Cette fois, Áron avait répondu à une annonce inhabituelle : une sorte de contrat de garde du corps qui, pourtant, lui demandait surtout de mettre ses services au profit… d’objets. De ce qu’il en avait compris, du debrief de ses supérieurs, en tout cas. Une archéologue du nom de Robin avait besoin d’un homme de main pour rejoindre un temple en toute sécurité et s’assurer de son existence, en quelques sortes. Ses patrons, évidemment, ne le lançaient pas dans cette drôle de mission sans intérêt : ils comptaient récupérer ce que pouvait contenir ce temple, en infiltrant l’équipe de recherche. Le brun soupira, en regardant le ciel. À force, il ne savait plus s’il était un agent double, triple, quadruple… tout ceci le fatiguait.
Le trajet en avion s’était passé dans un silence qui plaisait au capitaine. Il appréciait les engins volants, mais rien n’égalait les souvenirs de l’Arcadia vibrant tout autour de lui, des grands coups de gouvernail donnés pour aborder l’ennemi. La tête de mort, à la proue, qui s’abattait sur les coques métalliques des autres vaisseaux. Tout ceci lui manquait, mais Áron savait qu’il ne méritait plus son titre de capitaine. Il n’était qu’un infiltré, désormais, un chien à la botte des mauvaises personnes dans l’espoir fou que justice soit rendue. Douce illusion qui n’arrivait plus à le prendre aux tripes et lui donner la volonté de continuer.
À peine eut-il posé le premier pied dans la jungle que le brun reprit tout à fait conscience de son environnement. Professionnel, il resta près de Robin, prêt à protéger l’archéologue de quiconque oserait essayer de l’empêcher d’atteindre son but. Cette histoire ne lui plaisait guère, pour tout avouer. Il n’osait imaginer la valeur de ce qu’ils allaient découvrir et préférait ne pas penser, à l’avance, au moment où il devrait mettre la main sur le butin et fausser compagnie à Robin. Il savait, d’avance, qu’il lui faudrait beaucoup, beaucoup, beaucoup d’alcool pour essayer de noyer sa culpabilité.
– Qui cracherait sur un peu d’aventure pour bouleverser le quotidien ? tenta-t-il, avec un petit sourire en coin.
Il aurait, peut-être, préféré ne pas être choisi par cette histoire qui, sans le moindre doute, piquait son intérêt au vif. L’ancien capitaine aimait l’aventure, plus qu’elle ne devait l’imaginer, mais les intentions malsaines, derrière toute cette histoire, pesaient lourds sur sa conscience. Il aurait préféré pouvoir retrouver sa liberté d’autrefois, dans son vaisseau de criminel, à parcourir la galaxie pour réparer ses erreurs. Désormais, il était enchaîné à des hommes qu’il détestait, à devoir faire un travail qu’il détestait.
Penché sur l’épaule de Robin, Áron jeta un coup d’œil à la vieille carte qu’elle déplia devant elle. Il était ravi de constater que l’archéologue était prête à affronter les obstacles qui se tiendraient devant sa route. Prouver l’existence d’un temple c’était, sans le moindre doute, se lancer dans un piège. Si personne n’en connaissait la localisation exacte, ça voulait sûrement dire que le temple ne voulait pas être trouvé. Par qui était-il protégé ? Là était toute la question.
– Tout se passera bien, assura-t-il, en parcourant la végétation du regard. C’est pour ça que vous m’avez engagé, non ?
Áron laissa Robin ouvrir la marche, mais resta un pas derrière elle, prêt à bondir entre elle et le danger, si ça devait arriver. L’œil vif, les oreilles tendues vers les moindres bruits de la jungle, il resta concentré sur son but et suivit les pas de l’archéologue par automatisme. Il aurait été fort à parier que si elle s’arrêtait brusquement, il lui serait rentré dedans. Heureusement, ce ne fut pas elle qui pilla, mais lui. Áron tendit une main vers l’avant et attrapa le coude de Robin pour lui indiquer de s’arrêter.
– Nous ne sommes pas seuls.
Il tenait, déjà, en main, son pistolet, en soufflant ces quelques mots à l’oreille de l’archéologue. Incapable de savoir si elle savait plus ou moins se défendre, Áron ne prit aucun risque et se décala devant elle, ses yeux clairs fixés sur la végétation. Il était certain d’avoir entendu quelqu’un, derrière les arbres. De sa main libre, il s’empara d’une machette – utile pour se frayer un passage dans la végétation dense – et fit un dernier pas en avant.
Comme un signal secret passé aux ennemis, trois hommes bondirent de derrière les arbres et s’attaquèrent à Áron, tandis qu’un homme et une femme encerclaient le reste du groupe. Le capitaine tira en pleine tête du premier et bondit sur le côté pour éviter les deux autres. D’un revers de sa machette, il para la contre-attaque de l’un deux, mais fut cueilli aux côtes par un puissant crochet du second. Soufflé par le coup, le capitaine recula de quelques pas et se remit en garde. Il ne laissa pas le temps à ses adversaires d’attaquer et bondit en avant pour frapper le premier à l’épaule, avec sa machette, tandis qu’il virevoltait et donnait un coup de crosse au second, en pleine tempe. Ce dernier s’écroula à terre, inconscient, ce qui n’en laissa plus qu’un contre Áron. Un adversaire qui se tint assez loin, assez longtemps, pour que le brun n’ait plus qu’à lever le bras et viser le cœur.
Il se détourna immédiatement pour s’inquiéter des deux derniers adversaires, autour du groupe, alors que leurs tenues sombres ne laissaient présager rien de bon : des mercenaires, sans le moindre doute. Mais qu’y avait-il de si précieux, dans ce temple perdu au Pérou ?