La valse avait pris fin. Subitement. Les bras de Willie avaient cessé de se balancer en rythme avec sa mélodie intérieure, ses cheveux avaient retrouvé leur teinte, l'étrange aura qui l'entourait s'en était allée. Elle eut un soupir de soulagement, lorsqu'elle se retrouva à nouveau entre les murs du musée. Cette fois-ci, personne n'avait perdu la vie. Au fil du temps qu'elle avait passé en ces lieux, elle en avait fait un temple rassurant pour elle et son esprit torturé. Elle ne réalisait pas vraiment ce qui venait de se passer, les yeux légèrement troublés par les larmes, comme toujours lorsqu'elle faisait -ou faisait presque dans le cas présent- du mal à quelqu'un.

Elle observa le conservateur aller à la rencontre d'un tableau afin de le décrocher, toujours perturbée par ce qui venait de se passer. Tout se chamboulait dans son esprit, et ses émotions s'emmêlaient sans parvenir à se détacher les unes des autres. Malgré son désordre intérieur, son mal de crâne avait disparu, signe que Monsieur Crypto avait tout remis en place avant de partir. Heureusement. Il aurait été très malpoli d'entrer dans un esprit, de le déranger puis d'en ressortir en laissant tout sens dessus dessous.

L'attention de Willie se reporta sur le tableau que le conservateur avait décroché du mur, une œuvre qu'elle avait déjà eu l'occasion d'observer à de nombreuses reprises. En y reconnaissant l'homme qu'elle avait voulu sauver du froid, la jeune femme comprit pourquoi il lui semblait l'avoir déjà vu auparavant. Le petit bonhomme semblait infiniment reconnaissant envers elle, pour un motif qu'elle ne saisissait pas. Elle avait essayé de le sauver, mais pensait ne pas y être parvenue. Lui avait-elle finalement évité la mort ? Cette idée lui fit chaud au cœur.

Les commentaires de Monsieur Crypto vinrent éclairer sa lanterne, étirant les lèvres de Willie d'un petit sourire réjouit. Elle ignorait comment cela avait été rendu possible, mais cette bonne nouvelle inonda son âme pour y amener de la joie. Elle était véritablement heureuse pour l'homme du tableau, et appréciait toujours autant les explications du conservateur -même s'il lui avait fait frôler la mort quelques minutes auparavant.

Les informations qui suivirent troublèrent énormément la danseuse, qui était à la fois désolée pour l'homme de la montagne et curieuse quant à ce qui venait d'être dit. La magie nocturne du musée ? Qu'est ce que cela signifiait ? Était ce pour cela que ce tableau pouvait bouger ? Elle se promit de venir glisser un œil à l'intérieur, durant la nuit, afin de pouvoir confirmer son hypothèse. En attendant, son héroïsme prenait le dessus:

« Dans ce cas, je viendrai le sauver tous les jours, si vous le permettez ! »

Son regard soulignait bien sa détermination. Lorsque Willie affirmait quelque chose, elle s'y tenait toujours. Surtout quand cela avait un rapport plus ou moins étroit avec le sauvetage d'un innocent. La jeune femme ne se permit pas de douter des propos du conservateur, bien qu'elle l'aurait fait si quelqu'un d'autre lui avait tenu le même discours. Bien sûr qu'elle savait que sa magie pouvait apporter la vie, mais cela ne l'intéressait pas dans la mesure où cela ne concernait que la sienne. Sauver les autres, voilà ce qui l'importait vraiment. D'autant plus que pour se tirer d'un mauvais pas, elle devait voler l'énergie des personnes présentes autour d'elle. Jamais elle ne pourrait s'en vanter ou en faire une fierté. Malgré toutes ces pensées négatives, elle adressa un regard reconnaissant à Monsieur Crypto. Ses félicitations lui faisaient chaud au cœur, il lui donnait l'impression de ne pas la considérer comme une cause perdue.

En un claquement de doigts, le conservateur les téléporta dans un nouveau lieu. Willie, dont l'esprit avait été légèrement chamboulé la première fois, commençait à s'y habituer, et peut-être même à y prendre goût. Elle adorait marcher, mais la téléportation était un mode de transport intéressant. Elle redécouvrit avec appétit le décor du Comics Burger, et pu apprécier le confort de ses sièges. Comme tout bon habitant de Storybrooke, elle savait que le restaurant était un lieu incontournable de la ville. Il n'était donc pas rare qu'elle s'y rende pour déguster les délicieux plats que proposaient leur carte. Ces plats en questions se trouvaient d'ailleurs sous ses yeux, prêts à être dégustés. Elle jeta quelques petits regards autour d'elle, afin de déterminer s'ils étaient véritablement dans le Comics Burger, où si tout cela n'était qu'un nouveau tour de magie. En étant venue à la conclusion hâtive qu'il s'agissait du véritable restaurant, elle leva un regard inquisiteur vers Monsieur Crypto. La nourriture était déjà sur la table lorsqu'ils étaient arrivés, Willie considérait donc qu'elle appartenait au conservateur. Peut-être avait-il prévu son coup à l'avance, en commandant toute une ribambelle de plats avant leur entrevue. Ou bien c'était un tour de magie. Encore.

Elle saisit une part de pizza, c'était une Katana, celle dont elle raffolait le plus. Certains auraient crié au scandale, mais les ananas sur une pizza faisaient partit des meilleures choses qu'il lui avait été donné de goûter. Les morceaux de fruit l'observant avec insistance depuis déjà deux bonnes minutes, elle s'était sentie obliger d'accéder à leur requête en les mangeant. Tandis qu'elle était très occupée à savourer le goût délicieux de la pizza, les yeux presque fermés pour plus de plaisir, elle entendit la voix de Monsieur Crypto qui la ramena à la réalité.

Évidemment, elle n'avait pas oublié les termes du contrat. Elle attendait simplement que le conservateur les aborde à nouveau, afin de ne pas avoir l'air de réclammer. Le problème n'était pas qu'elle n'avait pas de questions à poser, mais qu'au contraire elle en avait beaucoup trop. Il fallait prendre une décision.

« Très bien, j'ai fait mon choix ! Elle plongea son regard dans celui du conservateur, et demanda avec un grand sourire: Comment vous appelez-vous ? »

Cette question semblait banale. Elle l'était. Mais durant son moment d'intense réflexion, Wilhelmina s'était rendue compte qu'elle ne connaissait pas le prénom du conservateur. Puisque tout indiquaient qu'ils seraient amenés à se côtoyer de nombreuses fois à l'avenir, elle avait conclu qu'il serait judicieux de pouvoir l'interpeler plus brièvement qu'en l'appelant toujours "Monsieur Crypto". Et puis, n'était-ce pas la première question que l'on posait lorsque l'on faisait la connaissance de quelqu'un ? Elle s'apprêtait à croquer à nouveau dans sa part de pizza, dans l'attente d'une réponse de la part de son interlocuteur, quand elle réalisa que cette question pourrait peut-être le déranger. Elle s'empressa donc aussitôt de compléter:

« Enfin, bien évidemment, je ne vous appellerai par votre prénom que si cela ne vous pose aucun problème ! Je ne voudrais surtout pas me montrer impolie... »

Son regard s'illumina lorsque le conservateur apporta une réponse à sa question. Posant sa part de pizza, dont elle venait de détacher un petit morceau d'ananas qu'elle avait rapidement glissé dans sa bouche, elle s'extasia:

« Oh, Bill ? C'est amusant, nos prénoms sont issus des mêmes mots: "will" et "helm". Que l'on peut respectivement traduire par "volonté" et "protection". Elle l'observa un instant, silencieuse, puis conclut en étirant un peu plus son sourire: Cela ne m'étonne pas, vous avez l'air d'être quelqu'un qui œuvre pour obtenir ce qu'il veut ! Et derrière votre air détaché, se cache un grand cœur qui ne demande qu'à prendre soin de son prochain. »

Willie eut un long soupir, comme si elle était émue d'apprendre de telles informations à travers un prénom. Évidemment, elle se trompait peut-être, mais son instinct lui soufflait qu'elle n'était pas loin de la vérité. Hissant ses coudes sur la table pour pouvoir poser sa tête sur ses mains, elle ajouta:

« Je penserai à vous souhaiter une bonne fête le 10 Janvier prochain ! Enfin, sauf si j'oublie votre prénom, évidemment. Ce qui serait vraiment malheureux... »

Espérait-elle que Bill lui accorderait ce souvenir ? Oui. Le ferait-il ? Cela restait à voir.

Willie repensa à la promesse qu'elle avait fait, de venir en aide à tous ces pauvres tableaux. Elle la tiendrait. Évidemment. Même si cela devait lui prendre des nuits entières, elle les aiderait tous.

Les paroles du conservateur étaient toujours tellement intrigantes... Au lieu d'apporter des réponses à la jeune femme, elles ne faisaient que lui apporter des questions supplémentaires. Un nom qui pourrait la tuer ? Elle ne savait pas cela possible. Pourtant, elle croyait aveuglément aux paroles de Monsieur Crypto. Quel intérêt aurait-il eu, de toute manière, à lui mentir ?

Lorsque le bras de Bill passa devant son visage, à toute allure, Willie se retourna. Elle suivit alors la direction dans laquelle pointait le doigt du conservateur, pour y découvrir un jeune homme. Elle n'eut pas besoin de chercher bien loin dans son esprit, pour reconnaître immédiatement l'homme en charge du restaurant. Puis, elle se retourna vers Monsieur Crypto pour ne pas perdre une seule miette de ce qu'il allait dire. Monsieur Walters était donc en mauvais terme avec le propriétaire du musée ? Willie se retourna à nouveau légèrement vers le restaurateur, puis vers le conservateur dont les paroles l'avaient happée toute entière.

Le monologue qu'il venait de lui tenir, exposait visiblement le passé qu'il avait vécu. Une existence qui semblait plutôt chaotique. Willie tiqua à l'évocation du fait qu'il ait un jour possédé une âme. L'âme de quelqu'un. La jeune femme n'avait pas vu énormément de films d'horreur au cours de son existence, mais c'était bien assez pour savoir que les possessions étaient souvent menées par des démons. Elle leva ses grands yeux bleus vers le conservateur, cherchant à sonder son âme. Alors voilà ce qu'il était ? Une créature démoniaque ? Elle n'y voyait aucun mal, les danseuses nocturnes ayant tout aussi mauvaise réputation que les démons, cette hypothèse n'avait donc -à ses yeux- rien de négatif. Au contraire, Willie la jeune femme n'en trouvait Bill que plus intriguant. Cela expliquerait toute la magie qu'il possédait. Pourtant, une question s'imposa rapidement à la jeune femme: pourquoi un démon -visiblement très puissant- pourrait-il avoir besoin de l'aide d'une jeune danseuse ?

Laissant cette interrogation à plus tard, elle accueilli les paroles du conservateur avec un sourire satisfait qu'elle essayait de cacher tant bien que mal. Comme elle l'avait souhaité, sa question n'avait pas véritablement été prise en compte dans le jeu, et elle obtint le droit d'en trouver une nouvelle.

Willie aurait pu interroger le conservateur sur sa nature, afin de confirmer ses suppositions. Mais une question d'un tout autre genre s'imposa à son esprit. Elle croisa les doigts de ses mains entre eux, et demanda d'un air tranquille:

« Regrettez-vous vos actes ? »

Si Willie pouvait totalement cautionner le fait que le passé de Bill n'ait pas été pavé que de bonnes intentions, il lui était presque impossible de concevoir l'idée d'apprécier un être qui ne ressentait aucune culpabilité vis à vis d'actes cruels. Elle-même avait ôté de nombreuses vies par le passé, et elle le regrettait amèrement. Ainsi, elle œuvrait chaque jour pour réparer ses fautes.

Elle scruta les yeux du conservateur avec attention, essayant de capter le moindre signe pouvant trahir sa réponse à venir. Il trouverait peut-être cette question sans intérêt, pensant qu'elle n'apporte aucune information à Willie sur son identité ou tout autre élément intéressant. Pourtant, ce point était essentiel pour qu'elle puisse déterminer si ses suppositions sur la belle âme du conservateur étaient vraies ou fausses.