« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
Un balai en main, je nettoyais le sol du couloir souterrain du bassin des otaries. Les mammifères marins nageaient vivement dans leur vaste aquarium, tout autour de moi. C’était impressionnant à quel point l'ingéniosité humaine avait réussi à donner l’illusion de se trouver dans l’océan, tout en marchant et en respirant de l’air.
A cette heure de la soirée, il ne subsistait que les lumières de secours. Le parc aquatique avait fermé ses portes au public depuis près d’une heure. Les employés s’activaient à divers endroits. Les soigneurs s’attardaient auprès des poissons et des autres animaux avant de retourner à leur tranquille petite vie.
— N’oublie pas l’escalier, Joan, indiqua Billy, un de mes collègues.
Je le connaissais depuis peu car j’avais été embauché en début de semaine au service nettoyage. Je jetai un coup d’œil aux marches indiquées par mon collègue avant de poursuivre ma besogne.
— Ca marche. Je finis juste le sol.
— Nickel. Je vais passer un coup près du bassin des raies. C’est souvent éclaboussé, par là-bas. Quand t’auras fini, tu pourras y aller.
Billy avait l’air d’être un bon gars. La cinquantaine, avec des désillusions plein les yeux, comme chez tous ceux qui exécutent le même travail depuis des années. Il avait entendu parler de la sirène. Pour lui, c’était de l’esbrouffe. Il était quelqu’un de censé : les sirènes, ça n’existe pas.
— Sûrement un coup marketing, avait-il dit quand je lui avais posé des questions, l’air de rien, pendant que nous prenions notre pause. Ils ont sûrement déguisé une nageuse professionnelle.
— Il paraît qu’elle respire sous l’eau...
Billy avait éclaté de rire.
— Sérieusement, Joan ! Y a plein de gens qui savent rester en apnée pendant plusieurs minutes ! A moi, on me l’a fait pas. L’Aquarium a besoin de se renouveler. Ils ont rien trouvé de mieux, voilà tout.
Même si mon collègue demeurait sceptique, ça n’était pas le cas de la population locale et des environs : l’Aquarium de la baie de Monterey attendait plusieurs milliers de personnes pour l’inauguration de sa fameuse “sirène”, dans vingt-quatre heures. Il me fallait agir vite et bien.
Ce furent les affiches placardées à travers divers états qui attirèrent mon attention. Il était précisé que l’aquarium de la baie de Monterey avait un véritable spécimen en sa possession. Forcément, j’avais trouvé un moyen de m’intégrer à l’équipe afin de mener mon enquête.
En flirtant avec Mack, de la sécurité, j’avais appris qu’une salle proche des laboratoires d’analyse et de l’infirmerie abritait potentiellement la sirène en question. L’accès était formellement interdit, bien entendu. Mais Mack ne s’était pas rendu compte que je lui avais volé son badge pendant que “Joan” l’aguichait.
Dès que Billy quitta le périmètre, je laissai tomber mon balai et traversai le couloir en sens inverse. Les otaries cherchèrent à jouer avec moi. Je leur lançai un regard navré avant de rejoindre une plus vaste salle comportant divers aquariums contenant une multitude de poissons colorés. Voir tous ces animaux en captivité me serrait le cœur. J’aurais voulu tous les délivrer mais... les relâcher risquait de causer leur mort prématurée. N’étant pas habitués au grand large, ils seraient des proies faciles face à divers prédateurs. Certains étaient peut-être heureux dans leur grand bocal. Après tout, ne l’avais-je pas été dans le mien, durant les premières années de ma vie ? A défaut de ne rien avoir connu d’autre, on s’habitue au minimum en pensant qu’il s’agit de la vraie vie.
Arrivée dans un couloir obscur –pourvu de véritables parois- j'accélérai l’allure et passai le badge à côté d’une porte qui s’ouvrit sans aucune résistance. De l’autre côté, une autre salle, enténébrée elle aussi. La seule lumière provenait du néon “sortie” placé au-dessus d’une porte fermée. Un vaste bassin était placé contre une paroi opaque, envahie par une eau sombre. Des algues noires, menaçantes, ondulaient dans les ténèbres. Je m’approchai. Une fois devant le grand aquarium rectangulaire, je plissai des yeux, essayant de discerner quelque chose à travers les nombreuses algues. Des écailles brillèrent dans la pénombre, brièvement.
Mon cœur s’emballa. Je posai une main contre la paroi en verre. Peut-être que la créature allait percevoir ma présence, de l’autre côté ?
Il fallut plusieurs minutes afin qu’elle s’habitue à ma présence. Enfin, un visage émergea des algues noires. Une figure pâle et enfantine. Ses yeux largement ouverts semblaient poser une éternelle question. Sa chevelure était d'un blond presque blanc. Elle donnait l'impression d'avoir dix ans, peut-être moins. Ses nageoires étaient d’un bleu profond, presque noir mais réverbéraient la lumière malgré tout. Comme c’était imprudent.
— Voilà pourquoi tu t’es fait prendre : tu attires trop l’attention, murmurai-je en sachant très bien qu’elle ne pouvait m’entendre.
Les yeux de l’enfant avaient l’éclat d’une perle. Sa peau luisait curieusement dans la pénombre, comme les ailes d’une libellule.
— Je vais te sortir de là.
Aucune autre alternative : je n’avais pas fait tout ceci en vain. C’était la première fois que je rencontrais une de mes semblables. Elle était étrange et étrangère, mais je me devais de l’aider. Elle ne pouvait rester ici. Elle avait droit à la liberté.
J’observai l’aquarium sous toutes les coutures, cherchant une faiblesse. J’aurais pu casser la paroi, mais je craignais que le bruit n’attire les gardiens. Qui plus est, j’ignorais comment la fillette se débrouillait sur terre. Avait-elle la capacité de faire apparaître des jambes, comme moi ? Je devais anticiper le pire des scénarios pour avoir une chance de s’en sortir. Aussi, je préférai grimper sur l’aquarium et aller à sa rencontre, afin de faire connaissance. Loin de moi l’envie de l’effrayer.
J’abandonnai ma combinaison grise d'agent d'entretien et la rejoignis dans l’eau. Aussitôt, l’enfant alla se réfugier au creux des algues. Je nageai à sa rencontre tout en faisant apparaître mes nageoires. Ne pouvant parler sous l’eau, je me contentai d’esquisser un sourire pour la rassurer. Puis, je lui tendis la main. La petite sirène sortit la tête des algues et avança le nez comme pour sentir mes doigts, ce qui était absurde puisque l’odorat n’existe pas sous l’eau. J’accentuai mon sourire –en espérant ne pas lui faire peur car je n’avais jamais été doué pour avoir l’air sympa.
Craignant que le temps nous soit comptés, je saisis son poignet dans l’intention de la faire remonter à la surface. Il se produisit alors une chose surprenante : l’enfant se débattit.
Okay, okay, songeai-je. Tu te sens agressée. Excuse-moi. On va aller à ton rythme.
Un banc de bulles m’aveugla un court instant. Je les chassai avec mes mains et vis la fillette se ruer vers moi. Son visage était déformé par la fureur –ou la peur. Elle ouvrit grand la bouche, dévoilant des dents pointues comme des aiguilles.
Qu’est-ce que...?
Je lui donnai un coup de nageoires qu’elle évita pour fondre de nouveau sur moi. Elle planta ses dents dans mon bras. Un cri inaudible m’échappa, et quelques bulles d’oxygène jaillirent hors de ma gorge. Je la secouai rageusement pour lui faire lâcher prise. Elle s’éloigna avec aisance, me fixant d’un œil sournois.
Perplexe, j’observai la marque de ses dents dans ma chair. Je voulus donner une impulsion à mon corps pour remonter à la surface mais ma vision se brouilla. Du poison... Une faiblesse m’envahit.
Je sombrai dans l’inconscience ; les algues se refermèrent lentement sur moi.
*
Plusieurs claquements assourdis. Comme des bruits venant de très loin. Je soulevai les paupières, réalisant que je flottai au creux de flots artificiels. Des centaines d’yeux m’épiaient. Des enfants, les mains collées à la vitre, tapaient, m’interpelaient. Les sons me parvenaient comme depuis un autre monde.
J’étais à l’intérieur d’un aquarium. Très vaste. Des poissons exotiques m’entouraient ou nageaient distraitement autour de coraux. Je montai vivement à la surface : aucune issue. Seulement le ciel. Des barrières hautes de plusieurs mètres m’empêchant de sauter.
Qu’était-il arrivé ? Je plongeai, de nouveau assaillie par les tapements incessants contre la vitre. Mon regard se porta sur mon bras, qui gardait la marque de la morsure de la petite sirène. Où se trouvait-elle ? Pourquoi avait-elle œuvré contre son propre sauvetage ? Qui était-elle ? Pourquoi était-elle si différente de moi ?
Ensevelie par le poids de toutes ces questions, je portai mes doigts à mes lèvres. Quelqu’un tapa plus fortement contre la vitre ; mon cœur manqua un battement. Je me sentais piégée, traquée, perdue. Ce que je redoutais depuis toujours m’était arrivé : j’étais devenue une attraction. Un phénomène de cirque. J’étais à la merci des hommes.
Parmi l’océan de têtes immondes et braillardes, je crus apercevoir un visage connu. J’écarquillai les yeux et m’élançai jusqu’à la vitre, mais le temps que je m’approche, la personne s’était volatilisée. Peut-être l’avais-je imaginée ?
Quand il ne nous reste plus rien, on se remémore ceux qu’on a laissé derrière soi.
Emmet... songeai-je, désespérée. Non, il n’est pas ici. Il ne peut pas être ici. Tu es seule. Tu t’es mise toute seule dans cette situation et tu le resteras.
Les coups redoublèrent contre la vitre. Les innombrables enfants, excités par mon approche, devinrent encore plus enthousiastes.
— Mesdames, messieurs et vous les enfants ! Voici une véritable sirène, fraîchement pêchée ! Annonça une voix joviale émanant d’un haut-parleur (elle me parvenait de manière étouffée).
Je plaquai les mains contre mon visage et me laissai sombrer. Hélas, mon “bocal” n’était pas suffisamment profond, les coraux et les algues ni suffisamment opaques ni suffisamment fournis pour me cacher de tous ces voyeurs.
Je vais sortir, me promis-je. Je m’en sortirai et je ferai payer cher ceux qui ont osé me faire ça...
J’ignorais encore de quelle manière mais c’était une question de temps. Nul ne pouvait me retenir contre mon gré. Je n’allais pas prévenir Athéna ou une autre divinité. J’allais m’en sortir seule, comme je l’avais toujours fait. C’était ainsi que je réussissais : en puisant dans mes propres forces.
Emmet Miller
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« On est prisonnier
du Temps... ? »
« Qu'importe, vue qu'on l'est
tous les deux... ! »
| Conte : Inventé ϟ | Dans le monde des contes, je suis : : Je viens du monde réel. ϟ
En règle générale, ils ne se brisent pas. Les cœurs, ça plie sans se rompre.
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Quand j'ouvris les yeux ce matin là, le soleil n'avait pas encore montré le bout de son nez. Comateux, je m'étais assis sur le bord de mon lit, passant mes mains sur mon visage et soupirant. La nuit avait été longue, capricieuse. Je trouvais difficilement le sommeil et quand il venait à moi, je ne prenais pas autant de plaisir que je le devrais. Me décidant enfin à me lever, j'attrapais mon tshirt et un jogging que j'enfilais rapidement. Puis, jetant un regard ennuyé à la fille dormant à point fermé dans mon lit, je poussais un nouveau soupir avant de quitter ma chambre.
J'étais sortit sur le perron, faisant quelque pas dans le jardin. La maison que j'avais acheté à Storybrooke avait encore besoin de pas mal de travaux. Elle se situait dans le quartier Nord et elle avait appartenu à une vieille dame morte quelque mois plus tôt. J'avais décidé de me la procurer, de la rénover et de tenter de débuter une nouvelle vie, ici. Depuis quelque semaines, je bossais dans une supérette. Ce n'était pas le métier le plus fun qui existait. La boutique était tenue par un jeune garçon qui l'avait hérité de son père - ce dernier étant encore vivant, mais ne souhaitant plus rester une minute de plus dans cette ville. Je pouvais le comprendre. La petite boutique faisait aussi station service et elle disposait d'un garage qui n'était plus utilisé, vue les lacunes du gérant.
Si j'avais accepté la place, c'était parce que c'était un job principalement de nuit, ce qui me convenait et me laissait le loisir de faire ce que je voulais de ma journée. Ca m'empêchait surtout de dormir à des heures convenables, vue que de toute façon je n'y arrivais pas. Ca me permettait aussi d'y faire mes courses et d'avoir de l'essence pas chers. En plus, je pouvais utiliser les outils du garage pour réparer mon 4x4 qui avait subis quelques dégâts récemment. Que demander de mieux, n'est ce pas ? Ah oui... il m'arrivait aussi de faire des rencontres et de ne pas rentrer seul, comme ce matin.
Ca y est, le soleil pointait le bout de son nez. Tout comme un animal à quatre pattes qui venait de quitter la maison afin de me rejoindre. Je lui avais adressé un regard. Il m'observait de ses deux grands yeux. Est-ce que tout comme moi son estomac lui disait qu'il était temps de se sustenter ? Après lui avoir fait un clin d'oeil, j'étais retourné vers la demeure. Il m'avait suivi sans se faire prier.
Me dirigeant dans la cuisine, j'avais pris ce qu'il fallait pour qu'il puisse déjeuner, puis j'avais mis la machine à café en route. Ca allait sans doute me faire du bien un bon café. Ca faisait quelque temps que je m'y étais mis. Jusqu'à présent, ce n'était pas ce dont je raffolais. J'avais aussi opté pour un fruit et un paquet de céréales. C'était ce qu'il me fallait le matin pour tenir jusqu'à midi. Je dormais peu, mais je mangeais toujours autant. Peut-être parce que je me dépensais pas mal.
De retour dans ma chambre, je vis une fille à moitié nue assise au milieu du grand lit. Son visage s'éclaira quand elle me reconnu. Quant à moi, je restais de marbre, ramassant les vêtements de la jeune femme qu'on avait négligemment jeté la veille, et les posant sur le lit.
« J'ai préparé du café. » lui dis-je sans grande conviction.
Le visage de la jeune femme se déforma. Elle me fixa d'un air contrariée. Je me remémorais la scène, la vieille. On était entré dans la chambre, j'avais tiré les rideaux. On s'étais mis à s'embrasser, se toucher. J'avais lutté contre son soutien-gorge. Ca m'avait fait sourire, mais elle était bien trop pressée pour y prêtre la moindre attention. Ce n'était pas censé durer plus d'une nuit. Inutile d'y mettre les formes et puis il était tard. Elle avait les lèvres entreprenantes, les doigts aussi. J'avais tenté d'y mettre du miens. Je le voulais. Je la désirais. Mais je n'arrivais pas à être totalement concentré.
J'avais sentis son ventre frémir au contact de mes doigts. Son corps bouillonnait. Un sourire taquin s'était dessiné sur mes lèvres. Dehors, il pleuvait. C'était sans doute pour cela que Rocky avait mis des traces d'eau sur le sol en rentrant avec moi, ce matin et que j'avais sentis cette fraîcheur sur la plante de mes pieds en sortant dehors. Hier soir, on s'en fichait de la pluie. Ce matin, il y avait un grand soleil. Rien avait d'importance, ni hier, ni maintenant. Une ivresse c'était emparé de nous jusqu'à ce qu'on fonde l'un sur l'autre et qu'on ne forme plus qu'un. Ce matin c'était le gouffre. Un puit sans fond dans lequel je m'étais trouvé au réveil. Un mal au crâne, comme si j'avais bu ou pas suffisamment dormi. Un vide. Un creux dans l'estomac. Mais ce n'était pas de la faim. J'étais comme hors du temps, comme si je ne touchais plus terre. La sensation d'être autre part. Ailleurs.
Le soleil entrait dans la pièce et caressait le visage de la jeune femme, toujours aussi nu, dans mon lit. Un étrange sentiment se répandit en moi. Ce n'était pas de l'excitation, mais plus de la culpabilité. Elle n'était pas si jeune que cela. Elle avait tout au plus cinq ou dix ans de moins que moi. Alors pourquoi j'avais ce goût amère au coin de mes lèvres ?
« Je dois partir travailler. » lui dis-je en quittant la pièce.
Elle savait que c'était faux. Ce n'était pas la première fois qu'on la chassait le matin après une nuit d'ébats. Ca ne serait pas la dernière. Elle en était bien consciente.
Quittant la maison, en prenant Rocky avec moi, on avait marché un long moment. La ville était à quelque mètres. Il ne fallait qu'une dizaine de minutes pour y arriver et se retrouver mêler, dès le matin, aux bruits incessants des voitures, des gens pressés. Mais aussi des endroits vendant du café. Je n'avais pas eu le temps de boire celui que je m'étais préparé. Du coup, j'en avais pris un ici. Comme d'habitude, c'était un cappuccino avec un supplément de chantilly. Cette dernière, une fois au dehors, je l'avais retirée de sur ma boisson et je l'avais mise sur ma serviette, avant de la poser sur un banc. Rocky s'était empressé de grimper sur ce banc, afin de lécher toute la chantilly mise à sa disposition. J'avais souris. Ca, ça me procurait réellement du plaisir. Des petits plaisirs, ceux de la vie. Ceux qu'on chéris, qu'on cherche parfois en vain. La fille hier soir, ce n'était qu'une façon d'oublier.
Pendant que je songeais à ce à quoi ressemblait ma vie, aujourd'hui, je vis Rocky quitter le banc pour se rendre rapidement jusqu'à un autre banc plus loin. Là bas, s'y trouvait une femme assise, qui avait déposé sur une serviette des petits morceaux de carottes, coupés en lamelle. Je souriais. Elle tentait d'amadouer mon raton laveur, mais c'était peine perdue.
« Il ne mange pas... » débutais-je avant de voir Rocky prendre une carotte qu'elle lui tendait et la mettre en bouge.
Je secouais la tête en soupirant. C'est fou comme une femme peut vous faire perdre la tête.
« Il ne mangeait pas de carottes. » repris-je en les rejoignant.
J'allais aussi lui dire que Rocky ne se laissait pas caresser par les inconnues, mais quand elle approcha sa main du haut de son crâne, ce dernier pencha légèrement la tête et se laissa faire, sans quitter son grignotage de carottes pour autant. Je le vis même en prendre une deuxième. Ok... tout était fait pour me contrarier ce matin.
M'approchant du banc, j'étais resté debout à les observer. Je n'avais jamais croisé cette femme jusqu'à aujourd'hui. Elle devait avoir mon âge, des yeux de chats, un sourire ravissant. Elle portait une chemise blanche et un pantalon noir. Par dessus ses épaules, une petite veste noire à carreaux blanc. Elle faisait classe, intello et décontractée à la fois.
« Je crois qu'il vous a adopté. » lui dis-je.
En ce moment, tout partait à volo. Voilà que Rocky me faisait faux bond pour une belle brune. Dans un sens, c'était dans ses habitudes.
« Ce n'est pas fréquent d'avoir un raton laveur en animal de compagnie. » me dit-elle, tandis que j'entendais enfin le son de sa voix.
« C'est un vieil ami. » répondis-je.
Il était plus un vieil ami, qui arrivait à me supporter et que je supportais après toutes ces années, plutôt qu'un animal de compagnie. Ensemble, on était passé par plein d'épreuves. On avait fait plein de rencontres. On avait perdu plein de gens.
« Il est adorable. Très attachant. » ajouta t'elle.
Je sifflotais légèrement. Rocky leva la tête et m'observa, avant de quitter son repas et de me rejoindre. Il était temps de partir. La demoiselle m'adressa un regard. Pendant un instant, j'eu l'impression qu'elle tentait de lire en moi. Ce qui ne devait sans doute pas être possible, mais ici, il fallait se méfier de tout. Je lui adressais un petit sourire, avant de me détourner d'elle.
« J'ai besoin de votre aide. » laissa t'elle échapper pour me pousser à me retourner et à lui prêter attention.
Ce que je fis. Elle était debout, à quelque pas de moi. Je ne l'avais pas entendue se lever.
« Je suis désolé, mais je suis pas mal occupé ce matin. » lui dis-je, en lui adressant un nouveau petit sourire et en me tournant une nouvelle fois.
« Même pour elle ? »
J'avais l'impression d'avoir mal entendu. Que voulait-elle dire par là ? Je grimaçais. Quelque chose ne m'inspirait pas confiance dans ses paroles. Elle n'était pas là par hasard. Je me tournais une nouvelle fois vers elle, afin de lui faire face. Rocky en avait fait de même. Il lui avait adressé le même regard que moi. De quoi parlait-elle ? Qui était ce elle ? J'espérais pour elle qu'il ne s'agissait pas de ce à quoi je pensais...
« Etes vous déjà allé en Californie, Emmet ? » me demanda t'elle.
Je me sentis frissonner. Elle connaissait mon prénom. Elle m'appelait par lui et non pas par mon nom de famille, comme le faisaient généralement les mauvaises personnes pour en imposer. Qui était-elle ?
« L'Aquarium de la baie de Monterey donne un spectacle en ce moment même. »
Elle fit apparaître une feuille qu'elle me tendit. Je ne fus pas surpris de voir cette feuille apparaître de nulle part. Ici, beaucoup de gens comme elle pouvaient faire ce genre de choses. Sans me méfier d'avantage ou me poser plus de questions, je pris la feuille. Je l'observais et une grimace me barra le visage. C'était elle. La "elle".
Une exclusivité. Quelque chose de rare qu'on pouvait venir admirer. Une sirène fraîchement péchée, lis-je. Je sentis mes doigts se crisper sur la feuille. Cette dernière disparue. Il ne restait plus que la femme face à moi.
« Je ne suis pas responsable. » me dit-elle, comme si elle anticipait ma question. « Mais je ne peux pas la tolérer. »
Elle fit un pas dans ma direction. Je la regardais sans ciller. Qui était-elle ? Que me voulait-elle ? Et à Melody ?
« J'ai besoin de votre aide pour passer incognito. »
« Il faut la libérer. » la coupais-je.
« C'est mon intention. » répondit-elle du tac au tac. « Mais j'aimerais aussi découvrir qui est derrière tout ça et si il y en a d'autres. »
D'autres ? D'autres sirènes ? Ou d'autres attractions ? Je n'aimais pas son plan. Si elle pouvait se rendre là bas et libérer Melody, elle devait le faire. Il n'y avait pas besoin de se poser d'autres questions. Je pouvais d'ailleurs y aller tout seul, sans elle. Elle m'avait dit où la sirène se trouvait. Ca serait facile à trouver. Mais est-ce que ça serait si facile que ça de l'aider à s'enfuir ? Elle aurait sans doute déjà pu.
« Son père... » débutais-je.
Il était une solution comme une autre. Et si ça se trouvait, cette femme était avec lui. Pourquoi ne s'était-il pas déplacé en personne ? Comment un père pouvait laisser sa fille se faire traiter de la sorte ?
« Je ne souhaite pas qu'il s'en mêle. On a déjà beaucoup de soucis sur les bras en ce moment. » me coupa t'elle. « Emmet... vous venez avec moi ou pas ? »
Est-ce que j'avais le choix ? J'avais déjà tendu la main vers elle en guise de réponse, sentant Rocky s'agripper à ma jambe. Sans réussir à atteindre la femme, on avait disparu.
*
J'avais étrangement dormi un peu plus longtemps que d'ordinaire. La journée, je l'avais passé à faire des recherches. A tenter de savoir si d'autres "attractions" extraordinaires se trouvaient dans la ville. Elle m'avait demandé qu'une chose : ne pas m'approcher de Melody. Pas aujourd'hui. Elle m'avait certifié qu'elle ne craignait rien. Mais je n'avais pas écouté.
A un moment de la journée, je m'étais rendu jusqu'à cet aquarium. Et je l'y avais vue. Elle nageait dans l'eau. Elle paniquait... il y avait autour d'elle des claquements assourdissants. Des gens qui applaudissaient, qui tapaient contre la vitre. Des enfants. Des adultes. Des parents. Tellement de gens qui ne voyaient sans doute pas le mal qu'ils faisaient là. Je m'étais approché de la vitre. Je portais une casquette et des habits pour passer inaperçu. Mais elle.. elle pouvait me voir, me reconnaître. Sans prendre en compte les consignes que m'avait donné la femme, j'avais tapé à plusieurs reprises tout contre la vitre. Plus fortement que les autres. Rocky était à l'hôtel, il m'y attendait. C'était plus prudent pour lui, surtout si je me faisais arrêter ici, en tentant de faire sortir ma sirène. Mais la vitre disparue. Je me trouvais une nouvelle fois dans ma chambre, la femme face à moi, Rocky sur le lit.
« Bon sang, vous attendez quoi pour la sortir de là ?! » m'emportais-je.
« Il semblerait qu'il y en ait d'autres. Au moins une. » laissa t'elle échapper dans le but de me calmer.
« D'autres quoi ? D'autres sirènes ? On sauve la nôtre et on voit ensuite pour les autres ! » dis-je sur un ton toujours aussi énervé.
Elle secoua la tête. Je me tournais pour me diriger vers la porte d'entrée, mais je n'arrivais pas à en ouvrir la porte. La poignée venait de disparaître. Elle était sérieuse ? Me tournant vers elle, je la fusillais du regard, avant de détourner mon attention en direction de la fenêtre. On était au quatrième. Ce n'était pas si haut, n'est ce pas ? Elle se positionna entre cette dernière et moi, après avoir compris que j'étais sérieux et que je comptais véritablement essayer de sortir par là.
« Emmet... ça suffit. On ira demain. » me dit-elle.
« Pourquoi attendre ? Vous avez un truc à faire ce soir ?! »
Ce qu'elle faisait sous les draps la nuit m'intéressait pas. Il y avait urgence ! Elle pouvait reporter tout ce qu'elle avait de prévu jusqu'au lendemain et faire passer ça en priorité !
« Laissez moi encore une nuit. Juste une nuit pour en savoir plus. Demain matin, à la première lueur du jour, on tentera de la faire sortir. »
« Tentera ? » répétais-je.
« Je la ferais sortir. C'est promis. Mais on le fera d'une manière plus prudente, plus ordinaire. »
Pourquoi ? Si elle était capable de la sauver en un claquement de doigts, à quoi bon attendre ? Si elle souhaitait juste rester discrète aux yeux des autres et ne pas montrer les pouvoirs qu'elle avait, je m'en fichais totalement ! La discrétion n'était pas le plus important sur le moment !
Quoi qu'il en soit, je n'avais pas d'autres choix que de me plier à la volonté de la femme. Ca ne me plaisait pas. Elle le savait. Mais je n'avais pas d'autres issues. Au final, on avait parlé. Discuté. Échange sur diverses choses. Je connaissais désormais son nom. Ca ne m'avait pas plus avancé, mais je savais au moins qu'elle pouvait aider Melody et c'était tout ce qui comptait. En dernier recours, si j'échouais, j’appellerais son père. Il pourrait être là pour elle. Il avait dit qu'il le serrait. Connard... songeais-je.
La nuit avait été longue. J'avais eu du mal à trouver le sommeil, mais j'avais étrangement bien dormi. Au réveil, il y avait des habits sur la chaise à côté du lit. Je les avais enfilés et sans prendre le temps de déjeuner, j'étais sortit de la chambre. La poignée était de retour, tout comme un mot qui disait « Rendez-vous à l'aquarium. ». Je n'avais pas attendu pour m'y rendre.
C'était le matin, tôt. Tout indiquait autour de nous que ça ouvrait à 9h. Il était 7h. On avait tout notre temps pour prendre des billets, Rocky et moi... qu'elle blague ! Bien sûr que non, on n'allait pas prendre des billets. Il fallait trouver un endroit ou entrer et j'avais exactement ce qu'il me fallait. Au loin, un camion de livraison était posté devant l'entrée de l'arrière du bâtiment principal. Ca menait sans doute vers les poissons et vers les "attractions" à part. Il y avait des gens qui déchargeaient des caisses de poissons. Je m'étais mêlé à eux.
Je comprenais un peu mieux cette odeur de poisson sur les habits qu'on m'avait laissé sur ma chaise et aussi ce logo sur le tshirt. Elle avait prévu cela ? Elle voulait que j'entre de cette manière ? Quoi qu'il en soit, je l'avais fait.
Tout le monde se dirigeait vers le même endroit. Une grande pièce réfrigérée tout au fond du bâtiment. Jusqu'à présent, je n'avais croisé que des aquariums contenant des poissons. Et le grand aquarium qui était à proximité de l'entrée et qui contenait le jour d'avant Melody, ne semblait pas avoir la moindre trace d'elle. Je m'étais stoppé pour observer en détail l'intérieur, quand quelqu'un m'avait fait une tape sur l'épaule.
« Elle n'est pas là ! Ils l'ont mangés ! » me dit un homme avec un gros cigare dont les cendres tombaient sur ses chaussures neuves.
Je le fusillais du regard.
« Je plaisante mon gars. Tu pourras la voir cet après midi. Ils ont prévu un show spécial ! » laissa t'il échapper tout en observant l'aquarium. « C'est dans ce genre de cas que tu regrettes de ne pas être un poisson pour te taper une femme comme ça ! »
Je me pinçais les lèvres, me retenant de lui envoyer un coup de poing en plein visage. Quand il m'adressa un regard pour voir si je rentrais dans son jeu, je lui adressais un sourire. Mieux valait faire profil bas.
« Tiens, une invitation ! Soit à l'heure. Quatorze heure précis. Et tu verras le truc le plus hallucinant de toute ton existence ! » me promit-il, en mettant un carton d'invitation dans la poche de mon pantalon.
Je le laissais faire.
« Ils la mettent où en attendant ? » lui demandais-je.
Doucement Emmet... sois prudent avec tes questions. songeais-je. L'homme m'adressa un regard. Puis, il souri. Ce n'était sans doute pas la première fois qu'on s'intéressait à où était stocké sa sirène...
« T'inquiète mon gars, elle est dans un endroit d'où elle ne peut pas s'échapper. Quand on pêche le gros lot comme ça, on ne la laisse pas s'en aller. » acheva t'il en me tapotant une nouvelle fois l'épaule et en s'éloignant.
Ne pas la laisser s'en aller. songeais-je. Voilà l'erreur que j'avais fait. Et si tout cela était de ma faute ? Elle avait toujours voulu me protéger. Mais moi, j'avais fait quoi pour elle ?
Une voix.
Une voix. Un murmure. Quelque chose attira mon attention. Je tournais la tête et j'entendis un petit rire, puis quelqu'un s'éloigner. Quelqu'un dont le rire n'était qu'un murmure. Je n'avais pas réellement vue une personne partir, juste des bruits de pas. Des pas qui claquaient contre le sol, contre de l'eau qu'ils devaient éclabousser sur leur passage.
Est-ce que j'avais rêvé ?
Il semblerait qu'il y en ait d'autres... avait-elle dit. Se pouvait-il que Melody n'était pas là par hasard ? Se serait-elle fait prendre au piège volontairement ? Non... elle n'aurait jamais voulu se retrouver en cage. Dans un aquarium. Elle aurait trouvé une autre solution. Mais du coup, il y en avait d'autres ? Que se passait-il ici ?
CODAGE PAR AMATIS
Melody Blackstorm
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| Avatar : Kristen Stewart
❝ Eau trouble ne fait pas de miroir...
Alors pourquoi je me reflète si bien en toi ? ❞
| Conte : La Petite Sirène 2 | Dans le monde des contes, je suis : : Melody, la fille de Poséidon
Les hommes poussaient des cris de bête enragée. Je les considérais tous d’un œil assassin à travers les cheveux plaqués sur mon visage. Je me tenais appuyée sur mes mains, le corps ruisselant d’eau. J’avais attendu d’être déplacée dans un bassin de l’infirmerie pour tenter une évasion. Seul problème : impossible de faire apparaître mes jambes. D’ordinaire, elles se manifestaient d’instinct. Je n’avais même pas besoin d’y penser. Pourtant, cette fois-ci, je demeurai une femme-poisson acculée au sol. J’avais l’impression d’être revenue des années en arrière, quand mes nageoires apparaissaient à la moindre goutte d’eau.
On m’avait fait quelque chose. Avait-on modifié mon ADN ?
— T’approche pas ! C’est qu’elle mord, la donzelle !
Un mec venait de mettre en garde Billy qui avait fait un pas dans ma direction. Mon collègue Billy avec qui j’avais passé le balai dans le couloir des otaries, une éternité plus tôt. Il m’observait d’un œil mi-attristé, mi-intrigué. Je lus de la crainte dans ses yeux. Finalement, il recula.
J’aurais dû me douter qu’il ne me porterait pas secours. Les gens ont peur de ce qui leur est étranger. Je n’avais pas le choix : il me fallait agir pour avoir une chance. Aussi, je pris mon élan et bondis sur l’homme le plus proche.
A cet instant précis, un courant électrique me saisit en plein vol et me pétrifia. Je chutai violemment au sol et convulsai. Incapable de maîtriser mon corps, je vis du coin de l’œil des filaments bleutés me parcourir. Un des types brandissait une sorte de taser.
— Fais gaffe ! Tu risques de la griller !
— T’inquiète, elle est solide, rétorqua un autre.
Les spasmes incontrôlables durèrent une bonne minute. Quand ils cessèrent enfin, ils me laissèrent vidée de toute force, échouée sur le sol en béton de l’infirmerie. Je tentai de me redresser, mais déjà on m’assenait une autre décharge. Un cri inarticulé s’échappa de ma gorge.
— Double dose. Simple précaution, expliqua le chef des opérations. Ne vous fiez jamais à elle. Elle a l’air fragile mais elle ne l’est pas.
Après un moment indéfini, une immense tenaille me saisit à la taille et me fit glisser sur le sol. On me remit à l’eau. Le contact avec l’onde provoqua d’autres frissons le long de mon corps. Ce n’était pas dû au froid, mais bien en raison de la pseudo-électrocution que j’avais subie. Je me recroquevillai derrière les algues, adressant un regard mauvais à mes agresseurs. Ceux-ci me toisaient avec la satisfaction d’avoir maté un animal dangereux.
Puis, je lançai un coup d’œil en direction de l’autre aquarium dans lequel la petite sirène blonde observait la scène. Ses yeux n’avaient rien d’humain. Ils semblaient féroces et affamés.
— Pourquoi on ne les met pas ensemble ?
Les voix des hommes me parvenaient de façon étouffée, en raison de l’eau et de la vitre épaisse.
— Elles s’attaquent. Un peu comme des poissons combattants japonais, répondit un autre. Elles ont le diable au corps. Tu connais les légendes sur les sirènes ? Elles sont jamais sympas.
— C’est quand même dingue que ça existe.
“Ça”. Je n’étais plus une personne, j’étais devenue “ça”. Cette appellation me ramena des années en arrière, quand j’échouais de foyer en foyer et que les enfants hurlaient quand ils découvraient mes nageoires et que les adultes me punissaient. Une femme avait même brossé mes nageoires jusqu’à arracher des écailles et me faire saigner, car elle pensait me “purifier”. Elle considérait que j’étais un objet du malin. Mais aucun exorcisme n’était venu à bout de ma “malédiction”.
Billy m’observait en silence, hésitant.
— On pourrait peut-être...
Sa suggestion mourut dans l’œuf quand l’un de ses collègues aboya :
— Quoi Billy ? On pourrait quoi ?
— Quand elle travaillait avec moi, elle était... elle était comme nous. On ne devrait pas faire ça. Même les animaux, on ne les traite plus de cette manière, de nos jours.
Le chef de la bande lui lança un regard de commisération.
— Billy, Billy, Billy... t’as le cœur trop tendre.
Il passa un bras autour de ses épaules afin de l’amadouer et poursuivit :
— Cette sirène est entrée dans ta tête. Elle fait en sorte de t’attendrir pour que tu la libères. Mais sitôt que tu l’auras fait, elle te tuera.
— Elle ressemble à une femme, mais elle n’en est pas une, renchérit un autre gars.
Billy sembla convaincu. Je ne cherchai pas à l’en dissuader. Comment l’aurais-je pu ? Toutes mes tentatives auraient été considérées comme de la séduction à des fins personnelles.
Ils quittèrent l’infirmerie et éteignirent la lumière. Désormais plongée dans le noir, je me sentis toujours observée par l’enfant. Ses yeux brillaient dans la pénombre et sa peau réverbérait la faible clarté de la lune dans l’eau.
Peu importe combien de temps ça prendra : je partirai d’ici. Et je t’emmènerai avec moi.
La petite sirène était peut-être agressive mais elle n’en demeurait pas moins quelqu’un de ma “famille”. Je ne pouvais envisager de m’enfuir en la laissant derrière moi. Elle réagissait ainsi sûrement parce qu’elle n’avait appris que la douleur. J’avais connu la même chose, à l’époque. A force d’encaisser les coups, on devient hargneux. C’est une manière de riposter, de ne pas se laisser faire.
***
Le lendemain soir...
Un des employés avait oublié de fermer le loquet de mon bassin. C’était le moment rêvé. J’eus besoin de prendre mon élan pour donner un coup de nageoire sur le “couvercle” en plexiglas qui transformait mon aquarium en une espèce de boîte transparente. Il céda sans aucune résistance. Fort heureusement, il produisit un bruit sourd en heurtant le sol. Rien de bien alarmant. Je me hissai sur le rebord puis descendis l’échelle en métal apposée contre l’aquarium par la seule force de mes bras. Mes nageoires persistaient malgré toute ma volonté de retrouver mes jambes. Assurément, les types de cet établissement m’avaient fait quelque chose. A moins que ça ne soit dû à la morsure de la petite sirène ?
Mon regard fut irrémédiablement attiré vers l’aquarium de l’enfant-poisson. Elle avait suivi chacun de mes mouvements avec une attention accrue dépourvue de la moindre curiosité. Ses yeux, encore une fois, n’avaient rien d’humain, mais s’apparentaient davantage à ceux d’un requin ou d’une murène.
— Je vais revenir, lui promis-je sans savoir si elle pouvait me comprendre.
Ses yeux déjà très grands ouverts s’écarquillèrent davantage et sa bouche s’arqua en une forme de “o” surpris. Sur le qui-vive, je pivotai brusquement sur moi-même, par la force mes bras.
— Emmet, laissai-je échapper dans un souffle.
Il était là. Devant moi. Déconcertée, je clignai des yeux. S’agissait-il d’un mirage ? Il semblait si réel... Devais-je me fier à ma vue alors que je l’avais imaginé tant de fois ? Epuisée, désespérée, je voulus croire à ma chance.
— Aide-moi à la sortir de là.
Du menton, je désignai la petite sirène dans son bocal.
— Mais fais attention : ses morsures sont dangereuses. Je crois que c’est elle qui a rendu mes nageoires permanentes.
Joignant le geste à la parole, je rampai jusqu’à l’aquarium de l’enfant et commençai à grimper à l’échelle métallique.
— Comment as-tu su que j’étais là ?
C’était plus facile de poser la question sans le regarder, même si j’aurais voulu en poser beaucoup d’autres. Pourquoi es-tu venu ? Penses-tu que ça pourrait changer quoi que ce soit entre nous ? Que comptes-tu faire ensuite ? Elles restèrent toutes bloquées au fond de ma gorge. Je me concentrai sur les barreaux de l’échelle tandis que mes nageoires orangées se balançaient dans le vide. Elles avaient pris une teinte plus chaude depuis que j’avais reconnu l’homme. A travers son regard, je retrouvais un peu de vie.
Même si sa présence flottait parmi un océan de doutes.
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Et errer pour toujours dans les affres glacées... [FE]