« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
Et voilà que Ava se permettait de casser l’ambiance ! Timothy eut une moue boudeuse, les lèvres relevées sous son nez et regarda ailleurs pour ne pas avoir à lui dire ce qu’il pensait de ses mises en garde. C’était bien la centaine fois, en une seule journée, qu’on lui disait de faire attention, à lui et pas à un autre. Sauf que Tim savait bien que tous ceux qui lui disaient ça ne faisaient pas plus attention que lui. Sauf qu’eux, pour une raison qu’il ne comprenait pas, ils avaient le droit de faire des bêtises, de traverser en courant, de… oui bon, en vérité il savait pertinemment pourquoi : lui, il n’était pas assez doué pour se rattraper. Il n’était pas un chat qui retombait sur ses pattes peu importait la distance avec le sol. Il était juste un écureuil surexcité.
Si Timmy ne fut pas sûr de ce qu’il devait lui répondre, entre une grosse envie de bouder, voire de lui tirer la langue, et une sérieuse envie de la rassurer, de lui dire de ne pas s’en faire pour lui, il comprit, au moins, une partie de son inquiétude. Lui non plus n’apprécierait pas de savoir ses amis à l’hôpital. Mais eux, ils n’avaient pas l’habitude d’y faire des séjours. Alors que lui, c’était si régulier qu’il se demandait encore comment il faisait pour payer les frais. Il connaissait les trois quarts des médecins et des infirmiers, là-bas, ainsi que les agents d’entretien, et les patients coincés dans l’hôpital pour de longues durées. Au moins, quand il se retrouvait là-bas, Timothy faisait résonner ses rires intempestifs dans les couloirs et personne ne semblait lui en vouloir.
Ça vaaaa ! À l’hôpital, ils ont l’habitude de me voir débarquer, ouais ! Et je suis pas sûr de voir ce qui pourrait être pire…
Sa conscience du danger avait un sérieux problème de défaillance. Autant l’écureuil pouvait comprendre qu’un accident puisse être mortel pour les autres, autant il n’avait jamais compris que ça puisse être le cas pour lui aussi. Il fallait dire que dans son monde, il s’en était pris des balles sans mourir. Et le jour où il était mort, Moignon avait ressuscité plus tard. Alors bon, il avait encore beaucoup de mal à s’imaginer pouvoir mourir un jour.
Quand elle lui ordonna de ne pas se moquer, Tim hésita entre froncer les sourcils pour s’indigner et sourire pour lui indiquer qu’il ne le ferait pas. Ce qui donna un mélange des deux très bizarres et lui valut un regard en coin d’un passant. Bon, tant pis, le message devait être à peu près passé, non ? Il préféra écarter ces préoccupations et se concentrer sur les bêtises qu’avait pu faire Ava. À la voix ainsi, il n’aurait pas pensé qu’elle en était capable. Il commença, d’ailleurs, à imaginer toutes sortes de choses très amusantes.
Puis il eut une moue presque déçue, en entendant parler de lessive. Il voulait bien croire que c’était une bêtise, mais ce n’était franchement pas ce à quoi il s’attendait ! Il se sentait presque trahi, là. Bon, OK, il exagérait totalement. Mais ne pas savoir faire la lessive, c’était un des gros défauts de Timothy et lui aussi, une fois, avait réussi à mettre de la mousse partout. Ce qui l’avait beaucoup amusé, mais avait mis sa sœur dans une colère monstre.
Allez, avoue que tu t’es bien amusée à nager dans la mousse ! Haha ! C’est pas une bêtise si on s’amuse, non ? Puis t’as fait de mal à personne, alors ça paaaasse.
La suite lui arracha son petit sourire amusé. Il n’était pas assez débile, Timothy, pour ne pas comprendre qu’elle lui cachait volontairement une partie de l’histoire pour ne pas parler de cette fameuse personne. Et même s’il n’était pas bien au courant des relations des autres, il pensait pouvoir deviner qu’il s’agissait toujours de la même personne : le fameux gars qu’elle avait rencontré ailleurs. Il ne savait pas qui il était, mais il n’avait clairement pas le droit de traumatiser tant son amie qu’elle n’osait plus parler de lui ! Ça se faisait pas et Tim était prêt à aller jusqu’à l’ancienne maison d’Ava pour lui dire à quel point il était idiot, bien en face, en le regardant droit dans les yeux. Voilà.
J’suis sûr que j’aurais pu les manger !
Ce qui était la vérité, au fond. Timothy était prêt à tout manger, tant qu’on lui donnait le droit de manger. Le sel ne l’empêcherait pas. Ce ne serait peut-être pas bon, mais ce n’était pas ça qui l’arrêtait. Juste par principe, peut-être, oui. Histoire de ne pas gâcher, surtout, et de faire plaisir à une amie.
Hé ! Mais je dis rien ! ‘Fin j’essaie de rien dire. Mais les autres là, ils ont des yeux qui voient tout. Je peux pas me coincer le doigt dans une porte sans que toute la ville soit au courant ! C’est abusé.
Il fallait dire qu’à la moindre bêtise, Timothy avait une tête de coupable. Il ne savait pas le cacher, tout comme il ne savait, généralement, pas mentir. Ce qui ne l’empêchait pas de le faire à outrance, mais ses mensonges étaient toujours plus gros que le monde ou dits avec tous les signes du gars qui ment : les mains qui bougent, les yeux qui fuient, la voix qui tremble ou les rires nerveux. Il n’était franchement pas un bon menteur.
S’il vit bien, Tim, que des pensées semblaient fourmiller dans l’esprit de son amie, il ne fut pas sûr de savoir comment l’aider à se sortir de là et penser à autre chose. Cette histoire de professeur, en tout cas, lui passait clairement au-dessus de la tête. Il était loin d’imaginer que Ava pouvait parler de lui. Alors, quand Ava le lui dit bien en face, Tim ne put que papillonner des cils, l’air de ne rien comprendre, jusqu’à ce que ses joues rosissent sous le coup des compliments sous-entendus. Non, vraiment, il n’avait pas l’étoffe d’un professeur, lui !
Mais non, mais non ! Je lui apprends rien du tout. Elle apprend tout toute seule comme une grande.
S’il pensait ne pas pouvoir être plus gêné qu’à ce moment, alors qu’il était question d’enseigner le dessin à une gamine – ce qui n’était peut-être rien pour les autres, mais représentait beaucoup pour lui – c’était sans compter sur Ava qui en rajouta une couche. Il rougit plus fort, soudain conscient que ses efforts pour avoir l’air de ne penser à rien tombaient tous à l’eau. Il était plus lisible qu’un livre ouvert, apparemment (ce qui n’était pas dur pour lui) et ne sut pas ce qu’il devait répondre à ça, exactement.
On a tous des pensées sérieuses, on demande pas tout le temps à tout le monde de les dire pour autant.
Il bouda un peu, voilà. Parce qu’il ne savait pas comment se sortir de cette situation autrement qu’avec un beau boudin. Puisqu’il ne pouvait pas lui faire gober qu’il ne pensait jamais à rien de bien intéressant, il pouvait, au moins, lui faire gober cette magnifique part de gâteau qui l’appelait. Il tendit d’abord celle pour Ava et attendit qu’elle s’en empare pour reposer la boîte sur ses genoux. Il avait très faim, l’asiatique, comme la moitié du temps dans sa vie, mais là, il avait d’autres priorités que son estomac gargouillant.
Et après, c’est moi qui mens ! Bien, bien, je note. Et même que je vais faire un truc : si tu manges pas ta part, je mange pas la mienne. Et c’est franchement de la torture ça, tu peux pas me faire ça, Ava. Pense à mon petit estomac qui meurt d’avance de devoir attendre son tour.
Ce que monsieur l’estomac souligna d’un beau gargouillement. Et Tim prit un sourire idiot, les cils battants, en attendant de voir Ava manger sa part de gâteau. En vérité, il ne comptait pas la forcer pour de vrai, mais il aimerait bien la voir mordre dedans au moins une fois. C’était peu, mais c’était toujours mieux que rien. En attendant qu’elle se décide à faire ce qu’il lui demandait, Timothy se permit de lui tapoter l’épaule gentiment, le maximum qu’il pouvait faire, pour l’instant, pour essayer de la rassurer.
Bon, OK, j’avoue. Je pensais à toi. Je me suis dit que t’avais besoin de manger, t’as pas l’air dans ton assiette. Ça m’inquiète. Si tu manges, promis, je m’inquiéterais moins.
Moins, oui. Mais il continuerait d’être persuadé qu’elle n’allait pas bien et d’essayer de trouver des solutions pour que la blonde aille un peu mieux.
Ava n’aurait peut-être pas dû faire une petite leçon de morale à Tim. Mais elle était comme ça, elle prenait soit des personnes qui l’entouraient. Puis, elle voyait souvent le jeune homme comme un enfant. Mais elle n’était pas sa mère, elle n’était que son amie, amie qui voulait prendre soin de lui. Elle voulait prendre soin de tout le monde, parce qu'elle voulait les garder le plus proche possible d’elle. C'était comme ça, elle s'inquiétait pour tout et rien. Et cette peur de perdre quelqu’un s’était intensifiée depuis qu’elle avait perdu Mark. Elle pouvait avoir des fois une action dangereuse, surtout avec son métier. Elle fonçait souvent tête baissée, sans vraiment voir le danger au premier abord. Mais dans le fond, elle savait que Timothy comprendrait, un jour, quand elle lui parlerait de ses peurs. Quand elle lui racontait tout, vraiment tout.
La jeune femme tourna ta tête vers lui. Tout le monde le connaissait à l’hôpital ? C’était quoi cette histoire ? Normalement, on ne devrait pas connaître l’hôpital par cœur, ni que tout le monde le connaisse. Ava ferait en sorte qu’il ne mette plus vraiment les pieds dans un hôpital, parce qu’Ava ne sait pas si elle arriverait à lui rendre visite. Parce que dans ce genre d’endroit, régner souvent la tristesse, la peur, mais aussi la joie. Mais Ava préférait encore voir les personnes comme aujourd’hui. Dans un parc, à regarder les personnes vivent, comme si, rien ne pouvait leur arriver. Comme s'ils étaient invincibles, comme si, les aléas de la vie ne pouvaient pas intervenir dans leur moment de bonheur. C’était faux. Tout était faux. Ava le savait très bien.
“Non mais Tim, tu n’iras plus à l’hôpital maintenant que je suis revenue. La mort, la mort peut être pires..”
Un soupir passa entre ses lèvres. La mort était sans doute quelque chose de destructeur. Elle arrivait par surprise, balayant tout sur son passage. Ravageant tout. Laissant que la peine, la douleur, et les pleurs. Elle détestait ça, et pourtant, elle savait qu’elle devrait de nouveau faire face à tout ça. Dans le fond, elle espérait pouvoir partir avant les autres, au moins, elle ne souffrirait pas de nouveau. C’était sans doute égoïste de sa part. Mais il fallait savoir être égoïste. Juste pour être heureuse, même si c’était pour un petit temps.
Il était vrai qu’elle s’était bien amusée pendant cette après-midi, où elle était restée assise dans la mousse, essayant de comprendre ce qu’il se passait. Elle avait bien rit, tombant souvent par maladresse ou simplement à cause du savon. Mais, cette aventure lui avait permis de rencontrer la personne qui avait fait vibrer son cœur. Elle l’avait déjà vue plusieurs fois à travers sa fenêtre. Elle l’avait trouvé beau, elle avait ri seule devant son évier quand elle l’avait vue jouer avec sa nièce. Mais elle n’avait jamais osé lui parler. Non. Juste de simples bonjour quand ils se croisaient dans la rue. Parce qu’Ava pouvait être très timide quand une personne lui plaisait. Et cette mousse avait fait débloquer les choses. Et dans le fond, elle avait vécu une de ses plus belles histoires d’amour. Elle ne crachera jamais sur cette relation. Et quand, elle pourrait en parler, elle ferait le plus beau portrait de Mark.
“Je suis d’accord avec toi. C’était une bêtise, mais en fin de compte, je me suis bien amusé.”
Ava survolait Mark, elle n’arrivait même pas à dire son prénom, bien trop douleur pour son cœur en miette. Pourtant, elle pourrait en parler, dire tout ce qu’elle a en elle. Elle n'irait sans doute mieux, ou peut-être pas. Parce que revivre ce sentiment d’abandon n’était sans doute pas la meilleure des solutions, elle le savait. Oui, parce que dans le fond, Mark l’avait abandonné, partant sans un mot. Elle n’avait pas eu le temps de lui dire au revoir, ni de je t’aime. Ça aurait été sans doute moins douloureux de le perdre. Un petit sourire se dessina sur ses lèvres, elle savait que Tim mangerait les choses les plus infâmes, juste pour faire plaisir à la personne. Parce que Tim était un vrai amour, et qu’il avait tendance à vouloir faire plaisir aux personnes qui l'entouraient.
“J’en suis sûre. Mais si, je dois te faire des cookies, je ferais attention à mettre du sucre.”
La jeune femme en ferait sans doute pour leur prochaine rencontre. Des cookies à la noisette seraient un bon goûter, elle le savait. Il serait un homme heureux. Secouant la tête, la ville était pourtant grande, mais les personnes se connaissaient plutôt bien. Et Timothy devrait connaître beaucoup de personnes. C’était comme ça. Il était adorable, et le monde devrait avoir un ami comme lui. Parce que, même si, il pouvait paraître enfantin des fois. C'était un très bon ami.
“Tu sais, les personnes parleront toujours. Puis, un jeune homme qui manque de se faire écraser ou autre fait parler. Il faut juste éviter de se faire prendre.”
Ava savait que ça serait compliqué pour le jeune homme. Parce qu’elle savait que dans les jours ou semaines à venir, elle pourrait entendre des personnes parlaient du fait qu’un jeune homme avait manqué de se faire écraser. Elle serait de qui les personnes parlaient et elle ne manquerait pas de le voir, pour savoir si tout va bien.
“Oui, mais je suis sûre qu’elle te regarde dessiner. Alors, tu lui apprends bien plus que tu ne le pense.”
Elle savait qu’il serait gêné, ou qu’il ne comprendrait pas forcément ou qu’il ne ferait pas le rapprochement entre lui et le professeur. Mais Ava voulait qu’il prenne conscience que le dessin, du moins, que si Sally dessinait bien, c’était grâce à lui.
“C’est vrai, des fois, il faut garder ces pensées pour soi. Dans le fond, certaines pensées sont secrètes. Ils n’appartiennent qu’à nous.”
Elle lui adressa un petit sourire, avant de regarder les deux parts de gâteau. Avant d’en prendre une dans ses mains juste pour faire plaisir Timothy. Elle posa la part sur ses genoux. Puis son regard se posa sur le jeune homme qui venait de lui poser un ultimatum. Elle lui fit même les gros yeux, alors qu’elle entendit le ventre de ce dernier se mit à gargouiller. Elle reporta son regard sur la part de gâteau, il avait vu clair dans son jeu. Elle n’arrivait pas à cacher son mal-être. Elle n’arrivait pas à être la jeune femme qu’elle était vraiment.
“D’accord. Je vais en manger un bout.”
La blondinette lui adressa un sourire avant de croquer un bout. Elle ferma les yeux, le gâteau était vraiment bon. Et par gourmandise elle aurait pu tout manger. Mais l’envie n’était pas là. Non, la boule qui noyait son ventre ne faisait que grandir au fil des minutes. Parce que, s’il avait vu qu’elle n'était pas son assiette, c’était que la jeune femme n’était pas une bonne comédienne. Qu’elle n’était pas aussi forte qu’elle ne l’aurait pensé. Relevant le regard devant elle, elle prit une grande respiration. Peut-être deux ou trois. Elle ne savait pas vraiment.
“Tu sais Tim, je n’ai pas tout dit. De la vraie venue ici. Je n’ai pas vraiment dit pourquoi j'étais de nouveau à Storybrooke. Je ne sais même pas pourquoi je n’ai pas dit les choses. Ce n’est pas une honte, je n'en ai pas honte. C’est juste que tout au fond de moi, je suis brisé. Je ne ressens que de la douleur, de la tristesse. On ma prit mon cœur, on la arrachait, et on l'a piétiné devant moi.”
Elle prit une nouvelle respiration, elle sentait sa gorge se nouer au fil des mots. Elle savait que les mots qui allaient venir ne seraient pas forcément des plus joyeux. Alors, elle attendit. Elle attendit que le jeune homme finisse de manger son gâteau. Parce qu’elle ne voulait pas gâcher ce moment de plaisir, surtout pour Tim.
“Je ne sais pas si tu te souviens d’un certain Mark. Je t’en avais parlé dans certaines lettres. Tu t’aurais bien entendu avec lui. Il est tellement gentil, attentionné. Et bon cuisiné. Il adore faire des gâteaux pour le voisinage. Bon, tout n’était pas rose, ils nous arrivent de nous disputer, comme dans tous les couples. Si, j’aurais pu, il serait venu tous vous rencontrer, parce qu’il vous connaît. Je lui ai beaucoup parlé de vous. - Elle soupira. - Mais, tu sais aussi que la vie peut-être injuste aussi. Je sais que son métier est un métier à risque. Mais je n’aurais jamais pensé qu’il perdrait la vie pendant un service. Je ne pensais jamais dire que j’ai perdu l’amour de ma vie parce qu’une personne à eu l’intelligence de faire un braquage et d’ouvrir le feu sur des agents. Et pourtant, j’ai l’impression que je vais rentrer chez moi, et qui va être là, à m’attendre avec son magnifique sourire…”
Elle ne regarda pas une seule fois Timothy, aucune larme ne coula sur ses joues. À aucun moment, une émotion ne passa pas sur son visage. Elle resta de marbre, comme si cette histoire ne la touchait pas, alors que c’était tout le contraire. Au fond d’elle, c’était la guerre, la guerre contre elle-même. Elle ne savait pas si le jeune homme comprenait tout ce qu’elle venait de dire. Elle ne savait même pas pourquoi elle avait parlé. Sans doute qu’elle avait senti le besoin de se confier à quelqu’un. Et que pour le moment, Tim semblait être la bonne personne. Puis, dans le fond, elle ne voulait pas lui cacher quelque chose d’aussi important. Puis, elle savait qu’il garderait ça pour lui.
“Voilà, pourquoi je suis revenue ici. Mais ne t’en fais pas. Ca ira mieux avec le temps. Le deuil n’est pas une chose facile. - Elle haussa les épaules. - Bref, passons à autre chose, je ne veux pas gâcher cette belle journée.”
Il ne sut pas comment la rassurer sur ses bêtises et lui dire de ne pas s’en faire, que ça n’allait jamais bien loin, qu’il ne risquait rien. Au fond, la seule fois où il avait vraiment risqué sa vie, il ne pouvait pas appeler ça une bêtise. Il l’avait fait pour le bien de son meilleur ami et il aurait, aussi, été capable de faire la même chose pour Ava. Les choses étaient allées un peu loin seulement parce qu’il avait eu besoin de se donner à fond pour faire sortir Bran de son enfer, et qu’il avait échoué, comme le gros débile qu’il était. Il préféra ne rien ajouter sur ce sujet, pour ne pas relancer le débat, conscient qu’il n’arriverait jamais à la rassurer. En général, quand il essayait cet exploit, il faisait tout l’inverse…
Il fut bien content, en tout cas, d’apprendre qu’elle s’était bel et bien amusée à se rouler dans la mousse, le jour où elle s’était trompée en faisant la lessive. Lui-même s’était pas mal éclaté, quand il l’avait fait, avant de se faire disputer. Dans ces cas-là, seule la fuite était permise. La fuite le plus loin possible, quitte à rejoindre la forêt et se cacher derrière un arbre, jusqu’à ce que la colère de sa sœur retombe. Ce n’était pas de sa faute, de toute façon. Elle savait très bien qu’il ne fallait pas laisser Moignon s’occuper de la maison.
À l’évocation des cookies, Timothy acquiesça vivement du chef, plusieurs fois, avec un grand sourire. Il ne dirait sûrement pas non à un peu de nourriture gratuite. Surtout des cookies. Tout le monde aimait les cookies, non ? Lui, il adorait ça, en tout cas. Et il aimait encore plus quand ils étaient fourrés de noisette, mais il ne comptait pas faire son exigeant avec Ava. Pas pour l’instant. Elle était à peine revenue, il préférait lui donner de l’air le temps qu’elle s’habitue à nouveau à l’avoir dans les pattes. Elle finirait peut-être par lui dire de la laisser tranquille, à force de le voir traîner dans les coins. Et il ne le prendrait même pas mal, en vérité. Sûrement que ça l’amuserait.
Éviter de se faire prendre, Tim n’avait pas la moindre idée de la manière de le faire. Il était trop transparent, lui. Dès qu’il faisait une bêtise, c’était marqué sur son front. Non pas parce qu’il avait honte de sa bêtise, mais parce qu’il savait pertinemment qu’il allait se faire disputer et qu’il avait, alors, sa tête de chien battu qui réclame qu’on le laisse tranquille. Quand il aurait Canigou, ils se mettraient à deux pour essayer de faire craquer le cœur d’Aya. Mais pour l’instant, il était tout seul et ça ne marchait pas vraiment.
En tout cas, Moignon n’avait jamais pensé à la possibilité que le regarder dessiner permettait, peut-être, à Sally d’apprendre quelques combines. Il savait bien que, de temps en temps, il lui expliquait rapidement comment faire telle ou telle chose, mais il n’était pas un bon pédagogue et ses explications n’expliquaient rien du tout. Le plus souvent, il lui montrait directement sur sa feuille ou en s’emparant des mains de la gamine pour qu’elle comprenne les gestes. Maintenant qu’il y pensait, Ava avait raison. Sa manière de lui montrer par la pratique, plutôt que de lui expliquer la théorie, pouvait, peut-être, avec un gros peut-être, s’apparenter à un professeur et son élève. Mais il préférait, lui, pour le bien de son petit cœur, penser qu’ils étaient juste deux amis qui se lançaient des défis en dessin.
Timothy tenta de faire un clin d’œil à Ava, raté comme à son habitude, pour lui indiquer qu’elle avait tout à fait raison. Certaines pensées devaient être gardées secrètes, même s’il arrivait rarement à faire cet exploit, lui. Bien souvent, il ne pouvait s’empêcher de mettre une ou deux personnes, au minimum, au courant de ses secrets les mieux cachés. Ce qui concernait, globalement, la cicatrice dans son dos et sa relation passée avec le plus beau des chats, dans son monde à lui. Une histoire qu’il n’avait quasiment dévoilée à personne, en vérité. Il n’était même pas certain d’en avoir parlé à Bran. Mais comment avouer à son frère qu’il était sorti avec une fille, au PTM, et que tout le monde lui disait tout le temps qu’il ne la méritait pas le moins du monde ? Il en était même venu à le penser, lui aussi, et à se demander pourquoi elle perdait son temps avec lui. Alors, clairement, il ne pouvait pas le dire à son meilleur ami.
Même si son ventre gargouillait, Tim prit sur lui et attendit sagement qu’Ava fasse ce qu’il l’obligeait un peu à faire. Il s’en voulait d’avance, de la forcer ainsi, mais il pensait sincèrement que c’était uniquement pour son bien. Un bout de gâteau ne suffirait pas à redonner des couleurs à la blonde, mais il pensait que, peut-être, un petit bout en entraînerait un deuxième, puis un troisième et qu’elle finirait par tout avaler. Ce qui l’empêchait, surtout, de penser qu’elle pouvait ne plus avoir d’appétit, comme ça lui était arrivé, à lui, le jour où Bran avait disparu. Il ne voulait pas qu’elle en arrive à ne plus se nourrir, peu importait la raison qui la poussait à agir ainsi. Alors, il l’encouragea, du mieux qu’il put, en tapant dans ses mains quand elle croqua un bout de gâteau et le mâcha. Il fit de même de son côté, comme pour lui dire de continuer, sauf que lui ne s’arrêta pas à la première bouchée.
Et il eut bien du mal à ne pas s’étouffer avec son gâteau, quand Ava commença à parler. L’air de rien, il avala tout rond et s’empressa de terminer une part qui n’avait, déjà, plus de goût. À la place, il sentait un goût désagréable, au fond de sa gorge, alors que le bout de son nez le picotait autant que ses yeux noirs, qu’il ferma plusieurs fois, comme s’il avait une poussière dans l’œil. Tim savait bien que quelque chose n’allait pas, mais il devait bien avouer qu’il n’était pas prêt à entendre Ava se confier à lui. D’habitude, on gardait les vraies discussions pour les autres, pas pour les idiots comme lui. Et si ça avançait à ce rythme, il n’était pas certain de pouvoir résister jusqu’au bout, alors que les mots d’Ava creusaient déjà un trou béant dans son petit cœur tout mou.
Il ne savait pas encore ce qui s’était passé, mais il jurait que si le fameux bonhomme lui avait fait du mal, il irait le retrouver pour le lui faire regretter. Bon, rien de trop méchant, parce que Tim restait Tim, mais il trouverait un moyen de le lui faire regretter. Quitte à décharger la colère d’autres personnes sur lui. Il en était capable, Timothy, pour sauver l’honneur de son amie. Ça ne se faisait pas d’arracher le cœur d’Ava et de le réduire en bouillie. Personne n’avait ce droit. Mais il préféra garder le silence, les dents serrées, et écouter ce qu’elle allait lui avouer.
Docile, à l’écoute, Tim resta immobile. Il ne fit pas le moindre mouvement et s’imprégna de tous les mots comme s’il pouvait, par la même occasion, en prendre les souvenirs pour lui et libérer Ava de ce poids, sur ses épaules. Il attendit qu’elle ait tout fini, une boule énorme coincée en travers de la gorge, et essaya, tant bien que mal, de l’avaler quand Ava leur conseilla de passer à autre chose. Comme si c’était possible ! Quel ami serait-il, s’il passait simplement à autre chose ? Il n’en avait pas envie et il ne manquerait pas beaucoup, à Tim, pour verser une larme ou deux. Bon, OK. Clairement, si Ava se mettait à pleurer, il finirait par chialer comme une madeleine. Mais justement, il ne pouvait pas se le permettre ! Alors, il claqua à nouveau dans ses mains, une seule fois, et bondit sur ses jambes pour se planter bien droit devant Ava. Là, il baissa enfin ses yeux noirs sur elle et tendit les deux mains.
Viens là.
Ce n’était pas tous les jours que Tim était prêt à donner de sa personne ainsi, sans qu’il ne s’agisse d’un coup de tête. Mais il savait les bienfaits des câlins, il adorait les câlins et il voulait essayer, par un câlin, de réconforter un peu celle qui lui avait tant manqué. Ceci dit, il ne la forçait pas à accepter. Si elle le voulait, il refermerait les bras dans son dos et la serrerait doucement contre lui, en lui caressant un peu les cheveux. Si elle ne le voulait pas, il resterait comme un con, les bras tendus, pour lui signifier qu’elle pourrait en réclamer un quand elle le voudrait.
Tous les couples se disputent, tu as bien raison. Je le faisais aussi, avec ma petite-amie, dans le monde d’avant. Mais chut, c’est un secret juste entre nous, OK ?
Bon, clairement, Timothy commençait très mal, mais il n’avait pas la moindre idée de la meilleure manière de réconforter quelqu’un. Tout ce qu’il savait faire, lui, c’était raconter des conneries, faire des bêtises et amuser la galerie. Il avait été créé pour ça, pas pour trouver les mots justes quand on en a besoin. La seule qui pourrait le faire, ce n’était pas lui, mais sa sœur, sans doute. Sauf qu’elle n’était pas là et qu’il se devait d’essayer, au moins un peu, de remplir le rôle qui lui était confié.
Tu l’as pas perdu, décréta-t-il, très sûr de lui. Il a toujours sa place dans ton cœur, tu peux lui parler, ne pas l’oublier. Tu peux te moquer un peu si tu veux, mais avant, dans mon monde, j’amenais toujours une BD Mister CoolSkin à ma grand-mère, puis je lui demandais si elle avait aimé et je la teasais sur la suivante.
Oui, bon, il avait bien conscience que c’était complètement débile, mais la détresse d’Ava le poussait à la panique et quand il paniquait, Tim avait tendance à raconter n’importe quoi et avouer plus de choses qu’il ne le devrait sur sa vie d’avant.
Ce n’est pas facile, mais chacun avance à son rythme et… les choses finissent par… se décoincer ? Tu n’y peux rien, tu n’es pas responsable et tu n’as rien fait de mal. Puis, c’est pas comme si t’étais nulle et que c’est juste que tu pouvais pas le sauver. Enfin… tu vois ce que je… veux… Raaah ! Je suis nul ! Ça craint !
Il s’emmêlait totalement les pinceaux, Timothy, et ne savait plus ce qu’il devait dire pour calmer le jeu. Certainement qu’il était le moins doué de la Terre pour rassurer Ava. En tout cas, elle pouvait être sûre qu’avec lui, son secret ne s’ébruiterait pas. Tim était peut-être un piètre menteur et incapable de garder ses propres secrets, mais quand il s’agissait des autres, il était muet comme une… tombe ? Sérieux… même ses pensées craignaient un max.
Tu ne gâches rien du tout ! s’emporta-t-il, faussement énervé, en pinçant sans forcer, les joues d’Ava. La seule chose que tu gâches, c’est cette belle part de gâteau faite avec amour par Sally. Alors, hop, hop ! Tu avales tout ça et tu me fais un joli sourire ! (Il tira à peine sur ses joues et s’amusa de leur élasticité, comme on le ferait à un enfant.) Haha ! Comme un petit hamster tout mignon !
Il gonfla lui-même ses joues d’air et retint un petit rire en lâchant enfin les joues de la pauvre blonde qui n’avait rien demandé. Finalement, d’un seul coup, il reprit un air un peu plus sérieux, dégonfla les joues et poka le petit nez d’Ava, devant lui.
Moi je suis content que tu sois revenue. Et on va tout faire pour que tu sois heureuse ici. Réparer ton petit cœur avec des pansements Pokémon, parce que c’est trop classe. Puis, tu sais, c’est pas à moi qu’il faut le dire, mais c’est à toi : Ne t’en fais pas, ça ira mieux, conclut-il avec toute la conviction dont il était capable, en ajoutant un léger sourire plein de l’affection qu’il avait pour son amie.
Ava se demandait comment Tim allait réagir. C’était sans doute la première fois qu’une personne lui racontait son mal-être. Et c’était la première fois qu’elle parlait à une personne. Elle ne répondait même pas aux appels qu’elle recevait de son ancienne belle-famille. Comme si leur parlait, aller enflammer encore plus son cœur. Comme si, les souvenirs qu’elle avait enfouis au fond d’elle allaient revenir comme les vagues sur une plage. Elle ne voulait pas, elle ne voulait pas souffrir encore plus. Pourtant, elle savait qu’elle devrait affronter ses démons pour avancer. Mais le plus tard possible serait la meilleure des choses. Pour elle. Mais les personnes extérieures devaient voir une personne malade, enfin, avec l’apparence d’une malade. Elle ne l’était pourtant pas, elle avait juste une énorme peine de cœur. Malgré qu’elle en ai parlé, elle sentait un peu plus la douleur l'étouffer. Elle pourrait craquer d’un instant à l’autre, elle le sentait au plus profond d’elle.
Pourquoi en avoir parlé maintenant ? Elle avait gâché leur superbe après-midi. Elle le sentait, elle le savait. Elle était vraiment idiote. Elle devrait se lever et partir, mais elle n’avait pas la force de bouger de ce banc. Le gâteau sur ces genoux, délicieux, n’avait plus le même goût pour elle. Elle le posa à côté d’elle, alors que ces yeux se posèrent sur le haut de Timothy. La jeune femme ne l’avait pas senti ce lever, ni se mettre devant elle. Lui proposait-il un câlin ? Lui qui en faisait à personne ou presque. Elle ne savait même pas comment réagir. Alors tel un robot, elle se leva avant de glisser dans ses bras. Elle posa tout naturellement sa tête contre le torse de Tim. En vue de sa petite taille, elle ne pouvait pas la poser autre part. Elle resta un moment sans bouger, écoutant les battements de cœur du brun. Elle avait l’impression de revivre. Car, pour elle, son cœur ne battait plus. Un petit sourire se dessina sur ces lèvres alors qu’une larme coula sur sa joue, larme qu’elle essuya bien vite. Elle ne voulait pas pleurer, surtout pas devant Tim.
“Tu avais une petite amie ? C’est vrai, mais je n’aime pas me disputer avec quelqu’un que j’aime.”
Ava était étonnée, il n'en avait jamais parlé. Elle ne l’avait jamais vue avec une fille. Elle en apprenait des choses. Elle se décala, lui laissant reprendre son espace vital. Elle n’allait pas abuser de la gentillesse de Tim. Elle savait qu’il était en train de faire un gros effort. Ce n’était pas facile de réconforter une personne en deuil. Elle-même, elle ne saurait pas quoi faire, à part un câlin et quelques mots gentils. Mais elle savait maintenant que ce genre de chose soulagé sur le coup, mais n'enlever pas la douleur. Alors qu’elle ne rêvait que de ça. Qu’on lui enlève son cœur qui souffrait, la boule qui lui broyait l’estomac et ses poumons. Qu’on retire toute la douleur, même le temps d’une journée. Et elle savait qu’à ce moment, elle serait de nouveau elle. Qu’elle serait l'Ava que tout le monde connaissait. Elle voulait revenir cette personne, juste pour se sentir plus légère.
Elle ne le coupa pas une seule fois, le laissant parler, souriant quelques fois. Il avait du mal, mais il s’en sortait plutôt bien. Il ne devait pas avoir l’habitude qu’une personne vienne lui parler autant, à cœur ouvert. Mais il pourrait lui changer les idées, elle le savait, il avait le don de la faire rire. Elle en avait la preuve pour la simple raison qu’il avait été le seul à le faire pendant les dernières minutes. Ava le laissa jouer ou faire je ne sais quoi avec ces joues, et ne pus que sourire face à son visage ressemblant à un hamster. Au moins, il arrivait à lui changer les idées, même si, elle revenait en force à chaque fois qu’elle baissait la garde.
“Tim, il n’est plus là, il ne sera pas là demain au réveil, ni quand je rentrerais. Je n’ai même pas osé aller à son enterrement. Je lui ai jamais dit au revoir. J’ai juste fui. Des cartons remplis de souvenirs devraient arriver, et je ne sais même pas quoi en faire. Je n’arrive pas à croire qu’il n’est plus de ce monde. J’ai l’impression de couler, que chaque bouffée d’air était comme une noyade. - Elle soupira - Mister CoolSkin, c’est quoi ? Je ne connais absolument pas.”
Elle essayait de changer de sujet, pourtant, elle avait commencé à parler alors, elle pourrait continuer. Ava avait besoin de décharger toutes ses émotions négatives comme positives. Parler avec un psy serait sans doute la meilleure solution, mais elle n’avait jamais vraiment aimé les endroits froids. Alors, elle préférait tout garder en soi, c’était une très bonne solution. Surtout pour se détruire à petit feu.
“Tu sais, je sais que je suis au fond du trou, en bas de la pente. Mais, la seule chose qui me reste à faire, c’est de remonter, gravir cette pente. Mais je n’ai pas le courage de le faire. Je n’arrive pas. Pourtant, j’ai envie d’être de nouveau heureuse. D’être la personne que vous avez connue avant. - Elle haussa les épaules. - J’aurais pu le sauver, j’aurais pu le retenir plus longtemps avant d’aller au travail. Mais je n’ai rien fait.”
Dans le fond, Ava se sentait sans doute coupable, coupable de se sentir si nul. Ava le laissa jouer ou faire je ne sais quoi avec ces joues, et ne pus que sourire face à son visage ressemblant à un hamster. Elle savait que les jours, les semaines à venir ne seraient pas faciles. Ni pour elle, ni pour son entourage. Elle devait juste éviter la casse, ne pas s’en prendre aux personnes qu’elle aimait.
“Oui, nous n'allons pas gâcher ce super gâteau. - Un sourire se dessina sur ses lèvres. - Des pansements Pokémon, il va en falloir des boîtes..”
Elle s'installa de nouveau sur le banc, laissant Tim prendre place à côté d’elle. Attrapant la part de gâteau, elle regarda cette dernière pendant un moment avant de croquer un nouveau bout. Elle se força à la manger entièrement, pour faire plaisir à Sally, mais surtout à Tim.
“En fait Tim.. Merci. Je sais que tu vas me dire que tu n’as pas fait grand chose. Mais tu m’as écouté, tu m’as réconforté, et non tu n'es pas nul pour ça. C’est juste qu’on a tous une façon de le faire. Et tu l’as fait à ta manière.”
L'asiatique ne savait pas ce qu’il pouvait faire pour rassurer son amie, bien qu’il en ait très envie. Il se maudissait, intérieurement, d’avoir toujours été un gros débile. Il connaissait les grandes claques dans le dos, les insultes et les moqueries, mais il ne savait pas trouver les mots pour réconforter ses amis. Tout ce qu’il pouvait faire, c’était ouvrir les bras à Ava et attendre de voir si elle accepterait de se serrer contre lui, pour qu’il referme les bras dans son dos et essaie, un peu maladroitement, de lui faire comprendre que tout irait bien, désormais, qu’il était là pour elle. Un câlin ne faisait pas disparaître la douleur, mais il lui promettait qu’elle pouvait s’appuyer sur lui et partager, avec lui, une partie de sa peine.
Alors, les bras ouverts à la blonde, Timothy attendit le verdict. Il comprendrait qu’elle ne veuille pas accepter l’invitation. Il n’était même pas certain, lui-même, de pouvoir lui offrir ce câlin sans paniquer comme un abruti, mais il voulait essayer pour elle. Au fond, Tim aimait bien les câlins, il était juste incapable d’en faire à une fille, même une amie, sans rougir comme un abruti. Il avait, aussi, toujours peur de leur faire mal sans le vouloir puisqu’il se savait plus violent qu’il ne le voudrait vraiment. Alors, la plupart du temps, il se retenait, il restait dans son coin, et il offrait ses câlins à son frangin. Au moins, lui, en tant qu’alien indestructible, ne craignait pas la poigne de Timmy.
Il n’eut pas à attendre longtemps, l’écureuil, avant qu’Ava n’accepte de venir se réfugier contre lui. Aussitôt, il referma les bras dans son dos et posa une main sur ses cheveux blonds, pour la caresser doucement. Il lui semblait que son amie était minuscule, entre ses mains, et il n’était pas certain d’arriver à savoir si ça avait toujours été ainsi ou non. Avait-elle toujours été plus petite que lui ? Si petite qu’il ne s’attendait pas du tout, lui, à ce qu’elle ait l’oreille directement collé à son cœur de débile qui tambourinait un peu fort, dans sa poitrine. Déjà, parce qu’elle était serrée contre lui, puis parce qu’il était hyper triste pour elle et enfin… parce qu’elle venait de lui poser la question piège qui le paniqua totalement.
Je… Je… Euh… Bah… Bien sûr que non ! J’ai menti, oui. Qui voudrait du petit Moignon, de toute façon ? Hahaha… Haha… Ha… Hmm.
Totalement pris au dépourvu, Timothy paniqua et mentit, de sa façon bien à lui de mentir sans pouvoir cacher qu’il mentait, au sujet de cette petite-amie. Il en avait eu une, oui, mais dans l’autre vie. Dans cette vie-là, il s’était toujours tenu loin de ces questions et ne s’y intéressait vraiment pas le moins du monde. C’était mieux comme ça. Il ne voulait pas qu’une nouvelle Ursula entende, dans son dos, que Tim ne la méritait pas, qu’elle perdait son temps avec lui ou, pire, qu’elle n’existait même pas ! Combien de fois lui avait-on dit qu’il mentait et qu’il n’avait pas de petite-amie ? Il ne voulait même pas imaginer comment son p’tit chaton d’amour avait dû se sentir, à l’époque. Il valait mieux éviter de recommencer la même erreur dans ce monde-ci. Puis il était très bien seul, loin des soucis, des engueulades, de toutes ces choses-là.
Cette histoire de grand-mère et de BD n’avait pas du tout aidé Ava à aller mieux. Il s’en rendait bien compte, Moignon, et il ne savait pas quoi faire pour arranger les choses. Il aurait peut-être dû préciser que sa grand-mère était morte et qu’il déposait les exemplaires de sa série favorite sur la pierre tombale qui recouvrait le cercueil de la vieille femme. Il aurait, sûrement, dû avouer que tout ceci remontait à une autre époque et que les choses étaient différentes dans ce monde-ci : il ne se rappelait pas avoir perdu quelqu’un, dans cette vie, et il croisait les doigts pour que ça n’arrive jamais. Tim était capable de montrer au monde que tout allait bien, même quand il n’était pas d’humeur, mais face à la mort, il n’avait pas besoin d’essayer pour savoir que les choses seraient différentes.
Alors, allons-y ! décréta-t-il, avec conviction. Quand tu le voudras, quand tu te sentiras prête, allons lui dire au revoir. Si ça peut te faire du bien, faisons ça. Ou avec quelqu’un d’autre, tu sais. Je comprendrais que tu préfères quelqu’un de plus… capable. (Il haussa les épaules, loin d’être triste de se dévaloriser de la sorte.) Et pour les cartons, tu peux les laisser de côté, le temps que ça aille mieux. Et quand tu te sentiras d’attaque, tu pourras les ouvrir. Avec quelqu’un, si tu veux, pour t’aider. Ensuite, tu verras, tu pourras remonter à la surface et respirer un graaaaand coup. Et si ça pue un peu, à ce moment-là, tu pourras dire que c’est de ma faute, haha.
Un petit sourire aux lèvres, même si la situation ne s’y prêtait pas vraiment, Timothy leva un index qu’il posa sur ses lèvres, pour indiquer à Ava de ne pas le dire trop fort, tout de même. Même s’il savait qu’elle ne dirait pas ce genre de choses, et encore moins à d’autres, mais pour le bien de sa petite blague moisie, il se devait d’accompagner les gestes à la parole. Il savait bien qu’il faisait un peu n’importe quoi et qu’il racontait complètement n’importe quoi, mais il ne savait pas faire autrement, lui. Il se promettait, intérieurement, que la prochaine fois, il demanderait à quelqu’un de plus compétent pour remonter le morale d’Ava, quitte à exiger que son bro s’en charge pour lui. Il ne doutait pas que même Bran devrait mieux s’en sortir que lui.
Alors, là, ma cocotte, ne me lance pas sur le sujet, parce que je vais te faire touuuuut un exposé sur la meilleure BD du monde entier ! répondit-il, plein d’entrain. C’est une histoire de super-héros qui vient de mon monde et dont je suis ultra fan, ouais ! Bon, je l’ai un peu adaptée et je l’ai sortie, dans ce monde-ci. Je sais pas si c’est du plagiat ou pas, mais si ça t’intéresse, je te prête les premiers tomes. Ou je te les donne, ça me va aussi.
Étant donné que la BD était à son nom, Moignon pouvait bien se permettre d’offrir les tomes à ses amis. De toute façon, il ne laisserait pas le temps à Ava de lui dire non. Il était bien capable de venir au garage lui donner le premier tome dans la soirée, quelques heures après qu’ils se soient dit au revoir. Et puis, comme ça, il pourrait aller dire à Sally que son gâteau était grave bon, mais qu’il préférait, quand même, quand elle venait à ses rendez-vous, plutôt que de s’embêter et se prendre la tête sur des gâteaux. Il était heureux, avec des noisettes, mais il préférait largement profiter de ses amis.
Bah ! tu sais, t’es pas toute seule ! Touuuut le long de la montée, tu as pleins de petites mains qui se tendent vers toi pour t’aider. Et moi, je suis derrière à essayer de te pousser, tu verras. Enfin… derrière… mais c’est… euh… juste une façon de parler, OK ? Oublie ça.
Les joues soudain rouges, Timothy détourna le regard pour observer ailleurs, dans le parc. Tant pis pour le réconfort, il n’était vraiment pas doué. Ses mots créaient des images, dans son esprit, qu’il n’arrivait même pas à assumer. Derrière Ava à la pousser, ouais… et il la poussait en touchant où ? C’était n’importe quoi ! Même juste plaquer les mains dans son dos pour l’aider à monter, ça ne lui plaisait pas tant que ça. C’était, tout de même, bien différent d’un câlin, cette histoire.
Au pire, tu ne seras pas la même qu’avant, et ça change quoi ? (Timothy braqua, à nouveau, ses yeux noirs sur elle.) Heureusement qu’on change ! T’imagines, si j’étais encore le tout petit geek du fond de la classe, à ronchonner sur ses devoirs pas faits ? Maintenant, je suis un grand geek et ça change tout à ma vie. Ça viendra, faut pas te précipiter, chaque chose en son temps. (Soudain, ses yeux se plissèrent à leur maximum et il fronça les sourcils.) Oui, bien sûr. Tu aurais aussi pu le tuer toi-même ou ne jamais partir. Et ça change quoi ? C’est pas avec des si et des conditionnels qu’on fait la vie. Sinon ce serait hyper trop simple. Je pourrais dire que si je t’avais retenue ici, alors rien ne serait arrivé, donc c’est grave de ma faute, t’as vu.
Très fier de son raisonnement bancal, Timothy acquiesça plusieurs fois du chef et tapota le haut de la tête d’Ava. Il savait bien, lui, ce que c’était de s’enfoncer dans des idées comme les siennes. Il avait fait la même chose quand son bro avait disparu et quand Lilo était tombée dans le coma. Il s’était persuadé qu’il aurait pu l’empêcher. Mais c’était faux. Ils n’avaient aucun pouvoir sur la vie. C’était ainsi. Il fallait faire avec et avancer, même si ça faisait mal au cœur.
À l’évocation d’une boîte de pansements Pokémon, les yeux de Timothy se remplirent de petites étoiles. Il sourit à pleines dents et se redressa, pour prendre une posture un peu arrogante sur les bords. Mais bon, venant de lui, il était évident que ce n’était qu’un mensonge de plus. L’écureuil passait trop de temps à se rabaisser pour qu’on le croit vraiment capable d’un ego surdimensionné. Il n’y avait bien qu’au sujet de sa grande taille qu’il se vantait pour de vrai, traumatisé par sa version miniature d’origine.
Tu me prends pour qui ? Bien sûr que j’en ai des boîtes entières ! Regarde !
Il souleva un bout de son t-shirt, sur son ventre, et dévoila un petit pansement affublé de mini Leveinards, collé sur le coin de sa hanche. Il n’avait rien de très grave, en dessous, seulement une écorchure qui avait saigné assez fort pour qu’il se sente obligé d’y mettre un pansement. Histoire que la tache de sang ne se voit pas sur son vêtement et qu’on n’essaie pas de le disputer à cause d’une énième écorchure.
Puisqu’Ava revenait s’asseoir sur le banc, il en fit de même, en replaçant son t-shirt correctement et frottant un peu sa joue droite, comme s’il suffisait de ça pour faire passer le léger rose sur sa peau. Montrer un bout de son corps, sans la moindre honte, c’était tout de même un peu… alors il préférait passer très vite à autre chose ! Comme cette part de gâteau qu’il la regarda avaler sans donner l’air d’en avoir très envie. Il s’en voulait vraiment de la forcer ainsi, mais il espérait que ça pourrait être le premier pas dans son deuil. Pour qu’elle ne prenne pas le risque de ne plus se nourrir, à l’avenir. Ce qui n’était franchement pas une bonne idée.
Bah ! Eh ! Euh… Bien sûr que j’ai rien fait, hein ! (Il passa une main dans sa nuque, comme chaque fois qu’il était gêné.) Tu me remercieras le jour où ça fonctionnera vraiment. Pour l’instant, il faut d’abord penser à toi ! Tu veux faire quoi ?
Si elle lui demandait, il pourrait sûrement trouver des tonnes d’idées, mais il préférait d’abord qu’elle lui donne ses envies à elle. Il n’avait pas besoin d’aller mieux, lui, il allait toujours bien ! Donc elle avait plutôt intérêt à lui dire ce qu’elle voulait, même si ce n’était que rester assis sur le banc à parler du beau temps. Il pouvait le faire.
Ava savait que Tim mentait, elle savait, elle le sentait. Dans le fond, elle comprenait peut-être qu’il veuille garder ça pour lui. Elle avait fait pareil d’un côté, même si dans ces lettres, elle avait parlé de Mark, elle était restée assez discrète sur sa relation. C’était son petit cocon, son jardin secret qu’elle n’avait voulu que garder pour elle. Comme si, les personnes extérieures pouvaient venir et percer sa boule d’amour. Elle savait que bien souvent, quand on tombait amoureux, on oubliait tout le reste. La famille, les amis pour se concentrer sur l’unique personne qui faisait battre son cœur à la chamade. Elle l’avait fait dans un sens en partant de Storybrooke, et elle l’avait fait encore plus quand elle s’était mise avec Mark. C’était sans doute pour ça qu’elle n’avait envoyé que des lettres, juste parce qu’elle pouvait écrire ce qu’elle voulait dedans. Mais elle n’avait jamais menti, non, elle avait juste oublié de mentionner certaines choses.
Maintenant, elle savait qu’elle ne mettrait pas sa famille de côté, et encore moins ses amis. Car l’amour pouvait être une chose éphémère alors que la famille et les amis étaient toujours là. Elle aurait pu n’être pas accueillie dans l’amour et la joie des retrouvailles. Non, au fond, elle aurait très bien compris qu’ils ne l'accueillent pas comme ça. Mais plutôt avec de la colère ou encore avec du recul. Elle pouvait se dire qu’elle avait de la chance d’avoir des personnes avec un aussi grand cœur. D’avoir cette famille qui serait prête à l’écouter et à la soutenir quoi qu’il arrive. D’avoir ses amis, enfin surtout Tim qui venait de faire un gros effort pour la prendre dans ses bras. Lui qui avait du mal avec le contact avec le sexe opposé. Elle ne l’avait jamais appelé ces dernières années, elle n’avait pas vraiment pris le temps de le faire. Enfin, c’était une excuse bidons, on avait toujours le temps d'appeler sa famille ou encore ses amis. Elle n’avait sans doute pas eu la force. Elle avait eu peur d’être renvoyée à son passé, de ne pas réussir à avancer ou encore se trouver réellement. C’était pour ça qu’elle était partie, pour pouvoir être de nouveau elle, du moins, pour savoir qui elle était vraiment. Une femme pleine de joie, douce mais tout aussi fragile. Et être ici, était la meilleure chose pour elle. Elle le savait, alors, elle ne repoussera jamais cette vie qui était la sienne maintenant. C’était souvent ainsi, on partait pour mieux revenir, elle aurait préféré revenir dans d’autres circonstances.
“Tu sais… Beaucoup de jeunes femmes voudraient de toi. Ne te rabaisse pas comme ça. Et quand tu seras prêt à me parler de cette demoiselle, je serai là pour t’écouter.”
La blondinette avait envie de le frapper. Il était la personne la plus adorable sur terre, il ne le voyait sûrement pas. Puis, tout le monde avait son âme sœur sur terre. Celle de Tim était quelque part, l’attendant sans doute. Mais, c’était souvent dur de voir ce que les autres voyaient. Il n’était pas moche, Ava n’allait pas se mentir. Il était marrant, d’une gentillesse sans nom. Elle aurait aimé qu’il puisse se voir comme elle le voyait, juste pour qu’il se dise qu’il avait une grande chance de connaître l’amour lui aussi. Tout le monde avait cette chance, il fallait juste laisser le temps au temps. Il ferait son travail au moment venu. Être patient, il le fallait, le temps apporter la joie, l’amour, la tristesse, la douleur, le rire, mais, elle pouvait aussi tout emporter d’un coup de vent.
Ava n’avait pas pu retenir un petit sourire. Aller sur la tombe de Mark. Aurait-elle vraiment le courage de le faire ? Elle ne pensait pas, enfin, pas pour le moment. Mais, l’aurait-elle un jour ? Sans doute pas. Dire adieu à quelqu’un n’était pas une chose facile. Surtout, qu’à ce moment-là, elle devrait sans doute lui dire au revoir pour toujours, et pourquoi le faire ? Pour aller mieux ? Sans doute. Elle ne savait pas vraiment, mais, elle savait qu’elle irait avec Tim. Il était le premier au courant, celui qui l'aider doucement à remonter la pente. Puis, dans le fond, elle avait toujours voulu lui montrer sa ville, il pourrait trouver des endroits magnifiques à dessiner. Puis, il aurait peut-être d’ici là d’autres personnes, mais pour le moment Tim serait son copilote.
“Arrête de dire des bêtises. Tu es capable. Regarde, tu m'aides déjà, mais tu ne t’en rends pas forcément compte encore. Quand je serais prête. D’accord. Je te ferai signe à ce moment-là. Ces parents ont été à la maison, sa mère n’a pas pris grand chose, elle veut me laisser faire les choses. Mais que faire de tous ses habits ? - Elle soupira. - D’accord, prendre un grand coup d’air, je devrais le faire plus souvent.”
Elle secoua la tête amusée, elle se sentait bien plus légère maintenant, du moins un petit peu. Elle n’aurait jamais pensé que d’en parler l’aiderait autant. Comme si, un petit poids qui se trouvait sur ses épaules était parti. Elle savait qu’il avait encore beaucoup à faire, elle le sentait. Mais, elle venait de faire un pas en avant, et il fallait faire en sorte qu’elle n’en fasse pas plusieurs en arrière maintenant. Mais pour Tim, pour l'effort qu’il avait fait de mettre son malaise de côté, elle ne le fera pas. Puis pour elle, elle ne pouvait pas, elle devait avancer, elle le savait. Elle ne pouvait pas rester dans l’ombre, elle devait aller dans la lumière.
“Je ne savais même pas que tu avais écrit un BD, c’est vraiment génial. Ce n’est pas du plagiat, puis personne n'est au courant d’où elle vient. Puis si tu as changé des choses, alors, ce n’est pas du plagiat. Et c’est avec plaisir que je lirais le premier tome.”
Ava était impressionnée, sortir une BD, ce n’était pas rien, c’était quelque chose de magique. Ça n'arrivait pas à tout le monde, certaines personnes mettaient des années rien que pour pouvoir sortir un livre. Alors, elle voulait savoir, voir cette BD. Elle ne doutait pas, une seule seconde que cette dernière était plus qu’excellente, puis, s’il avait fait les dessins lui-même, elle serait magnifique. Un rire s’échappa d’entre ses lèvres, alors qu’elle posa quelques secondes sa main sur le bras du jeune homme. Il était en train de s’en mêler lui-même. C’était assez marrant à voir.
“Tim. J’ai compris, merci. Ou sinon, tu pourras toujours me tendre la main comme actuellement. Sans te rendre compte, tu l’as fait.”
Elle secoua la tête, réfléchissant à sa question. Si, elle n’était plus la même ? Ça changeait des choses ? Peut-être pas tant que ça. Elle ne savait pas. Elle se posait bien trop de questions sur le faite de savoir si les personnes qu’elle connaissait l'aimaient toujours autant. Le deuil pouvait faire basculer les personnes du mauvais côté, elle le savait. Mais elle, elle ne voulait pas être le boulet, la personne méchante que les personnes se traînaient derrière eux. Non, elle voulait être la jeune femme qu’ils avaient connue, mais cette Ava là, était morte en même temps de Mark.
“Et si on ne m’aime plus ? Si je me transforme en une personne avec un cœur de pierre ? Tu es un grand geek avec un grand cœur. Je sais qu’on grandit, qu’on change et que les épreuves de la vie font de nous les adultes de demain. Mais pourquoi avoir des épreuves aussi dures ? On ne peut avoir une simple épreuve comme je ne sais pas moi. Un Hunger Games, mais sans mort. Et après nous laisser heureux pour le reste de notre vie. - Elle soupire - rien n’aurait été de ta faute, personnes n’auraient pu me retenir ici, je pense. Et je n’aurais jamais rencontré Mark et encore moins vécu cette magnifique histoire d’amour.”
Ava aimait se refaire le film dans sa tête, surtout le soir. C’était sans doute pour ça qu’elle ne dormait pas beaucoup. C’était sans doute pour ça qu’elle n’arrivait pas à remonter cette pente. Parce que son cerveau faisait tellement de scénarios différents qu’elle ne savait plus où donner de la tête. Et qu’un jour, elle reviendrait au vrai scénario et se dira qu’il n’avait pas eu d’autres solutions. Mais pour le moment, ce n’était pas le cas. Il aurait fallu sans doute rester plusieurs minutes au lit à rire, prendre plus le temps pour déjeuner ou bien encore pour un dernier câlin sur le pas de la porte. Mais rien ne s’était passé comme ça.
Baissant la tête, elle regarda le petit pansement sur le ventre du jeune homme avant de sourire. Malgré le fait qu’elle ne soit plus une enfant, elle préfère encore porter des pansements marrants plutôt que des pansements marron tout moche. Elle n’était sans doute pas la seule. Elle secoua la tête, faire rentrer dans la tête de Tim qu’il avait bien plus qu’il ne croyait pas serait une chose toute sauve facile. Elle soupira. Que voulait-elle faire ? Elle ne savait pas elle-même, elle ne voulait rien faire, mais elle ne pouvait quand même ne pas le dire à Tim. Ça montrerait qu’elle était encore plus au fond du trou.
“Bien sûr que tu as fait quelque chose. Tu m’as écouté. Tu essaies de trouver des solutions. Et même si tu ne le vois pas maintenant, tu le verras plus tard. - Elle lui adressa un petit sourire. - Heu.. Je viens de manger une part de gâteau, alors, je n’ai pas faim. Et si, on allait jouer à un de tes jeux ?”
Ava savait qu’elle lui faisait plaisir en lui demandant ça, mais aussi, parce qu’elle savait qu’en jouant, on ne pensait à plus rien. Juste au jeu, rien qu’au jeu. Et c’était sans doute ce qu’elle avait besoin actuellement. Penser à quelque chose d’autre qu’à Mark.
“Par contre, je te préviens, je suis vraiment nul.” Codage par Libella sur Graphiorum
Ne pas se rabaisser. Un conseil qui tomba dans l’oreille d’un sourd, étrangement. Moignon passait son temps à ça, quand il ne le passait pas à essayer de faire des conneries ou de rendre le sourire à ses amis. Il avait appris à être réaliste sur ce qu’il était. Passer son ancienne vie à être le raté de service, celui qui était là seulement pour la blague, pour avoir un naze sur lequel s’appuyer pour avoir l’air plus grand, plus fort, plus intéressant. Il savait, Tim, qu’il n’était pas très intelligent, qu’il n’avait aucun talent et qu’il était nul en sport. Il ne pouvait pas suivre le rythme de ses amis sans tricher. Même quand il faisait de son mieux, il finissait par tout rater.
Était-ce se rabaisser que de dire la vérité ? Timothy tomba un regard triste, sur Ava. Il ne voulait pas croire, comme elle, que beaucoup de femmes voulaient de lui. Il n’osa pas lui dire qu’elle, elle n’avait jamais voulu, de peur qu’elle avoue le contraire. Pour son petit cœur, il valait mieux qu’il ne soit jamais au courant. Jamais, jamais. JAMAIS. Il était sûr et certain, en tout cas, que personne n’avait jamais voulu de lui dans ce sens – et heureusement – ni dans ses amies, ni dans ses connaissances. Et il était loin de faire le rapprochement avec sa manie idiote de dire qu’il n’aimait pas les filles ou ne pensait pas à elle dans ce sens. Si le second était véridique, le premier l’était beaucoup moins.
C’est pas moi qui le dis, je fais que répéter ce que tout le monde dit, se défendit-il, maladroitement. J’ai fini par le comprendre aussi, c’est pas grave, au fond. C’est même mieux comme ça. (Il haussa les épaules, persuadé qu’aucune fille ne devait s’abaisser à vivre ce genre de murmures dans son dos.) Elle existe pas, je crois. C’était avant, tu vois. Dans mon monde à moi. Je te montrerai les vidéos, un jour, si tu veux.
Des vidéos qu’il ne montrait pas à tout le monde, l’asiatique, mais qu’il acceptait de confier à Ava. C’était, sans le moindre doute, sa meilleure amie chez les filles, même si Willie et Hazel devaient sûrement partager le podium avec la blonde. Charlie n’était pas loin non plus, mais ils avaient perdu énormément de temps, pendant qu’elle était partie, ce qui la laissait un petit pas derrière. Timothy ne manquerait pas de la rattraper pour la ramener avec les autres, ce serait bien mieux ainsi !
Et voilà que sa meilleure amie, quoi que douce comme pas permis, se mettait à le rouspéter encore ! Tim fit la moue et regarda ailleurs, comme un adolescent rebelle qui ne voulait pas entendre les adultes le disputer. Il n’avait rien fait de mal, c’était bon, ça allait, il n’y avait pas mort d’homme et beaucoup plus grave, dans la vie, qu’un ou deux mots balancés comme ça, au milieu d’une conversation. Encore une fois, il était réaliste et il disait la vérité, ce qui n’arrivait pas toujours. Il était même persuadé qu’Ava ferait mieux de le féliciter pour être honnête si longtemps !
Au fond, même s’il jouait le gamin boudeur, Timothy fut heureux de savoir qu’il l’aidait, au moins un peu, à se sentir mieux. Il ne pouvait pas imaginer qu’il serait assez intelligent pour être celui qui lui donnait la poussée nécessaire au décollage, mais il voulait bien croire qu’il l’aidait, au moins, à décrasser un peu le moteur. Une broutille face à tout le chemin qu’elle avait encore à parcourir. Cependant, il ne doutait pas que la blonde trouverait, sur sa route, tout plein de monde pour l’aider mieux que lui ne s’en sortait.
Tu peux les garder pour toi ? Les vêtements, ça peut aller à tout le monde. Sinon… Tu peux les donner à une association, si tu veux. Je suis sûr qu’ils ont besoin de vêtements tout le temps et les siens sont en bon état, c’est encore mieux.
Il n’était pas bien au courant de ce genre de choses, mais il était sûr que beaucoup d’associations ou d’organisations seraient prêtes à lui reprendre ses vêtements, gratuitement ou contre une petite compensation, si jamais elle en avait besoin. Timothy nota, dans un coin de son esprit, de faire quelques recherches à ce sujet, pour pouvoir lui conseiller noms et adresses. Si c’était ce qu’elle voulait, évidemment. Elle pouvait tout aussi bien les garder pour elle, il ne voyait pas le problème. Une fille, dans un t-shirt d’homme, c’était même plutôt joli, de son avis à lui. En tout cas, il trouvait ça plus attirant que les vêtements trop dénudés ou serrés. Même s’ils étaient jolis aussi, il ne disait pas le contraire.
Je te l’avais pas dit ? réfléchit-il, tout haut, sans trouver la réponse à cette question. J’ai écrit une série, Mister CoolSkin, et quelques one shots aussi. C’est mon métier, en vrai de vrai, dessinateur de BD. C’est ça que je voulais faire quand j’ai arrêté l’école. Je te la donnerai, alors !
À bien y réfléchir, ça ne l’étonnait pas tant que ça, s’il ne l’avait pas dit à Ava. Ce n’était pas contre elle, ou quoi, mais il n’en parlait pas toujours. Tim avait cette petite pudeur (ou débilité, mais il ne voulait pas le dire ainsi) qui l’empêchait de le crier sur tous les toits. Il était même plutôt stressé à l’idée que ses amis et connaissances aient déjà lu quelques uns de ses tomes. Il préférait, généralement, ne pas trop en parler, pour qu’on ne lui demande pas, non plus, de signer des autographes. Ce qu’il ne faisait jamais, trop honteux de ne pas savoir écrire deux mots sans faire dix fautes.
Te tendre la main… (Il baissa les yeux sur ses doigts, puis ceux d’Ava, et détourna le regard.) Non, non, ça, je peux pas. Mais je pat pat ton épaule quand tu veux, ça je peux !
Il associa les gestes à la parole, en tapotant gentiment l’épaule de la blonde, à ses côtés, un grand sourire aux lèvres. Tenir la main d’une fille, c’était beaucoup lui demander, à lui. Il ne voyait pas en quoi ça pourrait l’aider, de toute façon. Un câlin, c’était limite moins embarrassant que de tenir la main de quelqu’un, selon lui. Timothy avait, peut-être, des priorités étranges, dans la vie, mais il n’en démordrait pas. La main, c’était trop… trop… trop. Voilà, point.
Je suis sûr que même si tu tuais quelqu’un, tout le monde t’aimerait quand même, lâcha-t-il, dans un soupir qui criait d’évidence. En tout cas, il y aura toujours moi pour t’aimer quoi qu’il arrive, donc sauf si tu me dis que ça compte pas… (Il coula un regard en coin vers elle, sans arriver à retenir le sourire qui lui échappait doucement.) Si c’était trop simple, ce ne serait pas une épreuve, j’imagine. S’il suffisait de traverser la route – et mieux que moi, oui, je sais – alors on ne ferait pas grand-chose de nos vies et on apprendrait rien, je crois. De toute façon, c’est comme ça, on n’y peut rien.
Il ne savait plus ce qu’il devait dire Timothy. Il ne se sentait pas tellement légitime à réconforter sa meilleure amie, alors qu’il n’avait jamais connu la peine qu’elle endurait aujourd’hui et qu’il n’imaginait pas une seconde ce que ça devait être de connaître ce genre de perte. Même s’il avait connu des coups durs, des déprimes passagères qu’il n’oserait même pas appeler ainsi, il savait qu’il ne devait pas avoir vécu la moitié de ce qu’elle ressentait. Et il en était peiné plus qu’il ne le montrait, pour ne pas la faire replonger. Il devait garder le sourire et tendre la main, comme elle l’avait dit.
Trop bien ! Allons jouer, t’as raison ! J’ai pleiiiiins de jeux à te montrer, en plus. T’inquiète, je vais tout bien t’expliquer et tu vas devenir trop forte. C’est pas bien compliqué sinon…
Sinon, il n’y arriverait pas. Timothy papillonna des cils, conscient qu’elle allait peut-être le frapper, s’il le disait à haute voix. Faire attention à ce qu’il disait, c’était vraiment pas la meilleure idée du monde.
Viens, tu vas voir, ça va être cool.
Timmy se leva d’un bond et… tendit la main à Ava. Mais juste pour l’aider à se relever du banc ! Ensuite, il lâcherait très vite et ils pourraient sautiller jusqu’à chez lui, pour aller se perdre dans les coussins de sa chambre et passer le reste de l’après-midi à jouer, jusqu’à ce qu’Ava en ait marre et décide de rentrer chez elle, incapable d’en supporter davantage.