L'invitation à dîner de Viktor m’obsédait depuis que je l'avais reçue. Je ne comprenais ce qu'elle signifiait alors je n'avais pas répondu immédiatement. J'avais pris le temps de la réflexion. Parce que je ne savais plus comment me comporter avec lui ni comment interpréter ses actions et ses gestes. Je n'avais jamais réussi à déchiffrer quoique ce soit chez Viktor en réalité mais... j'avais la certitude que nous étions amis. Je savais que je ressentais cette... attirance pour lui que je ne m'expliquais pas. J'avais tenté plus d'une fois de le mettre dans mon lit sans réussir une seule fois. J'avais était insistant plus d'une fois mais parce que c'était comme ça que je fonctionnais. On ne me disait pas non. Ou rarement. Viktor était l'un des rares et il était devenu une obsession. A moins qu'il ne l'était déjà avant. Je n'arrivais plus à savoir ce qu'il en était. Toutefois, je savais ce que je ne ressentais plus. Et c'était même plutôt assez clair.

Moi qui autrefois passait beaucoup de temps dans les bars ou des les bras d'inconnus, je me retrouvais à ne plus ressentir aucun désir. Pour... personne. Enfin si. Pour Viktor. Mais au cinéma, il m'avait repoussé puis il avait insisté pour que nous restions ensemble. Et puis... il y avait eu ce baiser. Je ne l'avais pas compris. Je ne le comprenais toujours pas. J'avais cru que... Et puis, il y avait eu Marcy. Un accident de parcours malheureux puisque je n'avais pas été aussi satisfait que j'aurais dû. Et j'avais appris qu'elle ne faisait qu'un avec Viktor. Il savait et j'avais honte. Mais il m'avait caché une information capitale. Il aurait pu me dire. J'avais eu l'impression de compter un peu plus que ça pour lui. Visiblement, je me trompais. Et j'en revenais à tout remettre en lumière. Il était pourtant venu me trouver moi ce soir là.

M'aurait-il tout avoué ? Il avait été si faible et j'avais eu si peur. Et ensuite... je n'avais plus eu aucune nouvelle. Silence radio pendant de longues semaines. J'avais tenté de l'appeler, de le faire sortir. Mais... en vain. Alors, j'avais laissé tomber. Il ne voulait donc plus me voir ? Et j'en avais assez qu'il batte le froid et le chaud sans arrêt. J'étais quelqu'un. Avec des sentiments. Et j'estimais que c'était déjà assez difficile comme ça sans qu'en plus il rajoute des complications en envoyant des signaux contradictoires. Comme cette invitation à dîner. Dans le restaurant de Rémi en plus. Comme si c'était le moins romantique des restaurants du coin. Alors... j'avais hésité. J'avais pesé le pour et le contre. Et j'avais accepté de venir.

J'avais choisi ma tenue avec soin, décontractée chic. Un jean serrant mes fesses et mes cuisses, un polo noir dessinant mes muscles et une veste en cuir pour le côté décontracté. J'avais passé un certain temps à décider si je gardais ma barbe de quelques jours ou si je la rasais. J'avais décidé de la laisser. Elle me vieillissait un peu ce qui n'était pas plus mal. Peut-être me prendrait-il un peu plus au sérieux comme ça. J'avisais l'heure et je décidais de me téléporter directement sur le trottoir face au restaurant. Prendre la voiture m'aurait mis en retard, j'étais à présent parfaitement à l'heure et Viktor était déjà là devant le restaurant. J'inspirais profondément et esquissais un sourire sur mes lèvres alors que je l'interpellais avant de le rejoindre en traversant à grandes enjambées. L'avantage de ma grande taille.

"Salut, Viktor !"

Mon sourire se fit un peu plus franc et je lui rendis son étreinte un peu maladroitement. Je ne savais encore pas comment agir et je me contentais donc de passer lorsqu'il m'ouvrit la porte. J'examinais le restaurant avec attention à la recherche de Rémi qui devait en réalité être en cuisine à l'heure actuelle. C'était étrange d'être ici avec Viktor, je m'installais à la table qu'on nous accorda et saisis le menu avant de l'ouvrir, cachant mon malaise par la même occasion. Je relevais les yeux lorsque mon ami me demanda comment j'allais.

"Et bien... Ça va plutôt bien... Mais c'est plutôt moi qui devrait te poser cette question. Comment vas-tu depuis... la dernière fois ?"

Je le détaillais du regard. Il avait meilleure mine que lorsqu'il était inconscient sur mon canapé. Je lui adressais un léger sourire.

"Et Marcelline ? Elle s'est bien remise ?"

Je n'avais pas eu de nouvelles ni de l'un ni de l'autre. Et c'était très vexant. Alors je n'allais sans doute pas être de très bonne composition. Mais... tant pis. J'en avais assez qu'on m'utilise et qu'en retour je... Je me figeais légèrement alors qu'il s'excusait. Et immédiatement, je me mis à rougir. Je haussais les épaules et esquissais un petit sourire.

"Tu n'étais pas obligé de faire tout ça tu sais. Un simple merci aurait suffit."

Ami. Voilà ce qu'on était. Rien de plus. De très bons amis. L'amertume me monta à la gorge et je replongeais le nez dans mon menu. Je hochais la tête alors qu'il changeait de sujet pour parler du menu et je lâchais un petit "ah oui" sans grand enthousiasme. Je me mordillais l'intérieure de la joue avant de poser mon menu un peu trop brusquement sur la table.

"Dis moi Viktor... Si Queenie ne nous avait rien dit. Si tu n'avais pas été obligé en quelque sorte de tout avouer. Tu me l'aurais dit ?"

Je serrais légèrement la mâchoire. Je ne voulais pas lui faire une scène mais je retournais sans arrêt l'information dans ma tête. Et bien sûr... je serais toujours là pour lui, je continuerais à toujours être là pour lui. Mais...

"Quand tu passais du temps avec moi... C'était pour faire plaisir à Marcy ou parce que tu en avais envie toi ? Je... J'ai l'impression que, parfois, ça te coûte d'être avec moi. Je... J'imagine que tu sais que, enfin, tu étais dans sa tête donc oui, tu sais forcément..."

J'esquissais un sourire sans joie. Je ne savais même pas pourquoi je me justifiais en réalité. Mais j'avais besoin de lui dire des choses. Parce que je les ressentais et que j'en avais assez de les garder pour moi.

"Il faut que tu saches que Marcelline, c'était la première depuis un moment, et c'est restée la dernière. Je... Je traîne pas avec toi uniquement parce que tu es mon ami. Enfin surtout dernièrement. Je veux dire l'invitation au cinéma. Cette invitation au restaurant... Est-ce que ça a une signification pour toi ? C'est pas... Je veux dire, tu m'envois des signaux Viktor et moi... je veux y croire tu comprends ? Mais si c'est pas réciproque, il faut me le dire. Parce que je peux plus vivre comme ça. A espérer que tu veuilles de moi si c'est pas le cas."

Je me tus, un peu gêné par cette annonce un peu abrupte. Et je me replongeais dans mon menu pour ne pas avoir à subir son regard perçant. Et aussi parce que le serveur arrivait vers nous pour prendre notre commande et que je n'avais absolument aucune idée de ce que j'allais bien pouvoir manger.

Pour être honnête, je me fichais un peu de savoir comment Marcelline allait, j'avais posé la question par simple politesse mais je hochais la tête pour montrer ma pseudo implication dans la conversation. Je notais également que Viktor avait parfaitement évité de répondre sur son propre état et je serrais légèrement la mâchoire. Encore des secrets, toujours des secrets. Je poussais un léger soupir alors qu'il affirmait qu'un simple merci n'aurait pas suffit et je lui adressais un petit sourire, mon soutien était normal, c'était ce que faisait les amis. Même si j'aurais aimé que nous soyons plus que cela, je pouvais me contenter de ça pour le moment, me contenter de ce que le vampire me donnait. Et lorsqu'il m'avoua qu'il ne m'aurait jamais rien dit pour Marcelline et lui, je sentis comme un poids tomber dans ma poitrine.

Je hochais la tête et me réfugiais derrière la carte du restaurant pour cacher ma déception et les larmes inexplicables qui menaçaient de me monter aux yeux. Je fermais les paupières toujours caché derrière le menu et inspirait profondément en tentant d'assimiler ce que Viktor disait. Je ne pouvais pas lui en vouloir, c'était son secret après tout. Mais j'avais espéré qu'il me fasse assez confiance pour me le confier. Et ce n'était pas le cas, loin de là même. J'étais... J'avais l'impression que tout ce que je ressentais n'allait que dans un sens et c'était douloureux, ça faisait vraiment mal. Plus que les coups de mon père qui comparé à cette douleur étaient beaucoup plus supportable. Mais je ne laissais rien paraître et continuais de sourire pour ne pas alerter Viktor, je prenais sur moi et me rassurais avec ses paroles qui affirmaient qu'il avait voulu être avec moi quand il l'était. C'était bien lui et non Marcy, elle n'avait en rien influencé ses choix et c'était déjà une très bonne nouvelle.

Mais son silence alors que je lui ouvrais mon cœur fut beaucoup plus éloquent et je restais dissimulé derrière la carte pour ne rien montrer de mon désespoir. Le silence devenant pesant, j'accueillis l'arrivé de Rémi avec joie, je me composais un sourire avenant et joyeux alors qu'il nous saluait, évitant le plus possible le regard de Viktor, je ne pouvais pas. J'écoutais les suggestions du jour en hochant la tête et laissait mon ami donner sa commande avant de relever la tête vers Rémi lorsqu'il me demanda ce que je souhaitais.

"Je vais prendre le pavé de rumsteak avec son riz safrané, s'il te plaît."

Je lui adressais un petit sourire de remerciement alors qu'il s'éloignait avec nos cartes. Je n'avais plus de paravent pour cacher ma gêne à présent alors je gardais le regard obstinément fixé sur ma serviette en jouant avec la pointe de mon couteau. Je relevais les yeux sur lui avec surprise quand il prit la parole et j'entrouvris la bouche de surprise alors qu'il laissait entendre que j'étais plus important pour lui que je ne le pensais, je me mis à rougir d'embarras alors qu'il énumérait des choses qu'il pensait vraies sur moi. Et il put percevoir la difficulté avec laquelle il lâcha le mot amicale. Je me mordis l'intérieur de la joue avant de pousser un soupir en secouant la tête.

"Tu n'as pas compris Viktor... Je..."

Mais je n'eus pas le temps de terminer puisque Rémi arriva pile à ce moment là avec le tartare de bœuf. Et je pus voir le visage de Viktor changer à mesure que Rémi commençait la préparation, je fronçais légèrement les sourcils en constatant que le vampire faisait tout pour se contrôler, je vis ses yeux virer au rouge et je posais un regard légèrement inquiet sur le cuisinier en priant pour qu'il se dépêche de terminer. J'avais confiance en mon ami et je savais qu'il ne ferait jamais de mal à personne. Mais sa véritable nature était aussi à prendre en compte et je ne me faisais pas d'illusions sur la lutte qu'il devait avoir de façon quasi permanente. Alors lorsque le couteau s'enfonça dans le doigt du chef et que le sang commença à couler, je me figeais d'effroi sur ma chaise. Je le vis se lever d'un bond de sa chaise et j'en fis de même craignant qu'il ne s'en prenne à Rémi mais il se contenta de le bousculer et de sortir en trombe du restaurant. Je tournais un regard désolé vers le restaurateur et pressait son épaule doucement pour le rassurer.

"Tu vas bien ? Excuse le, il est très sensible au sang."

Puis sans un mot de plus, je me téléportais à l'extérieur pour gagner du temps, juste à temps pour l'empêcher de planter ses crocs dans le cou d'un pauvre passant. Je posais ma main sur son bras pour l'obliger à se retourner. Son visage était déformé par la faim mais je m'en fichais, ce n'était pas le plus important, je préférais qu'il me morde moi plutôt qu'une personne au hasard, j'étais capable de le supporter plus facilement qu'un humain lambda. Il me repoussa avec voir, m'envoyant valser contre un mur mais je repris bien vite mes esprits alors que mon visage se faisait légèrement plus dur. Je ne partirais pas, il en était hors de question. Pas sans lui.

"Non. Je ne pars pas."

Je me rapprochais de lui à nouveau, l'enserrant par la taille pour l'empêcher de se jeter sur sa future victime et je nous téléportais tous les deux dans mon appartement. Je ne le relâchais pas pour autant, murmurant à son oreille.

"Je ne partirais jamais, Viktor. Peu importe qui tu es, ça ne change rien pour moi. Les sentiments que je ressens pour toi sont bien plus forts que ça. Bien plus fort que l'envie d'un simple coup d'un soir. Ce n'est pas ce que je veux. Je te veux toi. Je veux une relation avec toi, une vraie. Je ne veux pas juste être ton ami. Je veux plus."

Je pressais ma tête contre sa nuque avant de me décoller doucement de lui et de lui présenter mon cou, je ne lui laissais pas vraiment le choix de toute manière.

"Maintenant nourris-toi. Tu t'es assez affamé comme ça."

Il luttait contre ce qu'il était depuis tellement longtemps, je l'avais déjà remarqué au cinéma. C'était-il correctement nourri depuis que Marcelline et lui étaient séparés ? Je n'en avais pas la moindre idée mais j'étais bien décidé à lui offrir ce dont il avait besoin.

Le rejet de Viktor était blessant mais je m'accrochais à lui malgré tout, il venait de me faire voler à travers la pièce ? Je me relevais et m'accrochais à lui encore plus fort. Je pouvais sentir sa rage causée par sa soif et je savais aussi qu'il tentait de me protéger d'une façon ou d'une autre. Mais je n'avais pas besoin d'être protégé, je ne savais plus comment lui dire alors je tentais de lui faire comprendre en restant collé à lui jusqu'à ce qu'il cède enfin. J'aurais pu pousser un soupir de soulagement lorsqu'il s'excusa et planta enfin ses crocs dans ma jugulaire mais je n'en fis rien, je réprimais ma grimace de douleur sous la piqûre et m'obligeait à respirer normalement. La sensation était... étrange, ce n'était pas désagréable, bien au contraire, je sentais le désir monter en moi lentement mais sûrement, mes bras s'enroulèrent autour de sa taille, le souffle légèrement plus haletant. Je ne pus retenir un gémissement de plaisir quand il me plaqua contre le bar. C'était... bon, si bon de le sentir contre moi, sa bouche contre mon cou, le nourrir me remplissait de joie, faire ça pour lui était le minimum que je puisse faire pour l'apaiser et apaiser sa soif.

Je grognais de frustration lorsqu'il se recula, retirant ses dents de mon cou, j'aurais voulu que ce moment continue un peu plus, garder cette forme d'intimité qu'il avait créé entre nous. Mais mon insatisfaction ne dura pas longtemps puisque le vampire fondit sur mes lèvres en un baiser passionné, je lui rendis son baiser avec empressement, ma langue répondant avec avidité à la sienne, mon bassin se pressant contre lui dans un mouvement incontrôlé, j'avais envie de lui plus que jamais. J'étais devenu hyper sensible à chacun de ses contacts. Je rêvais de ce jour depuis des mois, des années même et l'attente, la patience dont j'avais fait preuve semblait enfin payer. Je frissonnais de désir en entendant le bruit du tissu déchiré, le froid et les mains de Viktor sur mon torse, m'apprirent que ma chemise venait de périr.

Un grognement de mécontentement s'échappa de mes lèvres alors qu'il obligeait mon corps à se lever et qu'il me traînait jusqu'à la salle de bain, je lâchais un glapissement de surprise en sentant l'eau chaude tomber sur ma tête alors qu'il entreprenait de me savonner avec minutie. Je poussais un soupir d'aise sous ses caresses, après nos ébats intensifs, un peu de douceur n'était pas de refus. Je blottis ma tête contre son épaule, somnolent à moitié alors qu'il entreprenait de nous laver tous les deux. Mes mouvements étaient mécaniques, je suivais ses pas, plus poussé qu'autre chose quand il me guida jusqu'à son lit, je me laissais littéralement tomber sur le matelas moelleux en un soupir d'aise. Je sentis à peine le poids du corps de Viktor contre moi lorsqu'il se blottit, déjà à moitié emporté par le sommeil.

Lorsque je me réveillais, le lit était vide. Je poussais un soupir, un peu déçu de ne trouver personne à mes côtés au réveil. Est-ce que c'était parce que le vampire regrettait ? Il avait dû reprendre ses esprits à l'heure qu'il était... Je ne savais pas exactement l'heure qu'il était d'ailleurs puisque je n'étais pas chez moi. Tous mes vêtements et mon portable étaient restés chez moi éparpillés au sol, j'osais à peine imaginer le rangement qui m'attendrait en rentrant. Est-ce que mon canapé était encore entier d'ailleurs ? Rien n'était moins sûr. Mais avec tout ce qu'il avait subi la veille, je n'étais pas certain qu'il soit récupérable de toutes les manières. Le sang avait une fâcheuse tendance à tâcher. J'esquissais un sourire amusé à cette pensée avant de me lever et de fouiller dans son armoire pour trouver un boxeur propre. Je l'enfilais prestement pour rejoindre la cuisine et aviser mon amant attablé devant une tasse de café fumante.

Je m'appuyais contre le chambranle de la porte et l'observais un moment en silence, les bras croisés sur ma poitrine. Il avait sur le visage un air de culpabilité qui me fendit le cœur. Il regrettait. Ce qui avait eu lieu la nuit dernière ne se reproduirait pas, j'en avais la certitude. Son air était trop grave pour que je puisse le convaincre de quoique ce soit. Une infinie tristesse s'empara de moi et je hochais les épaules lorsqu'il s'excusa, ce n'était pas grave. Je le pardonnais, j'avançais en silence dans la pièce pour aller m'asseoir face à lui, je ne le quittais pas du regard, je ne sursautais pas quand il tapa du poing sur la table. Je le laissais s'exprimer, pour une fois que c'était lui qui parlait, lui qui exprimait ce qu'il ressentait, je le laissais faire. J'accrochais son regard alors qu'il continuait sur sa lancé en décrivant le moment merveilleux que nous avions passé la veille comme irresponsable et dangereux. Je poussais un soupir quand il me demanda si je me rendais compte d'avoir mis ma vie en danger. Honnêtement, je n'avais pas eu cette impression. Au contraire, Viktor semblait parfaitement savoir ce qu'il faisait...

"Mais tu ne l'as pas fait..."

Il ne m'avait pas saigné comme un porc, j'étais encore là, bien en face de lui. Je pinçais les lèvres alors que je le voyais prendre sa tête entre ses mains. J'étais mitigé entre la colère et la tristesse. Il me rejetait, encore une fois. Mais cette fois-ci, je savais pourquoi, je comprenais. Il voulait me protéger visiblement, il estimait être un danger pour moi mais il ne l'était absolument pas. Il fallait qu'il arrête de me voir comme une demoiselle en détresse, j'étais bien plus que cela, j'étais capable de dire stop si je le souhaitais, je pouvais choisir par moi-même ce que je voulais. Je ne l'avais pas quitté du regard, ma voix ne trembla pas, elle fut peut-être un peu sèche, à la limite de l'agacement.

"Tu ne m'as rien fait que je ne désirais pas. J'étais consentent Viktor. Je le voulais"

Je finis par me lever pour me rapprocher de lui, je voulais voir son visage, ses mains ne m'intéressaient pas. Je saisis ses poignets et le forçais à me regarder.

"Tu comprends ce que je te dis ? Je ne suis pas une donzelle effarouchée. Je suis capable de faire mes propres choix. Et j'ai choisi de m'offrir à toi. Peu importe que tu me traites de traînée ou de sale chienne. J'ai aimé tout ce que tu as fait ou dit. J'ai pris du plaisir. Énormément de plaisir même.", un léger sourire coquin s'étira sur mes lèvres à ces mots. "Je n'ai jamais été aussi comblé que cette nuit. Alors arrête un peu de présumer que je vaux mieux que ça. C'est ce que je suis et ce que j'aime."

Mon regard se fixa dans le sien et je relâchais ses poignets pour venir encadrer son visage, je me penchais et l'embrassais d'abord durement puis un peu plus tendrement avant de me reculer.

"Tu es celui que je veux. Je te l'ai dit hier, peu importe qui tu es, je reste avec toi. Je veux être avec toi. Et pas juste pour une nuit. Ce que tu m'as donné, même si c'était incroyable et parfait... ce n'est pas suffisant pour me satisfaire complètement. Je veux plus. J'en veux encore. Je veux la certitude que tu me veux aussi et que tu... Que tu resteras. Que tu ne t'enfuiras pas."

Je baissais la tête, lâchant notre étreinte visuelle par la même occasion, beaucoup moins sûr de moi tout à coup. Mon cœur tambourinait dans ma poitrine. Ce qui allait suivre serait déterminant pour le reste de notre relation.

"Est-ce que tu veux de moi, Viktor ?"

Je relevais les yeux, hésitant. Et s'il me rejetait ? Et s'il ne voulait pas de moi ? Qu'est-ce que je ferais ? Ce serait difficile de garder la tête haute après ça. Je pourrais toujours feindre l'indifférence et fuir le plus vite possible en me téléportant avant qu'il ne voit les larmes qui ne manqueraient pas de dévaler mes joues. Mais pour l'instant, j'étais dans l'attente, le souffle court, à deux doigts de tomber dans les pommes pour manque d'oxygène.

Il y avait eu un temps où effectivement, les relations longues durées ne m'intéressaient pas ou plutôt, je me convainquais qu'elles ne m'intéressaient pas. En réalité, j'avais toujours rêvé du grand amour mais j'avais également estimé que je n'y avais pas le droit et que les relations d'un soir étaient tout ce à quoi je pouvais prétendre. J'avouais avoir pris beaucoup de plaisir à changer tous les soirs de partenaires m'évitant une monotonie et un attachement qui auraient pu me coûter cher. Mon père était un homme cruel qui aurait parfaitement pu utiliser mes conquêtes et mes relations contre moi même si je m'efforçais de les cacher. Même mes amis. J'avais repoussé toute idée de relation stable alors oui, j'avais pu dire à Viktor, il y avait quelques années que ce genre de chose comme il disait ne m'intéressait pas. Je ne relevais pas, continuant sur ma lancée, il devait comprendre ce que j'avais sur le cœur maintenant.

Alors j'attendais, au bord de l'asphyxie, qu'il me donne une réponse à mes questions et à ma déclaration. Est-ce qu'il était prêt à sauter le pas avec moi maintenant ? Même s'il y avait quelques années je me refusais à ce genre de chose ? J'avais évolué. Aujourd'hui, je ne voulais pas passer à côté de ma vie à cause de mon père, je ne voulais pas passer à côté de la chance de vivre quelque chose d'intense, je ne voulais pas rater l'histoire d'une vie. Ce n'était pas un coup de tête, ce n'était pas une lubie passagère, ni un caprice de riche. Ce n'était pas l'histoire d'un coup sans lendemain. J'avais mis le temps mais j'avais fini par comprendre que mon obsession pour Viktor était bien plus qu'une histoire de sexe. Cela ne l'avait jamais vraiment été en réalité, c'était simplement... qu'il m'avait fallu du temps pour m'en rendre compte. Pour réaliser et comprendre les aspirations de mon cœur.

Je le laissais enlacer nos doigts, c'était forcément bon signe, il ne m'aurait pas étreint s'il avait voulu me repousser. Mais ses paroles me réconfortèrent encore plus, je pris une inspiration de soulagement, réapprenant à respirer normalement dans la foulée. Il voulait de moi. Depuis des années. C'était... C'était presque trop beau pour être vrai. J'étais forcément en train de rêver non ? Mon cœur se serra légèrement à ses révélations. Pendant de nombreuses minutes, j'insultais mentalement l'abruti que j'avais été. Si je n'avais pas joué les Don Juan, je n'aurais pas eu à batailler autant pour tenter d'avoir ne serait-ce qu'une chance d'avoir ce genre de conversation avec le vampire. Nous aurions pu nous trouver bien avant et il n'y aurait pas eu de quiproquo. Je m'en voulais profondément. Parce que j'avais fait souffrir Viktor autant que j'avais souffert moi-même, sans doute même plus encore. Je serrais sa main dans la mienne alors que le doute semblait l'envahir à nouveau.

Nous ne pouvions pas faire marche arrière maintenant, nous nous étions dit trop de choses pour que le doute puisse subsister. Je ne pourrais plus accepter de refus et encore moins parce que quoi ? Parce qu'il était un vampire ? Qu'il avait envie de boire mon sang ? Et alors ? Je lui offrais avec joie mon sang. Ma vie même s'il le fallait. Quand il voulait, où il voulait. Mais je compris qu'il y avait bien plus que ça, il y avait Marceline à prendre en compte et c'était ce qui inquiétait Viktor. Je caressais tendrement sa joue avec un léger sourire. Il s'inquiétait beaucoup trop, je ne méritais pas autant d'attention, je ne méritais pas toutes les précautions qu'il prenait pour moi. Je ne le méritais pas tout simplement. Il était beaucoup trop bon pour moi et pour ce monde.

"Je mérite tout ce que tu as à m'offrir. Le plus beau comme le plus sale. Je l'accepte. Je le veux, Viktor. Et je suis prêt à accepter Marceline. Ton monstre intérieur ne me fait pas peur. J'affronte des monstres bien plus effrayant que toi depuis mon enfance."

Un monstre. J'affrontais un monstre bien plus effrayant. Bien plus destructeur et blessant. Les blessures du dernier passage à tabac que j'avais subi avaient finies par disparaître de ma chair mais elles hantaient encore mon âme. Elles étaient encore bien présentes, marquées au fer rouge dans mon esprit.

"Je comprends tes refus. Je ne voulais pas perdre ton amitié non plus, c'est pour ça que je n'ai rien dis. Que j'ai fait croire qu'une relation sérieuse ne m'intéressait pas. Je voulais juste..."

Le protéger. Je voulais le protéger de moi, de mon père. Parce que je n'étais pas sain pour lui, il méritait mieux. Je baissais la tête alors qu'il se positionnait dans mon dos, je fermais les yeux pour profiter de l'étreinte. Ses mots me réchauffèrent le cœur et je sentis les larmes couler sur mes joues. Ce n'était pas de la tristesse, juste du bonheur. Celui que je n'avais même pas osé espérer jusqu'à présent. Je restais muet alors qu'il faisait sa déclaration, essuyant les larmes d'un mouvement de main rapide. J'étais idiot, pourquoi je pleurais ? Trop de bonheur ? Je savourais son étreinte avant de me retourner pour lui faire face avec un petit sourire. Sa question l'agrandit légèrement alors que je caressais à nouveau sa joue et plongeait mon regard dans le sien.

"Je ne te mérite pas, Viktor. Tu en as conscience au moins ? Je ne suis pas quelqu'un de bien. J'ai été... perverti. Je n'ai jamais été libre, je n'ai jamais été heureux. La seule lueur de bonheur que j'ai c'est lorsque tu es à mes côtés. Ça l'a toujours été. Tu as toujours été là, ta présence contribue à mon bonheur. Même en tant qu'ami, tu étais celui qui sublimait mes journées. J'ai tenté de me convaincre que tu étais mieux sans moi. J'ai tenté de me convaincre que j'étais heureux. Que ma pseudo liberté me convenait. Que mes coups d'un soir me suffisaient. Mais ce n'était qu'une illusion. Je tentais d'effacer ma solitude. Rien de plus. J'ai compris, un peu tard je le sais, que je tenais à toi bien plus qu'à un ami alors... Oui. "

J'esquissais un sourire un peu timide sans le lâcher du regard.

"Si tu es sûr de vouloir de moi. Alors oui. On peut se considérer comme un couple."

Je me penchais doucement en avant pour capturer ses lèvres, l'embrassant doucement dans un premier temps avant d'approfondir le baiser, ma langue venant titiller la sienne, mon corps se pressant contre le sien. Scellant notre nouveau statut de couple dans un baiser fiévreux alors que mes mains glissaient presque innocemment sur son corps svelte. Profitant avidement de son corps avant qu'il ne prenne le contrôle de notre étreinte.