« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
Deborah ne volait pas sa réputation (même si Raven n’en connaissait que le strict minimum : dame émotions capable de lui donner des réponses). Il semblait facile, pour la rousse, de deviner les vérités cachées derrière les mensonges de la brune. Comme si c’était noté sur son front qu’elle n’était pas tout à fait honnête avec elle-même, que ce fut de manière consciente ou non. La question de l’empathie, néanmoins, était un mystère que Raven ne voulait pas comprendre. Ce que lui en avait dit Deborah ne lui plaisait qu’à moitié et elle se refusait de trouver, chez elle, le moindre signe d’empathie pour des… humains. Même les corbeaux ne trouvaient pas grâce à ses yeux, en vérité, tout comme le prouvait son aversion feinte pour un fameux corbeau qui vivait dans le coin.
Néanmoins, la brune ne pouvait entièrement rejeter les mots de Deborah. Il était vrai qu’elle comprenait mieux l’empathie qu’elle ne le laissait voir. Au fond de la taxidermiste battait le cœur d’une mère et d’une grand-mère qui n’avait pas eu le droit de profiter de ses enfants comme elle l’aurait voulu, qui avait vu sa famille se détruire et son mari mener la vie dure à un fils qui avait (mais elle ne le savait pas, sinon elle l’aurait tué au moins trois fois) très mal tourné. Des sentiments humains que le corbeau, éternel célibataire bien endurci, ne voulait pas assimiler. Chez lui, la fidélité était un fléau qui l’attachait à un chat. Un putain de chat. Même pas un piaf, un chat. Comprenez le désastre.
Raven préféra faire ce qu’elle savait faire de mieux : rejeter des suppositions sans preuves et prendre un air supérieur. Non, elle ne comprenait pas l’empathie. Non, elle n’aimait pas la petite Sally. Non, elle n’aimait pas non plus son mari. Non, elle n’aimait personne, vraiment personne. Ce qu’elle aimait, elle, c’était emmerder le monde, même les enfants, et les entendre criser, hurler, pleurer sur son passage. Point. Le reste n’avait pas lieu d’exister. De toute façon, ça ne servait à rien. Tout comme il ne servait à rien d’argumenter. Raven savait se montrer têtue, quand il le fallait.
» Rogue dans Harry Potter, répéta Raven, l’air songeur (elle songeait surtout au fait qu’il faudrait qu’elle demande des explications à Honey). On va faire comme si je comprenais ce que tu dis. (Déni quand tu nous tiens.) Ma réputation importe peu, je m’en fiche, mais comment être sûre que personne ne regarde ? Mon voisin a l’œil qui traîne et il est hors de question qu’il s’invente des choses sur mon compte. Je ne suis pas quelqu’un de bien. Point.
Ce qu’elle annonça comme si c’était tout à fait normal, avec toute la fierté dont la taxidermiste pouvait faire preuve. Elle n’était pas du côté des héros, des princesses, ou tout simplement de ce qui n’était pas… elle. Le reste du monde n’importait pas ou peu et Raven refusait de laisser une quasi-inconnue croire le contraire. Elle n’avait pas la moindre idée de qui était ce fameux Rogue dans Harry Potter (sa télévision datait du siècle dernier et n’était jamais allumée, et les livres… s’il y en avait un dans son appartement, ce n’était sûrement pas de sa faute), mais elle était persuadée qu’il n’était pas comme elle (notez la direction de cette comparaison). C’était impossible. Raven était entièrement unique et inédite. Personne ne lui ressemblait. Ce qui ne voulait pas dire que personne n’avait essayé, mais essayer ne suffisait pas pour être elle.
» Sur la bonne voie, hein ? ricana-t-elle, alors que la description lui correspondait bien. Je suis, malheureusement, pas née avec des instincts de prédation. C’est pas dans ma nature première. C’est venu qu’après.
En suivant la description de Deborah, Raven ne se considéra pas loin d’une sociopathe. Ce qui lui plaisait bien (non pas parce qu’elle aurait soudain compris le concept, mais parce qu’on venait de lui dire qu’un sociopathe ne ressentait pas de tristesse) et promettait de l’arranger, dans le futur. Un peu comme une évolution qui, enfin, la débarrasserait de sentiments dont elle ne voulait pas. Pleurer, c’était pour les faibles et Raven n’était pas faible.
Les explications sur le divorce, elles, ne tombèrent pas dans l’oreille d’une sourde. Elle plissa un peu les paupières et se concentra sur chaque mot, attentive. Sa nature de corbeau la forçait à la fidélité. Il n’y avait qu’une chose, au monde, qui séparait un couple de corbeaux : l’incapacité à faire des enfants. Sauf que Raven en avait eu deux, alors… Elle se sentait coincée avec le chat, incapable de briser ce second contrat, entre eux. Un contrat qui était limite pire que le tout premier, au final, et dont elle aimerait bien se débarrasser une bonne fois pour toutes. Une fois fait, elle partirait, sûrement, loin, très loin, pour ne plus jamais avoir à y penser.
» Ça a l’air tout à fait amusant ! commenta-t-elle, d’un ton enjoué. On peut bien le leur accorder : les humains sont, parfois, très ingénieux pour faire du mal autour d’eux. Un peu de chantage, le mettre minable, c’est excitant ! Garder la maison ? Nous ne vivons pas ensemble, alors il peut bien garder son appartement moisi, j’en veux pas. Pour ce qui est de l’argent, j’en ai pas besoin non plus. Il faut juste signer un petit papier et tout est fini ? Sérieusement ? (Raven battit des cils, sans arriver à comprendre.) C’est quoi ce contrat à la con ? Le mariage, ça se brise si facilement ? Il y a pas d’autre embrouille ?
Le seul autre contrat de Raven avait eu, quand même, plus de clauses dangereuses qu’un mariage que l’on pouvait briser en signant un petit papier. Elle avait, alors, un peu de mal à se faire au concept et se demandait bien comment elle avait fait pour ne pas divorcer avant. C’était si simple ! Elle s’imaginait déjà devoir vendre son âme à un autre démon ou perdre la vie pour pouvoir regagner sa liberté. Ce qu’elle refusait de faire, évidemment. Même si la première option permettrait d’énerver un peu son mari.
Quelqu’un sonna à la porte, laissant la taxidermiste à ses réflexions. Elle n’aima pas bien l’interruption qui, du coup, détournait l’attention de dame émotions. Raven aimait être regardée, pas ignorée. Ce qu’elle fit savoir au livreur, d’un regard noir. Oui, bien sûr qu’il dérangeait ! Mais il ne posa pas la question et se contenta de faire son travail. La brune sourit devant l’échange entre Deborah et son livreur de fleurs. Voilà une femme qui savait comment recevoir les gêneurs ! Même si Raven était persuadée qu’à sa place, elle aurait fait mieux. Déjà, la taxidermiste n’aurait jamais pris ces fleurs. Pourquoi envoyer des fleurs ? C’était censé être un cadeau ? Elle préférait largement des choses plus… utiles. Les fleurs, ça ne servait à rien, à part puer et faner.
» Lui lancer à la figure ? Je note, c’est une bonne idée. Je pourrais aussi la cacher dans sa pâtée pour qu’il s’étouffe avec. (Le sérieux de Raven laissait peu de doute sur le degré de cette affirmation.) C’est pour faire quoi, les fleurs ? C’est moche. Elles aussi, tu devrais les balancer à la figure de celui qui te les a données.
Évidemment, Raven, elle, ne se souvenait pas, un jour, avoir reçu des fleurs. Un certain corbeau lui faisait des cadeaux plus… à son goût disons. Même un couteau aurait été une preuve d’affection plus intéressante que des fleurs… quoi que ça remettrait en doute la perfection de ses serres et leur tranchant inégalable.
» Remarque, ça vient peut-être de quelqu’un qui t’aime pas, du coup. Pour t’emmerder un coup. Tu veux te venger ? proposa-t-elle, très intéressée par l’idée.
Deborah Gust
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- Youhou Deborah, regarde ce que je sais faire !
- C'est bon, je démissionne, j'en ai marre des débiles.
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Le livreur vint puis repartit et comme il n'est pas important nous allons faire comme s'il n'était jamais venu et repartir sur ce que nous disions avant et qui était, pour le coup, réellement intéressant. Alors qu'on ne parlait pas de moi, ce qui mérite d'être mentionné. Enfin toujours est-il que j'avais bel et bien un bouquet entre les mains, ce qui n'échappa au regard perçant de la dame corbeau. Le contraire m'aurait étonnée, de toute façon. Pas sa réaction. Elle n'avait pas l'être très portée sur la délicatesse des plantes. Peut-être, cela dit, qu'elle aimait les ronces qui étaient au moins aussi piquantes qu'elle. - Ca sert pas à grand chose, concédai-je. Surtout quand la personne qui les envoie n'a pas signé de carte pour dire que ça venait d'elle. Non pas que je comptais dire merci. Celles c'est pas trop mes préférées mais bon, elles sont regardables. JASPEUR ? appellai-je subitement. Je l'entendis tressaillir au salon, sans doute persuadé d'avoir encore fait une bêtise ce qui n'aurait étonné personne (pas moi, en tout cas). Quelques bruits de meubles plus tard, il passa sa tête craintive dans l'embrasure de la porte pour me demander ce qu'il pouvait faire pour moi. Je lui tendis donc le bouquet. - C'est pas celles auxquelles tu es allergiques alors si tu veux bien, pendant la seule ici qui gagne honnêtement sa vie travaille, vas donc les mettre dans un vase avec toutes les précautions inutiles que tu jugeras bon de prendre. Javel exclue, notai-je avant qu'il ne tue le bouquet et ne s'en veuille pendant trois semaines. Le grand dadet flippé s'empara du bouquet avec mille précautions et se dirigea en cuisine, jetant un regard effrayé en direction de Raven. Raven, tiens, justement. On était là pour parler d'elle et de ses problèmes alors parlons en. Elle avait une façon d'admettre son ignorance qui n'appartenait qu'à elle. J'avais fait avec. Puisqu'elle voulait faire comme si, nous ferions comme si. Je n'avais pas pour habitude de perdre ma salive à expliquer des choses qu'on ne m'avait pas demandées d'expliquer. C'aurait été mal me connaitre que d'imaginer le connaitre. Y aurait bien un pigeon ou Google pour lui expliquer si vraiment elle avait pas compris et estimait avoir besoin de comprendre. - J'ai mieux à faire actuellement que de me venger du pauvre livreur de fleurs qui essaye de faire décemment son travail. Mais c'est promis le jour où j'ai besoin d'une vengeance, je te ferais signe. T'as l'air calé là-dedans et c'est pas pour me déplaire. Je pense que tu pourrais te faire une sacrée réputation dans le domaine parce que je crois qu'au contraire tu t'en fiches pas du tout de ta réputation, sinon ce que ton voisin pourrait bien s'inventer sur toi ne t'intéresserait pas. Mais comme tu le dis toi-même, c'est pas le cas, ajoutai-je avec un sourire narquois. On peut tout à fait travailler à entretenir une réputation de personne qui n'est pas bien voire qui doit être crainte et qui se venge comme personne - et surtout beaucoup mieux que Regina et son sort noir incontrôlé. Ca reste une réputation et tu as l'air d'avoir une idée bien définie de ce que tu recherches alors tu devrais arriver à tes fins sans avoir trop besoin d'aide. Contrairement à tous ces soi-disant experts, je sais reconnaitre quand mon aide n'est pas utile sur un sujet et sur celui-ci Raven semblait se débrouiller très bien toute seule. Là où elle pêchait c'était clairement les émotions. C'est courant chez un tas de personnes. Bien sûr, mieux valait ne pas le lui faire remarquer : Raven était aussi un peu comme moi - c'est-à-dire persuadée d'être unique. Qui étais-je pour insinuer autre chose ? Non, c'était beaucoup plus marrant de voir sa réaction suite à la découverte de la notion de divorce et je comptais bien reprendre cet aspect de l'entretien interrompu aussi. Je décelai une certaine jubilation dans son regard qui n'était pas pour me déplaire. Moi aussi j'aime bien être mesquine de temps en temps - parfois plus régulièrement, en fait. - Sauf si tu as signé un contrat prénuptial qui t'est désavantageux, oui, ça se brise aussi facilement que ça. Personnellement je ne compte que m'épouser moi-même comme ça pas de problème. Je me supporte très bien. En fait je suis sans doute la personne que je préfère au monde, maintenant que… Maintenant que j'ai cette nouvelle vie, disons, conclus-je pour éviter de parler de Riley. Comme je l'évoquais tout à l'heure : moi aussi j'ai une réputation à sauvegarder. - Y a que les gens qui croient vraiment fort en un Dieu - et je parle bien de croire, pas d'en avoir croisé en ville - qui pensent que le mariage est un contrat insoluble. On peut dissoudre tous les contrats, il suffit d'avoir été malin au moment de les rédiger ou de bien lire les petites lignes en bas que personne ne lit jamais. Y a pas d'embrouille quand on fait bien les choses, assurai-je. Mais je ne pouvais pas garantir qu'elle avait bien fait les choses en se mariant. Malheureusement pour elle.
Toute cette histoire de fleurs ne plaisait pas tellement à Raven qui n’avait jamais aimé les fleurs. Ce qui pouvait paraître logique, après tout. Un corbeau n’avait rien à voir avec des fleurs. Elle préférait les cadeaux plus utiles, elle. Ou les cadeaux plus… Disons qu’elle adorait laisser des petits cadeaux bien à elle sur les paillassons, dans les lits ou les poucettes d’inconnus. Sa propre tombe n’échappait pas à ce petit loisir qui lui permettait de prouver au monde à quel point elle le méprisait. Mais elle n’était pas la seule, sans le moindre doute. Une cliente lui avait, une fois, payé des trophées à déposer sur le seuil d’une maison pour faire chier son propriétaire. Oh, ça, c’était agréable pour la taxidermiste. Elle ne manquait pas de s’occuper de ce genre de livraisons elle-même.
Les fleurs, en tout cas, ne servaient à rien, de l’avis du corbeau qui ne se fit pas prier pour le dire. Ce n’était pas à elle qu’on allait demander de prendre des pincettes, de mettre des gants (surtout qu’elle n’aurait pas compris) ou de faire attention à ce qu’elle disait. Raven se contentait d’être franche et d’aller droit au but. C’était bien mieux ainsi. Peu importait que ça plaise ou non. Ça, ce n’était franchement pas son problème. Elle n’était pas là pour se faire des amis, de toute façon, mais pour obtenir des réponses à ses questions ou des solutions à ses problèmes, même si elle doutait, d’un coup, de pouvoir se débarrasser de ses émotions comme elle le croyait au départ.
Heureusement, Deborah ne semblait pas plus aimer les fleurs que Raven. Elle approuva que ça ne servait à rien et qu’elle ne comptait pas remercier celui qui avait eu l’audace de les lui envoyer. Bien. La brune ne comprit, cependant, pas ce qu’elle voulait dire par « regardable », dans la limite où la décoration d’intérieur était un détail dont Raven se tamponnait sévère. Quoi que… disons plutôt que son goût pour la décoration n’était pas le même que tout le monde. Il était vrai qu’elle aimait passer quelques minutes derrière le comptoir du Fur Ever à admirer sa petite collection. Mais des fleurs ? Hors de question.
La dame émotion se mit soudain à crier un nom et après quelques bruits de meuble, dans une pièce à côté, une petite tête apparut par une porte. La taxidermiste apprécia l’autorité de la rousse sur ses colocataires avec un petit sourire un poil mauvais. En plus, elle se débarrassait de son bouquet moche pour le confier à l’autre. Un esclave, en somme. Un esclave qui fait ce qu’on lui dit sans se plaindre. Bien, bien. Le fameux Jaspeur s’empara des fleurs qu’on lui tendait et lança un regard effrayé au corbeau, auquel elle répondit avec son petit sourire mauvais et en claquant des dents. La peur, il n’y avait rien de mieux à admirer chez les humains, c’était certain.
Diversion disparue dans une autre pièce, Raven dut se reconcentrer sur Deborah qui reprenait leur conversation comme si rien ni personne ne l’avait arrêtée. Un bon point pour elle, car la brune n’aurait pas aimé devoir se répéter, ce qu’elle aurait fait avec beaucoup de colère puisqu’elle exigeait des réponses. Mais peu importait l’arrivée impromptue du livreur, la rousse ne perdait pas de vue le problème actuel, professionnelle. Même si Raven ne comprit pas bien ce qui pouvait l’empêcher de se venger du livreur (après tout, il n’avait qu’à pas livrer), elle acquiesça pensivement à l’évocation de son talent pour la vengeance (les choses n’avaient pas été dites exactement comme ça, mais Raven entendait ce qu’elle voulait).
» Pour la vengeance, je suis la meilleure, affirma-t-elle, avec un haussement de sourcil arrogant. Mais je me fiche de ma réputation à ce niveau. Les gens auront tôt fait de se rendre compte qu’ils feraient mieux de ne pas m’emmerder. C’est même plutôt drôle de les voir se douter de rien puis regretter. (Elle ricana un peu, mais reprit son sérieux assez vite :) Pour ce qui est du voisin, c’est tout à fait normal. Il serait capable de s’inventer des trucs faux et de les raconter à tout le monde. Puis s’il commence à croire que je suis quelqu’un de bien, ce qui n’est pas le cas, c’est lui, alors, qui voudra divorcer. Et je ne le laisserai pas le faire en premier.
Raven balança l’information comme la chose la plus normale au monde : voisin = mari ; ce qui, aux yeux des humains, n’aurait sûrement aucun sens. Mais Deborah n’était pas humaine et, de toute façon, le corbeau se fichait pas mal de savoir ce qu’elle pensait de sa relation avec son voisin ou avec son mari. Les choses étaient ainsi, c’était tout. Et il n’en restait pas moins vrai que si Raven découvrait, aujourd’hui, l’existence du divorce, son démon devait la connaître depuis longtemps et qu’il ne se gênerait pas, lui, pour la forcer à signer les papiers s’il avait le moindre doute sur sa « bonté ». Ils ne s’étaient pas rencontrés pour faire le bien, ça c’était certain. » Un contrat prénuptial, répéta Raven, pour se laisser le temps de la réflexion.
Elle n’avait pas le moindre idée de ce que ça pouvait être, mais dans ses souvenirs, le mariage avait été fait rapidement, poussé par un soi-disant amour fou ou une connerie de ce genre-là. Elle doutait que les deux humains aient signé quoi que ce fut d’autre que la déclaration de mariage ou peu importait le nom que le donnait à ce contrat. D’ailleurs, à bien y penser, Raven n’était même pas certaine que son mariage fut officielle et valable. Son humaine était censée être une espionne sous couverture, non ? Elle ne comprenait pas encore bien tous les détails, mais il y avait, là, quelque chose à creuser, sans le moindre doute. Si ça se trouvait, Raven n’avait jamais été mariée à Kot pour la simple et bonne raison que Raven n’existait pas vraiment. Elle n’en savait rien. De toute façon, Raven était morte et ça aussi, ça devait avoir son importance dans l’histoire.
» Malin, oui, c’est tout moi. Mais les humains sont cons et ce contrat a été passé dans la malédiction de cette petite pigeonne de Regina, alors rien ne dit que tout a été fait de la meilleure manière. (Était-elle en train de se dénigrer ? Évidemment que non, puisqu’elle ne se considérait pas humaine.) Les dieux, je n’y crois pas. Encore moins en un seul gars un peu grassouillet qui aurait tout créé tout seul. Faut pas abuser. Puis on sait tous que si c’était le cas, il ne prendrait pas l’apparence d’un humain, c’est bien trop laid.
Raven se dispersait un peu dans la discussion, mais l’évocation de Dieu, allez savoir pourquoi, la ramena petit à petit à son serment de mariage. Une histoire de vie et de mort, ou quelque chose comme ça. C’était quoi, déjà ?
» Jusqu’à ce que la mort nous sépare, c’est ça ? Et si tout le monde te croit morte, à part avoir la paix, ça permet pas non plus de dire qu’il n’y a plus de mariage ?
Ce qui lui permettrait, quand même, de sauter l’étape du divorce qui, si elle avait l’air tout à fait amusante, restait une chose dans laquelle Raven n’était pas certaine de vouloir mettre son énergie. Dame corbeau était, de base, quelqu’un de particulièrement enclin à la flemme. Si elle pouvait se débarrasser du chat sans le moindre effort, elle n’allait pas se gêner. En plus, il ne s’y attendrait sûrement pas.
» T’as raison, te marie pas, de toute façon, ça sert à rien, ça prouve rien, et ça fait juste chier tout le monde.
Au moins, c’était pas à Raven qu’on reprocherait de ne pas donner son avis.
Deborah Gust
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Je souris à Raven car elle n'avait pas tort : l'effet de surprise était particulièrement jouissif et elle adorait s'en servir également. Mon sourire ne tarda cependant pas à exprimer autre chose quand le corbeau révéla que son fameux voisin était aussi le fameux mari. Je sentis immédiatement que leur histoire était tout à fait singulière mais ne posai pas de questions - je n'aime pas, comme j'ai sans doute pu déjà le dire, donner l'impression de m'intéresser aux autres personnes, d'autant plus à celles que je ne connais pas. Et son mari de voisin, je ne le connais, a priori, pas. Je doute que ce soit Dyson sinon ç'aurait été avec plaisir que j'aurais aidé Raven encore davantage. Quand il s'agit de pourrir la vie de ce garçon, je me porte toujours volontaire. - Oui il ne faudrait pas que ce soit lui qui prenne la décision en premier. Si j'étais dans cette situation je n'apprécierai pas non plus, commentai-je bien que très peu consciente de ladite situation. Mais était-ce important ? Je ne pense pas. J'avais compris le principal : elle ne supportait pas ce type. Voilà, cela suffisait pour donner un avis. De toute façon je n'ai jamais eu besoin de la permission de personne pour faire savoir mon opinion. - Bon point, le sort noir, poursuivis-je sans relever la tentation que Raven me présentait en traiter Regina de pigeonne (ça lui allait bien, d'ailleurs). Tu peux sans doute faire valoir que ce sont des faux souvenirs, des faux moments et que donc ça ne doit pas être pris en compte - même s'il existe éventuellement des papiers qui disent le contraire - et renvoyer ton mari de voisin se plaindre à Regina si ça ne lui convient pas. Personnellement, j'aime assez l'idée de lui envoyer quelqu'un de pas content, c'est pas comme si elle ne le méritait pas. Ce serait la seule chose que je dirai sur le cas de la sorcière Mills. Ou alors il faudrait vraiment que Raven me tende une perche irrésistible. On ne résiste jamais à l'appel d'une bonne punchline bien sentie. Pas quand on est moi, en tout cas. Quant à Raven, elle avait raison de décréter qu'elle était maligne car c'était un fait. Je l'approuvai d'un petit signe de tête qui ne manquerait sans doute pas de lui faire plaisir. Quant aux dieux, j'abandonnai la conversation avant de réellement la lancer. La plupart des gens savaient qu'on avait une tripotée de dieux, loin de tous être des lumières, qui allaient et venaient en ville, trimballant leurs soucis avec eux. Je n'avais pas envie d'avoir la migraine à cause de tout ça alors parler de l'impact d'un décès sur le mariage me plaisait davantage. - Si ton mari te croit morte je pense que ça peut passer. On se croirait dans Melrose Place mais ça m'a l'air jouable. Mais comme c'est ton voisin, peut-être qu'il a des yeux et qu'il a remarqué que tu es sa voisine, fis-je observer d'un ton égal. Dans ce cas là si tu es morte puis ressuscitée je pense que ça continue de marcher. Je dirais que le serment de base ne concerne que la première éventuelle mort d'une des deux parties mais je t'avoue que je n'ai jamais tenté l'expérience. Je suis humanisée et mon concept, le dégoût, perdurera bien après ce corps, mais je suis à peu près certaine que si je me tire une balle dans la tête je ne peux pas faire machine arrière. Or, comme le monde a trop besoin de personnes comme moi (et nous sommes si rares !) j'ai décidé de rester en vie sans me mettre inutilement en danger. Mais si vous connaissez quelqu'un prêt à tenter l'expérience n'hésitez pas à m'envoyer les conclusions. Alors que Raven finissait de m'encourager à ne pas me marier (je continuais cependant d'envisager de me marier à moi-même, comme Sue dans Glee mais en mieux) Jaspeur revint de la cuisine et se planta dans le décor, l'air de chercher un courage dont il ne disposait pas. Il se racla plusieurs fois la gorge tout en se pressant les mains mais ce n'est qu'en croisant mon regard impatient qu'il se jeta à l'eau (métaphoriquement, bien sûr - s'il avait du le faire pour du vrai il aurait pris une bouée ou des brassards) : - J'ai fait comme tu m'as dit Deg… Deborah, se rattrapa-t-il de justesse. Tu peux aller vérifier si tu veux. - Ca ira, je te fais confiance. Ce ne sont que des tulipes de toute façon. Mais n'hésitez pas à les arroser fréquemment quand même et quand tu verras qu'elles auront fané à les jeter, ajoutai-je, décidée à profiter de sa serviabilité mêlée de crainte. Il opina et disparut sans regarder Raven qui devait l'impressionner encore plus que moi étant donné qu'elle lui était étrangère tandis que nous avons toujours vécu ensemble. Cela me donna une transition toute trouvée pour rebondir sur son dernier point : - Le mariage peut quand même avoir des avantages si on a la flemme de gagner de l'argent soi-même (mais ce n'est pas mon cas) ou si le parti est très, très serviable ou victimisable à souhait. Evidemment je ne compte pas épouser Jaspeur, ça serait comme épouser un membre de ma famille. Mais, je pourrais concevoir qu'on souhaite profiter de lui. Y a des faibles qui aiment ce genre d'arrangement. Enfin, maintenant que la question du divorce est réglée, y avait-il d'autres points que tu voulais aborder avec moi ?
Évoquer, soudain, la possibilité que ce soit Kot qui demande le divorce avant elle ne plut pas vraiment à Raven. C’était pourtant elle qui avait amené le sujet dans la conversation, mais le dire à haute voix lui faisait prendre conscience de la situation. Il aurait pu le faire et il pouvait toujours le faire. Vu la manière qu’il avait de vivre, le corbeau ne doutait pas que son chat soit plus à l’aise que lui, dans le monde humain. Il devait déjà connaître l’existence du divorce. Alors pourquoi l’emmerdait-il en emménageant à côté ? Pourquoi ne se contentait-il pas d’exiger qu’elle disparaisse de sa vie ? Il avait, après tout, déjà essayé de se débarrasser de Raven plusieurs fois. Et il avait plutôt bien réussi. Pourquoi, cette fois, il n’y mettait pas un terme une bonne fois pour toutes ?
Toutes ces questions ne plaisaient pas à Raven qui rejeta tout ça dans un coin de son esprit. À n’en pas douter, après cette petite entrevue avec dame émotions, elle aurait tout intérêt à se perdre en forêt pour passer sa frustration sur le premier truc qui lui tomberait sous la main. Exiger des réponses ne faisait qu’amener plus de questions dans son crâne, ce qui n’allait pas du tout. Raven était venue se débarrasser de ses problèmes, pas s’en créer de nouveaux ! Elle regarda un peu mal Deborah qui, sans le moindre doute, était responsable de cette situation. Mais elle n’insista pas plus que ça. Elle savait, au fond, que la rouquine n’y était pour rien.
Proposer à Raven d’envoyer Kot dans les bras de Regina n’était pas l’idée la plus géniale qu’avait pu avoir dame émotions, jusque là. Rien que de l’entendre dire fit grimacer dame corbeau. C’était hors de question. Le chat avait, déjà, passé un contrat à la con avec cette petite connasse de sorcière. Elle n’allait pas, en plus, lui donner l’occasion d’aller la voir pour lui demander des comptes ! Non ! Raven détestait Regina purement et simplement, et elle n’appréciait pas de savoir que son chat était assez con pour lui traîner dans les pattes. Assurément, Raven ne comprendrait jamais l’envie de Kot d’avoir des « esclaves ». Elle, elle préférait avoir la paix et se débrouiller toute seule. S’il ne valait pas mieux que ça… alors, peut-être était-il temps pour elle qu’elle s’envole pour une autre ville. Afin de ne plus avoir à supporter tout ça.
Pourquoi était-elle revenue ? C’était la question qui tournait en boucle dans son esprit quand Deborah, au coin de son champ de vision, acquiesça quant au fait que Raven était maligne. La brune se para d’un petit sourire satisfait. Elle savait ce qu’elle valait, mais ça ne faisait jamais de mal de voir qu’il existait, dans cette ville toute pourrie, des gens assez intelligents pour s’en rendre compte. Le sujet des dieux, lui, ne plaisait pas vraiment à Raven qui fut bien contente que Deborah n’en rajoute pas une couche. La taxidermiste avait failli se prendre la tête avec une cliente, à ce sujet, et elle ne voulait pas recommencer avec dame émotions. Les dieux, à son sens, ne servaient à rien et elle ne voyait, franchement, pas la différence avec elle-même.
Deborah la prenait pour une conne, sans le moindre doute. Ce qui fit sourire Raven. En d’autres circonstances, elle se serait sûrement vengée (d’ailleurs, rien n’assurait qu’elle ne se vengerait pas plus tard), mais Raven aimait bien la rousse et lui accorda ce point. Avec les informations que la brune venait de lui donner, elle ne pouvait pas deviner tout toute seule. À moins d’avoir l’intelligence de Raven mais ça, il n’y avait qu’elle pour l’avoir, évidemment. Alors elle lui accorda cette moquerie et se contenta de répondre très sérieusement.
» Il est débile, mais pas aveugle. Il sait que je suis pas morte. C’est même à cause de ça que ce petit con a emménagé à côté de chez moi. Pour faire chier, évidemment. On retourne à la case départ, en tout cas. Mariée à ce petit con jusqu’au divorce.
Évidemment, Raven n’avait pas la moindre idée de ce qu’était Melrose Place, mais le nom ne lui plaisait pas et elle décida d’ignorer cette partie du discours. Si, vraiment, elle voulait comprendre (n’ayons pas peur d’en douter…), elle demanderait des explications à Honey, en plus de Harry Potter ou autres expressions qu’elle n’aurait pas comprises.
Jaspeur ressortit de la cuisine, sans le moindre doute mal à l’aise, et Raven se tourna vers lui pour le dévisager sans honte. Elle n’aimait pas être interrompue et ça faisait déjà… trois fois ? Personne ne pouvait les laisser tranquilles, un peu. Ce qui, évidemment, n’avait rien à voir avec le fait que l’intervention de Jaspeur détournait l’attention de Deborah. Ce serait très mal connaître Raven, vraiment.
La disparition de Jaspeur eut, au moins, le mérite de relancer la conversation sur le mariage de Raven et de Kot. Un mariage que, sans aucun doute, un bon nombre de personnes, en ville, auraient préféré voir caduc. Pour le moment, le couple passait plus de temps à s’entre-déchirer et se crêper le chignon qu’à emmerder le monde, mais le jour où ils auraient, enfin, réussi à se réconcilier… Oh, il ne valait mieux pas que ça arrive. Heureusement pour tous ces « innocents », ils n’en étaient pas là. Raven ne voyait que le mal que Kot faisait autour de lui et ça lui plaisait autant que ça l’énervait. Elle aurait aimé que, pour une fois, il la regarde dans les yeux et cesse un peu de penser à sa pomme. Mais ça, elle savait que ça n’arriverait pas et, un jour, elle en aurait marre d’attendre l’impossible.
» Je vois pas l’intérêt d’avoir un esclave, cracha Raven, énervée à la pensée d’imaginer son chat dans les bras de ses nombreuses humaines. On est jamais mieux servi que par soi-même, de toute façon. Et les humains sont trop cons pour faire les choses bien. Passer tant de temps à côté de quelqu’un d’autre, qui fait tout plein de petites choses pour toi, comme te nourrir, t’occuper, faire attention à toi… quelle différence avec le fait de se trouver une amante ?
Une question que, cette fois, la brune échappa avec une pointe de tristesse. Elle ne pouvait pas penser à son chat dans les bras de ses humaines sans sentir, au fond d’elle, sa propre humaine qui criait à la trahison. Le nourrir, le caresser, s’occuper de lui, lui donner de quoi s’amuser, n’était-ce pas à elle que ça devait revenir ? Le pire, évidemment, restait de l’imaginer endormi dans les bras de ces pétasses, à bouffer goulûment leurs rêves. Rien que d’y penser, Raven eut envie de casser quelque chose. Heureusement, elle savait, encore, se retenir. Et cette petite digression lui permit de se réorienter vers les questions qu’elle comptait poser, avant de venir.
» Je connais la colère, décréta Raven, de but en blanc. J’ai toujours connu qu’elle et je ne veux pas m’en débarrasser. Mais il y a des fois où elle devient trop forte, elle explose d’un coup et je casse tout. (Elle n’avait pas honte de l’avouer.) Je ne comprends pas et ça m’énerve encore plus. Ça ne faisait pas ça, avant. Je suis sûre que c’est lié à toutes ces… choses qui… bougent, là-dedans.
Elle fit un petit signe de main, vers son ventre. Loin d’elle l’idée d’évoquer les quelques insectes vivants qu’elle pouvait avaler sous sa forme de corbeau, mais bien les émotions qui s’agitaient dans son corps humain. Raven connaissait la haine, la jalousie, la honte, la fierté, la solitude, aussi. Mais le reste… elle n’était sûre de rien et n’avait jamais voulu se pencher sur la question.
» Pourquoi ça fait… mal ? Chaud ou froid ? Les larmes, c’est déjà bien assez à supporter !
Ce qui était, sans le moindre doute, la plus grosse faille que Raven ne montrerait jamais à une humaine (mais puisque Deborah n’était pas humaine…) et de laquelle elle essaya de sortir, aussi bien que mal. Non, en vérité, elle s’en sortit très, très mal, alors que ses yeux bleus se paraient d’une supplique silencieuse. Il restait une dernière question que le corbeau n’avait pas posée, mais il n’était pas sûr d’arriver à le faire.
Deborah Gust
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- Youhou Deborah, regarde ce que je sais faire !
- C'est bon, je démissionne, j'en ai marre des débiles.
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L'avantage avec Raven c'était qu'elle ne tournait pas autour du pot. On gagnait du temps, fatalement, quand on ne s'embarrassa pas à arrondir les angles. J'avais bien sûr l'habitude de le faire mais en ville il n'y avait pas grand moment qui rivalisait sur ce terrain. Oh je n'irai pas jusqu'à dire que Raven le faisait mieux que moi car ce n'était pas vrai. Elle manquait de ma subtilité. Mais le résultat était sensiblement le même alors je ne faisais pas la fine bouche et d'autant plus qu'elle énonçait des vérités qui m'étaient chères. En effet : on est jamais mieux servi que par soi-même, elle n'aurait pas pu mieux le dire. Moi-même j'en fais le constat tous les jours avec les trois boulets qui partagent ma vie et mon Harpagon de love interest. Sans parler du maire pratiquement incompétent que j'ai coaché toute l'année dernière et dont je faisais mieux le boulot. - Je dirais que la première différence c'est qu'on prend généralement un amant pour le sexe, le danger, l'excitation et ce genre de choses - pas pour les cadeaux et les petites attentions, même si certains en ont parfois, commentai-je d'un ton factuel. Oh il y a aussi parfois l'envie de faire souffrir son compagnon ou sa compagne officielle, ajoutai-je, n'ayant pas manqué de noter la pointe de tristesse dans sa voix et de l'interpréter comme pertinent me semblait. Je ne disais pas cela pour être méchante, pour une fois, du moins, mais simplement parce que c'était vrai. Cela dit, et je l'ai assez répété dans ma vie déjà, il n'y a que la vérité qui blesse. Alors c'était peut-être quand même peu sympa de le lui avoir dit. Cela dit, les gens ne me paient pas pour ma sympathie mais pour mon expertise. Ce sont deux choses différentes. J'observai Raven attentivement depuis qu'elle était arrivée, m'attachant à décrypter ses émotions puisqu'elle était venue pour ça. Je ne suis, de fait, pas étonnée qu'elle aborde ensuite le thème de la colère, coulant cependant un rapide regard vers le salon, espérant que Colère, le vrai, ne rappliquerait pas simplement parce qu'on avait énoncé son nom. Quant à la colère de Raven, celle qu'elle avait effectivement l'air de bien connaitre, je l'imaginais déclenchée par de nombreuses choses - dont cette tristesse qu'elle était bien décidée à dissimuler. Typique. Comme quoi, même les corbeaux finissent par fonctionner comme les humains qui ont toujours été humains. - Oui, ça arrive que la colère fasse de la casse, commentai-je, désabusée. Je connais quelqu'un qui pourrait t'en faire la démonstration à toute heure de la journée sans se fatiguer. Mais je suis pas sûre que tu aies besoin de ça, tu as l'air de très bien savoir exprimer ta colère. Maintenant il faudrait apprendre à la canaliser pour en faire quelque chose de constructif. Sauf si tu as prévu de devenir un boulet de démolition professionnel, auquel cas ça peut être utile de continuer de tout casser, fis-je observer avec humour. La colère, c'est bien. Mais si on s'en sert intelligemment. Il ne faut pas se laisser submerger, il faut savoir identifier ce qui va la provoquer pour soit l'éviter soit se préparer au flot de colère et mettre en place des tactiques afin de la rendre productive. Ah et … Pour information, ajoutai-je, ayant parfaitement vu qu'elle avait désigné son ventre, les émotions ça se trouve pas dans le ventre. Ou alors tu essayes de me dire que tu es enceinte mais dans ce cas là ça s'appelle pas des émotions, ça s'appelle des hormones. Les émotions, c'est là-dedans, indiquai-je en pointant ma tempe. Plus précisément elles se trouvent dans l'hypothalamus. "Elles", notai-je mentalement. Et pas nous. Ca me démangeait mais je ne pouvais plus dire nous. Parce que nous n'étions plus dans la tête de Riley depuis longtemps. Chassant cette idée, je me concentrai sur sa dernière question qui tenait presque de la philosophie. Heureusement que je suis l'émotion la plus intelligente. - Pourquoi ça fait mal ? Parce que tu es une humaine en vie, que ça te plaise ou non. Tu es obligée de ressentir, d'éprouver. La seule chose que tu puisses faire c'est apprendre à connaitre tes émotions, ce qui les provoquent, quand, comment, qui, pourquoi et trouver comment les maitriser, comment en faire une force et pas une faiblesse. Mais pour faire ça il va sans doute falloir un sacré travail d'introspection. Je peux pas deviner ce qui te provoque telle émotion, je ne suis pas dans ta tête et je ne sais pas si tu aimerais que j'y aille - c'est à toi de me le dire. A moi éventuellement de te guider, ajoutai-je histoire de ne pas la décourager totalement et d'offrir d'une certaine façon mes services dans ce domaine. Je pourrais sans doute rajouter psychanalyste sur ma carte de visite et demander encore plus d'argent aux gens qui viendraient me voir. On y gagnerait toutes les deux. Littéralement, me concernant.
Raven n’était pas un démon-corbeau pour rien (même si elle ne l’avait jamais vraiment su) puisqu’elle était pleine de mauvais sentiments. À croire qu’il n’y avait que ça pour remuer à l’intérieur d’elle. Entre la colère, un ego surdimensionné qui adore s’envoyer des fleurs à lui-même et sa jalousie tellement maladive qu’elle en devient dangereuse, le corbeau connaissait rarement de « passages à vide », pendant lesquels on se demande quoi faire de cette vie. Elle ne passait pas une seconde sans sentir sa haine bouillir à l’intérieur, sans trouver un prétexte pour ronchonner dans son coin ou rappeler au monde qu’elle est la meilleure. Ce qui ne l’empêchait pas d’en être très fière, d’ailleurs. Raven ne cachait à personne que les choses qui lui appartenaient, n’appartenaient qu’à elle seule et que personne d’autre au monde n’avait le droit d’y toucher. Il garde son nid farouchement, l’oiseau noir, et gare à celui qui approche la patte !
Kot faisait, évidemment, partie de ses possessions. Le chat n’appartenait qu’à elle et, à ce titre, personne d’autre au monde n’avait le droit de le toucher, de l’embêter ou de lui parler. Seulement elle. Sauf que son chat ne voyait pas les choses de la même manière. Lui, il se permettait d’être jaloux qu’elle cause à un autre, mais elle n’avait pas le droit de faire de même. Lui, il pouvait se pointer chez des humaines, réclamer à manger, se faire chouchouter et dormir avec elles, mais Raven n’avait pas besoin d’essayer de faire de même, de son côté, pour savoir qu’il piquerait une crise. Pourtant, elle, on lui demandait de la fermer et d’accepter. Elle ne voulait pas, non. C’était injuste. Elle voyait bien, en plus, elle n’était pas débile, que Kot ne s’entourait que de femmes. De jeunes femmes prêtes à le caresser sans rechigner, lui donner sa pâtée ou accepter qu’il bouffe leurs rêves de petites idiotes. Alors, oui, Raven était jalouse et oui, Raven considérait ça comme une trahison. Ça n’en était pas si loin, il fallait l’avouer. Il vivait avec elles, dormait avec elles, mangeait avec elles, rêvait avec elles, se laissait caresser par elles, mais Raven, elle, n’avait plus le droit de faire toutes ces choses-là. Elle ne le pouvait pas, de toute façon, puisqu’elle était morte et que tout le monde l’avait oubliée.
» Le sexe ? ricana Raven, loin d’être blessée par les mots de Deborah. Ouais, non, ça m’étonnerait franchement. Puis il le faisait déjà avant, avant de savoir que je suis pas crevée, donc c’est pas pour me faire chier. Il comprend même pas que ça me fait… (Non, hors de question, elle ne dirait jamais « souffrir ».) N’empêche qu’il se frotte contre des petites humaines pour pouvoir obtenir de l’attention, alors qu’il passe son temps à me dire que je suis moche et qu’il m’aime pas. Je lui demande pas de l’amour, à ce débile, mais du respect. Apparemment, ça tilte pas dans son petit crâne de moineau.
Dites comme ça, les choses pouvaient paraître étranges, mais Raven s’en fichait éperdument. Elle comprenait ce qu’elle disait, elle, et elle ne s’intéressait pas de savoir si Deborah serait paumée ou non. En vérité, elle partait du principe que dame émotions devait tout comprendre d’elle-même, du premier coup, en faisant travailler un peu ses neurones. Évidemment, Kot ne se « frottait » pas aux humaines dans le sens où les humains auraient tendance à le penser, mais Raven préféra écarter toutes ces réflexions-là, puisque ça ne menait pas loin. Elle en restait, en vérité, à peu près au même point : pour elle, c’était presque tromper et d’un point de vue humain, tromper était égal à divorce, non ? Elle pensait avoir compris au moins ça, mais elle n’était pas certaine. En tout cas, elle, elle ne voulait plus qu’on exige d’elle une fidélité éternelle (corbeau oblige), alors que son mari avait le droit d’aller voir ailleurs quand ça lui chantait.
À l’évocation de la colère, Raven leva un sourcil amusé. Elle n’aurait pas été contre de rencontrer celui qui se pensait capable d’être plus en colère qu’elle. Le corbeau n’avait connu que ça depuis qu’il s’était remis de l’humiliation d’avoir perdu un satané fromage. De la haine pure et simple, tournée contre le monde entier et qui le poussait à s’énerver contre tout ce qui osait lui passer sous le bec. On ne devenait pas un démon en faisant des bisous à des enfants, après tout. Rendre sa colère productive était un concept que Raven pigeait à peu près. Dans la limite où elle pensait pouvoir mettre sa haine à contribution au cours de ses chasses, ce qu’elle faisait depuis longtemps déjà. Il n’y avait rien de mieux que la colère de l’oiseau noir pour picorer quelques proies. Néanmoins, elle n’eut pas le temps de présenter son magnifique point de vue sur la question, que Deborah l’attaqua d’une drôle de manière. Enceinte ? Raven plaqua la main sur son ventre plat et ouvrit la bouche sans un mot. Elle était certaine de ne pas avoir d’œufs et quelque chose lui disait que son corps humain avait, à ce sujet, dépassé sa date de péremption, mais ça, ce n’était pas certain.
» Je suis pas enceinte, rejeta-t-elle, finalement, sa main s’attardant sur son abdomen.
L’idée que les émotions soient dans la tête et pas dans le ventre, la fit froncer les sourcils. Oh, elle croyait Deborah sans trop de peine, mais elle ne comprenait pas, alors, pourquoi elle sentait parfois des choses avec son ventre. Ou quelque chose comme ça. Quoi qu’il en était, ça restait chiant et c’était justement ça, qui la forçait, parfois, à s’énerver sans arriver à se canaliser. Sentir une drôle de chaleur ou une douleur cuisante au fond de sa poitrine. Ça l’énervait tellement ! Néanmoins, ses pensées furent détournées par les mots de dame émotions. Il n’en fallut pas plus, à Raven, pour prendre une grande inspiration et sentir comme un poids étrange s’enlever de ses épaules. Elle était vivante. Rien que pour ce constat, aussi étonnant que ça puisse paraître, Deborah grimpait en flèche dans l’estime du corbeau. Elle était en vie. Elle n’était pas morte, pas encore, et elle n’avait pas été, entièrement, effacée de ce monde. Elle avait, encore, le droit de vivre.
» C’est nul, mais ok, je comprends. Par contre, non. Personne n’entrera dans ma tête. (Rien que le souvenir d’une voix qui raisonnait dans son crâne, dans un monde tout jaune, la fit grimacer.) En faire une force, hein ? Je crois que je sais comment faire. (Ce qui ne voulait pas dire qu’elle savait comment y arriver.) Tu m’as même donné une idée, Deborah. Un truc qui va bieeeen faire chier mon abruti de mari. Oh, oui ! Encore mieux que le divorce.
Raven n’abandonnait, pour autant, pas l’idée de divorcer. Un concept qui lui plaisait bien et risquait de lui coller à la peau pour les prochaines semaines, jusqu’au jour où elle finirait par s’en lasser, comme toujours. Elle avait des sortes de phases, comme celle-ci, pendant lesquelles elle restait focalisée sur une idée et n’en sortait plus. Mais, au final, elle ne passait jamais à l’action. Comme la fois où elle s’était mise en tête de tuer toutes les femmes de Kot. Elle ne l’avait jamais fait, mais ce n’était pas l’envie qui manquait.
» Dame corbeau aime bien dame émotions, avoua-t-elle, en toute franchise, un sourire aux lèvres. Alors si t’as besoin de moi, cherche le plus beau corbeau et tu me trouveras. (Elle leva le menton, très fière.) Ou passe au Fur Ever, mais te trompe pas de porte ou tu débarqueras chez l’autre…
Ce qui était hors de question. Maintenant que Raven rangeait Deborah dans ses connaissances « utiles » (ce qui ressemble à « agréables » pour un humain), elle ne voulait pas la voir traîner dans les pattes de son chat et inversement. S’ils venaient à s’apprécier, elle pèterait un câble, sans le moindre doute. Mais quelque chose lui disait que Kot ne supporterait pas l’assurance de Deborah, alors que Raven trouvait ça tout à fait rafraîchissant. S’il ne pouvait pas l’apprécier, c’était seulement parce qu’il avait peur de se rendre compte que dame émotions était, peut-être, meilleure que lui. Alors que Raven ne s’encombrait pas de telles bêtises. Elle savait ce qu’elle valait, elle, et personne ne lui arrivait à la cheville, c’était certain.
Deborah Gust
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- Youhou Deborah, regarde ce que je sais faire !
- C'est bon, je démissionne, j'en ai marre des débiles.
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Le respect. Raven était suffisamment intelligente pour le rechercher plutôt que l'amour. Elle grimpait vite dans mon estime. J'acquiesçai pour lui montrer mon approbation avant de grimacer - avec ce qu'elle m'en avait dit, j'avais décidé de ne pas apprécier la tête de piaf dont nous parlions. Non pas que ce soit difficile pour moi de décréter quand je n'aime pas quelqu'un ou quelque chose. L'inverse, en revanche… Je ne m'étendis pas sur cette réflexion, si passionnante fut-elle pour mon esprit, car je devais gérer les sur-interprétations que Raven faisait de mon discours. Bon, elle ne pouvait pas être parfaite puisque je le suis déjà. J'acceptai donc de rester patiente et de ne pas revenir sur la subtilité de mon discours. Si Raven semblait penser que je devais tout deviner en dépit du peu d'informations qu'elle me donnait (ce qui était presque paradoxal car elle donnait l'impression d'être elle-même son sujet de conversation et plus généralement d'attention préféré) je décidais de penser qu'elle devait s'élever à mon discours. Je n'ai, en outre, jamais été partisane du nivellement par le bas. Vient un moment où les gens doivent faire l'effort soit de lire entre les lignes, soit d'apprendre les métaphores les plus courantes histoire que tout le monde s'en sorte. Je doutai qu'elle le fasse un jour (car je suis lucide) mais nous arrivions à communiquer sans trop de peine et dans tous les cas le plus important s'était produit : j'avais donné une idée à Raven. J'ai toujours su que j'étais une muse. La muse du dégoût. Je n'existe pas en tant que tel dans la mythologie mais j'aurais dû, j'en suis certaine. - Dame émotions aime bien dame corbeau aussi, répondis-je en faisant écho au propre commentaire de Raven. C'est pas comme si ça me dérangeait de parler de moi à la troisième personne. Ou de parler de moi tout court, en fait. - J'ai noté l'adresse. Pas mal le jeu de mots, commentai-je, pas persuadée d'avoir un jour besoin de fourrure mais capable d'apprécier le nom de l'endroit tout de même. Au demeurant, c'était bien aussi de savoir que j'avais une alliée prête à faire mes sales besognes ou me donner des idées mesquines (si un jour j'en manquais - ce dont actuellement je doutais). Nous étions peut-être en train de devenir un genre particulier d'amies. Ou d'associées. La dénomination pouvait attendre mais l'échange avait été stimulant et ce n'était pas peu dire vu le niveau général de Storybrooke ! - T'en fais pas pour moi je me tromperai pas. J'ai déjà décidé que je prenais ton parti c'est assurément pas pour aller voir ton mari de voisin. Tiens moi au courant de tes avancées. Ca a l'air marrant à suivre, ajoutai-je encore avant qu'elle ne reparte d'où elle était venue.
J'ai conclu je crois que c'était le mieux à faire mais on peut se retrouver un rp toutes les deux quand tu veux :)