✧ @aloïs tribberhood

Je t'ai manqué de peu...
◇ ◆ ◇

Parcourir les toits des immeubles procurait à Aloïs une sensation de liberté qu’il était difficile de trouver ailleurs. Depuis que la civilisation avait évoluée pour construire ses bâtiments rectangulaire un peu partout, il avait fallu s’adapter pour maintenir l’agilité et le plaisir d’une escapade qui défie les lois de la gravité. Le parkour était né avec les premiers explorateurs de rues et, aujourd’hui, le renard profitait allègrement de leur héritage : une rampe, barrière, des murs éloignés l’un de l’autre, des échelles de secours, le moindre interstice où glisser ses doigts ou ses semelles devenait un prétexte à grimper, sauter, s’élancer, rouler ou atterrir.

Parfois il se faisait des surprises, d’autres des frayeurs, mais dans tous les cas il se coupait le souffle parce qu’il en avait envie. Sa condition physique lui permettait de repousser toujours plus loin ses limites et il n’allait pas passer à côté d’une occasion de côtoyer l’adrénaline ! C’était parfois ce qui manquait juste à sa journée pour être remplie, satisfaisante, lui permettre de se dire que le lendemain serait tout autant attrayant et continuer à se lever le matin pour recommencer.

Combler les vides. Combler les pertes de temps.

Et glisser jusqu’à ce que ses pieds touchent le sol en graviers, que ses genoux se plient pour amortir et que son dos s’assouplisse afin d’éviter un tassement de ses vertèbres. Aloïs se redressa rapidement pour se diriger vers le portillon privé et s’extirpa de la ville, son terrain de jeu préféré, afin de rejoindre le second : la forêt. Storybrooke avait la chance d’être entourée par une vaste étendue verte et dense, ça serait complètement stupide de ne pas en profiter.

Enfin il ne venait pas ici pour grimper aux arbres et jouer les Robinson Crusoë, mais bien parce que quelqu’un avait signalé des pièges de chasse un peu plus loin. Pas forcément interdits, ces engins mortels étaient surtout dangereux et contraire à l’éthique de protection animale de la ville… Aussi l’association de Robin avait-elle à cœur de les désactiver et c’était à son tour de le faire. Ils n’étaient pas nombreux à être formé à les reconnaître et les manipuler, Aloïs avait appris sur le tas avec un spécialiste membre de l’administration, mais cette mission ne lui faisait pas peur. Mieux valait perdre quelques doigts que quelques êtres vivants.

Remontant un chemin pédestre, il bifurqua vers la droite et s’enfonça entre les arbres. De nombreuses personnes parcouraient ses bois et il n’était pas rare de croiser quelqu’un ; ça serait donc complètement irresponsable de mettre des pièges mortels dans les fourrés. Il avança plusieurs minutes avant de discerner du bruit et, comme tout bon protagoniste d’histoire ou de rp qui se respecte, le renard prit le parti d’aller voir ce qui provoquait les bruits secs et la respiration rapide – pourvu que ça ne soit pas un serial-killer en train de dépecer sa victime… Il n’était pas Dexter.

À peine eut-il aperçu des espèces de mannequins suspendus dans les arbres qu’une tornade rousse apparue dans son champ de vision… Et que le sifflement d’une flèche résonna très (trop) près de ses oreilles !

Immobilisé au décours d’une racine, Aloïs resta un instant figé tandis que ses yeux analysaient à toute allure la situation. Un arc, deux bras solidement ancrés dessus, un regard méfiant, des mannequins suspendus grinçant légèrement avec des cibles et des flèches… Okay, il venait de mettre les pieds dans un terrain d’entraînement particulièrement risqué !

Alors pourquoi ne put-il s’empêcher de sourire ?

— Pas un mannequin, promis !

Le renard porta une main vers sa joue pour vérifier que rien n’avait été touché… Apparemment non. Le tronc derrière lui en revanche n’avait pas eu cette chance.

— Mais bien visé, je suppose que cet arbre l’avait mérité ?

Nul besoin d’être devin pour savoir qui elle avait tenté d’assassiner. Peut-être qu’elle préparait un mauvais coup en vue d’une éviction du pouvoir en place ? Non, fallait arrêter de dérailler deux minutes et se recentrer. C’était une jeune femme qui s’entraînait probablement… Dans quel but ? Mystère. Fallait-il vraiment une raison pour manier un arc ?

La logique dirait que OUI. Mais le reste…

Aloïs réajusta le sac à dos qu’il portait sur l’une de ses épaules.

— Un autre archer à ses heures perdues, même si je n’ai pas touché un arc depuis… Plusieurs semaines. Je m’appelle Aloïs, à qui ai-je l’honneur ?

Autant tenter de faire baisser la tension qui commençait à s’installer. Quelque chose lui disait qu’elle saurait très bien viser ses pieds si elle voulait qu’il déguerpisse.

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Un instant, Aloïs eu peur qu’elle ne le prenne pas au sérieux et qu’elle dégaine réellement une flèche dans sa direction. Pour le viser, cette-fois. Ça aurait été dommage de finir comme ça pour Robin des Bois ! La honte s’il avait du expliquer à son meilleur ami qu’il avait fini à l’hôpital parce qu’une archère l’avais pris pour cible… Enfin, ça c’était dans l’éventualité où il s’en sortait vivant.

Bizarrement, ses chances augmentèrent lorsque l’inconnue consentit à baisser son arme. Il relâcha la tension dans un soupir rassuré et reprit un sourire de plus bel, satisfait de la tournure des évènements. Manquerait plus qu’un crime n’ai lieu par ici alors qu’il était en mission d’exploration pour chasser… des chasseurs. L’arroseur arrosé dans toute sa splendeur.

— Enchanté ! Navré, je ne passe pas si souvent dans le coin mais j’ai entendu du bruit, donc… Me voilà !

La rouquine en profita pour récupérer sa flèche et se hisser à sa hauteur, ce qui lui permit de l’étudier d’un peu plus près. Elle avait l’air assez sportive et de maîtriser ce qu’elle faisait, ce n’était sûrement pas la première fois qu’elle manquait « presque » quelqu’un. Niveau self-défense, elle avait l’air au top ! Faudrait qu’il se méfie un peu plus la prochaine fois.

Aloïs croisa son regard sans se départir de son sourire satisfait.

— Oh, plutôt oui ! Je peux ?

Il désigna celui qu’elle tenait entre ses mains. Malheureusement il n’avait pas amené le sien dans son sac à dos, c’était dommage il faudrait qu’il y pense la prochaine fois… Si ça permettait de se détendre un peu avec des mannequins suspendus, ça valait clairement le coup !

— L’entraînement c’est la base de tout, je compatis on est rarement tranquille à Storybrooke… J’espère que j’ai pas interrompu un truc intensif, Kelly ?

Il s’en voudrait presque mais… Pas trop non plus. Attendant quelques secondes, il récupéra l’arc de la jeune femme et le soupesa dans sa paume. Plus léger que le sien, plus petit aussi mais adaptée à la taille de la rousse. Usé aux embouchures, signe d’une utilisation régulière. La corde entrait légèrement sur la droite dans le bois, trahissant une insistance de ce côté-là. Chacun avait son côté préféré.

Tout comme Aloïs ne pouvait pas s’empêcher d’attraper un arc dès qu’il en voyait un ! C’était plus fort que lui, une vraie passion dans ce monde comme dans l’autre. Attrapant une des flèches qu’elle accepta de lui donner, il réajusta légèrement le sac à dos sur son épaule et arma la flèche, banda l’arc, visa quelques instants… Et la décocha droit sur un des mannequins qui se balançait au bout de la corde !

Le manqué aurait signé l’arrêt de mort de sa dignité, quand même. Il abaissa l’arc, haussant un sourcil en tournant de nouveau son visage vers Kelly.

— Pas mal du tout, la corde est un peu souple. Tu en fais depuis longtemps ?

Il la sentait, cette adrénaline qui revenait fourmiller ses mains.
En fait, c’était pire qu’une passion : une vraie drogue.

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Aloïs ne put réprimer un petit sourire amusé aux paroles de la jeune femme ; elle n’avait pas tort, dès qu’on faisait quelque chose d’un tant soit peu différent, il y avait rapidement quelqu’un pour vous interdire de le faire. Ou vous commenter comme s’il était la personne la plus intelligente sur terre… Alors qu’il s’agissait, la plupart du temps, d’un ignorant comme tant d’autres. C’était aussi difficile de s’éduquer un minimum ? Ou de laisser les gens faire ce qu’ils voulaient tant que ça ne nuisait à personne ?

— Il y a une équipe de tir-à-l ’arc près de la fac, ils s’entraînent assez souvent. Tu en fais partie ? T’as l’air de bien géré la chose, j’suis impressionné.

Ça aurait pu, lui-même y avait participé quand il avait été scolarisé mais maintenant qu’il avait rencontré la vie active, ça lui manquait. Elle avait l’air suffisamment jeune pour être encore une étudiante ? Ou qu’en savait-il, ce n’était pas écrit sur la figure des gens ce qu’ils faisaient dans la vie ! Si ça se trouvait, Kelly avait la trentaine et tenait un refuge pour lamas… Non, quand même, fallait arrêter de déconner Robin.

— Excellent ! Grappin ? Tu apprécies de grimper ? Plutôt murs d’escalades ou immeubles et terrain urbain ?

Comment pouvait-elle énoncer deux choses qu’il appréciait tout particulièrement sans qu’ils ne se soient jamais rencontrés ? Si la jeune femme commençait à lui parler de parkour, il ne répondait plus de rien ! À croire que ces activités n’allaient pas l’une sans l’autre.

A la question de Kelly, il agrandit son sourire et hocha la tête d’un air fier.

— Assez, d’aussi loin que je me souvienne. J’aurais dû amener mon matériel, si j’avais su que quelqu’un s’entraînait j’aurais fait de même ! Malheureusement je suis plutôt en mode exploration des fourrés à la recherche de pièges que vraiment là pour m’amuser.

Aloïs prit une mine faussement contrite, même s’ils se tapota les lèvres comme s’il réfléchissait rapidement au meilleur moyen de concilier un peu sa présence et ses objectifs.

— T’es plutôt du côté des gentils ou des méchants, toi ?

Demanda-t-il soudainement.

— Ou plutôt… t’étais de ceux qu’on poursuivait ou de ceux qu’on suivait aveuglément ? En général, on n’apprend pas à se servir d’un arc si on n’en a pas besoin ; et je sais que Mérida est un rôle déjà pris en ville. C’est quoi ta raison, Kelly ?

Robin tendit la main devant lui, poing fermé sur le bois de l’arc en attendant qu’elle s’en saisisse. C’était assez intime comme arme, un moyen vif, rapide, précis et pourtant ancien de mettre un terme à toute approche désagréable… Si l’archer ne comprenait pas comment le manier, il était inutile de continuer sur ce chemin. Dommage que les armes à feux n’aient coupé court à la précision d’une flèche bien placée.

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Aloïs émit un rire amusé à sa proposition, lui adressant un clin d’œil amical.

— Volontiers ! Les entraînements en commun c’est parfois bien plus sympa que seul… Même si en solitaire on va parfois plus vite.

Il passa d’un pied à l’autre pour rester en équilibre sur le terrain pentu, observant les arbres autour d’eux.

— Avant, je préférai la forêt et ses mystères. Je vivais même à l’intérieur à une époque très lointaine mais… C’est passé. Aujourd’hui je préfère le parkour urbain, si ça te dit ? En échange du tir à l’arc, je pourrais te montrer deux ou trois endroits où aller se poser pour avoir une très belle vue de la ville. Ou des alentours.

La forêt de Sherwood semblait si loin aujourd’hui… Dire qu’à l’époque, il en connaissait le moindre fourré et aurait su s’y retrouver les yeux bandés et les oreilles bouchées. Une carte dans la tête et un terrain de jeu comme de chasse, à dissimuler des rebelles et fuir les forces de l’inquisition. Une vie passée dans les bois et, aujourd’hui, des journées à filer sur les toits ou les urbex.

La passion du risque et le goût des grands espaces… De quoi vous donner envie de voyager toujours un peu plus loin que l’orée de Storybrooke.

— Oh ?

Robin désigna son sac à dos.

— Volontiers ! Tu t’y connais un peu ? Je voudrais pas que tu te les prennes dans les pieds ou que tu te blesses avec… Normalement c’est un ami à moi qui y devait s’en occuper mais il n’était pas disponible. On cherche des pièges de chasse, type gibier. Les promeneurs qui les ont décrits à l’association ont parlé de petits pièges mais non loin des sentiers.

Vivement que la chasse soit interdite dans ce maudit pays… Outre les animaux sauvages, des pièges aussi près des habitations risquaient de se refermer sur des animaux de compagnie : on ne comptait plus les chats, chiens et autres créatures qui franchissaient les portes d’un vétérinaire en urgence à cause de la cruauté des Hommes. Par leur égoïsme, certains faisaient payer des innocents.

Quelqu’un qui n’aimait pas les animaux n’aimaient pas les êtres humains non plus. Heureusement, Aloïs était là pour tenter de protéger ceux qui ne pouvaient pas parler et il venait vraisemblablement de trouver une collaboratrice !

Pourtant la suite de ses paroles jeta une espèce de petit froid entre eux… Merde, son petit-ami était décédé récemment ? Y’avait… Il y avait bien plus cool comme raison de s’entraîner et Robin ravala cette réplique stupide. Mince, qu’est-ce qu’il était censé répondre à ça ? Il prit une mine désolée.

— Désolé, ça a pas dû être facile…

Sans compter qu’elle avait l’air de se croire coupable ? En étant faible, peut-être ? Kelly n’avait pourtant rien de faible et le simple fait de la voir lancer cette flèche avec une grande précision confirmait cette idée. Les apparences étaient-elles à ce point trompeuses ? Tout de même pas. Si elle se croyait responsable d’une mort prématurée comme celle de son petit-ami… Aloïs n’était pas le mieux placé pour l’aider. Réconforter les gens ce n’était vraiment pas sa tasse de thé – exception faite de la clinique vétérinaire.

— Ça arrive… En tout cas, tu m’as l’air excellente et sacrément forte. Je suis certain que tu fais exactement ce que tu t’es promis de faire.

C’était bancal, clairement. Il se passa une main dans la nuque et désigna le sentier un peu plus haut au-dessus du terrain d’entraînement de la jeune femme.

— On s’y jette ? Plus vite on les aura retrouvés, moins il y aura de victime de ces maudits pièges.

Rien que d’imaginer quelque chose coincé dedans… Aloïs en avait la gorge serrée.

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