« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
“Ainsi va le monde ici-bas. Le temps emporte sur son aile Et le printemps et l'hirondelle, Et la vie et les jours ..." Gagnés
16 Mars 2021
Je l’avais surpris. Je l’avais vu à la seconde où il était apparu devant moi. Jeremy Daas était venu me chercher pour m’amener dans son bureau avec la tête de celui qui ne voulait pas vraiment en croire son agenda. Celui-ci lui avait spécifié un rendez-vous avec moi mais il s’était approché avec une véritable méfiance qui avait juste été dissipée par ma vision, bien vite remplacée par la surprise.
— Mademoiselle Child ?
— Maître Daas.
Je m’étais levée d’un bond avec un sourire aux lèvres, hochant la tête avec conviction pour lui certifier que je savais bien ce que je faisais. C’était lui que je voulais voir, personne d’autre. Toujours un peu perplexe mais reprenant rapidement le change, il m’avait guidé jusqu’à son bureau. Erwin n’était pas là, un rendez-vous à l’extérieur. Je le savais car il me l’avait précisé la veille lorsque nous nous étions vus. Le jour idéal pur prendre un rendez-vous en sommes sans qu’il ne puisse se douter de mon manège. Ce n’était pas que je lui cachais des choses, c’était juste que comme toute personne, j’avais mon jardin secret, l’envie de ne pas tout partager avec l’être aimé et bien que ce dernier partageait déjà beaucoup malgré lui de la raison de ce rendez-vous, je n’avais pas ressenti l’envie de tout mélanger, le sentimental et cette affaire... de maison. La porte refermée derrière lui, je m’étais assise tandis que Jérémie contournait son bureau, soudainement plus jovial et plus... familier aussi.
— Et bien et bien, si je m’attendais...
— J’ai bien vu que ça t’avais surpris...
— Et je peux savoir pourquoi tu me choisis plutôt qu’Erwin ? C’est pas lui ton... “notaire” plutôt ?
Il avait eu les yeux brillants d’une malice que je lui avais rapidement connu. Son sourire en coin en disait long, tout comme le silence qu’il avait mis avant le mot “notaire”. Jérémie était apparemment un ami très proche d’Erwin, sans doute le meilleur que je semblais lui connaître jusqu’alors car il lui avait toujours servi de couverture pour nos relations et il me parlait fréquemment de lui. J’avais pu aussi observer qu’il était censé faire partie de notre futur ou du moins, il avait fait partie du futur que nous avions vécu Erwin et moi à Noël dernier. Il avait fini par nous présenter, quelques semaines auparavant et le courant était bien passé entre nous. Il ne semblait pas plus qu’Erwin se souciait de notre relation qui était pourtant extraconjugale du point de vue de son ami. Je ne pouvais certainement pas le qualifier comme l’un des miens mais je me sentais avec lui suffisamment à l’iase pour parler librement et me sentir moi-même.
— Si... généralement c’est lui... mais il y a certaines choses que je préfère voir avec d’autres personnes que “mon” notaire... Et puis je ne lui fais pas vraiment une infidélité, c’est le même cabinet !
J’avais levé les bras pour lui montrer son bureau, un sourire malicieux aux lèvres. Nous avions fini par parler de mon projet. Cette envie de changer d’air, de déménager et d’investir dans la pierre. Mon envie de maison. Je ne m’étais pas vraiment étendue quant à la raison de ce changement et bien que je n’étais alors qu’enceinte de plus de deux mois et demi, j’avais bien pris garde à porter quelque de suffisamment ample pour que l’attention ne soit pas posée sur mon ventre, certes encore très discret mais qui commençait à se rebondir comme après un bon repas. Il fallait que je lui dise, avant que je ne dépasse la date fatidique de l’avortement. Je n’avais pas le droit de l’obliger, je voulais qu’il ait toutes les options même si je n’avais en aucune façon envisagé cela comme possible. Mais je n’avais pas encore eu le courage et je refusais que son ami l’apprenne avant lui. Pourtant, j’avais vu un certain trouble dans ses yeux lorsque je lui avais parlé de mes exigences, du nombre de chambre que je voulais obligatoirement : deux à trois pour une éventuelle chambre d’ami. Je ne m’étais pourtant pas démonté, faisant fi de son regard interrogateur pour continuer à parler de mes attentes et de mon budget. Nous avions alors pris le temps d’en sélectionner plusieurs et nous avions pris un rendez-vous une semaine plus tard pour une visite. Avec une seule demande, une seule, minime en soit : ne rien dire à Erwin.
24 Mars 2021
Il faisait beau ce jour-là. J’avais pris congé pour pleinement prendre le temps de visiter les maisons. Jérémie et moi en avions sélectionné plusieurs et je lui avais demandé de me consacrer un certain temps. Je voulais être sûre de mon choix, de pouvoir visiter à mon aise. Nous avions la chance d’avoir une fin de mois de Mars clémente. Le ciel gris et pluvieux avait fini par laisser place à un ciel d’un bleu éclatant et d’un soleil qui n’en finissait pas de nous ravir chaque jour un peu plus, réchauffant par la même occasion l’atmosphère. J'avais alors décidé de mettre à profit la nouvelle garde-robe que nous avions renouvelé pour le printemps avec Deborah. Je m’étais vêtue d’une robe légère et ample bien qu’elle centrât ma taille. Les manches étaient presque transparentes, vaporeuses et blanche tandis qu’une grande partie de la robe était ornée de motifs floraux pastels qui se mariaient parfaitement au petit sac kaki qu’elle m’avait fait acheter avec. Revêtant un trench coat de la même couleur que je laissais ouvert, je m’étais munie d’escarpins avant de me dirigeait lentement vers le premier lieu de rendez-vous. Jérémie m’avait proposé de me prendre chez moi mais j’avais préféré me rendre à pied jusqu’à la première maison, quitte à ce qu’il m’emmène vers les suivantes ensuite.
C’était une grande bâtisse d’un style proche des maisons qui l’entouraient, dans le quartier Nord. Retour aux sources, retour à mon enfance. J’avais l’impression que je prenais un grand pas dans ma vie. Là où j’avais jusqu’alors goûté au plaisir minimaliste de la vie en appartement, presque en studio, reniant le côté plus classieux et riche de ma mère adoptive, je finissais par petit à petit rêver de quelque chose d’un peu plus luxueux, également au contact d’Erwin. Je ne me laissais pas d’entendre ces incessantes plaintes sur la prétendue insalubrité de mon logement mais je me disais qu’en évoluant, lui aussi y trouverait-il sans doute son compte. Je ne m’étais pas renseigné quant à l’endroit où il vivait avec sa femme. Je n’étais pas de ce genre de personne, pas vraiment d’une curiosité maladive ou d’un espionnage sans détour. Je n’avais pas non plus envie de me faire plus de mal que nécessaire, mais je savais qu’il vivait Quartier Nord sans même qu’il eût besoin de me le dire. Déjà parce que nous y allions très peu ensemble, ensuite parce qu’il me semblait impensable qu’un homme aussi matérialiste que lui puisse penser à une demeure dans un Quartier plus modeste. Mais c’était aussi la raison qui avait fait que plutôt que de choisir un autre notaire, je m’étais tournée vers Jérémie Daas. Je n’avais pas envie de recommencer toute mon histoire, c’était aussi un peu par feignantise et par crainte de l’administratif que j’avais préféré une tête connue. Mais je savais aussi que cette tête connue ferait en sorte de me trouver un logement bien loin de celui des Dorian pour éviter de mettre tout le monde dans l’embarras et ça... il n’y avait rien de plus royal.
Cela faisait quelques minutes que j’attendais patiemment devant le perron de la première maison à visiter. J'avais un peu observé le quartier rapidement, me remémorant au passage quelques souvenirs d’enfance. La maison de Regina était quelques rues plus loin mais je venais souvent par ici faire du vélo. Mon portable avait fini par vibrer dans la poche de mon trench et je l’avais sorti, les sourcils froncés. Jérémie semblait avoir quelques minutes de retard et je fus presque soulagée de voir son nom s’inscrire dans les messages reçus :
Bonjour Alexis. Je suis désolé mais j’ai un empêchement, je ne pourrais pas honorer le rendez-vous d’aujourd’hui.
Un peu surprise et carrément perplexe, j’avais relu le message une seconde fois tandis qu’un bruit de moteur raisonnait dans la rue. Il me plantait comme ça ?! Avec du retard en plus ?! Et il manquait pas un bout du message non plus ? A le lire, rien n’était annulé pour autant, il précisé juste que ce ne serait pas lui qui me ferait la visite. Mais alors qui ? Mon cœur avait loupé un battement à la seconde même où la question m’était passé par la tête, recevant par la même occasion la réponse comme une évidence. Avec une certaine appréhension, j’avais levé les yeux en direction de la voiture qui venait de s’arrêter devant la maison et qui coupait désormais son moteur. Cette voiture, je la connaissais plus que bien, parmi certaines autres :
— Oh non, putain, c’est pas vrai...
Je l’avais marmonné pour moi avec une mine dégoûtée tandis que je voyais Erwin sortir de la voiture pour s’approcher de moi, tout sourire. J’allais le tuer. Pas lui. Mais Jérémie. C'était quoi qu’il avait pas compris dans “il ne doit pas le savoir ?” j’avais pourtant pas l’impression qu’il y avait un mot qui risquait d’empêcher sa compréhension. Me forçant à sourire j’avais tout de même précisé après avoir observé un regard circulaire sur la rue 1- pour tenter de m’enfuir 2- pour m’assurer qu’il n’y avait pas d’oreille indiscrète.
— Erwin ? Qu’est-ce que tu fais là ?
Comme si je ne savais pas ce qu’il faisait là... saleté de Jérémie.
Erwin Dorian
« If the crown should fit, then how can I refuse? »
| Avatar : Rufus Sewell
- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)
| Conte : Coeur de Princesse/Le Prince et le Pauvre | Dans le monde des contes, je suis : : Preminger
“Money is the anthem of success So before we go out What's your address?"
Erwin Dorian Preminger appréciait s'écouter et surtout parler lui-même. Il adorait tellement ça, qu’il ne remarqua qu’après une demi-heure d e conversation - potentiellement requalifiable en monologue - que Midas, son fidèle ancien chien qui l’écoutait ordinairement comme le bon public admiratif qu’il était, avait l’air absent. Ce trait de lucidité s’expliquait par la connaissance profonde que l’Ancien ministre possédait de son ancien caniche et la considération suffisante qu’il lui portait pour prendre la peine d’étudier réellement son état. Il poursuivit un temps sans l’objecter, souhaitant encore continuer dans la description admirable de son début de journée, puis claqua soudainement la langue agacé :
- « Es-tu avec moi ? Ce n’est pas l’impression que tu me donnes... »
Son associé avait secoué la tête, visiblement soucieux de se débarrasser de la mauvaise impression qu’il venait d’offrir.
- « Non… Je t’écoute. Je trouve ça formidable ! Formidable vraiment... » - « Mais ? »
Preminger l’avait toisé avec une hostilité dénuée d’agressivité. A vrai dire… Midas ne lui cachait rien. Leur relation était dénuée de mensonges. Parce que son chien l’avait accompagné à chacun de ses pas, de ses manigances, de ses rages et ses envies, il lui paraissait naturel d’observer encore à présent le même comportement à son égard quand bien ce dernier était devenu humain. Il finirait donc par cracher le morceau. Seul le fait qu’il prenne autant de pincettes lui laissait présager une nouvelle désagréable qu’il ne savait pas comment annoncer..
- « Je t’écouuuuute ! » insista-t-il grincheusement en fronçant les sourcils comme pris d’un doute subitement horrible « Ma veste est tâchée ? Oooooh CIEL NON ! »
Sans lui laisser la moindre occasion de le démentir, il s’était levé précipitamment catastrophé, pestant déjà contre la malchance détestable, le sort injuste du temps, cherchant la mine défaite la tâche qui aurait pu se soustraire à son regard pourtant si affuté.
- « Non ! Non ! Il n’y a aucune tâche… » Midas avait suivi son mouvement, les bras agités et ajouta à la hâte comme pour s’en débarasser…. » Je me demandais juste si...ta relation avec Alexis Child avançait bien ». - « Oh… ça … ? » Il s’était rassit aussi sec, avançant les lèvres dans une moue presque déçue… « Ca servait bien de faire un esclandre !… Tout va bien. Mais tu le sais, je te dis tout non ? »
Ses yeux s’étaient relevés, à la limite de la méfiance et de l’incompréhension. Il ne comprenait pas. Midas était passionné par sa vie, cela était un fait. Il avait notamment suivi toute la rocambolesque disparition puis réapparition de sa maîtresse, les pouvoirs retrouvés, les retrouvailles, leurs moments. Même ce qu’il ne disait pas, il savait que son chien le savait, ce qui avait l’avantage de lui épargner de détailler à outrance tout le cheminement de sa pensée… Alors pourquoi ? Tentait-il de le titiller gentiment ? Allait-il lui reprocher sa liaison en se plaignant du manque de temps qu’il restait à lui consacrer ? Il adoptait déjà cette discrète mais ridicule jalousie à l’encontre de l’amitié qu’il partageait avec ce cher Aloyïsius…..Pitié qu’il ne l’étende pas à Alexis à présent… Certes, il appréciait la compagnie de la jeune femme et profitait de davantage de moments en sa compagnie depuis son retour mais ça n’était pas une raison.
- « Oui ce n’est pas ça… C’est…. » son chien avait ouvert la bouche, découvrant par une mimique contrariée la dent en or signe de sa vie passée puis avait ajouté en pinçant les lèvres, dans un filet rapide ne laissant place à aucune contestation « elle est venue me voir ce matin à l’étude. Elle avait pris un rendez-vous pile à ton horaire de sortie. Pour une recherche immobilière. Dans le quartier Nord. Elle m’a spécifié que tu ne devais rien savoir, pour… » - « C’est une plaisanterie ? Une recherche immobilière ? »
Il avait rapidement levé la main pour empêcher et décourager Midas de se lancer dans une discussion et dialogue des plus stériles, tandis qu’il fouillait dans ses méninges. Il était évident qu’Alexis ne l’avait pas évincé en considérant Midas comme meilleur, il aurait fallu être aveugle pour s’écarter de lui. Une recherche immobilière. Leur relation était au beau fixe ! Il avait été satisfait de la retrouver et elle… en aurait-il pu en être autrement ? Quartier Nord… Le sien. Le quartier habitait les plus belles demeures de la ville le gratin de la haute société storybrookienne y possédait ses quartiers. Dont lui. Un sourire vint à naître sur ses lèvres colorant son visage soudainement enthousiaste ! Évidement ! Il claqua des mains avec joie, tandis qu’un rire naissant s’arrachait de sa bouche :
- « Oh mais évidement ! Oh Midas peux-tu le croire ? J’adoooooooooore Alexis, n’était-elle pas délicieusement rêveuse en envisageant sérieusement d’emménager avec moiiii ? C’est tellement adooooorable ! Et de me l’offrir en plus, quel trésor ! » il continua à battre des mains d’un air extatique et poursuivit « Bien sûr, il n’en n’est pas question. Elle devrait le savoir pourtant, cette petite entêtée ! » commenta-t-il d’un sourire entendu, avec indulgence « Je lui ai dit que je ne divorcerai pas… Ma Couronne est en jeu tout de même ! Mais… N’est-ce pas adorable, Jérémie, toute cette fougue amoureuse ? C’est une merveilleuse projection dans le futur de sa part, c’est très très bien. Ahlala, cette petite tempête… Et en plus en voulant me faire une surprise ! Je t’avoue que je préfère que tu m’en parles. Imagine ma réaction sinon, tu as bien fait, très bien fait, oui. Je pense qu’elle n’aurait pas apprécié mon hilarité ! Mais pourtant le geste est excellent ! Que n’est-elle pas prête à faire pour arriver à ses fins ! Je t’avais dit qu’elle était fourbe ! Oh mais nous allons jouer le jeu, Jérémiée ! ET COMMENT ! - « Ah vrai dire je ne suis pas très sûr que… » - « Balivernes ! » il rejeta les observations tempérées de son caniche d’un revers de main insignifiant « Pourquoi le prendrait-elle mal ? Je vais lui montrer l’exaaaacte vie que j’exige au minimum, cela la ferait acheter quelque chose de bien plus...agréable que son studio misérable et je lui re-expliquerai ensuite qu’il n’est pas question que j’envisage de vivre pleinement et à plein temps avec elle. Mais dans une belle demeure, elle aura l’impression de le faire car tout ce qui est sublime se rapporte à MOIII. Ce sera une bonne journée. Oh oui, une mémorable journée! J'ai hâte! Hâte d'y être! Quand doit-elle visiter ? » - « Je... » - « QUAND... »
Jérémie avait émis un petit soupir de capitulation puis avait levé les mains : - « Mardi 24 mars.. J’ai déjà commencé à sélectionner les maisons... » - « Parfait ! Montre-moi donc cela, je suis sûr que tu es resté bien trop…. Sage. Mettons le paquet. Je veux du clinquant, du luxe, je veux être époustouflé… ! Il s’agit de mon cadeau ! Je t’avoue vois-tu que je suis épaté. Elle sait ce qu'elle veut, j'apprécie... Je ne la pensais pas...si aventurière. Mais l’aventure dans notre futur a du lui donner des envies. »
Il avait sourit. Il y pensait souvent. A tout ce qu’il avait vu là-bas, ce qui serait, s’il trouvait la voie qui l’ouvrait, et qui serait son Futur. L’avait décortiqué au calme étape par étape, l’exaltation du moment retombée, classant reclassant les informations minimes voir conséquentes qu’il y avait apprises. Alexis avait du faire de même. Le Tableau l’avait tellement enthousiasmé qu’elle n’avait pu qu’avoir envie de l’épater à un degré équivalent. Cela et le fait de lier leur relation. Il trouvait cela réellement attendrissant. Elle était si désireuse de sa présence qu’elle s’enfonçait dans un rêve qu’elle tentait de rendre réel. D’une certaine manière, cela lui donnait envie de lui accorder une parcelle de ce qu’elle sollicitait. S’il la laissait prendre la maison, elle y verrait une avancée. Et ça en serait une. Au moins, pourraient-ils passer du temps dans un endroit qui correspondait bien plus à son standing...à leur standing. Il le voyait bien, sa présence, son exigence esthétique naturelle réveillait les instincts que la jeune femme dissimulait habituellement et inconsciemment sous une modestie normée. Mais lui voyait au-delà. Lui, lui enlevait et lui enlèverait les couches superflues que la morale la forçait à revêtir, pour la révéler. Ce serait une belle journée. Il avait déjà hâte ! Bondissant sur ses pieds, il désigna son bureau d’un doigt ;
- « D’ailleurs ne perdons pas de temps ! Ton rendez-vous approche, je veux étudier l’ensemble des annonces immobilières que nous avons. Allez, apporte-moi notre registre…. »
Midas s’était levé avec plus de mauvaise grâce à l’ordinaire. - « Je continue à penser que tu ne devrais pas… Et si ce n’était pas ce que tu penses ? »
Pour toute réponse, Preminger avait relevé les yeux vers son chien rieur :
- « Mais cesse donc de te torturer les méninges ! Que voudrais-tu que ça soit d’autre ? Penses-tu qu’elle tente de me quitter ? » il l’avait proféré en retenant un fou rire « Tu vois ? Tu t’angoisse pour rien. Cesse-donc…de ronger ton os. Sinon, je vais VRAIMENT commencer à considérer que ce cher AloyÏsius est plus divertissant et qu’au moins LUI n’affiche pas cette mine renfrognée en permanence. » Il avait ponctué sa phrase d’un rire railleur, s’amusant de la mine vexée de Midas. Puis, contournant le bureau, il lui tapota le torse avec détachement puis passa son dos, en lui attrapant les épaules : « Tu sais bien que je plaaiiisaaaaante ! Bon, tu me ramènes ces dossiers ? »
Et ils l’avaient fait, dégustant un verre de vin rouge, si bien que son caniche avait fini par se détendre à son tour. Ils devisèrent vite à prendre goût à observer les maisons, les critiquer étant la spécialité de Preminger. Il avait toujours eu l’oeil affuté pour le détail, le défaut. Une fois perçu, il ne voyait que ça. L’imperfection le hérissait comme une saleté nécessitant une dissection détaillée de la médiocrité. Jérémie s’amusait de ses traits d’esprit, y participait et peu à peu dissipait ses doutes. Ou les dissimulait mieux. Ou Preminger ne les percevait à nouveau plus, l’esprit trop occupé à plonger dans cette surprise, à imaginer la scène à la vivre. Oh il lui faudrait un nouveau costume, il lui faudrait une arrivée en fanfare, il lui faudrait aussi…..
24 Mars 2021
Une superbe Rolls Royce se gara dans l’allée jouxtant la rue principale du quartier Nord. Dans un sourire éclatant à son miroir, il sortit pourtant du cadre pour récupérer les trois dossiers déposés sur le siège passager. Les trois maisons sélectionnées selon les divers critères de Mademoiselle Child. Trois maisons possédant chacun leurs qualités propres. Après tout, il connaissait aussi ses goûts. Il voulait que la maison lui ressemble suffisamment pour qu’elle puisse s’y projeter la plupart du temps seule. Qu’elle possède le charme simple et élégant, quelque peu naturel qui s’accordait avec la libraire. Le côté champêtre qui s’éloignait de celui du notaire mais qui se conjuguait avec un raffinement racé. Un bien à l’âme romantique, paisible….mais chic. Un lieu qui possédait du cachet et une histoire à raconter. Une histoire à vivre aussi. Elle serait sensible à ça. Et c’était ce qu’il lui avait dégoté. Chaque lieu possédait son charme, son style, son éventualité, chaque maison n’attendait qu’’elle. Restait à présent la primauté du Choix. Satisfait, il ouvrit la portière. Elle était déjà là. Non loin de l’entrée de la première maison, silhouette hésitante et ravissante d’ailleurs. Il ne lui connaissait pas cette robe mais se félicitait de la découvrir. Un peu surannée mais sa taille voluptueuse lui rendait hommage. En apercevant la voiture, l’allure de la jeune femme s’était raidie, l’incitant à sortir d’avantage, une paire de lunettes de soleil juchée sur le haut de son nez… Voilà qui s’annonçait parfait ! Plaçant les dossiers sous son bras gauche, il leva l’autre pour agiter joyeusement la main dans sa direction, entreprenant de vite rompre la distance en eux :
- « Mademoiselle Chiiiiiiiiiild ! Mais...quelle….SURPRISE….PARTAGEE ! » s’écria-t-il, en ôtant ses lunettes arrivé à sa hauteur, prenant garde néanmoins à s’arrêter à une distance respectable de celle qui ne l’attendait pas.
La mine circonspecte d’un animal pris en faute la rendait incroyablement et adorablement désirable mais la rue était pleine de témoins, il ne pouvait pas risquer quoique ce soit. Aussi, malgré l’envie, il ne l’embrassa pas, se contentant de poser sa main sur le haut de son dos, lentement, s’autorisant un contact prolongé sur le tissu. Il appuya un peu sa prise pour mieux lui désigner de l’autre, dossiers en main, l’accueillant jardin qui se dressait devant eux :
- « Y allons-nous ? La première demeure de votre visite du jour se trouve juste derrière ce jardin. Croyez-moi, vous n’allez pas être déçue…. ! » s’exclama-t-il en l’incitant doucement à avancer avant de murmurer plus bas, profitant d’une marche à gravir pour glisser « Je crois que le notaire que tu avais demandé a rencontré un...empêchement de taille. Mais ne disconviendra pas que tu ne perds pas au change...Avance, allez Trésor !!! »
Poussée par son impulsion, elle avait franchi la porte qui donnait sur le jardin. L’allée desservie par des arbustes bordait une splendide demeure victorienne à la façade immaculée. Quelques marches permettait d’accéder à un agréable petit porche spatieux. Cela lui plairait, assurément. Bien qu’il devinait son état de panique et de déception quant au capotage de la « surprise », il ne parvenait pas à ne pas à l’inverse s’en enchanter. Au contraire tout était parfait. Du splendide costume bleu acier qu’il avait revêtu le relevant d’un foulard de soie violet, au soleil qui luisait dans l’allée, à l’odeur des fleurs en floraison. Quel cadre magnifique. Son choix se porterait-il sur celle-ci ? Cela se pouvait…
- « Voyez-vous ce jardin, Mademoiselle Child ? C’est le paradis sur Terre. Un lieu où vous et l’unique élu de votre coeur pourrez, dans vos rêves les plus merveilleux, réunir toute la société mondaine de la ville en ne créant que des envieux. Imaginez les franchir comme nous venons de le faire l’entrée pour apercevoir cette entrée superbe. Une plongée dans le bucolique... Mais aussi...lorsque vous vous sentirez d’humeur plus solitaire, plus méditative, vous pourrez profiter du porche pour lire à l’abri du soleil sans pour autant ne pas profiter de sa lumière. Admirez donc ce perron ? Ne donne-t-il pas envie de découvrir ce qui se cache à l’intérieur ? »
Il gravit les marches rapidement, sautillant presque pour se retourner théâtralement, se penchant pour lui tendant la main :
- « Je vous aide à monter peut-être ? Si Mademoiselle veut bien se donner la peine… » il attendit qu’elle glissa sa main douce dans la sienne pour impulser son mouvement, la rattrapant un peu par la taille à l’arrivée du haut comme pour empêcher une chute, alors il tourna son visage vers elle, fouillant un peu ses expressions troublées « Je ne vous lâcherais pas. Et Je lui promet une découverte palpitante...Au bout…de cette clef... » il avait sorti l’objet de sa poche et l’exhiba sous le nez de sa compagne, reculant dans un sourire lumineux. « Prête ? Excitée ? »
Dans un ricanement entendu, il introduisit la clef dans la serrure puis fit appuya sur la poignée, se reculant pour engager la jeune femme à pénétrer avant lui dans la maison :
- « Je vous en prie, entrez… Faites comme chez vous... » un rire joyeux égraina sa phrase’.
Il s’amusait comme un fou. Tout était si parfait. Elle se détendrait. Après tout, elle n’avait pas de quoi être déçue. Après tout, il lui servait sur un plateau ce qu’elle désirait tant et touuuut ce qui convenait à ses goûts…Il contribuait à sa surprise la rendant plus marquante ! Elle passa devant lui et il la laissa évoluer dans les volumes que desservaient le hall. Une lumière vibrante traversait les fenêtres se reflétant sur le parquet, améliorant l’endroit.
- « L’endroit est spacieux. Il y a une bibliothèque aussi. Pour le cas où vous seriez avec un homme de goût, friand de lecture, un intellectuel. Les étagères sont en acajou, il adorerait. Et je vous invite à avancer voir le séjour, la cheminée est en marbre blanc, une pure beauté. Imaginez vous avec l’homme qui a volé votre coeur, le soir, Mademoiselle Child, je suis persuadé que cela lui plaira...Qu’il s’y sentira...chez lui. » Il glissa les distances pour la rejoindre soudain, l’enlaçant par derrière , embrassant son cou tendrement « Ce n’est pas très approprié pour une cliente…mais...disons que c’est une des raisons pour laquelle il est préférable que ces visites soient effectuées par moi. Tu n’es pas d’accord...petite cachottière que tu es… ? »
Il avait éclaté dans un fou rire contenu, pour mieux passer devant elle extatique:
- « Tu es très en beauté d’ailleurs. Une des maisons que nous verrons suit parfaitement. Mais chacune peut convenir. Tout n’est qu’une question de projection.. Tu n’es pas d’accord ? » Il contempla sa mine gênée avec un rictus satisfait décrétant « Ne me fais pas ses yeux là, tu devrais savoir qu’on ne peut rien me cacher. Même lorsque les deux complices tentent de le faire avec la meilleure volonté du monde. Jérémie était lui-même des plus dépité. Je crois qu’il m’en veut puisqu’il a tenté de m’en dissuader mais il ne peut s s’en prenne qu’à lui même… Il est d’une telle maladresse et son bureau est une véritable tornade. J’ai cherché un dossier une fois pour le dépanner en rendez-vous, j’ai du fouiller et c’est ainsi que j’ai découvert….votre petit secret….. » sa main s’était posée sur son bras. Il la fit remonter jusqu’à son visage, touchant sa peau « Je pourrais être vexéééééé de ne pas être convié à ces petites intrigues, mais ça n’est pas le cas. Vraiment. Je trouve ça adorable que vous vous appréciez autant et que vous soyez déjà prêts à vous entendre pour organiser…. » il cessa un bref instant le contact de la peau de la jeune femme pour désigner d’un geste vaporeux les lieux « …. Tout ceci… » Il se pencha pour embrasser les lèvres d’Alexis, disposant d’un baiser tendre et audacieux, pour s’en écarter ensuite, reculant d’un pas « Mais pas trop de diversion, néanmoins… Ne nous dispersons pas… Après tout tu es là pour la visite… Et nous avons trois maisons à découvrir ! Par quoi préfères-tu commencer ? Le haut ? Le salon ? Tu veux en connaître le prix peut-être? »
Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »
| Avatar : Kaya Scodelario
Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...
“Ainsi va le monde ici-bas. Le temps emporte sur son aile Et le printemps et l'hirondelle, Et la vie et les jours ..." Gagnés
J’étais comme anesthésiée et lui de son côté, il était surexcité. Se doutait-il de quelque chose ? Sûrement. Mais pas de la bonne chose à en voir sa bonne humeur apparente, ce qui me raidissait d’autant plus et me faisait paniquer. J'avais senti sa main se poser sur le haut de mon dos, son maintien prolongé qui n’avait plus rien de professionnel bien qu’aux yeux de personnes traversant la rue à ce moment précis, rien ne laissait présager la double relation que nous avions alors. Puis son appui s’était fait plus intrusif, plus insistant, me coupant presque instantanément le souffle tandis qu’il me poussait à le suivre malgré moi dans le jardin. J'aurai voulu annuler, lui dire que je reviendrai alors avec Jérémie quand il serait disponible, sans lui, mais je craignais que cela ne fusse pas possible. Déjà parce que j’étais persuadée que l’autre notaire m’avait complétement trahie et ensuite parce que je connaissais désormais Erwin que trop bien sur ce plan : s’il avait décidé d’être là, rien ne le ferait changer d’avis et il trouverait un moyen de s’immiscer d’une façon ou d’une autre. Si je trouvais ça drôle la plupart du temps, je sentais cette fois-ci une colère sourde monter en moi que je tentais pourtant de maîtriser. La même colère que celle que j’avais ressenti à Paris après notre première danse, cette impression qu’il forçait délibérément la porte de mon intimité jusqu’à ce que je cède, aussi violemment et à la fois sournoisement, que cela lui était possible. Une violence qui me mettait hors de moi, parce qu’elle était moins visible qu’un bon coup d’épaule pour enfoncer une porte. Elle ressemblait bien plus à un crochetage de serrure, je ne pouvais rien faire d’autre que d’attendre terrée dans un coin qu’elle cède. Et ce qui m’énervait le plus en cet instant-là, c’est que comme à Paris, je me rendais compte que son culot fonctionnait, que je n’étais pas mécontente au point de le repousser sincèrement. Si je le faisais, il y aurait une once d’hypocrise, comme l’avait montré la nuit que nous avions passé, comme le montrait mon regard que j’avais commencé à balader sur le jardin plutôt que de faire demi-tour et m’en aller.
— Je crois que le notaire que tu avais demandé a rencontré un...empêchement de taille. Mais ne disconviendra pas que tu ne perds pas au change...Avance, allez Trésor !!!
— Laisse-moi en juger à la fin des visites que je ne perds pas au change, tu veux ? Si j’avais demandé Jérémie, c’est qu’il y avait une bonne raison...
Je l’avais prononcé avec une voix aussi élevée que la sienne, pour être certaine de ne pas faire de vague, mais le ton froid et énervé que j’avais employé ne pouvait pourtant pas le tromper. Imperturbable, il avait commencé à me faire l’explication du jardin et j’avais tenté de faire abstraction de la personne qui me le présentait pour l’observer avec un œil avisé. Erwin ou pas Erwin, je me devais d’être concentrée pour véritablement voir le potentiel de chacune de ces maisons... donc celle qui serait bientôt la mienne. Je devais bien avouer qu’il avait raison, le jardin était magnifique, quant au porche, j’avais toujours rêvé d’en avoir un. Le style victorien était un de mes style d’architecture préféré et je me voyais déjà effectivement lire à cet endroit avec uen limonade lors des soirées d’été. La première partie de sa phrase m’avait pourtant fait tiquer et maintenant qu’il s’était tut, j’y revenais tout à fait. “Vous et l’unique élu de votre cœur". Pourquoi ce besoin de préciser “unique”... pour montrer qu’il parlait de lui ? Il envisageait d’emménager ? Mon cœur avait loupé un battement avant de battre soudain beaucoup plus vite. Un sentiment étrange s’était soudain emparé de moi, à mi-chemin entre la panique et l’envie. La panique car je ne me sentais pas du tout prête à vivre avec quelqu’un entièrement dans ma vie. L’envie parce que je commençais brusquement à me dire que si j’étais un jour prête à le faire, c’était sans doute avec lui. Avait-il décidé de quitter sa femme ? Comme pour palier au trouble, j’avais pris quelques secondes pour m’avancer seule dans le jardin, l’observant attentivement. Ça ne collait pas. C’était sans doute un Espoir vain. Ce ne pouvait pas être ça. S’il était surexcité, ce n’était sans doute pas à l’idée de m’annoncer qu’il voulait vivre avec moi et si cette décision venait entièrement de lui, alors dans ce cas, il ne m’aurait pas offert de visite, il m’aurait simplement montré la maison qu’il désirait. Erwin n’était pas vraiment quelqu’un de partageur. Il m’arrivait de contourner sa rigidité avec un peu de patience et de bons arguments mais s’il se lançait dans un plan ou un projet, il me présentait généralement le plan fini de sa volonté, par un trio de choix...
On allait dans le mur. J’avais enfin percuté en l’observant au loin. Il avait les yeux tellement brillants que je les voyais comme si j’étais à quelques centimètres de lui. Non. Il ne voulait pas emménager avec moi. Il pensait sans doute que JE voulais emménager avec lui. Et d’un coup, tout collait mieux, l’envie de se mêler de tout, la joie débordante, la lueur d’envie quelque plus grivoise que j’avais vu dans ses yeux tandis qu’il avait retiré ses lunettes de soleil. Prenant conscience de ce qui se tramait, je l’observais droit dans les yeux, dans une position qui devait à peu de chose près rappeler la biche observant des phares de voiture avant de se faire percuter de plein fouet. Brusquement, je m’étais mise à prier tous les dieux possibles : tout mais pas ça. Tout mais pas ce quiproquo.
Je l’avais rejoint, posant ma main dans la sienne à regret tant la situation en devenait gênante. Bien que refusant de rompre le contact visuel, j’avais l’impression que son regard était prêt à me brûler entièrement. Je l’avais senti m’attirer avec force vers le haut du perron, me faisant perdre l’équilibre par la même occasion et sa main vint me rattraper à la taille avec une telle aisance que je ne pouvais pas faire autrement que de savoir qu’il l’avait fait exprès. Serrant les dents je m’étais dégagée de sa prise tandis qu’il s’agitait avec les clés :
— Oui j’avais cru comprendre que tu ne comptais pas me lâcher, en effet...
J’étais alors entrée dans un hall spacieux où se présentait sur le côté gauche du mur un grand escalier qui menait à l’étage. Une arche à droite permettait d’apercevoir le salon tandis qu’Erwin poursuivait son discours sur la maison. Il s’enfonçait de plus en plus dans son rêve incensé et je ne savais plus comment l’arrêter. C’était comme être allongée ligotée sur les rails d’un train et de le voir au loin s’approcher à une vitesse folle. J’avais fait un pas en avant pour observer la cheminé dont il parlait et qui, je devais bien l’avouer, était effectivement magnifique. Ce que je prenais pour un salon devait sans doute plus s’apparenter à un coin détente avec effectivement une grande bibliothèque et une luminosité à couper le souffle.
— Effectivement, je n’ai aucun doute à l’idée que la cheminée puisse lui plaire, quant à la bibliothèque, même s’il aura sans doute peu d’occasion d’y goûter, elle sera parfaite pour la libraire que...
Il m’avait coupé dans ma première tentative de lui faire comprendre que je ne comptais pas lui demander d’emménager lorsque j’avais senti ses mains se poser sur ma taille. Dans un sursaut effrayé, j’avais agrippé ses poignets pour l’empêcher de continuer son investigation jusqu’à mon ventre et mon bas ventre, qui bien que toujours aussi discret avait un rebondi nouveau qu’il n’avait alors jamais eu. Mais ni mes mots ni mon réflexe n’avait semblé entaché son humeur, bien trop concentré sur ce qu’il me disait plutôt que sur mes réactions, comme à chaque fois qu’il s’emballait. J’avais senti sa tête s’immiscer jusqu’à mon cou et bien que toujours aussi raide, je l’avais tendu pour lui faciliter la tâche, sentant son désir dans son baiser tendre qui échauffait légèrement le mien par la même occasion. Concentrée. Il fallait que je reste concentrée.
— Ce n’est pas très approprié pour une cliente…mais...disons que c’est une des raisons pour laquelle il est préférable que ces visites soient effectuées par moi. Tu n’es pas d’accord...petite cachottière que tu es… ?
J’avais senti son souffle sur ma peau, sa voix vriller à mon oreille tandis qu’il me lâcher pour me faire face :
— Disons que je ne me laisse pas non plus toucher de la sorte avec tous les notaires, tu aurais très bien pu rester dans ton bureau, il n’y avait aucune crainte de ce type à avoir.
Il avait enchaîné de son côté sur la projection, l’avenir. Oui... effectivement... il y avait tellement de chose à dire à ce sujet. Je vivais un cauchemar. Ce n’était déjà pas évident de lui avouer ma grossesse, il fallait en plus lui ajouter la désillusion de ce qu’il s’était stupidement mit dans la tête. Sans déconner, je n’avais jamais le droit à une trêve sinon ? C’était quoi comme épreuve ça ? Le boss final ? Après tout irait mieux ?! Cela avait d’ailleurs dû se voir à mon regard car il ne manqua pas de le relever. Il y avait au moins une bonne nouvelle dans toute cette histoire : Jérémie ne m’avait pas trahie. Il s’était contenté de laisser traîner quelque chose et Erwin avait fini par le trouver... Il aurait dû mieux connaître son ami mais le fait de savoir qu’il avait tenté de le dissuader de faire cette folie me faisait du bien. Même si j’aurai préféré qu’il réussisse son coup. Soupirant, j’avais fini par lever ma main avec douceur vers la joue de mon amant en l’observant dans les yeux. La posant avec douceur, sans bouger, je recentrer son regard vers le mien :
— Calme-toi. S’il te plaît. Tout est... trop. Laisse-moi deux minutes, d’accord ?
J’avais penché ma tête en avant, me mettant sur la pointe des pieds pour que mon front se pose contre le sien. C'était quelque chose qu’il avait souvent fait par le passer, dans un moment tendre, un moment d’apaisement ou de réconciliation. Il l’avait tellement fait que j’avais fini par me l’approprier à mon tour et petit à petit, c’était devenu en quelque sorte “notre truc” quand il s’agissait de nous canaliser. Prenant une longue inspiration, j’avais fini par me reculer pour prendre une posture plus droite, plus professionnelle. Je ne l’avais pas lâché des yeux mais ma voix était plus calme, moins tendue quand je l’avertissais alors :
— Je te l’ai dit, si j’ai demandé à Jérémie de m’aider plutôt que toi, c’est qu’il y avait une raison. A force de fouiner dans ce qui ne te regarde pas, tu finis par t’attirer des ennuis, crois-moi je sais de quoi je parle.
Je l’avais regardé d’un air soutenu, faisant bien entendu référence à Crafty, ce type ignoble qui nous avait néanmoins permit de nous rencontrer.
— Mais tu es là... alors tu as raison, faisons ce pourquoi je suis censée être là : une visite. Je veux bien le prix en premier, histoire de voir ce qui colle à mon budget plutôt que de me faire des faux espoirs pour me taper une douche fois en fin de visite.
Le budget était un tout petit peu plus élevé. J’avais grimacé en le voyant, lui précisant qu’ils avaient un peu tapé à côté. Mais c’était encore supportable en soit. Il allait sans doute falloir s’asseoir sur quelques trucs qui jamais je voulais l’avoir mais j’étais encore prête au sacrifice. Nous avions ensuite commencé par le bas de la maison, qui correspondait somme toute à ce que j’avais demandé et même plus. Je n’avais pas demandé à avoir deux coins détente, l’un avec un véritable salon et l’autre avec une bibliothèque mais je devais avouer que le lieu me ravissait. Avait ensuite suivi la grande cuisine équipée, la salle à manger, la buanderie et la véranda. Après quelques photos et un hochement de tête entendu, nous étions montés à l’étage et tandis que je gravissais les marches, je récapitulais :
— Bien. De ce que j’ai vu, il manque encore le bureau que j’espère trouver à l’étage, ainsi que deux chambres minimums et une grande salle de bain, on est d’accord ?
C’était effectivement ce que j’avais trouvé à l’étage. En plus des toilettes séparées du bas, j’avais le droit à une très belle salle de bain avec douche ET baignoire comme je l’avais bien spécifié. Il me fallait absolument un bain pour pouvoir laver mon enfant dans les premières années de sa vie. Le bureau était suffisamment grand pour me permettre d’y ajouter une chambre d’ami et les deux chambres étaient parfaites. Je constatais même d’ailleurs avec surprise qu’il y avait une troisième chambre qu’Erwin m’avait dépeint comme un potentiel dressing. Ce qui m’avait le plus bluffé dans l’idée, c’était que si la chambre parentale était non équivoque, la seconde chambre était, bien que de belle proportion, plus petite, comme parfaite pour un enfant. Une fois de plus, mon cœur avait loupé un battement. Jérémie avait-il compris la raison de mon déménagement ? L’avait-il annoncé à Erwin ? Était-ce finalement pour cette raison qu’il était dans cet état ? Était-ce seulement possible ? Je devais bien avouer qu’à mesure que le Temps passait, je m’y perdais.
Nous avions fini la visite et j’avais gardé cette maison dans un coin de ma tête. Après un dernier regard pour l’intérieur pendant qu’Erwin refermait tout et plus précisément la porte arrière qui menait vers un autre jardin que j’avais demandé, j’étais ressorti dans la rue pour observer une dernière fois l’extérieur de la maison. D’un geste de la main, il m’avait montré sa Rolls Royce. Je n’étais encore jamais montée dans celle-ci. J’étais redevenue très professionnelle, montant dans la voiture comme si j’étais montée dans celle de Midas ou du simple notaire qu’il aurait dû rester et qu’il serait peut-être resté sans Paris. Une fois les portières refermées, il avait fait vrombir le moteur avant de démarrer en trombe et j’en avais profité pour me détendre un peu, posant un court instant ma main sur la sienne, posée sur le boitier de vitesse.
— Je l’aime bien celle-ci aussi... je suis jamais montée dans une Rolls. Un peu tape à l’œil quand même, non ? Surtout pour une simple visite... t’amène souvent tes clients dans ce genre de voiture en visite ?
Je m’étais tournée vers lui avec un sourire mutin. Même si j’avais un goût prononcé pour ce qui avait de la valeur, je ne partageai pas entièrement son goût du clinquant. J’avais profité de la bulle que nous offrait le véhicule pour reprendre :
— Tu m’énerves quand tu tentes de reprendre le contrôle sur ma vie comme ça, tu le sais ça, non ? Je n’ai rien à te cacher mais j’ai aussi le droit à mon jardin secret. Je te l’aurai dit tôt ou tard pour mon déménagement mais j’étais juste pas pr...
Oui, non je n’étais clairement pas prête à la maison qui m’attendait ensuite. Enfin, si on pouvait appeler ça une “maison”. “Mini château” aurait sans doute était plus juste. La voiture s’était garée devant un grand portail qui laissait apercevoir derrière une longue allée et un grand jardin épuré à la française qui laissait apercevoir au loin un imposant manoir. Un peu abasourdie, j’étais alors sortie de la voiture pour l’aviser tandis que mon “notaire” ouvrait le portail. M’avançant dans l’allée, j’avais attendu qu’on soit suffisamment loin de la rue pour lui demander :
— Euh, vous êtes sûre qu’elle est dans mon budget celle-ci, tous les deux ? Vous avez cru que j’étais qui ? Crésus ? Quand je donne un budget, il est pas en option ou extensible hein... A moins d’un miracle, ça fait déjà deux fois que vous me faites le coup...
J’avais coulé vers lui avec un regard sévère et je sentis que mon sang ne faisait de nouveau qu’un tour en me rendant compte qu’il était de nouveau en proie à sa rêverie...
Erwin Dorian
« If the crown should fit, then how can I refuse? »
| Avatar : Rufus Sewell
- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)
| Conte : Coeur de Princesse/Le Prince et le Pauvre | Dans le monde des contes, je suis : : Preminger
“Money is the anthem of success So before we go out What's your address?"
Dire qu’Alexis ne partageait pas son emballement aurait été un euphémisme. Pauvre enfant privée de sa surprise ! Il comprenait. Lui aussi détestait lorsqu’on l’empêchait d’exulter… Sauf qu’on ne le faisait jamais. Puisqu’il parvenait toujours à ses fins. Et ceci expliquait cela. Il suffisait juste que sa maîtresse en prenne conscience… Bien évidement, elle boudait un peu mais au moins avait-elle l’exquis privilège de posséder la certitude que le bien lui plairait. Oh avec Midas aussi, évidement mais en là possédait-elle la chance de le visiter à ses côtés. Et puis… Il aimait gagner. Il adorait ça. Cela titillait davantage la victoire. ! De toute manière, elle ne traînait pas non plus excessivement les pieds. Il avait toujours le chic pour l’inciter à suivre son mouvement aussi vertigineux soit-il et aussi désabusées puissent être les remarques de la jeune femme parfois, il savait très bien qu’elle appréciait aussi, cette frénésie en lui. En attendant, il s’amusait donc follement. Déambulait dans les pièces, désignait les fenêtres du doigt, parlait analysait. Il se demandait bien ce qu’elle choisirait. Les trois étaient pensés pour lui plaire mais lequel exactement ferait mouche ? Il espérait le voir et l’aiguiller également. Le choix d’un vrai premier domicile faisait toujours peur, un premier pas dans l’âge adulte. Et cela expliquait son malaise, sa volonté de ne pas se laisser aller à trop de caresses. Il l’avait laissé reculer ses mains de sa taille, sans opposer de résistance, dans un ricanement joyeux. Il comprenait .Qu’elle parvienne déjà à s’intéresser à ces bâtiments était un bel exploit, mais cela s’expliquait en partie par sa volonté de lui faire plaisir. S’il forçait trop, elle risquait de ne voir plus rien d’autre que lui. Et il fallait avouer qu’il avait hâte de savoir quel bien lui convenait le plus selon elle ! Elle l’avait raillé, gentiment, et il avait rit légèrement à son tour, dans un haussement d’épaules désinvolte . Il savait qu’elle plaisait. Il était le seul notaire de la ville avec Midas de toute manière. Et il connaissait autant Midas qu’Alexis pour savoir la chose… impensable ! De toute manière, elle avait parfaitement compris. Mais cela faisait partie des choses qu’il appréciait chez elle, sa touche de légèreté relevée d’une pointe d’acidité. Alors qu’il parlait, elle avait déposé sa main contre sa joue, se hissant sur la pointe des pieds pour trouver son front, et il l’avait enlacé doucement.
— Calme-toi. S’il te plaît. Tout est... trop. Laisse-moi deux minutes, d’accord ?
Elle voulait se canaliser plus que lui. Pourquoi ? Elle prenait décidément ce cadeau bien trop à coeur, c’était adorable. Il ne répliqua rien, pour le moment, la laissant retomber un peu, puisqu’elle le souhaitait ainsi. De toute manière, il se savait bien suffisamment changeant pour regagner à l’envie sur humeur d’origine, momentanément éteinte. Elle, elle se chamboulait à trop vouloir bien faire. Il lui jeta un regard en biais « Pourquoi donc t’es-tu lancée dans une si grande entreprise, Trésor ? Te voilà si désoeuvrée à présent... » Tandis qu’elle se relâchait, il soupira lentement, laissant son front reposer contre le sien :
- « Trop beau. Non. Ne dis pas que tout est trop beau. Pas encore. Tu n’as pas encore vu le reste...Tu ne sais pas encore quel environnement me mettra le plus en valeur » il pinça les lèvres pour empêcher un ricanement de venir bouleverser tout le calme qu’il tentait de mettre en place puis ajouta « Tout va bien… Il ne s’agit que de choisir une maison parmi trois choix, déjà sélectionnés sur...tes...critères. Tu ne peux pas te tromper. Au pire, tu ne peux n’être satisfaite d’aucun mais ne te mets pas de pression inutile... »
Parce que c’était cela. C’était évident. A le savoir à ses côtés, elle craignait de s’orienter vers le choix qui le satisferait le moins… Tss… Mais tout le satisferait puisqu’il avait choisi. Il n’y avait pas de piège. Oh, il aurait du en ajouter un ! Oh non, mauvaise idée, si elle l’avait choisi, cela aurait été fort désappointant. Il l’avait laissée se reculer, plus calme, adoucie, relâchant de lui-même la prise d’entre ses bras, tandis qu’elle lui disait doucement :
— Je te l’ai dit, si j’ai demandé à Jérémie de m’aider plutôt que toi, c’est qu’il y avait une raison. A force de fouiner dans ce qui ne te regarde pas, tu finis par t’attirer des ennuis, crois-moi je sais de quoi je parle.
Cela n’avait attiré de sa part qu’un pouffement maîtrisé tandis que ses yeux brillaient :
- « Oh mais oui, une excellente raison, je n’en doute pas… Mais tout me regarde… En particulier lorsqu’il s’agit...de toi. C’est vrai que tu as une expérience ô combien particulière à partager » déclama-t-il sur la dernière partie de sa phrase avant de la lâcher complétement.
Sûrement fait-elle référence à Crafty, incroyable comme une si petite histoire pouvait marquer une personne ! Pour le peu qu’elle en avait vu… Il s’en félicitait toujours. Au final, elle avait gagné bien plus qu’elle n’avait perdu dans cette affaire ! Un jour, il comptait bien le lui apprendre, elle serait si stupéfaite de son talent ! Il y avait de quoi, il s’époustouflait lui-même quotidiennement. Et aujourd’hui n’échappait pas à la règle puisqu’il lançait la visite de son cadeau. Et puisqu’elle se prenait-elle même au jeu, quoi de mieux ? Il ne fallait pas lui dire deux fois. Mais puisqu’elle sollicitait dès le départ le budget, alors…. Qu’à cela ne tienne ! Il le lui donna, observant son expression. Le prix la dérangeait un peu visiblement, mais très chère, celle qui voulait l’enchanter devait mettre le prix ! Aussi avait-il entreprit de vanter tout l’aménagement, la cuisine équipée, la vue sur le jardin, le salon, le parquet. Elle l’aimait cet endroit. Il le sentait. Elle était d’époque, parfaitement maintenue dans son style d’origine et cela ne pouvait que faire mouche, oui. Il avait parié qu’elle y sentirait l’âme rêveuse, romanesque des lieux. On pouvait facilement s’y projeter, imaginer ses meubles, sa disposition tout en ressentant en même temps que ce qui en faisait le charme ne partirait pas mais s’y adapterait. Ils montèrent à l’étage, tandis qu’elle récapitulait à voix haute les diverses demandes.
- « Es-tu devenue une vraie femme d’affaire ou juste parce que c’est moi, tu aimes montrer que je ne t’amadouerai pas si je ne coche pas l’ensemble de ces critères ? » interrogea-t-il narquois, en lui jetant un coup d’oeil par dessus son épaule « Oui...Je sais. Qui aime bien châtie bien... »
Il avait dépeint l’étage comme le rez-de-chaussée, avec une méticulosité professionnelle où parfois l’emballement prenait le pas. Il avait désigné la salle de bain enthousiasme, satisfait d’avoir trouvé dans ses notes l’exigence d’une douche ET d’une baignoire. Effectivement, il affectionnait les deux et il DETESTAIT ne pas avoir le choix. Dans tous ses biens, il s’arrangeait pour disposer des deux, qu’elle l’ait noté était grandement satisfaisant. Il passa sur la chambre d’ami, le volume le dérangeait un peu. Midas avait trouvé cela très bien, avec la modestie qui le caractérisait mais pas Preminger.. Son chien méritait un peu plus que ce qui aurait pu être une vulgaire chambre d’enfants.. Mais il y avait cette cloison qui, à la rigueur, pouvait être abattue. Oui. C’était faisable. Il avait terminé la visite et l’avait entraînée à l’extérieur, tout guilleret qu’il était en cet heureux jour ô combien divertissant l’emmenant en voiture jusqu’au nouveau lieu de destination.
- « Oh oui elle est splendide ! Je pense que c’est ma favorite. Pour l’instant. » il changeait d’avis et se lassait très vite, mais pas tellement de celle-ci, elle était magnifique, assortie à ses couleurs, si bien que l’observation d’Alexis le surprit sincèrement « Tape à l’oeiiiil ? Oh je n’y vois rien d’ostentatoire pourtant ! Elle est seulement...très moi. Mais je vois ce que tu veux dire, exubérante et très sophistiquée par rapport au reste, c’est certain... » Il avait sourit avec indulgence puis ajouté « Oh oui. Pourquoi non ? Pas celle-ci, j’ai peur qu’ils la rayent. Les gens sont si malhabiles. Mais tout de même, je ne vais quand même pas louer une voiture pour pouvoir les emmener. Sinon j’espace les visites à des journées différentes et ils viennent par leurs propres moyens. »
Il lui avait tourné un sourire entendu puis avait levé la main qu’elle avait déposé sur la sienne pour la porter à ses lèvres, avant de manoeuvrer pour se positionner devant une grande bâtisse. Alexis en avait même suspendu sa phrase sous le choc. Et il y avait effectivement de quoi. Sans mentir, la demeure était des plus opulente. Il dégrafa sa ceinture, ouvrit la portière et sortit, remettant momentanément les lunettes sur son nez, désignant la maison qui s’étendait devant eux avec enthousiasme :
- « Splendiiiiide devanture non ? Pour ma part, je la trouve admiraaaable ! » s’exclama-t-il en ouvrant le porche, il la laissa passer, remontant l’allée tranquillement, ajoutant plus sérieusement « Mon Trésor… Tu peux avoir un jardin secret. Il faut juste te faire à l’idée qu’il ne l’est souvent pas pour moi. Malgré tes efforts. Ce n’est même pas que j’ai horreur qu’on me dissimule des choses, cela m’est égal, je sais que je finirais par le savoir d’une manière ou d’une autre. C’est juste...du temps perdu. Même si je comprends totalement ton intention… » il lui sourit insolemment à nouveau, sortant un nouveau trousseau de clefs, puis ouvrit le perron « Oh, je ne te prends pas pour Cresus… Cette maison est bien moins parfaite qu’elle n’en donne l’impression. Je vais te montrer. »
Il pénétra dans le hall où un motif de damiers en marbre blanc et noir desservait un gigantesque escalier imposant et superbe. L’entrée imposait la prestance. Un charme différent. De toute la sélection, cette demeure était un choix plus risqué, plus haute gamme. Un autre « level » et pourtant propice à la réappropriation entière du lieu.
- « Je sais ce que tu te dis, mais je t’assure. Cet endroit est loiiiin d’être le paradis créé. L’agencement est déplorable. Tu vois cette porte » il l’ouvrit à la volée y entrant conquérant désignant les lieux avec dépit « elle mène sur ce qu’ils considèrent être le « salon ». C’est ridicule. Vu l’étroitesse de la pièce, je pense qu’il y a bien mieux à l’utiliser en abattant…cette cloison ici et celle-ci et là, cela justifiera l’emploi de ce mot. Sinon c’est tout juste un misérable boudoir. Donc, tu vois ? C’est loin d’être un palace. Mais ça possède un bon potentiel. Tu tiens quelque chose qui réorganisé peut clairement être digne d’une vraie résidence à mes yeux. »
Il avait énoncé la dernière phrase dans un clin d’oeil entendu puis lui présenta la salle à manger, au parquet parfaitement ciré et au lustre rutilant. Le volume était conséquent pour elle, ordinaire pour lui. Mais lui y voyait un désavantage qu’elle n’envisageait pas encore, puisqu’elle était persuadée d’y habiter avec lui...elle serait peut-être seule ici. Une si grande demeure donnait le tournis lorsqu’on n’y était pas habituée, surtout dans les premiers temps… Surtout quand la solitude pesait. Après, elle possédait une excellente force de caractère...Et puis, il était toujours avec elle, au minimum dans ses pensées, ainsi habitait-il les lieux à sa manière. Les lieux, le Temps, l’Espace…. Alexis regardait l’ensemble, sans pour autant se défaire de la mine éberluée qu’avait pris son visage en apercevant les abords du manoir, un peu tendue à nouveau. Alors, haussa-t-il les épaules une nouvelle foisn répétant :
- « Je t’assure ! Pour le prix qu’il affiche , tu vois ? Ce n’est pas si cher… Tu pourrais le faire tripler de valeur. C’est un bon investissement… Et tu peux te le permettre… Ceci est un pis-aller, tu le sais bien. Oh, un gros investissement… Mais tu peux te le permettre. Après tout… Daddy was the President of United Stades, wasn’t ? » » déclama-t-il sournoisement, le sourire éblouissant en encadrant son doux visage de ses deux mains pour mieux la lâcher ouvrant les bras théâtralement.
Il avait rit triomphalement, satisfait de son petit effet. Il l’avait su depuis longtemps. Elle lui faisait confiance, il le savait. Et pourtant, elle ne lui avait toujours pas dit. Une jolie démonstration par l’exemple que rien ne lui était jamais caché très longtemps. Revenant vers elle, il lui sourit encore, simplement heureux et ajouta en lui prenant les mains qu’il pressa dans les siennes avec effusion:
- « Mon Trésor. Tu as du cachet, tu as de l’allure, tu es intelligente, tu as plus de valeur que beaucoup dans cette ville et tu possèdes de par ta famille d’origine un magnifique patrimoine qui te permet d’en disposer, pourquoi te brides-tu ? Pourquoi te caches-tu ? Lorsque quelque chose est à notre portée, on la prend. On ne s’excuse pas pour les autres. » souffla-t-il délicatement, il avait remonté ses mains jusqu’au niveau de sa poitrine, puis déclama « Viens allons voir, les chambres... »
Lâchant sa main gauche, il garda la droite dans la sienne jusqu’à atteindre le premier palier. Puis se retourna vers elle, le sourire mutin inscrit sur ses lèvres charnues, une idée subite en tête :
- « Ferme les yeux, si tu veux bien… Je te guide. Et ne triche pas, curieuse petite canaille, je te connais... » murmura-t-il en levant un sourcil circonspect.
Il savait très bien qu’elle cédait facilement à l’appel de la curiosité. Mais appréciait aussi la reddition parfois. Aujourd’hui devait être une de ces fois là, ce n’était qu’un jour plaisant pour elle. Elle achetait un bien, elle changeait de quartier, elle s’affirmait un peu plus comme celle qu’elle deviendrait. Une femme sûre d’elle-même. Il lui prit les mains, jaugeant son respect des consignes, puis l’incita à avancer doucement, l’observant avancer à l’aveuglette. C’était mettre en scène l’acte de confiance qu’il lui demandait chaque jour et il devait admettre qu’elle se débrouillait très bien. Autant pour le suivre que pour parfois lui opposer une réserve farouche toute propre à elle. Il s’en moquait. Il ne lui demandait pas l’annihilation totale de sa personnalité, il désirait sa totale loyauté et c’était bien différent. Si ce qui la rendait unique s’était vu altéré, elle en aurait perdu de sa saveur et de sa valeur. Lâchant d’une main sa prise, il ouvrit la porte dans son dos, à tâtons, puis entreprit de la faire rentrer lentement. La pièce était des plus lumineuses et il l’attira à lui, dans une étreinte, posant sa tête contre la sienne, chuchotant jusqu’à dans son cou :
- « Attends encore un peu… J’admire ta patience... » Il lui embrassa sa peau, légèrement, savourant la finesse de sa chair, prolongeant un peu le moment, puis se redressa, plantant son regard sur ses paupières closes « MAINTENANT, tu peux regarder… »
Il savait ce qu’elle découvrirait. Une immense chambre de plus de 40 m², une vraie suite parentale, immense, lumineuse qui découvrait un balcon de 15 m² où une petite terrasse était installée, bordant sur l’immense parc appartenant à la propriété. A n’en pas douter la plus belle pièce de l’ensemble de la maison. Une cheminée en marbre trônait imposante dans un coin, valant rien qu’à elle seule une petite fortune. L’endroit de toutes les projections possibles. Les soirées, comme les nuits, jusqu’au aurore sous le soleil radieux. Un havre de paix grandiose. Il lui embrassa le front, se retirant à regret pour la laisser prendre la mesure de l’endroit, de ce qu’elle pouvait avoir d’extraordinaire dans le secteur. Pour un prix si petit qui plus est ! C’était du luxe. Mais non ostentatoire, une finesse qui côtoyait le raffinement simple et épuré. Quelque chose où l’élégante et désinvolte nature d’Alexis pouvait s’épanouir.
- « Je t’en prie, fais comme chez toi… Regarde…Familiarise-toi. » incita-t-il en désignant la terrasse d’un air enthousiaste tandis qu’il se déplaçait pour ouvrir une porte de bois massif « Il y a une salle de bain privée avec baignoire et douche, en plus de la principale… et de l’autre côté, un dressing aménagé…C’est idéal lorsqu’on a énormément de costumes, parce que je t’avoue que parfois c’est compliqué de partager une pièce. Si au moins, la maison le prévoit de base, ça évite les fâcheux aléas du quotidien... Le reste de la maison possède un second dressing, un bureau à cet étage, une seconde bibliothèque et les chambres d’amis sont au deuxième étage… Cela assure de la tranquillité…Une belle tranquillité» commenta-t-il un sourire entendu sur les lèvres.
Il s’approcha de la porte vitrée, laissant traîner les yeux sur le jardin songeusement. Oui, c’était plus petit que ce qu’il possédait mais cela possédait énormément de charme. D’une certaine manière, cela ressemblait aussi à sa manière à l’âme de la libraire. Classieux et séduisant sans flamboyance ravageuse comme lui. Son regard se porta sur les pins qui bordaient les limites de la propriété donnant un cachet supplémentaire à l’ensemble. Et peu de vis-à-vis, ce qui était un immense critère de sélection. Il tenait à sa tranquillité, il tenait à son anonymat. Les visites devaient rester discrètes… S’il y avait une chose qu’il ne pouvait enlever à l’appartement que possédait actuellement la libraire, c’était la discrétion. Plusieurs accès y étaient possible et celui qu’il utilisait souvent permettait de ne pas se faire remarquer. Là… Il possédait toujours un garage automobile à proximité…
- « Tu sais...pour être tout à fait franc, je suis épaté. » affirma-t-il en s’accoudant un peu à la fenêtre pour lui jeter un regard à la dérobée « Je pensais que ton appartement te convenait, que ta vie te convenait et je ne t’incitais même pas à la modifier pour le moment, quand bien même l’endroit était…disons-le, bien en deçà de mes exigences. Je n’imaginais pas que tu te lancerais dans ce projet...si vite… si bien… D’une certaine manière, j’en suis touché ! » continua-t-il en portant la main sur son coeur, reculant de la fenêtre pour aller jusqu’à elle , glissant ses mains jusqu’à ses épaules « Et les conditions que tu as mises sont idéales. Vraiment. C’est le budget que j’ai du revoir un peu à la hausse, après tout, j’ai mon standing. Mais l’idée, le projet, l’ambition, j’aime ça.»
Il avait plongé son regard dans le sien, satisfait. Lorsqu’il avait débuté leur relation, après tout, il n’en n’attendait rien. Rien d’autre qu’un caprice qui s’était prolongé, un pion utile qu’il avait pris soin de garder dans son jeu, pressentant quelque chose. Quelque chose de plus grand. Il avait rangé ça dans ses origines, ses contacts. Il y avait de ça, oui. Mais pas que. Il avait apprécié la mentalité qu’il avait rencontré. Depuis le premier jour jusqu’à ceux qui avaient suivi lui permettant d’y creuser plus loin que la méfiante fille adoptive et un tant soit peu rebelle de Regina Mills. Une personne qui serait avec lui jusqu’à l’Apogée. Non par manipulation mais par dessein, par Destin. Parce qu’elle le voulait, parce qu’elle le méritait. Parce qu’elle s’était frayée une place dans son Plan. D’une valeur supérieure à celui d’un Pion ordinaire. Il contempla ses yeux un peu attendri, s’y voyant reflété. La pauvre… Elle allait être déçue. Mais c’était en partie pour cela, qu’il avait tenu à faire ce voyage présent avec elle. Plus que de la laisser dans la désillusion le jour du cadeau. Il prit sa main droite dans la sienne la tapotant doucement sur le dos, la commissure de ses lèvres s’accentuant un peu, tandis que son sourire s’adoucissait :
- « Alexis… J’aime ça. Je trouve merveilleusement adorable que tu te sois taaant investie pour nous trouver une belle demeure, un endroit où je me sentirais chez moi. Je comprends ton envie. Crois-moi, je la comprends. Je sais que tu rêves que je sois en permanence à tes côtés. Je le saaaaaaais. Mais… C’est impossiiiiiible, trésor ! » soupira-t-il dramatiquement en plissant les paupières « Et nous.. Nous en avons déjà discuté. Je pensais que tu avais compris… Alors. Non. Je ne m’installerai pas ici. Mais … laisse-moi finir, Enora, s’il te plaît » il avait placé son index rapidement sur la bouche d’Alexis, cloisonnant ses mots pour un bref instant « Je ne m’installerai pas avec toi, ici. Tu comprends pourquoi j’ai préféré venir ? J’ai préféré avorter directement cette surprise. Que tu puisses le savoir avant que tu ne me l’offres, pour t’éviter ce désagréable état d’esprit qu’on appelle « déchanter » . Alors, s’il te plaît, trésor, écoute… Ne pleure pas, juste écoute. Je ne te reproche riiiien. Je t’ai dit que j’en suis touché. C’est la vérité. J’aime ta passion Et c’est pour ça que je suis d’accord pour que cet emménagement, le tien, soit un projet commun. Je trouve l’idée que tu emménages ici merveilleuse. Vraiment. Cela nous évitera de nous éparpiller entre deux appartements. Ici ce sera notre maison, si tu le désires. Pas vraiment celle où je serais toujours mais elle sera à nous. Elle appartiendra à notre histoire… Et cela, n’est-ce pas merveilleux ? Tu m’offres un repaire assorti à mes envies qui sera nôtre. Rien qu’à nous deux. Et que je te laisse à tes bons soins en permanence. Qu’en dis-tu ? »
Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »
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Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...
“Ainsi va le monde ici-bas. Le temps emporte sur son aile Et le printemps et l'hirondelle, Et la vie et les jours ..." Gagnés
Pour la toute première fois de notre vie, Erwin me faisait vivre un vrai cauchemar. Si tout n’avait été jusqu’alors que douceur et rêverie ou presque, ce moment était sans doute le pire de toute ma vie. Plus le Temps passait, plus il s’enfonçait dans sa conviction profonde. Il fallait que je le remette dans le droit chemin, que je crève l’abcès, je n’avais plus le choix. Malgré lui, il avait choisi le jour où il devait - à défaut d’être potentiellement le père en fonction de ce qu’il déciderait - géniteur. J’avais beau me complaire dans la situation confortable du secret, je ne pouvais pas continuer à le faire vivre dans le mensonge et j’en avais conscience mais plus les minutes passaient, plus il s’échauffait. Plus il s’échauffait, plus je m’effrayais. Et plus je m’effrayais... plus j’attendais. Un cercle vicieux et en contre bas une terrible chute sur des rochers aiguisés. J’avais l’impression que je t’ais désormais sur pilote automatique, avançant vers le domaine avec une moue dubitative. Il avait beau me dire que la maison restait dans mon budget, il était évident que ce n’était pas absolument pas le cas. Rien que le hall m’avait annoncé la couleur. Sur le motif de son damier blanc, j’y reconnaissait la patte d’anciens châteaux français de la renaissance et du siècle des lumières comme le Louvre ou encore Versailles. Je l’avais suivi docilement dans la pièce qui m’avait tout l’air d’être un salon à la différence de ce qu’il en pensait en me contentant de faire des “Mmh” peut convaincu à ce qu’il me racontait. Non content de me mettre dans les mains une baraque qui devait avoir le double de mon budget, il envisageait en plus des rénovations. Un sourire taquin était né alors à la commissure droite de mes lèvres tandis que je venais de lui trouver une petite pique toute tracée. Me tournant lentement vers lui, je lui avais précisé :
— Dis-moi, tu es toujours aussi mauvais agent immobilier ou c’est uniquement parce que tu te projette dans le bien ? J’espère au moins que t’as vérifié les murs porteurs avant de me parler de tout ce que tu veux abattre comme “cloison” - j’avais fait des guillemets avec mes doigts – parce qu’à ce rythme je vais me retrouver avec le toit sur la tête.
Je l’avais observé un instant droit dans les yeux, ne me dépâtissant pas de mon sourire avant d’ajouter après un instant :
— Comment tu disais déjà ? Ah oui, qui aime bien, châtie bien.
Il m’avait fait une remarque similaire sur mes talents de femme d’affaire que je n’avais pour autant pas relevé. Je savais qu’il ne le pensait pas, il ne m’avait pas pris pour une sombre idiote la première fois que j’avais eu affaire à lui pour des raisons professionnelles et jamais au grand jamais il aurait eu besoin de préciser cette toute petite phrase s’il le pensait vraiment. J’avais fini par détourner le regard, observant tout le lieu avec la même mine sceptique tandis que je le sentais s’approcher de moi pour tenter de me convaincre une fois de plus.
— Après tout… Daddy was the President of United Stades, wasn’t he ?
J’avais ouvert grand les yeux, la bouche légèrement entrouverte tandis que je sentais ses mains quittaient mes joues pour s’étendre de chaque côté de son corps, triomphalement, avec son petit sourire suffisant. Comment l’avait-il su ? Je n’en avais pas la moindre idée. Mais cela témoignait une fois de plus de toutes les choses qu’il était capable de faire. Je l’avais déjà vu à l’œuvre dans ce genre d’action plutôt sombre, notamment sur le Titanic avec son crochetage de serrure et tout me semblait brusquement limpide. Bien sûr qu’il avait dû se pencher sur mon passé. Est-ce que cela le séduisait un peu plus ? Est-ce que je devais m’en faire ou au contraire l’accepter ? Après tout, je me rendais compte que d’une autre manière, chacun de notre histoire et notre monde, nous étions destinés à en être les dirigeants. Lui l’avait été par le mariage, moi presque de naissance. Certes mon père était arrivé à la tête d’une démocratie, mais je ne demeurai pas moins la fille d’un Président. Transposé dans son histoire, cela revenait presque à me faire entrer dans la royauté, de part la lignée de mon sang. Nous étions finalement destinés. Est-ce que c’était cela qu’il avait perçu ? Était-ce cela qu’il percevait à présent. Je me surprenais alors à dessiner sur mes lèvres un sourire aussi mystérieux que mutin, confirmant ce qu’il venait de dire dans un silence, avant qu’il ne m’entraîne en direction des chambres.
J’avais fini par me prêter à son petit jeu. Il y avait eu quelques secondes de vide, j’avais juste perçu un mouvement et j’avais compris qu’il avait tenté de voir si mes yeux étaient bien clos ou si je tentais d’user de fourberie. Mais contrairement à lui, il n’y avait rien de sournois dans mon action. Si j’avais choisi de fermer les yeux, alors je me pliais à son jeu de bonne grâce ou tout du moins parce que je le voulais. Sa main chaude et puissante dans la mienne, je l’avais laissé me guider, osant par moment quelques hésitation à tâtons. J'avais alors entendu une porte s’ouvrir, je l’avais senti me placer au centre de la pièce ou ce qui devait l’être avant que je ne perçoive dans un mouvement qu’il s’était placé derrière moi. Sa tête s’était posée contre la mienne et je l’avais laissé faire en déglutissant, puis j’avais perçu son souffle sur ma peau qui avait eu le don d’éveiller un frisson, de me tendre sans pour autant que je n’ouvre les yeux puisqu’il m’y refusait :
— Attends encore un peu… J’admire ta patience...
— Je t’avais pourtant dit que je m’améliorais dans ce domaine...
Le dernier mot était venu mourir dans ma gorge, mêlé à un petit gémissement d’aise que j’aurai largement préféré contenir tandis que je sentais ses lèvres charnues se poser sur ma gorge. Je n’avais plus envie que ça s’arrête. Tout semblait d’un coup s’effacer en moi, la révélation de ma grossesse, son quiproquo avec la maison. Je prenais alors pleinement conscience du Destin qui m’attendais et je me rendais alors compte à son contact que je m’étais peut-être jusqu’alors fourvoyée. A contre cœur pourtant, je l’avais senti se retirer de moi et j’avais bien été obligée d’ouvrir les yeux et le laisser poursuivre sa visite. Il fallait bien l’avouer, la pièce était sublime, plus que jamais du standing qu’il souhaitait et je ne pouvais en cet instant qu’observer à quel point il avait tenté de mettre du sien dans cette maison. Lui tournant le dos, j’avais eu un petit sourire amusé, tous mes doutes se dissipant à mesure que je découvrais la pièce. Je n’avais plus envie de lutter. Je devais avouer que malgré ma colère première, mon malaise, il avait su y mettre son grain de sel avec une attention toute particulière. Après avoir entraperçu la salle de bain et le dressing, j’étais revenue à lui, parlant toujours, accoudé sur la fenêtre.
Il était en train de m’avouer ce que je voulais qu’il m’avoue depuis le début : il ne souhaitait pas vivre avec moi. Il me suffisait à présent de lui confirmer que ce n’était pas non plus mon souhait et le tour était joué. Pourtant, je n’arrivais pas à m’y résoudre. Son doigt posé sur mes lèvres m’offrait quelques précieuses secondes d’une intense réflexion. A mesure qu’il me précisait son envie que nous en restions au statut quo, je sentais poindre en moins une rage certaine, une envie d’envoyer valser ses règles stupides que nous avions mis en place. Je n’avais plus envie de vivre sans lui, je n’avais plus envie de nous cacher. Il avait certes épousé une Reine mais il savait à présent la fille de qui il avait pour Maîtresse... pourquoi cela ne le satisferait pas ? Après tout, il avait vu tout comme moi notre futur. C’était avec moi qu’il devait poursuivre son rêve, pas avec elle.
Je me rendais alors brusquement compte que nous faisions tout à l’envers. C’était stupide. Tout allait trop vite et tout était en même temps désordonné. Cette maison vide, ce bébé dont il ne voulait pas et qui le mettrait sans aucun doute dans une rage certaine. Je ne pouvais pas l’accepter, il ne pouvait pas l’accepter. Ma main avait alors brusquement attrapé son poignet, scellant son index toujours contre ma bouche. Celle-ci se fit alors plus ronde, plus charnue, tandis que j’embrassais le bout de son doigt avec une certaine passion, mes yeux brillants rivés dans les siens. Avec douceur, j’avais détaché son doigt de ma bouche pour le coller contre la sienne en lui précisant :
— Par pitié, tais-toi.
Langoureusement je m’étais alors approchée de lui, me plongeant dans ses bras tandis que mes lèvres venaient frôler quelques parcelles de son cou, remontant jusqu’à sa mâchoire. Je lâchais alors un petit pouffement en précisant :
— C’est de ta faute aussi, à force de jouer avec le feu... on se brûle.
Je n’avais plus envie de parler, plus envie de le démentir, plus non plus envie de lui parler de ce bébé. Tout était maintenant plus clair pour moi. Je savais déjà qu’il ne parviendrait pas à le voir, mon ventre étant encore beaucoup trop plat. Il ne m’avait rien dit les jours précédent malgré le petit rebondissement, il ne m’avait rien dit non plus lorsque nous étions sur le Titanic. Pourtant, Léontine était autant enceinte que moi. Il ne le remarquerait pas. Alors pourquoi diable s’en souciait. Je n’avais qu’une envie en cet instant, de lui et de rien d’autre, de cette maison qu’il visiterait quand il le voulait et je le savais, un jour, il y emménagerait. Il me suffisait d’être patiente et la suite viendrait. Après la maison, il finirait par céder au bébé. C'était sans doute ainsi que nous avions conçu le deuxième, ainsi que cela devait se passer. Alors pourquoi risquer de tout faire capoter sur un premier non désiré ? Tandis que mes lèvres se raccrochaient aux siennes dans un baiser des plus langoureux, je me rendais alors à l’évidence et à une décision qui me choquait quelque part au-delà de mes pensées : je ne voulais pas de ce bébé. Je voulais d’un bébé ensemble, un bébé désiré et le faire de cette façon était la pire des façons d’y arriver. Je ne lui dirai rien. J'irai à l’échographie et après cela, je demanderai les méthodes pour avorter. Rien ne servait de se presser. Et pendant que je réagissais à cela, j’accentuais un peu plus la fougue de mon baiser, commençant à déboutonner sa chemise, loin des tracas qui commençaient à s’oublier.
Alexis E. Child
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Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...
“Ainsi va le monde ici-bas. Le temps emporte sur son aile Et le printemps et l'hirondelle, Et la vie et les jours ..." Gagnés
Pour la toute première fois de notre vie, Erwin me faisait vivre un vrai cauchemar. Si tout n’avait été jusqu’alors que douceur et rêverie ou presque, ce moment était sans doute le pire de toute ma vie. Plus le Temps passait, plus il s’enfonçait dans sa conviction profonde. Il fallait que je le remette dans le droit chemin, que je crève l’abcès, je n’avais plus le choix. Malgré lui, il avait choisi le jour où il devait - à défaut d’être potentiellement le père en fonction de ce qu’il déciderait - géniteur. J’avais beau me complaire dans la situation confortable du secret, je ne pouvais pas continuer à le faire vivre dans le mensonge et j’en avais conscience mais plus les minutes passaient, plus il s’échauffait. Plus il s’échauffait, plus je m’effrayais. Et plus je m’effrayais... plus j’attendais. Un cercle vicieux et en contre bas une terrible chute sur des rochers aiguisés. J’avais l’impression que je t’ais désormais sur pilote automatique, avançant vers le domaine avec une moue dubitative. Il avait beau me dire que la maison restait dans mon budget, il était évident que ce n’était pas absolument pas le cas. Rien que le hall m’avait annoncé la couleur. Sur le motif de son damier blanc, j’y reconnaissait la patte d’anciens châteaux français de la renaissance et du siècle des lumières comme le Louvre ou encore Versailles. Je l’avais suivi docilement dans la pièce qui m’avait tout l’air d’être un salon à la différence de ce qu’il en pensait en me contentant de faire des “Mmh” peut convaincu à ce qu’il me racontait. Non content de me mettre dans les mains une baraque qui devait avoir le double de mon budget, il envisageait en plus des rénovations. Un sourire taquin était né alors à la commissure droite de mes lèvres tandis que je venais de lui trouver une petite pique toute tracée. Me tournant lentement vers lui, je lui avais précisé :
— Dis-moi, tu es toujours aussi mauvais agent immobilier ou c’est uniquement parce que tu te projette dans le bien ? J’espère au moins que t’as vérifié les murs porteurs avant de me parler de tout ce que tu veux abattre comme “cloison” - j’avais fait des guillemets avec mes doigts – parce qu’à ce rythme je vais me retrouver avec le toit sur la tête.
Je l’avais observé un instant droit dans les yeux, ne me dépâtissant pas de mon sourire avant d’ajouter après un instant :
— Comment tu disais déjà ? Ah oui, qui aime bien, châtie bien.
Il m’avait fait une remarque similaire sur mes talents de femme d’affaire que je n’avais pour autant pas relevé. Je savais qu’il ne le pensait pas, il ne m’avait pas pris pour une sombre idiote la première fois que j’avais eu affaire à lui pour des raisons professionnelles et jamais au grand jamais il aurait eu besoin de préciser cette toute petite phrase s’il le pensait vraiment. J’avais fini par détourner le regard, observant tout le lieu avec la même mine sceptique tandis que je le sentais s’approcher de moi pour tenter de me convaincre une fois de plus.
— Après tout… Daddy was the President of United Stades, wasn’t he ?
Ça avait été la douche froide, le choc de trop. Foudroyée sur place, j’avais ouvert grand les yeux, la bouche légèrement entrouverte tandis que je sentais ses mains quittaient mes joues pour s’étendre de chaque côté de son corps, triomphalement, avec son petit sourire suffisant. Ça ne faisait rire que lui pourtant. Moi, au contraire, ça me glaçait le sang. Il venait de me faire une démonstration affolante de ce qu’il tentait de m’expliquait depuis un certain Temps maintenant : rien ne lui échappait. Même ce qu’il n’était pas censé savoir. Plus que de me connaître par notre relation, il avait enquêté sur moi. Suffisamment pour connaître ma véritable famille, chose dont je n’avais jamais vraiment parlé, que j’avais gardé enfuit et que les dignitaires de la Maison Blanche s’était bieeeen gardé d’exprimer lors de l’oraison funèbre. Et pourtant il le savait. Ce secret, c’était celui d’Eavan et le mien en premier lieu. Sans doute la première personne pour qui j’avais cru comprendre ce qu’était d’aimer comme un adulte. Il était sorti de ma vie du jour au lendemain sans prendre son reste. Certains Storybrookien l’avaient su, mais pour la grande majorité, j’avais gardé cette partie pour moi. Avait-il fait le lien avec le nom qu’on m’avait attribué devant lui à Paris ? Il n’avait pas fait que l’entendre, il l’avait retenu et il avait cherché. Non content de garder cette information pour lui, il l’exultait, s’en servait aujourd’hui allégrement, ne se demandant pas une seule seconde ce que cela pouvait me faire ou représenter pour moi. A l’entendre, il n’y avait que le statut et l’argent. Mais du premier, je n’avais que très peu profité en étant abandonné au bord d’une forêt. Quant au second, ce que j’avais reçu de “daddy” c’était sans aucun doute fait bien malgré lui, bien plus sous l’impulsion de Maman. Je n’avais rien répondu, me contentant de l’observer sous le choc, déglutissant, tentant de reprendre contenance lorsqu’il m’avait proposé d’aller voir les chambres. Ce n’était pas le moment de penser à tout ça, de me mettre en tête cette désagréable impression qui m’avait brusquement sauté à la gorge. Pour la première fois, j’avais l’impression qu’avait dû ressentir Rose dans Titanic avec Cal au point d’écrire ce qu’elle avait écrit en reposant le dessin dans le coffre. Cette impression de ne plus réellement m’appartenir, que ma vie dépendait aussi de lui et mes secrets ou mes zones d’ombres aussi, que je le veuille ou non. L’impression brusquement d’être rangée dans un écrin au fond d’un coffre-fort. Instinctivement, j’avais levé les yeux vers le plafond du luxueux Manoir et j’avais presque senti une mini crise de panique monter en moi.
Je n’avais pas le droit de céder à la colère ou à la panique, pas maintenant et pas comme ça. Il y avait beaucoup trop de choses en jeu : la maison, le quiproquo que je devais dissiper... alors de mauvaise grâce, je l’avais suivi et après un instant d’hésitation, j’avais fini par me prêter à son petit jeu absurde. Il y avait eu quelques secondes de vide, j’avais juste perçu un mouvement et j’avais compris qu’il avait tenté de voir si mes yeux étaient bien clos ou si je tentais d’user de fourberie. Mais contrairement à lui, il n’y avait rien de sournois dans mon action. Si j’avais choisi de fermer les yeux, alors je me pliais à son jeu de bonne grâce ou tout du moins parce que je le voulais. Sa main chaude et puissante dans la mienne, je l’avais laissé me guider, osant par moment quelques hésitation à tâtons. J'avais alors entendu une porte s’ouvrir, je l’avais senti me placer au centre de la pièce ou ce qui devait l’être avant que je ne perçoive dans un mouvement qu’il s’était placé derrière moi. Sa tête s’était posée contre la mienne et je l’avais laissé faire en déglutissant, puis j’avais perçu son souffle sur ma peau qui avait eu le don d’éveiller un frisson, de me tendre sans pour autant que je n’ouvre les yeux puisqu’il m’y refusait :
— Attends encore un peu… J’admire ta patience...
— Je t’avais pourtant dit que je m’améliorais dans ce domaine...
Le dernier mot était venu mourir dans ma gorge, mêlé à un petit gémissement d’aise que j’aurai largement préféré contenir tandis que je sentais ses lèvres charnues se poser sur ma gorge. J’étais complétement à découvert et je me sentais presque prête à vaciller. C’était pire que toutes les valses auxquelles il m’avait convié jusqu’alors, quelque chose de puissant, de vrillant et complétement à contre sens. J’en avais presque mal au cœur, le mal de mer, le tournis et l’envie de vomir. Comme si j’étais sur des montagnes russes qui ne cessaient de monter et de descendre à intervalle régulier jusqu’à ce que mon cœur explose. Il mélangeait à ma gêne et ma colère des moments plus doux de passion et d’intimité que me donnaient malgré moi l’envie de m’abandonner. Pourquoi fallait-il donc que tout soit toujours aussi charnel entre nous ? Aussi intuitif ? Pourquoi fallait-il que le désir et la passion soient constamment pleinement maître de nous. C’est comme si la raison était anesthésiée. J'avais beau être en colère, j’avais beau me rebeller, il suffisait que ses mains fortes et masculines se posent sur mon corps pour que je tremble au point de me soumettre, pour que mon âme brûle au diapason avec la sienne. Il avait beau être frustré ou colorique, je savais qu’il suffisait que mes yeux se plongent dans les siens, qu’il perçoive mon désir et mes caresses pour que tout son être finisse par se détendre et s’abandonner pour mieux prendre possession du mien. Il n’y avait rien de rationnel en nous, ce n’était clairement jamais Hera qui nous bénissait mais Aphrodite qui ne cessait de se jouer de nous. Je maudissais en cet instant précis la mère d’Elliot plus que je ne l’avais encore jamais maudit mais je ne voulais pas que ce moment cesse. Je voulais que nous oubliions tout, que les mots qu’il avait prononcés n’aient jamais existé, que mon secret n’en ai jamais été un et ainsi je me permettrai de pleinement me plonger dans ses bras, inaugurer ce foutu parquet que plus jamais je ne frôlerai.
Il avait portant fini par me lâcher, me demander d’ouvrir les yeux et le cauchemar avait repris de plus belle. J’avais tenté d’avancer dans la pièce, toujours aussi sceptique sous ses précisions expertes. J'avais admiré l’espace, la luminosité, remarqué la porte menant au dressing et celle à la salle de bain. Je m’étais diriger vers la porte fenêtre pour aller observer le balcon de plus près et enfin, j’avais admiré le magnifique jardin qui s’étendait derrière la propriété tandis qu’il terminait son laïus.
— Tu sais...pour être tout à fait franc, je suis épaté.
J’avais tourné vivement la tête pour l’observer, les sourcils légèrement froncés, me demandant encore ce qu’il allait me trouver avec son imagination plus que débordante. La machine s’emballait beaucoup trop, il partait dans le pire des discours, celui que j’avais déjà deviné et craint plus que tout : il se voyait déjà heureux propriétaire d’une de ses maisons par mon biais. Je n’avais pas encore compris qu’il pensait que j’étais au point de vraiment l’acheter pour lui, ce qui était sans aucun doute mal me connaître. Mais j’avais perçu qu’il avait pensé que je faisais quelque chose pour lui. C’était inouïe et à mesure qu’il avançait dans son délire mégalomane, je voyais le mur se rapprocher à une vitesse ahurissante. J’avais tenté de le stopper mais j’avais senti son doigt se poser sur mes lèvres, comme bien souvent lorsqu’il n’avait pas envie de m’entendre tout de suite, préférant s’écouter parler dans des monologues qui n’avaient parfois ni queue, ni tête, un peu comme celui-ci. Il ne voulait pas vivre avec moi. J’avais beau le savoir, l’avoir intégré au point de ne pas avoir pensé à lui une seule seconde dans ma reconversion, l’entendre le préciser avec un tel aplomb me faisait brusquement plus mal que je n’aurai pu l’imaginer. J'avais beau tenté de garder en mémoire qu’il avait également fait un geste sincèrement gentil en tentant de me préserver de cette illusion en faisant la visite lui-même, je n’avais pas pu m’empêcher d’entendre la suite, plus terrible. Un havre de paix. Comme mon appartement. Le sien. Le chalet. Ces restaurants en dehors de la ville... des havres de paix, bien caché à la vue de tous.
A cette pensée, j’avais tourné les yeux vers le jardin pour l’observer de nouveau, son doigt toujours sur mes lèvres. Ses très grands pins, bien jolis et redoutables vasistas contre les yeux indiscrets. Grand Seigneur, il me laissait en plus profiter de MA maison que j’allais acheter avec MES sous en son absence. Sentant une colère sourde monter de nouveau en moi et mes yeux s’humidifier non pas sous l’impulsion des larmes mais de rage, j’avais fait un mouvement sec de la tête pour me détacher de son doigt avant de reculer d’un pas, puis de deux, secouant la tête de gauche à droite avec un air de dégoût. Plus que s’imaginer propriétaire d’un cadeau hors de prix, il n’avait pas imaginé une seule seconde ce que je pouvais réellement vouloir. Il n’avait pas décidé de ces visites sur MES goûts mais sur NOS goûts, tout en sachant pertinemment qu’il n’avait aucune attention d’y vivre autrement que pour quelques parties de jambes en l’air ou de lecture, quand il serait fatigué. Et c’était ainsi que toutes les maisons dépassées mon budget. Y en avait-il seulement une qui convenait pleinement ? Incapable de prononcer les mots à voix haute, je les avais jeté à mi-voix avec un dégoût et une horreur certaine pour la situation :
— Mais je suis pas ta Chose...
Je le regardais droit dans les yeux, le visage toujours grimaçant de ce que j’étais en train de comprendre, voyant son incrédulité sincère qui laissait transparaître à quel point il ne voyait pas où je voulais en venir, à quel point le contrat implicite que nous avions tout deux signés n’étaient pas le même.
— C’est fou d’être comme ça...
J’avais retrouvé un peu plus de voix mais c’était bien plus une remarque que je me faisais à moi-même qu’une véritable phrase à son attention. Déglutissant, je l’avais regardé, décidant de mettre fin au supplice, pour tous les deux. S’il me dégoûtait à un point qu’il n’avait encore jamais atteint à ce stade, il n’en restait pas moins qu’il avait eu la pitié de mettre fin au supplice qu’il croyait le mien, à l’illusion qu’il pensait que je me faisais et il était Temps de faire de même. Je ne serai pas la plus cruelle des deux en ce jour :
— Je n’avais AUCUNE intention de vivre avec toi. Que tu vives avec moi plutôt. J’avais très bien compris le contrat auquel tu me cantonnes et je ne t’ai rien demandé de plus. Ça ne t’es pas venue à l’idée UNE SEULE SECONDE que je puisse juste désirer m’épanouir dans ma vie pour moi-même ? Sans avoir besoin de ton approbation ou... ou que tu mettes tes sales pattes partout ?
C’était sorti tout seul. Me mordant la lèvre inférieure de rage pour éviter que mes mots ne dépassent un peu plus mes pensées, j’avais détourné le regard en me passant mécaniquement une main dans les cheveux pour tenter de me calmer. Inspirant grandement, j’avais tourné les yeux de nouveau vers lui :
— Je n’ai pas besoin de ton approbation. Je n’ai pas besoin que ma maison converge sur tes standings. Je n’ai pas besoin que tu m’expliques comment dépenser plus si je ne souhaite pas dépenser plus. Ce que je fais de MON argent ME regarde, n’en déplaise à certains.
Sa façon d’utiliser mon vrai prénom, sa phrase sur mon géniteur, tout me revenait brusquement en tête. Faisant un pas vers lui, les yeux rivés dans les yeux, j’avais répété avec un peu plus de force mais un peu plus de calme aussi, afin de vraiment être sûre de d’ancrer mes mots dans sa tête :
— Je ne suis PAS ta Chose, tu m’entends ? L’Amour que je te porte ne te permets aucunement de décider de ce que je dois faire ou pas. Comment as-tu pu penser une seule seconde que je ne pourrais pas vouloir une maison par moi-même ? Comment as-tu pu penser une seule seconde que je trouvais que c’était un cadeau raisonnable à t’offrir ? Voire que c’était peut-être comme ça que je te ferai quitter ta femme ?! Tu me connais aussi peu que ça ?!
J’avais dégluti, observant de nouveau quelques secondes le jardin avant de poser une nouvelle fois mes yeux sur lui :
— Tu vois, t’as beau vouloir percer mes secrets soi-disant parce que personne n’est censé en avoir pour toi, tu n’analyse pas bien les cartes que tu as en main, mon cher. J’y crois pas... tu es allé jusqu’à ENQUÊTER sur mon passé ? Mais de quel droit tu t’es permis de faire une chose pareille ? Pourquoi ne m’as-tu pas simplement posé la question ? Tu ne t’ai pas demandé ne serait-ce qu’une seule fois pourquoi je n’en parlais pas ? Pourquoi je ne portais pas son nom ? Ça n’a absolument rien à voir avec le fait de me cacher... oui j’ai honte ! Mais pas du fric qu’il pouvait avoir, juste d’avoir été un pur produit de ce type. Et si je suis chanceuse d’avoir échappé un l’un, c’est pas pour finir avec un psychopathe du même acabit.
J’avais jeté un geste de la tête en sa direction avec une mine de dégoût. J'allais trop loin et je le savais. C’était pas des choses à dire. Mes mots dépassaient ma pensée. J'avais poussé un grognement rageur avant de m’éloigner le plus loin possible de lui en découvrant avec horreur que mes poings s’était colorisés de petits éclairs bleus. Je n’avais aucune envie de le blesser et je savais que lorsque je ne contrôlais plus rien, cela pouvait être extrêmement destructeur. Me réfugiant dans la salle de bain, j’avais claqué du pied violemment la porte derrière moi.
Il m’avait fallu du temps pour que la colère redescende, pour que mes mains cessent de crépiter. Assise sur les toilettes, j’avais commencé des exercices de respiration jusqu’à ce que mon rythme cardiaque diminue. Puis mon regard s’était posé sur le miroir en face de moi. Je pensais une grande partie de ce que j’avais dit, mais ce n’était pas une raison pour les fignoler d’horribles choses que j’avais ajouté. Pour lui aussi ce devait-être un choc. J’aurai peut-être dû avoir la patience de dire les choses calmement, sans m’offusquer car non seulement il avait pris sa déception dans la tête mais il avait également subi ma colère. Après plusieurs minutes, j’avais fini par me calmer. La chambre était vide désormais. Je l’avais cherché dans plusieurs pièces sans me donner la peine de l’appeler. Il était forcément quelque part, il ne m’aurait pas laissé dans une maison à visiter ainsi, il devait au moins refermer derrière moi. J’avais fini par redescendre les escaliers pour enfin le trouver dans la cuisine. Je l’avais observé quelques minutes en silence, soupesant son propre état avant de reprenre beaucoup plus calmement :
— Je ne m’excuserai pas de tout ce que je viens de te dire. Je veux juste bien m’excuser pour le “psychopathe” parce que tu n’en es pas un... même si tes pseudos enquête là me font flipper. Je finis par me demander si finalement c’est pas ça qui t’a attiré chez moi... mon père et ce qu’il représentait ? Je sais que tu aimes le pouvoir, ça se voit. Je ne crois pas vraiment à ce que tu m’as dit quand on était là-bas... dans le futur... Je ne pense pas que tu as épousé la Reine par pur bonté d’âme... je pense que tu la voulais cette couronne.
Pourquoi je lui avouais ça ?! Je n’en avais absolument aucune idée. J'avais choisi de le croire au moment où il me l’avait dit mais les mois suivants et nos discussions avaient bien été obligées de me rendre à l’évidence, il désirait bien plus sa royauté qu’il ne le disait. J'avais levé la main en sa direction comme pour lui demander de se taire :
— Je ne veux pas en savoir plus. Je veux pas que tu confirmes, je veux pas que tu me mentes. J’ai pas besoin d’en savoir plus pour le moment. Mais je veux juste que tu comprennes que je suis pas aussi conne que tu le penses. J’ai quand même choisi de rester avec toi, de t’aimer comme ça... mais tu n’as pas le droit de me réduire à un vulgaire bijou. “Preminger et ses trésors”... c’était ça qu’il voulait dire cette nuit-là ?
Je n’avais pas besoin de préciser qui. J’avais senti ma gorge se serrer, mes yeux s’humidifier, comme si la douleur que je ressentais malgré moi me poussais vers la vérité sans qu’il n’eût besoin de la dire de lui-même.
— Tu as sans doute l’habitude que tout t’appartienne d’une façon ou d’une autre, je me dis que c’est sûrement ce qui arrive quand on est un Roi, tout est plus facile, on a qui on veut, quand on veut, et ce qu’on veut... j’ai pu l’entrapercevoir. Mais je viens d’ici... et je ne t’ai jamais caché mon besoin de liberté. Je suis bien seule, je l’accepte... je crois... je crois même que je ne serai pas encore prête avec toi, même si tu l’étais... Je ne t’ai jamais rien demandé sur le fait de quitté ta femme... je ne vais pas commencer maintenant mais... Mais je comprends que tu aies pu penser que je voulais Jérémie pour cette raison.
Mon cœur battait brusquement à tout rompre. Nous y étions, je le sentais, je le savais, impossible de faire machine arrière maintenant même si ses yeux dorés m’observaient avec une telle puissance que j’avais l’impression qu’ils allaient me transpercer de part en part. Mes doigts s’enfonçant violemment dans le marbre du plan de travail devant moi, je tentais de rester debout sur mes jambes, un rire nerveux s’échappant alors de mes lèvres :
— C’est drôle, pour quelqu’un qui se vante de finir par tout savoir, tu l’as pas vue venir celle-ci... mais bon, je suppose que tu avais raison puisque je vais finir par te le dire...
J’inspirais grandement avant de reprendre avec lenteur :
— Si je suis allée voir Jérémie plutôt que toi, c’est parce que certes, je voulais une nouvelle maison, je voulais m’épanouir en tant que femme mais je voulais surtout que tu évites de me poser des questions auxquelles je n’étais pas prête à te répondre... J’ai eu besoin de Temps pour prendre conscience de ce qui m’arrivait... de ce qui NOUS arrivait et... je n’ai pas eu le courage de te le dire tout de suite parce que je devais déjà avoir le courage de l’accepter.
J’avais laissé un instant, déglutissant avant d’ajouter :
— Si j’ai demandé deux chambres au minimum dans cette maison et une baignoire c’est... c’est parce que...
J’avais inspiré grandement avant de lâcher la bombe, tant que j’avais le courage pour le faire :
— Je suis enceinte.
Erwin Dorian
« If the crown should fit, then how can I refuse? »
| Avatar : Rufus Sewell
- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)
| Conte : Coeur de Princesse/Le Prince et le Pauvre | Dans le monde des contes, je suis : : Preminger
“Money is the anthem of success So before we go out What's your address?"
L’ennui avec les vérités, c’est qu’elles faisaient toujours mal à ceux qui ne désiraient pas les entendre. Jusque là, Preminger avait considéré Alexis comme une personne des plus censées, une pragmatique. Certes une passionnée mais bordée de logique. Son entreprise subite avait eu beau être des plus farfelues, il s’était laissé séduire par l’emballement amoureux, la volonté d’engagement de cette dernière, s’en était flatté jusqu’à l’étourdissement orgueilleux. Il avait pris un malin plaisir à orchestrer cette petite visite, avec perfidie certes, mais avec plus de douceur que de prime abord, soucieux de jouer, de torturer un peu mais non de blesser l’égo de sa maîtresse. Visiblement...elle était plus sensible et soupe au lait qu’il ne l’avait cru pour réagir de cette manière. C’était attendu, classique. Le fameux coup de la « méprise » et du « je peux vivre sans toi, tu ne contrôles pas ma vie », toutes les petites tragédies de boulevard en contenaient un, cela n’avait rien de révolutionnaire. Malgré tout, c’était...décevant. Il la pensait plus réfléchie, oui. Oh, bien évidement, il pouvait se satisfaire de l’effet de rejet mensonger qu’elle lui servait mais… Pas venant d’elle. Ce qui résonnait parfaitement sur la bouche d’une petite oie blanche sotte et bécasse sonnait faux et déphasé chez elle. Elle n’était pas comme ça. C’était une jeune femme intelligente. Qu’elle puisse s’être convaincue d’emménager avec lui était une petite lubie passagère et mignonne, qu’elle puisse feindre l’orgueil blessé rejoignait quelque chose de bien moins attractif. Mais il le prenait pour ce que c’était...un beau mensonge. Il fallait qu’elle crache, qu’elle expie sa déception, la chute de ses rêves, son désespoir d’une manière ou d’une autre. Si cela était le moyen, alors soit. Même si cela signifiait que la réconciliation serait plus laborieuse… Fichtre. Et dire qu’il avait réellement imaginé l’ensemble de cette scène comme profondément dénuée de colère. L’endroit était propice, le sol baignait la pièce de chaleur réchauffant même le plancher… Dommage. Surtout pour si peu. Cela n’aurait du consister qu’à un simple claquement de doigt sous un regard ensommeillé. Un rapide retour à la réalité. Il n’en revenait pas qu’elle puisse être...si…endormie… A balbutier des choses aussi ridicule que … « je ne suis pas ta Chose. » Bien sûr que si, elle l’était. Tout le Monde l’était. Mais pas dans une commune équité. Elle. Il lui offrait du crédit, lui accordait plus de libre-arbitre que certaines, à sa manière, elle avait acquis une certaine considération de sa part… Alors pourquoi diantre s’amusait-elle à se saboter elle-même à ses yeux ? Il l’avait considérée avec une incrédulité nouvelle. Oui, il était surpris. Il pouvait concevoir que cette perspective était effrayante. Oui. Sûrement ce rejet instinctif s’expliquait. Mais quelle importance ? Quel était le changement ? Quelle différence existait-il entre le passé et le moment présent si ce n’est une révolte inutile. Ce n’était pas parce qu’elle était sa Chose qu’il se plaisait à la manier comme bon lui souhaitait. Enfin, si. Mais pourquoi s’en plaindre ? Il trouvait néanmoins des plus amusants qu’elle le considéra ainsi, si sidérée. Qu’y avait-il donc de si surprenant ? Et quand bien même, elle s’en défendait. Elle lui appartenait bien. D’ailleurs, ce n’était qu’à peine le propos, même s’il voyait le parallèle qu’elle cherchait à établir entre la propriété qui serait sienne et ses agissements. Elle cherchait tout bonnement à le faire culpabiliser, voilà tout. Il soupira un peu, levant les yeux au ciel, un rictus amusé se figeant sur la ligne de ses lèvres. C’était, on ne pouvait plus naïf. Surtout cette pluie d’arguments grotesques et sans sens qu’elle se bornait à énoncer plutôt que d’affronter la vérité. Bien sûr qu’elle aurait pu avoir pour projet d’emménager ailleurs. Mais pourquoi se bornait-elle à se voiler la face ? Il avait levé une main apaisante :
- « Alexis, je t’en prie. Tu es blessée, je peux comprendre. Je ne fais QUE te comprendre, trésor. Je sais que c’est dur… Je ne pensais pas à ce point. Et je sais ce que tu veux me dire, j’aurais peut-être du te détourner de ce projet dès le départ, à la minute où je l’ai compris, plutôt que de faire ce scénario mais….Comme je te l’ai dit, c’était une manière d’accepter que ce projet soit le nôtre… Mais. Cesse juste de faire semblant, cesse de mentir. Tu as toujours pu « t’épanouir par toi même dans ta charmante vie » en ayant pour projet d’acheter un bien. Certes. Mais pourquoi diantre me l’aurais-tu caché dans ce cas ? Hum ? » il avait écarté les mains comme pour désigner une évidence, rajoutant inutilement sur le flagrant « Tu vois bien que ça n’a aucun sens. Tu voulais cette maison pour nous. Accepte-le. Je ne désire pas habiter avec toi. Accepte-le aussi. Je ne te quitte pas pour autant, je n'en n'ai pas l'intention. » il avait froncé le nez, dans un sourire plus froid, sarcastique « Néanmoins…, je n’ai pas de sales pattes, puisque je ne suis pas un animal. Tu sais que mes mains sont douces comme le velours et fermes comme l'acier... »
Il l’avait dit tranquillement, doucement, joyeusement. Il n’était pas fâché. Pourquoi le serait-il ? Après tout… Ce n’était juste qu’une petite accalmie. Il devait juste faire preuve de fermeté. Il savait très bien ce qu’elle cherchait à faire : le faire céder. Mais personne ne faisait céder Preminger. Surtout qu’il n’en possédait nulle envie. Preuve en est, elle avait détourné le regard, se passant mécaniquement la main dans les cheveux, nerveuse. Sûrement se calmerait-elle. Mais non, visiblement, la nouvelle plus que de la désappointer ne passait pas, puisqu’elle revenait à la charge. Il l’avait considérée un instant, presque attendri. Quel petit caractère tout de même… Cette volonté de s’obstiner, d’avoir raison. Il avait haussé les épaules, d’un geste vain, répliquant avec légèreté :
- « Mais Trésor, si tu ne veux pas de ma proposition...libre à toi. Dans ce cas, toutes ces offres ne tiennent plus, si tel est ton désir. J’y voyais seulement un moyen de t’offrir un peu ton rêve… Si tu préfères le déchirer, chérie, tu fais ce que tu veux. C’est ton rêve, pas le mien. » susurra-t-il doucereusement, avant de détourner la tête vers le parc.
Ce qui était complètement honnête. Il se moquait de son choix finalement. L’idée, l’envie, c’était CA qui le séduisait. Si finalement, elle préférait jeter ce projet dans les flammes, cela restait son choix. Lui, possédait déjà une quantité innombrable d’autres biens. Une quantité qu’elle ignorait. Le chiffre lui aurait donné le tournis, il en était certain. Il n’avait pas besoin de s’encombrer d’autres choses. C’était une faveur qu’il lui faisait… Dont elle ne prenait visiblement pas conscience… Rivant à nouveau son regard vers elle, il ajouta alors lentement, dans un souffle :
- « Mais prends-y le temps d’y réfléchir. Parce que ce que tu me refuses aujourd’hui...je suis pas certain de te l’accorder demain… Comme tu l’as si bien dit, mon esprit est changeant. Mes envies aussi. »
Ce n’était pas une menace, non, c’était un rappel. Un pur rappel de tout ce qu’il faisait l’effort de lui offrir. Et dont il disposait librement. Pleinement. Oh, elle finirait par accepter. Alexis était fonceuse, virulente parfois. Fière aussi. Mais elle savait où était son intérêt, ses rêves, elle savait ce qu’elle désirait le plus au monde. Et puisqu’il était cette personne… Même si la suite l’avait un peu désarçonné. Pourquoi souhaitait-elle TANT QUE CELA à lui faire croire que lui offrir cette maison n’était pas son projet ? Parce qu’elle s’était sentie objectisée ? Alors s’en était-elle voulu de l’image qu’elle avait pu offrir ?
- « Comment as-tu pu penser une seule seconde que je trouvais que c’était un cadeau raisonnable à t’offrir ? Voire que c’était peut-être comme ça que je te ferai quitter ta femme ?! Tu me connais aussi peu que ça ?! »
Mais oui ! A présent, c’était évident! La réponse était devant son nez. Elle avait eu peur. Peur d’elle-même, peur de l’image qu’elle renvoyait. Elle était ainsi, pleine de morale, de bon sentiments. Moins polluée que Georgia fort heureusement, bien plus taillée à son image, mais elle possédait sa propre morale et une volonté propre de ne pas blesser autrui sauf lorsque les circonstances l’exigeaient. Il avait fait un pas vers elle, aussi, lui touchant la joue délicatement du bout des doigts :
- « Mais absolument pas ! Trésor, je sais bien que tu ne voulais pas m’acheter, voyons ! Je te connais. Cette envie que tu as ne fais pas de toi une mauvaise personne. Je sais ce que tu as voulu faire, je l’ai compris. Ce n’était pas de l’achat, tu as juste voulu me montrer que tu étais prête à vivre avec moi, ce n’était pas un ultimatum ou un cadeau, c’était déraisonnable et insensé, c’était une folie, oui. Mais je l’a pris pour ce que c’était, rien d’autre. La cristallisation de ton amour. Au fond de toi, tu savais que ce n’était pas possible. C’est la raison pour laquelle je te promets que je n’interprète pas ce cadeau comme une volonté de nuire à mon mariage, tu as juste cru que je le voulais aussi. »
Mais… Il aurait peut-être du se prêter au jeu ? Hocher la tête et ajouter « évidement...oui, bien sûuuuur que ce n’était pas pour moi. Tu me l’as caché parce que…. ? Tu voulais me prouver que tu n’étais pas ma Chose. Mais oui…. EVIDEMMENT!!. ». Cela ne convaincrait qu’elle seule… Au final, toute cette situation était bien plus prétexte à rire qu’autre chose. Cela s’apaiserait. S’ils reprenaient la visite peut-être… Cela aurait été dommage de ne pas pouvoir savourer sa victoire un petit moment. Parmi le flot de paroles qu’elle déversait encore, quelque chose l’interpela néanmoins. Quelque chose qui sonnait pourtant vrai au milieu de tout ce fatras de propos paniqués. « Tu n’analyse pas bien les cartes que tu as en main, mon cher ». De quoi parlait-elle ? Il analysait on ne pouvait mieux…
- « Si la Vérité est autre, Trésor...C’est que tu me caches une carte et non des moindres. Sauf à vouloir me la révéler...Je resterai sur mon idée si tu veux bien » déclama-t-il posément en fondant son regard dans celui de la libraire. Il ne cherchait pas à fouiller, préférait de loin investir, l’ensemble de son âme, de ses secrets, de ses troubles. Dans le flot de ses mots, pas un n’avait réussi à le blesser. Mais l’ironie faisait qu’elle touchait presque du doigt une vérité qui semblait l’horrifier. Et en cela...elle le décevait. Il l’aurait pensée plus…
- « Je n’ai pas enquêté sur ton passé. Ce n’est pas ça, une enquête.. Disons, que j’ai fait quelques légères recherches qui ont abouti à une découverte qui a elle-même amené à une unique conclusion. Cela ne m’a pas pris longtemps, ne t’inquiètes pas. Je n’ai pas passé des nuits entières à me préoccuper de ton cas, si ça te préoccupe. Une recherche m’a suffit. Comme tu dirais… Fâcheuse curiosité. » un sourire malsain était venu dévoiler ses dents « Oh… oui j’aurais pu te poser la question mais ce jour-là, nous venions de nous quitter. Tu m’avais simplement donné une nouvelle fois ta carte, inquiète sûrement à l’idée que je puisse m’être débarrassée de celle que tu m’avais donné à mon cabinet, je doute que tu aurais été prête à me révéler tous les secrets de famille dès ce jour. Cela m’intriguait. my apologiiiies » il avait eu un petit rire moqueur « Mais tu aurais fait de même… Tous les deux, nous détestons ne pas savoir. Le trouble, les non-dits, l’obscurité, je sais que ça te HANTE et que ça t’obsède. » il avait fait un nouveau pas vers elle « A vrai dire, j’ignorais que tu puisses avoir honte… C’est un tort. Peu importe ce qu’il a fait, tu peux le haïr, mais ne rejette pas cette filiation, ce qu’il t’a légué, ce qu’il a fait de toi c’est une force. Mais rassure-toi...Je n’ai rien à voir de près ou de loin avec ce genre de misérable petit bouffon, si c’est ce qui t’inquiète le plus...Et d’aille... »
Mais il s’était subitement tu. Tout comme il s’était aussi stoppé dans son avancée. Net. Par prudence. Ce n’était pas elle ou plutôt ça émanait d’elle. La lueur bleue qui frémissait électrique au bout de ses doigts. C’était la première fois qu’il le voyait réellement. Son pouvoir. Le champ des possibilités… Il en resta bouche bée. Figé net. L’espace d’un instant, il oublia que cette puissance, que ce champ des possibilités avait activé par lui. Ou contre lui. N’y voyant que la magie, le reflet d’une capacité surhumaine. C’était beau à sa manière. C’était terrifiant… Mais surtout. « Fascinant ». Elle l’avait vu, s’était enfuie. Se cloisonnant dans la salle de bain. Par panique. Par peur. Par protection. Il n’avait pas réagit. Peut-être aurait-il frapper ? Il eut une seconde d’hésitation. S’enfermer dans une salle d’eau ne lui semblait pas de la pertinence la plus folle… Cela lui sembla être même la dernière des choses à faire. Savait-on jamais. Mais elle était suffisamment grande pour savoir ce qu’elle faisait, non ? Puisqu’elle n’était pas sa Chose et puisqu’elle se trouvait dans SA Maison, elle gérerait très bien toute seule… Un sourire s’était formée sur ses lèvres, imaginant l’effet que cela produirait chez elle s’il lui sortait cela. Lâcherait-elle un éclair ? Le dévierait-elle à temps ? Et maintenant que fallait-il faire ? Cette seconde de répit finirait-elle par la calmer ? Sûrement, elle se calmerait sûrement en même temps que ses pouvoirs… Il était tout de même rare qu’elle s’emporta à ce point comme une vulgaire femme enceinte… oh. Mais.. oui c’était cela ! La carte « manquante ». Comment avait-il pu ne pas y penser ? A présent, le sens de sa remarque acide prenait subitement corps ! « Tu n’analyse pas bien les cartes que tu as en main, mon cher » Il n'y avait pas de carte manquante... Non... Un peu d’amertume teinta sa joie. Evidemment… Cela pouvait coller… Cela ne pouvait que coller… Elle était revenue depuis peu. Fatiguée elle-même, mais changée. Elle pouvait dire ce qu’elle voulait, elle n’aimait pas se confier sur ce qui la tracassait. Elle avait pourtant été sincère, franche, lui avait raconté tout ce qui s’était passé pendant ce voyage et le plus important. Son pouvoir était revenu. Ils en avaient discuté...sans pour autant rentrer dans les détails, il préférait jouer de finesse lorsque ce terme apparaissait… Il le maniait avec précaution, gommant tout intérêt. Mais elle ne lui avait pas tout dit ce jour là… Il le savait. Il connaissait son regard, la manière dont ses yeux se dérobaient… Sa manière de couper une discussion, de l’orienter doucement, délicatement lorsqu’un sujet la mettait mal à l’aise. Il y avait eu quelque chose de ce genre cette soirée là… Il songea à ce qu’Atlas avait dit… Les plus forts… Hyperion, Alexis, Vaiama… Et si… Elle prenait peur de son pouvoir ? Le sentait incontrôlable ? Après tout, il avait été bridé une première fois, cela se justifiait forcément par une raison… Elle avait peur… Elle ne le maîtrisait pas. Et son appartement se situait au dessus de son commerce, à côté d’autres pâtés de maison. A proximité d’autres vies. De choses auxquelles elle tenait… Elle n’avait peut-être eu vocation qu’à...s’en éloigner. Mettre des murs plus robustes autour de sa personne ? Et ne lui en aurait pas soufflé mot pour...ne pas l’inquiéter. Elle aimait porter cette carapace résistante et forte même devant lui. Lui qui pourtant voyait au combien cela ne se révélait être qu’une apparence révélant une jeune femme perdue, effrayée par la solitude, l’envie d’être aimée, l’envie d’aimer. Mais là était son souci le plus complexe. Elle continuait à posséder des réticences à s’abandonner. A lui laisser les rênes. Elle ne comprenait pas ô combien nombre de ses problèmes diminueraient alors et que ses soucis deviendraient siens. En attendant… c’était cela peut-être… et c’était décevant.. Décevant. Dans d’autres circonstances, il aurait pu comprendre. Mais… C’était finalement observer la chute d’autrui du haut d’un mas de considération qu’elle avait obtenu. Elle reculait. Tout au mieux faisait du sur-place. Cela le décida à descendre les marches, quittant la chambre. A quoi bon y demeurer ? Rien de ce qu’il désirait ne se passerait comme souhaité. Il se laissait au mieux la possibilité de se créer d’autres souvenirs...ailleurs. Arrivé en bas de l’escalier, sa tête se promena sur les alentours, hagard… Une partie de lui songea à l’abandonner là. Après avoir verrouillé les issues. Après tout, puisqu’elle possédait suffisamment de puissance, il aurait été amusant d’observer si elle était apte à s’en sortir seule… Mais il devait constater qu’il n’était pas suffisamment vengeur pour mettre cette idée à exécution. Il préférait encore attendre. Attendre qu’elle vienne à lui. Il voulait savoir. Savoir laquelle des deux hypothèses se révélerait être la bonne. La maison qu’elle lui offrait ou le refuge pour ses pouvoirs ? Alors, se borna-t-il à se laver les mains, tranquillement savourant l’eau fraîche qui coulait sur ses poignets puis s’adossa au comptoir. Elle viendrait à lui. Elle venait toujours… Et elle était venue, inquiète sûrement de sa subite disparition et l’avait observé, un temps, laissant s’écouler entre eux un silence bénéfique. Elle était reposée, ça se voyait. Et la discussion qu’elle avait ouverte aurait du être celle-là. Celle-là depuis le départ… Alors, il avait respecté son silence. La pression était redescendue. La joie aussi. La satisfaction également. Ne restait que...la curiosité, une envie amère de l’entendre gâter tout le fabuleux qu’avait pu être ce jour… Qu’aurait du être… Elle avait souligné son père, son attirance pour elle… Son amour pour le pouvoir… Pour la Couronne. Elle avait levé la main pour l’empêcher de parler, lui demandant du silence non pour lui, mais pour elle. Elle voulait pousser son raisonnement. Exorciser, ses doutes, ce qu’elle avait compris aussi. Et il le lui accorda, observant alors, sans bouger, son visage fin, ses yeux hésitants, sa bouche ronde et tremblante. Lui n’esquissa aucun mouvement. Seuls ses yeux bougeaient, se mouvaient s’emparant de la distance qui existait entre eux. Et alors qu’elle reprenait son souffle, articula seulement :
- « Je ne t’en parlerai pas. Non pas parce que je ne souhaite pas l'évoquer. Viendra le jour. Mais tu n’es pas encore prête à l’appréhender. Pour ton propre bien, le mien, le nôtre. » proféra-t-il lentement, le son de sa voix reprenant la trace de sa vie passée sans hargne « Mais sache que je ne te déprécie pas. Je ne prends pas pour « une conne » pour reprendre ton injurieuse expression » son visage avait formé une petite moue dégoûtée à l’emploi du mot « Si je le faisais, tu ne serais pas ici. Tout serait déjà fini depuis bien longtemps… Crois-tu que je serais si clément face à la première sotte qui manœuvrerait ce genre de petit projet ? Tu penses que ce que je t’offre, je l’offrirai à la première idiote venue ? Crois que tu que ce soit à la portée de n’importe quelle petite délurée qui viendrait se trémousser sous mon nez affublée d’un joli minois ? J’ai… plus de critères que cela… Et tu as plus de valeur que cela.''
Elle n’était pas un vulgaire bijou. Il ignorait ce qu’elle était à ses yeux, en vérité… Un caprice parfois, un pion d’autres, un bijou avec de la valeur, son Espoir dans son Futur, son refuge, son havre de paix, son secret...son amante, son trésor. N’était-ce pas déjà beaucoup ? N’était-ce pas suffisant ? N’était-ce même pas TROP pour quelqu’un qui ne savait MÊME PAS lui offrir une maison ? Il savait ce qu’elle voulait et qu’il ne pouvait pas lui donner : son amour. Non. Ca elle ne pouvait l’être. Sa bouche s’était arquée lorsqu’elle avait cité le clown.
- « Cela...et plus encore… » murmura-t-il plus pour lui que pour elle, d’ailleurs.
Oui. Preminger et ses Trésors. Preminger et ses Ambitions. Preminger et sa Destinée. Preminger et sa Gloire. Preminger...et lui-même. Parce que tout n’était qu’une question que de cela finalement… De l’Amour qu’il se portait. De ce que le Monde avait prévu pour lui. Et elle faisait partie de ce Grand Tout. Même s’il pouvait comprendre que cela puisse être difficile à admettre, effrayant aussi. Mais inéluctable.
- « Je t’ai...libre. Je ne veux pas t’enlever ta liberté. Chaque choix que tu fais est tien. C’est ce qui rend notre lien vrai.» énonça-t-il sereinement.
Il avait croisé les chevilles, debout l’écoutant confirmer ce qu’il pensait. Non, ce qu’il avait comprit. Elle n’avait jamais voulu lui offrir ce cadeau. Elle respectait son choix de vivre avec sa femme, s’en contentait, s’en satisfaisait même. Si cela le vexait un peu, parallèlement cela le comblait tout de même également. Et cela l’apaisait aussi. Il ne l’en scrutait pas moins avec ses yeux d’épervier, attendant la suite. Parce qu’il devait y avoir une suite. A présent qu’elle admettait que son emballement se trouvait justifié...elle lui devait la vérité. Exceptionnellement, il s’évita un reproche supplémentaire en l’interrompant pas pour lui dire qu’il savait déjà. Il préférait de loin qu’elle aille jusqu’au bout… Ensuite… Peut-être lui proposeraient-ils qu’ils aillent se désaltérer avant la dernière visite. Après tout., elle lui semblait fragile encore, bien que perchée sur ses talons, fière mais aux abois…Oscillante. Il serait bien Temps d’effacer ses errements d’une seule étreinte. Mais il s’en gardait bien pour le moment. C’était sa petite vengeance… De la faire avouer sans lui venir en aide, de se contenter de l’observer avec l’acuité fourbe de ses yeux, d’attendre son aveu tandis qu’un rire nerveux s’échappait d’Alexis :
— « C’est drôle, pour quelqu’un qui se vante de finir par tout savoir, tu l’as pas vue venir celle-ci... mais bon, je suppose que tu avais raison puisque je vais finir par te le dire… »
Il attendait. Il ne faisait qu’attendre. Elle savait qu’il avait raison. Que cette volonté de le mettre de côté ne pouvait pas cacher ou prouver seulement une preuve de volonté de s’affirmer. La seule raison pour agir de cette manière eut été qu’elle se soit sentie au combien piégée dans leur relation. Qu’elle soit devenue comme un piège l’asphyxiant au point qu’elle n’avait pu que réagir ainsi, pour se prouver et lui prouver qu’elle restait libre. Mais cela n’était en rien leur quotidien. Elle était plus qu’épanouie dans leur...couple et elle ne pouvait le nier, tout aussi accusatrice et franche qu’elle avait pu l’être précédemment. Oui. Il voyait autrui comme des choses, oui il les maniait à sa guise. Cela faisait partie de lui. Et il ne lui en voulait pas pour s’en être aperçue, pour s’en révolter aussi. Un jour elle comprendrait que cela ne changeait rien au fait qu’elle n’en demeurait pas loin libre. Que le fait de se tenir à ses côtés, à sa merci, résultait d’un choix propre, un choix d’ « amour », de conviction, d’adhésion plus qu’une manipulation comme d’autre, un choix libre. Que plus que par force, elle le voulait. Elle le voulait en dépit de tout. Mais elle n’était pas prête à l’admettre. Tout comme elle n’était pas non plus prête à entendre l’entière vérité sur lui. Au moins admettait-elle à présent que son comportement cachait quelque chose… Son secret. La carte qu’il avait oublié en se cantonnant subitement à son désir. Ses pouvoirs. La puissance…
— « ... J’ai eu besoin de Temps pour prendre conscience de ce qui m’arrivait... de ce qui NOUS arrivait et... je n’ai pas eu le courage de te le dire tout de suite parce que je devais déjà avoir le courage de l’accepter. »
Ainsi allait le Monde… Ainsi se défaisaient les rêves… Mais au moins bannissaient-ils les non-dits, les erreurs de jugement de part et d’autre.. Quand bien même il ne comprenait pas pourquoi elle l’excluait dans son avancée avec ses pouvoirs. Était-ce lié à lui ? Était-ce son contact qui avait permis à Hyperion de les lui rendre ? Il avait du influencer cela, évidement. Involontairement mais tout de même. Aussi certainement qu’Atlas connaissait son nom, Hyperion ne pouvait ignorer son identité…
- « Si j’ai demandé deux chambres au minimum dans cette maison et une baignoire c’est...c’est parce que... »
Mais bon sang de quoi parlait-elle ? Pourquoi ce subit retour au détail de sa demande ? Pourquoi parler de chambre et de baignoire? En quoi cela pouvait-il bien être important ? Machinalement, malgré tout, malgré lui, les jointures de ses mains s’étaient crispées contre le rebord de l’évier. Par sécurité. Par mécanisme. Alexis avait inspiré grandement et il avait presque senti les battements du coeur de son amante raisonner jusqu’à ses oreilles, tandis qu’il lui semblait qu’il se dissipait soudain en un seul regard accru.
— « Je suis enceinte. »
- « Ah... »
Etait-ce une plainte, une constatation, un rire ? Il ne savait pas. Il n’avait pas eu réellement le temps de s’en apercevoir, son visage étant à présent crispé dans un demi-sourire qui n’avait en réalité rien de joyeux. La mimique était de loin bien plus effrayante – ou effrayée- qu’avenante. L’espace d’un instant la beauté qui faisait le charme ravageur de l’ancien ministre s’était désordonnée. Une moue d’appréhension rebutée et choquée s’était gravée sur son visage soudain livide, tandis que ses yeux faisaient la navette entre les yeux d’Alexis et...ce qui lui servait de ventre. Inlassablement. Avec un effroi grandissant. C’était...Non. Non… Ses dents s’étaient écartées, laissant échapper un rire sardonique, nerveux. Pour l’arrêter tout aussitôt. Le tuer à l’instant même où il avait dépassé la limite de sa gorge. Des images dansaient sous ses iris flamboyant de rage... Le geste d’Alexis l’arrachant de son ventre, la petite chambre de la première maison. Midas… Midas… Il revoyait son regard gêné, ses nombreuses tentatives de dissuasion...
- « Sinistre petit imbécile... » grimaça-t-il entre ses dents, incapable de proférer autre chose. Les mêmes images tourbillonnaient inlassablement. Comment avait-il pu ? Comment avait-elle pu ? Pourquoi n’avait-il pas vu ? Comment était-ce possible ? « Tu n’analyse pas bien les cartes que tu as en main, mon cher ». Non... NON. Il n'avait pas eu cette carte... Il ne la voulait pas... Son estomac se tordit dans un tour de main brutal, et il se détourna d’Alexis. Se rendant brutalement compte qu’il marchait frénétiquement dans la cuisine, arpentant ses couloirs, les lèvres pincées, la tête baissée. Oh tiens... Un carrelage était fendillé. Et ça osait vendre à ce prix là ! Midas… Impossible… La pilule, elle prenait la pilule. Il avait relevé la tête, scrutant Alexis pour sitôt dévier le regard, agrippant son téléphone avec colère. Il ne fallait pas qu’il lui explose dans la main.. Il fallait qu’il ait Midas. Il fallait qu’il téléphone à Midas…. Il ne savait même pas comment il avait réussi à faire le numéro mais il l’avait fait, visiblement… Puis que la tonalité sonnait. Oh … Damned…
- « Midaaaas ? Décroche… Décroche…. »
Il s’était approché du rebord, une nouvelle fois crispant sa main valide sur le meuble, inspirant… expirant. L’air était si oppressant. Personne n’ouvrait les fenêtres dans cette vaste demeure ? Les maisons inhabitées quelle plaieeeee ! Et elle ? Elle ne pouvait pas seulement ouvrir ? Ne voyait-elle pas qu’il était sur le point de se faire porter pâle ?
- « Vous êtes bien sur le répondeur de Jérémie Daas. Indisponible pour le moment je vous invite à me laisser un message, après le signal sonore. Merci d’avance ! Je vous rappellerai dès que possible »
La voix avait laissé place à un bip strident puis au silence.
- « Midaaaaaaaaaas ! Rappelle-moi c’est...urgent ! Rappelle-moi. Rappelle-moi TOUT DE SUITE ! »
Peu importait qu’il avait pratiqué hurlé toutes les phrases au téléphone. Peu importait qu'il avait employé son nom de conte. C’était tant un appel de détresse qu’un égosillement de colère qu’il avait lancé et il savait que cela suffirait pour faire rappliquer son chien les oreilles aux abois. Si ce sale petit traître n’était pas en train de compter fleurette à il ne savait qui…. Avait-il su ? Avait-il deviné ? Résistant à l’envie subite d’exploser son téléphone contre le mur… Il le lâcha contre l’évier, dans un geste vif, puis… Le replaça dans son pantalon, de la plus calme des manières…Reporta son attention sur Alexis, la moue crispée naissant...à nouveau sur ses lèvres, lissant son pantalon comme si de rien n’était, même lui accorda-t-il un sourire hypocrite :
- « Dooonc nous disions..avant d’être interrompus ? » reprit-il d’une voix sinueuse et ondulante, dans un geste désuet… « Ah. Oui. Tu es…….Enceinte. »
Il avait buté sur le mot et le rire sarcastique était venu à nouveau troubler sa paix, si bien qu’il l’écrasa subitement, plaquant une main sur ses lèvres. Trop tard. Il était pris d’un fou-rire cynique incontrôlable, aussi verdâtre que son teint. Si bien qu’il tituba presque contre le meuble, craquant par la même occasion, le vernis poli et onctueux qu’il s’était fabriqué :
- « Ce n’est...pas possible… Trésor, tu plaisantes. » son rire se stoppa net « Depuis que nous avons...vu ce Futur.. J’ai vérifié chaque pilule. Chaque contraception. J’ai surveillé chaque jour, à chaque FOIS! » sa voix était montée dans les aiguës « Tu n’as pas pu RECRACHER l’entièreté de ses maudits contraceptifs ALORS Explique-moi QUAND ! QUAND cela a bien pu se produire ? » Il avait relevé un regard acide vers elle, sondant son être tout entier d’une hargne malsaine.
Elle ne plaisantait pas. Il le savait. Il l’avait su à la minute où elle l’avait proféré. Enceinte. Un bébé… Non pire ! Ce petit être méprisable… Ce petit simulacre de lui-même, une pâle copie, un ersatz, un croquis ! cet Isaac. Non. NON. IL REFUSAIT ! C’était encore pire que ce qu’il pensait jusqu’alors… Il y avait un être. Un être dans ce ventre. Qu’ils avaient...conçu. Etait-ce possible ? Il avait toujours su que ces enfants du Futur venait de lui mais il y avait une différence entre savoir et admettre et ce jour, il n’était pas certain d’avoir appris comment faire la différence. Le fait qu’il puisse engendrer quelque chose… NON. C’était impossible. IMPOSSIBLE. Il surveillait tout. Tout. Sauf à penser que cet enfant puisse ne pas être de lui, mais c’était impossible. Elle n’aurait pas pu ne serait-ce que poser un œil appréciateur sur autrui… Il n’avait pas besoin de la regarder à nouveau pour la savoir toute à lui. Du sommet de son crâne aux pieds qui foulaient le sol… Alors. C’était vrai. Il lui semblait qu’un coup de massue venait de lui frapper violemment le crâne. Il était allée vers elle, s’étant subitement stoppé au risque de sentir son regard glisser vers… Et Midas qui ne rappelait pas… Toout sauf ça. Tout sauf… ça. Ce petit truc… Cet insignifiant petit truc… Oh non, non, non Preminger était bien trop somptueux pour avoir des enfants. Il s’était passé la main lentement sur le visage, comme pour en retirer l’horrible image, puis s’était apaisé froidement. Pourquoi paniquer ? Il n’y avait pas de quoi. Tout ce qui n’existait pas… Pouvait disparaître. Le coin de sa bouche droite s’était relevé machinalement en un rictus contenu, tandis qu’il avançait vers elle, la démarche lente et alanguie. Elle était demeurée là. Tremblante. Bouleversée. Elle en aurait pu être désirable si elle n’avait paru entachée d’un halo nouveau, souillée d’une force ennemie. Elle le serait lorsqu’il aurait vaincu. Il s’était approchée d’elle, inclina la tête doucement, renvoyant par la même occasion quelques-uns de ses cheveux jais valser au-delà de son épaule. Arrivé à sa hauteur, il n’esquissa pas le moindre geste, se bornant à haussa un sourcil au dessus de son regard d’or:
- « D’ailleurs Explique-moi ce que tu comptes faire… Dans une nouvelle maison qui plus est ? » interrogea-t-il latent, les yeux insondables. Il s’arrêta face à elle, à proximité de son corps. Il n’avait qu’un pas à faire, qu’un geste à faire et il toucherait ou effleurerait sa chair. Mais il n’en fit rien. Il promena ses yeux incandescents sur l’ovale du visage de la libraire reprenant plus doucereusement « Alexis, nous sommes si bien. Et cet...ce n’était pas notre projet. Ce n’était pas le tien. Pourquoi tout gâcher avec….avec...cet……..ça. Tu as tout ce que n’importe qui peut rêver, dis-moi POURQUOI tu gâcherais potentiellement tout ce que la vie t’a gracieusement donnée pour... » il avait eu un geste évasif désignant son ventre avec dédain ajoutant avec une soudaine et lente perfidie « Tu sais comme je suis avec les enfants. Je ne te l’ai jamais caché. D’ailleurs….Comme tu me l’as si bien dit, les gens ne sont pas mes choses…et ça tombe parfaitement puisque cet être là...je n’en veux pas. »
C’était dit. Et il s’était soudainement plus satisfait une fois que cela avait été énoncé à voix haute, clairement, posément, cruellement. Pourquoi, diantre, aurait-il eu à rougir ? Il ne faisait que dire la vérité. Ce bébé ne verrait pas le jour. Elle reviendrait à la raison. Oh, il s’était approchée d’elle écartant ses boucles pour lui dégager son visage diaphane :
- « Alexis, mon petit trésor... Tu es perdue…Je suis certain que tu n’en veux pas non plus… Tu sais que ça n’aboutira à rien. » marmonna-t-il en dégageant son visage, écartant ses cheveux éparses de son visage, comme pour lui ôter l’hérésie maternelle qui lui avait saisi l’esprit.
Et pourtant. Elle n’était pas perdue. Elle avait sciemment réfléchi… Auquel cas, jamais sinon n’aurait-elle recherché cette maison. Cela se tramait depuis bien plus longtemps. Depuis son retour peut-être...Même s’il ne parvenait pas à mettre le doigt sur la date, sur l’Erreur… Il lui ferait entendre raison… Rivant son regard dans le sien, incrustant ses mains autour de son visage, il se pencha au dessus d’elle comme un vautour chuchotant son sinistre venin, son chant mortifère
- « Tu ne peux pas garder… cette… sorte...de pseudo...union vivante de nous. Cela séduit toujours paraît-il à un certain âge mais tu m’as déjà, non ? Tu tiens à nous, non ? » il s’était penché encore l’enveloppant presque dans l’étreinte de son aura, le visage presque collé au sien « Bien sûr que tu y tiens... Alors.. Ouvre les yeux. En vois-tu seulement les risques? Les conséquences ?… As-tu ne serait-ce que pensé à moi, … As-tu seulement pensé à moi lorsque tu as manifesté cette envie et ce choix égoïste ? Oui… Bien sûre que tu y as pensé. Bien sûr que tu savais. C’est pour cela que tu as évité le sujet. Mais que comptais-tu faire ? Me mettre devant le fait accompli ? » il avait menotté son regard au sien, coulant l’or en fusion de ses prunelles dans celles sombres et aquatiques de sa maîtresse « Et tout ce que j’avais accompli ? Tu t’en moques ? Tous mes projets ? Mon futur ? Tu pensais, sérieusement, qu’avec ça, je pourrais continuer à parader dans les réceptions mondaines sans que rien n’y paraisse ? Ma moralité ! Que fais-tu de l’image de ma moralité ? De mon ambition ? De ma campagne ? De ma destinée ? Crois-tu que je vais sacrifier DES ANNÉES de préparation pour voir un petit être pointer le bout de son nez ? Un petit être dont nous ne voulions pas ? Tu dis que tu ne veux pas gâcher mon mariage, mais laisser survenir cette situation ne te paraît pas on ne peut plus embarrassante ? Ne penses-tu pas que cela aboutira exaaactement à ce que tu dis ne pas désirer ? Ou peut-être que tu penses que cela s’effectuera dans la plus grande cordialité et que tu pourras même confier à mon épouse...ce bambin...lorsque tu travailleras en boutique ? » il avait eu un rire sec ravalé aussi vivement et il avait reprit d’une voix ferme « Evidemment que non. Tout ce qu’il fera… C’est me détruire. Te détruire par les remords. Nous détruire… » il marqua une pause, puis ajouta, enfin d’une voix douce, sournoise...corruptrice « C’est un lourd sacrifice...Je sais. Mais je serais avec toi. Pour le mieux. Pour donner toutes les chances au futur que tu désires. Pour le mien. Pour le nôtre… Il n’y a qu’une issue, Alexis… Et tu la connais. »
Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »
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Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...
“Ainsi va le monde ici-bas. Le temps emporte sur son aile Et le printemps et l'hirondelle, Et la vie et les jours ..." Gagnés
Il m’inquiétait. Grandement. Parce qu’il avait mis un temps fou à comprendre tout ce que je lui avais dit et que cela n’était pas de très bon augure quand le coup de semonce était tombé. Je l’avais observé sans bouger, de peur de faire du bruit et qu’il me remarque, alors perdu dans ses pensées, m’accablant de mots que je n’avais pas envie d’entendre. Je respectais son choc, j’en avais eu un aussi, je savais que le sien serait forcément plus violent que le mien. Je le laissais digérer, tremblante presque de crainte pourtant. Je n’avais pas peur qu’il soit violent, non. Déjà parce qu’il n’avait jusqu’alors jamais montré preuve de violence envers moi, quelques gestes agressifs pendant nos ébats tout au plus, gestes que je comprenais, appréciais, reproduisais. Un jeu entre nous depuis le tout début. Mais quand il était question de colère ou de dispute, jamais au grand jamais il n’avait levé la main sur moi. Jusqu’à présent j’avais même sans aucun doute été plus explosive, même si je voyais très souvent à la lueur de ses yeux, à la crispation des traits de son visage qu’il contenait bien des choses en lui. Alors je n’avais pas peur qu’il me touche, de toute façon, j’aurai su me défendre. J’avais juste peur de sa réaction, de ses mots, de sa possible envie de rompre. J’avais peur qu’il ne fasse rien de tout cela mais que son discours seul parvienne à me dégoûter de lui, de nous, de ce que nous avions vécu et que je ne pourrai plus vivre à ses côtés. Jamais je n’avais senti jusqu’alors notre relation autant au bord d’un précipice. Nous avions pourtant frôlé la mort ensemble, plusieurs fois, mais rien n’avait jamais été fait pour détruire notre relation de par notre propre volonté. Cette fois-ci en revanche, il n’y avait pas de Clown vengeur ou de sorcier machiavélique, juste nous, nos peurs, nos colères et nos démons.
Pendant son moment de réflexion, j’avais pris le Temps du mien pour repenser à ce qu’il avait dit plus haut. Il avait été tellement persuadé qu’il était dans le vrai, au point de croire que je pouvais me fourvoyer, me mentir à moi-même. Son égo avait tellement pris le dessus que d’imaginer une seule seconde que je ne sois pas à ses pieds lui semblait impensable. C’était sans doute ce qui m’avait poussé à m’énerver à ce point. Il n’avait pas envisagé une seule seconde qu’il pouvait y avoir une autre raison à ma “cachoterie”. Depuis quelques temps, je me rendais compte que j’étais toujours plus à fleur de peau. Je me demandais si je pouvais déjà mettre ça sur le compte de la grossesse, une chose était certaine, si j’avais été hors de moi, il avait pris les choses de son côté avec un calme désarmant, tentant juste de me ramener dans le droit chemin (ou plutôt dans SON chemin) avec patience. J’avais vu son air surpris lorsque je lui avais précisé que je n’étais pas sa propriété, quand je m’étais rebellée contre cette idée. Pas parce qu’elle lui semblait absurde ou qu’il tombait des nues en me prenant pour acquise mais simplement parce que ça lui semblait impensable que je puisse penser que ce n’était pas là. Je lui appartenais, comme tout ce qui croisait son chemin apparemment et même si je continuais à refuser cette idée avec fougue, m’étant promis mentalement de finir par lui faire changer d’avis lorsque j’étais dans la salle de bain, il ne semblait pas enclin à y croire. Alors serait-il plus facile de lui faire accepter Isaac comme étant de lui également. De par sa première réaction, ce petit “ah” de stupeur de et plainte, j’aurai été complétement idiote d’y croire.
Assise sur les toilettes, j’avais réfléchi un long moment, autant pour me calmer qu’à ce qu’il m’avait dit. C’était peut-être aussi pour cela que j’étais redescendu, que j’avais accepté de m’expliquer calmement bien que je ne m’excuserai pas. Je pensais sincèrement ce que je disais. Il n’avait pas le droit de me considérer comme à lui. Comme un objet plus ou moins précieux qu’il gardait dans sa collection, juste à côté de sa baraque et de sa Rolls Royce. Pourtant, ses mots s’étaient répercutés en moi et se répercutaient encore et encore. A mesure que le Temps passait, je me perdais dans notre relation. C’était incompréhensible. Erwin était à première vue tout ce que j’avais jusqu’alors détesté. Je n’avais jamais supporté le côté vantard de Jack, le remettant toujours à sa place, la flamme étrange dans les yeux d’Eavan m’avait toujours effrayée au point que je ne souhaitais pas trop m’avancer. La perfidie de Janus m’éloignait chaque fois un peu plus... et pourtant... pourtant la vantardise d’Erwin était quelque chose que j’acceptais de bon cœur, comme si cela faisait partie du contrat, la flamme dans ses yeux m’effrayait autant qu’elle m’attirait, je tolérai toujours sa perfidie malgré mes ressentiments à ses sujets. “Le trouble, les non-dits, l’obscurité, je sais que ça te HANTE et que ça t’obsède.” J’avais senti une bouffée de colère monter en moi quand il me l’avait dit. Pas parce qu’il m’avait blessé, mais parce que malgré tout ce que je pouvais tenter de combattre, c’était vrai... ça me hantait jusqu’à l’obsession... IL me hantait jusqu’à l’obsession. Et derrière ses faux semblants et ses fourberies, il me révélait, autrement, différemment. Ne pas avoir honte de ce qu’il me léguait... de ce qu’il avait fait de moi... Le discours des Templiers.
“Mais prends-y le temps d’y réfléchir. Parce que ce que tu me refuses aujourd’hui...je suis pas certain de te l’accorder demain… Comme tu l’as si bien dit, mon esprit est changeant. Mes envies aussi.” J’avais eu l’air choqué lorsqu’il l’avait dit, le prenant pour une menace dans un premier temps, prête à lui bondir à la gorge. Mais plus le Temps passait plus je me rendais compte que plus qu’une menace, ce n’était qu’un rappel de sa personnalité. C’était pourtant si blessant... il ne tenait à rien très longtemps, comme un enfant capricieux après avoir joué avec son jouet “préféré” pendant 10 minutes. Je n’étais rien d’autre qu’une distraction et avec ce que je venais de lui dire, la distraction était peut-être finie. C’était une possibilité que j’envisageais depuis quelques semaines déjà, son envie de tout arrêter, de me quitter si je souhaitais garder cette enfant... j’espérai juste que cela ne soit pas le cas. J’avais déjà pris ma décision face à ce bébé mais je n’avais pourtant aucune envie de le perdre. “Cela...et plus encore…” C’était pourtant ce qui m’avait rassuré, même s’il n’avait sans doute pas vraiment voulu dire cela... mais sa volonté de vouloir me préciser qu’il ne me considérait pas à ce point stupide, que j’étais d’une certaine façon “privilégiée” m’avait donné la fin du courage supplémentaire pour lui avouer ce que je devais lui avouer.
— Sinistre petit imbécile...
J’avais relevé la tête en sa direction, les sourcils haussés. Avec la liaison, j’avais d’abord cru que cette insulte m’était destinée. Mais le voyant récupérer rageusement son téléphone, j’avais compris qu’il faisait bien plus référence à son ami. Avec une voix calme, j’avais précisé, dans une voix à peine plus haute qu’un murmure :
— Il n’y est pour rien... je ne lui ai rien dit... Je ne l’aurai jamais dit à ton ami avant toi...
Mais il ne semblait pas m’écouter, bien trop concentré sur l’idée de composer le numéro. Il s’était même détourné, priant sans doute le ciel pour qu’il décroche. Il ne l’avait pourtant pas fait, pas bête la guêpe... Je me souvenais du trouble qui était passé dans les yeux du jeune homme lorsque je lui avais donné mes exigences. L'avait-il compris ? Supposé ? Il semble lait peut-être faire bien plus attention aux autres que ne le faisait Erwin, ce qui faisait que leur duo fonctionnait... il aurait tout aussi bien pu comprendre... c’était peut-être pour cela qu’il l’avait dissuadé de venir à sa place... pour cela qu’il ne répondait désormais plus, sachant pertinemment dans quel état le choc de cette nouvelle aurait mis Erwin. Dans l’énervement, je l’avais entendu l’appeler “Midas”... cela devait être son nom véritable. Midas. Comme le Roi Midas ? Je fronçais les sourcils, me demandant si ce genre de mythologie pouvait être un conte également ? Avaient-ils fait connaissance en étant roi de pays voisins ? Comment Midas avait-il donc pu accepter dans le futur de laisser sa couronne et son royaume pour devenir uniquement conseiller du roi ? Quelque chose m’échappait clairement mais Erwin s’était tourné vers moi comme un rapace, me souvenant alors brusquement que l’identité de Midas était le dernier de mes soucis.
— Dooonc nous disions..avant d’être interrompus ? Ah. Oui. Tu es…….Enceinte.
— Calme-toi, s’il te plaît, je sais que c’est un choc... ça en était un pour moi aussi...
J’avais presque hésité à esquisser un geste de replis tant il s’était transformé en un instant. Il en était presque repoussant, son teint verdâtre de dégoût, ses yeux brûlants de colère, sa voix qui avait perdu son calme et son charme habituel pour monter dans des aigus agressifs que je ne lui avais jusqu’alors connu qu’au naufrage du Titanic. Avec un petit choc, je l’avais entendu me parler de mes pilules contraceptives. Je m’étais rendu compte qu’il était légèrement plus insistant, quitte à des fois me l’amener directement. J’avais pris cela pour de la gentillesse mais cela révélait tout autre chose. Quelque chose que je découvrais ou que je redécouvrais : sa peur des enfants. Ou du moins sa non envie d’en avoir. Comme moi, il avait dû prendre des leçons de ce futur et je voyais à présent à quel point il s’était fait un point d’honneur à ce que les enfants qu’il avait vu dans ce futur ne viennent jamais au monde. Il avait fait l’effort de les côtoyer tant qu’ils étaient là, se promettant pourtant qu’ils ne seraient bientôt qu’un lointain souvenir.
— J’ai bien pris toutes mes pilules depuis notre retour, je ne les ai jamais recrachés malgré ce que tu sembles penser...
Malgré la peur qu’il faisait naître en moi, j’avais soutenu son regard, précisant ma phrase avec une fermeté et une froideur qui laissait présager de ce que je pensais de son sous-entendu vaseux. Avec le même aplomb j’avais repris :
— Je pense être enceinte de 3 mois et demi... Un peu plus de 4 mois normalement mais je t’ai dit que le Temps ne s’était pas écoulé de la même façon pour toi et pour moi durant mon départ... J’en aurai la certitude la semaine prochaine, à la première échographie.
Pendant une fraction de seconde, j’avais songé à lui proposer de m’accompagner mais je m’étais abstenu en voyant la haine qui brûlait dans ses yeux. Pour dissimuler le malaise, je reprenais alors patiemment :
— J’ai bien repensé au moment où mes premières nausées me sont arrivées et aux moments où j’ai eu un loupé de pilule. Ce n’est arrivé qu’une fois... le... le jour où nous sommes revenus de ce futur, le 24 décembre. Quand tu m’as proposé de partir avec toi, j’ignorais que je ne rentrerai pas chez moi ce soir-là, je n’ai pris que mon sac à main. Et arrivé au chalet, je dois dire que j’avais complétement oublié cette histoire de pilule. ON avait complétement oublié cette histoire de pilule.
Je l’avais avisé d’un regard dur, en contre plongé, pour lui rappeler que malgré ses précautions, il était aussi fautif que moi dans la mesure où il n’avait commencé son inspection millimétrée que le lendemain. Prévenant la suite des questions, toujours tendue, j’avais poursuivi, ne l’observant plus pour le moment, les yeux rivés sur le plan de travail en granit auquel mes mains s’agrippaient fortement.
— Je l’ai su là-bas... dans cet autre monde. J’étais malade. Très malade. Cela faisait plusieurs jours que j’avais des douleurs d’estomacs, comme celle que tu avais pu voir juste avant que nous allions dans ce monde magique et même après... et je vomissais beaucoup. Je ne sais pas pourquoi mais c’est là-bas que j’ai réagis que malgré la pilule je n’avais plus vraiment de règles. Anatole me l’a confirmé... il l’a senti en moi. Enfin je crois qu’il a senti... il l’a senti quoi.
Je m’étais totalement perdu dans mon explication. J'avais osé lever les yeux dans sa direction pour lui préciser qu’Hyperion avait senti mon bébé, mais le combo “avouer qu’il a senti l’amour que tu as déjà pour cet enfant” et “yeux dorés de l’enfer” m’avait fait perdre tous mes moyens en une seconde, j’avais fini par bredouiller, baissant de nouveau mollement la tête en direction du plan de travail. Je l’avais alors senti bouger et j’avais relevé brusquement les yeux, aux aguets. Il avait fondu sur moi comme un vautour et je n’avais pas osé bouger, tremblant toujours face à la tension du moment. Je m’étais contentée de le suivre des yeux, me retournant sur son passage pour lui faire toujours face tandis qu’il s’approchait avec tant de conviction que nos corps se touchaient désormais presque. Il s’était stoppé à l’extrême limite, augmentant un peu plus la tension étrange qui se dégageait dans le faible interstice que nous créions entre nous deux.
— D’ailleurs Explique-moi ce que tu comptes faire… Dans une nouvelle maison qui plus est ?
J’avais dégluti mais je n’avais rien répondu, mes yeux plongés dans les siens avec un air convaincu. Il savait parfaitement ce que je comptais faire dans une nouvelle maison. Il n’était pas stupide, je l’avais bien précisé, la baignoire, la seconde chambre, rien n’était ni laissé au hasard, ni laissé au silence. Ce n’était qu’une question rhétorique, sans doute là pour me faire douter. Tout comme la suite de son discours. Oui, cela n’avait jamais été notre projet, ça nous été tombé dessus, comme la première fois, dans ce futur. Pas un... mais deux enfants. Et ce, malgré son intention farouche de ne jamais en avoir. Est-ce qu’en revanche ce n’était pas mon projet ? Peut-être pas maintenant, pas comme ça, mais je ne m’étais pourtant jamais vu sans enfant jusqu’à la fin de ma vie. Est-ce qu’il pouvait gâcher ma vie ? Assurément pas, j’en étais persuadée, il m’apportait déjà beaucoup. Il m’avait rappelé à la raison, ou ce qu’il pensait sans doute être à la raison en revenant sur le fait qu’il ne voulait pas d’enfant, celui-ci y compris. J’avais senti une pointe de douleur en moi, sans doute causé par un faible espoir dérisoire qu’il pourrait tout de même tenter de comprendre ou de vouloir essayer. Mais c’était peine perdue. Erwin ne vivait encore et toujours que pour lui, au rythme de ses envie, de ses séductions sans jamais se soucier de ceux qui l’entouraient. J’avais senti sa main écarté mes cheveux, j’avais eu un moment d’hésitation pendant laquelle je m’étais vue dégager mon visage de sa main mais je n’en avais rien fait, me contentant de le laisser faire avec la rigidité qui caractérisaient ceux qui laissaient le contact se faire, soumis, sans pour autant le désirer une seule seconde.
Il pensait que tout cela n’aboutirait à rien. Il avait tort. Ce n’était pas parce que lui ne le désirait pas que de cela naîtrait le rien. Il y avait déjà bien quelque chose, qu’il en fasse partie ou pas, quelque chose de puissant que j’avais tenté de lui dire un peu plus tôt sans pourtant y arriver. Je sentais à sa tirade supplémentaire pourtant qu’il venait le temps où je devais me défendre... NOUS défendre. A mesure qu’il se penchait toujours plus vers moi, j’avais senti une angoisse monter en moi. Une angoisse vieille comme le monde, ancrée dans ce que j’étais depuis toujours. La claustrophobie, l’impression que l’on violait mon espace vitale. J'avais presque l’impression en cet instant qu’il pouvait fusionner avec moi, m’engloutir tout entière pour me faire plier à son désir une fois que je ne serais plus qu’une masse informe dans le ventre de la bête. J'avais tenté de reculer mais je ne pouvais plus aller nulle part, prise au piège entre son corps, les mains qu’il avait posé sur les plans de travail de part et d'autre de mon corps, et par ce meuble qui s’enfonçait douloureusement dans ma chair à mesure que je tentais pourtant de reculer vainement. Par reflexe, j’avais posé ma main sur son torse rapidement comme pour prévenir d’un éventuel nouvel assaut. J'avais tenté de le repousser légèrement mais sa position comparée à la mienne lui donnait un certain avantage physique qui m’empêcher de réussir à le reculer de moi.
— Erwin... arrête...
Nos visages étaient si proches que mon souffle lui avait forcément caressé les pommettes. J’avais soutenu son regard, tandis qu’il parlait encore et toujours, tentant de me convaincre avec des arguments plus incroyables les uns que les autres. “Penser à lui” ?! Mais je n’avais fait que ça ! J'avais senti la colère monter brusquement et tandis que j’avais ouvert la bouche, il m’avait coupé dans mon élan, confirmant qu’il savait parfaitement que j’avais pensé à lui, me poussant à agir comme je l’avais fait. En revanche, lorsqu’il avait parlé de le mettre devant le fait accompli, ma main s’était agrippée plus violemment à son torse, enfonçant mes ongles dans sa chaire, sa chemise pour seul rempart. Il osait me dépeindre comme aussi fourbe qu’il ne l’était sans doute mais ce n’était pas moi, jamais je n’avais songé à faire une chose pareille ! Fronçant les sourcils, j’avais de nouveau ouvert la bouche mais il avait déjà repris, toujours aussi cinglant et violent dans ses mots, tentant de me faire plier mais c’était mal me connaître. Cette fois-ci, je ne plierai pas. J'étais convaincue de ce que je faisais. Mon discours était rôdé, il n’attendait qu’à être exprimait s’il me laissait enfin parler.
— Pour donner toutes les chances au futur que tu désires. Pour le mien. Pour le nôtre… Il n’y a qu’une issue, Alexis… Et tu la connais.
Il m’avait laissé sans voix à la seconde où il avait fini son discours. Sans vraiment m’en rendre compte, ma main avait un peu desserré ma prise sur lui, mes ongles ne se gravant désormais plus dans sa peau tandis que j’observais encore et toujours ses yeux, la tête douloureusement levée vers lui et que je contemplais mon passé. Un retour au source forcé et douloureux. Pour la première fois, je prenais pleinement conscience que sans vraiment l’avoir entendu, je l’avais forcément déjà vécue cette situation. Dans le ventre de Maman, le jour où elle l’avait annoncé à mon Père. Son ambition, ses campagnes, ses moralités, sa femme... étions-nous toujours condamnés à revivre le même schéma encore et encore ? Comme si je voyageais dans le Temps, j’avais presque l’impression de me retrouver à l’exact endroit où ma mère avait appris à mon père qu’elle était enceinte. Les discussions stériles qui en avaient suivis. Je me revoyais dans notre petite maison... une maison qu’elle avait prise après avoir troqué son appartement en centre-ville... Une maison où j’avais vécu les 4 premières années de ma vie, où j’avais découvert ma passion pour les licornes, les gommettes aussi... Et les boîtes à sandwichs. Une vie qui m’avait semblé merveilleuse, rien que moi et Maman... et parfois Papa venait nous voir et il me ramenait un cadeau. Et puis un jour, Papa était venu nous voir un peu plus longtemps, on avait décidé de partir faire une balade en forêt...
J’avais cligné des yeux pour revenir à l’instant présent, dans l’ambroisie de ceux d’Erwin qui me regardaient toujours avec autant d’intensité. Cet enfant serait heureux. Avec ou sans père. Mais il n’y aurait pas de balade dans les bois pour lui, je m’en faisais la promesse.
— L’Amour.
J'avais baissé ma main, abandonnant l’idée de le faire reculer pour le regarder toujours dans les yeux. Après avoir vu l’incompréhension dans ses yeux, j’avais donc poursuivi :
— C’est l’Amour qu’Anatole a perçu en moi. Mon amour pour cet enfant. Je sais que ce n’était pas notre projet. Ni le tien, ni le mien. Mais je ne pense pas qu’il n’y a qu’une seule issue, c’est faux. J’ai longuement réfléchi à ce que j’allais faire. Parce que je voulais que cette décision, ce soit la mienne avant que ce soit aussi la tienne. Hyperion n’a fait que confirmer ce qui était déjà là. Je ne veux pas avorter Erwin. Je ne veux pas. Maintenant recule, s’il te plaît.
J’avais posé mes deux mains sur son torse pour le repousser avec plus de force mais sans douleur, juste assez pour me dégager de sa prise. Prenant un peu de distance, je m’étais tournée vers lui, toujours aussi calme mais avec la voix ferme de celle qui savait déjà où elle allait.
— Bien sûr que j’ai pensé à toi, nuit et jour depuis que je le sais. Comme tu l’as si bien dit, c’est ce qui explique aussi le Temps que j’ai mis à te le dire. Mais je t’interdis d’oser ne serait-ce que penser que j’attendais de te mettre devant le fait accompli c’est faux. Oui oui, tu peux ricaner autant que tu veux mais laisse-moi au moins finir, je t’ai laissé faire, à mon tour maintenant. Je n’avais aucune intention de te le dire aujourd’hui, c’est vrai. Parce que la visite d’une maison n’a rien à voir avec la discussion de garder ou non un bébé. J’attendais la première échographie. Qu’on me dise s’il allait bien, s’il était viable. S’il ne l’est pas, ça ne sert à rien de faire des plans sur la comète. Mais s’il l’est... il nous reste un mois pour décider ce qu’on en fait et je voulais te laisser ce mois, même si je connais déjà ton avis.
Je l’avais regardé un peu plus durement que je ne l’aurai voulu avant de déglutir. Détournant le regard, j’avais avancé un peu en direction de la porte du jardin pour regarder au-dehors avant de l’observer de nouveau.
— Ce n’est pas moi qui brise ta moralité Erwin, tu n’en avais déjà pas suffisamment à la base peut-être. Sinon nous n’en serions pas là, ni pour elle, ni pour moi. Quant à l’image que tu revoies de celle-ci, je ne vois absolument pas le changement. A ce que je sache, ce n’est pas marqué sur mon ventre que ce bébé est de toi. Je n’ai aucune intention ni de laisser MON enfant dans les mains de ta femme ni même de gâcher ton mariage. Je n’ai jamais rien fait de la sorte, tu l’as fait tout seul.
Je sentais que mes mots risquaient de le faire exploser. J’avais alors tenté un pas dans sa direction tout en arrondissant un peu mon propos :
— Ce que je veux dire par là c’est que... c’est toi qui es marié, pas moi. C’est toi qui as décidé de poursuivre notre relation, de lui donner aussi certains tournant. Ce sont TES problèmes... je suis peut-être une partie d’entre eux mais ce n’est pas à moi de les endosser pour toi. Je peux t’aider sur ton chemin, je l’ai toujours fait jusque maintenant parce que je t’aime, mais c’est à toi de prendre tes responsabilités. Les miennes, elles ne sont que par rapport à ce que je pense, ce que je vis et ce qui vit en moi.
J’avais dégluti avant de reprendre :
— Je te l’ai dit tout à l’heure. Je n’ai pas envisagé une seule minute que tu emménageras avec moi, je n’ai pas non plus envisagé une seule seconde de te faire plier à ma volonté en t’offrant une maison pour que tu viennes avec moi. Ça c’est plus ton domaine, mon chéri. J’ai juste envisagé une place pour moi et mon f... enfant.
J’avais failli riper et dire “fils”. Car au fond de moi, j’étais persuadée que ce ne pouvait être une autre personne qu’Isaac. Hyperion avait raison, il était parfois dangereux de connaître le futur à l’avance et même si tout cela n’était qu’une simulation, même si cet enfant pouvait être une fille, je n’arrivais pour l’instant pas me faire à une autre idée que celle-ci. Sentant mes lèvres trembler, de peur de ce que la suite allait provoquer en lui, j’avais tout de même eux le courage de le dire, avançant encore de quelques pas mais en restant à bonne distance de lui.
— Je ne te demande rien. Je ne t’oblige à rien. Mais ne m’oblige pas non plus à faire ce que je ne veux pas faire. Je veux cet enfant parce que... parce que je me sens prête... et parce qu’au fond de moi, je me dis depuis Noël que tu es finalement l’homme avec lequel je devais en avoir... le Futur nous l’a déjà prouvé et contrairement à ce que tu dis... de ce que j’ai vu de ce Futur, aucun de nos deux supposés enfants n’ont freiné ton ambition et tes projets, pas vrai ?
J’avais laissé un silence s’installer pendant que je scrutais ses yeux à la recherche d’une réponse quelconque. Au bout d’un moment, j’avais fini par reprendre la parole, une émotion certaine dans la voix mais tenant bon :
— Bien sûr que je rêverai que tu l’accepte. Bien sûr que je voudrai que tu en sois le père et que... que notre relation prenne un nouveau tournant. Je ne t’ai jamais caché que je t’aimais. Mais comme je t’aime, je n’ai pas non plus envie de te forcer à quelque chose. Je sais que tu ne veux pas quitter ta femme, je sais que tu ne veux pas d’enfants. Et je l’accepte... comme je peux, mais je l’accepte. J’ai cherché une maison pour moi toute seule, je n’ai rien dit à Jérémie et plus que tout, je ne te demande rien. Rien du tout. Hormis peut-être de me laisser aller jusqu’au bout de ma grossesse. Pour le reste... je ne veux que ce que tu seras prêt à me donner et si ce n’est rien... alors... alors ce ne sera rien. Retourne auprès de ta femme, laisse-moi finir mes visites avec Jérémie et faisons comme si tout cela n’avait jamais existé. Cet enfant n’a pas spécialement besoin de toi, je pense que j’en avais plus besoin pour lui que lui-même... Il n’est même pas encore là qu’il est déjà bercé de l’amour de certaines personnes comme Anatole... Il lui a déjà offert un cadeau...
Je ne savais pas pourquoi je lui avais précisé ça, sans doute le coup de l’émotion. J'avais senti mes yeux se remplir de larmes, ma gorge se nouer quelque peu et j’avais détourner le regard pour qu’il ne voit pas cet effet sur moi. Reprenant mes esprits, j’avais écrasé la larme qui perlait sur ma joue avant de le regarder de nouveau dans les yeux.
— Je ne suis pas perdue, Erwin. Au contraire, je sais ce que je veux.
Erwin Dorian
« If the crown should fit, then how can I refuse? »
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- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)
| Conte : Coeur de Princesse/Le Prince et le Pauvre | Dans le monde des contes, je suis : : Preminger
“Money is the anthem of success So before we go out What's your address?"
Pourquoi est-ce que tout devenait parfois si compliqué ? Pourquoi, diantre, la vie s’obstinait-elle à lui rajouter des épreuves, des remparts même face à ce qui devait être le simple chemin de la réussite ? Un...enfant. Il sentait déjà son spectre ternir sa vie… Cet enfant lui avait volé ce qui aurait du être son cadeau. Cette maison, cet avenir n’aurait jamais du être destiné à un vulgaire bébé.. Alors, il avait fondu sur Alexis, tel un rapace avide, tentant de lui infuser ses volontés, ce qui devait être, ce qui devait advenir. Cet enfant ne devait pas naître. Il ne le devait pas. Alors, il lui avait tout répété. Les sacrifices qu’elle attendait de lui, la fin de sa vie sociale… La fin de Tout. Tout ce qu’il construisait… Il ne faisait que le revoir.. Ce petit visage malsain qui l’observait à la dérobée derrière une feinte timidité. C’était l’ERREUR. Il le savait. Il n’avait jamais autant bien porté le détestable surnom qu’il lui avait affublé… Cette petite vermine. Il n’avait baissé sa garde qu’une seule et unique nuit… symbolique. La nuit de leur retour de ce Futur.. Plusieurs fois certes… Mais une seule nuit. Il songeait avec amertume à tous ces mois, toutes ces précautions ultérieures, futiles, inutiles…. Le Mal était déjà fait. Il avait déjà trouvé refuge en elle. Il avait croît. Le Destin était venu à lui…. Mais le Destin n’appartenait qu’à lui. C’était lui qui faisait le Destin et non l’inverse. Et cet enfant n’adviendrait pas… Il avait débité un flot de paroles, revenant, insistant et elle l’avait laissée parler, le visage entre ses mains, l’avait laissée inoculer lentement son poison dans ses veines sans lui dire un seul mot. Sa seule préoccupation n’avait eu vocation qu’à le supplier de reculer. De lui laisser ce qui avait refusé de lui donner : de l’air. S’il n’avait pas accentué sa prise, il n’avait pas pour autant accéder à sa demande. Elle n’avait pas besoin d’air. Elle avait besoin de SON air. Et pourtant… Il avait achevé son discours, satisfait, la laissant même retirer ses mains de son visage, sans pour ôter reculer d’un pas. Il restait proche. A proximité exiguë d’elle. Rivant ses yeux dans les siens avec une telle profondeur qu’il lui semblait voguer jusqu’aux confins de son âme nue. Elle était vulnérable, claire, limpide.
- « L’Amour. » murmura-t-elle
Il avait froncé les sourcils, désorienté. L’Amour ? Que parlait-elle de l’Amour ? Pourquoi fichtre évoquer cela ? Ce...sentiment pitoyable au milieu d’une discussion sérieuse ? Une crispation légère toucha l’entièreté de son corps, en alerte, redoutant la suite. Évoquer l’Amour n’avait rien d’inopportun. Et ne présageait rien de bon. L’Amour ne présageait rien d’autre que des ennuis inutiles.
— C’est l’Amour qu’Anatole a perçu en moi. Mon amour pour cet enfant. Je sais que ce n’était pas notre projet. Ni le tien, ni le mien. Mais je ne pense pas qu’il n’y a qu’une seule issue, c’est faux. J’ai longuement réfléchi à ce que j’allais faire. Parce que je voulais que cette décision, ce soit la mienne avant que ce soit aussi la tienne. Hyperion n’a fait que confirmer ce qui était déjà là. Je ne veux pas avorter Erwin. Je ne veux pas. Maintenant recule, s’il te plaît. »
Les mots avaient résonné en lui. « Ma décision soit la mienne avant d’être la tienne ». C’était faux. Il n’y avait aucune décision en dehors de celles qu’il prenait. Ce qu’il y avait...ce que cachait cette phrase...c’était la Vérité qu’il toisait avec amertume. Elle ne voulait pas avorter… Au delà de tout ce qu’il pourrait dire ou non faire, son coeur s’était déjà accroché à cette Erreur. Pire… Avant même qu’elle ne survienne. L’Amour pour cet être s’était cristallisée dans la vision de son Futur. Une fois vu, une fois ce Futur cru, elle l’avait aimé. A présent, son choix n’était que le prolongement de la consécration qu’elle avait trouvé là-bas, ce qu’elle avait vu de sa vie, de son impact grandiose sur le chemin de son existence. Dans ce Futur, il lui avait tout donné. Tout, à l’exception de Lui-même et de sa Couronne… Jusqu’à...ces deux marmailles. Jusqu’à cet enfant. Aussi, ne voulait-elle pas avorter. Et Lui… Il ne voulait pas cet enfant. Il s’était reculé de lui-même. Glacé. Assombri. Il...devait y avoir un moyen de lui faire entendre raison. Il le fallait. Sinon… Il mettrait un terme à la vie de cet enfant. De gré ou de force. Il avait observé un instant ses traits comme les redécouvrant, y découvrant la force, la confiance dans l’Avenir qui ferait qu’elle ne céderait pas. Et si elle ne cédait pas… Cela causerait sûrement leur perte. Il ne pouvait pas permettre à cet enfant d’advenir. Il ne désirait pas s’encombrer d’un problème supplémentaire. Surtout pas celui-ci. Tout sauf celui-ci. Il fallait qu’elle cède. Mais il la connaissait aussi. Connaissait l’entièreté de son coeur. Son coeur était à lui. Personne ne pouvait le lui voler. Elle était à lui. Mais comme il l’avait admis, il prenait grand soin de conserver son libre-arbitre. Son esprit frondeur. Libre. Et il connaissait la nature de son âme. Si elle aimait cet enfant, il était trop tard… Alors, tout était déjà joué. Le compte à rebours ne courrait déjà plus, affichant pour elle le but atteint avant même qu’il n’ait pu l’en empêcher. Elle aimait déjà cet enfant. Dans le Futur qu’elle avait contemplé. Subitement, il s’en agaça. Que lui avait-il donné des raisons de croire ou d’espérer qu’il puisse être...aimant avec...cette marmaille… ! C’était pour ça qu’elle s’y était si rapidement et naïvement attachée à...cet être. Parce qu’il lui avait donné des raisons de croire à cette vision du portrait de famille iconoclaste mais idéal qui lui avait dispensé là-bas… Oui. A trop s’être montré parfait père de famille pour éviter tout risque de tension superflu voilà ce qui advenait… Que n’avait-elle pas compris qu’il exécrait les misérables petits être brailleurs rencontrés là-bas ? Il pinça les lèvres, vexé, l’écoutant poursuivre dans un silence total. Il n’était pourtant pas dénué de paroles. Il voguait déjà dans une mer hurlante, interne, diverse et cacophonique, mêlée des sourires vicieux de l’Erreur, du timbre de sa voix…. La voix d’Alexis lointaine comme un phare, n’annonçait pourtant pas la terre ferme mais semblait le guider plus encore au coeur de son cauchemar. Elle lui disait qu’elle avait pensé à lui. Nuit et jour..en attendant le bon moment pour lui annoncer. Un sourire cynique était venu naître sur les lèvres du Ministre, qu’elle lui avait reproché, gentiment encore. Peu importait. Il ne l’avait pas fait disparaître pour autant. Il n’était que de façade. Un rempart de cynisme vers la dégringolade furieuse et acide qui le secouait intérieurement. Il ne laisserait pas CET enfant lui ôter quoique ce soit. Mais elle lui donnait des clefs malgré elle, rappelant un fait anodin pour elle… La première échographie. La viabilité du bébé. Ce misérable était viable, il en était persuadé. Il s’était accroché à la vie avec une envie si puissante, confirmant son sentiment : le vice était dans cet enfant. Il avait inspiré, néanmoins, froidement, opinant de la tête à sa déclaration. Oui. Peu importait le mois, le temps… Son choix était déjà fait. Fait avant même le commencement. Tout comme le sien à elle. Différents. Incompatibles. Oh, il savait qu’il pouvait la plier à son choix. Si elle refusait d’entendre raison, il disposait de moyens moins...cavaliers pour ôter cet être loin des sentiers de sa Glorieuse Vie. Il l’avait laissée s’écarter de son ombre pour se rapprocher de la lumière flatteuse qui s’échappait de la fenêtre. Loin de lui, mais non loin de son influence. Jamais non loin de cette dernière. Il ne comprenait pas et ne comprendrait jamais ce désir qui agitaient certains être….de… Quoi ? Donner la vie ? Créer un être ? Se reproduire ? Quel était l’intérêt ? Quel était l’enjeu ? Quel était l’utilité ? Hormis la perte flagrante de richesses gaspillées pour survenir au besoin d’un petit pique-assiette en couche culotte ? Les nuits de sommeil en moins…Des cernes. Et puis...Il ne s’était jamais émerveillé sur un autre être quelconque qui ne fut LUI. Même enfant, dans les contrées lointaines de son royaume, il les considérait déjà avec un petit dédain révulsé, songeant qu’ils ne possédaient même pas le sens du langage. Des petits animaux tout au plus… Et celui-là...plus encore. Celui-ci, il le haïssait comme il n’avait jamais haït quelqu’un. C’était venu spontanément, l’agrippant à la gorge avec une violence nouvelle et aiguë. Alexis avait repris ses commentaires, sans le regarder, énonçant son sentiment sans acrimonie et il s’était borné à soupirer sans mépris mais avec une pure évidence :
- « Oh…. Je me moque de la moralité, Trésor… Mais je ne me moque pas de l’apparente moralité que je renvoie. Là, est la nuance…. » il l’avait énoncé avec une évidence dénuée de moquerie. « Mais cet enfant… est une preuve. L’ADN est une preuve. Une…. »
il s’était arrêté profondément paniqué à l’idée de le dire. Ses lèvres s’étaient resserrées, refusant de prononcer l’hérésie. « Ressemblance physique ». Cet enfant ne pouvait pas lui ressembler. Parce qu’il était Unique. Sa Beauté ne souffrait d’aucune concurrence et d’aucune ressemblance avec les traits décrits comme agréables des autres habitants. Plus que la Beauté, c’était l’Harmonie séductrice et captivante dont la Nature avait peint son visage. Et ce prodige qualifiable de chef d’œuvre ne pouvait se reproduire.
- « Toi tu es prudente, intelligente. Je peux justifier ta présence dans mon halo. Mais un enfant ? Un enfant sans père connu ? Ne penses-tu pas que cela fera jaser ? Les gens peuvent être des imbéciles, trésor, ils deviennent soudainement possesseurs d’une perspicacité lamentable quand il s’agit de cancaner. Alors, certes, je suis en capacité de gérer… J’aimerai justes m’éviter des désagréments… inutiles. »
Avait-il gâché son mariage ? En aucun cas. Il n’y avait rien eu de suffisamment précieux qui justifia le terme de gâchis. La Couronne était à lui. Sienne à jamais. Et jamais il ne la lâcherait. Elle était la source du commencement. L’implantation de son royaume commençait par ce qui était déjà à lui. Ce qu’il avait conquis par ruse. Qu’Alexis dénia sa part de responsabilité dans les risques qu’il encourait en revanche était risible. Il ne l’avait forcée en rien. Elle demeurait auprès de lui, au détriment de cette situation qu’elle réprouvait, au détriment de sa culpabilité. Car sa culpabilité était moindre face au reste. Et comment aurait-il pu en être autrement quand le reste était essentiellement composé de LUI ?
- « Je suis en paix avec l’entièreté de mes actes, depuis toujours, si c’est là ce qui te préoccupe... » un sourire s’était échappé de son expression guindée et figée par l’Annonce et il avait tourné la tête pour observer à son tour le jardin extérieur, sans fuir, mais par envie d’ailleurs. D’autres choses.
L’herbe verte, les hauts pins, les grands espaces de cette maison. Tout lui donnait subitement la nausée. Montèrent dans son esprit, des vers scandant « le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage, qu’il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils ». L’endroit lui faisait horreur soudainement. L’entièreté de la situation, même. Et il lui sembla qu’il étouffait presque de tant de frustration. Il s’était investi pour ce cadeau. Son cadeau. Et la Révélation qui suivait ternissait bien plus que ses espoirs mais l’ensemble de ses satisfactions actuelles. Il ébranlait l’édifice de ses immémoriales ambitions, faisait chanceler aussi ses nouvelles excitations. Toute l’enthousiasmante farandole qui composaient ses victoires semblait osciller dangereusement… Et il ressentait la Haine vécue dans le Futur sans la fulgurante félicité qui accompagnait son séjour, adoucissant la première. Il ne se laisserait pas priver de rien par un misérable bambin. Il ne perdrait pas son trône pour un adultère, il ne perdrait pas ses infidélités par un capricieux lien maternel…. Non. NON… Cette maison, cette demeure. L’Erreur ne la méritait pas. Il ne méritait pas un centimètre de ce qui composait sa vie. Et il n’en n’aurait rien. Ni les contours sécuritaires de l’opulence ni les bras aimants de son amante. Rien du tout.
- « Je ne te demande rien » prononça-t-elle comme répondant à son cheminement mental et altier, si bien qu’il tourna la tête vers elle, machinalement, l’écoutant presque malgré lui, quand bien même l’ébauche d’un ricanement froid étira sa bouche tandis qu’elle continuait « Je veux cet enfant parce que... parce que je me sens prête... et parce qu’au fond de moi, je me dis depuis Noël que tu es finalement l’homme avec lequel je devais en avoir... » - « Parce que tu l’as vu. Mais je n’ai rien d’un père, Alexis. Rien. » articula-t-il froidement. Ce n’était pas pour la faire spécialement souffrir, cela consistait simplement à souligner une évidence flagrante. Quelque chose qu’il ne ressentait pas au fond de lui. La vision de famille ne l’avait jamais attiré. Seul le pouvoir l’avait fait. Il avait poursuivit « Tu rêves d’enfants avec moi, parce que tu m’aimes Trésor mais… Je n’ai pas la fibre paternelle. »
Son doigt suivi une rayure sur le bois, lentement, la laissant néanmoins poursuivre. Il ne refusait pas d’entendre ce qu’elle avait à dire, non il souhaitait seulement être clair sur ses propres intentions. Mais oui, certes…. Visiblement, pour une raison qu’il lui échappait encore, son lui du Futur avait non seulement permis à cette chose de se produire et de se reproduire…
- « De prime abord, certes. Mais. Qu’en sais-tu réellement ? »
Mais effectivement, il l’admettait. Dans ce Futur qui n’était pas encore advenu, il lui avait donné à elle ce qu’il n’avait jamais donné à sa femme. Deux fois. Si certains événements du Futur paraissaient curieux, ceux-ci étaient bien les pires. Il n’y trouvait aucune justification.. Ou plutôt, les seules lui venant à l’esprit ne lui satisfaisaient pas. Elles expliquaient les autres. Mais pas lui. Malgré maintes interrogations, sur les circonstances, les risques. Puis, s’était finalement focalisé sur les parades à ces derniers. Le Futur n’était pas écrit. IL l’écrivait. Cela ne dépendait que de lui. Et il existait un moyen d’obtenir tout ceci. A la presque identique exceptés ces enfants…. Quand bien même ils s’étaient révélés, des épines négligeables dans son appréciation de sa vie rêvée. A l’exception….de l’Erreur. Un frisson l’avait parcouru, sec, maussade. Un rejet net. Catégorique. Cet enfant, il ne poserait jamais les yeux sur lui. Jamais ne verrait-il ses prunelles pâles se refléter dans les siennes comme un venin maladif. Alexis fouillait dans ses iris, en attente, ployée un peu vers lui soudainement, cherchant un refuge, un encouragement, la moindre petite lueur qui avait déserté l’ancien ministre. Puis avait poursuivi, enchaînant sur ses regrets. Que leur relation prenne un nouveau tournant ? Comme quoi ? Comme quelque chose d’officiel ? Evidemment. C’était là son désir le plus intense que de pouvoir s’afficher à côté de lui aux yeux de tous. Alors pourquoi n’entendait-elle pas que son refus de renoncer à cet enfant gâterait l’arrivée de cette potentialité ? Elle l’acceptait néanmoins, proférait-elle. Elle n’en n’avait nul choix mais…. Plus que d’accepter du bout des lèvres, appréhendait l’idée avec un calme et une sérénité qui le fit la considérer plus vivement, soudainement.
- J’ai cherché une maison pour moi toute seule, je n’ai rien dit à Jérémie et plus que tout, je ne te demande rien. Rien du tout. Hormis peut-être de me laisser aller jusqu’au bout de ma grossesse. Pour le reste... je ne veux que ce que tu seras prêt à me donner et si ce n’est rien... alors... alors ce ne sera rien. Retourne auprès de ta femme, laisse-moi finir mes visites avec Jérémie et faisons comme si tout cela n’avait jamais existé.
Il la considérait à présent complètement interloqué. Ou du moins, surpris. La surprise était favorable mais imprévue. Parfait. Si elle désirait cet enfant, c’était là tout ce qu’il comptait lui offrir : une absence. Un vide. Mais qu’elle puisse si facilement l’appréhender le laissait pantois. Et pourtant, elle ne plaisantait pas. Il le voyait à la manière qu’elle avait de ne jamais se dérober lorsque les paroles qu’elle proférait lui apparaissaient logiques mais douloureuses. La douleur se trouvait là, en sous-ton dans ses yeux limpides mais tout n’était pas que douleur. Il y avait aussi de l’acceptation. Une acceptation si calme qu’elle n’avait pas été initiée par leurs récents dialogues. Elle y avait réfléchit, réalisa-t-il. Pas là, pas subitement mais depuis le départ. Tout ceci n’était pas un stratagème curieux aux contours de traquenard pour l’obliger à effectuer un choix. Non. Tout ceci n’avait vocation qu’à mettre en œuvre la solution qu’elle avait décidé d’adopter, pour elle et pour lui d’une certaine manière. En achetant ce bien, elle se mettait à l’écart. Mais, loin de quitter sa lumière, elle entrait dans son ombre plus puissamment qu’alors, diluant ses envies pour les conformer à ses projets. C’était...imprévu. Car précipité. Mais pas nécessairement décevant. Au contraire même. C’était...un acte d’une ampleur qu’il n’avait pas anticipée. Aux contours bien plus solides qu’il ne l’avait envisagé… De l’acceptation, de la douleur, de la puissance. C’était de l’Amour, tout simplement. S’il ne comprendrait sûrement jamais l’état, il en percevait l’impact et la sincérité. Parce qu’elle le comprenait, elle ne souhaitait pas lui imposer ce choix. Parce qu’elle le comprenait, elle privait avec dessein l’enfant de tout ce dont elle avait pu rêver pour lui. Un foyer. Une famille complète. L’image d’un « père ». Ce faisait, elle prenait aussi l’engagement de ne pas laisser l’enfant interférer dans leur relation. De séparer l’ensemble… Pour son bien être. Pour satisfaire ses désirs. Il s’était humecté les lèvres, pensivement, observant les liens. L’arrangement qu’elle proposait était parfait. Il cédait sur l’Erreur mais l’écartait définitivement de sa vie. C’était on ne pouvait plus honnête, oui. Mais il n’acceptait pour autant pas encore. Pourquoi ? Plongeant les mains dans les poches, ses doigts rencontrèrent son téléphone. Ce dernier n’avait pas sonné. Midas ne l’avait pas rappelé. Ce silence était éloquent. Maudit chien… Sûrement l’avait-il deviné… Ou craint.
— « J’ai...besoin d’y réfléchir…posément. » murmura-t-il après un temps de battement, sa main désigna d’un geste vague les lieux, la cuisine somptueuse, le carrelage, la vue extérieure. Ressentant à nouveau le malaise flagrant de quitter les lieux, il haussa les épaules enchaînant « Celle-ci ne te convient pas. Soit… Autant aller visiter la dernière.. Ces maisons avaient peut-être des visées différentes des tiennes, il n’empêche qu’elles valent le détour… Et je n’ai pas fait le trajet pour….Bref, allons-y. »
Il avait initié le mouvement, ouvrant la porte avec vigueur. Son emportement n’était pas dirigée vers elle. Ni contre elle. Ni contre...la chose qu’elle portait dans son ventre. Enfin si, mais... Il avait simplement...une envie irrésistible de respirer. Et c’est ce qu’il fit, il goûta à cette bouffée d’air. A la saveur du vent sur son visage, à l’éclat du soleil au dessus de sa silhouette. Il lui semblait s’éloigner de cet écrin oppressant, pesant qui avait été subitement sien. A l’éclaircie qu’elle avait offert involontairement. Au gouffre qui s’était ouvert sous ses pieds. Il avait dû sortir. Il le fallait. Il resta sur le porche, observant sans dire un mot, les lieux. Du haut de ces quelques marches, tandis qu’il dominait le monde, il entendait les rumeurs de la ville au loin, indifférentes à son tourment. Le lieux si paisible semblait accroître l’enjeu… Il regarda un oiseau se poser à l’ombre de la toiture, laissant Alexis sortir à sa suite, avant de refermer derrière elle la porte. Mais n’ajouta rien. Rien jusqu’à la voiture. Tout juste détourna-t-il le regard lorsqu’elle mis sa ceinture le long de son ventre. Réfrénant à peine le démarrage quelque peu brusque que fit la Rolls. La dernière demeure ne se trouvait qu’à trois rues de là, un peu plus dans un secteur vivant que les précédents sans en disposer des aspects négatifs. Le Quartier Nord s’avérait un endroit bien trop prisé pour que les fêtes de voisinage ne tournent au désordre. Une chance que le trajet soit court. Il ne comptait pas décoller un mot. Ou plutôt ne le pouvait pas. Pourquoi n’avait-il pas accepté ? Le marché était correct. Plus que cela. Il était l’exact compromis, l’idéal auquel il lui avait semblé ne pouvoir prétendre. Il suffisait de le laisser survenir. L’Erreur. Mais sans s’y investir. Elle ne lui demandait pas de le faire. Ne l’avait-elle pas dit elle-même ? « Si ce n’était rien, alors ça n’était rien. » Pourquoi ne s’était-il pas engouffré dans la brèche qu’elle avait ouverte pour lui ? Pourquoi diantre poursuivait-il tout cela ? De cette attente inutile jusqu’à la visite ? Il suffisait de mettre fin au rendez-vous. Midas prendrait la relève. Midas s’en sortirait bien… Lui… N’avait rien à faire dans des considérations qui ne le concernaient pas…. Il ne voulait pas de cet enfant. Le vice était dans cet enfant. Il le savait déjà. Il l’avait vu…. Encore si c’était ce...cette petite guimauve saumâtre, passait encore… Non. Non. NON. Rien ne passait encore. Pourquoi diantre aurait-il accepté l’autre ? Il coupa le contact avec hauteur, ouvrant la porte à la volée, puis ouvrit la portière d’Alexis, avec une courtoisie nerveuse :
- « Nous sommes arrivés. Viens donc voir. »
Ses yeux glissèrent avec rapidité sur la taille de la jeune femme tandis qu’elle s’extrayait de la voiture, scrutant l’indice. Oui. Une fois que c’était dit… Peut-être s’était-elle un peu épaissie du ventre ? Il n’avait pas remarqué, jusqu’à présent, même s’il le semblait maintenant que l’Erreur allait advenir sur le champ. Ce n’était qu’un mirage, bien sûr, une vue de l’esprit, mais il fut satisfait de n’apercevoir aucun voisin dans les parages. C’eut été comme si le Secret s’était trouvé visible. A la vue de tous. Fort heureusement, personne ne se trouvait aux alentours. Et la maison se trouvait à la fois préservée des visiteurs par l’ombre des chênes. Ces derniers grands de plus de cinq mètres s’étendaient voilant à peine le soleil, mais encadraient la charmante demeure blanche et atypique qui se profilaient au bout de l’allée fraîchement taillée. Là où la première s’encastrait dans des aspects romantiques, celle-ci se révélait différente moderne mais unique. Originale en conservant un charme élégant, de par la forme et l’agencement peu commun de ses fenêtres et le lierre qui mangeait les pierrres de la façade principale soulignait ses traits, sans la dénaturer.
- « Voici cette splendide petite chose, pour un prix bien plus modique que la précédente ». souffla-t-il avec un enthousiasme en montant les marches qui menaient à la porte principale, d’un geste, il désigna sa droite « Vois-tu ? Sur le côté, tu as un petit passage presque dissimulé qui mène directement à son jardin. Cette maison n’est pas champêtre mais elle reste bucolique. Et ce petit passage presque masqué fait partie de son charme. Il s’agit presque de prendre des chemins empruntés et mystérieux, comme pour se rendre ailleurs...Dans la première maison, le Temps s’était arrêté, dans la seconde nous l’avons parcouru, ici, il n’a pas d’emprise.»
En attendant, il avait ouvert la porte, l’invitant à entrer. Sa voix prenait sans difficulté ses accents engageants qu’exigeaient son travail, mais le reste de son visage demeurait fermé, tendu. Il n’oubliait rien. Et ne désirait pas le faire. Cette maison n’était plus un cadeau pour lui. Et Alexis était enceinte… Merveilleux. Une clarté les attendait, se dégageant des pièces desservant le hall d’entrée. Dans chaque pièce, les fenêtres mangeaient goûlument le mur faisant entrer généreusement les rayons salutaires du soleil. Ces derniers réchauffaient allégrement le parquet de bois, teintant l’atmosphère d’une chaleur lumineuse.
- « Peut-être le mieux serait-il encore que tu déambules dans les pièces…. Le tout est en parqué par ici, tu le remarqueras. La cuisine en revanche a du carrelage au sol. Quelques pièces méritent un peu de rénovations et c’est le cas de le dire… Comparé à la précédente où quelques travaux s’imposaient, là c’est un chantier… Mais tu me diras, le standing final n’est pas le même... » marmonna-t-il en pinçant les lèvres.
Et pourtant, cette maison pouvait également séduire la jeune femme, jouant sur sa facette plus contemporaine, délaissant l’âme romanesque pour y trouver l’alanguie, la séductrice moderne mais néanmoins chic et élégante. L’endroit n’était pas dénué de classe romantique pour qui savait manier les harmonies mais délaissait complètement le côté d’époque des précédentes pour bien plus se focaliser sur les matières nobles. Une mélancolie bucolique pouvait y être créée mais non un retour en arrière… Ici, il n’y avait de place que pour les commencements. Des rénovations récentes s’imposaient néanmoins pour certaines pièces, comme il l’avait souligné mais l’ensemble restait largement agréable et bien entretenu. Comme en témoignait l’imposant mur de pierres apparentes qui s’étalait complètement bordant une cheminée fine incrustée le long des fenêtres du salon. L’endroit parfait pour s’y poser, dans une ambiance qui côtoyait le moderne et l’intime.
- « C’est la cuisine qu’il y a lieu de réhabiliter surtout...Elle n’est pas aménagée autrement dit, et ne possède aucun cachet elle est presque vétuste...» un ricanement méprisant était sorti de ses lèvres tandis qu’il désignait la pièce du doigt.
Dans les yeux d’autrui, cela n’aurait démontré qu’une pièce aux placards larges, vide possédant un carrelage quelque peu désuet pour l’époque. Mais pour Preminger qui haïssait par principe les cuisines de part l’aspect roturier et braillard de ses souvenirs royaux n’y voyait aucun attrait. A l’inverse d’Aloysius qui visiblement aimait y passer et y consacrer du temps, il considérait la pièce comme un endroit qui, presque, aurait pu demeurer loin de lui. Georgia s’y plaisait elle. Elle appréciait s’adonnerà la confection de plats, avec ou sans le succès escompté. Combien aurait-il donné pour retrouver la prouesse exotique des mets de la Cour. Mais il l’avait retrouvée… Un Temps soit peu. Un Temps trop court.. Un Temps qui n’était pas advenu… Se superposa les visions futures de sa couronne, de son prestige. Il tourna la tête, observant Alexis qui s’avançait, non loin de la porte scrutant le carrelage, les murs, l’ensemble. Elle ne s’arrêtait pas aux contours, voyait le détail mais appréciait l’ensemble. Elle parvenait à le faire. Déceler les nuances, sans s’y arrêter, s’attarder sur chaque trait, non pas pour s’éloigner du tout mais pour contempler l’ensemble avec plus de clairvoyance. Peu en étaient capables. C’était cela sûrement en partie qui la distinguait aussi à ses yeux exigeants. Ceux de la jeune femme n’étaient pas dotés de l’exigence pointue qui caractérisait l’ancien ministre mais d’une lucidité résolue. Lorsqu’elle s’attachait, elle s’attachait à l’être. Et non pas à une apparence. Preminger l’avait vu. Décelé eut été plus exact… Un peu à l’improviste, au fur et à mesure de leurs aventures communes. Et notamment sur le Titanic. Cela avait sûrement été sur cet endroit des plus instables que la véritable nature de la jeune femme avait définitivement pris corps à ses yeux. Qu’il avait effectué la première confirmation sur le plan qu’il avait initialement envisagé pour elle. Elle avait été placée sur son chemin, non pas pour oeuvrer à ses desseins, mais pour s’y inscrire. Et, malgré tout le dédain qu’il pouvait éprouver pour ce sentiment, son « Amour » pour lui était sincère. Complet. Et plus que cela, bien mieux que cela…. Et alors, il avait vu. Vu ce qu’il savait déjà et accepté aussi ce qu’il devait faire. Ce qui allait advenir. Car il n’existait plus qu’une seule et unique voie. Unique, logique. Il avait rapidement sorti de la poche son miroir pour s’y scruter un bref instant, se plongeant dans l’intensité des séductions dorées de son propre regard, s’était vu, s’était compris. Puis avait pivoté la tête vers elle :
- « Alexis. »
Il l’avait hélée tandis qu’elle se rapprochait de la porte presque prête à poursuivre dans une pièce suivante, la figeant entre deux pièces. La silhouette droite et fière, elle s’était d’abord presque retournée légèrement puis avait finalement totalement pivoté vers lui, notant le silence éloquent qui avait suivi son appel. Puis avait attendu qu’elle leva les yeux vers les siens pour poursuivre, tandis qu’elle l’observait. Sans pour autant la rejoindre. Il n’avait pas avancé, non, demeurant hautain et altier, comme à son habitude. Malgré le manque de proximité, sa voix avait pris un ton solennel propre à Preminger, dénuée en revanche de toutes les fantasques acrobaties oratoires auxquelles il prenait plaisir à se livrer. L’enjeu était autre. Si elle ne l’avait pas senti, peut-être, il sembla à Erwin que le Temps s’était ralenti à cet instant, lui permettant de mesurer chaque seconde écoulée. Chaque possibilité, chaque retour en arrière, chaque voie. Mais il n’y en avait qu’une seule. Unique. Logique. Evidente. Plus encore, il lui permettait de vivre ce moment, avec une résignation mêlée d’une appréhension dégoûtée et pourtant...apaisée. De son côté, la jeune femme s’était figée dans son mouvement, comme retenant son souffle. Devinait-elle ? Que les paroles qui surviendraient alors seraient décisives et marqueraient à jamais le court de leurs Destins respectifs ? Qu’ainsi faisant il déroulerait le fil de la Fatalité?
- « Très bien. Garde-le. Garde cet enfant » articula-t-il ses pupilles incandescentes figées dans celles de la libraire.
Ces mots étaient simples mais possédaient la puissance de faire basculer une vie. Il le ressentit fortement tandis que la nouvelle percutait celle à laquelle elle était destinée en plein coeur. Un prêté pour un rendu. Il aurait pu s’en tenir là. Mais tout n’était pas dit. Tandis qu’il replaçait son miroir dans sa poche avec précaution Son menton s’était levé, sa voix avait pris un peu d’ampleur, tombant magistrale sur l’oeuvre que façonnait sa vie :
- « Puisque tel est ton souhait, je te l’accorde… Tu garderas et tu élèveras cet enfant. Tu le laisseras entrer dans ta demeure, mieux tu lui offriras un foyer... TON Foyer, une Famille, tu l’aimeras et tu le chériras comme bon te semble, tu veilleras à son éducation, son savoir-vivre, ses manières…. MAIS… Cet enfant, jamais, ne grandira sans moi. » Il l’avait glissé bas, les yeux clairement plantés dans ceux de son amante « Je t’ai dit qu’il me faudra du Temps. J’accepte cet enfant, ce n’est pas pour autant que...je m’en réjouis. Aussi. Ne t’attends pas à ce qu’il me prenne l’envie de suivre...ce qui t’arrive avec le même entrain que celui que tu manifestes... C’est au-delà de mes forces. Je ne possède pas ce ravissement et je ne compte pas feindre cela. »
Sans avancer vers elle, il avait levé les yeux au ciel pour témoigner son incapacité à le faire puis ajouta impassiblement:
- « Et pour être totalement franc, j’ignore la place que je lui accorderai. Le Temps nous le dira. Après tout, je n’exagère pas, lorsque je t’affirme que je ne possède vraiment pas la fibre paternelle. C’est un euphémisme. Ne prétends jamais l’ignorer. Même si, pour moi, tu es prête à y renoncer, tu désires que cet enfant grandisse avec moi. Alors, pour toi, je serais dans la vie de cet enfant. »
Parce qu’il l’avait compris. L’Origine. Le Fondement de tout. Longtemps avait-il pensé que l’Erreur n’avait été cédé que par pure volonté d’accomplir le Destin. Non. Loin de là. Il n’avait qu’une origine bien différente. Si l’Amour d’Alexis était bien mieux que ceux qu’il avait pu palper… C’est parce qu’il était LOYAL. Complet. Tous les individus qui le côtoyaient qui en venaient naturellement alors à l’aimer en venaient tout aussi logiquement à le faire de manière purement égoïste. La proposition d’Alexis en revanche n’en possédait pas. Elle n’avait réfléchi qu’à la solution le satisfaisant lui, comme aurait du le faire tout être digne de ce nom, comme toute personne sensée. Elle avait sacrifié ses envies pour les siennes. Si ce n’était pas le premier d’acte d’amour qu’elle effectuait pour lui, c’était en revanche le premier acte de pure loyauté qu’elle faisait pour lui… Si l’Erreur était là… C’est parce que cet enfant avait su...incarner à cet instant....la Loyauté. Et de la Loyauté découlait… la mansuétude. Par son renoncement, elle avait prouvé son dévouement et son amour. Alors lui offrait-il son acceptation. De celle-ci découlait...la Famille dont elle avait toujours rêvé. Le Foyer. Le refus de l’Abandon qu’elle lui avait pourtant proposé. Elle avait désigné la porte, s’y résignant et il l’avait refermée sans la franchir. L’acte d’Alexis consolidait son attachement pour elle. Et le sien ferait de même car il n’agissait que pour elle. Avec toutes les conséquences futures qu’il lui rappelait alors, discrètement. Il ne craignait pas l’Erreur. Et il ne craignait ni le Futur ni le Destin, c’était LUI qui l’écrivait.
Il avait sourit. Tranquillement. Un de ses longs sourires lents et mystérieux qui lui prenaient les lèvres parfois à de rares occasions. Une fois proférée, le reste suivait, revenait tout naturellement. Les préoccupations diverses. Les phrases différentes prononcées préalablement. Une soudain le fit froncer les sourcils, subitement Ses yeux s’étaient relevés, sondant Alexis avec une intensité différente :
- «Sauf erreur…. Tout à l’heure as-tu bien dit… qu’Anatole...le TITAN… lui a...déjà… offert un cadeau ? Pour cet "honneur"? »
Avait-il su ? Le Titan avait-il offert un quelconque pouvoir à ce bébé ? Une quelconque force l’empêchant d’y causer le moindre mal ? Quelque chose de grand ? Un hommage à lui ? Comment avait-elle dit déjà ?… « Il n’est même pas encore là qu’il est déjà bercé de l’amour de certaines personnes comme Anatole. » Pourquoi, diantre, un Titan aurait-il éprouvé une quelconque affection pour un bébé ? Pire un enfant à naître ? Savait-il quelque chose qu’il ignorait ? Un enjeu ? Il haussa les sourcils, perplexe... Puis haussa les épaules, toujours avec cette même langueur, les yeux rivées sur son amante, ne la lâchant pas. Ce n'était pas qu'il se sentait différent. Il ne l'était pas. Mais l'acceptation chargeait l'atmosphère d'une gravité intense. Puis ajouta désignant la porte qui communiquait avec le hall:
- « Nous pouvons monter. Afin, notamment que tu puisses constater par toi-même que l’ensemble de tes exigences initiales ont été respectées et parce que l’on n’achète pas une maison en se basant sur son rez-de-chaussée. Viens, si tu le veux»
Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »
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Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...
“Ainsi va le monde ici-bas. Le temps emporte sur son aile Et le printemps et l'hirondelle, Et la vie et les jours ..." Gagnés
Rien ne s’était passé comme je l’avais prévu. Ou tu moins comme je l’avais appréhendé pendant plusieurs semaines. Le début s’en était fortement approché pourtant, son envie de convaincre, son intrusion dans mon espace vitale comme pour entrer au cœur même de mon esprit et de mon âme, afin de mieux le diriger. Pourtant, la suite avait été si différente. Il m’avait laissé parler, longuement. Je l’avais pourtant imaginé me couper, hurler, partir dans un excès de rage que je ne lui avais encore jamais connu mais que je devinais pourtant parfois aisément. Il était capable du pire, je le sentais. Je n’en avais aucune preuve, mais cette ombre qui passait trop souvent fugacement sur la dorure de ses yeux m’en disait bien plus que ses silences, ses absences, ses retenues. Mon esprit luttait pourtant souvent contre cela, car s’il était capable du pire, cela trahissait peut-être quelque chose de sa personnalité que je n’étais peut-être pas disposé à accepter. Et pourtant, plutôt que de sortir la tête de l’eau une bonne fois pour toute, je me contentais de me noyer dans le lit du fleuve tranquille qu’il installait, faisant fi des petites vagues qui pouvait parfois m’emmener en direction d’un océan de tourment. Pas de cri. Pas de bris. Pas de fuite. Juste des silences long, pesant, quelques arguments disséminés que je tentais de garder loin de moi, de ma pensée, de ma ligne de conduite. Il ne cherchait plus à me posséder. Il cherchait juste à contre argumenter, toujours sous le choc de cette nouvelle. Je n’avais pas eu envie de le brusquer. Ni de le convaincre d’ailleurs. Je n’avais fait qu’exposer ma pensée : il n’avait rien à m’imposer et je ne lui imposais rien. Un compromis, pur et simple.
— J’ai...besoin d’y réfléchir…posément.
— Je comprends, prends le Temps qu’il te faut.
J’avais hoché la tête d’un air entendu, la voix calme, douce, à peine plus haut qu’un murmure. Je n’étais que compréhension. Il m’avait fallu un certain Temps pour m’en remettre, prendre mes repères, il aurait été injuste de lui demander d’être sûr de lui en cet instant. Il faisait déjà bien plus que ce que je ne m’attendais à ce qu’il fasse à ce moment-là... il voulait y réfléchir. Il laissait la porte bien ouverte à son envie d’avortement mais sans refermer pour autant celle de ma propre solution. En silence, je l’avais suivi lorsqu’il m’avait proposé de poursuivre les visites, sortir de cette maison qui de toute façon n’était qu’une chimère, le rêve d’une vie que je ne voulais pas même caresser du doigt tant il était éloigné de ce que j’étais, qu’il comprenait aussi dérisoire et inatteignable maintenant que la Vérité avait été rétablie.
J’avais ressenti un énorme soulagement en sortant de là, comme s’il retirait les chaînes qu’il s’était évertué à tenter de me mettre aux pieds et aux poignets. Je ne voulais plus voir cette maison. Elle faisait partie du passé, des erreurs de parcours et de l’annonce de ma grossesse aussi... malgré elle. J’avais senti à sa façon d’ouvrir la porte qu’il en était arrivé à la même conclusion : tout sauf cette maison puisqu’elle ne serait pas sienne, puisqu’elle portait aussi le fardeau d’une nouvelle qu’il n’aurait préféré ne jamais voir arriver. J'aurai pu tenter de le dérider en lui précisant qu’il s’en était fallu de peu pour qu’il ne décroche cette porte de ses gongs tant sa véhémence était puissante mais j’avais préféré garder le silence, craignant que cette colère ne se retourne finalement contre moi. Je l’avais dépassé d’un pas léger en sentant qu’il ralentissait pour savourer la brise et les rayons du soleil. Il avait besoin de Temps, je lui avais dit le comprendre, j’aurais été bien grande menteuse si je refusais en cet instant de lui laisser de l’espace, du temps pour lui. Alors j’avais continué à avancer, droit vers le portail, refusant de m’éterniser dans ce jardin, réalisant que j’allais m’enfermer avec lui dans sa voiture pendant les quelques minutes de trajet qui nous séparait de la troisième visite. La troisième visite...
Ma gorge s’était serrée sous le coup de mes pensées. J'étais pourtant tellement sûre qu’il me planterait là, qu’il choisirait soit de ne plus me voir, soit de s’enfuir de cette conversation à grand éclat de voix. Mais il n’en était rien. Pire de que garder son calme et demander de la réflexion, il poursuivait la visite, malgré tout ce que ça impliquait : le choc de la nouvelle, la déception de ne pas être le propriétaire de cette future maison. Je réalisais alors que j’avais tort, ce n’était pas quelques minutes auparavant le cauchemar, c’était maintenant, avec le fracas assourdissant de la Vérité qui nous explosait les oreilles dans l’immense silence qui était né entre nous. Je l’avais observé à la dérobée lorsque je l’avais entendu s’approcher et déverrouiller les portières. Son visage était sérieux, fermé. Déglutissant, j’avais tôt fait de baisser les yeux et de m’engouffrer dans l’habitacle avant de boucle ma ceinture et de tourner la tête en direction de la vitre pour contempler le défilé du paysage en silence. J’avais serré les dents en sentant le démarrage quelque peu brusque de la voiture mais je n’avais rien dit pour autant, rien montré, gardant mes yeux rivés sur l’extérieur. J’en avais presque sursauté en le voyant atterrir dans mon champ de vision, ouvrant la porte brusquement. Je ne m’étais même pas aperçu que nous nous étions arrêtés. En m’ouvrant la portière, il gardait une certaine galanterie que je ne savais pas interpréter. Devais-je y voir un espoir de finir cette journée sans la fin de notre couple ou une engueulade des plus violente ? Devais-je le voir comme un geste d’affection ? Mon pragmatisme me poussait pourtant à me rappeler qu’il demeurait vieux jeu sur certains points et que la galanterie en faisait partie. Peut-être le faisait-il uniquement parce qu’il s’y sentait obligé, comme une simple cliente.
La suite ne contredisait pas cette version. Il avait commencé son discours commercial avec un certain entrain. Bien moins palpable que précédemment, certes, mais un entrain certain pourtant qui ne laissait percevoir aucune once de colère ou de déception. Ce n’était pas normal. Il était en pleine représentation, voilà tout. J’avais dégluti à cette pensée, tentant de le chasser un instant de mon esprit pour observer la maison et son jardin avant. Elle était magnifique. Tout comme la première, elle avait fait naître en moi une certaine envie d’en savoir plus. Bien que différentes, j’étais parvenue à me projeter dans les deux maisons, y voyant bien plus MA vision des choses, MON caractère. J’avais hoché la tête d’un air entendu à son accroche en précisant :
— C’est magnifique... j’aime beaucoup le passage... et le mur de lierre.
Nous étions entrés à l’intérieur. J'avais apprécié la petite “pièce” qui servait de perron, nous menant jusqu’à la porte d’entrée. Je me voyais presque y accrocher une couronne de feuille morte en Automne et les décorations de Noël en hiver... Arrivé à l’intérieur, j’avais découvert le plaisir d’un parquet impeccable et j’avais eu un petit sourire absent lorsqu’il avait précisé qu’il y en avait partout dans la maison exceptée dans la cuisine, un des gros plus que j’avais demandé.
— Peut-être le mieux serait-il encore que tu déambules dans les pièces…. Le tout est en parqué par ici, tu le remarqueras. La cuisine en revanche a du carrelage au sol. Quelques pièces méritent un peu de rénovations et c’est le cas de le dire… Comparé à la précédente où quelques travaux s’imposaient, là c’est un chantier… Mais tu me diras, le standing final n’est pas le même...
— Oui ! Je... je vais aller voir ça, je me débrouille, merci.
J’avais préféré couper court à toute conversation, voyant avec quelle force il avait pincé les lèvres à sa dernière phrase, traduisant une amertume sincère et profonde. Timidement, j’étais donc passé devant l’escalier pour me diriger vers l’arcade à la gauche de l’entrée. Cette-ci me permettait d’entrer dans un grand salon qui semblait prendre toute la largeur de la maison. Je reconnaissais la grande baie vitrée du mur de lierre et je pouvais observer dans un premier temps un coin salon où je pourrai allégrement poser une télévision. La grande baie vitrée était dotée d’une causeuse confortable où je me voyais déjà lire pendant mes journées de repos. Une seconde était placée en parallèle sur l’autre baie vitrée, à l’autre bout de la pièce. Cette partie semblait plutôt destiné au calme et à l’apaisement et une magnifique cheminée y avait trouvé sa place. En poursuivant mon chemin vers deux portes que j’avais ouverte, j’avais découvert une grande pièce qui pourrait allégrement me servir de bureau. Côte à celle-ci, il y avait une autre pièce, menant au jardin et au porche et bien que je ne susse pas encore quoi en faire, je la trouvais pourtant très agréable. De l’autre côté de l’entrée, j’avais découvert une magnifique salle à manger, elle aussi détenant sa propre cheminée et le prolongement laissait aussi de belles perspectives... un piano peut-être...
Après un court passage pour observer la buanderie, je l’avais rejoint dans la cuisine. Il n’avait pas menti, elle méritait quelques aménagements mais je m’en fichais. J'étais prête à les faire. C’était sans doute une des pièces que je préférai dans une maison et je tenais à ce qu’elle soit parfaite. Elle avait déjà la taille et la luminosité adéquate, le passage vers la salle à manger et vers l’extérieur qui laissait percevoir un joli porche et une terrasse incroyable.
— Alexis.
Un peu surprise, sa voix m’avait sortie de mes pensées, de mes observations minutieuses, de mes concessions mentales et de mes projections. Pendant ma visite, la douleur et la difficulté dans laquelle nous étions m’avait semblé un lointain souvenir, comme si cette maison avait eu le pouvoir et la force de me faire avancer, loin de mes soucis, comme si elle était déjà mienne. Mais lorsque sa voix avait raisonné, claire et limpide, tout m’était revenu en mémoire, je m’étais apprêté à franchir le passage qui menait à la salle à manger quand il avait parlé. Je m’étais alors tournée, toujours aussi surprise, pour l’observer calmement. Il était resté statique, figé dans sa position et j’en avais fait de même. Il semblait brusquement si résolu que mon cœur s’était mis à battre à tout rompre. Je n’avais qu’une envie, ouvrir la bouche, lui dire d’attendre, de prendre le Temps, de ne pas se précipiter dans ce qu’il comptait me dire. Être résolue à faire ce voyage dans la maternité seule ne me protégeait pas pour autant de la douleur que ses mots m’infligeraient... de son absence aussi sans doute en cas de rupture. Je rêvais d’arrêter le Temps, de le suspendre un maximum avant que tout ne bascule dans l’irréversible. Je le savais, je le voyais, cette décision, il l’avait prise. Tout comme la mienne, il n’y voyait que cette issue, je ne parviendrais sans aucun doute pas à le faire changer d’avis. Tout se jouait à présent, maintenant, entre cette cuisine et cette salle à manger.
— Très bien. Garde-le. Garde cet enfant.
— Je te demande pardon ?!
C’était sorti tout seul. J’avais eu beau me promettre de ne pas réagir tout de suite à ses mots, de ne pas réagir excessivement, de garder mes sentiments pour moi, je n’avais pas pu empêcher la surprise de lui sauter à la tête. Car c’était clairement de la surprise. Je m’étais attendu à tout, mais pas à ça. Et pourtant c’était stupide. Ô combien stupide. Si ce futur devait se réaliser, il n’avait pu qu’accepter, rien que cette vision aurait dû me rassurer. Mais pourtant, je savais quelque chose qu’il ignorait. Je réagissais à cet instant que j’aurai peut-être dû lui dire, mais rapidement, une autre pensée bien plus pragmatique était venue la contrer : non. Il était bien mieux qu’il prenne sa décision sans savoir. Cette décision, ce devait être la sienne car aucun Futur (ou presque...) n’était écrit, c’était à nous de l’écrire. Je ne pouvais pas le pousser à prendre une décision sur un futur qu’il pensait possible ou pas... je ne voulais pas que notre enfant puisse vivre ou non, avec un ou deux parents sur une esquisse d’un Futur observé. Sa décision, il devait la prendre seul, dans son présent et je savais que c’est ce qu’il faisait. Il le faisait car il n’était pas resté bloqué à l’idée que le Futur lui avait tout promis, il avait objecté sur le fait que tout pouvait ne pas se passer tel que c’était prévu, cette décision, il ne la prenait pas pour la couronne mais pour nous. C’était sans doute pour cela que j’avais été le plus surprise. J'avais suivi l’enseignement d’Hyperion. Ne rien dire et laisser les personnes faire leurs choix. Mais le futur que nous avions vu à Noël ne serait sans doute jamais le nôtre... parce que dans ce futur, j’étais Marquise... pas Cavalier... et que ce dernier était pourtant inévitable.
— Puisque tel est ton souhait, je te l’accorde… Tu garderas et tu élèveras cet enfant. Tu le laisseras entrer dans ta demeure, mieux tu lui offriras un foyer... TON Foyer, une Famille, tu l’aimeras et tu le chériras comme bon te semble, tu veilleras à son éducation, son savoir-vivre, ses manières…. MAIS… Cet enfant, jamais, ne grandira sans moi.
J’avais refréné une envie d’ouvrir la bouche pour objecter. Il s’était trompé, assurément. Sa langue avait dû fourcher, cela ne pouvait en être autrement. J’avais hoché la tête à chacun de ses conditions, non pas seulement par gratitude car il me permettait d’avoir mon enfant mais parce que c’était un contrat que je m’étais déjà donné à moi-même. Garder et élever cet enfant. Oui. Entrer dans ma demeure. Oui, c’était d’ailleurs pour cela que je NOUS choisissais une maison. Offrir un foyer. Oui, trois fois oui. Une famille. Oui. L’aimer et le chérir. Plus que tout. Veiller à son éducation, son savoir vivre et ses manières. Oui, de tout mon être. Comme le protéger d’ailleurs. Mais... son “mais” avait été puissant, j’en avais instinctivement resserré les dents. Parce que je savais qu’il venait comme une menace, je savais déjà le contenu de ce “mais”. Mais cet enfant ne sera jamais le mien. Mais je ne veux pas le voir. Mais je ne veux rien connaître de lui. Mais je ne le reconnaîtrais pas. Oui, tout avait été envisagé, mais pas ce qu’il avait dit, me sidérant sur place, me laissant dans un état de flottement où mon corps tout entier avant eu avant de lui dire “Tu te trompes n’est-ce pas ? C’était “avec” et non pas “sans” que tu voulais dire ?”. Mais j’avais gardé le silence, car ses yeux s’étaient plantés dans les miens avec une telle intensité, sa voix s’était tant abaissée à cet instant que je doutais au fond de moi d’y voir une erreur, sans pour autant espérer qu’il soit maître de ses mots.
— Je t’ai dit qu’il me faudra du Temps. J’accepte cet enfant, ce n’est pas pour autant que...je m’en réjouis. Aussi. Ne t’attends pas à ce qu’il me prenne l’envie de suivre...ce qui t’arrive avec le même entrain que celui que tu manifestes... C’est au-delà de mes forces. Je ne possède pas ce ravissement et je ne compte pas feindre cela.
C’était comme si sa voix s’était perdue dans le lointain. Comme si, perdu dans l’incendie de ses yeux, je ne pouvais percevoir que le son de sa voix de manière étouffée par le craquement sinistre de la maison embrasée où j’étais, par le crépitement puissant des flammes. Le son de ses paroles me parvenait pourtant, comme la lumière d’une issue de sortie, sans pour autant que je ne parvienne à me sortir de cette image. Il acceptait l’enfant. Avec ses conditions, bien entendu. Avec franchise aussi. Il ne me promettait rien. Son pas en avant était à la hauteur du mien. Je ne lui demandais rien... il ne me promettait rien. Essayer. C’était ce que chacun s’était promis à l’autre, malgré mon empressement et ma joie immense, malgré son scepticisme et son dégoût. Un compromis. Sans doute le plus puissant de tous qui me faisait brusquement réaliser à quel point nous étions liés. S’en était presque vertigineux. Aux coucheries sans lendemain, il y avait d’abord eu mon amour, son attachement. Il y avait à présent un couple, lié par un enfant. Il ne fuyait pas l’idée. Il ne souhaitait pas tout arrêter. Il voulait même d’une façon ou d’une autre faire partie de sa vie. Plus qu’une Erreur, ce petit être au creux de mes reins était le symbole éclatant de ce que nous avions construit ensemble, de ce que nous étions peut-être destiné à être... plus que deux amants... un véritable couple. Cette pensée m’avait foudroyée sur place. Je m’étais senti légèrement chanceler, l’afflux sanguin dans mes jambes étant soudain trop puissant, comme dans mon coup, ma tête avec son lourdement incessant, ma poitrine et les battements de mon cœur. Mon épaule avait trouvé refuge contre le bois le morceau de mur entre les deux pièces, m’aidant à tenir debout, mes jambes seules ne parvenant plus à le faire seules.
— Et pour être totalement franc, j’ignore la place que je lui accorderai. Le Temps nous le dira. Après tout, je n’exagère pas, lorsque je t’affirme que je ne possède vraiment pas la fibre paternelle. C’est un euphémisme. Ne prétends jamais l’ignorer. Même si, pour moi, tu es prête à y renoncer, tu désires que cet enfant grandisse avec moi. Alors, pour toi, je serais dans la vie de cet enfant.
— Merci.
C’était le premier mot que j’étais parvenue à dire, d’une voix rauque, étouffée sous l’émotion, tandis que le mur me retenait toujours. Je l’avais regardé un instant sans rien dire de plus, les bras de chaque côté du corps. Je n’avais aucune envie de le ramener à mon ventre. Je voulais comprendre qu’avant tout, c’était un moment de gratitude que nous ne partagions que tous les deux. J’avais laissé le temps de suspendre un instant, le laisser observer chacun des traits de mon visage, de mon corps. Il était fin observateur, je le savais depuis longtemps. Nombre de ses calculs relevaient de ce qu’il percevait chez les autres. Je voulais qu’il puisse s’imprégner de mon moment de surprise, de sidération et de profonde gratitude. Je voulais qu’il voie l’effet qu’il avait provoqué en moi car rien ne pouvait être plus fort à mon sens de le laisser en tirer les conclusions lui-même. Aucun mot n’était plus puissant que ce que mon corps, mes airs, pouvaient laisser transparaître. C'était quelque chose que j’avais remarqué depuis quelque temps chez lui, sans pour autant jamais lui en parler. C’était une des choses qui me gênait le plus dans notre relation et qui revenait à nous pourtant à chaque fois comme un leitmotiv. Dans ce futur, il avait vu à quel point je ne supportais pas de laisser mon intimité à la vue des autres : mes embrassades avec lui que je ne voulais qu’à nous, loin des oreilles et des yeux indiscrets. Mais aussi ce que j’étais. Et pourtant, il ne cessait de me sonder, encore et toujours, il avait besoin que je le regarde. Toujours, constamment. Quand il me faisait peur, quand il m’énervait, quand il m’émerveillait, quand il me bouleversait, quand il m’envahissait, quand il me possédait, quand il me comblait. De façon que je trouvais dérangeante, parfois malsaine, il me semblait que de se voir à travers mes yeux le ravissait presque autant sinon plus qu’à travers son miroir de poche qui ne manquait jamais de me décrocher un sourire moqueur léger. C’était des moments auquel je me soumettais plus ou moins de bonne grâce en fonction du contexte mais qui me bouleversait la plupart du temps énormément. J'avais horreur qu’il voie mes failles, mes faiblesses, mes moments d’incertitudes ou d’intense bonheur qui faisait naître en moi. C’était comme si je ne m’appartenais plus, comme si je lui avouais le pire de tout mon être, c’était pire que de brûler sur un bûcher. Et pourtant, cette fois-ci, sans qu’il me le demande, je m’étais offerte, entièrement, dans l’instant pour qu’il voit à quel point sa décision me touchait, à quel point elle comptait pour moi. Humectant mes lèvres pour me donner enfin contenance, je n’avais pourtant pas bougé de ma position quand je lui avais précisé :
— Je sais, Erwin. Je le sais, tout ça. Encore une fois... je ne te demande rien. Je prendrai ce qui tu es capable d’offrir...
Tant que cela reste de la bienveillance. Mais je n’avais pas préféré le dire à voix haute. Cela tombait sous le sens. Je repréciserai sans doute cette partie plus tard, mais je n’avais pas envie de nous mettre en terrain hostile à ce moment précis. Le moment était beau, je comptais en profiter ainsi. Il avait fini par me sourire, un sourire qui s’était formé lentement sur ses lèvres. Il n’était pas malsain mais n’était pas joyeux pour autant, il semblait plus proche d’un accomplissement mystérieux que je ne pouvais pas voir. J’avais décidé de le prendre comme une trêve, comme le premier signe qu’il était peut-être en paix avec sa décision. SA PROPRE décision, car après tout, je ne l’avais forcé à rien et encore moins à cela. Il avait choisi selon sa volonté, comme j’en avais fait pour moi. Je m’étais alors redressée, me sentant un peu plus forte sur mes talons, prête à affronter la suite et je lui avais rendu son sourire, tout aussi lentement mais plus doux et plus complice. J’avais amorcé un pas ou deux en sa direction, non pas pour le rejoindre lui, mais pour réduire la distance, comme pour passer à autre chose. Il nous restait encore des pièces à visiter, j’avais l’impression que nous avions déjà fait une avancée considérable, je ne voulais rien précipiter en lui en demandant trop que ce soit sur la suite, ses sentiments, s’il était sûr de sa décision ou s’il voulait voir mon ventre. J'avais à peu près déjà en tête toutes les réponses à ces questions : il faudrait du Temps, oui il était sûr, non surtout pas. Pourtant, c’était lui qui avait embrayé, avec le même sujet et j’avais pu même percevoir une certaine crainte dans sa voix qui m’avait fait rire doucement :
— En l’honneur du fait que son amie est enceinte, tout simplement. Rien de plus, rien de moins. Oui, Anatole est un titan mais c’est surtout mon ami et... je crois que le fait de vivre cette découverte ensemble l’a... beaucoup touché. Du coup il m’a offert une grenouillère pour lui ou elle en fonction de son sexe...
J’avais détourné le regard et il avait eu la bonne idée d’enchaîner sur la suite de la visite, occasion sur laquelle j’avais sauté à pied joint. J’avais hoché la tête en précisant :
— Avec plaisir, oui.
Nous étions alors montés l’étage qui se trouvait être spacieux et lumineux. J'avais constaté avec surprise qu’il était doté de plusieurs petits bonus que je n’avais pas envisagé. Il semblait déjà y avoir une espèce de grand grenier qui pouvait être aménagé si nécessaire, sous les combles. Le haut contenait finalement au minimum trois chambres, dont l’une pouvait faire office de chambre d’ami et deux salles de bain. La futur chambre du bébé était baignée d’une lumière douce extrêmement agréable qui avait naître un fin sourire à mes lèvres. Elle était de belles proportions, tout comme la chambre d’ami. La première salle de bain, accessible du couloir contenait bien la douche et la baignoire demandée. Après un moment d’hésitation, j’avais fini par entrer dans la chambre “parentale”. Comme le reste de certaines pièces, j’y voyais bien sûr quelques modifications à y faire, quelques rénovations mais la taille et la luminosité de la chambre m’avait laissé pantoise. Elle n’avait rien à envier à celle de la seconde demeure. Elle aussi était composée d’un petit balcon qui donnait sur le grand jardin arrière et d’une salle de bain privative qui avait le mérite de laisser apparaître un espace suffisant pour y installer une baignoire (encore inexistante) en plus de la douche et des deux vasques. Une dernière pièce, une porte à la dérobée sur un mur d’armoires m’avait laissé apercevoir un joli dressing d’un bel espace qui ne demandait qu’à être aménagée selon mes désirs. Stupéfaite, j’avais fini par en ressortir, la bouche légèrement entrouverte.
— Et... Et tout cela entre dans mon budget ?
Il avait acquiescé et un sourire de ravissement était apparu sur mon visage, vite suivi d’un petit pouffement de rire victorieux que je n’avais pas pu contenir. Certes, avec les travaux que je promettais de mettre en route, il y avait des chances qu’elle atteigne le prix de la première maison qui m’avait tout aussi plu, mais j’avais le sentiment que cette maison me correspondait au mieux. Je m’y étais tellement projeté, j’avais tellement senti le potentiel de bonheur qu’elle m’annonçait que je n’avais pas pu y résister.
— C’est... C’est fantastique...
J’avais fait un tour sur moi-même, tentant de refouler au maximum le moment de gêne que je sentais poindre à l’idée de lui dire ce que je voulais et lui rappeler qu’il n’en faisait pas partie. Je tentais de me rassurer en me disant que ce n’était de toute façon pas ce qu’il voulait et que d’une certaine manière, il l’avait aussi choisi selon ses goûts à lui, j’en étais persuadée...
— C’est... je crois que c’est elle que je veux... Il y a des travaux, j’en ai conscience, mais je suis prête à les faire, je vois exactement ce que je veux faire de cette maison... et je pourrais toujours demander à mon spécialiste des cloisons à abattre ce qu’il en pense.
J’avais coulé un regard vers lui, un sourire en coin sur les lèvres, tentant de raviver en lui ses envies de travaux qu’il avait lui-même manifester jusqu’à présent. Voyant qu’il semblait plutôt réceptif à quelques blagues et à une certaine complicité, j’avais fini par m’approcher doucement de lui. D’un geste lent et tendre, j’avais ouvert ses bras pour venir me loger en leur sein, posant ses mains au niveau de mes reins. Lentement, j’avais levé les yeux vers lui, pour observer ses prunelles un instant, sans rien dire. Avec douceur, j’avais fini par lever ma main droite pour venir lui caresser les cheveux, la faisant ensuite glisser le long de son visage jusqu’à sa mâchoire. Je mourrai d’envie de dire quelque chose mais je ne savais quoi ajouter sans avoir peur de me tromper dans mes mots. J'avais envie de lui dire qu’il m’offrait le plus beau des cadeaux, mais considérer une paternité n’était pas censé être quelque chose qu’on offrait, j’avais envie de lui dire que je n’avais pas envie d’un autre père que lui pour mon enfant, mais là encore, cela donnait l’idée potentielle que j’avais pu le penser, ce qui m’était impossible. Alors face à mon désarroi de ne rien trouver à dire, j’avais fini par me mettre légèrement sur la pointe des pieds, les talons m’offrant déjà une hauteur confortable, pour poser avec douceur mes lèvres sur les siennes. Je n’avais rien voulu de trop fougueux, trop passionné, juste la douceur et l’amour que je ressentais pour lui à cet instant, cette envie de le remercier pour tout ce qu’il avait été capable d’accepter, de façon beaucoup plus simple que je n’avais même plus l’imaginer. J’avais senti que contrairement ç certain moment de contrariété, il ne m’avait pas repoussé ou il n’avait pas juste subi mon baiser, il me l’avait rendu, pleinement, mais sans aucune fougue non plus de son côté. Quelque chose de différent jamais ou très peu perçu jusqu’à maintenant, qui allait sans doute de pair avec ce moment unique. Me souvenant d’un moment qui m’avait alors choqué dans notre futur, j’avais brusquement trouvé les mots que je voulais lui dire. Retirant avec douceur mes lèvres des siennes, j’avais passé mes mains autour de son cou, l’observant toujours dans les yeux tandis que je lui disais avec douceur :
— Je veux que tu écoutes toute la portée de mes mots, s’il te plaît. C’est très important. Je t’aime Erwin. Je n’aime personne d’autre comme toi et... j’ai le sentiment que je ne pourrai jamais aimer quelqu’un d’autre comme toi. Non ! … Non, s’il te plaît, pas d’orgueil mal placé, c’est important...
J’avais d’ores et déjà vu ses prunelles se teindre d’un dédain dont il était fortement capable, à répliquer sans aucun doute que je déclamer une évidence. Pour le ramener à moi, j’avais enfermé son visage entre mes mains.
— Quand je dis personne, c’est... personne. Pas même cet enfant. Dans... dans le futur que nous avons vu... Les enfants m’ont expliqué que ton toi futur ne supportait pas de voir une marque d’affection que je pouvais diriger vers eux plutôt que vers toi...
J’avais préféré éviter de dire tout de go que c’était avec Isaac que j’avais eu cette conversation, afin d’éviter d’augmenter un brasier qui était déjà bien présent avec le Erwin du présent depuis qu’il avait posé les yeux sur lui sans que je ne comprenne pourquoi.
— Je te l’ai dit... je ne te demande rien. On ira à ton rythme. Mais pour NOUS, s’il te plaît, comprends que mon amour pour toi sera forcément différent de celui-ci que je pourrai lui donner. Je ne l’aimerai jamais comme toi... Je ne t’aimerai jamais comme lui parce que... ce sont deux amours différents. Ce n’est pas parce qu’un geste est dirigé vers cet enfant que tu n’en auras pas un... on ne comptera pas les points, il faut que tu voies la différence, s’il te plaît. Je... je ne veux pas que ça nous détruise... jamais... Parce que pour moi je sais déjà que ça n’a rien de comparable, mais je veux que tu le voies aussi...
J'avais levé les yeux vers la pièce comme pour l’entourer de mon regard, lui faire comprendre que le parler de la maison avant de me resserrer dans son étreinte pour lui faire comprendre que je parlais de nous :
— Tu m’offres déjà tellement... Hormis la seconde qui était clairement destiné à tes propres fantasmes, ne le nie pas, tu es capable de me comprendre comme personne jusqu’à présent. Ces maisons... c’était totalement moi. Tu me rends heureuse d’une façon que je ne l’ai jamais encore été auparavant. Tu sais que pour moi c’est difficile de dire toutes ces choses, de... m’ouvrir comme ça. Et je sais que c’est TOI parce que... parce que je vois des choses en toi que je ne veux pas encore nommer mais.. Que j’accepte malgré moi, que je n’aurai jamais accepté pour personne d’autre, je le sais... je sais pas comment te l’expliquer mais je le sais. Alors ne doute jamais une seule seconde que je puisse t’aimer plus que je n’ai jamais aimé amoureusement quelqu’un... J’essaye de t’accepter chaque jour comme tu es, même les parties qui me font mal... et je vois aujourd’hui que tu en fait de même... ça dépasse toutes mes espérances, sincèrement. Comment je pourrais ne serait-ce qu’imaginer te remplacer ? Alors ne confonds pas amour maternel et amour amoureux, d’accord ? Après tout, tu m’as chargé aussi de l’aimer cet enfant... Non ?
Je lui avais lancé un faible sourire, redoutant un retour de flamme, espérant au plus profond de mon être qu’il saurait comprendre ce que j’étais en train de lui dire. Hésitant sur la suite à venir j’avais précisé :
— Nous ne sommes peut-être pas obligés de signer tout de suite, tu connais mon choix... je me disais... si tu avais prévu toute la journée pour cette visite peut-être... peut-être que tu voudrais qu’on s’éclipse ? N’importe où, comme tu veux... On ferait ce que tu veux... si tu veux que je rentre chez moi et que je te laisse du temps, je l’accepte... si tu veux que je reste et qu’on parle, on peut aussi. Si tu veux que je reste mais... qu’on pense à tout sauf à ça, ça me va. Dis-moi juste ce que tu veux...
Il était rare que je le laisse entièrement maître de la situation. C'était bien souvent un commun accord, un mélange de ce que je voulais et il voulait. Mais ce mois entier à me poser des questions à douter de sa réponse m'avait demandé un peu de répits. Il avait prit sa décision en son âme et conscience, avait eu l'honnêteté de me rappeler les termes du contrat de son côté. Du mien, actuellement, je n'avais envie que d'une chose : me laisser porter par sa volonté et ses envies, un remerciement que je lui faisais pour cette décision qu'il avait prit et qui était bien loin d'être égoïste malgré le personnage. Une décision de couple. Une décision pour nous.