« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
« If the crown should fit, then how can I refuse? »
| Avatar : Rufus Sewell
- Pour ma victoire? C'est adorable, trésor... Même si en toute modestie, je dois admettre, qu'au-delà de cela, je suis un prestigieux modèle pour mes concitoyens"
(Alexis pense-t-elle qu'il est parti trop loin? Sûrement! On approuve)
| Conte : Coeur de Princesse/Le Prince et le Pauvre | Dans le monde des contes, je suis : : Preminger
“Money is the anthem of success So before we go out What's your address?"
« Pour ainsi dire, je suis d’une bonté sans limite »...songea avec arrogance l’ancien premier ministre tandis que ses lèvres exhalaient sa décision impromptue. Oh, il pouvait avouer sans mentir qu’il n’aurait jamais pu parier ne serait-ce qu’une fois sur son prompt revirement . Un enfant, surtout CET ENFANT, lui semblait encore inenvisageable l’heure précédente. A présent, il fallait admettre que ses réflexions l’avaient poussé à reconsidérer la chose. Ce qui était la chance de posséder une intelligence hors du commun.. Il le savait de toute manière, le bon sens consistait parfois à reconsidérer ses positions et à ne pas camper dessus par excès d’arrogance. Preminger était orgueilleux, oui et il ne l’ignorait pas, néanmoins, il considérait que cela allait de soi avec la pertinence de ses réflexions. Il savait revoir son jeu et ses cartes face à l’adversité. Et l’attitude pour le moins effarée et délectable qu’Alexis lui servait le confortait dans son choix. Le choc la faisait choir presque, déboussolée. Chose exceptionnelle, elle ne s’en déroba pas pour autant. Elle qui se complaisait par pudicité et gêne ordinairement, tâchant de se soustraire à son attention satisfaite ne fit pas un geste, hormis celui de laisser couler son choc dans ses yeux avides. Pour ainsi dire, c’était ce qu’Erwin préférait. Sonder autrui et en ressentir la force de l’impact de ses gestes ou paroles sur eux. Celles-ci, surtout, valaient quelque chose de plus conséquent que jusqu’alors. Du lien qui existait entre eux résultait cette décision, qui ne revêtait en rien l’apparence d’un sacrifice quelconque mais prédisait aussi l’importance qu’il plaçait en elle. Et en « eux », d’une certaine manière. Il n’aurait pas admis à n’importe qui de porter un être tiré de lui-même, tout aussi indifférent qu’il pouvait être à la notion de parentalité. C’était une arme. Une arme contre lui et un privilège qu’il n’offrirait pas à tout le monde. A personne d’autre, d’ailleurs. Mais à elle, il pouvait, il le savait. Ainsi admettait-il qu’il lui accordait de la confiance. Et pourtant… c’était quelque chose que le notaire accordait à tous et à personne à la fois. Il savait pouvoir compter sur tout le monde lorsqu’ils le connaissaient sous son jour le plus charmant et le plus affable mais n’était pas sans ignorer que beaucoup s’horrifieraient s’ils le connaissaient réellement. Ils n’avaient vocation qu’à le combattre et l’admirer à la fois. Peu étaient fait pour marcher avec lui. Peu pouvaient embraser ses valeurs et poursuivre POUR LUI son ascension en gardant en main l’entièreté des cartes. Avec elle, ce serait différent. Parce qu’elle était faite pour se tenir à ses côtés à l’Avenir. Il l’avait pressenti. Et il l’avait vu. Et ce qu’il avait pressentit n’avait-il pas été confirmé par sa vision du Futur ? L’Enfant ne préfigurait-il pas l’Avenir radieux ? En tout cas, il ne le rendait guère impossible. Ce qui était d’une certaine manière logique : personne ne pouvait le stopper. Il possédait le pouvoir de faire plier le Destin en sa Faveur. Un jour. Le Monde entier serait à lui. Et l’entièreté des êtres s’agenouilleraient devant son rayonnement. Un jour, du plus insignifiant des éboueurs jusqu’au colossal Titan, tous ploieraient devant sa Magnificence.
- Merci
Il avait eu un sourire imperceptible vite retenu par un léger frémissement de mâchoire, préférant observer. Elle voulait qu’il sache à quel point elle s’en trouvait heureuse et transportée par son extrême largesse à son égard. Et il ne ferait rien pour l’en distraire. Non. Qu’elle le fasse donc. Qu’elle retienne donc tandis qu’il savourait sa parfaite compréhension de son état et de l’immense joie qu’il lui offrait. Qu’elle retienne ce Moment. Il était important. Tant pour lui que pour elle, à des degrés différents d’impacts et de trajectoires. A sa manière aussi, écrivait-il leur Destin en accordant ce qu’elle désirait, en devenant non un obstacle mais une direction.
— Je sais, Erwin. Je le sais, tout ça. Encore une fois... je ne te demande rien. Je prendrai ce qui tu es capable d’offrir...
En réalité, il était capable d’offrir nombre de choses. Une quantité phénoménale de choses et d’autres. La nuance résultat non de la capacité...mais de l’envie. Il se frayerait un chemin dans l’existence de cet enfant, pour sa loyauté, pour elle. Mais également pour lui. Il devait garder le contrôle ou un œil sur ses activités. Un minimum sûrement. Sauf à ce que l’intérêt soit ailleurs. Il était hors de question de s’investir vainement dans des activités pour le moins dégradant et sans intérêt. Les scènes de la vie familiale n’étaient que des pertes de temps, des futilités chères aux coeurs tendres auxquelles il ne comptait pas se livrer sans avantage. Loin de lui l’envie de donner le pot ou ces ridicules désagréments. Pourquoi l’aurait-il fait ? A la différence des distractions passées avec Midas, alors qu’il n’était que chiot, qui l’avaient divertis dans un amusement futile mais plaisant, il ne comptait pas rechercher la compagnie de cet enfant braillard. D’ailleurs Alexis s’en ennuierait vite ! Fort heureusement, il existait des nourrices et ce genre de personne destinées à la basse besogne. Il avait médité l’information transmise concernant Anatole avec un intérêt réel, en revanche. Visiblement, le Titan estimait suffisamment la jeune femme pour lui offrir quelque chose. Mais une grenouillère ? Voilà qui était on ne pouvait plus décevant. Comment diantre pouvait-on ne serait-ce que décent pour une engeance tirée de LUI ? Lui un Roi ? Par jalousie sûrement de son statut. Et Alexis pouvait être si peu exigeante envers l’attention et l’affection tirée de ses amis qu’elle s’en était visiblement enthousiasmée ! C’était même plus que sûr à en juger par la manière dont ses yeux pétillaient. Elle avait apprécié ce cadeau inutile. A quoi bon une grenouillère ? Lui qui pouvait offrir un sac d’or ne valant, ne serait-ce que la demeure dans laquelle elle se trouvait, par simple claquement de mains ? Plus que décevant, c’était insultant ! Comment diantre pouvait-elle le qualifier d’ami ? Pourquoi ne l’avait-elle pas chassé de sa demeure en tempêtant sa colère ?
Ce fut son seul commentaire et il dissimula son sourire narquois et acide en lui tournant vivement le dos, pour enchaîner sur la visite. Plus que d’être naïve sur « l’amitié » que lui portait son ami, elle l’était tout autant sur le futur sexe de cet enfant. Ou avait-elle l’Espoir innocent de parvenir à le tromper sur le sujet. Bien sûr que cela serait un garçon, plus encore… Ce serait l’Erreur. Il le savait. Avec une intensité qui ne le trompait pas. Qu’importait. Il n’avait pas peur de cet enfant. Personne ne le ferait plier de son objectif.
Il l’avait laissée le plaisir de la visite, l’observant déambuler dans ces lieux nouveaux pour elle et soudainement dotés aux yeux de la jeune femme d’une beauté nouvelle. Chaque découverte semblait l’emballer plus que de mesure, chaque pièce semblait poursuivre l’enthousiasme manifesté plus tôt encore, si bien qu’elle paraissait dévorer des yeux chaque parcelle offerte à ses yeux. La joie d’une femme enceinte, sûrement qui transparaissait notamment tandis qu’elle traînassait dans la pièce qu’elle réservait sûrement à l’Erreur. Un berceau, une lumière et le tour était joué, pourtant, non ? Erwin la laissait encore, scrutant l’ensemble avec une attention complète mêlée d’attente. Il ne lui en voulait pas de se montrer si subitement attentive à ce qui pouvait consister son Futur. Qu’elle prenne donc son Temps. Cela lui en laissait pour...envisager l’Avenir, la suite proche de ce que cette nouvelle bouleverserait et le long terme. Sous peu…. Rien. Tant qu’il n’était pas encore venu au Monde, en quoi donc aurait-il pu venir perturber son équilibre ? Même vivant et gémissant dans sa grenouillère, il ne le laisserait pas perturber ses projets, il suffirait seulement de les adapter en conséquence. Et Preminger avait toujours été brillant pour l’Adaptation aux événements qu’il ne contrôlait pas. Une part de son génie y résidait, alors lorsque l’Imprévu se glissait sous les traits d’un bébé geignard, en quoi aurait-il du frémir ? Avait-il d’ailleurs frémi pour sa position dans le Futur ? Pas le moins du monde.
- Et… Et tout cela entre dans mon budget ?
Il avait acquiescé sur le pas de la porte, alors qu’elle succombait au même début de victoire exultante qu’il pouvait subir parfois sur le coup de la joie. En cela, il déteignait sur elle. Ou du moins, révélait-il des aspects chez elle qu’elle n’aurait pas extériorisé si jamais il n’était entré dans sa vie. A vrai dire, il appréciait lorsque ce pan de sa personnalité se révélait plus qu’elle ne s’y attendait. Il y avait quelque chose de profondément vrai dans l’exultation. S’y révélait une part de la vraie nature de chacun, l’ombre de la fierté personnelle que chaque individu possédait au creux de lui, avec plus ou moins d’expansion. Alexis avait beaucoup à révéler. Fort heureusement pour elle, il était là, à présent, patient.
— C’est... je crois que c’est elle que je veux... Il y a des travaux, j’en ai conscience, mais je suis prête à les faire, je vois exactement ce que je veux faire de cette maison... et je pourrais toujours demander à mon spécialiste des cloisons à abattre ce qu’il en pense – « Oh, mais en voilà une surprise... » avait-il commenté avec une once de malice « J’ignore si tu es prête à entendre l’ampleur du potentiel de l’endroit, je crains de t’effrayer plus que de mesure. Mais tu sais où me trouver au besoin. »
Elle était venue jusqu’à lui, ouvrant ses bras pour se loger contre son torse et l’avait laissée s’y couler, lui permettant encore de déposer ses mains sur ses reins. Elle le cherchait. Lui, son réconfort, son acceptation, son soulagement, fouillant les traits de son visage, la bouche close de mots suffisamment forts pour exprimer la puissance de ses émotions, néanmoins. Sa main en revanche, caressante, glissait entre ses cheveux noirs, pour venir effleurer sa mâchoire. Il n’avait pas répondu, ni par un geste ni par un mot, ses mains demeurant sagement immobiles sur les flancs de la jeune femme, ses yeux dans les siens ne cherchant qu’à saisir son état. Elle voulait le remercier, il le sentait. Elle pouvait, bien qu’elle s’y refusa, il n’aurait pas décrié son remerciement. Après tout, c’était bien ce qu’il avait fait : il lui avait offert cet enfant, cette vie, ce Destin commun. Il avait fait ce choix, lui précisant volontairement son manque d’envie d’enfant, mais pour elle. Cela saurait trouver un écho dans son coeur. Mais elle ne remercia pas oralement, se contentant de le fixer, vide de mots mais pas de sentiments épars et puissants qui se mouvaient derrière le doux bleu de son regard. Elle avait avancé le visage, se hissant un peu sur la pointe de ses pieds et devinant son intention, il avait aidé son geste, soutenant sa taille de ses mains fermes, tandis qu’il penchait la tête pour accueillir ses lèvres. L’embrassade n’avait été en rien passionnée mais cela n’enlevait rien à l’émotion qu’elle y avait véhiculé avec une sincérité désarmante. Plus que de le faire sentir désiré, elle avait voulu le faire sentir aimé avec toute la douceur dont elle était capable. Et y parvenait parfaitement. Une réelle plongée au coeur de tout ce qu’elle ressentait, avec une vibration telle qu’il la discerna profondément. Si bien qu’il lia l’embrassade, l’encourageant, y cédant pour mieux l’appréhender encore. Il n’était pas question d’échauffer leurs sens mais de transmettre et il l’avait compris, ressentie aussi elle-même entièrement. Comme lui auparavant lui avait livré sa mélancolie un dangereux jour de décembre. S’il n’éprouvait aucune estime pour les sentiments amoureux, ceux qui lui étaient pleinement destinés restaient un plaisir particulier, à part. Celui de la jeune femme possédait une valeur supplémentaire, celui de la compréhension d’une part de lui-même et d’une loyauté entière. Ce fut elle pourtant, qui rompit l’escapade pour visser ses prunelles aux siennes, tandis que ses mains s’accrochaient à son cou :
— Je veux que tu écoutes toute la portée de mes mots, s’il te plaît. C’est très important. Je t’aime Erwin. Je n’aime personne d’autre comme toi et... j’ai le sentiment que je ne pourrai jamais aimer quelqu’un d’autre comme toi. Non ! … Non, s’il te plaît, pas d’orgueil mal placé, c’est important...
Orgueil mal placé ? En quoi ? En quoi était-ce de l’orgueil mal placé puisqu’elle le claironnait elle-même ? Il avait soulevé un sourcil, presque agacé mais l’avait pourtant permis de poursuivre, un rictus teinté de fourberie sur ses lèvres altières. Ceci résonnait comme une farce. Mais visiblement, prenait-elle l’entièreté de son message avec le plus grand des sérieux puisque ses mains s’étaient décollées de l’arrière de son cou pour se river sur son visage, l’attirant vers elle , tandis qu’elle déclamait : — Quand je dis personne, c’est... personne. Pas même cet enfant. Dans... dans le futur que nous avons vu... Les enfants m’ont expliqué que ton toi futur ne supportait pas de voir une marque d’affection que je pouvais diriger vers eux plutôt que vers toi... - « Pour éduquer au mieux cet enfant, tu vas devoir t’endurcir à chaque discours larmoyant quémandant d’affection. Chaque enfant un jour entre dans une phase de rébellion naturelle, je suppose qu’il en était là à mon sujet... » éructa-t-il en levant les yeux au ciel pour mieux les figer dans les siens, perfidement, ajoutant dans une dose de tendresse «Sauf à ce que ton toi futur me soit devenu parfaitement indifférent, ce dont je doute. »
Bien qu’il tenta de le dissimuler, une dose de colère avait ravivé son être non dirigée vers elle, mais vers l’Autre. Sale misérable comploteur. Il n’avait pas besoin de chercher ni de prétendre croire que ces propos venaient des deux. L’autre petite chrysanthème était bien trop admirative à son encontre pour se plaindre ne serait-ce que d’une miette de son comportement. Au contraire, elle le trouvait totalement normal et s’en effaçait. Elle l’Admirait, l’Aimait tant que chaque cruauté prenait des airs de belles attentions sous le regard de cette petite guimauve. L’Erreur en revanche.. Oui. C’était bien le genre de misérable petit cloporte grincheux et pleurnichard. A tenter d’attirer misérablement sur lui une attention qu’il ne méritait pas. Mais il ferma la bouche, s’interdisant de répliquer avec vigueur. Elle désirait qu’il l’écoute, fort bien il l’écouterait donc. Et il le fit. Il l’écouta discourir sur une inquiétude ridicule qu’elle lui prêtait. Croire qu’il puisse l’aimer de la même manière que lui ? Grand Dieu, jamais de la vie ! Pour qui le prenait-elle ? Il n’était pas aussi ignorant de la nature humaine qu’elle semblait le percevoir. Il différenciait tout de même D’ailleurs, puisqu’elle pensait qu’il connaissait l’Amour, comment pouvait-elle être aussi éloignée du réel problème ? Ou peut-être était-ce cela qui l’empêchait de le percevoir entièrement ?Parce qu’elle pensait qu’il le percevait ? Pourtant, elle notait bien chez lui certaines choses, quelques zones d’ombre comme elle l’affirmait notamment en ce qui concernait les choses qu’elle acceptait pour lui. Sans en comprendre l’entièreté des contours. Elle le comprenait oui, mais le connaissait encore mal. Il déposa ses mains sur les siennes, encore plaquées sur son visage et lui sourit alors, doucement :
- « Rassure-toi. Loin de moi l’idée de compter les points… Je sais que tu m’aimes. Et je sais exactement à quel point. » une lueur passa dans ses yeux furtivement puis disparu « Ceci n’est pas le souci. Ce que je veux, c’est.. » il s’interrompit néanmoins et secoua la tête, comme pour en chasser l’idée décrétant avec force « Peu importe. Ce n’est pas important. Aucune raison de s’en soucier…. Tout ira parfaitement, comme tout doit se passer. Tu as raison pour la demeure en revanche… Je pense que tu devrais choisir celle-ci, elle possède quelque chose, une âme qui se rapproche de la tienne... »
Il lui avait sourit à nouveau, tranquillement, cachant le principal, l’étouffant à dessein. S’il le verbalisait, cela ne risquait-il pas de remettre tout en cause et trop tardivement ? « La question ma chère n’est pas de savoir si tu l’aimeras de la même façon. La question est de savoir si tu l’aimeras autant. » Il n’avait jamais été question d’une mauvaise perception des sentiments. Tout n’avait juste été qu’une question d’exclusivité. Il admettait sans peine qu’elle puisse apprécier, aimer à des degrés différents d’autres personnes, d’autres individus. Là consistait la faiblesse du commun des mortels. Qu’elle puisse aimer Regina, Hadès, ou encore Anatole ou Elliot. Il l’admettait autant qu’il savait que l’amour et l’inspiration qu’il créait avec vocation à les supplanter. Mais l’Amour d’une Mère ? Il l’avait vu plus que compris face à Georgia et ses sanglots pitoyables tandis qu’il la menait à l’autel. Elle pleurait sur sa fille. Son Monde tournait ridiculement autour de sa fille. S’il lui était demandé de faire un choix, il ne voulait pas seulement être ce choix, il DEVAIT être ce choix. Il construisait bien trop pour accorder sa confiance à perte. Et cet enfant devait en être le ciment et non le poison. Mais, c’était ce qu’elle désirait absolument lui prouver non ? Il suffisait encore d’écarter habilement l’enfant de tout choix contre lui. Et puis… Peut-être tout simplement était-il biaisé par sa propre expérience ? Il avait toujours été très évident qu’IL avait été le plus beau Trésor aux yeux de ses parents. L’Enfant pour qui rien n’était suffisant, ni trop beau. Et tout Amour mourrait lorsqu’on croisait son chemin. Chaque yeux, chaque visage, chaque coeur ne battait que pour qu’il puisse en disposer, tout puissamment qu’il était. Après tout, cet enfant n’avait de valeur que pour le symbole qu’il représentait. S’il sortait du symbole, il ne représentait plus rien… S’il ne représentait plus rien, il ne possédait plus de valeur. Pourquoi donc en aurait-il eu ? Il l’avait bien vu après tout, il était évident qu’elle ne l’aimait que parce qu’il s’agissait de leur enfant. Elle ne désirait cet enfant que parce qu’elle savait qu’il était de LUI. Faussement, pensait-elle sûrement qu’ainsi, à défaut de l’avoir entièrement lui, au moins en détenait-elle une partie. Oui. Assurément. Qui aurait voulu d’un simple bébé parce qu’il s’agissait d’un bébé ? Chaque enfant était destiné à devenir un adulte inconnu encore. Et l’être qui croissait en elle ne possédait pas d’autre valeur que d’être de lui. Elle allait être déçue de constater qu’il ne posséderait pas une miette de ses aptitudes et qualités, mais elle l’aimerait comme un cadeau unique qu’il lui donnait, c’était évidement cela. Tout tournait autour de LUI, comme d’ordinaire. Elle lui avait parlé soudain, l’interrogeant avec une envie sincère et vraie de le contenter.
— « Ce que je veux ?…. » il s’était interrompu un bref instant pour sourire dans le vague… "Vaste...débat."
« Dis-moi juste ce que tu veux ». Il désirait tant de choses dont elle ne possédait pas la Clef. Mais qu’avait-il besoin actuellement ? En dehors de discuter avec Midas qui jouait aux abonnées absents par peur…Gouverner le Monde.
- « Plusieurs choses. Un bon bain moussant. Avec pourquoi pas un massage. Une nouvelle montre. Un cadeau improvisé… J’aime les « bonnes » surprises. Le musée est fermé aujourd’hui c’est dommage. Mais, il est possible de commencer par un tour au parc. C’est un bon compromis. Je suppose. J’ai besoin de marcher, j’ai besoin de réfléchir. Mais tu peux être là. En plus, il n’est pas loin, nous pouvons même laisser la voiture devant et le rejoindre à pieds. Au moins, tu te familiariseras avec les environs, bien que tu les connaisses quelque peu déjà... »
Ils étaient sortis après qu’il ait pris soin de détacher ses mains de sa peau. Il ne mentait pas, le parc se trouvait à une petite rue de là. Bordé de chênes et de saules pleureurs, une grille rouge le séparait de la route.
- « L’idéal pour se promener avec ou sans poussette. Et qui sait, de quoi nouer des liens avec le voisinage proche ? En ce qui me concerne, tu risqueras peu de m’y croiser. Ma femme et moi sommes assez éloignés de cet endroit. Il y en a un autre d’ailleurs, plus proche de ma propre maison. J’y vais parfois. Mais celui-ci en principe...personne ne s’attend à m’y croiser. Aussi, incroyable que cela puisse paraître, je pense pouvoir m’y promener en quasi parfaite anonymat… Enfin, tu comprends ce que je veux dire… n’exagérons rien…Au diable la fausse modestie. » un petit rire hautain l’avait coupé et il s’y livra un petit et agréable moment avant de reprendre « Mais si tu as envie d’y égarer tes pas…qui sait ? » proclama-t-il machinalement en lui jetant un regard en biais.
Il ne lui avait pas pris le bras, se contentant de marcher à ses côtés, jaugeant les environs avec un intérêt médiocre. Il n’appréciait pas la nature outre mesure, préférait de loin les grands galas, les fariboles d’exclamations, les fêtes et le paraître. Mais au moins à présent pouvait-il déambuler dans le calme, cela s’apparentait tout au plus aux longues promenades dans les jardins du château. Cela en revanche lui donnait un réel plaisir. L’intérêt principal de se promener ici en pleine semaine et en plein milieu de l’après-midi restait que les lieux étaient on ne pouvait plus déserts. Il aperçut un couple qui se promenait dans la direction opposée, mais personne d’autre aux alentours, c’était parfait. Un étang s’écoulait non loin de petites balançoires vides et un banc s’y trouvait accolé. Il s’y assit, l’invitant à faire de même et contempla l’eau froide dans un long silence avant de décréter:
- « Je ne comprendrais jamais l’intérêt que peut susciter un être à naître lorsqu’on possède déjà tout ce qui peut être désiré sur cette Terre et ailleurs… Et je pense que tous tes efforts pour le faire comprendre resteront vains, malgré tout ton savoir-faire, ô combien pertinent quand tu le veux. Je le préfère d’ailleurs, utilisé dans d’autres circonstances…L’instinct paternel, notamment, ne fait pas partie de moi. Mais ne penses pas que je suis fâché contre toi. Je suis juste contrarié. »
Etait-ce le terme exact ? Il lui semblait que oui. Rien ne l’effrayait vraiment. L’embarrassait beaucoup plus. Il s’exprimait néanmoins tranquillement, sur un ton posé, la rassurant sur son absence de volonté de revenir sur ses paroles. Son Choix était fait. Ses envies, en revanche, étaient différentes. Il observa un cygne glisser le long de l’eau, pour mieux s’ébrouer vers ses congénères.
- « J’ai...de grands projets, Alexis. » Proféra-t-il vaniteusement en tournant la tête vers elle pour la dévisager franchement, l’observant avec une intensité concentrée, lui faisant comprendre qu’il ne plaisantait pas, « Pour moi… Pour toi aussi, et plus encore, que je vais concrétiser. Je mentirais si je disais que ce qui...arrive ne m’ennuie pas. Mais… peu importe. Je vais maîtriser tout ceci, ma chère... »
Il lui taquina le bout du nez de l’index, presque tendrement, s’autorisant un sourire narquois puis poursuivit :
- « J’exige une chose. Je veux tout savoir de ce qui est utile. Ceux que tu mettras dans la confidence, la manière, le Temps. Et… Non. » coupa-t-il en levant la main pour l’empêcher de riposter « Ce n’est pas question de te contrôler, tu restes libre de tes mouvements. Mais il convient que certains sujets puissent être discutés. C’est une question d’anticipation et d’organisation, trésor, parce que ça me concerne également, comprends-tu ? J’ai horreur d’avancer dans un jeu faussé. Les pertes de Temps sont exaspérantes.»
Son index avait glissé le long de son visage, pour mieux permettre à sa main de courir le long de sa mâchoire.
- « Tout est lié. Toujours tout se noue et se dénoue, en un battement de cils. Le Monde offre tellement d’opportunités, tant de voies. Mais le Destin lui est capricieux. Un grain de sable dans l’engrenage et toute la machine se raye… »
Mais pas pour lui. Il faisait ployer le Monde, la Machine, le Destin, le Temps… Et elle, pendant ce temps...savourait visiblement l’existence. La perspective d’une maternité semblait la ravir, sans ne penser ne serait qu’un instant à ce qui serait ses souffrances, les déformations sur son organisme que cela allait opérer. Béni pouvait-il être en tant qu’homme de ne jamais souffrir ce risque. Mais elle semblait l’anticiper avec une tranquillité douce et paisible. Aussi releva doucement le visage de la jeune femme vers le sien, proférant bassement :
- « Tu es heureuse, n’est-ce pas ? D’une manière toute nouvelle. Je le vois, je le sens. Au mépris des conséquences que cela causera sur toi... C’est fascinant. » commenta-t-il.
Et il le pensait malgré tout. Cela resterait toujours un concept qui lui échapperait mais dont il reconnaissait la puissance. Il savait l’exploiter aussi. Sûrement l’émotion qu’il pouvait le plus rapprocher de tout cela restait l’important degré d’affection qu’il éprouvait pour Midas. Son adorable petit caniche ! Même s’il se complaisait dans le silence coupable… Délaissant un bref instant Alexis, sa main droite tira de sa poche son téléphone pour observer le manque de message d’un air pincé. Cela avait toujours été le lot de Midas, faire profil bas pour laisser son courroux exploser ailleurs. Sur Nick et Nack notamment. De toute manière, il aurait été bien incapable de rudoyer son caniche… Ne lui avait-il pas offert une dent d’or ? Dent qu’il arborait toujours maintenant d’ailleurs, avec toute la fierté dont il était capable. Il avait sourit un peu tout en rangeant le téléphone, puis avait de nouveau replaçait sa main sur le visage délicat de la libraire, pinçant les lèvres soudainement catastrophé :
- « Fascinant mais tout de même désolant… Tu as..une si exquise silhouette ! Et c’est l’ensemble de ta garde-robe qui vient d’été d’être gâchée…notamment pour l’été... Il faudra t’en refaire une spécialement pour ça que tu vendras tout aussi tôt, quelle perte financière…Toi qui va te lancer dans des frais immobiliers et d’ameublement qui plus est ! Que cela est dispendieux ! Si peu de bénéfices, tant de frustration...à l’ensemble de cette situation surtout pour culminer dans la douleur.Je suis fort aise de ne pas risquer tout ça. » Il secoua la tête rapidement puis ajouta « Bien que cela ne soit sûrement pas ta préoccupation principale, cela me désolerait si toutes les jolies pièces de ta si récente garde-robe venaient à être condamnées. Je pensais il y a quelques temps te proposer de passer un week-end sur une côte plus ensoleillée en mai mais à quoi bon attendre deux mois ? Cela nous permettra de profiter encore pleinement si j’avance la réservation. »
Il avait opiné à son propre propos, enthousiasmé par cette perspective prochaine. Oui. Il avait besoin de vacances de toute manière. Non pas que manigancer pour dominer le Monde soit exténuant mais tout simplement parce qu’il le méritait. Hors de question non plus de voir ce plaisir lui passer sous le nez pour cause de cette déplorable grossesse non désirée. Il passait déjà à compter d’une jolie demeure… Oh… Au pire, il pouvait toujours convaincre Midas d’y investir ! En plus, il constituerait un petit alibi conséquent. Autant qu’il se rapproche d’elle. Après un long silence, il avait dédié un regard à la jeune femme :
- « Je pense avoir épuisé le sujet de l’Enfant pour aujourd'hui. Pour le reste, je pense qu’à présent, je désire surtout me l’ôter de la tête. Pas l’oublier, comment oublier une chose pareille... mais disons, après tout, le Monde ne tourne pas autour de lui ».
Il avait eu un ricanement d’évidence qui ne cachait aucune cruauté. C’était juste un fait dans son esprit. Le Monde ne pouvait tourner autour de l’Erreur puisqu’il tournait déjà autour de Lui-même. Se penchant un peu plus vers la jeune femme, il accentua un peu son sourire :
- « Tu as dit que tu ferais ce que je désire… Que dirais-tu de rentrer, trésor ? C'est ce que je désire. Je suis attendu pour la soirée, mais je suis disponible toute cette journée. J’avais..prévu on ne peut plus large pour ces visites. Je sais à quel point les acheteurs peuvent avoir envie d’explorer chaque pièce, d’en tester chaque recoin, méticuleusement…Cette tâche n’est plus à envisager mais mon bain reste toujours faisable. Et puis, comment refuser ? Avant cela, nous pourrions fêter la bonne nouvelle… Ton achat. J'ai acheté un petit champagne délicieux. Et discuter des quelques points juridiques essentiels. Il m’est possible de t’en faciliter certains, d’autres moinsn mais cela te laissera un laps de temps non négligeable pour t’organiser. Allons-y promptement. »
Alors, il se leva, soudainement pris par l'envie de retrouver les murs agréables et soignés de ce qui lui appartenait. De toute manière, manque de visiteurs ou autres, il n'était pas bon de traînasser séant. Surtout lorsque les bancs se révélaient être si désagréables. Au moins, ils siéraient parfaitement à l'Erreur...
Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »
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Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...
“Ainsi va le monde ici-bas. Le temps emporte sur son aile Et le printemps et l'hirondelle, Et la vie et les jours ..." Gagnés
Allait-on dans le mur ? Peut-être... de toutes nos forces ? Sans aucun doute, si mur il y avait. Car s’il y avait bien un point commun qui nous réunissait, Erwin et moi, c’est que l’on faisait rarement les choses à moitié. Quand on s’engageait sur quelque chose, de la plus insignifiante à la plus puissante d’entre elle, on ne le faisait jamais à moitié. On le faisait sans aucun doute différemment mais la résultante était la même : notre décision pleinement consentie faisait toujours raisonner un grand fracas. Et je le sentais gronder au loin cet orage, menaçant. Je le voyais au fond de ses yeux, comme toutes les autres choses que j’avais déjà vu avant mais celle-ci, je refusais de la laisser passer car il n’était pas seulement question de moi, de lui ou de nous, il était aussi et surtout question de ce bébé. Et je pouvais accepter de nous détruire, qu’il nous déchiquète, qu’on s’entre-tue même, tant que nous ne nous faisions que du mal à nous, entre adultes consentant. Mais l’idée qu’un innocent qui n’avait rien demandé puisse être le nouveau théâtre de nos fastes et nos querelles ne me semblait pas envisageable. Alors il avait fallu que je parle, que je l’exprime car je voyais bien que plus que de l’assommer, cette nouvelle l’agaçait. L'idée qu’il puisse y prendre tout de même sa responsabilité me laissait toujours aussi pantoise. Erwin ne faisait jamais rien qui allait contre son désir, c’était quelque chose avec lequel je devais apprendre à vivre, un de ses défauts qui me prenait plus de temps à accepter que les autres et pourtant il avait voulu que cet enfant soit dans sa vie. Il était important pour moi de comprendre pourquoi et qu’il n’y soit pas non plus à n’importe quel prix comme celui du malin, du sadisme, de la violence verbale et peut-être même physique.
J’avais tenté d’amener les paroles d’Isaac sur le tapis, tenter de lui faire comprendre en douceur ce que son futur n’avait pas semblé comprendre, tout en ne mettant pas le jeune homme en porte à faux. C’était pourtant peine perdue car je pouvais sentir que l’agressivité de sa réponse lui était toute dirigée. Ma première volonté avait été de répliquer, avec force, lui montrer qu’il était déjà sur une pente glissante mais je m’étais ravisée. Il n’était pas paternel, il venait d’apprendre que malgré lui il le serait, je pouvais bien lui laisser au moins cette journée pour s’en remettre. Je me promettais pourtant de ne pas trop tarder... c’était peut-être ce qu’avait fait Enora, ne pouvait plus par la suite arrêter la machine en marche. Même si je ne me sentais pas vouloir aller à la confrontation je m’étais senti obligé de préciser :
— Ils ne quémandaient pas de l’affection... au contraire, ils m’expliquaient à cet instant pourquoi ils me le refusaient.
Je n’avais pas lâché ma version, refusant de lui donner raison dans sa supposition plutôt juste. Ils étaient deux, les deux l’avaient dit, qu’il y croit ou non. J’avais tenté de lui expliquer le fond de ma pensée, me connectant à lui aussi profondément que je le pouvais, tant par la parole que mes gestes. Ses mains avaient bientôt rejoint les miennes pour m’expliquer sa propre façon de voir les choses. Il ne comptait pas les points. Cela me soulagea un instant. Mais ce soulagement fut rapidement remplacé par une crainte nouvelle, un doute puissant et une pointe d’anxiété. Il disait savoir à quel point je l’aimais. Impossible, sans aucun doute, moi-même je ne le savais pas, il ne pouvait que mesurer de ce que je lui montrais et de ce qu’il s’enorgueillissait à la limite... mais l’étrange lueur qui était passée dans ses yeux à cet instant m’avait glacé le sang. Une lueur toujours aussi furtive, fugace, mais que je ne connaissais que trop bien au fil des mois et qui m’hantait toujours autant. Une lueur que je supposais mauvaise... et si cela était mauvais... est-ce qu’il pouvait me faire du mal ? J'avais dégluti, tentant d’oublier cette pensée pour me raccrocher à la suite de son discours. Ce qu’il voulait c’était... c’était quoi ?! Il avait préféré taire son envie, ce que fit monter en moins une pointe de frustration qui me poussait à la protestation. J'avais froncé les sourcils, ouvrant la bouche pour argumenter mais déjà il chassait cette idée au loin pour reprendre son discours avec force, comme s’il tentait de s’en convaincre lui aussi. J’avais battu en retraite, soupirant néanmoins bien que pas bruyamment, juste déçue de la situation. Oui, nous foncions sans aucun doute droit dans le mur, cherchant l’un et l’autre à se raccrocher au passé, à trouver une lueur d’Espoir et de bonheur dans le Futur tout en composant bon gré mal gré avec notre présent. Il nous fallait du Temps. Pour lui. Pour moi. Pour nous.
Alors je lui avais proposé de me dire ce qu’il voulait faire. Sans aucun doute une erreur que j’avais regretté quelques minutes plus tard. Oui il nous fallait du Temps. Pour lui. Pour moi. Pour nous. Mais j’avais fait l’erreur de croire que ce Temps devait être passé ensemble. Je lui avais proposé de me dire ce qu’il voulait faire et il m’avait presque aussitôt fait une liste aussi détaillée qu’insensée de ses envies, liste non exhaustive également s’il en fallait. Le parc était sorti vainqueur, et jusqu’alors j’avais acquiescé avec un sourire sincère, l’envie de me balader me prenant, tandis que je me convainquais qu’elle nous ferait sans aucun doute le plus grand bien. Un peu d’air frais, rien de mieux pour empêcher à des esprits déjà bien échauffés de vagabonder vers des plaines dangereuses. J'avais gardé le silence dans un premier Temps, observant mes pieds sur le chemin puis de temps à autre l’horizon du parc qui se dessinait devant moi. Nous marchions comme des amis ou de simples connaissances, quelque chose dont je ne me formalisais pas, puisque notre histoire se devait de rester secrète, puisque c’était sans doute également une excuse pour éviter d’avoir à nous étreindre, dans ce moment sans aucun doute encore difficile pour lui, angoissant et légèrement douloureux pour moi. Il avait fini par reprendre la conversation, me parlant à ma grande surprise de poussette. Moi qui croyais qu’il voulait les allusions à l’enfant derrière lui pour le moment, il semblait pourtant continuer sur le même chemin, comme si le cas n’était pas encore clos.
— Mais si tu as envie d’y égarer tes pas…qui sait ?
J’avais senti son regard en biais sur moi et j’hochais la tête rigidement, comme d’un air entendu sans y montrer plus d’enthousiasme que cela. Je savais pourquoi il m’avait précisé ses habitudes d’homme marié mais l’idée d’entendre parler de sa femme dans un moment pareil me semblait quelque peu déplacé. Il voulait sans aucun doute me préciser que je pouvais m’y déplacer à mon aise, sans y risquer quoi que ce soit, il me précisait même qu’il pouvait m’y retrouver mais mon cœur n’était pas à la joie de cette nouvelle. Pas formulée ainsi en tous les cas. J’avais forcé un faible sourire qui n’avait rien de joyeux en gardant le regard au loin, sur le chemin. J’observais les balançoires, la beauté du lieu, l’intérêt de m’y retrouver avec mon enfant, m’imaginant presque sa silhouette rieuse, courant en direction des airs de jeux avec un air brillant de malice dans les yeux. Cela m’arracha presque un véritable sourire tandis qu’il s’avançait vers un banc pour s’y asseoir, me proposant d’en faire de même. Le silence qui s’en suivit était pesant. Je n’avais pas spécialement envie de parler. Lui non plus. Ce n’était décidément pas une bonne idée. J’aurai dû partir, le laisser digérer, plutôt que de m’infliger cela, me rajouter des tracas sur ceux pourtant déjà bien en place. Et pourtant, une voix au fond de moi me disait que j’avais bien fait, que je lui prouvais que nous étions une équipe, malgré notre vision des choses différentes, que je ne le laissais pas en plan après son acceptation qui lui semblait douloureuse. Je me contentais alors de fermer les yeux, doucement, entendant le clapotis apaisant de l’eau et le bruit du vent, caressant doucement mes joues et mes cheveux.
— Je ne comprendrais jamais l’intérêt que peut susciter un être à naître lorsqu’on possède déjà tout ce qui peut être désiré sur cette Terre et ailleurs…
Ce qui prouve que tu ignores tout de ce que je désire. Les mots avaient brûlé mes lèvres mais je n’avais rien dit. Les yeux toujours clos, la tête légèrement relevée en direction du ciel, je l’avais laissé poursuivre en me disant que de lui dire ne rajouterai que de l’huile sur le feu, faisant vaciller l’équilibre précaire de calme dans lequel nous tentions de demeurer.
— Et je pense que tous tes efforts pour le faire comprendre resteront vains, malgré tout ton savoir-faire, ô combien pertinent quand tu le veux. Je le préfère d’ailleurs, utilisé dans d’autres circonstances…L’instinct paternel, notamment, ne fait pas partie de moi. Mais ne penses pas que je suis fâché contre toi. Je suis juste contrarié.
J’étais une fois de plus restée silencieuse. Je n’avais de toute façon aucune envie de lui exprimer mon point de vue. Pour le voir balayer d’un revers de main comme s’il ne comptait pas, très peu pour moi. Cela avait le don de me faire exploser et je n’avais aucune envie de cela. Nous pensions différemment, si je faisais l’effort de le comprendre et de l’écouter, je doutais présentement qu’il puisse en faire de même. J’avais horreur de perdre du Temps, de me battre pour rien. Je préférai encore laisser tomber quand j’étais face à un moulin à vent, je n’étais pas Don Quichotte, je ne me battais que pour des causes qui en valait la peine et réaliser que celle-ci n’en faisait pas partie par son manque d’envie faisait naître en moi une douleur que je craignais depuis des mois. Mais comme il ne voulait pas m’écouter, autant rester silencieuse une fois de plus.
— J’ai...de grands projets, Alexis.
J’avais senti son mouvement, il avait tourné la tête vers moi mais je ne l’observais toujours pas. Nous avions TOUS de grands projets. C’est ce qui nous maintenait en vie. Après un moment, j’avais fini par ouvrir lentement les yeux pour tourner la tête vers lui et l’observer. Je sentais que son regard flamboyait d’une intensité nouvelle, puissante, comme à chaque fois qu’il se projetait dans ses projets. De mon côté, je me contentais de garder un visage neutre, attendant la suite sans conviction.
Je m’étais senti lasse en l’entendant parlé de lui, de moi. Tout le monde avait des projets pour moi, tout le monde s’était mis en tête de décider de ma vie, de mon avenir, tout simplement parce que j’étais un rouage nécessaire à un plus grand projet. Mais j’en avais marre de l’entendre, je ne voulais plus l’entendre pour le moment. Pour la première fois, je revendiquais mon égoïsme. Je portais le monde et de ce fait, J'ETAIS le monde. Il n’y avait rien de plus important à cet instant que ce bébé que je portais et que moi, qui me préparait à le recevoir. Les projets des autres pouvaient attendre, surtout quand ils ne m’offraient rien d’autre que de me battre pour que quelqu’un d’autre y arrive. Je méritais le bonheur. Je méritais MON bonheur. Pas uniquement d’être un instrument au bonheur des autres. Celui des Titans. Des Templiers. D’Erwin. Je reviendrai sans doute sur mes paroles, sans doute quand il était question de sauver des vies et de sauver Elliot mais pour le moment et pour le reste, ce n’étaient que des poids dont je ne voulais pas m’affubler. J’avais senti son doigt se poser sur mon nez et j’avais cligner instinctivement les yeux sans bouger plus.
— J’exige une chose. Je veux tout savoir de ce qui est utile. Ceux que tu mettras dans la confidence, la manière, le Temps. Et… Non.
J'avais ouvert la bouche pour argumenter pour la première fois depuis longtemps mais il m’avait stoppé. Ravalant mon énervement, j’avais soupiré en le laissant terminer sa tirade, patiemment. Le rouage. Le grain de sable. Tout est lié. Bla bla bla, oui, je connaissais la chanson.
— Tu n’exigeras rien de moi, Erwin. Tu me le demanderas. Si tu penses véritablement qu’il n’est pas question de me contrôler et que tu me laisses libre de mes mouvements, alors tu réviseras ton verbe. Je ne suis pas un sujet de ton royaume, je ne suis pas un valet ni un employé, tu n’as rien à m’exiger et encore moins concernant cet enfant. Je ne t’ai pas exigé de l’accepter, tu l’as fait en ton âme et conscience, il n’y a aucune raison que tu exiges quoi que ce soit de moi en retour. Nous sommes une équipe.
Mon regard s’était alors fait à mon tour plus décidé, plus flamboyant, ne cillant pas devant ses pupilles dorées.
— Soit tu acceptes cette éventualité, soit tu la refuse mais si tu la refuse, nos chemins se séparent dès à présent. Si tu l’acceptes, alors tu comprendras que oui, nous aurons des discussions, mais pas sous tes ordres et pas uniquement quand TU le désireras. Nous les aurons ensemble, nous déciderons ensemble. Je ne plierai pas sur ça, c’est à prendre ou à laisser.
Il m’observa fixement un instant, cligna des yeux, inspira franchement et se lança, acide :
— Puisque visiblement, je m’exprime de manière trop obtuse, dans ce cas, permets moi d’expliciter ma demande. Il ne me semble pas incroyablement cruel ma chère que d’avoir quelques petites exigences, disons attentes - puisque te voici soudainement particulièrement tatillonne en matière de vocabulaire…- en matière de communication lorsqu’il s’agit d’anticiper une situation aussi délicate que celle-ci. Je ne te soumets donc qu’à une minuscule promesse, un petit engagement de ta part. Je ne t’ai pas ordonné de faire quoique ce soit, je te laisse libre de faire ce que bon te semble avec cet enfant A CONDITION que tu m’indiques les choix que tu penses prendre et qui me concernent. Je te demande en condition sine qua non du bon fonctionnement de...ce futur que tu acceptes de me mettre au courant de ce que tu feras. Et il ne me semble pas que c’est faire outrage à ton libre-arbitre, très chère, que d’exiger, pardon, de « te demander » un peu d’informations notamment sur ce qui me concernera. Et comme je viens de le dire, il est question de « discuter de certains sujets ». De ne pas faire cavalier seul.
Il secoua la tête nerveusement :
— Nous sommes une équipe, d’après tes dires. C’est ce que « j’exigeais » justement, que tu agisses en équipe. Notamment et surtout lorsqu’il est question de moi. Ce que je te demande ne devrait donc pas te sembler insensé. J’accepte cette situation et sauf erreur de ma part, je ne te mets pas au pied du mur, je n’étais pas en train d’exiger que tu me laisses prendre les décisions lorsque ça me concernait, je t’ai seulement demandé que tu ais le réflexe de m’en parler. L’évidence même, d’ailleurs. Je ne te fais pas du chantage affectif quelconque, je ne te commande pas, je te demande de comprendre que j’ai fondamentalement besoin que tu me consultes à SON sujet. Et qu’au-delà de ta décision de le garder, il y a des choses qui me regardent. En d’autres termes, j’essaye justement de me trouver une place dans tout ceci. Et je ne mets rien dans la balance, Alexis, contrairement à ce que tu pourrais croire. Si tu me le refuses...cela mettra juste en scène des situations problématiques mais je ne te quitterai pas pour autant. J’ai accepté cet enfant, je t’ai dit aussi que je ne savais pas encore la place que je lui donnerai...mais l’enjeu est de trouver notre équilibre. Nous sommes donc fondamentalement d'accord, si je ne m'abuse...
J’avais détourné le regard, expirant face à la pression qui s’accumulait avant de sentir un rire nerveux monter dans ma gorge.
— C’est fou comme tu retournes toujours la situation à ton avantage... tu devais être un très bon politicien. Je ne t’ai rien refusé il me semble... hormis le fait d’exiger quoi que ce soit de moi. Je n’ai ni dit oui, ni dit non à ta “requête” humblement et sympathiquement offerte et que j’ai eu le toupet de prendre pour un ordre. Quelle idiote je fais, il n’est pas rare de voir le verbe “exiger” juste à côté de “proposer” ou “demander” dans le dictionnaire. Mais puisque tu en es à mettre des conditions, permets moi donc d’avancer les miennes aussi humblement que toi. J’exige que si cet enfant doit être dans ta vie, tu te comportes avec lui de la meilleure des façons, que je sois là ou non. Que tu lui donneras le respect qu’il mérite, que tu n’agiras jamais de façon cruelle ou malhonnête avec lui. Mais bien sûr, je ne pense pas être incroyablement cruelle ou obstruer à ton libre arbitre en faisant cela, n’est-ce pas ?
Plongeant de nouveau le regard dans le sien, je l’avais observé intensément. Inspirant une nouvelle fois j’observais le lac, faisant des négations de la tête au fil de mes pensées, tentant de retrouver un calme intérieur que je n’avais pourtant plus. C’était décidément la pire des idées que j’avais eu et je le voyais très clairement à présent... le mur. D’une voix plus basse, sans le regarder, j’avais alors précisé :
— Bien sûr que tu as le droit d’être consulté sur tout ce qui est lié à cet enfant. Il n’a jamais été question d’autre chose pour moi. Pas parce qu’il est le grain de sable dans le rouage de ton plan à long terme mais tout simplement parce que tu as décidé de faire partie de la vie de cet enfant. Je suis tatillonne avec les mots et je le serai tant que cela me le semblera utile car je vois les dérives vers lesquelles nous allons et je veux redresser la barre avant qu’il ne soit trop tard. Tu te mêles de toute ma vie car tu estimes en avoir le droit, peut-être même “l’exiges-tu”, tu te fiches de savoir ce que je pense ou comment je vis les situations. Tout ce que je veux c’est d’être traitée sur un pied d’égalité et pas que tu te permettes à agir selon ton gré constamment en pensant que tout t’est dû. C'est tout. C’est ce que je mettais en lumière à travers ton mot. Et si tu m’avais écouté véritablement, peut-être te serais-tu rendu compte que je n’avais pas encore répondu à... ton “exigence” justement. Tu m’excuseras, Ta Majesté, d’avoir osé te souligner que je ne souhaite pas que tu me parles comme tu parleras à un sujet de ton royaume.
— Je sais. Comme Je sais que c’est le mot qui te dérangeait. Je suis un peu excessif lorsqu’il s’agit de ma vie, mes objectifs... Et j’ordonne parfois, oui. Trop intransigeant sûrement concernant ma vie. Je dois apprendre à te faire confiance Alexis, nous avons construit un avenir commun dans un des Futurs proches... Il n’arriverait jamais si je te considérais comme un simple sujet de mon royaume. Nos vies sont liées réciproquement. Je te respecte Alexis. En revanche, la vision de l’égalité entre toi et moi je ne peux pas te la donner maintenant. J’essayerai mais c’est une notion qui dépasse à mes yeux la valeur d’une vie humaine face à une autre. C’est quelque chose de bien différent... mais J’ai envie de te considérer comme telle......et tu le deviendras. Ça prendra du temps mais ça s’inscrira dans nos actes. Alors deviens-le, montre-le-moi. Deviens mon égale !
Son ton était plus calme, plus explicatif, même si je sentais qu’il repartait dans ses délires passionnés à la fin de son discours. J'avais dégluti, croisant mes bras sur ma poitrine, observant toujours l’eau devant nous. Je réfléchissais. A ce qu’il venait de dire, de ne pas dire aussi. Chacun essayait de se contenir du mieux qu’il le pouvait avec ses propres pensées, ses propres doutes qui nous parasitaient. Il avait reconnu son excessivité, c’était quelque chose dont j’avais besoin, comme une excuse sans pourtant en être une, une explication plus qu’autre chose. Inconsciemment, j’avais hoché légèrement la tête lorsqu’il l’avait dit, comme pour entendre l’argument qu’il avançait. Pour la confiance, je ne pouvais que le comprendre, c’était quelque chose de naturel, dans toute relation. L’apprentissage de la confiance, savoir la donner à la bonne personne, à celle qui le mériterait. J’en étais au même stade. Quant au respect, j’avais hoché la tête une nouvelle fois, plus lentement cette fois-ci, comme un remerciement et un signe de compréhension silencieux. J’appréciais d’entendre qu’il me respectait, c’était quelque chose dont il m’arrivait souvent de douter, mais je voulais bien essayer de le croire. Quant à l’égalité... Je ne pouvais être qu’en désaccord avec lui. J’étais née en démocratie. Tous les Hommes naissaient ou devaient normalement naître égaux en droit. Mais Erwin avait toujours connu la monarchie... et ça plus la considération importante qu’il avait de lui-même... je n’étais pas enchantée par l’idée... mais il n’excluait pas un jour de voir la situation changer... avec du Temps, de la confiance et des actes... était-ce si éloigné de ça que ce que tout couple demandait ? J’avais fini par soupirer, toujours peu satisfaite de la situation mais la comprenant néanmoins mieux. Après avoir dégluti, j’avais fini par lui préciser, les bras toujours croisés, les yeux vers l’horizon :
— Je l’ai dit à Regina. Le lendemain de mon retour de ce monde étrange. C’est ma mère après tout et... j’avais besoin d’aide. J’étais paniquée, je savais pas quoi faire et... et je savais que tu n’allais pas être celui qui allait pouvoir m’aider...
J’avais coulé un regard en biais en sa direction pendant un instant avant de revenir à ma position initiale. Il n’y avait aucune colère dans ma voix, juste une pointe d’amertume pourtant pas très imposante. Mais elle montrait tout de même que je lui en voulais d’avoir dû faire ce choix-là seule, qu’il en était aussi responsable. Il suffisait de voir sa première réaction: me glisser dans SA décision sans tenter une seule seconde de comprendre comment je me sentais, ce que je vivais. S’il avait été la première personne à qui j’en avais parlé, il m’aurait sans aucun doute fait paniquer, il m’aurait totalement convaincu d’avorter et peut-être l’aurais-je regretté, peut-être même cela aurait-il détruit ce que nous construisions ensemble ? M’aurait détruit...
— Je suis pas qu’un ventre ou un rouage de ton plan à long terme. J’ai mes propres envies, mes propres pensées et j’ai besoin que ça aussi tu puisses le respecter. La première réaction que tu as eu tout à l’heure a été de me convaincre de faire ce que tu voulais que je fasse sans même te soucier de ce que j’avais envie MOI de faire. Si j’ai pu l’exprimer aussi clairement, c’est parce que j’avais pris le temps de me poser et d’avoir un véritable soutien. Je savais que si je t’en parlais en premier, je n’aurai sans doute eu le droit qu’à des cris ou à minima ce que j’ai eu le droit dans cette cuisine et je n’en voulais pas. Je voulais que cette décision ne soit pas la tienne mais la nôtre... chacun à notre façon et tu fais toujours en sorte de passer en premier alors la seule façon d’avoir moi aussi ma voix au chapitre, c’était de commencer par moi.
J'avais détourné le regard, déglutissant tout en passant une mèche de cheveu derrière mon oreille, le regard fermé. Je ne savais pas pourquoi, je n’arrivais pas à me détacher de cette colère qui me rongeait brusquement, ce ressenti que j’avais. Il me demandait de lui prouver que je pouvais être son égal, jamais il ne lui venait à l’idée que moi aussi je pouvais avoir besoin de lui. J’étais peut-être trop émotive, trop sensible à ce moment précis, les hormones y jouant sans doute pour quelque chose.
— Vu que tu ne me l’as demandé avec un réel intérêt...
La phrase était empreinte d’un sarcasme non dissimulé :
— Je vis cette grossesse par étape et ça n’a pas toujours été simple. J’étais paniquée au début, véritablement paniquée. Paniquée parce que j’avais aucune idée de quoi faire, que j’étais dans un monde véritablement dangereux dans lequel je risquais de vivre toute ma vie, avec ce bébé et sans savoir revenir. L’avortement n’existe pas là-bas, je savais que je n’aurais aucun choix si on restait bloqué à cet endroit. Je vous aurai tous perdus. Alors Anatole et Vaiana m’ont aidé, ils m’ont soutenu, ils m’ont rassuré. C’est peut-être pas grand-chose pour toi cette “grenouillère unisexe” offerte par un Titan.
J’avais grimacé et employé le même ton que lui, quelques minutes auparavant dans la cuisine, cherchant à l’imiter au mieux.
— Parce que ça n’a aucune valeur marchande. Mais pour moi, c’est précisément parce qu’elle n’a pas de valeur qu’elle est importante. Anatole a vécu beaucoup plus de choses que toi ou moi n’en vivront jamais. Nous ne sommes qu’un grain de sable, une seconde dans son éternité. Il a vu des millions de naissance et tout autant de morts. Il n’y avait aucune raison que ma grossesse ne l’intéresse. Et pourtant... il s’en est soucié, sincèrement. Il s’est soucié de moi, de ce bébé, de nous aussi... et... c’est une des plus belles preuves d’amitié qu’il était possible de me faire. Et quand on est revenu, la peur ne m’a pas lâché, bien au contraire, elle s’est accentuée, parce que j’avais brusquement un choix de plus : l’avortement. Je me suis rendue compte au final à quel point il avait été simple d’accepter cet enfant dans la mesure où je n’avais pas le choix. Mais de retour chez nous, j’avais de nouvelles opportunités et je ne savais plus ce que je voudrais. J’ai aussi compris que d’être de nouveau entourée c’était aussi permettre aux gens de me voir enceinte, comprendre que je n’étais sans aucun doute pas la Vierge Marie et que j’avais donc une relation plus ou moins importante dans ma vie. C’était donc faire face à des questions sur toi, Toi dont je ne peux absolument pas parler parce que tu es marié et que ta femme ne doit rien savoir. J’avais déjà fait face au jugement d’Anatole sur le sujet et j’allais me taper tout le jugement de tout le monde. C’était aussi t’affronter et savoir que tu serais en colère, que tu tenterais de m’imposer ta voie ou que... tu me quitterais tout simplement...
J’avais senti ma gorge se nouer. Une fois de plus, j’avais détourné le regard à son opposé, posant avec douceur mes doigts sur mes lèvres qui s’étaient mises à trembler malgré moi. Je ne voulais pas pleurer en cet instant et pourtant... j’en avais une furieuse envie. Un battement de cil plus tard, j’avais senti des larmes rouler sur ma joue que j’avais écrasé rapidement, tentant de reprendre contenance en reniflant sèchement. J’avais sursauté un peu brusquement en sentant sa main se poser sur la mienne en signe de soutien, mais je n’avais pas retiré la mienne pour autant, observant juste le geste d’un air revêche du coin de l’œil. L’idée qu’il puisse avoir envie de me soutenir en cet instant me touchait, mais je ne supportais pas l’idée qu’il était parvenu à voir ce que je tentais de cacher. Expirant une bouffée d’air, j’avais alors repris.
— Je me suis sentie perdue, paniquée... Hypérion m’avait dit avoir déjà ressenti l’amour que j’avais pour cet enfant et je savais au fond de moi que je ne voulais pas le perdre mais mesurer tout ce que je devais traverser seule m’a semblé brusquement insurmontable et... j’ai eu besoin de ma mère. Tout simplement. Alors j'y suis allée et je lui ai tout raconté... tout. Nous. Le bébé. Ce que je pensais faire aussi. Je lui ai juste demandé de ne pas réagir envers toi, de pas t’en parler parce que je voulais que tu l’apprennes de ma bouche, pas de la sienne. C’était quelque chose que je te devais. Elle m’a promis qu’elle ne te parlerait de rien tant que je ne serai pas prête à le faire moi et... c’est ce qu’elle a fait. Je ne dis pas qu’elle ne le fera pas à présent, je lui ai juste fait promettre de se taire jusqu’à ce que je t’en parle, qu’elle pourrait ensuite venir te voir si elle voulait... Elle a accepté ma situation, elle a accepté que je t’aime, que je pensais vouloir garder le bébé. Elle ne cautionne pas la relation extra-conjugale mais elle sait que c’est plus notre problème que le sien. C’est la seule personne à qui je l’ai dit pour le moment... je voulais vraiment que tu sois le premier mais... j’avais besoin d’aide. Une aide pour moi. Tu parles de confiance. Moi aussi j’ai besoin d’apprendre à avoir confiance en toi. D'avoir confiance que tu seras prêt à m’écouter et à me conseiller pour ce que je veux et pas pour ce que tu veux que je fasse. Et à ce moment-là... je ne l’avais pas.
J’avais glissé de nouveau un regard vers lui, un peu plus long cette fois-ci, pour jauger vraiment de son expression, de sa réaction. Desserrant un peu mes bras, j’avais alors posé les yeux sur mes doigts pour me mettre à compter :
— Toi, Moi, Regina, Anatole et Jeremie... je pense que c’est pas déconnant de le compter vu le coup qu’il nous a fait à l’un et à l’autre. Ce sont les personnes qui sont au courant pour nous et pour ma grossesse. Vaiana est au courant de ma grossesse, elle sait que je suis avec un homme marié mais je n’ai pas donné ton nom. On est 6 en tous... Mais je ne pourrai pas le cacher bien longtemps à Elliot... qui le dira à Lily... je lui dois ça, c’est mon meilleur ami. Je te dirai si je prévois d’en parler à quelqu’un d’autre... je pense que je voudrai en parler avec Hadès, on avait déjà un peu parlé bébé par le passé mais je sais que si lui le sait, le monde entier le sait alors... j’essaierai de faire attention te concernant. Mais il faut quand même que tu prennes conscience qu’on est dans une petite ville et que je connais beaucoup de gens, qu’on le veuille ou non, bientôt beaucoup de gens sauront que je suis enceinte... et si tu veux être dans la vie de cet enfant...
J’avais laissé la phrase en suspens. Il était suffisamment intelligent pour en connaître les conséquences de lui-même.
— Je me doutais que tu voudrais le garder… Il est rare que les individus ne souhaitent pas garder un enfant. D’autant que...tu t’étais attachée à "eux". A ceux que nous avons vu dans le futur. En si peu de temps en leur présence, aussi incroyable que cela puisse paraître...tu avais déjà réussi à leur donner une place dans ton cœur. Tu crois que je ne sais pas à quel point tu es une femme aimante ? A quel point tu t’attaches et tu donnes sans compter même aux insignifiants et à ceux qui ne le méritent pas ? Même cet irascible petit animal unicorne d’ailleurs.
Il avait émis un petit rire et je l’avais observé avec un air de reproche amusé lorsqu’il avait parlé de Pétunia, elle était tout sauf irascible. C’était juste qu’elle ne l’aimait pas... et qu’elle avait son caractère. Pour le reste, je ne savais pas encore quoi ajouter mais il ne semblait pas vouloir lâcher la parole. Il redevint sérieux, me sondant au passage.
— Ca ne m’a même pas traversé l’esprit que tu aies pu ne serait-ce qu’hésiter une seconde, à vrai dire… Tu me l’apprends. Tu aimes bien plus les autres que toi-même et tu protèges bien plus que tu ne te protèges. Je sais tout ça. Ta propension à aimer, ton déni de toi-même pour le bonheur des faibles… Je savais que tu voudrais et voulais le garder. Moi j’ai pensé à moi. Je t’ai encouragé à voir les choses selon ma perspective car il est des moments où nos visions et nos raisonnements sont diamétralement opposés, trésor. J’ai sous-estimé ta compréhension à mon égard cependant, il est vrai. Je ne pensais pas sincèrement que tu puisses accepter de composer avec mon refus en ne nous sacrifiant pas sur l’équation de cette natalité…Et je ne me considère pas comme une personne sacrifiable, je le refuse, je mets en jeu des choses pour nous. Aussi, oui, je privilégie mes intérêts et les choses auxquelles je tiens avant ceux des autres.
Il avait regardé un peu au loin puis il hocha la tête :
— En l’occurrence, cependant, la compréhension que tu as de moi t’a permis de proposer une solution alternative que je ne pensais pas pouvoir te proposer, et je t’en remercie.
Il avait eu un léger sourire en coin que je lui connaissais bien. Rien de moqueur ou de perfide, quelque chose de plus doux avec une insolence pourtant qui lui était propre :
— Tu as raison pour Hypérion. Oui. C’est vrai. Il te considère vraiment. Se voir offrir quelque chose par un Titan est gage d’une amitié exceptionnelle, oui, n’importe quel cadeau de sa part le prouve, effectivement. Mais si je peux être franc, si j’applaudis le geste, le cadeau me déçoit. C’est justement parce que cette amitié est extraordinaire de son point de vue qu’il devrait être plus conséquent encore.. Mais que veux tu, nous devons déjà nous réjouir qu’un Titan te témoigne de l’amitié. Je dis cela sans perfidie. Cela est une excellente chose.
Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »
| Avatar : Kaya Scodelario
Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...
“Ainsi va le monde ici-bas. Le temps emporte sur son aile Et le printemps et l'hirondelle, Et la vie et les jours ..." Gagnés
J’avais sondé son regard et je pouvais voir qu’il était sincère. Hésitant une seconde à répliquer, j’avais continué à l’observer, battant finalement en retraite d’un hochement de tête. Nous ne serions sans doute jamais d’accord quant à la valeur que devait avoir un cadeau. Il était sans aucun doute trop matérialiste, moins sentimental que moi aussi et tenter de lui imposer ma vision ne servait à rien. Je lui avais expliqué pourquoi cela comptait beaucoup pour moi, il m’avait donné sa vision des choses, cela ne servait à rien de se bloquer dessus, d’autant qu’il semblait tout de même satisfait de notre amitié, plus qu’Hypérion n’était satisfait de mon couple... Ma main était toujours dans la sienne tandis qu’il reprenait en me regardant dans les yeux :
— Tu as attendu…pour éviter ma colère, pour éviter le fait que j’essaye de t’orienter sur ma voie, et ta peur que je te quitte et qu’as-tu trouvé ? J’ai été en colère. J’ai essayé de t’indiquer ma voie, mais je ne t’ai pas quittée pour autant. Nous avons trouvé une solution ensemble. En définitive… Cette solution que tu as initiée, tu ne la dois qu’à toi. Qu’à toi et ta compréhension de ma personne. Tu la détenais dès le départ. Tu n’avais besoin de nul autre que de nous.
C’était faux. Totalement faux. N'avait-il pas entendu ce que j’avais dit ? Ou pas écouté ? Je n’évitais pas sa colère, j’évitais ses manipulations... mais ce n’était pas de nous que j’avais besoin j’en avais l’intime conviction, il n’était pas capable de me donner ce que j’étais venue chercher chez Regina, j’en étais persuadée, même si pourtant il avait compris que c’était bien moins son conseil que... son soutien. Caressant légèrement ma main de son pouce, il m’observa avec plus d’intensité et je ne détournais pas le regard tandis qu’il ajoutait, tranquille :
— Mais, je ne t’en veux pas d’avoir cherché l’appui de ta mère… Même si le fait que tu te sois tournée vers elle, dirigeait déjà que ton choix était déjà fait. Tu le dis toi-même, tu cherchais le soutien, pas le conseil. A dire vrai, cela m’est égal de ne pas avoir été la première personne à être informé de cette grossesse. Je n’en suis pas affecté. Ça n’a pas d’importance particulière. Même si je pense être particulièrement doué en matière de conseils… Comme tu le dis, je suis un excellent politicien… Mais effectivement, dans cette situation précise, ceux que je t’aurais dispensé auraient été loin de te satisfaire... Lorsque je te dis que je suis incapable de comprendre cette envie et le bonheur lié à l’arrivée d’un enfant, c’est vrai. Je ne parviens d’ailleurs toujours pas à la comprendre, c’est l’opposé de tout ce qui m’anime, de mes convictions, de mes ambitions. Ce qui ne veut pas dire qu’ils n’auraient pas été bons pour toi d’une certaine manière. Je reste persuadé que nous étions parfaitement épanouis sans cet enfant. Et que s’il te comblera, il occasionnera aussi des désagréments que nous aurions pu nous éviter…. Mais même si je ne l’appréhende pas, je respecte ton choix.
— Les désagréments font partie de la vie, Erwin, si ce n’était pas cet enfant qui nous les aurait créé il y aurait tout de même eu quelque chose... et je pense que le bonheur qu’il peut m’apporter et l’accomplissement qu’il amènera valent bien ce désagrément, au moins pour moi...
— Même si je t’encourage à ne pas craindre de requérir mon avis. A te livrer un peu plus. Je ne peux pas te saisir pleinement si je ne connais pas tes failles ou si je dois m’évertuer à les deviner ou à les comprendre à rebours. Toi, tu détestes que je me permette de m’incruster dans ta vie et moi, j’abhorre qu’on me dissimule des choses inutilement. Je ne me donnerai pas cette peine que tu détestes tant si tu me parlais toujours spontanément. Soyons franc, oui, je considère que nous sommes suffisamment liés pour que tu ne me caches rien. Tu n’as pas à redouter mes avis, puisque je ne te force en rien. Il ne te plaira pas toujours et je sais être particulièrement incisif quant à mes formulations et mes points de vue parfois… mais tu décides toujours en ton âme et conscience. Comme tu l’as fait là.
Il avait souri et j’avais dégluti, un faible sourire sur mon visage. Je ne pouvais pas faire mieux pour le moment. Je comprenais sa requête mais...
— Je ne peux que te promettre de faire des efforts pour le moment. Je comprends ton point de vue mais... Comme je te l’ai dit, il me faut une confiance absolue pour être capable d’un tel exercice et il faudra du Temps pour atteindre cette confiance. Tu l‘as compris à Paris, je suis issue d’une... Famille qui aime bien plus les secrets que la démonstration de soi. Je crois que j’ai toujours eu cette chose au fond de moi mais qu’elle s’est exacerbée avec le Temps.
Et ce n’était pas près de s’arranger immédiatement... L'ombre du Cavalier passa un instant devant mes yeux mais je chassais rapidement ce souvenir. Anatole m’avait dit d’utiliser ce secret avec parcimonie, ne le dire qu’en cas de pleine confiance...
— Si... je ne te dis pas tout, ce n’est pas parce que je veux t’exclure. Je ne t’exclus jamais longtemps de mes réflexions... la preuve !
J’avais fait un geste vague en direction de mon ventre et du parc. Je n’avais pas prévu de le lui dire aujourd’hui, il m’avait forcé la main, mais il ne pouvait pas nier que je le lui avais dit tout de même, alors qu’il était à des kilomètres de la vérité.
— Lorsque je le fais, c’est que j’ai uniquement besoin de Temps pour moi et comprendre ce que je veux, ce que je pense. Tu l’as bien dit, dans ces moments, je n’ai pas besoin de conseil, j’ai besoin de soutien et... Tu n’es pas le meilleur pour ça quand tes intérêts sont en jeu.
J’avais grimacé légèrement, comme pour lui proférer une excuse sans lui dire. Soupirant, j’avais précisé :
— Tu as toujours besoin d’agir tout de suite, dire les choses comme tu les penses, imposer ta volonté. C’est bien, c’est beau même parfois, ça montre à quel point tu as un feu en toi qui t’anime, qui te donne envie de vivre et de vivre pleinement et... j’aime ça.
J’avais un peu plus serré ma main dans la sienne avec un faible sourire pour lui montrer que c’était véritablement le cas.
— Mais... tu l’as dit toi-même, tu peux aussi être incisif dans tes remarques et aucune personne qui a besoin de soutien attends de l’incisif des personnes à qui elles le demande... alors... je préfère faire sans toi... au moins jusqu’au moment où mon besoin de soutien se muera en besoin de conseil.
Peut-être était-ce ce qui l’avait ramené au souvenir de Regina. Si son attitude générale restait aimable, j’avais pu voir que son sourire s’était crispé, son visage s’était durci et j’avais déglutit, attendant la suite avec appréhension :
— En revanche… Regina n’avait pas besoin de tout savoir. Je ne voulais pas qu’elle ne sache la partie me concernant. Cela n’aurait rien changé pour toi que tu omettes l’identité du père… Des discussions en plus mais tu aurais sûrement pu lui expliquer la même chose en omettant cela. Je sais que tu diras que tu avais besoin de le lui avouer mais tu aurais pu lui dire l’ensemble sans donner mon nom. Tandis que pour moi, ça change tout. Cette décision-là aurait dû me revenir ou du moins être prise après discussion commune.
J’avais voulu rétorquer, argumenter mais il avait repris la parole, ses mots s’entrechoquant, il s’emportait bien qu’il ne criait pas et je préférai encore le laisser terminer :
— Ce n’est pas que ta mère, ni une simple barmaid, c’est...une femme qui se considère comme mon amie, une collègue de mairie, l’ancienne maire de notre ville, une ancienne reine Alexis et pas n’importe laquelle… ! Je ne vais pas te donner l’ancien nom auquel beaucoup de personnes la raccorde, tu le connais comme moi. C’est une femme qui n’a jamais hésité à imposer aux autres sa vision de la justice avec quelles conséquences drastiques pour notre vie à tous… Oh, évidement, elle a changé certes mais les moyens dont elle dispose sont conséquents. Penses-tu être en mesure de m’affirmer avec la plus absolue certitude qu’elle ne cherchera pas à s’immiscer dans notre relation ? J’en doute… Si elle veut m’anéantir demain, elle le peut. Oh bien sûr, elle ne me tuera pas. Tu lui en voudrais et rien n’est plus important que la famille pour cette chère Regina. Mais elle est en mesure de ruiner ma réputation, ma carrière… Elle pourrait encore penser qu’en nuisant à ma popularité, à mon mariage, elle t’aiderait à rendre notre situation officielle. Puisqu’elle ne cautionne pas la relation extra-conjugale ! Tu lui as mis sciemment ma carrière entre les mains, sans ne serait-ce que me consulter… ! Oh bien sûr, elle respectera peut-être sa parole et tiendra sa langue. Mais elle disposera toujours d’une carte contre moi. Alors peut-être m’objecteras-tu que ce sont « mes problèmes » et que comme tu l’as dit, tu n’as pas à « les endosser ? » Soit. Mais dans ce cas, pitié ne provoque rien qui puisse déclencher « mes problèmes ».
Il inspira un long moment, un peu fébrile. Je le laissais prendre le Temps, préférant éviter que la conversation ne s’envenime encore plus. Au bout d’un moment, il précisa, à l’inverse, plus posément :
— Il est inutile de s’emporter maintenant… Ce qui est fait est fait. J’aurais encore préféré que tu me laisses le lui dire moi-même. J’entends que tu dois avoir confiance dans mon écoute, moi je dois avoir confiance dans le fait que tu es capable aussi de protéger mes intérêts… Je me doute que tu as tenté de le faire, tu as parlé pour moi, je ne le nie pas. La chose sur laquelle il est nécessaire d’avoir une discussion est l’impact que la révélation risque de faire au-delà de la persuasion dont nous pouvons faire preuve sur autrui. Tu as tout révélé à Regina. Avais-tu des intérêts pour lui révéler l’entièreté de la situation ? Oui. En avais-je ? Aucun, j’ai même à perdre. Maintenant, nous devons constater qu’elle va...œuvrer au mieux pour ton bonheur et celui de ton enfant et qu’elle possède une information dangereuse à mon encontre et que l’amitié qu’elle me prête est potentiellement terminée. C’est le bilan. A nous de savoir à présent s’il nous convient, s’il est équilibré. Sinon...à nous de nous arranger pour qu’il le devienne. Ne t’inquiète pas, trésor, je n’exige ni ne te demande rien de ta part, pas d’actes, rien, je m’en accommoderai. Je t’explique juste mon raisonnement, ma manière d’envisager les choses. Jérémie...si je passe outre cette situation qu’il a deviné... ne me trahira jamais. Je ne doute pas du fait qu’il sera parfaitement incapable de me nuire pour cet enfant puisque j’ai suffisamment confiance en lui pour lui parler de notre situation. Et je t’encourage à croire qu’il n’est donc pas une menace pour toi. Il n’y a donc aucun mal à tout lui révéler à mon sens. Qu’en est-il d’Elliot ? De Lily ? C’est une réelle question, trésor, pas une tentative de persuasion de ma part, j’ai besoin de savoir si oui ou non, ils sont susceptibles de garder le secret. Pour Hadès en revanche... Je préférerai qu’il ne le sache pas. L’équation est vite faite, tu viens de la résoudre alors je te demande vraiment de faire attention et de ne pas parler de moi, s’il te plaît. Je sais que nous sommes dans une petite ville, je sais que tu connais certaines personnes et moi également. Je vais être dans la vie de cet enfant, d’une manière ou d’une autre oui, il suffit que je trouve la manière adaptée... Quant au reste, tu sais, parfois les individus sont d’une naïveté qui font qu’ils ne voient pas ce qui est au bout de leur nez. Alors, ce sera un challenge.
Il m’observa un moment, pensif, et j’en fis de même. Je sentais que c’était peut-être le moment de répondre.
— Je pense que tu es injuste avec Regina. J’entends qu’elle a quelque chose “contre toi” mais déjà, je ne comprends tout de même pas en quoi cela pourrait être si dangereux pour toi si de toute façon ton mariage n’est que de convention. Qu’aucun des deux n'aime l’autre comme tu me l’as bien précisé. Tu m’as aussi dit qu’elle était sensible et que cela pourrait lui faire du tort, je le comprends, mais quoi qu’il arrive, nous lui en faisons du tort et je pense que toutes les Vérités finissent un jour par éclater... Alors finalement si rien ne vous uni plus que juste le mariage de convention, je ne vois pas en quoi ce peut-être un si grand tort... A moins que...
Je l’avais regardé droit dans les yeux. Je ne doutais pas, je ne laissais pas non plus ma phrase en suspens parce que je voulais qu’il la termine, je voulais juste lui faire comprendre qu’il y avait de plus en plus d’incohérences, des incohérences que je voyais et que je me forçais à mettre au second plan mais qui devenaient des suppositions de plus en plus tangibles dans mon esprit. Après ce moment de défiance, j’avais cligné des yeux et humidifié mes lèvres, comme pour lui faire comprendre qu’il était inutile de commencer cette discussion aujourd’hui, je ne m’en sentais ni la force, ni l’envie.
— Si je te trouve injuste c’est qu’elle le sait depuis presque un mois et qu’elle n’a rien fait pour te causer du tort... t’étais-tu seulement rendu compte que quelque chose clochait ? Non car tu ne te serais sans doute pas mis en tête cette histoire de maison à t’offrir... Elle ne le fait pas pour te piéger, elle le fait parce qu’elle me l’a promis. Je sais que l’idée de paternité et de maternité te dépasse mais tu en as un exemple criant ici. Si je lui ai dit, sans te consulter certes, c’est parce que c’était le mieux à faire, tant pour moi que pour TOI. Sérieusement, tu me fais la morale en me rappelant qui elle est et a été mais tu es sûr que tu la connais ? Tu crois sincèrement que si j’avais débarqué en lui disant que j’étais enceinte et sans rien dire de plus, elle aurait laissé couler ?
J’avais haussé un sourcil avec une moue qui signifiait clairement “ne sois pas stupide”. Puis je m’étais mise à compter sur mes doigts :
— Ca, c’était les solutions qui restaient : 1- elle aurait pensé que je me serais faite engrosser par le premier venu qui m’aurait ensuite abandonné. Elle ne m’aurait pas lâché d’une semelle et elle serait allée récupérer un truc dans son caveau pour trouver le monstre qui m’aurait fait ça pour lui cacher la tronche. 2- je lui aurai dit que j’étais avec quelqu’un mais que je voulais pas lui en parler et... elle aurait insisté, encore et encore et ENCORE en t’invitant constamment, en s’immisçant dans ma vie et celle du bébé, en se pointant constamment à l’improviste jusqu’à trouver qui c’était et lààààà et bien elle t’aurait trouvé avec moi, elle se serait mise dans une colère noire et on était mort tous les trois... Et ta femme aurait été au courant. La mettre dans la confidence en lui demandant de ne rien faire, rien dire pour lui faire comprendre que j’étais bien, heureuse et qu’il fallait juste qu’elle me soutienne, c’était la MEILLEURE chose à faire pour tout le monde, y compris ton mariage. Oui, je l’ai fait sans te consulter mais j’ai désamorcé le pire, y compris pour ton mariage. Tu SAIS qu’elle aurait fini par le savoir, d’une façon ou d’une autre. Elle s’immiscera peut-être dans notre relation, oui, ne serait-ce que pour voir son petit-fils ou sa petite-fille et pour voir si je suis heureuse, mais elle s’immiscera toujours moins que si je n’avais rien voulu lui dire car elle se serait inquiétée car une mère... ça s’inquiète. Mais jamais elle ne fera quelque chose contre toi, tout simplement car peu importe ce qu’elle ferait, je pourrai lui en vouloir... longtemps... à vie peut-être et aucune de nous deux a envie de cela. Tu me demande si je peux être sûre de ma mère ? Oui, j’ai une confiance absolue envers la femme qui m’a élevé, qui m’a recueilli chez elle alors que j’étais la première personne à pouvoir faire capoter tous ses plans.
Je l’avais regardé avec une certaine insistance appuyée. Il connaissait l’histoire, forcément. Peut-être pas dans les moindres détails mais dans les grandes lignes car mon arrivée dans le foyer du maire Mills avait tout de même fait un certain bruit, même si elle avait tout fait pour l’étouffer.
— Elle était encore pleine de haine quand j’ai débarqué. Elle était toujours “La méchante Reine”.
J’avais fait des guillemets sarcastiques avec ses doigts.
— Le premier regard qu’elle m’a lancé... je crois que je m’en souviendrai toute ma vie. Elle ne m’a pas ménagé pour savoir comment j’avais fait à entrer mais je n’avais que 4 ans... je n’avais aucune réponse à lui donner hormis “j’ai marché vers le nord comme Maman me l’a dit”. Je n’étais qu’une source de problème et elle aurait pu se débarrasser de moi. De toute façon, qui me réclamerait ? On venait de m’abandonner ! Je l’ai vu dans ses yeux, j’ai vu que la possibilité lui a clairement traversé l’esprit. Sans compter mes ressemblances physiques avec Blanche. Pourtant... elle l’a pas fait. Je sais pas encore aujourd’hui pourquoi, mais elle m’a gardé. J’ai eu le droit à un toit, un repas, une éducation. Et petit à petit j’ai aussi eu le droit à de l’amour. Ce qui nous a lié à cet instant, malgré tout ce qu’elle était, c’est CA qui me fait dire que je pourrais lui confier n’importe quoi les yeux fermés.
Je l’avais regardé avec une réelle conviction. Déglutissant, je m’étais adouci de ma fougue pleine de conviction en replaçant une mèche de cheveux derrière mon oreille.
— Pour ce qui est d’Elliot, je suis certaine qu’il sera capable de tenir sa langue. Je suis la marraine de sa fille et... je m’étais promis de lui rendre la pareille le jour où je serai enceinte... on est pas obligé de décider maintenant.
Je l’avais ajouté précipitamment pour éviter toute discussion à ce sujet.
— Mais quoi qu’il arrive, je ne me vois pas ne pas lui dire que je suis enceinte, ne pas lui montrer mon enfant... et il va me poser des questions, beaucoup de questions... Il ne fera jamais rien qui peut aller contre moi, j’en suis sûre.
J’en étais d’autant plus sûre à présent que je savais que j’étais censée représenter un “Espoir” qui lui était intrinsèquement lié.
— On pourra réfléchir ensemble à comment lui dire et quoi lui dire si tu veux... Il faudra juste tenir compte du fait que ce qui lui sera dit sera aussi dit à Lily... C’est une chouette fille, elle vit simplement, un peu dans son monde, je suis sûre qu’on peut lui faire confiance, ce n’est pas celle qui s’immiscera.
Mon regard avait vogué sur l’eau calme du lac pendant quelques secondes. Déglutissant, j’avais de nouveau tourné la tête vers lui, l’observant véritablement.
— Je pense avoir répondu à ton exigence... qu’en est-il de la mienne ? Je t’ai vu dans ce monde... j’ai aussi appris qui tu étais dans le Futur grâce à eux... et comment tu les traitais. Je ne le supporterai pas, Erwin. Je ne voulais pas t’en parler aujourd’hui, ça fait déjà beaucoup mais puisqu’on en était aux exigences, autant que tu le saches dès à présent. Je peux entendre que tu n’aies pas la fibre paternelle, je te l’ai dit, j’accepterai ce que tu veux donner... mais je refuse que tu lui donne de la haine et de la maltraitance. Je préfère encore que cet enfant grandisse sans Père plutôt que d’être maltraité à longueur de journée. Je serais la pire des mères si je ne t’en parlais pas. Si tu n’es pas capable de dire ou de faire quelque chose de gentil, abstiens-toi. Mais ne lui fais pas subir le fait d’être venu au monde, il n’y est pour rien. Nous sommes les deux seuls responsables.
Il m'observa un petit moment, pensivement. Il semblait réfléchir, embêté par ma question. Je pouvais le comprendre et je lui laissais le temps de sa réflexion, le cœur battant. Il ne pouvait pas me dire autre chose que “oui”, je ne le supporterai pas. Mais je voulais que ça vienne de lui, sans le pousser.
— Effectivement, je serais peut-être incapable de penser positivement à son sujet avant un long moment ou peut-être jamais. Je n’en sais rien, à vrai dire, mais si tu t’en rends compte autant l’admettre. Mais…après tout, nous ignorons tous des événements de ce futur où nous étions tous deux, différents. Je n’ai pas rencontré ce moi du passé mais j’ai essayé de faire des efforts envers eux... Parce que cela ne durait qu’un temps certes, mais je n’ai pas été d’une si grande froideur et intransigeance que je l’étais devenu. Alors, oui, je ne peux pas te promettre de lui donner une affection que je ne ressentirai peut-être pas...mais tu peux être sûre que jamais je ne lui ferais subir à cet enfant le fait d’être venu au monde, cela tu peux en être certaine.
Je l’avais regardé longuement, pensive, ne sachant comment réagir. Tout ce qu’il venait de me le dire, je le savais déjà, je n’en attendais pas moins et j’y voyais même une lueur d’Espoir : il supposait que notre présent pouvait être différent. Prise d’une nouvelle émotion, la gorge nouée, j’avais hoché la tête plusieurs fois d’un air entendu, comme pour lui spécifier que j’acceptais et me spécifier que c’était bien que ce que je faisais en détournant les yeux, incapable de parler. J'étais terrorisée à l’idée de pleurer de nouveau, lui révélant une fois de plus tout le stress qui s’accumulait en moi. Il m’avait demandé de tout lui dire... et je lui prouvais qu’il me faudrait du Temps.
— Tu es heureuse, n’est-ce pas ? D’une manière toute nouvelle. Je le vois, je le sens. Au mépris des conséquences que cela causera sur toi... C’est fascinant.
— Disons plutôt que je suis en ligne avec moi-même... en adéquation avec ce que je suis et ce que je veux... alors oui, on est peut-être sur un début de bonheur...
Bonheur qui allait sans aucun doute fondre comme neige au soleil s’il continuait à parler de mon poids. Je l’avais observé d’un air blasé tandis qu’il s’inquiétait de ma silhouette et de ma garde-robe dans un machisme le plus total.
— T’es vraiment certain que tu veux te lancer sur ce terrain glissant ?
Ça sonnait presque comme une menace mais il ne m’écoutait déjà plus, secouant la tête et planifiant des petites vacances qui eurent le don de me désarçonner. Avec tout ce qu’on venait de se dire, il me proposait encore un moment ensemble en amoureux... bon certes, sans doute juste avant que je sois grosse, moche et que plus rien ne m’aille mais il me le proposait quand même... signe qu’il voulait qu’on passe du Temps ensemble, loin de tous, tous les deux... comme si ce bébé ne changeait finalement pas grand-chose. Une nouvelle fois un peu émue, je l’avais observé un instant, ne sachant pas quoi répondre avant de me lancer en passant une main dans mes cheveux, comme pour me redonner contenance :
— Oh... et bien si tu le veux... ce sera avec plaisir oui... Où tu veux, quand tu veux du moment que ce soit bientôt... et loin d’ici. Juste toi... et moi.
Je lui avais fait un faible sourire. Il proposait alors de ne plus parler de l’enfant et je ne pouvais être que d’accord avec lui. Je me sentais brusquement épuisée, vidée de toute substance tant tout ce moment avait été intense. Hochant la tête d’un air entendu, il avait approché son visage malicieux de moi et je l’avais observé faire, feignant une certaine hauteur, comme pour le toiser alors que je savais très bien sur quoi il revenait à la charge. Une fois de plus, loin de lui l’envie de mettre un terme au moment, il avait proposé d’aller chez lui et si quelques secondes auparavant j’avais encore eu l’envie de tout arrêter, de m’enfuir à toute jambes, je me sentais désormais aussi apaisée qu’épuisée de tout ce que nous avions mis à plat. Quand j’y réfléchissais à deux fois, ce scénario était de loin le moins pire de tous ceux que je m’étais imaginé. La discussion avait été nécessaire, la déception de l’un et de l’autre sans doute aussi et nous en aurions sans aucun doute d’autres... mais malgré tout cela, j’avais l’impression que nous en ressortions aussi plus fort, plus complice, de par notre écoute mutuelle malgré nos avis divergents. J’avais eu un petit rire amusé à sa proposition avant que celui-ci ne se transforme en gène tandis que je baissais les yeux, me mordillant nerveusement la lèvre inférieure. Il ne voulait plus parler du bébé mais je me devais bien de lui préciser quelque chose d’essentiel.
— Crois-moi bien que j’adorerai goûter à ce petit champagne mais... je resterai sur quelque chose de moins... alcoolisé pour fêter si tu le veux bien.
Il s’était alors levé promptement et je l’avais rejoint avec un enthousiasme nouveau. J’avais senti les rayons du soleil se poser sur mes joues et j’avais pris un instant pour les savourer. Etais-je heureuse ? Pas encore tout à fait mais bien plus qu’en arrivant dans ce parc... j’étais en revanche complétement dans l’axe de mes choix et une certaine sérénité s’empara alors de moi. Nous étions remontés en voiture et si j’avais bien fait attention à ne pas le toucher jusqu’à là, ma main avait rejoint la sienne sur le levier de vitesse, avec douceur, mes doigts s’entremêlant aux siens dans un bonheur nouveau que je goûtais désormais à deux. Il me restait beaucoup de doutes, beaucoup de choses à surmonter mais en cet instant, je parvenais facilement à les refouler dans un coin de ma tête. Mes démons viendraient rapidement me hanter, je n’avais aucun doute là-dessus. En attendant, il me suffisait de profiter de ce poids enlevé. L’homme que j’aimais savait pour notre enfant, il ne m’avait pas quitté et souhaitait à sa façon faire partie de sa vie. Il y avait des zones d’ombres bien entendu mais jamais, dans aucun scénario, je n’avais imaginé autant de lumière. Alors doucement, j’avais soulevé sa main, posant avec douceur mes lèvres dessus à deux reprises avant de le laisser démarrer la voiture pour me ramener à son appartement.
J’avais bu du jus de cerise pour l’occasion. Avec attention, je l’avais écouté me parler des points juridiques dont il était question, des modalités sur la maison, patiemment et de façon concentrée. Je m’étais noté sur un carnet tout ce qu’il m’avait demandé de retenir et de noter et après plusieurs minutes voire même une heure à discuter, l’atmosphère s’était faite un peu plus lourde. Pas tant en tension, plutôt en chaleur lorsque nos verres vides avaient teinté d’une même voix lorsque nous les avions reposés sur la table basse. Mon regard avait croisé le sien et un silence avait envahi la pièce. Le silence de l’attente, de la tension, où chacun se jaugeait, se mesurait et mesurait ses envies. Je m’étais alors levée sans rien dire pour me diriger vers la salle de bain. Ouvrant les vannes à la bonne température, j’avais laissé la baignoire se remplir, préparant avec une certaine connaissance de l’animal le savant mélange de sels, de mousse et de senteurs de bain qui lui conviendrait. J’étais ensuite revenu vers lui, toujours assis sur le canapé, pour m’assoir avec douceur à califourchon sur ses cuisses. L’observant un instant, j’avais caressé de ma main la douceur de ses cheveux, de sa peau, l’effleurant presque dans une caresse aérienne. Me penchant en avant, mes lèvres étaient venues se coller aux siennes tandis que mes bras enroulaient son cou. D’abord avec une certaine douceur, je l’avais embrassé lentement, savourant le moment pour l’ancrer véritablement, en prendre pleinement conscience. J’avais tant imaginé que je ne ferais plus jamais cela après l’annonce de ma grossesse que mon esprit avait besoin d’un peu de temps pour comprendre que tout ceci était bien réel, encore à moi, encore à nous. Et j’avais alors senti ses mains se poser sur mes hanches, revigorant mon esprit du reste de ce qu’il en avait besoin. Mon baiser s’était alors fait plus puissant, plus combatif, plus langoureux aussi, comme si la fin de mon stress se déchargeait à présent là-dedans... une sorte de réconciliation sur l’oreiller qui était des plus attisant. Je voulais plus, encore, comme si mon être avait besoin de se gorger de lui jusqu’à ce qu’il m’apaise définitivement, comme si le fait d’oublier le reste nous rendait brusquement plus heureux, sans tracas, sans question, sans mensonge. Juste nous et rien d’autre. Détachant alors mes lèvres des siennes avec un petit rire, j’avais posé ma bouche non loin de son oreille pour lui chuchoter :
— Tu ne voulais pas prendre un bain, toi ?
J’avais ri de plus belle, lui mordillant l’oreille un court instant d’un air joueur avant que mes baisers viennent courir le long de son cou tandis que mes mains entreprenaient de déboutonner sa chemise. Une fois torse nu et après quelques baisers fiévreux, je m’étais relevé pour l’amener jusqu’à la salle de bain en lui prenant la main. Refermant les robinets et testant la température de l’eau je m’étais retourner avec une certaine malice aux bords de mes yeux experts.
— Normalement on frôle la perfection.
Je l’avais laissé en juger de lui-même, le laissant à ses commentaires avec un roulement d’yeux et une négation de la tête amusée. Puis j’avais défait la boucle de sa ceinture sans faire disparaître le reste de malice sur mon visage, l’embrassant une fois de plus. Je le laissais alors se couler dans le bain tandis que je précisais :
— Je reviens, détends-toi.
J’avais préféré lui laisser du temps pour lui, me laissant du temps pour moi en rangeant ce que nous avions laissé sur la table. Je l’avais fait avec une certaine lenteur, appréhendant légèrement le moment de me mettre à nue, maintenant qu’il savait ce que mon corps renfermait. Je n’avais pas envie de voir ses yeux se poser dessus ni même que le moment soit gâché par tout cela et soudain, j’avais eu une idée. Rassemblant les différentes bougies que j’avais pu trouver, j’étais retournée dans la salle de bain pour la plonger dans le noir. Face à sa remarque, je m’étais contenté de rire :
— Il me semble que dans la liste il y avait un massage, non ? Et le mot d’ordre c’est la détente, pas vrai ? Alors détends-toi... et ferme-là.
J’avais hésité à la sortir, sachant pertinemment qu’il avait horreur de cela mais mon ton et le rire qui avait suivi ne pouvait pas le tromper quant au fait que j’étais bien plus encline à la malice qu’à une réelle vulgarité, une sorte de jeu acide auquel on se livrait constamment. J’avais alors ramené les bougies que j’avais disposée du mieux que j’avais pu pour donner une ambiance chaleureuse et sensuelle au moment tout en faisant bonne mesure que sa vue serait suffisamment atteinte pour ne deviner que les contours de mon corps. J’avais posé le reste de la bouteille de champagne et son verre non loin de lui et avait refermé la porte avant de me déshabiller lentement, prenant bien soin de ne pas observer son regard. Avec lenteur, je l’avais alors rejoint, me plaçant derrière lui, mes bras s’enroulant autour de son cou, mes mains glissant sur son torse tandis que j’embrassais ses épaules, le début de sa nuque. Avec douceur, j’avais récupéré un peu d’huile de massage entre mes mains avant de prendre appui contre la baignoire, prenant soin de masser ses épaules, sa nuque, sa mâchoire, son dos, avec douceur, avec amour, le temps qu’il le fallait jusqu’à ce que je sente enfin ses muscles se détendre. Je ne savais pas si je serai encore capable de faire ça longtemps, bientôt mon corps serait sans doute bien trop ankylosé pour tout cela et je n’avais aucune envie de le lui faire remarquer, alors à ma façon, je prenais les devants de cette éventualité en prolongeant le moment. Nous finîmes par nous reposer l’un contre l’autre, son corps contre le mien, tandis que mes doigts caressaient rêveusement son torse. Embrassant sa joue avec une certaine énergie, je lui avais alors demandé :
— Je peux venir contre toi ?
Je l’avais alors contourné tandis qu’il prenait à son tour appui, le dos contre la baignoire, le mien contre son torse. Nous étions restés encore un moment ainsi, je ne saurais dire combien de temps, quelques minutes, plus d’un quart d’heure, je l’ignorais. Juste le silence, nous, quelques paroles, des baisers et des caresses. Mais celles-ci s’étaient faites soudainement plus hasardeuses, se répondant l’un l’autre avec plus d’intensité. Les sens s’étaient alors échauffées, quelques bougies n’avaient pas survécu à la vague mousseuse que nous avions provoqué par le changement de nos positions. Pour le reste... seule la pénombre en avait été témoin.