« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
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Rage is a quiet thing Ooh, you think that you've tamed it
But it's just lying in wait Rage, is it in our veins?
| Conte : Vaiana, la légende du bout du monde | Dans le monde des contes, je suis : : Vava, la fille du chef qui n'est pas une princesse même si elle chante et a des animaux de compagnie
I want to touch the northern lights. We could leave the world behind...
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Vingt minutes plus tard...
Après le petit déjeuner, chacun de nous s'éclipsa dans sa chambre afin de se préparer au départ. Nous nous retrouvâmes les uns après les autres dans la cuisine.
Plusieurs bagages attendaient déjà près de la porte en bois. Lyra nous avait dit de prendre le strict minimum ; étant donné que nous n'avions pratiquement rien sur nous en arrivant, voyager léger serait extrêmement facile. J'avais empaqueté quelques vêtements de rechange trouvés dans l'armoire de l'auberge. En arrivant dans la cuisine, je posai mon paquetage à côté des autres puis rehaussai Hei Hei. Je le tenais contre moi. Heureusement, il était plutôt calme. Sans doute que taper du bec contre le mur pendant une heure l'avait épuisé.
Avec une grimace, je tirai sur le col serré de ma tenue de religieuse.
"Dans ce machin, je ressemble à un pingouin !" maugréai-je.
C'était tellement moche et informe que je n'avais même pas réussi à en rire. Le voile était encombrant. D'ailleurs, je ne l'avais pas mis. Quant à la "robe" en elle-même, elle aurait pu être confortable si le col blanc ultra serré n'entravait pas mes mouvements.
Malcolm, qui consultait sa montre à gousset, leva les yeux vers moi et esquissa un sourire. Une lueur goguenarde brilla au fond de ses yeux, si bien que je ressentis la vive envie de lui coller un pain.
"Vous n'êtes pas fringué en prêtre, vous ?" demandai-je d'un ton déçu.
Pourquoi avait-il droit à un traitement de faveur ?
"Non, je serai le docteur Malcolm Polstead, escorté par le prêtre Cassini et les soeurs du couvent Sainte Augusta."
Contrariée, je fronçai les sourcils.
"Vous faites pas crédible en docteur."
Il avait les joues trop roses et l'air trop ingénu pour occuper un tel poste.
"Intéressant, puisque je le suis bel et bien. Je dispose d'un doctorat en théologie."
Il marqua une pause avant d'ajouter :
"Où est votre voile ?"
"Mes cheveux ne rentrent pas dedans." répliquai-je aussitôt sur un ton de défi.
Une lueur d'amusement brilla de plus belle dans les yeux clairs de Malcolm.
"Permettez."
Il se plaça dos à moi et délicatement, se saisit de ma chevelure volumineuse pour la rassembler. Il la garda enfermée dans une de ses mains tandis que de l'autre, il posait le voile sur ma tête. Lyra, qui venait d'arriver (elle aussi vêtue d'une robe de nonne), fixa mon voile à l'aide de plusieurs pinces. Je restai sur la défensive, craignant trop que son araignée n'en profite pour fondre sur moi. Je ne la voyais pas, et c'était encore pire.
"Voilà. Vous êtes parfaite ainsi." commenta Malcolm en s'écartant.
"Vous avez de drôles de kiffs..." marmonnai-je.
Alexis et Anatole étaient là également. En les voyant, je ne pus m'empêcher de dire :
"On se croirait dans Sister Act."
Qu'ils ne comptent pas sur moi pour pousser la chansonnette.
"Mettez-vous bien dans la peau de votre personnage." déclara soudain Lyra qui avait ignoré mes propos.
Du coin de l'oeil, je remarquai Hypérion lisser son costume noir de prêtre, dépourvu de cravate mais d'un col blanc discret. Pourquoi portait-il des vêtements plus cools que nous ? C'était totalement injuste. En tous cas, il avait l'air de s'éclater.
"Aux yeux de tous, nous nous rendons dans le Nord pour purifier la montagne où lord Asriel a ouvert un passage entre les mondes." poursuivit Lyra.
"C'est de cette manière qu'on rentre chez nous ? Par le passage ?" demandai-je, brusquement impatiente à l'idée que ce calvaire prenne fin.
Le regard blasé de Lyra fit instantanément retomber mon enthousiasme.
"Non. Le portail n'existe plus. Il a été refermé depuis longtemps. C'est notre alibi de voyage."
"On essayera de l'ouvrir." affirma Hypérion, décontracté.
Lyra déglutit en posant brièvement le regard sur lui, mais ne fit aucun commentaire.
"Et c'est qui ce lord Asriel ?" soupirai-je.
"Mon père."
Je comprenais de moins en moins. Etait-ce pour cette raison qu'elle voulait se rendre dans le Nord ? Pour aller faire coucou à son père ?
"Vous pensez qu'il pourra nous apporter son aide ?" demanda Hypérion.
"Certainement pas." rétorqua-t-elle. "Il est présumé mort."
Elle avait annoncé cela d'un ton détaché, comme si cela ne la concernait pas vraiment. En tous cas, je captais de moins en moins.
Quand je repensai à la globalité du plan, je le trouvais bancal. Trop de choses clochaient.
"Y a quand même un bug au niveau de nos daemons. Comment ne pas attirer l'attention ? Quelqu'un va forcément se rendre compte qu'il y a un problème..."
"Pas si vous vous y prenez correctement." coupa Lyra, catégorique. "Les daemons des ecclésiastiques sont souvent de petits animaux dociles, comme un écureuil ou une souris. Pensez à caresser l'intérieur de votre manche régulièrement afin de simuler sa présence."
J'ouvris des yeux ronds. Visiblement, j'étais la seule à avoir saisi le double sens de ses paroles, car Malcolm assura, confiant :
"Tout va bien se passer."
J'aurais aimé avoir son optimisme. Je tirai une nouvelle fois sur mon col dans l'espoir de l'élargir, sans succès.
Au moment du départ, Mrs. Polstead nous donna le reste de la brioche ainsi que du saucisson et des biscuits pour le voyage. Hypérion la remercia mille fois.
"Sois prudent." dit-elle à son fils, d'un ton à la fois fier et angoissé.
Elle voulut le prendre dans ses bras mais il se déroba très vite.
"Je reviens toujours, tu le sais." répliqua-t-il, espiègle.
Sa mère acquiesça faiblement, restant soucieuse. Puis elle posa une main sur l'épaule de Lyra :
"Je te souhaite de le retrouver."
Retrouver qui ? Son père mort ? Je remarquai au regard d'Hypérion qu'il semblait être au courant de quelque chose. Ca y est, il recommençait à faire des secrets. Il faudrait qu'Alexis et moi on le cuisine, à l'occasion. Il attendit que Mrs. Polstead ait terminé les adieux à son fils pour déclarer :
"Je veillerai sur lui, ne vous en faites pas."
Elle parut incertaine. C'était normal puisque Hypérion ressemblait à un adolescent attardé sous cette apparence. Malcolm faisait presque plus vieux que lui.
"Merci de votre hospitalité, vous êtes une hôtesse remarquable."
Puis, son regard se posa sur le blaireau dans son panier et il hocha la tête en signe de respect.
"Bon voyage !" lança Kerin.
Chacun prit un sac et nous sortîmes dans l'air glacé d'Oxford au petit matin. Le brouillard déposait une couche fantomatique sur l'onde calme.
Nous longeâmes la Tamise un moment, puis la voie ferrée afin de rejoindre la Royal Mail Zeppelin Station qui étalait son nom en grosses lettres dorées au-dessus des grilles ouvertes. Sur le terrain vaste au gazon impeccable, un zeppelin était "garé". Des voyageurs montaient à bord pendant que des bagagistes s'occupaient de leurs effets personnels. De nombreux paquets volumineux attendaient dans l'herbe près de la soute. Il s'agissait sans doute du courrier acheminé par la voie des airs. Non loin, un immense hangar abritait sans doute d'autres dirigeables.
Je restai pantoise un moment à observer ce géant d'aluminium dont la forme allongée avoisinait les deux cent trente mètres. Il était si imposant dans la lueur de l'aurore. En gabarit, il dépassait de loin la taille de trois avions.
"On va vraiment monter là-dedans ?"
Je pris le silence de Malcolm et Lyra pour un oui.
"C'est sans danger, c'est sûr ?" demandai-je à Malcolm.
"En terme d'aéronef, le zeppelin est le moyen le plus sûr de voyager." assura-t-il. "C'est curieux. Je ne vous aurais pas pensé frileuse à l'idée de vous envoler."
Il me lança un regard surpris et un peu narquois. Je me rembrunis. Les zeppelins ne m'inspiraient pas confiance car il me semblait que dans notre monde, les gens aient vite abandonné l'idée de s'en servir. Il y avait sûrement une raison à cela, raison que je n'avais pas spécialement envie de découvrir une fois suspendue dans les airs.
"J'aurais préféré voyager par la voie des mers." expliquai-je, maussade.
"Il en est de même pour moi. Je suis très bon navigateur."
"Ah oui ?" laissai-je échapper, étonnée.
Brusquement, il me parut beaucoup plus intéressant.
"J'ai été mis à l'épreuve durant le Déluge. Je me suis rendu jusqu'à Londres à bord de mon canoë. Quand j'y repense... c'était surréaliste de traverser des villes entières immergées."
"Ah ouais... ça devait être dingue..." commentai-je sans vraiment comprendre de quoi il parlait.
"Quelle a été la cause du Déluge ?" intervint soudain Hypérion.
"Les hypothèses sont multiples. Le Magisterium maintient qu'il s'agit d'une punition divine. A ce jour encore, les météorologistes cherchent la réponse."
"Et quel est votre avis ?" insista le titan.
Malcolm parut songeur tandis qu'il répondait :
"Quelque chose a provoqué un profond dérèglement dans l'ordre naturel des choses, ce qui a engendré cette catastrophe."
"Est-ce que la tentative de lord Asriel..."
Hypérion marqua une légère pause avant de reprendre :
"... était la première ? D'autres personnes s'y sont risquées avant le Déluge ?"
Malcolm haussa les épaules, avant de dire à voix basse :
"C'est probable. Mais si tel est le cas, le Magisterium aura très bien muselé ces explorateurs de sorte à ce qu'il ne reste plus aucune trace d'eux aujourd'hui."
Il changea brusquement de conversation, baissant les yeux vers Hei Hei toujours dans mes bras.
"Il est temps. Nous allons bientôt embarquer."
Je déglutis. J'avais tenté de reporter ce moment le plus possible, tout en sachant très bien que je ne pourrais l'éviter indéfiniment. J'eus l'impression que mes bras étaient gantés de plomb tandis que je plaçais Hei Hei dans une boîte perforée que Malcolm avait ouverte. Une fois à l'intérieur, le poulet poussa un piaillement indécis qui me fendit le coeur, avant de s'avancer et de heurter la paroi. Il recommença plusieurs fois. Malcolm referma la boîte.
"Vous êtes sûr qu'il sera bien là-dedans ?" m'enquis-je, soucieuse.
"Comme un coq en pâte." assura-t-il avec sollicitude.
Il voulut emmener la boîte près des bagages mais je le retins par le bras.
"Attendez !"
J'ouvris le couvercle, sortis un biscuit de la poche de ma robe que j'émiettais, puis refermai la boîte. Après quoi, j'adressai un sourire à Malcolm, qu'il me rendit. A présent, Hei Hei pouvait aller dans la soute. Il avait de quoi manger.
Je retournai auprès d'Alexis, Anatole et Lyra. Cette dernière m'observait d'un air exaspéré. Je l'ignorai, la tête haute, regardant le zeppelin en espérant qu'il n'explose pas en plein ciel pendant que nous serions à bord. Hypérion m'enveloppa d'un regard tendre. Je lui répondis par une expression interrogatrice mais il n'expliqua pas ce qui lui arrivait.
CODAGE PAR AMATIS
Anatole Cassini
« Maîïîtreuuuh !!! »
| Avatar : ➹ Bill Nighy & John Krasinski
« Il existe 175.000
espèces de papillons... »
« Le papillon ne compte pas
les mois, mais les moments.
Ce qui lui confère suffisamment
de Temps pour vivre, ressentir, aimer. »
| Conte : ➹ Intrigue Divine | Dans le monde des contes, je suis : : ✲ Le Titan Hyperion, un papillon étoilé.
...un appât pour toute âme en quête de renouveau. »
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Face à nous se tenait l'aeronef. Je me demandais ce qu'on ressentait là haut. Je n'étais jamais monté dans un ballon dirigeable. Ca allait être une première et j'aimais beaucoup les premières expériences.
On s'engagea dans la file d'attente. Il y avait quelque personnes devant nous, ainsi qu'un contrôleur. Il était facilement reconnaissable vue qu'il portait une casquette, et qu'il semblait vérifier, à l'aide d'un petit appareil, ce qu'apportaient chaque personne avec eux.
« Composez vous une habitude humble et pieuse, et pensez à interagir avec votre Daemon. » nous rappela Lyra.
C'est bien noté. J'adressais un regard amusé aux filles. Malcolm pris la tête du cortège.
« Le Zeppelin possède deux niveaux. Au pont supérieur, il y a un restaurant et des boutiques. Mais nous, nous serons au niveau inférieur. »
Je le regardais, attendant qu'il nous précise ce qu'il y avait à notre niveau. Mais rien arriva. Alexis m'adressa un regard étonnée. Elle s'attendait surement elle aussi, à entendre Malcolm nous vanter les mérites du premier étage. Mais non. Rien. Du coup, je haussais les épaules, et la jeune femme grimaça. Puis, elle se tourna vers Vaiana.
« Alors ? » lui demanda t'elle.
Vaiana haussa à son tour les épaules.
« Ouais... non. » répondit-elle avec une moue désintéressée.
J'étais sur le point de lui demander ce qui ne l'intéressait pas, mais je me disais au fond de moi, qu'il ne fallait mieux pas.
« Oh non... » laissa échapper Malcolm.
Décidément... entre lui et Vaiana, ils possédaient une immense palette de mots.
« Je crois qu'il y a un évêque qui arrive. Il faut se dépêcher ! »
Une voiture s'arrêta au loin, d'où un homme en sortit. Ce dernier avait une tenue vestimentaire assez similaire de la mienne, à la différence des couleurs qu'il arborait, et qui devaient sans doute signifier à Malcolm qu'il s'agissait d'un évêque. Il possédait une étole de couleur rouge. A ses cotés se tenaient trois enfants d'une dizaine d'année. Chacun accompagné de son Daemon.
« Vous souhaitez qu'on leur marche dessus ? » demandais-je à Malcolm en montrant les gens devant nous.
Je ne voyais pas comment aller plus vite. Malcolm piétina sur place. Heureusement pour nous, les gens devant nous entrèrent d'un bloc. Ils étaient sans doute tous ensemble. On se retrouva face au contrôleur. Malcolm sortit les billets qu'il lui tendit. Le contrôleur les observa un petit moment, avant de les lui rendre. On passa l'un après l'autre devant lui, et il leva un petit boitier dans notre direction. Il le dirigea de bas en haut vers Malcolm. Il hocha la tête. Puis, il passa à Lyra. Le boitier se mit à crachoter.
« Videz vos poches, s'il vous plaît. » lui demanda t'il.
Lyra palis. Qu'avait-elle dans ses poches ? Elle semblait réfléchir à comment s'en sortir. Malcolm, qui avait commencé à monter les marches, s'arrêta et se tourna dans notre direction. Il ne semblait pas comprendre ce qui retenait Lyra au contrôle. Elle sortit de sa poche ce qui semblait être un objet emballé dans un morceau de tissus pourpre. Le contrôleur regarda le dit objet.
« Montrez moi ce que c'est. »
Elle sembla réticente. Puis, elle finit par dévoiler une sorte de grosse boussole dorée. Je l'observais, me demandant de quoi il s'agissait.
« Qu'est ce que c'est que ça ? »
Malcolm entreprit de nous faire des grands gestes - discrets - de la main. Il mimait quelque chose que je tentais de deviner.
« La tour de Pise ? La tour Eiffel ? » chuchota Vaiana.
« Un thermos ? Non, la tour Eiffel. » enchaina Alexis.
Je tournais la tête dans leur direction. Elles étaient sérieuses ? Puis, m'approchant de Lyra et du gardien, j'entrepris de prendre la parole.
« Excusez moi, il semblerait que notre relique de Kerin vous pose un soucis. Y'a t'il quelque chose que je puisse faire pour y remédier ? »
« Votre relique de ? »
L'église dirigeait ce monde, n'est ce pas ? Si on ne tentait rien, on resterait bloqué ici. Adressant un regard à Malcolm, je fixais une nouvelle fois le gardien.
« J'aimerais être rapidement à mon siège, si vous permettez. Je ne suis pas du genre patient. »
J'en profitais pour regarder derrière moi, et voir où se trouvait l'évêque. Mais aussi pour indiquer au gardien, que plus gradé que moi arrivait. Ce dernier n'était plus très loin. Le contrôleur paru décontenancé.
« Oui, oui, bien sûr mon père. »
Je hochais la tête, et sans lui laisser le temps de répondre, j'entrepris de passer devant lui, en indiquant aux filles de me suivre, sans s'arrêter pour le contrôle. Je ne voulais plus prendre de risques inutiles. A voir si ça marchait ou pas. Mais la confusion du contrôleur fut t'elle qu'il nous laissa passer. Et Lyra pu repartir avec son objet, qu'elle rangea dans sa poche. Je me demandais toujours de quoi il s'agissait. Mais ce n'était ni le lieu, ni le moment pour lui poser la question.
On monta les marches, avec un Malcolm au pas pressé devant nous. L'escalier s'arrêta au premier niveau. Quand on entreprit d'entrer dans le niveau inférieur, on entendit un bruit dans notre dos.
« Mon père ? » m'interpella une vois de petit garçon.
Je me stoppais dans ma montée, sans pour autant me tourner, me contentant de tourner légèrement la tête sur le côté. On entendit des pas derrière nous. Il s'agissait d'un petit garçon. L'un de ceux qui accompagnaient l'évêque. Je le laissais passer devant moi et se mettre face à nous. Un papillon tourbillonnait autour de lui. C'était un magnifique Daemon.
« Mon père ? » répéta t'il, essoufflé. « Monseigneur l'évêque Sullivan vous invite au niveau supérieur. Ainsi que les personnes qui vous accompagnent. »
Je lui adressais un petit regard avant de tourner la tête vers Malcolm. Ce dernier secouait légèrement la tête de gauche à droite, tout en sachant qu'on n'avait pas d'autre choix que d'accepter l'invitation. Pendant ce temps, je me doutais que l'évêque ne tarderait pas à nous rejoindre. Tournant vers le petit, je lui adressais un sourire.
« Faites savoir à Monsieur l'évêque Sullivan, que c'est un honneur pour moi d'accepter son invitation. »
Alexis baissa la tête en mode respectueuse.
« Mon père, sauf votre respect, nous venons de commencer notre semaine de don de soi. Je préférerais la poursuivre sur le pont inférieur. »
Je lui adressais un regard. Vaiana, quant à elle, hocha la tête.
« Ah oui, oui, on doit aider les pauvres. Ah oui. »
Malcom soupira. Le gamin eu l'air déstabilisé par leurs paroles. Lyra se pencha vers le gamin et prit la parole.
« Remercie monseigneur l'évêque de notre part, mais nous préférons rester au niveau inférieur. »
Je hochais la tête en adressant un nouveau sourire au gamin. Il comprit que j'approuvais les dires des jeunes femmes. Mais au lieu de partir, il sembla anxieux à l'idée de répéter cela à l'évêque. Puis, il regarda derrière nous et son regard s’apaisa. L'évêque venait sans doute de nous rejoindre. Il comprenait qu'il n'allait pas avoir besoin de tout répéter.
Je me tournais vers l'homme d'église. Ce dernier eu un sourire pieu sympathique dans notre direction. Une expression imbus de lui même apparu sur son visage.
« Quel plaisir de partir en voyage avec un confrère. Où vous rendez vous ? »
« Dans le nord. » lui répondis-je avec un grand sourire. « Il parait que le restaurant de ce Zeppelin est l'un des plus réputés. Nous avons beaucoup de chances de nous trouver à bord, n'est ce pas ? »
« Certes. Le restaurant est excellent. Mais les passagers du pont inférieur ne peuvent hélas pas en profiter. »
Je soupirais tristement.
« J'en ai bien peur, mon cher confrère. » lui dis-je avec un air tout aussi triste. « Mais on n'est pas toujours maître de nos choix, n'est ce pas ? Et je ne saurais aller contre la volonté de vous savez qui. »
L'évêque me regarda fixement. Puis, il posa son regard sur les trois religieuses. Il resta focalisé sur Vaiana.
« C'est honteux de faire voyager des serviteurs de l'Autorité en seconde classe. Venez avec moi. »
Je le regardais tout aussi fixement. J'hésitais sur la marche à suivre. Etant notre supérieur, je ne pouvais pas lui désobéir. Mais je ne pouvais pas non plus prendre le risque qu'on se retrouve au même niveau que lui, et qu'il me pose des questions auxquels je serais incapable de répondre. Les deux options nous mettaient autant en difficulté, et en danger, l'une que l'autre.
« Je vous souhaite un bon voyage, monseigneur. » lui répondis-je, sans bouger.
L'évêque eu un petit rictus. Il approcha sa main de sur mon épaule, afin de faire semblant d'y ôter quelque chose. Puis, il continua d'un ton mielleux.
« Ne mordez pas la main que l'on vous tend. »
Heureusement pour nous, Malcolm se décida à intervenir.
« Voyons, c'est idiot. Nous pouvons voyager tous ensemble. » dit-il en me regardant d'un air insistant.
J'avais à deux reprises refusé l'offre de l'évêque. Je pouvais difficilement revenir en arrière sans avoir une multitude de questions de sa part. C'était trop risqué. Il était encore possible de s'en sortir autrement. Tournant la tête vers Malcolm, je lui adressais un regard froid.
« Je ne crois pas vous avoir demandé d'intervenir. » lui dis-je. « Vous savez qui au Magisterium m'a convié à ce voyage. »
Je tournais la tête vers l'évêque et je le fixais une nouvelle fois droit dans les yeux. Je voulais faire jouer des relations que je n'avais pas eu sein de l'église, pour le convaincre de ne pas nous déranger d'avantage.
« Ce n'est pas de gaieté de coeur que je refuse votre invitation. Et dans d'autres circonstances, j'aurai pris votre main tendue sans la moindre hésitation. Ne nous mettons pas dans une situation difficilement gérable, au vue du peu d'informations que je peux vous communiquer sur ma présence ici, monseigneur. »
Une fois fait, je me tournais vers les filles.
« Mes soeurs. » dis-je aux jeunes femmes en leur indiquant le chemin à suivre.
« Le Nord avez vous dit. » déclara l'évêque d'un ton pensif. « Un si périlleux voyage risque de leur couter la vie. Après tout les servantes du seigneur n'ont jamais rien connu d'autre que les murs protecteurs de leur couvent. »
Je lui adressais un petit regard avant de me détourner de lui pour rejoindre la seconde classe.
« Comment osez vous me tourner le dos quand je vous parle ?! » s'emporta l'évêque.
Les Daemon des trois enfants changèrent d'apparences, et prirent celles de boules de poils qu'ils serrèrent contre eux, comme si ils étaient angoissés d'entendre l'évêque hausser le ton. Je me sentais de plus en plus pris au piège, mais je ne devais rien laisser paraître. Il était impossible de faire marche arrière. Plus maintenant. Il fallait garder espoir sur le fait qu'on pourrait se sortir de cette situation sans être obligé de le rejoindre à l'étage. Me tournant vers lui, je le regardais une nouvelle fois fixement.
« Sauf votre respect. Nous avions fini. »
Puis, je me tournais vers Malcolm.
« Rappelez moi le nom notre hôte, mon ami. »
J'espérais qu'il nous sorte de là en donnant le véritable nom d'un supérieur à cet évêque, qui le pousserait à douter, et à ne pas continuer cette discussion. Malcolm répondit du tac au tac.
« Le Cardinal Wolsey. »
Je fixais une nouvelle fois l'évêque.
« Avons nous fini, monseigneur ? »
L'évêque nous fixa à son tour. Ca lui couta, mais il nous souhaita un bon voyage, en inclinant la tête. Il se détourna aussitôt et monta les marches le menant au premier étage. On ne perdit pas de temps pour rejoindre la seconde classe.
A peine avions nous franchis les portes, que je me tournais vers Lyra.
« Pour qu'elles raisons on se rend dans le Nord ? » dis-je d'un ton sec.
« Pour vous faire rentrer chez vous. » répondit-elle d'un air entendu.
« Je sais ce que nous cherchons dans le Nord, mais j'ignore ce que vous, vous y cherchez. » lui répondis-je du tac au tac. « Vous êtes monté avec un objet qui ne devrait pas se trouver ici. Vous nous avez mis inutilement en danger. Et je ne crois pas vous avoir beaucoup entendu lors de nos échanges avec l'évêque. Ce monde c'est le vôtre, vous le connaissez mieux que nous. On vous aide dans votre quête, mais ça doit être à double sens. »
Alexis tapota deux fois dans ses mains. Ce n'était pas le moment, mais je partageais son point de vue.
Lyra se mordit les lèvres. Je m'en voulais d'être trop direct. Elle semblait avoir conscience d'avoir merdé.
« Nous ne craindrons rien dans le Nord. J'ai des alliés là bas. Je sais que ce ne sont que des mots pour vous, mais c'est la vérité. »
Je tournais la tête vers Malcolm pour voir si il approuvait. Mais l'homme ne dit rien. C'est Lyra qui décidé d'enchainer.
« Vous avez raison. Je n'ai pas été complètement honnête avec vous. Il est temps que je vous raconte mon histoire. »
J'ignorais si on pouvait lui faire confiance ou non. Quelque chose me poussait à la croire, et en même temps... elle avait failli nous mettre tous en danger avec cette chose qu'elle avait dans sa poche. Pourquoi l'avoir apporté avec ? A quoi servait-il ? Je la regardais fixement quelques instants, avant de me détourner dans le but de trouver une place sur l'une des nombreuses banquettes. Asta me suivi et pris place juste à côté de moi. J'observais quelques instants au dehors. Le ballon n'allait pas tarder à s'élever. Au moins pendant quelques heures, on allait être tranquille.
« Je ne pensais pas que ça marcherait... » murmurais-je à l'intention de la chatte au poil roux. « Il est si bon que cela leur restaurant ? »
Asta me regarda d'un air exaspéré. Je lui souris. Il fallait détendre un peu l'atmosphère. Puis, j'approchais ma main du haut de son crâne pour la caresser.
Asta se plaqua contre le siège. Elle rentra les griffes dans la banquette.
« Ne la touchez pas ! » s'exclama Malcolm.
Des gens autour, tournèrent la tête dans notre direction. Qu'avais-je fait de mal ? Malcom pris place juste à côté de nous, et Asta grimpa sur ses genoux.
« Toucher le Daemon d'un autre est tabou. C'est quelque chose de très... déplacé. » dit-il d'une toute petite voix afin de ne pas se faire entendre.
Il y avait encore beaucoup de mystères à découvrir sur ce monde, et ces Daemons... songeais-je.
CODAGE PAR AMATIS
Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »
| Avatar : Kaya Scodelario
Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...
Un peu impressionnée par le Zeppelin, j’avais fini par m’asseoir à sur la banquette en face de Malcolm et Anatole, les yeux toujours levé vers l’infrastructure. Le “prêtre Cassini” nous avait largement sorti d’affaire, je devais bien l’avouer, même si sa volonté de toucher un Daemon avait failli tout faire capoter. Je pouvais pas lui en vouloir, j’aurai sans doute eu le même réflexe, surtout dans un moment pareil. J’avais déjà jamais aimé l’avion, ce gros dirigeable me donnait le goût de l’aventure, certes, mais me terrorisait également. Au cas où personne s’en souvenait dans le rang de mes amis, les Zeppelin avaient pas tenus bien longtemps dans notre monde comme moyen de locomotion et le plus célèbre de tous, l’Hindenburg avait tout simplement été foudroyé. Rappelez-moi deux secondes quel été mon pouvoir ? Ah oui... et bien il n’y avait plus qu’à espérer qu’il ne décide pas de s’activer brusquement. Vaiana, assise à côté de moi avait l’air tout aussi tendue. La mâchoire crispée, elle avait fermé les yeux et ne cessait de me répéter :
- Me dis pas quand on décolle. Me dis pas quand on décolle.
Je l’avais regardé un instant, perplexe. La dernière fois que je m’étais retrouvée dans sa situation, Erwin m’avait lu un passage de son livre jusqu’à ce que je m’endorme. Je n’avais pas de livre à proximité pour tenter la même technique alors j’avais pris sa main avec douceur dans la mienne, tentant de la rassurer par les mots, à mi-voix pour éviter les oreilles indiscrètes :
- J'ai peur aussi en avion... A nous deux on aura assez de force pour ne pas flipper, j'en suis sûre. Et puis je sais pas comment ce truc décolle alors je vois pas comment je pourrai te prévenir...
Sans ouvrir les yeux, mon amie m’avait serré la main si fort dans la sienne qu’elle avait failli me la broyer au passage. Grimaçant de douleur, j’avais tenté de me contenir tandis que Lyra décidait d’intervenir :
- Les filles... on a déjà décollé.
En entendant la voix de la jeune femme, j’avais eu un éclat de rire discret, tant à cause de la situation que par soulagement. Mon regard avait alors croisé celui de Vaiana qui avait rouvert les yeux et je tentais de retirer doucement ma main de la sienne avant qu’il ne lui prenne l’envie de me briser un nouvel os :
- Tu vois ? C'est tranquille en vrai !
J'avais avisé les baies vitrées d’un œil circonspect. Ces dernières étaient si grandes qu’elles laissaient largement percevoir l’altitude, courant entre les banquettes, jusqu’au sol :
- Regarde juste pas au dehors si t'aimes pas trop l'altitude et ça va le faire … et caresse ton daemon ça va te calmer...
La jeune femme avait risqué un tout petit regard avant de se tourner dos aux fenêtres, toujours assise sur la banquette, avec un glapissement de terreur. J’avais eu un sourire de “private joke” quand j’avais parlé de son daemon imaginaire mais il fallait croire qu’elle n’était pas encore assez détendue pour rigoler.
- C'est pas humain de voyager comme ça...
Elle l’avait marmonné tout en se tirant la manche si brutalement qu’elle aurait sans aucun doute arraché la tête de son daemon s’il avait été là. De mon côté, j’en avait aussi profité pour caresser machinalement ma manche avant d’observer les garçons, puis Lyra. Toute son histoire de Nord ne me disait rien qui vaille et l’envie de savoir où nous allions m’avait jusqu’alors beaucoup trop brûlé les lèvres pour que je ne me taise qu’une seconde de plus :
- On va où en vrai avec ce Zeppelin ? J'ai cru comprendre qu'il y avait plusieurs arrêts et vu comme certains parlent du Nord, j'ose espérer que t'as prévu un paquetage plus conséquent dans ton plan ?
La jeune femme m’avait répondu en chuchotant, prévoyant à son tour d’éventuelles oreilles indiscrètes :
- On va jusqu'à Oslo, en Norvège. De là, on prendra un train pour Bodø. C'est une ville côtière. Ensuite, on fera le reste en bateau. Le but est d'arriver à Svalbard.
A l’entendre, son monde ressemblait beaucoup au mien. Je me demandais qu’elles en étaient les différences, géographiquement parlant, mais j’avais préféré garder cette question pour plus tard, de peur d’être repérée. Le Nord devait donc être aussi loin que mon Nord... En l’entendant parlait de “bateau” Vaiana avait eu un soupir de soulagement que j’avais accueilli avec un ricanement attendri :
- Ben tu vas l'avoir ton bateau !
Je m’étais de nouveau tourné vers Lyra pour hocher la tête à ses explications d’un air entendu avant de lui demander :
- On en a pour combien de temps maintenant ? - Onze heures de vol. - Onze heures ? On va faire quoi pendant onze heures ?
Elle avait jeté un regard désemparé au groupe et pour toute réponse, Malcolm avait sorti un jeu de carte. Vaiana avait plaqué une main sur son visage, visiblement atterré et j’avais à mon tour grimacé. Onze heures, c’était vraiment long... comme quoi le dirigeable était tout de même nettement moins rapide qu’un avion... J’avais presque envie de leur détailler son fonctionnement du peu que j’en savais pendant les onze heures histoire d’optimiser les prochains voyages de ce monde. J’avais jeté un rapide coup d’œil à Lyra, pensant brusquement que j’allais me taper un voyage de onze heures avec une fille qui se trimbalait avec une araignée, araignée dont je n’avais plus revue la couleur depuis la première fois. J’étais loin d’en être mécontente mais l’idée que son daemon soit si discret et silencieux me laissait un peu perplexe. J’avais hésité un instant à lui poser une question mais craignant de nouveau le courroux de Sœur Sourire, j’avais plutôt soupiré en direction de Malcolm et son jeu de cartes :
- Heureusement qu'on a au moins de quoi manger... Vous connaissez le Kem's au moins ?
Malcolm et Lyra eurent un regard indécis face au mot “Kem’s” et Vaiana avait décidé d’intervenir en croisant les bras :
- Tu devais pas nous raconter une histoire ?
Elle avait brusquement décroisé les bras en agitant sa manche :
- M*rde mon daemon.
J’avais eu un petit rire absent. J’avais complétement oublié l’histoire du Rayon de Soleil. Non pas qu’elle ne m’intéressait pas mais je devais dire que j’avais un peu de mal à me concentrer sur une jeune fille qui me semblait antipathique, surtout quand il était question d’un daemon qu’on avait pas le droit de toucher, d’un ballon dans les airs et d’un voyage de onze heures de vol. Néanmoins, connaître son histoire m’aiderait peut-être à comprendre pourquoi elle se la jouait autant famille Addams. Je m’étais alors tourné de bonne grâce vers elle pour l’écouter, appuyant par la même occasion la question de Vaiana :
- Ah ouais c’est vrai...
Anatole et Malcolm avaient aussi tourné la tête vers elle et la blonde semblait brusquement intimidé d’être au centre de l’attention. Après une grande inspiration, elle débuta son récit :
- Mon histoire commence il y a une dizaine d'années. En ce temps-là, je vivais à Jordan College et j'y étais très heureuse, même si je faisais tourner mes professeurs en bourrique...
Elle tourna son regard vers le rouquin qui eût un sourire mi-fatigué, mi-amusé à ce souvenir :
- Un véritable calvaire d'enseigner à Lyra Belacqua. Elle passait plus de temps à courir sur les toits qu'à apprendre ses multiplications.
Elle entra alors la tête dans les épaules avant de poursuivre :
- Peu à peu, une ombre s'est étendue sur Oxford. On les appelait les Enfourneurs. Ils enlevaient les enfants des gitans et des domestiques pour les emmener dans le Nord. Nul ne savait pour quelle raison. Mon ami Roger s'est fait enlever. Et j'ai remué ciel et terre pour le sauver.
Elle avait eu un certain aplomb en le disant, même si sa voix était teintée d’une certaine tristesse. De mon côté, j’avais froncé les sourcils, butant sur une partie de l’histoire :
- Euuh attendez... Belacqua ? T'avais pas dit que tu t'appelais... un truc en rapport avec l'or ? Language d'or ?
Elle avait semblé écouté ma question mais s’était contenté de continuer son histoire, sans me répondre... bien que je comprisse rapidement qu’elle avait simplement inséré sa réponse dans son histoire :
- Sur mon chemin, j'ai rencontré des sorcières, j'ai aidé un ours en armure à retrouver sa couronne et son royaume.
Plus elle parlait, plus elle semblait reprendre vie, comme si la Lumière entrait enfin en elle, laissait percevoir une jeune fille plus joyeuse ou du moins plus vivante qu’elle ne le laissait paraître jusque maintenant :
- C'est lui qui m'a baptisée Lyra Parle-d'Or, parce que grâce à ma verve, je l'ai aidé à récupérer ce qui lui revenait de droit. J'ai embobiné l'ours qui avait pris son trône.
Elle avait fait une courte pause avant d’ajouter fermement :
- Je préfère me faire appeler Parle-d'Or que Belacqua. Je ne veux plus être rattachée à mon père. En aucune façon.
Pour la première fois depuis que je l’avais rencontrée, je commençais à comprendre Lyra, à voir en elle quelqu’un qui pouvait avoir quelques similitudes avec moi. Elle s’appelait Lyra Belacqua et je m’appelais Enora Taylor... les choses avaient fait que la Vie nous avait offert de nouveaux noms, plus proche de celle que nous voulions être. Alexis d’abord, parce que Regina avait inversé mes deux prénoms à mon arrivée à Storybrooke. Child parce que c’était le nom de ma mère, mon père me reconnaissant qu’à moitié. Moi aussi, lorsque j’avais vu mon Père, j’avais décidé de ne jamais vraiment porter son nom. J’ignorais les raisons qui l’avait poussé à agir ainsi, nous n’étions sans aucun doute pas assez proche pour que je lui pose la question, mais je comprenais au moins sa volonté. Comme pour appuyer dans son sens, comme une première main tendue malgré son araignée, j’avais précisé avec aplomb :
- C'est classe Parle-d'Or.
Elle avait eu un pâle sourire en ma direction et je lui avais répondu avec le même sourire, attendant qu’elle ne reprenne la parole.
- Grâce à mes alliés, quand je me suis retrouvée prisonnière à mon tour des Enfourneurs, j'ai réussi à m'enfuir. Ensemble, nous avons libéré tous les enfants.
Mon regard avait alors été attiré par un petit garçon brun qui nous observait, caché derrière la banquette d’Anatole et Malcolm. De là où j’étais, je pouvais l’apercevoir mais je n’étais pas certaine que Lyra et Vaiana puisse le faire. Il avait l’air d’écouter notre histoire attentivement, un petit oiseau virevoltant autour de lui. Son attention, son espièglerie, il me faisait brusquement penser à un fantôme de mon passé... et de mon futur. Lui aussi avait l’habitude de se faufiler à l’abris des regards. Je lui avais souris, tandis que Lyra continuait son histoire :
- A Bolvangar -c'était l'endroit où nous étions prisonniers- j'ai découvert que les enfants subissaient une Intercision. C'est une cage avec une lame comme une guillotine qui s'abat entre le daemon et l'enfant et rompt le lien qui les unit.
Asta venait visiblement de planter ses griffes d’un geste nerveux dans la jambe de Malcolm qui avait grimacé en la caressant. J’avais lu dans les yeux et les traits de l’enfant une peur soudaine. Comme pour appuyer celle-ci, son daemon s’était brusquement transformé en loir et était venu se lover dans son cou, comme une écharpe de fourrure et un doudou rassurant. Il ne devait pas avoir plus de 8 ans... Touchée par sa peur, j’avais décidé d’intervenir en sa direction avec douceur, me levant pour aller vers lui. Je m’étais accroupi pour être à sa hauteur :
- Héé bonhomme, tu ne devrais pas écouter les histoires des grandes personnes, on aime se faire peur entre grandes personnes tu sais...
J’avais alors tourné le regard vers Lyra, me demandant si l’idée qu’un petit garçon entende ce genre de chose puisse nous mettre en danger... ou LE mettre en danger... Mais la jeune fille me signifia d’un signe de tête que ce n’était apparemment pas grave avant de s’adresser à son tour à lui :
- Si tu promets de ne rien répéter à personne, on te fait une petite place. Mais attention, il faut être courageux si tu choisis de rester.
Elle l’observa un instant, sans sévérité mais testant apparemment la volonté du petit garçon dont le regard glissa un instant sur la place où j’étais assise avant de détourner le rergard. Il avait visiblement envie de rester tout en aillant peur de ce qu’il risquait d’entendre. Attendrie par l’éveil dont il faisait preuve pour son âge, voyant toujours un peu plus Henry et Isaac à travers lui, j’avais fini par lui dire d’un ton malicieux :
- Si tu veux je te fais une petite place à côté de moi et si tu as peur tu pourras me serrer fort... Ils sont où tes parents ? - Ils sont tout là-bas.
Il m’avait montré une banquette à l’autre bout du Zeppelin et j’avais levé la tête à m’en rompre le coup pour observer le lieu dans la direction qu’il me montrait. D'un air entendu, je fini par lui prendre la main avant de me rasseoir à ma place, le garçonnet à mes côtés, lové lui et son daemon dans mes côtes, sans pour autant que l’animal ne me touche. J’avais pris garde à mon tour de ne pas le toucher tous en passant mon bras autour des siens pour lui offrir une assistance dans sa peur d’enfant. Lyra poursuivit alors :
- Les savants de Bolvangar faisaient des recherches sur les effets néfastes de la Poussière et pensaient que couper le lien avec le daemon permettrait à l'enfant de vivre en dehors du péché. - J'ai rien compris.
Son daemon lui chuchota alors quelque chose à l’oreille que je ne parvins pas à entendre. De son côté, Lyra semblait embêtée :
- C'est un peu difficile à expliquer.
Elle nous observa, désemparée, comme à la recherche d’une aide pour trouver les bons mots. Je décidais de m’y atteler, pas certaine pourtant d’être la meilleure à ce jeu-là. De son côté Anatole en profita pour revenir sur un élément de l’histoire de Lyra et tout en expliquant au petit garçon ce que j’avais moi-même compris, j’écoutais d’une oreille la conversation qui se déroulait :
- Disons que dans son histoire y'a une grosse machine, comme un gros ciseau, tu vois ? Et en fait ce gros ciseau coupe le lien qu’il y a entre toi et ton daemon pour vous séparer... Et certains pensent que si on fait ça, alors c'est mieux pour les enfants, tu comprends ? - Ils y sont arrivés ? - Ils ont pratiqué l'Intercision, oui. Peut-on parler de réussite quand les enfants, privés de leurs daemons, deviennent des morts-vivants ?
Lyra avait l’air grave et je la comprenais. Une vague de dégoût m’avait envahi, jusqu’à défigurer mes traits lorsqu’elle avait expliqué le résultat que cela avait eu sur ces pauvres enfants. A côté de moi, le petit garçon s’était d’autant plus blotti contre mon corps et j’avais un peu plus enserrer ma prise sur lui pour le rassurer. Son daemon était désormais dans ses mains. Tentant une diversion pour le calmer, je lui avais demandé avec douceur :
- Il s’appelle comment ton daemon ? - Scapin.
Il m’avait répondu d’une toute petite voix, me démontrant une fois de plus sa peur. Mettant un peu plus de force à l’ouvrage, j’avais précisé d’un air enjoué en observant le loir :
- Génial comme nom, enchantée Scapin ! Et toi tu t'appelles comment ? - Je m'appelle Milton. Et vous ma sœur ?
Avec tout ça, j’en avais presque oublié que j’étais habillée en none malgré ma coiffe et il m’avait fallu quelques secondes pour me remettre dans le bain.
- Je m'appelle Alexis. - Alexis c'est un prénom de garçon. - Sa langue a fourché. Elle s'appelle sœur Alexia.
Il avait eu un regard appuyé dans ma direction et j’avais hoché la tête en direction du jeune homme pour valider les dires de Malcolm. Sentant qu’il fallait que je change rapidement de conversation, je m’étais tournée vers Lyra :
- Et ils en ont trouvé ? Des effets néfastes ? Avant de faire un truc d'une telle barbarie ? - Evidemment que non. Le...
Elle baisse une fois de plus la voix avant de reprendre :
- Le Magisterium est convaincu que la Poussière est mauvaise. Il ne leur en fallait pas plus pour agir. Bien entendu, ils n'étaient pas directement rattachés au projet, afin de ne pas être accusé de crime en cas d'échec.
Elle avait l’air écœuré et Anatole avait décidé d’intervenir calmement, comme demandant la permission de s’interroger :
- J'ai une question.
Lyra avait alors hoché la tête, surprise et amusée par la demande d’autorisation :
- Tu as parlé d'ours en armure. Les ours sont capables de penser chez vous ? Comme les humains ? Et ils ont également un daemon ? - Seulement les Panserbjornes. Il y a d'autres ours mais ceux-là vivent ailleurs et ne sont pas doués de conscience. Les ours en armure n'ont pas de daemons mais leur armure est une partie de leur âme. Ils la fabriquent à partir de fer du ciel.
Vaiana l’observait d’un air étrange, comme si elle se constatait à elle-même que la jeune fille devait en fumer de la bonne. Cette pensée m’avait fait sourire mais je n’avais rien dit de plus sur cette constatation, réfléchissant toujours aux agissements monstrueux sur les enfants. Avec un froncement de sourcil j’avais alors demandé :
- Je comprends toujours pas... comment peuvent-il penser qu'elle est mauvaise s'ils n'ont toujours aucune preuve que ce soit le cas ? Il a forcément dû se passer un truc, non ? - C'est le plus étrange. A ce jour, rien ne permet d'affirmer que la Poussière soit mauvaise. Ils pensent qu'elle est le péché parce qu'elle entre dans nos corps à la puberté. Nous vivons dans un monde très limité intellectuellement.
Malcolm approuva d’un signe de tête.
- La poussière vient du ciel c'est cela ? Mais qui l’a créée ?
Tandis que le rouquin réfléchissait à la question, Lyra haussa les épaules :
- Nul ne le sait. Certains théologiens -dont M. Polstead- pensent qu'elle a toujours été là. Qu'elle est à l'origine de tout. Mon père s'est servi d'une machine similaire pour ouvrir un pont vers un autre monde. Ça a coûté la vie à mon ami Roger.
Elle avait eu l’air brusquement abattu et je pouvais le comprendre. J’avais accueilli la nouvelle comme un choc, me remerciant mentalement de ne pas avoir posé la question concernant sa relation avec son père un peu plus tôt. Elle avait gardé la tête haute, ce qui m’avait fait hésiter à lui demander en quoi la séparation d’un daemon et d’un humain pouvait ouvrir un autre monde mais j’avais préféré me raviser. Il s’agissait de son père et de son ami... des choses beaucoup trop douloureuses pour être prises à la légère. Si l’occasion me venait, je poserais sans doute la question plus tard, mais pas à présent. A cet instant, un employé du Zeppelin était venu nous interrompre, nous amenant sur un plateau des verres qui semblaient être de cristal avec une carafe remplie d’un liquide ambré. Il précisa alors :
- Avec les compliments de monseigneur Sullivan.
Mon regard avait croisé celui d’Anatole d’un air inquiet. J'étais pas certaine qu’on devait accepter le cadeau de l’archevêque. Après la honte qu’il s’était tapé, il y avait autant de chance qu’il flippe à l’idée d’avoir véritablement froissé quelqu’un d’important qu’il tentait de nous empoisonner avec son espèce de Whisky. Mon ami soutint mon regard quelques instants avant de préciser :
- Vous remercierez Monseigneur Sullivan de sa grande générosité.
Malcolm avait avancé une main sur le plateau mais Lyra avait brusquement traduit en mot ma crainte silencieuse :
- C'est peut-être empoisonné. - Aucune chance. Ce serait bien trop visible.
Il débouchonna la carafe, humant le liquide avec un sourire gourmand :
- Oh, il me semble que c'est un excellent Tokay. Je vous sers ?
Pour toute réponse, Anatole précipita son verre son le nez du rouquin qui eût un air surpris :
- La galanterie m'indique de commencer par les dames, mais il en est sans doute autrement dans votre monde.
Il avait continué le tour après avoir servi le brun et j’avais avancé mon verre d’un air peu convaincu tout en observant mon ami. Je savais pourquoi il avait agi de la sorte. Etant un Titan, il ne craignait nullement le poison, ce qui lui permettait de le goûter à notre place et nous prévenir en cas de danger... Danger dont Vaiana semblait se foutre. En effet, tandis que le jeune homme avait observé le liquide, le humant à plusieurs reprises, goûtant et regoûtant pour se faire un avis, mon amie avait déjà prit une très bonne gorgée du liquide. Je l’observais avec un sourire moitié amusé, moitié atterré tandis que ses yeux pétillaient de surprise, une moue d’aise sur le visage. Apparemment c’était bon à ses yeux. Beaucoup moins aux yeux d’Anatole qui avait grimacé dans ma direction avant de me faire un “non” de la tête. Un partout, balle au centre. Perplexe, j’avais à mon tour trempé mes lèvres dans le liquide pour au moins paraître polie face à Malcolm et Lyra qui nous faisait découvrir une de leur saveur... “locale”. C’était bon, je devais le reconnaître, très corsé. Un whisky qui avait un surprenant goût de pêche. Mais l’alcool ingéré m’avait directement fait un drôle d’effet. Reculant mon verre de la bouche, je m’étais massé l’estomac :
- C'est très bon ! Mais... je préfère m'arrêter là personnellement, j'ai un peu mal au ventre... - Je peux le finir pour toi si tu veux. - Et moi je peux en avoir ?
Il s’était redressé d’un coup, curieux, visiblement plus du tout apeuré. Je les avais observé l’une et l’autre avec un sourire avant d’éclater de rire face aux deux rapaces qu’ils étaient. J’observais Vaiana dans les yeux, l’invitant à lire le message entre les lignes :
- On devrait y aller molo... histoire de rester... alertes... pour les autres histoires....
J’avais alors tourné la tête vers Milton :
- Non toi tu es trop petit, c'est de l'alcool, c'est juste pour les adultes !
J’avais reposé mon verre sur le plateau avec douceur tout en observant Malcolm. Pendant ce temps, Vaiana avait fondu vers mon verre comme un faucon mais le rouquin avait été plus rapide pour le lui retirer.
- Nous n'aurions pas un jus de fruit ou quelque chose en revanche ?
Je n’avais pas bien suivi toutes les provisions que Madame Polstead nous avait données mais son fils en savait forcément plus sur le sujet :
- Il n’y a rien à boire en seconde classe, mais j'ai quelque chose qui devrait te plaire.
Il chercha dans ses poches pour en sortir un morceau de brioche emballé dans un torchon qu’il donna au petit garçon :
- Oh merci monsieur !
J’avais vu le regard d’Anatole s’attarder quelques secondes de trop sur le gâteau que tenait l’enfant dans ses mains avec un sourire moqueur. A loin, une voix se fit entendre plus fortement :
- Milton ? Milton ?
J’avais tourné la tête dans la direction des appels pour voir un homme qui devait être son père le chercher avec véhémence. Par instinct, je m’étais levée brusquement pour le héler :
- Il est ici monsieur... Il nous tenait compagnie...
L’homme observa un peu sévèrement son fils avant de me sourire :
- Oh, à votre contact, j'espère que son caractère s'en verra adouci. Allez viens, Milton. Arrête d'importuner les religieuses.
J’avais hoché la tête d’un air entendu avec un sourire, tentant de lui faire aussi comprendre sans faire de bourde qu’il ne nous avait pas dérangé. J’avais adressé un signe de la main au petit garçon qui s’éloignait déjà avec son papa puis j’étais retournée m’asseoir avec les autres :
- C'est pas trop craignos qu'il nous ait entendu ? S'il commençait à en parler ?
Lyra haussa une nouvelle fois les épaules :
- Qui le croirait ? Et puis... je ne pense pas qu'il ait tout enregistré.
Elle hésita un instant avant de me demander :
- Ça veut dire quoi 'craignos' exactement ?
Un peu surprise, je me souvenais alors que notre langage n’était pas entièrement connu des gens de ce monde et qu’il fallait peut-être que je fasse aussi plus attention à ma façon de parler, bien que j’y avais eu une certaine attention avec Milton. J’avais pris un instant pour réfléchir avant de lui préciser à voix basse :
- Et bien... c’est en quelque sorte un synonyme de dangereux. Quand un truc “craint” ou qu’il est “craignos” c’est qu’il peut être dangereux ou... pitoyable, démodé selon le contexte. Le fait qu’il puisse nous entendre, c’est craignos – dangereux si jamais il décide d’en parler aux autorités. Et cette robe de none... elle est craignos - complètement pitoyable et nulle. C’est plus clair ?
Je lui avais lancé un sourire patient, ravie de lui en apprendre un peu plus sur notre monde aussi. Pour toute réponse la blonde hocha la tête :
- Elle est craignos, oui.
Elle eût un début de sourire que je lui rendis. Une fois qu’elle se détendait elle avait l’air plutôt sympa... si on oubliait la tarentule qui lui servait de daemon... bon ok, j’exagérais à peine la taille de la bestiole...
Vaiana de Motunui
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
| Avatar : Zendaya Coleman *o*
Rage is a quiet thing Ooh, you think that you've tamed it
But it's just lying in wait Rage, is it in our veins?
| Conte : Vaiana, la légende du bout du monde | Dans le monde des contes, je suis : : Vava, la fille du chef qui n'est pas une princesse même si elle chante et a des animaux de compagnie
I want to touch the northern lights. We could leave the world behind...
▼۞▼
Tout compte fait, Lyra commençait à apparaître sous un meilleur jour. Je me doutais qu'elle avait sacrément morflé pour être aussi casse-pieds, et le peu qu'elle avait raconté de son enfance était du genre costaud. Ca n'excusait pas tout, mais au moins, ça le justifiait un peu.
Je louchais avec envie sur la carafe de Tokay à demi remplie. Il fallait juste attendre que tous soient absorbés dans une nouvelle conversation pour me servir un autre verre en toute discrétion. Le goût était à la fois sucré et fruité. Comment l'apprécier pleinement avec un seul verre ? Malcolm exagérait. Il me voyait sûrement comme une petite chose fragile incapable de supporter l'alcool. Il me connaissait très mal.
"A votre tour. Racontez-nous un peu comment est votre monde." proposa-t-il subitement. "Vous dites que le nôtre est différent en bien des points. Je suis curieux d'en apprendre davantage."
Parfait. Bientôt, le jeune rebelle serait si absorbé par la discussion qu'il en oublierait de surveiller le Tokay. Un mince sourire malicieux passa sur mon visage, qui se dissipa très vite en constatant que, même si Malcolm observait Anatole et Alexis avec enthousiasme, Asta, en revanche, me fixait d'un oeil accru. Ses pupilles de félin semblaient me passer aux rayons X.
C'est de la triche, songeai-je.
Maussade, je me laissai tomber sur le dossier de la banquette, les bras croisés. Sans me lâcher du regard, la chatte s'éclaircit la gorge, me faisant remarquer par ce biais que je n'adoptais pas l'attitude d'une religieuse. Dans un soupir, je me redressai de mauvaise grâce.
Vis-à-vis de la question de Malcolm, Alexis ouvrit la bouche mais se tourna vers Hypérion, visiblement indécise quant à la réponse à fournir. Le titan lui rendit son regard, avant d'observer Malcolm. Il paraissait hésiter et réfléchir en même temps. Il faut dire que la question était vague. Je ne voyais pas comment y répondre. Par où commencer ?
"Je pense que vous avez raison, Malcolm." dit-il avec respect.
Je fronçai les sourcils tandis que le jeune homme redoublait d'attention à son égard, intrigué.
"La Poussière a toujours été là." reprit Hypérion posément. "Elle est également présente dans notre monde, mais nous ne l'appelons pas ainsi. Vous la voyez comme ce qui était, ce qui est, et ce qui sera. Et vos photogrammes attestent bien qu'elle est en chacun d'entre nous."
Tout en parlant, il posa les yeux sur Alexis et moi. Etait-il en train de partager ses réflexions à haute voix ? Si c'était le cas, c'était une sacrée nouveauté. Ebahie, j'en oubliai ma fixation sur le Tokay pendant un temps. Il reprit tout en regardant de nouveau Malcolm :
"C'est elle qui est à l'origine de chaque chose. Nous puisons en elle notre force, notre énergie et nos pouvoirs."
Après une courte pause, il ajouta :
"Certains habitants de nos mondes ont des dons. Un peu sans doute comme vos sorcières et vos ours en armures. Ils sont capables de grandes choses. Certains utilisent ces dons à bon, et d'autres, à mauvais escient."
Etait-ce judicieux de raconter tout ça ? Lyra s'était enfin confiée donc il devait juger que c'était notre tour. D'ailleurs, Hypérion posa son regard sur elle. Ce qu'il disait faisait écho à ce qu'elle nous avait appris sur son père, qui avait utilisé la Poussière à mauvais escient.
"Il n'y a rien de mauvais chez Dame Nature."
Il se tut, le temps sans doute de laisser assimiler à Lyra et Malcolm que chez nous, Dame Nature était l'équivalent de leur Poussière. Cela me permettait également de faire les connexions entre les différentes informations.
"C'est ce que nous faisons de ce qu'elle nous offre, qui la modifie, la change, et la détruit. Et malheureusement, nous sommes nombreux à mal agir avec elle. Notre monde est tristement aussi limité intellectuellement que le vôtre."
Il marqua une nouvelle pause, puis regardant Malcolm, il enchaîna :
"Il ne faut jamais cesser de croire en elle et de tout faire pour la préserver. Car de son côté, elle n'aura de cesse de tout faire pour nous protéger. Sa plus grande force, qu'aucun être peut atteindre, réside dans son Amour pour ses enfants."
Pour le coup, il commençait à causer véritablement comme un prêtre. A croire que l'habit faisait vraiment le moine, avec lui. Je gardai ma remarque pour moi-même. Hypérion tourna la tête vers Alexis et moi, puis revint sur Lyra.
"L'essence de notre monde n'est pas si différente du vôtre. Mais la vie s'y est développée d'une autre manière. Comme dans l'ensemble des mondes où nous nous sommes rendus."
Il fixait Lyra avec attention et elle le lui rendait bien. Elle était suspendue à ses lèvres.
"Notre univers est vaste. Les mondes y sont nombreux. Certains similaires, d'autres différents du nôtre. Il existe des portails qui nous permettent, quand on sait les contrôler, de se rendre dans ces divers mondes. Mais la manière dont on est arrivé ici, est unique. J'ignore où nous sommes, et comment on pourra rentrer. Même si je sais qu'on y arrivera."
Il reposa les yeux sur Alexis et moi avec conviction. J'esquissai un sourire encourageant, mais je sentis qu'il ressemblait à une grimace.
"Wow. Sacrée tartine." intervins-je enfin. "Mais ouais, en gros c'est ça notre monde."
"Vous utilisez des portails pour voyager entre les mondes ?" s'enquit Lyra qui n'avait pas détaché les yeux de Hypérion. "Pourtant, toutes les fenêtres ont été refermé par les Anges. Dans chaque monde. C'est essentiel pour que la Poussière retrouve son équilibre."
Elle était presque suffoquée par ce qu'il venait d'expliquer. Je faillis lui conseiller de boire un peu de Tokay afin de se calmer, mais elle se servit elle-même un peu de liquide ambré et le but d'une traite. Malcolm l'observa d'un air indécis, hésitant entre la réprimander et ne rien faire.
"Attendez... tu as dit des anges ? Y a des anges dans l'histoire ?" réalisai-je subitement.
"Oui, ils ne se mêlent pas des affaires des hommes, mais certains d'entre eux ont décidé d'aider à réparer les mondes." expliqua Lyra, avant de reposer les yeux sur Hypérion.
Ca me paraissait complètement dingue, mais d'un côté, ça n'était pas le truc le plus hallucinant que j'avais entendu dans ma vie.
"Et comment on peut entrer en contact avec eux ?" demanda Hypérion.
Lyra afficha une moue.
"On ne peut pas. Ce sont eux qui se manifestent. Il faut être exceptionnel pour éveiller leur intérêt."
Elle parut hésiter, puis ajouta dans un filet de voix, tout en baissant les yeux :
"Je connais une personne pour qui deux d'entre eux sont descendus du ciel mais... il n'est plus ici."
Elle se mordit les lèvres et sembla subitement très pâle et diminuée, comme si en l'espace de quelques secondes, elle avait perdu toute chaleur et consistance. Je l'observai avec curiosité, sans comprendre ce qui lui arrivait.
Je vis Malcolm -qui la regardait avec un mélange d'indécision et de sollicitude, lever la main vers la sienne mais se raviser au dernier instant. Hypérion observait la jeune fille d'un air compatissant.
"J'aimerais vous demander à quoi ils ressemblent." dit-il avec douceur.
"Je n'en suis pas certaine... Je ne suis plus sûre de ce que j'ai vu." répondit-elle, plongée dans de pénibles souvenirs. "Il me semble qu'ils n'étaient que lumière. Oui c'est ça, du vide et de la lumière."
Elle passa une main sur ses paupières et renifla légèrement. Je posai une main sur le bras de Hypérion pour lui faire comprendre de ne pas insister. De toute évidence, elle souffrait de devoir se rappeler tout ceci. Hypérion afficha une légère grimace, contrarié d'être interrompu, mais il saisit le message. Après un petit soupir, il changea de conversation :
"Je crois qu'il est temps de marquer une pause déjeuner. Vous ne trouvez pas ?"
Il lança un regard à Malcolm avec son petit sourire gourmand, signe qu'il était temps de nourrir le titan. Je roulai des yeux mais eus un petit sourire à mon tour. Irrécupérable !
Chacun de nous sortit sa part de brioche, et Malcolm dégaina le saucisson ainsi que les biscuits à l'avoine autour de la carafe de Tokay.
"Excellente idée !" appuya-t-il.
Hypérion sortit un mouchoir en tissu de sa poche qu'il tendit à Lyra en déclarant :
"Pour éviter les miettes."
Cependant, son regard tendre ainsi que son petit sourire laissaient sous-entendre qu'il ne le donnait pas véritablement pour les miettes. Lyra, qui avait le regard toujours un peu brillant, le prit et le remercia. Elle garda la tête haute et ne s'essuya pas les yeux, ne voulant sûrement pas perdre la face.
"Ensuite, que dites-vous d'un poker pour passer le temps ?" proposa Malcolm, espiègle. "Vous connaissez ?"
Je haussai les épaules tout en grignotant un bout de saucisson. Après avoir avalé ma bouchée, je lançai :
"Je connais le strip poker. C'est plus cool."
Apollon m'avait initiée il y a longtemps et j'en avais gardé un bon souvenir.
"Strip poker ?" répéta Malcolm, indécis. "Pourquoi pas. Je ne suis pas contre apprendre une variante du jeu."
"Ca sera mieux quand on sera à l'écart des gens, et pas sapé en nonnes et en prêtre." réalisai-je.
De toute manière, le regard réprobateur de Hypérion signifiait qu'il n'était pas partant. Un vrai rabat-joie, celui-là. Je pourrais toujours montrer les règles du jeu à Malcolm plus tard.
***
Au bout de onze heures de vol, je retrouvai le sol avec un bonheur à peine dissimulé. Profitant d'être habillée en religieuse, je fis le signe de croix afin de remercier le ciel d'avoir été sympa, mais Malcolm me donna un coup de coude. Indignée, je le dévisageai, avant de comprendre que j'avais fait le signe de croix dans le mauvais sens. Fort heureusement, personne ne semblait l'avoir remarqué.
La température avait radicalement chuté. A Oslo, il faisait un froid de canard, même s'il ne neigeait pas. Au moment de récupérer nos affaires -et tandis que je me précipitais vers la boîte de Hei Hei- Malcolm ouvrit une malle et distribua à chacun une cape polaire.
"Ca nous tiendra chaud le temps qu'on achète quelque chose de plus adéquat."
Tout en maintenant la boîte, je m'enroulai dans la cape et ne ressentis pas de chaleur particulière. Le vent s'insinuait à travers le tissu de ma robe.
"On va f-faire les b-boutiques quand ?" demandai-je en claquant des dents.
Malcolm consulta sa montre à gousset et répondit :
"Dès que nous serons arrivés à Bodo."
Face à mon expression désespérée, il ajouta :
"Dans le train, nous aurons chaud. La gare ferroviaire n'est qu'à une rue d'ici."
Courbattue et à moitié congelée, j'attrapai mon paquetage tout en gardant la boîte de Hei Hei sous le bras. J'avais soulevé brièvement le couvercle afin de vérifier qu'il se portait bien. Il avait toujours l'air aussi égaré. Ouf.
La ville était très différente d'Oxford, beaucoup plus spartiate et désordonnée. Des bâtiments se dressaient de toutes parts jusqu'à cinq étages et ne semblaient pas très bien entretenus. Elle m'évoquait un terrain en friche dont les mauvaises herbes auraient été les commerces et les habitations.
Arrivés à la gare, nous constatâmes qu'une queue assez conséquente s'étirait pour acheter les billets. Tandis que nous nous placions dans la file d'attente, Lyra vérifia les trains disponibles sur le tableau d'affichage puis revint vers nous.
"Le dernier train pour Bodo part aujourd'hui à dix-neuf heures." nous apprit-elle, quelque peu essoufflée.
Malcolm vérifia une nouvelle fois sa montre. Un tic nerveux agita le coin de sa bouche. Il lança soudain, décisif :
"Nous avons une demi-heure pour obtenir les billets. Lyra, je compte sur toi. Autant éviter de dépenser une nuit d'hôtel ici."
La jeune fille acquiesça.
"Pendant ce temps, on va acheter des vêtements chauds et on vous rejoint dès que possible."
Il posa sa valise au pied d'Anatole et se détourna, prêt à s'en aller. Soudain, il fit volte-face et m'interpela.
"Le temps presse, Vaiana. Ne le gaspillons pas inutilement."
J'ouvris des yeux ronds. Il souhaitait vraiment que je l'accompagne pour faire du shopping ? Je lançai un regard incrédule à Hypérion et Alexis.
"Va. Et sois prudente." déclara le titan.
"J'ai pas besoin d'autorisation." répliquai-je.
"Alors pourquoi ce regard ?"
Je ne répondis rien et filai en vitesse. J'étais si surprise que j'en restais muette pendant les cinq minutes de marche seule avec Malcolm -et Asta qui trottinait à ses côtés. Le jeune homme avisa la première boutique de vêtements et m'ouvrit la porte. J'entrai un peu gauchement, peu habituée à la galanterie. Ca n'était pas un peu vieux jeu ? Etait-il en train de me draguer ? C'était un peu bizarre étant donné les circonstances, surtout que j'étais toujours habillée en nonne.
"Euh... je suis pas très au courant de la mode alors c'était pas le bon plan de m'embarquer avec vous..." fis-je, tout en faisant défiler des habits sur des cintres d'un air dubitatif.
"Je n'ai pas besoin de conseils de mode, j'ai besoin de bras solides." répliqua-t-il.
Je haussai un sourcil dans sa direction.
"Et Anatole ?"
"Il ne me paraît pas très solide."
Je réprimai un petit éclat de rire. Il n'avait pas tort. Je faisais beaucoup plus costaud que lui. Malgré tout, je rétorquai :
"Je dois me sentir flattée ou offensée ?"
Il se contenta de répondre par un sourire énigmatique, avant de continuer ses recherches dans les rayons. Profitant qu'il se trouve assez loin, je me penchai vers Asta qui se tenait près de moi :
"Sérieusement, pourquoi il m'a choisie pour l'accompagner ?"
"Il t'apprécie." répondit-elle tout en se léchant la patte avant.
Je me sentis de plus en plus flattée jusqu'à ce que la chatte ajoute :
"Il aime venir en aide à ceux qui ont des problèmes."
"Je n'ai aucun problème."
Asta cessa de se lécher pour m'observer fixement.
"Si tu le dis..."
J'allais répliquer quelque chose mais Malcolm s'écria soudain :
"J'ai trouvé ce qu'il nous faut !"
Je le rejoignis en quelques pas élastiques et tendis les bras vers lui, le visage fermé :
"Les bras solides sont là !"
Malcolm sourit de plus belle mais au lieu de donner les vêtements, il me les montra. Il s'agissait de cinq manteaux doublés en fourrure, de collants polaires, de pulls et de bottes de neige également fourrées.
"On pourrait faire l'impasse sur les jupes ? Franchement, qui porte des jupes au pôle Nord ?" marmonnai-je à voix basse.
"Elles sont en laine épaisses. Elles vous tiendront chaud."
"Je me sens plus à l'aise en pantalon."
Malcolm réprima un soupir avant de me lancer un regard lassé.
"Ne rendez pas les choses plus difficiles qu'elles le sont. Personne n'est habitué à voir une femme en pantalon."
"Mais personne ne verra mon pantalon sous la robe de nonne !" protestai-je.
J'avais parlé un peu trop fort, si bien que le jeune homme m'indiqua de baisser d'un ton. Le vendeur, au comptoir, semblait n'avoir rien remarqué.
"Vous ne garderez pas vos habits de religieuse une fois là-bas. L'important est de passer inaperçu durant le voyage, pas à l'arrivée." glissa Malcolm dans un chuchotement.
"Vous aimez bien donner des ordres, pas vrai ?" fis-je sans aucun à-propos.
Je pensais qu'il allait piquer un fard, mais il se contenta de me confier quelques vêtements, gardant la plus grosse partie dans ses bras. Il paya le tout et garda la majeure partie des sacs en papier. Je lui en pris plusieurs des mains malgré ses protestations.
"Je suis Vaiana Bras-Solides." affirmai-je afin de couper court à la conversation.
Asta émit un petit miaulement d'appréciation et Malcolm fronça les sourcils vers elle, tandis que je levai le nez en l'air.
"Espérons que nous ayons des billets pour le dernier train." songea le jeune homme à haute voix.
Je ne fis aucun commentaire. J'étais courbaturée par le voyage en zeppelin et la perspective d'enchaîner par le train ne m'enchantait guère, mais je ne voulais pas montrer ma fatigue à ce rouquin rebelle.
CODAGE PAR AMATIS
Evêque Sullivan
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
Gare zeppelin d'Oslo, Norvège. Quelques minutes plus tôt...
A peine débarqué, l'évêque Sullivan fut accueilli par l'abbé Hansen ainsi que toute une congrégation de religieux. Ils se saluèrent selon les usages, puis prirent place dans une voiture ambarique des plus confortables, qui contrastait fortement avec la sobriété de la ville. Le reste du clergé ainsi que les trois enfants d'honneur s'installèrent dans deux calèches tirées par des chevaux robustes.
Le véhicule ambarique possédant tout naturellement un chauffeur, les deux membres du clerc conversèrent à loisir sans se soucier de la route.
"Monseigneur a-t-il fait bon voyage ?" demanda aimablement l'abbé Hansen.
"Excellent. Et je suis également ravi de l'accueil que vous me faites."
"Voyons, c'est tout naturel, Monseigneur." dit l'abbé Hansen d'un ton mielleux. "Je me suis permis de transmettre votre message aux instances supérieures, concernant les cinq individus suspects que vous avez signalés durant votre vol."
L'évêque Sullivan hocha brièvement la tête. Il était fort aise de constater que les serviteurs du Magisterium étaient aussi dévoués et efficaces en Norvège que dans son pays.
"Un enfant les a entendus dire qu'ils comptent prendre un train pour Bodo." déclara l'évêque d'un ton pincé. "Leur but est d'arriver à Svalbard."
Avant de monter à bord du zeppelin, alors qu'il se trouvait encore sur la passerelle, il avait interpelé un petit garçon qui voyageait en seconde classe avec son père. Il avait promis à ce dernier une compensation si son fils prêtait une oreille attentive à ce que raconterait le groupe de religieux durant le voyage. Le gamin, qui n'avait pas vu le mal, s'était empressé de répéter à l'évêque tout ce qu'il savait, quelques heures avant l'atterrissage :
"Ils ont parlé d'un endroit horrible où les gens coupaient les daemons des enfants avec un gros ciseau. Ca s'appelle Bol... Bolfagar. Ou Bolgagar."
L'évêque Sullivan n'avait jamais entendu de telles sornettes. Malgré tout, il n'avait pas coupé la parole au petit garçon. Il semblait si impressionné qu'il disait forcément la vérité. Une fois qu'il eut tout raconté, l'évêque le congratula et lui offrit des friandises qu'il avait toujours dans sa poche.
"Monseigneur..." débuta l'enfant tout en louchant sur les bonbons qu'il avait en main.
"Oui, mon petit ?"
"Pourquoi le Magisterium pense que la Poussière est pas bien ? Et c'est quoi la Poussière ?"
La paupière gauche de l'évêque tressauta, même s'il garda une expression neutre tandis qu'il se penchait vers l'enfant pour poser une main bienveillante sur son épaule.
"Quel est ton nom, mon enfant ?"
"Milton, monseigneur."
"Eh bien Milton, certaines choses dépassent notre entendement. En tous cas, sois certain d'une chose : le Magisterium est bon avec tout à chacun. Il oeuvre pour le bien-être de toute la population. Jamais il ne ferait de mal à des enfants. Les gens qui ont commis ces atrocités ont été puni."
Milton ne parut pas beaucoup plus rassuré, mais fit semblant de l'être. L'évêque lui sourit et l'enjoignit à rejoindre son père. Tandis que l'enfant s'éloignait, Sullivan songea que cette histoire était très fâcheuse. Milton et son père ne pouvaient rester en connaissance de ces questionnements concernant la Poussière. Le Magisterium avait pris un soin tout particulier à annihiler toute interrogation à ce sujet.
Il sortit de ses pensées tandis qu'il entendait l'abbé déclarer, sûr de lui :
"Des hommes du CDC sont déjà sur place. Ils seront interceptés."
"J'aimerais savoir ce qu'ils complotent." reprit l'évêque, pensif. "Ils n'avaient de religieux que leur accoutrement."
Voler des vêtements de représentants de l'Autorité, quelle inconscience ! Quelle folie ! Et ce jeune homme brun était doté d'une telle arrogance... Quelque chose en lui déplaisait à l'évêque Sullivan. Il semblait profondément différent de toutes les âmes qu'il avait croisées. Ce qui est différent doit être détruit, puisque dangereux.
"En outre, le Magisterium n'aurait jamais autorisé trois nonnes à quitter leur couvent, même pour motif exceptionnel. Ces hommes du CDC ont déjà reçu des ordres, je suppose ?"
"Bien entendu." affirma l'abbé Hansen. "Neutraliser coûte que coûte."
L'évêque Sullivan tiqua puis tourna la tête vers la vitre. C'était fâcheux. Certes, il fallait punir, mais ne jamais connaître le but de leur voyage insensé le laissait quelque peu contrarié. Ces individus étaient en possession d'informations interdites et tenaient des propos hérétiques. Ils devaient disparaître au plus vite.
Dehors, les gens se massaient de chaque côté de la route afin de saluer l'éminente personne qui se trouvait dans cette somptueuse voiture.
"Ne nous réjouissons pas de leur mort prochaine." déclara l'évêque. "Prions pour eux, mon fils."
Après quoi, il salua les gens qui, enthousiastes, l'acclamaient dans la rue.
Anatole Cassini
« Maîïîtreuuuh !!! »
| Avatar : ➹ Bill Nighy & John Krasinski
« Il existe 175.000
espèces de papillons... »
« Le papillon ne compte pas
les mois, mais les moments.
Ce qui lui confère suffisamment
de Temps pour vivre, ressentir, aimer. »
| Conte : ➹ Intrigue Divine | Dans le monde des contes, je suis : : ✲ Le Titan Hyperion, un papillon étoilé.
...un appât pour toute âme en quête de renouveau. »
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A bord du train dans lequel on venait de monter, après avoir récupéré Vaiana, Malcolm et les billets, on emprunta un long couloir avec des compartiments sur le côté gauche, et une longue vitre du côté droit, montrant la vue au dehors. Les diverses cabines étaient fermées, ce qui ne nous permettait pas de voir à quoi ressemblait l'intérieur. Je me demandais dans laquelle d'entre elle, on allait séjourner. D'ailleurs, je me posais une autre question à ce propos.
« Dans combien de temps arriveront nous ? » demandais-je à Malcolm qui se trouvait juste à côté de moi.
« Environ seize heures. » répondit-il.
« Non là, c'est une blague ! » laissa échapper Vaiana.
Elle n'en pouvait plus de voyager. Le comble pour une Exploratrice. Quant à Malcolm, il lui adressa un regard d'incompréhension.
« Vous ne verrez pas le temps passer. On dormira la majorité du trajet. » précisa t'il à la jeune femme.
Ca ne semblait pas l’apaiser pour autant. Je n'osais plus poser de questions. Du moins pas tant que Vaiana sera à mes côtés. On continua notre marche dans le wagon, croisant diverses personnes. J'en profitais pour tapoter un peu ma poche, faisant mine qu'un Daemon se trouvait à l'intérieur. Une fois au bout du wagon, Lyra s'adressa à nous.
« C'est ici. » dit-elle en comparant le numéro sur le billet, à celui sur la porte de la cabine.
Depuis le début de notre escale, elle se trouvait en tête de file, cherchant l'emplacement exacte de notre couchette. D'ailleurs, une autre question me vint à l'esprit.
« On sera tous dans le même compartiment ? » demandais-je à la jeune femme.
« Pourquoi ? Cela vous dérange ? » me répondit-elle du tac au tac avec un temps légèrement mutin et effronté.
« Hum... absolument pas. » lui précisais-je avec un petit sourire.
« C'est contraire aux usages... » nous coupa Malcolm.
« Il restait très peu de places. Et j'ai pensé que Anatole ne voudrait pas être séparé de ses amis. » précisa t'elle.
« C'est très bien avisé de votre part. » lui répondis-je. « Merci Lyra. »
Son petit air effronté disparu. Je préférais cela. Elle ouvrit la porte et on pu observer une cabine, plutôt étroite, en bois sombre. A la place des banquettes se trouvaient trois banquettes superposées d'un côté, et trois de l'autre. C'était véritablement petit, et je sentais déjà que Vaiana allait s'en plaindre.
Face à nous, une fenêtre. Petite, elle aussi. Avec un rideau que l'on pouvait descendre afin de ne pas être dérangé par la clarté du jour. Sous la première couchette, se trouvait un emplacement pour les valises. Sans compté que comme on était que 5, il nous restait une couchette de libre. Il y avait aussi un petit brasero sous la fenêtre. De quoi allumer un feu si on venait à avoir froid durant la nuit. D'ailleurs, une petite pancarte se trouvait sur l'appareil : "si vous souhaitez allumer le brasero, faites appel au contrôleur".
« C'est cosy. » annonçais-je. « Quelqu'un pour la couchette du haut ? Je prendrais bien celle du bas, si ça ne dérange personne. »
« Je veux bien la prendre si ça vous arrange mais je préviens, si je dois vomir en pleine nuit, je réveille tout le monde ! » enchaina Alexis.
Pourquoi devrait-elle vomir ? Songeais-je. Quant à Vaiana, elle fit une grimace.
« Tu préfères pas dormir en bas ? Il reste une place vu qu'Anatole prend l'autre. »
« Pour quelle raison vous devriez vomir ? » demanda Malcolm.
J'aurai du poser la question directement. Mais au moins, on se demandait la même chose avec le jeune homme.
« Vous avez des problèmes de digestion ? » enchaina t'il.
« En quelque sorte, oui... et j'ai jamais dormi dans un train et parfois les trajets de la route me font mal au coeur, alors mieux vaut prévenir que guérir. »
Elle lui fit un sourire avenant. Malcolm sortit de sa poche un petit sachet de poudre blanche, qu'il tendit à la jeune femme. Je vis Vaiana suivre du regard le dit sachet, avant de se rendre compte que je la fixais, les yeux légèrement plissés.
« Diluez l'équivalent d'une cuillère à café dans un peu d'eau. Ca vous aidera. » dit-il gentiment à Alexis.
« Qu'est ce que c'est ? » lui demanda t'elle.
« Du bicarbonate de sodium. » lui répondit-il.
« Est ce qu'il y a des activités dans ce train ? » profitais-je pour demander.
A bord du Zepellin, on était passé à côté du restaurant et des diverses activités, afin de ne pas se faire surprendre par l'évêque Sullivan. Mais à bord du train, on ne risquait rien, n'est ce pas ? J'étais impatient de découvrir ce qu'on allait pouvoir faire pour tuer le Temps pendant ces seize heures de voyage.
« Bien sûr. Il y a un tournoi de cricket journalier. Mais à mon avis, vue l'heure, nous avons manqué les inscriptions. » précisa Lyra avec un air des plus sérieux.
Je la dévisageais, me demandant si elle était sérieuse. Après tout, tout était possible, n'est ce pas ? Et du cricket à bord d'un train, ça pouvait être... des plus sérieux... ou... je la fixais quand même d'un air dubitatif.
« Du cricket ? » demandais-je. « Ici ? »
« Hum... hum... » répondit-elle en hochant la tête et en se retenant de rire.
Je secouais la mienne. Je n'aimais pas qu'on me fasse de fausses joies. Malcolm la fixa d'un air faussement réprobateur.
« Je pense qu'il y a des jeux de dames, d'échecs... beaucoup de jeux de société. » précisa Malcolm.
Je hochais la tête, satisfait de sa réponse.
« Folle ambiance... » soupira Vaiana en se laissant tomber sur son lit.
Ce dernier se trouvait au dernier étage. Elle avait déjà grimpé pendant qu'on parlait, et elle s'était assise dessus. Désormais, elle était allongée, et on ne la voyait plus trop. Ce n'était pas un problème...
Quant à Alexis, elle semblait pas mal amusée par la petite blague qu'on venait de me faire.
« J'adore jouer aux échecs. Si jamais y'a un tenté... » dit-elle en m'observant. « Et je suppose qu'il y a un wagon restaurant ou un truc du genre, non ? Le repas nous fera passer aussi un peu de temps... »
Pendant qu'on parlait, je visualisais l'emplacement de chacun. J'avais pris la couchette du bas, et Alexis celle du bas d'en face. A deux étages au dessus de ma tête, se trouvait Vaiana. Lyra s'installa au-dessus d'Alexis. Quant à Malcolm, entre Vaiana et moi. D'un côté, les hommes et les bras solides, et de l'autre les femmes.
« Ah décidément, vous êtes de grands mangeurs par chez vous. » lança Malcolm d'un air amusé. « Évidemment, nous aurons de quoi nous restaurer. »
Lyra se mit à chercher quelque chose dans son sac. Elle en sortit un petit livre bleu avec noté dessus "l'Hôtel Bleu". Je déglutis en le voyant.
« Qu'est ce donc ? » m'empressais-je de lui demander.
Elle tourna la tête de mon côté, d'un air perplexe.
« Un livre. » me répondit-elle.
« Je le sais. Mais de quoi parle t'il ? » insistais-je.
« C'est un conte pour enfants. » m'informa t'elle.
Un conte pour enfants ? Comment cela était-il possible ? Je me remémorais une scène qui s'était passé entre Eurus Holmes et moi même. On se trouvait à Storybrooke, au bord de l'eau, après que la jeune femme m'ait demandé de lui prêter assistance. Elle était en proie à des individus peu recommandables. C'était pendant notre rencontre, que la soeur du détective Sherlock Holmes, m'avait appris beaucoup de choses sur le don qu'elle possédait.
En touchant n'importe quel objet, ou personne, elle pouvait voir des bribes de son passé, sous forme de flash. Je m'étais montré de suite très intéressé par son don. Et suite à une expérience, auquel on s'était prêté tous les deux, elle m'avait touché, et elle avait eu un flash. Dans un premier temps, c'était un différent pour tous les deux. C'est à ce moment là, qu'elle m'avait appris que d'ordinaire, elle était la seule à avoir des flash, et non pas la personne avec qui elle entrait en contact.
Un second flash s'en était suivi, cette fois ci partagé par tous les deux. Je n'avais pas compris de quoi il était question. Il s'agissait uniquement de la voix d'un jeune homme, que je ne connaissais pas, mais dont j'avais déjà entendu le son précédemment. Il m'avait parlé à plusieurs reprises. Si on pouvait appeler cela parler. Car en réalié, je ne faisais que l'écouter. On ne pouvait pas communiquer. Quoi qu'il en soit, ce jour là, lors du flash, il avait prononcé une phrase. Et aujourd'hui, elle prenait tout son sens : « L'Hôtel Bleu. Je dois me rendre à l'Hôtel Bleu. C'est la seule solution. »
« Puis-je ? » demandais-je à la jeune femme en tendant la main dans sa direction, et plus précisement en direction de celle de son livre.
Elle me le tendit, même si elle semblait toujours autant intriguée. Je pris l'ouvrage dans mes mains, observant la couverture. Le livre en lui même était de couleur bleu roi, relié, petit et assez plat. Il ne semblait pas contenir beaucoup de pages. En lettre argenté était indiqué dessus : « L'Hôtel Bleu. ». Aucun nom d'auteur y figurait, ni quoi que ce soit d'autre. Le livre semblait avoir bien vécu. Je le tournais pour voir si une autre indication se trouvait sur la quatrième de couverture, mais rien.
« Qui en est l'auteur ? » demandais-je, intrigué.
« Personne le sait. C'est un ouvrage anonyme qui existe depuis très longtemps. » me répondit Lyra.
J'en profitais pour ouvrir le livre, et feuilleter quelques pages. Dedans, il y avait des mots, mais aussi des gravures. C'était un conte pour enfants illustré. Je m'attardais sur diverses gravures. L'une d'entre elle montrait un petit garçon de dos qui avançait dans le grand nord.
« Comment s'appelle t'il ? » ajoutais-je à l'intention de la jeune femme, tout en pointant du doigt le petit garçon sur la gravure.
« Zoran. » me répondit-elle. « C'est le héros de l'histoire. »
Il semblait avoir une dizaine d'années. Ca pouvait correspondre à la voix, mais en même temps, je voyais la voix légèrement plus adulte. Je ne voyais pas comment en apprendre d'avantage.
« C'est l'histoire d'un petit garçon qui découvre un endroit merveilleux dans le Nord. Un endroit où sont tous les Daemons solitaires : l'Hôtel Bleu. C'est une Citadelle qui se dresse au coeur de Svalbard. A la fin... vous voulez connaître la fin ? » se coupa t'elle.
« Il existe. » répondis-je, songeur.
Elle me regarda, hésitante. Malcolm répondit pour elle.
« Bien sûr que non. C'est une légende. »
Je tournais la tête dans sa direction, l'observant un petit instant, avant de regarder une nouvelle fois Lyra. Un endroit où se rendaient les Daemons solitaires... songeais-je.
« Est ce fréquent qu'un Daemon soit séparé de son compagnon ? » posais-je à Malcolm.
« Ca n'est pas censé arriver. » répondit-il brièvement en jetant un coup d'oeil en direction de Lyra.
« Et si ça venait à se produire, où se rendrait le Daemon ? » ajoutais-je.
« Il pourrait aller n'importe où... » laissa échapper Malcolm.
Je fixais Lyra droit dans les yeux. Je me posais une question sur son compte. Une question que je ne pouvais pas formuler sans trahir la confession que Malcolm m'avait faite. Mais j'avais besoin de savoir. Il fallait que je tourne cela d'une autre manière.
« Pourquoi on se rend dans le Nord ? » demandais-je une nouvelle fois à Lyra. « Pourquoi tu t'y rends ? »
« Je... » soupira t'elle en se mordant les lèvres. « Je pense que mon Daemon est là bas. »
Malcolm soupira à son tour.
« Ne me dis pas que tu comptes trouver l'emplacement d'un lieu imaginaire ? » s'emporta t'il.
Lyra ouvrit la bouche dans le but de répondre.
« Je partage son avis. » la coupais-je.
Et sans lui laisser le temps de répondre, je tournais la tête en direction de Malcolm.
« Il existe. L'Hôtel Bleu. Ce n'est pas une question, mais une affirmation. Sinon comment expliquer que je connaissais ce nom avant même d'arriver dans votre monde ? »
Alexis fit un bond dans son lit. Elle se leva avec les yeux ronds et fixa Lyra.
« L’araignée ! Ton araignée est partie ? »
« Ce n'était pas mon Daemon. » précisa Lyra.
Imperturbable, Malcolm se plaça devant moi et me fixa d'un oeil perçant.
« D'où vous le connaissez ce nom ? » me demanda t'il.
« C'est lui qui m'en a parlé. » répondis-je du tac au tac, avant de regarder Lyra.
J'eus une petite hésitation avant de poursuivre.
« J'ignore comment cela est possible. Une personne de mon monde, a le don de voir les choses. D'ordinaire pas celles à venir, mais celles passées. D'un simple contact de la main, elle peut lire en vous. Et quand elle a été connecté à moi, j'ai entendu une voix. Elle parlait de l'Hôtel Bleu. » lui avouais-je avant de regarder Alexis, et Vaiana, qui avait penché la tête de là où elle était perchée. « Je n'ai rien dit, car je ne pouvais pas me douter jusqu'à maintenant, que c'était lié à cet endroit. »
Histoire d'être sûr qu'elles ne recommenceraient pas à m'accuser de cacher la vérité.
« Et cette voix, qu'a t'elle dit ? » demanda Lyra intriguée.
Je tentais de me remémorer chaque mot, pour ne pas en omettre un seul. Puis, la fixant, je lui dévoilais ce que la voix m'avait confié lors de mon échange avec Eurus.
« L'Hôtel Bleu. » débutais-je. « C'est l'unique solution. Je dois me rendre à l'Hôtel Bleu. » achevais-je en hochant la tête pour lui faire comprendre que c'était une fin de citation.
Lyra déglutit. Je ne pouvais plus sentir les auras. J'avais perdu ce don. Il m'était impossible de retrouver son Daemon. Car à en croire le lien que l'humain avait avec son Daemon, ils possédaient sans doute la même aura. Avec mon don, ça aurait été un jeu d'enfant de le retrouver.
« D'une façon ou d'une autre nos mondes sont liés... » enchaina Alexis.
Elle leva les yeux dans la direction de Malcolm.
« Vous vous souvenez la première fois qu'on s'est vu, j'ai pu vous expliquer ce que je savais des Daemons... je vous ai dit que notre monde théorisait sur le sujet... c'est pas tout a fait vrai... » lui confia t'elle, avant d'hésiter à poursuivre.
Elle fit une grimace, et se toucha les mains d'un air nerveux. Elle passa de Vaiana à Malcolm, avant de regarder Lyra. Puis, après un petit instant, elle fixa une nouvelle fois Malcolm.
« En fait... je vous ai pas menti... je tiens bien une librairie. Mais dans mon monde, votre histoire... est un livre pour enfant enfin une série de livres pour enfants... »
Elle grimaça une nouvelle fois. Puis, elle regarda Lyra.
« Il me semble que l'héroïne s'appelle comme toi d'ailleurs... Je n'ai pas encore eu l'occasion de les lire donc j'ignore si ça parle de ton histoire mais je me dis que si votre monde est écrit dans un livre pour enfant chez nous, il n'est pas spécialement étrange d'imaginer qu'un conte pour enfant chez vous... parle d'une véritable histoire et d'une véritable personne et qu'Anatole ai pu d'une façon ou d'une autre percevoir cette histoire... »
Je l'observais, sans pour autant répondre. Je n'avais rien contre qu'elle confie cela à nos hôtes. Après tout, on établissait un lien de confiance entre eux et nous. Il était normal qu'ils en sachent autant sur nous, qu'on en savait sur eux. Je les sentais bien. Tous les trois, si on comptait Asta avec. D'ailleurs, elle s'était montrée attentive, et discrète depuis le début de la conversation.
D'ici, je pouvais lire dans les yeux de Lyra qu'elle semblait confortée dans l'idée qu'elle avait raison. Elle semblait déterminée. Je lui adressais un petit sourire, avant de porter mon attention sur Malcolm, afin de voir ce que lui aussi pensait de tout ça. Il semblait un peu livide, la main sur sa bouche. Asta leva la tête vers le jeune homme.
« On pourrait leur accorder le bénéfice du doute. »
Malcolm lui répondit sans lâcher sa main de devant sa bouche.
« Je vais faire un effort. » dit-il avec difficulté.
Il marqua une pause pendant laquelle on s'observait un peu tous à tour de rôle.
« Autant aller jusqu'au bout maintenant qu'on est ici. »
Il regarda Lyra d'un air fataliste.
« Bien. » répondis-je. « Je crois qu'on a tous désormais le droit à un petit repos bien mérité. »
Je tournais la tête vers Lyra.
« Vois tu un inconvénient à ce que je conserve ton livre un petit moment ? Le temps de le lire. » lui demandais-je.
Elle hocha la tête.
« Ne le perdez pas. »
Je hochais la tête à mon tour, avant d'ouvrir la porte de la cabine.
« Je vais faire un tour. » précisais-je.
Je n'avais pas besoin de dormir, mais plutôt de prendre l'air.
CODAGE PAR AMATIS
Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »
| Avatar : Kaya Scodelario
Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...
Après le dîner et quelques discussions, on avait fini par se coucher. Allongée sur le côté, j’avais observé dans le noir la couchette d’Anatole. Allait-il trouver le temps long à faire semblant qu’il allait dormir ? Que faisait toutes ces personnes incapables de trouver le sommeil de leurs nuits ? Je les plaignais. Dormir était un plaisir pour moi. L’idée de passer chaque instant de ma vie constamment éveillé même quand il n’y avait rien à faire m’angoissait d’une certaine façon et cette angoisse m’avait fait me tourner sur le dos, les yeux rivés sur les lattes du lit au-dessus de moi, celui de Lyra. Malgré la pénombre du wagon, nous pouvions encore discerner quelques formes, les rideaux n’occultant pas tout. Le bruit redondant des roues sur les rails avait quelque chose d’apaisant, de plaisant. Pourtant, l’idée d’avoir la blonde au-dessus de moi m’empêcher de sombrer totalement. Ce n’était pas son daemon. Ça aurait dû me rassurer et pourtant... qu’est-ce qui poussait une fille à se balader avec une simple araignée sur son épaule ? Elle avait beau être un peu plus sympathique maintenant que je comprenais un peu plus les douleurs de son passé, je la prenais toujours pour une gothique qui kiffait les araignés. Et si ce truc me tombait dessus pendant la nuit ? Prise d’une nouvelle angoisse, je n’avais plus m’y résoudre, l’appelant en chuchotant :
- Pssst ! Lyra ? - Oui ? - Du coup... tu l'as pas prise avec l'araignée, hein ?
Elle avait laissé planer un petit silence avant de me demander :
- Tu ne serais pas un peu obsessionnelle sur les bords ? - Sur les araignées ? Si... et sans vouloir te vexer t'es juste au-dessus de moi...
Elle avait laissé planer un nouveau silence, un de ses silences qui me faisait me demander si elle ne le faisait pas exprès, se moquant gentiment de ma peur. Sa phrase suivante me le confirma :
- Il n'y a plus d'araignée. Enfin, à part celles qui ont élu domicile dans ce train. Tu veux que je dorme avec toi pour que tu sois rassurée ?
J'avais eu un ricanement nerveux lorsqu’elle avait parlé des araignées du train. Elle était vraiment pas cool sur ce coup. Mais j’avais décidé d’en rire, ne voulait toujours pas la laisser gagner sur ce terrain, me rappelant la scène de la cuisine mais de façon bien plus sympathique cette fois. Un sourire avait étiré mes lèvres avant que je n’ajoute d’un ton malicieux :
- Pourquoi pas... ça pourrait effectivement me rassurer... ça fait deux fois que tu me propose un truc pareil, c'est autorisé dans ton monde au moins ou on risque de faire exploser Malcolm en vol ? - Pourquoi me faire exploser? Je me porte très bien. Mais j'aimerais dormir.
Il l’avait dit sur un ton un peu sec tandis que je pouffais de rire dans mes couvertures. Je donnais un peu plus de grain à moudre à Vaiana sur le côté “coincé” du jeune homme que même son daemon peinait apparemment à comprendre puisqu’Asta soupira :
- Toi et le second degré... - Rien n'interdit de dormir à plusieurs. Je descends?
Elle l’avait dit d’un ton désinvolte mais avant que je pusse répondre quelque chose dans ce sens, Malcolm était intervenu une nouvelle fois, d’une voix de plus en plus enrouée :
- Lyra, ça suffit maintenant.
Sa chatte avait alors émis un petit miaulement qui ressemblait à un rire, visiblement bien plus sur notre longueur d’onde que lui. De mon côté, je m’étais poussé à grand bruit de draps vers la cloison qui nous servait de mur pour bien spécifier à tout le monde, même dans le noir, que j’étais clairement en train de lui faire une place dans mon lit. Chemin faisant, je m’étais demandé comment Malcolm aurait réagit si je lui avais appris que j’avais travaillé dans les toutes premières années de ma majorité dans un club de strip-tease. Je n’avais aucun problème avec le sexe ou la sexualité dans toutes ces formes. Pour moi, c’était quelque chose de naturel, qui faisait partie des plaisirs de la vie... mais je pouvais comprendre que certains estimaient que c’était des choses qu’il fallait cacher... Pour éviter de trop froisser le professeur, je m’étais contenté de lever mon pied en direction des lattes pour les passer entre afin de pousser le matelas de Lyra, créant une petite secousse :
- C'est quand tu veux...
La jeune femme avait eu un petit rire sans pour autant bouger de sa place, à mon grand soulagement. On avait apparemment les mêmes limites, ce qui était rassurant. J’ignorais pourquoi elle l’avait fait, mais pour moi, c’était une évidence, nous étions loin d’être assez proche pour que la situation ne me gêne pas. En rire, c’était une chose, agir, s’en était une autre, même entre copines... Si c’était ce que nous étions en train de devenir... de son côté, Vaiana, au-dessus de Malcolm avait décidé à son tour d’intervenir :
- Je descends, moi aussi ? Tant qu'à faire, autant qu'on s'amuse aussi, les mecs.
BOUUUUUUUM.
Le bruit m’avait tellement choqué que pendant deux secondes, je n’avais pas bougé, me contentant de tenter de comprendre ce qui venait de se passer. Mais soudain, j’avais aperçu dans la pénombre une masse noire au sol et j’avais alors éclaté d’un grand rire, suivi par Anatole. Vaiana avait, semblait-il, voulu descendre de son lit mais venait de se rétamer au sol. Sans bouger, elle avait alors déclaré :
- Ouais... tout compte fait je vais rester là.
Pourquoi j’avais bu son truc au bicarbonate déjà ? Une envie pressante m’avait éveillé en pleine nuit et j’avais ouvert les yeux sur cette constatation déprimante. Il fallait que je me lève et que je sorte du wagon. J'en avais aucune envie. J’étais resté allongé quelques secondes en me berçant de l’illusion que si je n’y pensais plus, je n’allais plus avoir envie mais l’idée que je puisse uriner dans le lit avait pris le dessus et j’avais fini par me lever avec un grand soupir silencieux pour éviter de réveiller les autres et d’alerter potentiellement Anatole. J’avais récupéré mes chaussures et en silence, j’étais sortie du compartiment dans le couloir. Il était lui aussi plongé dans la pénombre, la clarté venant uniquement des fenêtres et du dehors, plongé dans une espèce de clair obscure. Tout était calme, silencieux, s’en était un peu flippant. Je m’étais dirigé vers le bout du Wagon où se trouvait les toilettes quand une voix d’homme avait surgi derrière moi :
- Un problème, ma sœur ?
J'avais fait un bond en me tournant, la main sur le cœur. Il m’avait fait peur, ce con. Pourtant, l’homme qui se tenait devant moi n’était tout simplement que le contrôleur du train. Est-ce que je devais m’inquiéter du fait qu’il venait de m’appeler “ma sœur” ? J’étais en chemise de nuit, il avait eu une sacrée mémoire pour se rappeler de qui j’étais... Peut-être étais-je aussi tout simplement parano, après tout, les nonnes étaient de la “classe supérieure” dans ce monde et pour un surveillant de wagon, c’était sans doute son rôle de se souvenir des gens qu’il croisait.
- Oh, je vous ai fait peur ? Mes plus humbles excuses. Puis je vous aider en quelque chose ?
Après un court moment de flottement, je lui avais répondu avec un pâle sourire :
- Tout va bien, merci, je cherchais juste les... latrines... - Latrines ?
Il avait eu un air étonné. Soit les nonnes n’allaient jamais aux toilettes dans ce monde, soit elles n’en parlaient pas soit... le mot n’existait pas. J'avais pourtant tenté un mot ancien... Une chose était sûre, je pariais tout de même plus sur l’option 2 ou 3. Je n’avais rien répondu pour éviter de me mettre encore plus dans la panade, le laissant me préciser :
- Au bout du couloir, ma sœur.
Il me les indiqua d’un signe de main et j’avais tourné la tête dans la direction qu’il me montrait avant de reporter mon attention sur lui :
- Si vous avez le moindre souci, n'hésitez pas. Je serai ici.
Il m’avait montré une chaise à l’autre bout du couloir et j’avais hoché la tête en le remerciant tout en me dirigeant avec un peu plus de hâte dans la direction indiquée pour éviter de poursuivre cette discussion. Une fois mon affaire finie, je m’étais lavée les mains et en sortant de la pièce, j’avais manqué d’avoir une nouvelle crise cardiaque en voyant un fantôme devant moi. Enfin... un fantôme... c’était juste Lyra, en chemise de nuit, son teint toujours aussi chaleureux, ses cernes toujours aussi présentes. Elle pouvait clairement jouer dans un film d’horreur. Ils s’étaient passé le mot pour me faire flipper ou quoi ?! Reprenant mon souffle, j’avais fini par sourire, goguenarde :
- Décidément, jusqu'aux toilettes tu me suis ? Tu peux plus te passer de moi... - On ne peut rien te cacher.
Elle avait eu un léger sourire avant d’ajouter plus sérieusement :
- J’ai faim.
J’avais fait un rapide check mental de mon état de satiété en me rendant compte que j’avais aussi faim. Nous avions très peu manger la veille au soir, sans doute en finissant nos provisions. Quand mon estomac ne faisait pas des siennes, il me criait famine. Je m’étais mise une note mentale de consulter un médecin à mon retour à Storybrooke avant de lui avouer :
- Moi aussi. On a plus rien ? Parce que je suis pas sûre que c'est pas là que tu vas trouver un truc.
Du pouce, je lui avais montré la cabine de toilettes derrière moi avec un sourire amusé. Elle m’avait sourit à son tour :
- On a fini tout ce qu'on a emmené. En fait, j'espérais que l'un de vous se réveille. Je n'ai pas envie d'aller explorer les cuisines toute seule. Mais à deux... on sera rapides et discrètes non ?
Elle avait eu un regard tentateur et je lui avais répondu par un sourire plus grand. J’étais jamais la dernière pour les petits coups en douce qui pouvaient rehausser mon état de stress et d’aventures. Et après tout, on ne faisait pas grand-chose de mal... ça restait du vol mais du vol de choses qui étaient destinés de base à une grande majorité d’enfoiré alors...
- C'était ma seconde option ! Par contre faut pas qu'on se fasse choper par le contrôleur, il m'a appelé "ma soeur" tout à l'heure et voler c'est pas très catholique je crois...
Je m’étais brusquement stoppée, prise par une nouvelle réflexion :
- C'est le catholicisme votre religion ?
J’étais pensive à ce sujet. C’était possible après tout, les grades se rapprochaient fortement de cette religion même si j’ignorais comment le catholicisme pouvait gérer cette histoire de daemons. Lyra avait préféré éviter cette partie de ma question pour en revenir au sujet principal : notre vol de nourriture :
- Oui on doit passer devant lui mais... on n'est pas obligée de lui dire où on va. On est dans un train, pas une prison : on peut se déplacer. Qui plus est, c'est peu probable qu'il interroge deux religieuses.
J’avais hoché la tête avec un sourire décidé :
- Je te suis !
Nous avions commencé à traverser le wagon en sens inverse. Arrivées à hauteur du contrôleur, Lyra avait annoncé d’un ton solennel :
- Nous allons bénir le train. - C'est tout à votre honneur, mes sœurs.
J’avais hoché la tête d’un air de remerciement en me mordant les joues pour ne pas éclater de rire. Bénir le train ?! En plein milieu de la nuit ? Ils étaient vraiment tarés dans ce monde avec la religion pour croire un truc pareil ! Mais fort heureusement pour nous, c’était passé. Nous avions traversé encore tout un wagon dortoir avant d’arriver dans la salle de restaurant, complétement déserte.
- Les cuisines doivent être un peu plus loin. - Yes ! A l’attaque, j’espère que c’est ouvert !
D’un pas un peu plus engagé, j’avais traversé tout le wagon restaurant à la hâte. C’était très étrange de se trouver dans ce genre d’endroit en pleine nuit. Les tables étaient déjà dressées pour le petit déjeuner. J’avais poussé la porte battante de la cuisine qui n’était pas verrouillée à ma plus grande joie et nous nous étions mis en recherche de nourriture. Nous nous étions mise à chercher fébrilement dans les placards. J’avais une furieuse envie de saucisson, sans pour autant me l’expliquer et mes yeux s’étaient déjà posé sur les portes du frigo un peu plus loin. Pourtant, un bruit me stoppa dans mon élan, le bruit de la porte battante qui s’était de nouveau mise en mouvement. Perplexe, je m’étais arrêtée dans mon mouvement en même temps que Lyra, tendant l’oreille. J’avais tourné la tête vers la blonde :
- Tu as entendu ?
Elle avait hoché la tête à son tour avant de porter son attention sur la porte à quelques mètres. Eolle hasarda :
- Nous... nous sommes les sœurs du couvent Sainte Augusta d'Oxford. Nous cherchons à manger pour nourrir un enfant malade.
Pour toute réponse, elle ne le reçu que le silence et ma main s’était approché lentement du premier ustensile de cuisine à ma portée : une louche. J'avais pourtant changé d’objet au moment où j’avais entendu un étrange cliquetis, comme celui qu’une porte qui venait de se verrouiller malgré nous. Sans attendre une seconde de plus, j’avais attrapé un énorme couteau de cuisine qui reposait dans son fourreau. Je savais manier une épée, le couteau de cuisine ne devait pas être beaucoup plus différent, non ? Je m’étais déplacée vers le mur le plus proche, le tapotant à tâtons à la recherche d’un interrupteur que je ne trouvais pourtant pas...
- Qu'est-ce que tu fais ?
Je sentais dans sa voix qu’elle était anxieuse. Je pouvais percevoir qu’elle s’était armée de son côté d’un truc qui semblait être une poêle à frire. Complétement paniquée, j’avais continué à chercher à tâton en pestant :
- Y'a pas moyen d'avoir un peu de lumière dans cette cuisine de merde ? - Une nonne grossière... Il va falloir beaucoup prier pour le salut de votre âme, ma soeur .
C’était la voix d’un homme. Il avait le ton railleur, il avait l’air de beaucoup plus s’amuser que nous. D’un pas tranquille, je vis sa silhouette s’approcher de nous. J'avais fini par trouver une espèce de lampe à huile que j’avais activé, comme à l’auberge. L’homme avait un complice et tous deux portaient des tenus de contrôleur.
- N'essayez pas d'appeler à l'aide. Les wagons-lits sont insonorisés. Personne ne peut vous entendre.
Aucun des deux hommes ne ressemblait à Pierre Michel, le contrôleur de notre wagon à qui j’avais donné un petit surnom, hommage à Agatha Christie. L’un des deux avait l’air d’avoir un daemon loup, ce qui était LOIN d’être rassurant. Quant à l’autre, je ne parvenais pas à le percevoir. Complétement angoissée, je trouvais tout de même l’aplomb de préciser :
- Qu'est-ce que vous nous voulez ? - Votre salut.
Le sourire mauvais, il s’approcha de nous, une corde de piano dans les mains, qu’il tendit brusquement dans un bruit sinistre.
Lyra Parle-d'Or
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
| Avatar : Elle Fanning
We are all broken.
That's how the light gets in.
| Conte : A la Croisée des Mondes | Dans le monde des contes, je suis : : Lyra Belacqua / Parle-d'Or
...un appât pour toute âme en quête de renouveau. »
▼▲▼
J'entendis Lyra quitter la chambre. Alexis avait fait de même quelque minutes auparavant. Sur le coup, je voulu les rejoindre, histoire de m'assurer que tout irait bien, mais rien indiquait qu'on était en danger sur le moment. On pouvait passer une nuit au calme, et sans le moindre soucis Quant à Lyra, je me doutais qu'elle était sortie afin d'avoir une conversation avec Alexis. Elle allait sans doute en profiter, vue qu'on semblait tous les trois dormir. Du moins en apparences, car quelque minutes après, je vis une jambe descendre l'escalier qui séparait mon lit du lit au-dessus, suivi de très près par une seconde jambe. Puis, ce fut au tour du restant du corps.
« Vous avez un petit creux, vous aussi ? » demandais-je à Malcolm.
Asta sauta jusque sur le plancher.
« Je trouve que les filles sont longues à revenir. » précisa t'il, une fois arrivé en bas.
« Je pense qu'elles ont besoin de parler. »
Il sembla hésiter.
« Je veux juste m'assurer que tout va bien. » me répondit-il. « Je vous ramène quelque chose des cuisines ? »
Il eu un sourire amusé. Je lui souriais à mon tour.
« Si vraiment vous insistez... je prendrais bien ce sur quoi vous tomberez. »
Malcolm quitta la chambre, suivi de près par sa chatte rousse. Je décidais, quant à moi, à m'asseoir sur le lit. J'attendis quelques instants. Un petit bruit fut émis d'une boite, dans laquelle se trouvait le coq de Vaiana. Il s'était sans doute réveillé, et il avait commencé à taper dans le vide, comme d'habitude, et sans raisons.
« Tu dors ? » demandais-je à l'intention à la jeune femme qui était deux couchettes plus haut.
J'aurais bien rejoins Malcolm, mais les filles étaient deux. Elle seraient bientôt rejointes par une troisième personne. Si je partais, Vaiana se retrouvait seul. Mieux valait rester ici, au cas où. Même si je doutais qu'on risque quoi que ce soit, ce soir.
« Tu crois qu'il reste de la brioche ? » demandais-je une nouvelle fois à Vaiana. « Je me doute que tu dors, et que par conséquent tu ne m'entends pas, mais je me disais qu'on pourrait parler un peu. Toi et moi. »
Je sortais mes pieds du lit, pour les poser sur le sol.
« Tu vois, ça fait quelque temps que tu es revenu à Storybrooke, et je trouve que c'est une excellente chose. Tu as toujours tes petits penchants pour ta sois disant dépendance, mais tu fais des efforts. Et c'est bien. C'est vraiment bien. C'est juste dommage que tu restes un peu trop enfermé chez toi, et que du coup tu commences à considérer ton coq, comme ta seule véritable famille. »
Des nouveaux bruits furent émis de la boite où se trouvait HeiHei.
« A dire vrai, je me disais que tu pourrais t'ouvrir plus aux autres. Comme tu le fais en ce moment. Mais, à Storybrooke. Tu pourrais même peut-être déménager et emménager avec diverses personnes, comme à l'époque. Je sais que tu as peur de tout faire exploser une nouvelle fois, et de mettre la vie des autres en danger. Mais tu peux contrôler ton pouvoir. Il faut juste te concentrer, et travailler sur ça, sur toi. »
Vaiana dormait toujours à poing fermés. C'était agréable de pouvoir converser sans se faire interrompre. J'adorais ce genre de conversations.
« Je me demande quel goût a HeiHei. » laissais-je échapper.
Je voulais savoir si elle dormait véritablement. Son absence de réponse, me confirma que c'était bel et bien le cas. Je me levais, pour m'approcher de la fenêtre. Dehors, il faisait nuit noire et le train continuait son avancé. Un croissant de lune se trouvait dans le ciel, ce qui accentua ma faim. Quant au paysage qu'on voyait passer, il s'agissait de montagnes enneigées. On se trouvait sans doute aux portes du Nord. J'aimais beaucoup l'hiver, la neige, ce décors. J'avais hâte d'y être.
« Je devrais peut-être les rejoindre, n'est ce pas ? Bien que si Alexis avait rencontré le moindre soucis, elle m'aurait appelé. Mais sait-on jamais. Ca serait plus prudent, n'est ce pas ? »
Je levais la tête vers la couchette. De là où se me trouvait, les rayons de la lune entraient dans la pièce, et je pouvais voir au visage de Vaiana emmitouflé sous la couette, qu'elle dormait paisiblement. Qu'est ce qu'elle risquait si je la laissais là toute seule ? Je soupirais. Je ne voulais pas tenter le Loup.
« Vaiana ? » dis-je en étant arrivé en haut de l'échelle et en secouant légèrement la jeune femme.
« Pas ma noix de coco... » marmonna t'elle.
Un sourire illumina mon visage. J'hésitais à la secouer afin de la réveiller. Mais, ça me fondait le coeur de rompre son sommeil. Décidant finalement de redescendre les marches, j'observais la boite où se trouvait HeiHei. Je décidais de l'en libérer. J'en profitais pour prendre un peu de graines, que je lui mis sur le sol, entre la couchette de gauche et la mienne. Puis, je lui tapotais le dos tout en lui donnant quelques consignes.
« Si y'a le moindre soucis, préviens moi. »
Je doutais qu'il soit capable de le faire. D'ailleurs, en guise de réponse, il se mit à picorer le sol. Bien entendu, son bec ne toucha pas une seule fois les graines, vue qu'il tapait à côté.
« Ou fait de ton mieux... » achevais-je en quittant la chambre et en prenant bien soin de refermer la porte derrière moi.
Dans le couloir, il n'y avait pas âme qui vive. Je pouvais aller sur la gauche, vers l'avant du train, ou sur la droite, et ainsi rejoindre l'arrière, avec sans doute le restaurant. Je savais que Malcolm avait pris ce chemin. Si il n'avait pas trouvé les filles en train de manger, il aurait sans doute fait demi tour. Du coup, j'entrepris de suivre cette voie.
C'était étrange de voir le siège du contrôleur vide. Je pensais qu'il restait là tout le temps. A moins qu'il avait été appelé quelque part. Je voulais lui demander de veiller sur notre chambre, où se trouvait Vaiana, mais il allait falloir faire sans. Juste par précaution, j'entrepris d'accélérer le pas afin de rejoindre le groupe. Ou du moins l'emplacement où j'espérais qu'ils se trouveraient.
A proximité de ce qui semblait être les cuisines, j'entendis des bruits. Il s'agissait de voix, qui d'ici me semblaient appartenir à un homme et à des jeunes femmes. D'ailleurs, je les reconnus immédiatement. Ce qui m'inquiéta, n'était pas le son de leur voix, mais le sens de leurs paroles. J'entendais Lyra dire qu'un Daemon scorpion venait de la piquer. Une fois dans l’embrasure de la porte, j'observais la scène qui se trouvait sous mes yeux. Il y avait le contrôleur à quelque pas de moi, Malcolm, et aussi Lyra et Alexis. Ces dernières semblaient affaiblies et blessées. Malcolm, quant à lui, avait une arme en main, pointée sur le premier homme à terre. La jeune femme blonde titubait un peu à proximité d'un homme qui se trouvait allongé par terre. Je vis ensuite un second homme, lui aussi allongé face contre sol. Puis, Asta, qui maîtrisait un... Loup Elle le tenait au niveau de la gorge avec ses dents.
« Asta ? » laissais-je échapper en me demandant pourquoi elle tenait un loup par la gorge.
Les deux hommes à terre, dont celui mort, étaient des contrôleurs vue leur tenues. Qu'est ce que tout ceci signifiait ? Jetant un oeil vers Alexis, je m'assurais d'un regard qu'elle allait bien.
« Ce sont vos collègues ? » demanda Malcolm très certainement au contrôleur encore debout.
Ce dernier avait l'air d'un poussin égaré au milieu d'un film d'horreur. Je m'approchais du loup, et de la jeune Daemon. Le contrôleur passa une main sur son visage.
« Non, non. Je ne les ais jamais vue de ma vie. C'est affreux ! » bégaya t'il.
Une fois à proximité de Asta, je m'accroupis, afin de poser ma main sur le loup.
« Laisse le. » dis-je à Asta.
L'homme qui se trouvait par terre au loin, frémit tout en m'observant. C'était donc à lui qu'appartenait ce Daemon. Je savais qu'il ne fallait pas toucher le Daemon de quelqu'un d'autre. Mais ça m'importait peu vue qu'il s'agissait de cet homme.
« Faites attention, il est dangereux. » laissa échapper Lyra.
Quant à Malcolm, il m'adressa un regard légèrement anxieux.
« Ca va aller. » précisais-je à Asta.
Elle leva les yeux dans ma direction, ce qui fit mal à la bête, vue qu'elle bougeait ses dents en même temps. Mais le loup ne semblait pas réussir à reprendre le dessus sur elle. Elle finie par éloigner sa tête du monstre, tout en gardant ses griffes plantés dans sa chair. Malcolm redressa son flingue en direction du gars.
« Tout doux. » ordonnai-je au Daemon tout en le caressant délicatement. « Qu'est ce qui s'est passé ici ? » lui demandais-je.
Je tourna la tête pour essayer de me mordre, mais avant d'ouvrir la bouche, il sentit une douleur au niveau du ventre, que partagea son humain. Puis, je me rendis compte petit à petit, qu'aussi bien son humain que lui, avaient de plus en plus de mal à bouger. Asta lâcha totalement sa proie, et se mit de côté pour observer le Daemon.
« Ne me force pas à me répéter. » dis-je au loup.
Ce dernier répondit d'un ton rauque et haché.
« Nous sommes les purificateurs. »
Je tournais la tête vers Asta pour voir si elle comprenait de quoi il voulait parler. Elle m'observa et me répondit à voix basse.
« Le C.D.C.. »
Le loup émit un son entre le rire goguenard et le râle de douleur. Il semblait apprécier qu'on sache de qui il était question.
« Il y en a d'autres comme vous, ici ? » demandais-je une nouvelle fois au loup.
Il rit une nouvelle fois.
« Nous sommes des centaines, des milliers. »
Je tournais la tête vers Malcolm.
« Je crois que sa jambe le fait souffrir. »
Le loup ne semblait pas comprendre, ne sentant sans doute pas pour le moment, de douleur à cet endroit. Malcolm garda son regard sur l'homme.
« Il me semble aussi. » me répondit-il en descendant son arme en direction de la jambe de l'agresseur de nos amies.
« Attendez ! Est ce que vous êtes autorisé à faire ce genre de choses ? » laissa échapper le contrôleur.
Je tournais la tête vers ce dernier.
« Vous nous avez vue monter dans le train, n'est ce pas ? » lui répondis-je d'un ton sec. « Commencez déjà par m’appeler Monseigneur en vous adressant à moi. Ensuite, posez vous une nouvelle fois cette question avant d'oser nous interrompe une nouvelle fois. Puis, vous irez garder la porte au cas où un autre de ces hommes viendrait à s'aventurer dans ces cuisines. Vous devez vous douter qu'ils ne sont pas qui ils sont, sinon ils ne s'en seraient jamais pris à des membres du Magisterium. »
Le contrôleur devint l'ivide tout en m'observant.
« Oui Monseigneur. Bien Monseigneur. » balbutia t'il en bégayant et en hochant la tête avant de s'en aller vers l'entrée du wagon.
Malcolm tourna la tête dans ma direction.
« Vous n'auriez jamais du le faire partir. Et si il prévient son supérieur ? »
Quelque chose m'intriguait bien plus que ce que Malcolm venait de dire.
« Où est le Daemon du second homme ? » lui demandais-je.
Ca signifiait qu'une fois mort, les Daemon disparaissaient ? Songeais-je. Je m'adressais une nouvelle fois au loup.
« Pourquoi vous vous en êtes pris à nous ? » dis-je. « Comment saviez vous que nous ne sommes pas qui nous prétendons être ? »
« Vous vous croyez tellement malin avec vos sortilèges. Nous seuls détenons la justice et la vérité. »
Je laissais échapper un petit sourire. Non. Ma soeur, seule, détenait cela.
« Nous vous traquerons sans relâche. »
J'hésitais à la suite à donner.
« J'ai une dernière question à vous poser. » lui dis-je avant d'avancer mon visage de sa gueule, pour lui montrer qu'il ne m'impressionnait pas. « Qui sont ces deux personnes qui nous accompagnent mes amies et moi ? »
Je voulais bien entendu parler de Malcolm et Lyra. Le loup sourit. Je voulais m'assurer qu'ils ignoraient qui était Malcolm et Asta, afin d'être sûr que leur famille ne risquaient rien. Il n'était pas question de mettre Madame Polstead et Kerin en danger, ainsi que le père de Malcolm qu'on avait à peine aperçu.
« Hérétiques. »
Son rire goguenard se fit une nouvelle fois entendre. Il y eu un petit claquement du côté de l'homme, et le loup disparu dans un petit nuage de Poussière.
Malcolm s'approcha de l'homme mort.
« Du cyanure. »
Je tournais la tête vers Asta, l'observant quelques instants. Je hochais la tête pour la remercier d'avoir été là, avec moi, face à ce loup, avant de me redresser et de me tourner vers Malcolm.
« Ca signifie qu'ils étaient que deux. Sinon il n'aurait pas perdu espoir. »
Mon regard se posa ensuite sur Alexis, avant de regarder Lyra. Elles semblaient véritablement mal en point. Mais il fallait s'assurer dans un premier temps d'avoir toutes les infos à chaud avant de s'occuper d'elles. Je m'approchais d'Alexis, avant d'être coupé par Malcolm. Ce dernier pointait son arme dans ma direction. Je fis une petite grimace. J'aurais du m'y attendre à celle là...
Me contentant de soupirer, je tournais la tête vers Malcolm et j'attendis. Il avait sans doute quelque chose à demander. Je pouvais voir dans ses yeux autant d'incompréhension que d'indignation.
« Avant toute chose. Laisse Asta aller vérifier que tout va bien du côté de Vaiana. On discutera ensuite. »
« Non. Je veux d'abord des explications. » répondit-il.
Asta ne bougea pas.
« Comment avez vous réussi à maîtriser ce Daemon ? » me demanda Asta.
J''adressais une pensée à Vaina. Je ne pouvais plus la laisser dormir. La réveillant en sursaut, je m'assurais qu'elle allait bien, avant de lui demander de prendre HeiHei et de nous rejoindre, tout en me parlant sur tout le chemin. Je saurais ainsi si quelque chose l'empêchait d'être libre de ses mouvements. Je sentais que ça ne lui plaisait pas ce réveil brutal, et qu'elle avait elle aussi quelques questions à me poser sur les raisons qui m'avaient poussées à lui demander de nous rejoindre à cette heure si tardive.
Je tournais la tête vers Asta. Puis, je me décalais afin de m'approcher de ce qui semblait être un lavabo. Je pris du papier, et je le mouillais, avant de m'approcher des filles. Il fallait s'occuper d'elle. Je tendis le papier mouillé à Lyra pour essuyer sa blessure sur la joue, sans pour autant m'attarder sur elle. Je me doutais que Malcolm ne me laisserait pas faire. Puis, j'arrivais proche de Alexis, et j'observais sa blessure au cou, puis, une qu'elle semblait avoir au niveau de la jambe.
« Tu aurais du m'appeler. » lui murmurais-je.
Sans lui laisser le temps de répondre, je passais une main dans son cou, pour voir ce que je pouvais faire au niveau de sa blessure.
« Il y a beaucoup de choses que vous ne nous avez pas dit. » répondis-je à Malcolm sans détacher mon regard d'Alexis et de son cou. « Des choses qui nous ont sans doute mis en danger. »
« N'essayez pas de renverser la vapeur. » me menaça t'il. « Nous vous avons fait confiance. Et vous n'avez pas joué franc jeu. »
« Vous êtes un chaman, n'est ce pas ? » intervint Lyra.
Je fixais Alexis dans les yeux. C'était une échappatoire de répondre que oui, n'est ce pas ? Détachant ma main de son cou, j'adressais un regard à Lyra, avant de me tourner vers Malcolm.
« Je suis un ami. » répondis-je aux trois jeunes personnes. « Un ami qui croit en un vieux conte pour enfants. » ajoutais-je en regardant Lyra.
Elle me regarda à son tour fixement.
« Quand j'étais plus jeune, j'ai vue des gens faire pareil que lui. On peut le croire. » répondit Lyra à Malcolm.
« Mais il fait quoi ?! » laissa échapper le jeune homme, perdant patience.
« Je vous l'ai déjà dit Malcolm. Certaines personnes chez nous ont des dons. » le coupais-je. « Je fais partit de ces personnes. Et je tente juste de protéger les êtres qui me sont chers. Mes amis. » ajoutais-je « On est amis, Malcolm. Ne gâchez pas cette amitié. »
« Mais laissez moi passer bordel ! » s'emporta Vaiana.
On l'entendit jusqu'ici. Je continuais de fixer Malcolm, attendant de voir si il acceptait de baisser son arme, ou non. Il hocha brièvement la tête avant de baisser son arme. Mais je remarquais qu'à son regard quelque chose avait changé. Ca me fendait le coeur. Je me tournais vers la porte, afin de m'y aventurer. Une fois sur place, je vis le contrôleur empêcher Vaiana de passer.
« Elle est avec nous. » lui dis-je tout en adressant un regard à la jeune femme.
Vaiana avait les cheveux en pagaille, et HeiHei dans les bras.
« Mon ami... » dis-je au contrôleur. « Je vous remercie pour toute l'aide que vous nous avez apporté. Je compte sur votre silence. Personne doit être au courant de ce qui s'est passé ici. Personne, même pas votre chef. Vous venez de prendre part à une affaire privée du Magisterium. Et vous serez grandement récompensé pour votre participation et votre silence. Je peux compter sur vous ? »
Le contrôleur sembla totalement à l'ouest.
« Très bien Monseigneur. » bégaya t'il. « Mais comment vais-je faire avec les corps ? »
Je lui adressais un petit sourire se voulant rassurant.
« Demain matin, ils n'y seront plus. On s'occupe de tout. Vous savez à quel point le Magisterium peut se montrer efficace pour faire disparaître toute trace, n'est ce pas ? »
Ca sonnait également comme une menace. Mais je devais m'assurer qu'il jouerait le jeu jusqu'au bout. Le contrôleur hocha la tête, légèrement paniqué. Quant à Vaiana, elle m'observait toujours, les yeux encore bien endormis. On rejoignis le groupe.
« Pourquoi vous avez l'air déglingué les filles ? »
« C'est une longue histoire. » lui répondis-je.
CODAGE PAR AMATIS
Alexis E. Child
« Allez dans la Lumière. C'est au détour d'une Ombre que nous attends le Mal. »
| Avatar : Kaya Scodelario
Tu es comme tu es... mais malgré les erreurs, tu me rends parfois la vie de maman célibataire plus douce...
Encore sous le choc, j’avais à peine suivi ce qui était en train de se dérouler. Malgré l’apaisement d’Anatole sur mon cou, je sentais que je tremblais de façon incontrôlable. Je ne ressentais plus rien, je ne savais plus qui j’étais, où j’allais, un peu comme si tout cela m’avait anesthésié, mit sous morphine ou sur pilote automatique. L’état de choc était quelque chose de puissant, indescriptible, inimaginable sans l’avoir vécu. C’était comme être hors de son corps, tout en ayant conscience de toujours faire un avec celui-ci. Il avait beau apaisé ma douleur, mon esprit restait fébrile. Tout en boitant légèrement face à la douleur qu’avait provoqué la boite de conserve en s’écrasant sur ma jambe, je m’étais appuyée sur Lyra, l’invitant à faire de même avant de s’aider mutuellement dans cette épreuve et cette remontée du train jusqu’à notre wagon. Malgré le fait que Pierre Michel nous suivait de près, Anatole avait proposé en direction de la blonde :
- Je peux apaiser tes douleurs. Si tu le souhaites...
J'avais appuyé ses dires d’un hochement de tête :
- Ça peut pas te faire de mal... - D'accord, mais pas ici.
Elle n’avait pas l’air d’avoir confiance en le contrôleur et je ne pouvais que la comprendre. Je devais dire que tout ce qui n’était pas nous me semblait présentement être un ennemi. Le brun avait alors tourné un visage concerné vers moi :
- Ça va ?
Incapable de répondre avec un certain aplomb sans avoir l’impression de mentir éhontément, je m’étais contenté d’hocher la tête d’un air fébrile. Ça allait mieux, tout était fini... mais le traumatisme était vivace. J’avais quand même précisé à voix haute, dans sa direction :
- Merci...
Sans l’intervention de Malcolm et ce qu’il avait fait, ça aurait sans aucun doute nettement moins bien été. Une fois dans la cabine, le rouquin s’était empressé de fermer la porte du compartiment en nous lançant dans une voix d’urgence :
- On doit partir. Immédiatement.
Il avait tiré son sac hors de son lit pour commencer à y ranger le peu d’affaire que nous avions déballé. De mon côté, un peu en pilote automatique, j’avais également commencé à rassembler mes affaires sans résistance tout en demandant pourtant :
- Mais pour aller où ? Ils ont dit qu’ils étaient des milliers... c’est sûrement pas les derniers qu’on va croiser... - Ils ne semblent pas savoir qui vous êtes tous les deux, avait objecté Anatole tout en rangeant aussi son paquetage de son côté. Vous devriez peut-être rentrer chez vous. - Je n'ai plus rien à perdre. Mais il n'a pas tort, M. Polstead. Vous prenez beaucoup de risques. Je peux continuer seule avec eux.
Elle avait l’air épuisé et malade mais son ton et son regard étaient déterminés... Tout comme ceux de Malcolm :
- J'ai déjà pris ma décision. Ils sont nombreux, mais on va se montrer plus malins qu'eux. Enlevez vos chemises de nuit et passez des vêtements chauds. Désormais, vous ne vous habillez plus en nonnes. Ce serait trop repérable.
Sans vraiment réagir au monde qui m’entourait, toujours embrumé, je m’étais exécuté docilement, commençant à me changer devant tout le monde, apparemment seule ma réflexion encore en alerte :
- On va sauter en marche ?! - La neige amortira notre chute.
Il avait hoché la tête d’un air entendu, apparemment pas du tout impressionné par le fait que je me mettais à nue. De son côté, Vaiana avait commencé à m’imiter en grommelant :
- Je comprends rien mais je suppose que je comprendrai plus tard.
C’était à cet instant qu’il s’était brusquement rendu compte de ce que nous étions en train de faire. Il avait semblé buger pendant un instant mais Asta s’était râclé la gorge, le sortant de sa rêverie pour qui nous tourne le dos. Dans son mouvement il avait tapé l’épaule d’Anatole pour qu’il fasse de même. Le sourire amusé, le brun s’était tourné de bonne grâce tandis que je tentais d’expliquer à Vaiana ce qu’elle avait manqué :
- T'inquiète je t'expliquerai la version longue plus tard si tu veux mais pour faire court : Lyra et moi on avait faim, on est parti voler des trucs dans la cuisine et deux types chelous qui font partie du Magisterium ont tenté de nous buter. Sans Malcolm je crois qu'on était foutu...
J’avais eu un temps d’arrêt réalisant brusquement que je ne voyais pas quoi raconter de plus dans la version longue. De son côté, mon amie avait semblé plus que surprise d’apprendre que le rouquin pouvait être un héros un peu badass. Elle avait tourné un regard surpris vers lui mais il n’avait pas pu la voir, le dos toujours tourné. Elle avait alors posé sa main sur mon épaule en signe de soutien et je lui avais souris faiblement avant de reprendre :
- En fait je crois que c'est ça la version longue, je saurai pas quoi t'ajouter de plus si ce n'est que je suis allé faire pipi juste avant... et que j'ai rencontré Pierre Michel.
J’avais fini de m’habiller du gros pull en laine ainsi que du legging et de la jupe chaude que Vaiana et Malcolm nous avaient achetés. Je m’étais alors tourné vers Anatole pour objecter :
- C'est peut-être un bon signe si tes pouvoirs de chaman fonctionnent encore non ? Avec un peu de chance c'est qu'on est pas dans un monde aussi éloigné du notre qu'on le croyait...
Mon ami ne m’avait pas répondu, préférant sans doute rester évasif ou ne sachant peut-être pas quoi répondre et Asta en avait profité pour tirer de sac de vêtement vers Malcolm et lui, la lanière fermement prise dans sa gueule :
- Il vaudrait mieux que vous vous changiez, vous aussi. Le pyjama n'est guère optimal dans la neige. - Oui, c'est vrai.
Les garçons avaient commencé à se changer pour mettre des vêtements aussi chauds que les nôtres avec un pantalon de velours épais, un tricot de maille polaire, un pull et le manteau polaire, l’écharpe, le bonnet et les bottes fourrées qui allaient avec. De mon côté, je m’étais à mon tourne retournée avec Vaiana et Lyra pour leur laisser un peu d’intimité.
- T'as déjà sauté d'un train en marche toi ? J'ai l'impression que ça va être cool et pas cool en même temps... - Bien sûr ! Je le fais chaque matin avant mon petit dej! Je suis certaine que c'est moins terrible que ce qu'on imagine.
Elle semblait pourtant avoir pâli à l’idée et je ne pouvais que l’approuver. Elle avait alors enroulé Hei Hei dans son écharpe et glissé le poulet à l’intérieur de son manteau avant de remonter la fermeture éclair jusqu’en haut :
- Voilà comme ça il est bien au chaud. Faut juste que je l’écrase pas en tombant.
Elle m’avait interrogé du regard et j’avais grimacé d’un air sceptique en observant la bosse que formait désormais son manteau :
- Moi je l'aurai tenu à la main... imagine on fait des roulés boulés ? Tu vas l'écraser, non ? Ou pire le perdre ? Il a pas l'air des masses attaché ? - C'est pour ça que je l'ai enroulé dans l'écharpe, ça amortira les coups au cas où.
Elle avait l’air convaincue et j'avais préféré hocher la tête plutôt que d’accentuer inutilement sa peur. Déjà que la mienne était bien présente... je m’étais tournée vers le chef de l’opération “sautons d’un train en marche” avec un air anxieux :
- Mais... vous savez où on est ? Je veux dire... sauter en pleine nuit, on arrivera à retrouver notre chemin avant de mourir de froid ? - Entre le CDC est le froid, je vous assure que le froid est préférable.
C’était peut-être pas faux mais c’était pas la réponse que j’attendais. Il avait zippé à son tour son manteau avant de nous demander :
- Vous êtes visibles ? - Ouaip, y'a plus un seul bout de peau pour créer une vision hérétique, mon capitaine...
Lorsqu’il s’était retourné, je lui avais un presque sourire d’excuse, bien que taquin. C’était pas méchant, j’aimais bien l’embêter mais je ne me moquais pas méchamment. Et j’avais un furieux besoin de me détendre. Mon regard avait alors atterri sur Anatole et soudain c’était comme si la lumière s’était remise en marche : IL AVAIT SES POUVOIRS ! Est-ce qu’on avait vraiment besoin de sauter d’un train en marche quand un Hyperion Express pouvait nous emmener d’un point A à un point B sans encombre et sans secousse ? Me dirigeant vers lui, j’avais précisé :
- J'arrive tout de suite, je sens que j'ai besoin de vomir, tu peux venir me tenir les cheveux, s'il te plaît ?
Sans trop lui laisser le temps de répondre, j’avais pris sa main dans la mienne pour l’attirer au dehors du wagon. Il n’avait pas l’air super enchanter à l’idée de m’aider à vomir mais il décida de me suivre tout de même. Une fois dehors, je refermais la porte du wagon avant de l’emmener un peu plus loin pour lui demander :
- Je veux pas trop en parler à côté d'eux éviter de les paniquer ou de leur faire croire qu'on cache des choses mais... si t'as des pouvoirs de "Chaman" (j'avais formé des guillemets avec mes doigts) tu pourrais pas juste nous téléporter ? Et si possible à un endroit cartable parce que j'ai pas l'impression qu'il sait où on est sur le trajet... - On a besoin d'eux. Je ne suis pas sur que ce soit judicieux de leur dévoiler le grand jeu maintenant.
A son regard, je pouvais voir qu’il n’avait pas vraiment pris sa décision, qu’il cherchait plus à sonder mon avis. J’avais pris un temps de réflexion pour analyser sa façon de penser avant de préciser avec hésitation :
- Imagine qu'on tombe mal... et que Hei Hei meure par exemple...
J’avais écarquillé les yeux exagérément dans un air qui laissait clairement sous-entendre que Vaiana en ferait une maladie et que je lui laisserai gérer le dossier. Mais j’avais pris un instant de réflexion supplémentaire avant de poursuivre avec lenteur :
- T'as peut-être raison... Malcolm a déjà l'air moins enclin à nous faire confiance...
Mon regard s’était alors perdu sur la chaise vide derrière lui, la chaise du contrôleur... il n’était apparemment pas à son poste. Prise d’une nouvelle énergie, j’observais Anatole avec un air d’urgence :
- Pierre Michel est toujours pas revenu... on va peut-être devoir se dépêcher parce que si la cavalerie arrive, on est mal... - Ils ne trouveront rien dans les cuisines.
J’avais eu un petit sourire malicieux et reconnaissant face à ce qu’il venait de me dire. Il avait réussi à faire le ménage et c’était déjà un bon point. Mais il ne fallait pas non plus tarder car ils risquaient de venir nous demander des comptes sur cette disparition subite des corps. J’avais posé la main sur la poignée de la porte du compartiment avant de m’arrêter brusquement et de fixer Anatole droit dans les yeux :
- Si on saute et qu'on dit rien... tu me promets que si on est paumé trop longtemps tu leur diras et qu'on se téléportera ?
Pour toute réponse, il se contenta d’hocher la tête. Il me donnait l’air d’être sceptique sur ses propres capacités à le faire mais j’avais préféré ignorer ce potentiel problème pour éviter de perdre le courage qui me restait. Ouvrant de nouveau la porte à la volée, j’avais posé mes mains sur mes hanches, dans une posture exagérément fière avant de préciser d’un ton que j’espérais joyeux :
- Booon ben je suis prête à me faire sauter !
Comme entendu, Malcolm me dévisagea tandis qu’Asta émettait même un petit miaulement surpris :
- Bien...
Il essaya de se redonner contenance avant de préciser :
- Prenez votre paquetage. La voie est libre ? - Le contrôleur n'était plus là quand nous sommes sortis... - C'est mauvais signe. On doit faire vite.
Il récupéra son paquetage avant de sortir dans le couloir et nous fîmes tous de même. Malcolm observa un court instant la chaise vide avant de se diriger vers les WC. De là, il passa une porte qui menait à un autre compartiment dortoir qu’on traversa entièrement.
- Pourvu qu'on ne croise personne...
J’espérais la même chose mais la route se passa sans encombre. Nous arrivâmes enfin aux wagons qui servaient de stockage. Avec difficulté, le rouquin fit coulisser la grande porte et le froid s’insinua jusqu’à nous presque directement. Les bourrasques de vent faisaient un vacarme monstre, nous laissant observer une grande étendue blanche qui filait à toute allure sous nos pieds. Si le professeur l’observait plutôt confiant, son daemon s’approcha du bord avec une certaine appréhension :
- La neige a l'air épaisse. On a de la chance. - Youpiii... - Ça ira mieux si on se tient la main... non ?
J’avais pas voulu en entendre plus. Comme si ça me semblait brusquement l’idée du siècle, j’avais attrapé la main d’Anatole à ma droite et celle de Vaiana à ma gauche qui attrapa celle de Lyra. Cette dernière dirigea sa main vers Malcolm qui l’observait ahuri :
- Euh... oui oui.
Il avait récupéré Asta dans son bras libre et tentait à présent de se donner un peu plus de contenance :
- A trois on saute. Ça vous va? - TROIS !
C’était devenu intenable. Plus on réfléchissait et moins j’étais sûre de le faire. Au moins là, je n’avais pas eu trop longtemps à réfléchir. Tout en hurlant le chiffre, je m’étais jeté hors du train, emmenant dans ma course Anatole et Vaiana qui emmena avec elle les autres. La neige se rapprocha dangereusement de nous et j’avais fermé les yeux en attendant l’impact, au lieu duquel, je me sentis glisser avec douceur, d’abord rapidement puis jusqu’à un ralentissement qui ne m’avait pas plus semblait naturel. Aucun heurt, que de la douceur. Le professeur semblait toujours aussi éberlué :
- Je ne pensais pas que ça serait aussi facile.
De son côté, je remarquais qu’Asta observait Anatole d’un air suspicieux et je compris alors que le titan avait fait en sorte que notre chute n’en soit pas une. Je lui lançais un sourire plein de gratitude tandis que Vaiana ançait joyeusement :
- C'était plutôt cool ! On recommence ? - Ouais attends je vais dire au train de reculer, j’arrive !
J'avais eu un petit rire tandis que la brune vérifiait que son poulet allait bien. De son côté, Malcolm s’inquiétait pour son chat :
- Ça va ? Tu n'as pas trop froid ? - Hum... attends juste un instant.
D'un geste souple et habile, l’animal bondit sur l’épaule de son humain avant d’aller se réfugier dans sa capuche polaire tout en ronronnant de plaisir :
- Voilà maintenant ça va très bien.
Malcolm s’approcha de moi pour me tendre la main afin qu’il m’aide à me relever. J’acceptais son aide avec plaisir, ma jambe me lançant toujours autant, le corps toujours fébrile. En me redressant, je m’étais senti brusquement m’enfoncer dans la neige, signe qu’Hyperion avait décidé de mettre fin à son petit tour de passe-passe. J’avais alors tendu la main à Vaiana pour l‘aider à se relever.
- Vous êtes très doué dans la maîtrise des éléments.
Une fois de plus, Hyperion garda le silence, une expression neutre sur le visage. Tentant de détourner la conversation pour l’aider, j’avais fait un signe de tête en direction de la bosse présente sous le manteau de Vaiana :
- Rien de cassé niveau Hei Hei du coup ? - RAS. Il picore mon écharpe.
J’avais hoché la tête avec un sourire avant d’observer Malcolm d’un air un peu anxieux :
- Et maintenant ? On suit les étoiles ? Ou les rails du train... - Nous avons de la chance que la nuit soit claire.
Il avait raison : aucune brume à l’horizon et le ciel était clair. Les rayons de la lune filtraient aisément sur nous, nous permettant d’ailleurs d’observer au loin une espèce de village microscopique qui ne devait pas abriter plus de 5 cabanes autour d’un plan d’eau. D’un ton victorieux, le rouquin nous les pointa du doigt :
- Là-bas ! - Ouais... donc c'était vraiment un pur coup de chance en fait c'est ça ?! - Je ne dirais pas ça... c'était plutôt un coup de poker. - Vous êtes un petit chanceux Monsieur Polstead, restez bieeen près de nous surtout...
Il m’avait souri, apparemment tout content de ce que je venais de dire et j’avais eu un petit rire sincère. Je m’étais mise à marcher, ayant quelques difficultés à trouver un équilibre précaire dans tout le monticule de neige. Voyant que Lyra avait aussi d’énorme difficultés à marcher, je m’étais approché d’elle pour lui proposer mon aide :
- T'as besoin d'aide ? On peut marcher ensemble si tu veux ? - C'est pas de refus.
Elle avait passé le bras autour de mes épaules, j’avais fait de même et nous avions avancé ainsi jusqu’au village qui paraissait désert. Tout était extrêmement calme et malgré le côté spartiate des cabanes, aucune fumée ne sortait des cheminées. Il ne devait y avoir personne.
- Chacun frappe à une porte. Sait-on jamais...
On s’était tous exécuté, frappant chacun à une porte à plusieurs reprises sans que personne ne vienne nous ouvrir pour autant. Avec un soupire, sans bouger de ma place, je m’étais tourner vers les autres et Vaiana avait pris un air de “bonhome”, apparemment bien décidée à en découdre :
- On défonce une porte ? On casse une fenêtre ? On escalade ? - Je crois que celle-ci est ouverte...
Anatole avait actionné la poignée de sa cabane et celle-ci s’était ouverte, comme par magie. D’un air exagérément surpris, j’avais précisé :
- Ooooh mais quelle surpriiiise ! On a le plus chanceux de tous les chamans.
S’en était trop, j’étais en roue libre complet, beaucoup trop mouvementée par toutes mes émotions. J'avais senti la vague arriver bien trop rapidement dans ma gorge et je m’étais précipitée sur le tas de neige le plus proche pour vomir allégrement tandis que Malcolm précisait à Vaiana :
- On ne casse rien du tout. On va passer le reste de la nuit dans cette cabane, et demain on essayera de gagner le port le plus proche.
D’un air un peu maladroit, le rouquin s’était approché de moi avant de me proposer son aide pour marcher :
- Ca va aller ? Vous avez vécu beaucoup de choses en très peu de temps, mais maintenant on va pouvoir se reposer un peu.
Du coin de l’oeil, j’avais vu que Vaiana faisait de même avec Lyra qui avait aussi l’air de plus en plus mal en point. Comme je m’y était attendu, l’intérieur de la cabane était des plius rudimentaire : une seule pièce, une table, quatre chaises, le tout dans un bois rudimentaire, quelques boites de conserves, un bac en fer qui devait servir de baignoire, un foyer de cheminé noir de suie, un petit réchaud tout dégueulasse et un lit... une place.
- C’est cosy... - Prenez le lit avec Lyra. Vous avez été très éprouvé l'une et l'autre.
Il m’avait dirigé vers le lit et j’avais observé Lyra que Vaiana aidait à aller dans la même direction :
- Tu vois qu'on va finir par se coller toutes les deux... ton rêve depuis le début de cette aventure, je le sais... heureusement qu'il y a plus l'araignée...
Je lui avais fait un faible sourire encourageant qu’elle m’avait rendu avec un petit rire avant de s’effondrée dans le lit, épuisée au point de ne pas même tenter de changer ses vêtements. Il valait mieux d’ailleurs, il faisait un froid de chien dans cette cabane. Observant le bac un peu plus loin, le goût du vomi toujours dans la bouche malgré le peu de neige que j’avais mangé pour me désaltérer et faire passer l’odeur, je grimaçais :
- Si je peux un peu me débarbouiller je serai pas contre... vous pensez qu'on peut tenter d'allumer le réchaud ?
Malcolm avait fouillé dans son paquetage à la recherche d’allumette pour allumer le réchaud. Il prit ensuite une marmite un peu rouillée et précisa :
- Je vais vous apporter de l'eau.
Je l’avais remercié avant de me diriger vers Anatole, un peu gênée en observant le lit simple et Lyra dessus :
- Ça m'embête que les autres ne puissent pas dormir... ça ne te dirait pas d'aller voir si une autre cabane n'est pas ouverte ?
Il avait hoché la tête en direction de Vaiana :
- Tu veux venir avec ? - Ouais je veux.
Les trois étaient sortis et j’en avais profité pour m’approcher de Lyra, le visage inquiet. Si j’étais toujours barbouillée par le choc, elle semblait clairement mal en point. Petit à petit, les moments de la bataille me revenaient en mémoire. Je revoyais la lutte, ressentait les odeurs de sueurs, les yeux du loup... le scorpion... le... scor... pion... Lyra s’était fait piqué. Je venais juste de m’en souvenir.
- Ça va ? Dis... ce scorpion qui t'a piqué... c'est juste une piqûre pas vrai ? C'est pas venimeux un daemon ou si ? - Il y a du venin mais en plus petite quantité que chez un véritable scorpion. Il faut juste le temps que... mon corps l'élimine. Si je dors, ça devrait aller mieux. - Tu veux pas qu'on essaye d'aspirer le venin plutôt ? Et si ton corps l'élimine pas ?
Au même moment, Malcolm venait de rentrer dans la cabane avec une marmite remplie d’eau :
- Va falloir attendre un peu. Comme vous pouvez vous en douter, l'eau est glacée.
J'avais hoché la tête d’un air confiant :
- Y'a pas de soucis, je suis prête à attendre rien que pour un coup sur le visage... - On s'est dit que c'était mieux de dormir tous au même endroit.
A leur tour, Vaiana et Hypérion venaient de revenir, chacun avec des couvertures dans les bras. Pendant que le rouquin tentait d’allumer la cheminée après le réchaud, ils avaient posé les couvertures non loin du lit et Vaiana s’était enroulée dans la sienne. Hei hei, toujours emmitouflé dans l’écharpe piaillait de son côté tout en picorant le sol et la brune se mit souffler sur ses doigts tandis que je l’observais, gênée de sa situation :
- On peut faire des roulements si vous voulez pour le lit... - T'en fais pas pour nous, on est des durs. De toutes façons, Anatole-le-chaman va nous rendre le plancher aussi moelleux qu'un matelas de plumes, hein ?
J’avais observé Anatole brusquement... Si quelqu’un pouvait aider Lyra, c’était sûrement lui. De son côté, Vaiana observait Malcolm s’affairait un peu plus loin, ses yeux louchant allégrement sur son postérieur :
- On n'en fait plus des modèles comme ça par chez nous.
Elle m’avait lancé un coup d’œil complice auquel j’avais répondu par un sourire avant de tourner de nouveau la tête vers Anatole pour lui expliquer :
- Les daemons scorpions sont venimeux même s'ils le sont moins que les vrais... Lyra a pas l'air bien... Je lui ai proposé d'aspirer le venin mais peut-être que tu peux nous aider dans ta panoplie de chaman ?
Le jeune homme s’approcha pour lui toucher le front. A sa tête elle semblait plus chaude que la normale, ce qui n’était pas étonnant si le venin faisait effet. Se tournant vers Malcolm, il demanda :
- Que faites-vous dans ce genre de cas ? - C'est rare de se faire blesser par un daemon, mais quand cela arrive, il existe des antidotes ou des crèmes. Hélas, nous n'avons rien de ce genre.
Il s’était approché de Lyra, soucieux et cette dernière avait tenté de nous rassurer avec des paroles pas rassurantes pour deux sous :
- Je vais bien. J'ai juste besoin de... dormir.
Le rouquin avait fait fit de ses mots pour attraper sa botte pour lui retirer. Lyra avait voulu se débattre mais il l’avait calmé d’un regard. En retirant la chaussette de la jeune fille, j’avais eu une grimace de dégoût en voyant le spectacle. Son pied avait gonflé, il était rouge et violacé au niveau de l’endroit où elle avait été piquée, elle devait souffrir le martyr.
- Euuh non ça va pas non... Je crois qu'il faut pas la laisser dormir...
Je m’étais levée d’un bond, me dirigeant vers la sortie aussi vite que mon pied me le permettait. Ca faisait partie des choses que les Templiers m’avaient apprise, à maîtriser un tant soit peu les situations d’urgence et même si j’avais pesté à l’époque sur le fait que je n’aurai sans doute jamais à combattre un scorpion ou que la solution pour s’occuper de son venin était absolument impossible face aux endroits où je risquais de croiser ses bestioles, je devais admettre que j’étais bien dans le seul cas de figure où ça fonctionnait. J’avais récupéré un maximum de neige dans mes bras avant de revenir vers l’intérieur pour récupérer une chaise du bout du pied et la tirer vers le lit. J’avais fiat un signe de tête aux garçons pour qu’ils la place correctement et qu’ils posent la jambe de Lyra dessus. Une fois fait, j’avais lâché la neige dessus, la tassant bien tout autour de son pied. La jeune fille avait poussé un hurlement face au froid mais j’avais poursuivi mes explications, implacable :
- La glace empêche au venin de se diffuser plus rapidement... Mais c’est tout ce que j’ai en réserve... - Où on trouve ces antidotes ? - Dans une pharmacie. Mais j'ignore s'il y a un village proche d'ici. En pleine nuit, ça serait du suicide de s'aventurer dehors...
Malcolm semblait véritablement paniqué de l’état de Lyra. Anatole de son côté semblait hésiter à faire quelque chose. Je l’avais compris à l’instant où son regard avait croisé le mien. J’avais eu un petit hochement de tête entendu tandis qu’il me précisait :
- On ne sera pas long.
Et en un instant, Asta, Malcolm et lui avaient disparus. La blonde observait l’emplacement désormais vide avec un air incrédule :
- Que... comment...?
Il fallait bien que je lui explique, le professeur devait sans aucun doute être dans le même était de l’autre côté... Quant à Vaiana, elle se redressa dans ses couvertures d’un air bougon :
- Non mais je rêve ! Ils se sont barrés sans nous !
Inspirant une longue gorgée d’air, je tentais de garder mon calme. Il fallait qu’au moins une de nous garde le cap même si on avait pas vraiment d’autre solution que d’attendre. Me tournant vers Vaiana, je lui répétais ce qu’Anatole nous avait dit, comme pour m’en convaincre aussi :
- Ils ne seront pas long. Tu veux bien aller nous chercher une nouvelle fournée de glace s'il te plaît ? Avec le feu de cheminée et tout ça ne restera pas assez froid pour bloquer le poison...
La brune avait hoché la tête pour se délester de sa couverture tandis que je grimaçais en direction de la blonde :
- Désolée.
Prenant une nouvelle inspiration, je précisais face à son regard toujours aussi éberlué :
- Ils se sont téléportés. Anatole a la faculté de voyager à travers l'espace, on va dire ça comme ça... de façon plutôt rapide. Il ne voulait pas vous inquiétez tant que ce n'était pas nécessaire, on sait que c'est un peu bizarre pour vous, comme votre monde l'est pour nous... mais là c'était une situation d'urgence...
La jeune fille avait hoché plusieurs fois la tête, visiblement choquée par la nouvelle avant de préciser, el souffle couper :
- D'accord... D'accord je... je crois que je comprends.
De son côté, Vaiana était presque arrivée à la porte de la cabane quand celle-ci s’ouvrit brusquement à la volée. Un homme hirsute, entièrement vêtu en fourrure, jusqu’à la capuche nous menaçait désormais avec un lance-harpon. Un castor était apparu à sa suite, sans aucun doute son daemon et il avait l’air aussi hostile que son humain. C’était bien la première fois que je voyais un castor hostile. Instinctivement, Vaiana avait levé les mains :
- D'où que vous avez pris ma piaule ? Saleté de squatteurs !
Le cœur battait, j’observais l’homme en panique. Oui. C’est vrai qu’on était pas assez dans la mouise. Il nous manquait un élément perturbateur. Il nous manquait lui.