« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
Dans la police, nous arrêtons les criminels de basses à plus grandes échelles, nous démantelons des organisations et nous enquêtons sur des délits ou des meurtres qui peuvent prendre des ampleurs démesurées. Lorsque j'y suis entrée, il y a de cela un an, j'étais persuadée que ma vie changerait du tout au tout et que je retrouverais cette flamme d'autrefois, cette volonté de combattre pour la justice et pour la ville de Storybrooke qui nous en faisait voir de toutes les couleurs chaque semaine. Je ne fus pas spécialement déçue, je dois le reconnaître, car entre les annonces du Maire que nous nous devions de surveiller, les escapades en voiture de police pour calmer les tensions et dissuader des délinquants de prendre le quartier comme terrain de jeu et enfin... l'administration - les paperasses à ne plus en finir et les rapports des dernières enquêtes - nous en avions, du travail. J'avais vu l'envers du décor de cette maquette parfaite que les politiciens pouvaient vendre de Storybrooke. Une ville magique, une ville fantastique. Mais aussi et surtout, une ville à problèmes. C'est nous que nous appelions pour X ou Y raisons, bien souvent pour un rien, d'ailleurs. Pourtant, il nous restait impossible de prendre à la légère une plainte, car elle pouvait s'avérer bien plus dangereuse qu'escomptée et faire des victimes. Après tout, nous ne parlions pas de n'importe quelle ville, comme nous ne parlions pas de n'importe quelle police.
Aujourd'hui était censé être un jour comme un autre pour Jessie et moi-même. On nous avait demandé d'aller récupérer un jeune garçon dans le centre, près d'une banque, et de l'arrêter. Mais pourquoi ? Tout était dans le dossier qu'une dame aux cheveux blonds tressés nous avait déposé ce matin avant de partir précipitamment. De ce que j'avais compris, elle était une détective et nous, la police, lui avions confié une enquête qu'il nous était difficile à résoudre. C'était comme ça. Lorsque nous n'avions pas le temps ou qu'une affaire se faisait trop longue et fastidieuse, il était aussi de notre devoir de la déléguer à une organisation tierce pour qu'elle soit vite résolue. On me l'avait expliqué auparavant alors que, digne de mon titre, j'avais critiqué qu'on passa nos responsabilités à d'autres, nous faisant alors bafouant en passage. Mais j'avais eu tord sur toute la ligne et cela, le shérif et le reste de l'équipe me l'avait fait comprendre. Notre rôle n'était pas de collectionner les réussites... Mais de maintenir l'ordre. Si nous ne réussissions pas à venir à bout d'une enquête, que nous étions dans une impasses ou que d'autres problèmes nous appelaient, nous devions demander de l'aides autour de nous. Ce qui comptait, ce n'était pas que nous soyons les gagnants de la bataille, mais que les victimes aient justice rendue et que les coupables soient arrêtés au plus vite. Je comprenais maintenant, et bien tard, que les détectives que nous embauchions nous rendaient services plus qu'autre chose.
Avachie sur mon siège roulant, je redressai le dossier de mon bureau et l'ouvris pour en tirer les principales informations. Ma collègue avait le même document de son côté, mais elle n'était pas encore ressortie du bureau du shérif. Ainsi patientais-je sagement qu'elle me rejoigne pour qu'on parte chercher le coupable présumé. Milo Changuy, 17 ans. Il est tenu responsable de 4 assassinats, d'un cambriolage et tentative d'attentat dans une banque. Les deux premiers assassinats seraient ses propres parents, de ce qu'il en est dit. C'est à ce moment-là qu'on a commencé à la soupçonner car suite à cette homicide, il fut porté disparu pendant deux semaines desquels deux autres assassinats se firent connaître et son ADN retracé. Suite à cela, il est repéré dans un magasin, complètement cagoulé. Les caméras de surveillance l'ont enregistré en train de cambrioler l'établissement, nous avons pu le reconnaître car les pouvoirs qu'il a utilisé pour se procurer les caisses étaient similaires à ceux utiliser lors du meurtre des parents. À en croire la détective, le pouvoir en question consiste à contrôler tout type de métaux en les modifiant. Il peut les faire graviter, les élargir mais aussi les faire complètement disparaître. Une fois avoir pris la fuite, la police a demandé à ce qu'il soit repéré et arrêté le plus vite possible et c'est ce matin à 8h12, que le jeune garçon s'est trouvé piégé dans l'enceinte de la banque du centre-ville. Une bombe était accrochée sous son large manteau kaki. La détective a pu faire évacuer les lieux et des renforts - nos renforts - sont déjà sur place pour barricader les environs et désarmer entièrement le jeune homme. Mon téléphone indiquait 8h21, cela faisait quelques minutes que nous avions reçu l'appel, et c'était à Jessie et moi d'amener le garçon au poste de police.
"Tu es prête ? Je lançai à la jeune femme lorsque celle-ci me rejoignit dans le bureau. Je te fais un récap' dans la voiture !"
***
Assez vite, nous arrivions sur le lieu du rendez-vous - étant donné que nous n'étions pas si loin. Je venais à peine de terminer le résumé du dossier qu'il fallait déjà passer à l'action. Sortant de la voiture, nous avancions vers le concerné Milo, un jeune garçon aux cheveux blonds teintés - on percevait les racines brunes à la repousse - et aux yeux marrons, cernés. Il portait un jean délavé, un tee shirt rouge pâle et une large veste bien plus grande que lui dans lequel avait été caché la bombe. Je demandais à nos collègues qui avaient encadré la place :
"Où est la bombe ?"
L'homme m'indiqua du menton l'intérieur de la banque, entrouverte, dans laquelle se trouvait une autre équipe dont je connaissais seulement de visages.
"On l'a laissé à l'intérieur, les démineurs se chargent de la désamorcer mais logiquement, on ne craint plus rien. La télécommande a été récupérée avant que le garçon n'appuie sur un des boutons. Tant qu'elle n'est pas déclenchée à distance, la bombe ne peut pas exploser."
J'acquiesçais, soulagée que nous ayons évité le pire. Si la détective n'avait pas été là et s'il elle n'avait pas anticipé le coup de l'attentat, qui sait le nombre de blessés et de morts qu'il y aurait eu. Lui aussi, par ailleurs, aurait fait partie des victimes, songeais-je en posant mon regard sur le jeune garçon. Il était donc suicidaire, en plus de ça ? Quel profil psychologique allait-on lui donner avant l'incarcération... Son regard fixait le sol avec désespoir. J'avais l'impression qu'il redoutait quelque chose, mais ayant déjà été arrêté... Je me demandais quoi. Avait-il peur d'être envoyé en prison ?
"Bien, je pense qu-" Je me fis couper, brusquement, par l'explosion qui venait d'éclater à l'intérieur de l'établissement.
Des débris de verre ainsi que de métaux volèrent dans notre direction et moi ainsi que mes coéquipiers nous protégèrent avec notre propre équipement. Je ne pus garder la tête baissée bien longtemps, mon inquiétude se faisait trop grande. Que s'est-il passé à l'intérieur de la banque ?
"P-Pourquoi la bombe a-t-elle explosée ? Questionnais-je à voix haute. Je croyais que le seul moyen de l'activer était d'utiliser la télécommande !
-C-... C'est le cas ! Cria à son tour mon collègue alors qu'un sifflement à l'oreille le perturbait à communiquer. Ce sont les démineurs qui l'avaient, mais..."
Je fronçai les sourcils dans le nuage de poussières qui se formait autour de nous. Impossible de savoir ce qu'il s'était passé derrière cette épaisse fumée, mais ne voyant aucune silhouette en ressortir, je présumais le pire.
"Ils sont morts... ? Est-ce qu'ils auraient activé la télécommande sans le vouloir ?"
Mon regard perdu se tourna alors vers Jessie, m'assurant par ailleurs qu'elle allait bien. C'est vrai, j'étais complètement désorientée. Non seulement par la bombe qui avait dérouté mes sens un instant, mais aussi par le nombre de victimes que nous pensions avoir évité et qui finalement décédèrent sous nos yeux, sans que nous ne puissions rien y faire. J'entendis quelqu'un appeler les pompiers en renfort. Personne ne devait prendre le risque de rentrer dans le bâtiment tant qu'il n'était pas sûr que celui-ci était encore stable et accessible. Je serrai les poings, énervée car impuissante, et portai mon attention sur le jeune homme, porteur de la bombe, seul coupable de cette attaque.
"Qu'est-ce que tu as fait ? Tu avais une autre télécommande c'est ça ? Ou bien c'était une bombe à retardement ? Réponds !"
Je pris quelques secondes avant de réaliser dans quel état Milo, de son nom, m'écoutait. Le jeune blond semblait digérer la nouvelle en même temps que nous et visiblement, il ne la digéra pas bien. Tout son corps était pris de tremblements, son regard n'avait même pas pris la peine de se redresser vers moi. Il retenait des larmes, tant bien que mal, comme apeuré que la situation lui échappe. Je m'adoucis face à ce comportement auquel je ne m'attendais pas. J'hésitai à formuler la supposition qui se formai presque instantanément dans ma tête... Je n'arrivais pas à la faire sortir de mon esprit. Et s'il n'avait pas voulu mourir ?
Impossible de penser cela toute seule, je portai mon attention sur ma coéquipière, espérant ne pas être seule à m'être mise cette idée dans la tête. Si Jessie était d'accord avec moi sur la théorie que le garçon n'était pas le véritable coupable de cet attentat, alors l'affaire se compliquait grandement. Il ne pouvait pas s'innocenter si facilement des meurtres qui ont précédés, pas plus que du cambriolage. Cet attentat n'arrangeait rien non plus.
"Il n'a aucune autre télécommande. Lança le policier à nos côtés. Je pense que ça devait être une bombe à retardement, les démineurs n'ont pas pu se faire exploser tout seul. Je vais appeler une seconde équipe et vous envoyer les informations que nous auront récoltés. Poursuivez votre mission et conduisez le garçon au poste de police. Son regard s'intensifia sur Jessie, puis sur moi. On ne laisse pas les émotions nous submerger."
Déglutissant, je finis par hocher la tête.
(c) AMIANTE
Jessie James
« Jessie never gives up, Jessie finds a way! »
Elle va être sympa cette mairie, j'le sens bien... On va s'entendre copains comme cochons...
Edition Août-Septembre 2020
| Conte : Toy Story | Dans le monde des contes, je suis : : Jessie, l'écuyère
Tout le monde pouvait le juger d'un regard méprisant lorsque l'explosion, malgré tout, eut lieu sous nos yeux. Cependant, j'étais persuadée qu'à le faire, nous nous enfoncions dans des torts. Quelque chose clochait.
Était-ce l'état de choc qui me faisait penser ainsi ? Étais-je la seule ? Le sifflement perdurait dans mes oreilles et je peinais à y échapper, tentant finalement de m'y adapter. Je croisai le regard de Jessie et j'osais espérer qu'à l'intérieur je ne me trompais pas d'y retrouver des suspicions similaires aux miennes. La seconde suivante, l'un des agents me rappelaient à l'ordre et je ne pus qu'acquiescer à sa remarque. On me l'avait déjà reproché à plusieurs reprises : l'injustice me dégoûtait, et en être témoin - en général - me faisait réagir plus que la plupart de mes collègues. Avant d'être dans la police, je faisais partie de ceux qui la critiquaient pour ne pas être assez efficace face à tout ce qui courrait dehors. Finalement, je compris qu'au lieu de parler, je pouvais moi aussi agir et les aider car leurs intentions n'étaient pas mauvaises. La corruption de Storybrooke l'était, bien plus que n'importe où ailleurs. Et je voulais aider. Non pas en tant que fée mais en tant que membre à part entière, je voulais faire partie des forces de l'ordre, des termes qui m'avaient toujours semblé si lointains alors que je me retrouvais en chacun d'eux. Mais je savais avoir dépassé des limites à plusieurs reprises. J'avais déjà été impulsive, prise par des émotions qui renversaient mon sens du jugement - ou peut-être qui l'accentuait dans le mauvais sens ? Ici, il y avait eu des morts. Des morts qui auraient. Pu. Être. Évités. Je culpabilisais d'un rien, me demandant ce que nous avions manqué. Par instinct, évidemment, je m'étais penchée sur le cas du coupable arrêté, je le blâmais à mon intonation car des innocents avaient perdu la vie. Mais j'eus immédiatement douté de sa culpabilité au moment où je découvris sa réaction face à l'explosion. Et toutes mes étiquettes s'envolaient avec mes incertitudes : qui étaient les coupables ? Les victimes ?
Jessie avait géré la situation sous mon silence. Ce n'était pas le moment de parler, il y avait une procédure à suivre et je me pliais à celle-ci tandis qu'elle nous ramenait au commissariat. Sans souhaiter la partager à haute voix, je contenais une certaine hâte à pouvoir discuter avec notre inculpé. J'avais ce minime espoir d'obtenir des réponses par sa parole ou, au contraire, par son silence. Les deux en disaient beaucoup, tout comme les expressions du visage, les tocs, les mimiques... Il suffisait d'un seul mot parfois pour que la coquille se brise. J'y songeais avec tracas lorsque ma partenaire se manifesta à moi, inquiète sûrement.
"Des blessés ? Je répétai, perplexe. Si un des démineurs a survécu à l'explosion, alors celui-ci devait se trouver à une distance d'au moins 10 mètres de la bombe à désamorcer... Mes bras se serrèrent contre ma poitrine. Et je doute que ça ait été le cas... L'image était encore nette dans ma tête - pourquoi était-elle aussi nette, d'ailleurs ? -. Résolue, j'inclinais le menton vers le bas en mordant ma joue. Ceux qui étaient à l'intérieur n'ont pas survécu. Et j'inspirais. Et j'expirais longuement, réalisant alors la question que m'avait posé Jessie et sa position dans tout ça. Je ne pouvais pas lui laisser penser que les émotions négatives prenaient le dessus sur l'enquête qui allait nous être confiée. Je ne voulais pas. Je vais bien, Jessie. Tentais-je de rattraper au vol d'un fin sourire. Il est normal que cette histoire nous paraisse... démesurément... Impossible de trouver le mot exact pour décrire le fond de ma pensée. Je m'abandonnais à un simple à peu près : Incompréhensible."
La situation était étrange, bancale. Quelque chose n'allait pas, oui, mais quoi ? Qu'est-ce qu'on ne savait pas ? Je m'attendais à un revirement mais je ne savais ni quand ni comment l'aborder. Sans m'être trompée sur le compte de ma coéquipière, elle faisait part des mêmes soupçons que moi. Forcé. Oui, exactement, c'était bien le mot et je ne pus qu'acquiescer à celui-ci.
"Tu trouves aussi ? J'observais le garçon avec insistance. Il semblait tout autant surpris que nous mais surtout, il n'avait l'air d'avoir le contrôle sur rien... Regarde-le, il remue sa jambe et fixe la table depuis tout à l'heure. J'aimerais dire que c'est nous qu'il craint mais je n'ai pas l'impression que ça soit ça..."
Quelqu'un, forcément, était derrière tout ça. Il semblait si jeune, si perdu... Et si je me trompais ? Et si je tombais naïvement dans le piège d'une personne détraquée, encore, qui manipulait à sa guise pour arriver à ses fins ? Il était trop demander d'avoir encore un peu d'espoir en l'humanité et que le monde ne porte pas un masque pour faire paraitre ce qu'il n'est pas ? Je me frustrais, seule, à ne pas pouvoir donner de réponses à mes questions et heureusement, Jessie me coupa à nouveau tandis qu'elle approchai un dossier de sous mon nez. Je l'attrapai d'un hochement de tête avant qu'elle ne me tourne le dos et s'engage vers un autre couloir. Je me doutais bien où elle allait, c'était un peu de coutume si on puit dire, pour engager la discussion avec les inculpés. Disons que ça nous permettait d'amener une bonne atmosphère, de tâter le terrain sans vouloir nous faire porter l'étiquette des ennemis, des méchants des méchants, entre autre.
J'étais entrée après Jessie, j'avais passé la porte, l'avais refermé avant de poser le dossier sur la table, aux côtés de ma partenaire. Cependant, je ne m'étais pas assise. Je ne sais pas si c'était une sorte de bougeotte ou simplement un moyen pour moi de rester en retrait pour le moment tandis qu'elle engageait la discussion avec Milo, mais placée sur le côté, à relire encore et encore le contenu d'un dossier que la policière rappelait à voix haute, je ne fis que patienter silencieusement. J'avais comme cette impression de me trouver à côté de la salle, en tant que spectatrice, sans moyen d'interagir. J'étais à côté tout comme j'étais à côté de cette enquête : c'est ce qu'on semblait être, avec tant de pièces manquantes pour compléter le puzzle. Ça pourrait être si simple... Nous pourrions l'arrêter et tout pourrait s'arrêter là - sans histoire. Mais la vraie justice n'étais pas simple... Elle l'était si peu qu'on se demandait s'il y en avait une. Témoin d'une scène, j'écoutais donc, tout comme Jessie. Elle posait les bonnes questions, elle était très douée pour ça et je n'avais jamais douté de ça au vu de sa position au sein de la police. Elle était juste, assez pour viser le point sensible qui permit de fissurer la carapace. Les gobelets renversés, je vis le papier du dossier brunir petit à petit et m'empressai à le soulever pour ne pas empirer les dégâts. Je grimaçai.
"Bien sûr que c'était un accident."
La confirmation de ma partenaire résonnait dans ma tête comme une vérité, une pièce en plus. Mais sans pouvoir rencontrer son regard pensif, elle me tourna le dos et quitta la pièce dans une discussion laissée en suspend. Il n'y avait pas que celle-ci qui semblait avoir été laissée sur place. Moi, tout d'abord, et mes réflexions de spectatrice il semblait, mais plus important encore : lui. Rabattant les yeux sur Milo, pensant pouvoir accrocher un regard, je me rendis compte que lui aussi fuyait toute présence à cet instant. Il était encore plus voûté que tout à l'heure, à quelques centimètres près, sont front pouvait toucher la table d'interrogatoire. Impossible de savoir quelle expression s'accrochait malgré lui sur son visage.
"Si tu ne nous dis rien, tu vas finir enfermé et on ne pourra plus rien fair-
-Je m'en fous ! Finalement, son front vint se plaquer brusquement contre le métal froid de la table, manquant néanmoins le liquide qu'il avait renversé plus tôt. Si je ne trouvai rien à observer sur son visage masqué, sa voix m'en dit énormément. Trop pour lui, sûrement, car tremblante, sanglotant, à mi-chemin entre les larmes et un cri retenu. Il semblait vouloir hurler au monde ce qu'il avait sur le cœur mais ne le pouvait tout simplement pas. Je devais mourir aujourd'hui, alors vous vous dites bien que finir en prison ça me fait rien ! Ses bras étaient agités, était-il en train de frénétiquement frotter ses mains entre elles sous la table. Je devais mourir, je devais mourir, je devais mourir... Reprit-il rapidement. J'ALLAIS MOURIR."
Le réalisait-il seulement ? Je m'approchai vivement de lui, m'agenouillai comme si j'attrapais la corde qui peut-être ne me serait plus jamais tendue. J'engageai vivement à vive voix :
"Mais tu ne le voulais pas ? Il grimaça mais ne répondit rien. Je repris plus vivement encore : Tu ne le voulais pas, Milo ? Tu ne voulais pas mourir aujourd'hui, tu ne voulais pas te faire exploser ! Alors pourquoi tu as fait ça ? Est-ce que c'est parce que l'accident avec tes parents t'a entrainé à te détester ? Est-ce que tu voulais mettre fin à tes jours ? Qu'est-ce qu'il s'est passé ces dernières semaines, où étais-tu ?"
Il tremblait davantage que tout à l'heure, c'en était devenu incontrôlable pour lui : je voyais ses jambes s'agiter, ses ongles s'enfoncer dans la paume de ses mains, sa mâchoire se crisper à mes questions qui semblaient lui faire remonter des souvenirs douloureux. Mais après un temps à s'empêcher de hurler, à se mordre la lèvre jusqu'au sang s'il le fallait, il répétait à vif tout en secouant la tête de droite à gauche :
"Je dirais rien, je dirais rien, je dirais rien, je dirais rien...
- Mais Milo, on peut t'aider !
- NON ! Son visage, vivement, se redressa dans ma direction et sous la surprise, j'eus un recul. Vous ne le pouvez pas ! C'est trop grand pour vous ! Et -... S-si...
- Si quoi ?"
Il hocha de nouveau la tête, le regard égaré face au mur qui lui faisait face. Ses traits semblaient se détendre comme s'il venait de trouver solution à son problème.
"Arrêtez-moi, ça m'est égal. Si je suis enfermé, au moins je ne mourrais pas."
Son dernier plan de survie. Suite à cela, je le sentais se murer dans un silence impénétrable. Du moins, il était prêt à ne rien dire de plus rien que pour se faire inculper d'homicide volontaire. Après tout, devait-il se dire, il est coupable d'avoir tué des gens... Était-ce là le châtiment qu'il acceptait à défaut d'avouer plus ? Impossible de le comprendre pleinement, je me résignais donc à me redresser, remarquant alors Jessie à la porte, un chiffon et un produit nettoyant en main. Je l'imaginais toute aussi déterminée à connaître le fin mot de l'histoire que moi. Serrant le poings face au soutien que j'avais, je tentais un dernier mot qui n'avait rien d'une question à l'égard du garçon :
"Si tu es coupable, nous t'arrêterons. Si tu ne l'es pas, alors nous le trouverons.
- Non, ne faites pas ça, sinon ils vont me tuer !"
Milo venait de donner plusieurs informations considérables en une seule phrase. Non seulement il confirmait ne pas être l'auteur des meurtres présumés - ou du moins pas celui de l'explosion - mais en plus de cela, il pointait du doigt un groupe, et non pas un seul individu. Je tentais de ne pas répéter à haute voix ce que ma partenaire avait tout aussi bien entendu et me contentais de ce que je savais jusqu'alors, avec sang-froid.
"N'est-ce pas déjà ce qu'ils ont essayé de faire ?"
Il n'était pas le coupable, il était la marionnette de quelqu'un d'autre. Et nous allions le trouver, j'en faisais la promesse... !
(c) AMIANTE
Jessie James
« Jessie never gives up, Jessie finds a way! »
Elle va être sympa cette mairie, j'le sens bien... On va s'entendre copains comme cochons...
Edition Août-Septembre 2020
| Conte : Toy Story | Dans le monde des contes, je suis : : Jessie, l'écuyère
Avec l'expérience des missions et des échecs qui s'ensuivaient, je comprenais la difficulté du métier que j'avais choisi. Au-delà de valeurs et d'idéaux, il y avait des règles que nous ne pouvions pas enfreindre - nous, les défenseurs du "bien". Ces règles, et cela bien plus souvent que je ne l'aurais cru, nous empêchaient de mettre la main sur nos opposants. Les frôlant seulement, il nous restait impossible et intolérable que nous dépassions cette limite sur laquelle, eux, glissaient sans le moindre remord. Être policier, c'était accepter d'arrêter des gens sans même pouvoir jouer sur le même terrain. Il fallait ruser, persister, attendre... Et parfois, même tous ces efforts ne conduisaient à rien. Nous continuions de tourner en rond comme des soldats, nous attendions que les chats descendent de leur perche, qu'ils aient l'humeur de courir à nouveau, jamais, cependant, nous ne relâchions notre vigilance.
Qui aurait cru qu'un an plus tard, l'affaire de Milo allait remonter à la surface ?
En tant que policière, je ne pouvais pas attacher de l'importance à un déclaré coupable par aveu. Suite à son arrestation, j'avais été le voir. Je lui avais demandé des explications. La première fois, Milo s'était fermé sur lui-même, incitant à ce que je ne le revois plus sinon, à mon tour, aurais-je eu des problèmes. Ce jour-là, je n'avais pas cherché davantage mais je m'étais promis de revenir, ne serait-ce que pour soutenir qu'il n'était pas seul. Il n'y avait jamais eu de prochaine fois, Milo refusant chacune des visites que je faisais. Il était dans son droit... Son seul droit, peut-être. D'ailleurs, avait-il répété sans cesse : c'était en prison qu'il se sentait le plus en sécurité. Je m'étais rassurée avec ces mots.
***
Ca a recommencé... Milo a disparu.
J'écarquillais deux grands yeux à la nouvelle que Jessie m'annonça en privé. L'affaire close d'il y a un an, que nous savions injuste, allait reprendre un tournant auquel je ne m'attendais pas.
"Disparu ?" Je répétais inconsciemment avant d'attraper le dossier qu'elle m'avait glissé sur la table.
Effectivement, les faits parlaient d'eux-mêmes : Milo n'était plus dans sa cellule et personne ne l'a aperçu par la suite dans l'enceinte de la prison pourtant hautement sécurisée. Il n'avait pas été incarcéré dans n'importe quelle section, et c'était peut-être cela qui m'avait le plus rassuré une fois son arrestation prononcée. Moi aussi... Je l'avais pensé en sécurité. Pourtant, voici qu'il s'était échappé. Pourquoi ? Comment ? Impossible, impossible...
"C’était notre affaire à l’époque... je me dis que tu as peut-être envie de t’y remettre du coup... si tu préfères éviter en revanche car elle t’a fait trop de mal, je peux le comprendre aussi. C’est comme tu veux."
Je gardai un temps le regard baissé sur le dossier que je n'avais pas pu garder fermé une fois en main. Je lisais les grandes lignes, parcourais les éléments les plus importants même si ceux-ci en disaient si peu sur l'enquête qui allait s'engager pour nous. Même si inquiète, une part majoritaire de moi était satisfaite qu'il y ait une suite. Milo méritait la vérité... J'espérais seulement qu'il soit en vie pour l'entendre.
"Quelle question. Lançais-je, le regard déterminé plongeant dans celui de ma coéquipière. Evidemment que je veux m'y remettre ! Nous n'avons pas de temps à perdre. La vie de Milo est en danger."
***
Nous nous étions directement rendus sur place pour confirmer les différents témoignages et peut-être en apprendre davantage sur ce qu'il s'était passé. La sécurité, surtout, avait été notre priorité car celle-ci, et particulièrement dans la section où se trouvait enfermé Milo, se devait d'être irréprochable. Or, pour qu'il y ait un échappé, c'était que quelque chose clochait à l'intérieur même du système établi. Si c'était bien le cas, Milo ne serait bientôt plus le dernier prisonnier porté disparu.
"Qu'indiquent les caméras de surveillance ?
- La dernière apparition du prisonnier 08957 sur nos caméras aurait été filmée dans le réfectoire. Avançait l'un des gardes chargés de la surveillance générale de l'établissement. Regardez."
Il passa le film où apparaissait Milo et nous le pointa du doigt. Seul à une table, il mangeait son repas en silence et sans émettre le moindre soupçon. Parfois seulement relevait-il le regard devant lui, fixait un côté puis un autre avant de se reconcentrer sur son assiette. Mes poings se serraient à le revoir, innocent, cloîtré entre ses quatre murs. Je mordais fortement ma lèvre pour ne pas m'en plaindre à voix haute.
"Suite à ça, les caméras ne l'ont plus détecté nul part, mais d'autres prisonniers disent l'avoir vu. Sauf que leurs témoignages n'ont aucun sens ! Je pense qu'ils sont de mèches avec le prisonnier et l'ont aidé à s'évader.
- A s'évader ?"
Je m'approchai des vidéos et observai la silhouette de Milo tout en me remémorant ses aveux au commissariat.
"Qui parle d'évasion ? Le prisonnier est porté disparu mais personne n'a dit qu'il s'était évadé de son propre chef.
- Pardon ? Le garde ne semblait pas bien comprendre et, haussant un sourcil, hésitait à rire du doute émise par la policière. Mais, ça paraît évident qu-...
- C'est justement parce que ça parait évident que ça en devient suspect. Jessie et moi avons nous-mêmes arrêté Milo et écouté ses aveux. Je dirigeai un regard entendu à ma coéquipière. Lui-même nous a dit souhaiter être inculpé, qu'il se sentait plus en sécurité en prison que dehors. Il était en danger et ses seuls chances de survies se trouvaient ici ! Pourquoi déchargeais-je mon mépris sur le surveillant ? Il n'y était pour rien. Il ne pouvait pas savoir, il y avait tant à surveiller déjà parmi les prisonniers. Je devais me reprendre, je commençai déjà à soupçonner n'importe qui, n'importe quoi. S'évader, outre les obstacles énormes qu'il devait passer, n'était pas une option pour lui. Mon hypothèse est donc qu'il y a été incité. Quelqu'un tire les ficelles et si c'est la mafia, je reprenais à l'égard de Jessie à nouveau, on l'arrêtera et cette fois-ci une bonne fois pour toute."
Mais quelque chose m'inquiétait. Milo avait certifié que son opération de braquage ordonnée par la mafia n'avait pas pour objectif de le laisser vivant. Ils avaient souhaité se débarrasser de lui comme on sacrifie un pion sur un échiquier, tout cela pour faire bouger une autre pièce importante. A en suivre cette logique, l'organisation criminelle n'aurait eu aucun intérêt à déployer des moyens pour faire s'échapper le prisonnier. S'ils avaient souhaité réutiliser un pion, il y en avait bien assez à faire chanter en ville. Et s'ils avaient souhaité faire taire Milo du peu qu'il en savait concernant leurs membres, ils ne l'auraient pas fait s'échapper : tout au plus l'auraient-ils assassiné directement dans l'enceinte de la prison, rien que pour exposer leur force et faire passer comme message à la justice qu'aucun mur ne saurait les arrêter. Cette évasion ressemblait davantage à un appât que nous, policiers, avions tout intérêt de mordre. Je ne comprenais ni qui ni pourquoi, mais une chose était sûre... Piège ou non, je sauterais pour sauver Milo.