« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
Il y avait bien une raison qui expliquait pourquoi le conservateur du musée marchait ce soir là dans les petites rues de la ville avec une tablette d'or sous le bras, accompagné d'un démon à la peau noire comme du charbon et si hideuse, couverte de plaies, qu'elle cassait avec le smocking qu'il portait, et un chien un peu trop grand à la fourrure en bataille et aux dents dignes d'un cauchemar. Pourtant, Daemon ne sortait que très peu en ville, et n'avait jamais fait sortir quelques œuvres du musée d'Histoire Naturelle.
Enfin, il n'avait pas décidé de faire sortir Garm. Garm était un méchant chien. C'est pour ça qu'on l'aimait.
Avec le musée nocturne animé par la tablette d'Ahkmenrah, on pouvait considérer que Daemon avait deux animaux de compagnie. Un qu'il voyait tous les soirs, Bettie, le squelette de tyrannosaure qui se comportait avec tout autant de jovialité qu'un chien domestique, et Garm, du couloir viking, statue de bronze teinte en noir du chien mythologique gardant les enfers de la déesse Hel. Il voyait naturellement moins Garm, puisqu'il fallait dire que le couloir de la mythologie nordique était encore plus associable que le couloir grec et le couloir égyptien. Du couloir grec, on pouvait voir les nymphes qui veillaient toujours sur Daemon, tandis que du côté des égyptiens, Cléopâtre venait souvent râler et Ahkmenrah apporter sa sagesse quant à la magie de sa tablette. Mais les nordiques... ils détestaient tout le reste de l'Histoire Naturelle, et ne toléraient seulement que Daemon. Garm cependant était un chien bien plus gentil qu'on ne pourrait le croire (mais uniquement avec lui, n'ayant jamais supporté Meredith, Sammy ou Scooby-Doo), et il lui arrivait de sortir son museau un peu plus loin lorsque le directeur du musée passait le temps avec les grecs.
C'est pourquoi, un peu plus tôt dans la soirée, alors que Daemon était assis aux côtés d'une statue sans corps d'Homère gardant de l'oeil le désespérant Eurynomos, il n'avait pas été surpris de voir Garm s'approcher de lui pour s'asseoir à ses côtés, calme et fier.
Eurynomos est le dernier sur la liste des présentations. Statue de marbre noir pour rappeler la peau de la véritable créature du mythe de Pausanias, il était un démon des Enfers grecs dans la littérature antique. Sa peau était noire et couverte de plaies immondes, et ses dents étaient si grandes qu'elles lui donnaient une forme de mâchoire tout aussi laide que l'on remarquait sans peine. Attention, Eurynomos était probablement l'oeuvre avec le plus sale caractère du musée. Même Cléopatre ou Dexter le capucin étaient d'une compagnie plus facile que le démon en marbre. A commencer par son nom, il pouvait réellement devenir dangereusement et sans doute mortellement agressif si d'aventure vous prononciez mal ce prénom si spécifique. Si Daemon le prononçait toujours en grec ancien, la statue acceptait tout de même qu'on l'appelle avec une forme plus latine, à condition de ne pas s'y tromper : Eurynomos devait se prononcer Eur u nomos. Il y tenait.
A cela s'ajoutaient ses goûts de luxure. Sculpté avec une simple peau de renard comme habit, comme dans l'unique légende qui le décrit, il restait un prince de la mort. Et s'il ne l'était que dans l'histoire qui l'accompagne, il prenait ce titre de prince très à coeur. C'est pourquoi il avait exigé du conservateur un costard afin de pouvoir séduire quelques broderies animées de harpies un peu plus loin avec sa richesse.
Par-fait, conclut-il avec l'horrible son rauque qui lui servait de voix. Il se tourna pour s'observer sous tous les angles dans la glace que lui tendait une statue de Narcisse. C'est certain que ce n'est pas la tenue la plus folle pour s'amuser comme un dingue... mais ça devrait suffire pour impressionner.
Daemon eut un ricanement sarcastique. Sais-tu seulement t'amuser, Εὐρύνομος ?
Le démon de marbre noir tourna un regard noir vers lui. Si j'avais mes pouvoirs, je me ferais un plaisir de posséder ton corps pour t'humilier sur la place publique de cette ville ridicule, pour douter que je ne puisse tout faire. Spécialement m'amuser.
Dommage que tu ne sois pas le vrai démon alors. Dommage aussi que le vrai n'ait jamais existé, commenta-t-il calmement mais prenant un plaisir vicieux de l'énerver.
Eurynomos haussa les épaules en reportant son attention vers le miroir. Tous les démons sont experts dans les vices qu'ils préfèrent. Se laisser dans des déboires plébéiens est une expérience fort divertissante. Je ne doute pas que tu puisse t'amuser, mais toi tu préfère le faire en gouvernant le bas peuple. Certains démons adorent, au contraire, se mélanger à lui.
Daemon fronça les sourcils, se levant à ses paroles. Garm remua la queue en voyant le conservateur bouger, mais celui-ci resta d'abord pensif. Un détail lui était resté en tête depuis le début de l'année durant lequel il avait rencontré le rêve des esprits défunts de ses frères dans ce palais des songes titanesque. Il avait noté, seulement rapidement sur l'instant car en compagnie d'Artémis pour une mission plus importante, qu'une voix manquait à l'appel. La plus lassante d'entre toutes. Et donc la meilleure, probablement.
Et bien que le conservateur tirait son plaisir dans la provocation de cette statue noire d'Eurynomos, il fallait dire qu'il avait raison : ce qu'il venait de décrire, c'était ce que voudrait Luci. Ce petit... con.
Très bien, reprit-il en lui ordonnant de le regarder droit dans les yeux. Alors dans une ville comme Storybrooke en prenant en compte les nouvelles habitudes de ce monde et de cette ère, pour t'amuser de la façon précise que tu viens de décrire, que choisirais-tu ?
Il ne mit que quelques instants pour réfléchir. Les boites de nuit sont une bonne idée mais trop classique, pas assez de possibilités. Les bars gay, même pour les hommes et les femmes qui ne sont pas concernés, sont très amusants. Mais pour réellement passer une soirée de dingue... il faut regarder du côté de la jeunesse ingrate et irresponsable. A l'âge de la fête étudiante. Oh, ils font des fraternités, c'est idéal !
Immédiatement, l'idée faisant un tilt dans sa tête, Daemon claqua des doigts. L'instant d'après, il tenait dans sa main la tablette en or dont la magie était responsable de son musée animé la nuit, et plus loin, Ahkmenrah, propriétaire de ladite tablette, était également apparu. Ahkmenrah, nous partons. Vous dormez ce soir, je ne sors qu'avec Eurynomos ici présent.
Le pharaon fut surpris, haussant les sourcils, mais acquiesça bien rapidement. D'a.. d'accord. Je vais prévenir le musée et les faire revenir à leur emplacement. Sans poser plus de question, l'égyptien s'éloigna pour donner ses directives.
Où allons-nous ? Demanda la statue avec autant d'excitation que de curiosité.
Dans une de ces fraternités étudiantes pour que tu puisses... faire la fête. Et pour qu'il puisse retrouver son frère.
C'était donc ainsi qu'ils s'étaient retrouvés, tard dans la soirée, à marcher dans la nuit, accompagnés du chien Garm qui n'avait pas voulu écouter Ahkmenrah afin de suivre le conservateur à l'extérieur. Ensemble, ne se formalisant pas de la peur des habitants qu'ils croisaient au passage, ils avaient fait le tour de plusieurs groupes étudiants, sans jamais y trouver de fêtes satisfaisantes pouvant témoigner de la présence de Luci.
Jusqu'à la dernière maison. Non seulement l'ambiance était là... mais la statue construite au devant, qui avait la forme première de Luci, lui confirmait sans aucun doute qu'il était ici.
La magie de la tablette, qui avait cessé d'influencer sur l'aile d'Histoire Naturelle du musée avec la distance, agissait dans le périmètre alentour désormais, et c'est pour ça que la statue de Luci se mit à s'animer, Daemon reconnaissant aussitôt l'attitude et la posture relax de son frère.
Je peux savoir qui vous êtes vous ? Demanda la statue à peine réveillée, les toisant du regard.
Ton frère, sombre idiot. Alors je te serais reconnaissant d'avoir l'obligeance de m'amener à la version originale de ce que tu représente, ordonna-t-il à la statue.
Daemon chassa vite fait la joie du Luci de pierre, ne souhaitant pas perdre son temps. Garm s'était d'ailleurs précipité, aboyant de joie, à l'intérieur pour profiter du mouvement festif qu'il semblait adorer. Bien sûr, il terrorisa bon nombre personne, de même qu'Eurynomos et la statue nouvellement animée. C'est ainsi qu'en une question de secondes seulement, la musique s'arrêta alors que tout le monde se collait aux murs pour s'éloigner d'eux.
Tout le monde sauf un. Sérieusement ? Nota Daemon en reconnaissant le visage de son frère pour avoir été un de ses amants d'un soir il fut de cela quelques années sans qu'il ne sache son identité. Je m'étais attendu à un étudiant... pas au directeur. Petit frère.
Un chien nordique infernal en bronze teinté, une statue grecque de marbre noir d'un monstre également infernal, une sculpture de pierre de la forme originale de Luci, une ancienne créature triangulaire et son frère. Voilà un cercle de démons disparus fort intéressant qui se créait au même endroit.
(c) princessecapricieuse
E. M. Kowalski
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »
Daemon soupira, désespéré face au scepticisme ridicule de son frère. L'avantage au moins, c'est qu'il y avait certainement l'un d'entre eux qui pouvait être sûr de l'identité de l'autre. C'était assez particulier de reconnaître à la fois l'une de ses meilleures expériences sexuelles - après le loup-garou - éphémères et son frère, mais c'était le cas. Il aurait cependant aimé que Luci soit plus vif d'esprit de son côté. Il avait l'air de tenir davantage de Stanford que de lui, ce qui était assez déplaisant comme fait, mais aussi absolument ironique, ce qui, encore lui fois, lui seyait parfaitement.
Daemon se contenta alors de l'observer, s'approcher, et lui taper l'arrière du crâne d'un petit coup sec et terriblement fraternel. Voilà une attitude terriblement... Bill, aussi.
Pour commencer, non, fit-il aussi simplement en pointant un doigt vers la salle d'à côté où s'était glissée la statue à l'image du démon aux dents de chat, ainsi que ses compagnons de route du musée, d'ailleurs. Deux toi ce n'est pas une bonne idée, tu étais déjà terriblement sportif à supporter en étant tout seul, c'est ce que tu as d'incroyable, je crois. Dès que je partirai, la statue retrouvera sa place d'origine et ne parlera plus jamais. Te retrouver, très bien, mais je préfère te retrouver seul.
Méchant ? Non, il n'était que lui-même, ni plus ni moins, son frère. Il doutait de lui après tout, alors il avait tout autant intérêt à agir comme il en avait l'habitude auprès de lui et de ses autres frères défunts. Mais surtout auprès de lui, dans toutes fraternité il y avait un souffre-douleur plus récurent qu'un autre pour chaque frère. C'était une forme d'amour qu'on ne trouvait nul part ailleurs. Daemon n'en avait pas honte.
Ensuite, sache que cette histoire de frère et de sœur de la malédiction, je ne l'approuve pas. Tu es mon frère et je n'accepte personne d'autre dans ma famille. Il faut au moins te prévenir si tu voulais me mes présenter pour qu'on forme une belle et joyeuse bande. Ça ne sera pas le cas. Daemon haussa les épaules. Tu ne voudrais pas que je me mette à partager l'attitude que j'ai avec toi, non ?
Le conservateur fit alors un pas pour se mettre face à lui et le regarder dans les yeux. Un regard perçant, intimidant, et... mortel. Littéralement, il était chargé d'assez de magie pour tuer un humain ordinaire, et pour au moins chatouiller quelqu'un de sa trempe. Comme son frère. Il agita alors les doigts, et ceux-ci s'illuminèrent d'une flamme bleue qui était la signature bien distincte de la magie de Bill. Faisant une pichenette dans les airs, le feu s'agita devant lui jusqu'à gagner ses yeux et colorier ses iris pour accentuer son regard.
Voilà pour terminer de prouver à ce crétin de Luci qu'il était un crétin de frère ingrat. Exactement celui dont il se souvient. Alors, après tout ce temps ridiculement perdu, on va enfin pouvoir se prendre dans nos bras, idiot ? En rangeant nos érections dans nos caleçons cette fois-ci, car aussi tentant que cela puisse être, ça ne se produira plus, de toutes évidences. Et je vais très certainement te faire mal en te frottant le crâne avec mes phalanges jusqu'à ce que tes cheveux crament. Comme à ce temps qu'on a tous les deux cru perdu, n'est-ce pas ?