de chien.
— L’idée de te séquestrer m’a traversé l’esprit. Ce serait plus commode pour comprendre d’où te vient cette odeur si étrange, mais ce serait contraire aux principes inculqués par les titans.
Euh... Pardon ? Plaît-il ? Il l’avait précisé sur le ton de la discussion mais il avait aussi parlé comme s’il répondait à mon questionnement interne, ce qui m’avait clairement glacé le sang. Il pouvait lire dans mes pensées ou j’avais juste changé de couleur ? Me séquestrer ? Quelle odeur ? Instinctivement, j’avais tenté d’emprisonner quelques mèches de cheveux dans mon cou avant de tourner légèrement la tête dans une position que j’espérai discrète mais qui ne devait pas l’être du tout dans l’espoir de sentir mon parfum. Elle avait quoi mon odeur ? Je puais ou quoi ? Ne sentant rien de particulier, j’avais dégluti avec un rire nerveux, tentant de détendre l’atmosphère :
— Aaah ben c’est très sympa de pas l’avoir fait, j'ai toujours dit que les Titans avaient de bons principes.
Et si maintenant tu ne me laisse pas partir je te crame le c... Je l’avais pensé très fort sans pour autant oser le dire. Il ne lisait pas dans les pensées. J’en avais désormais la certitude car il s’était contenté de m’observer sans réagir à ce que je venais de penser. Au contraire, il avait levé la main vers moi et j’avais vu ses doigts s’approcher de ma joue avec une certaine appréhension. Instinctivement, j’avais tenté de me dégager de son toucher et une voix féminine m’avait brusquement sorti de ma torpeur :
— Bébé ?
BEBE ??? BEBEEE ?! Y’avait rien qui se rapprochait moins d’un “bébé” que ce truc ? Non mais sérieux ?! Il avait une copine ? Qui pouvait être aussi tarée pour vouloir sortir avec un type pareil ? Complétement choqué, j’avais levé la tête en direction de la voix pour y trouver une jeune femme blonde, plutôt plantureuse et à peine vêtue de ce que j’en voyais. Depuis combien de temps l’attendait-elle dans cette tenue au juste ?
— C’est qui cette pouffe ?
— Bonsoir ! Ravie de te rencontrer aussi ! Je te rassure, la pouffe est enceinte.
Comme pour faire bonne mesure du malentendu, j’avais tenté de lui montrer mon ventre de là où elle était. Si cette fille sortait avec le chien des Enfers, elle devait être au moins aussi tarée que lui et si je parvenais à m’en sortir vivante de ce Manoir puis des griffes de Desmond, c’était franchement pas pour que ce soit Barbie qui me tue. Pour toute réponse, elle haussa un sourcil en continuant de me dévisager, comme si ça n’expliquait rien – ce qui était le cas – et que ça ne changeait rien à l’histoire - ce qui était... aussi un peu le cas.
— Tu es libre de partir ou de participer. Un plan à trois, ça fait longtemps...
— Tu déconnes ?!
C’était sorti tout seul mais à voir son œil brillant, il déconnait peut-être pas trop trop. J’avais déjà entendu dire que les femmes enceinte étaient un fantasme pour certains mais j’en avais encore jamais rencontré. C’était son cas à lui ? Il aimaient quand elles étaient “pleines” ? Je trouvais ça très bizarre mais avec Desmond, j’avais l’impression que j’étais plus à ça prêt. J’avais réprimé un frisson en sentant sa main toucher ma joue une nouvelle fois, ayant le temps de la caresser par mon manque de réaction du au choc. Une fois le contact implanté dans ma tête, j’avais une fois de plus retiré ma joue de sa main, souriant, gênée, ne sachant comment m’en sortir. J’avais levé les yeux vers le deuxième étage mais la blonde semblait avoir disparu. Le mouvement m’informait qu’elle semblait plutôt moyennement convaincue par le plan à trois et qu’elle aussi était plutôt décidée à partir.
— Euhm... merci de la proposition, c’est sympa mais... J’ai déjà quelqu’un...
Une fois de plus je lui avais montré mon évidence, comme si ça justifiait quelque chose.
— Et... ben... je fais ça qu’avec lui, tu vois ? Mais ça aurait... enfin... c’est gentil de proposer.
J’avais failli dire “ça aurait été sympa”, de la même façon qu’on dit “ça aurait été sympa” quand on décline poliment une invitation à une soirée. Mais c’était pas un restau qu’il me proposait là, c’était un foutu PLAN A TROIS !! Je m’étais rattrapé juste à temps, me sentant parfaitement idiote tandis que j’entendais la blonde descendre les escaliers avec l’allure d’un bœuf pour bien manifester son mécontentement.
— Bon... Je vais y aller moi, j’ai pas envie de vous déranger et ta copine a pas l’air au top de l’extase là alors...
J'avais fait volteface pour me diriger vers la porte d’entrée que j’avais repéré d’un coup d’œil furtif un peu plus tôt. Me rendant compte qu’il me retenait pas, j’avais accéléré le pas avec un soulagement puissant. En moins de temps qu’il n’en avait fallu pour l’espérer, j’étais dehors, saine et sauve. J’avais pris le temps de me poser quelques secondes contre le mur de la résidence pour reprendre mon souffle. C'était le stress de trop en cette soirée. Et cette lueur qu’il avait eu au fond des yeux quand je lui avais parlé de “sa copine”, comme si elle avait précisé que ce n’était pas le cas... pas sa copine alors qui ? Un coup d’un soir ? Une... victime ? Maintenant que j’avais cette pensée en tête je n’arrivais plus à la sortir de ma tête. J’espérais de tout cœur me tromper. J’avais alors plongé ma main dans la poche de ma veste pour y récupérer mon portable et y envoyer un message à Hadès.
Salut ! J’ai fait la rencontre de ton chien. Plutôt sympa d’ailleurs ! Mais je crois que tu lui manques, il avait pas l’air bien... tu devrais venir le voir...
Je ne savais pas si ça marcherai mais je l’espérai. Elle m’avait peut-être traité de “pouffe” mais c’était pas une raison pour la laisser mourir... Et que ferait la police face à un chien à trois têtes ? Après avoir pris une grande inspiration, j’avais appuyé sur “envoyer” en espérant qu’il ne lui dirait pas que c’était de ma faute. C’était un divin après tout et... il avait apparemment un problème avec mon odeur. Pourquoi je tombais toujours sur les tarés ? A cette pensée, mon pas s’était accéléré tandis que je tentais de me repérer dans le centre-ville. J’en avais au moins pour 30 à 40 bonnes minutes de marche à cause de ce malade. Le Séquestrer... Et puis quoi encore ? Epuisée, je m’étais laissé tomber sur un banc d’abribus et après un moment d’hésitation, j’avais fini par envoyer à Elliot :
Salut... Dispo pour faire le taxi d’une femme enceinte ? Je suis à pied et je claquée... Le prochain bus est dans 50 minutes... Pitiééééé, je te paye en Skittles !
J’avais appuyé sur envoyé avant de poser ma tête en arrière contre la paroi de l’abribus, attendant l’arrivée d’Elliot. J’aurai aussi pu demander à Erwin... Mais Elliot posait quand même moins de question et sa femme était nettement plus compréhensive quand il s’agissait d’aller chercher une autre femme, enceinte de surcroît, à l’autre bout de la ville.