Michel-Ange avait raison. Partir aurait pu être une option, plus sage, plus prudente, plus réfléchie, mais qui ne me correspondait absolument pas. Je ne pouvais abandonner cet endroit en sachant que des personnes y étaient en danger. C'était ma mission principale de protéger les êtres humains, qu'ils soient ou non de Storybrooke n'était qu'un détail dont je me fichais grandement. Ils n'avaient pas à mourir aujourd'hui.
Le bruit de l'explosion et les tremblements causés par l'impact n'étaient pas suffisants pour nous étourdir, moi et Basile, et je n'avais pas le temps d'être préoccupée par l'état du bâtiment à cet instant. L'unique point positif était que les potentielles caméras se trouvant dans le périmètre étaient à présent hors service, et le garde d'Olympe en profita pour ne plus chercher à dissimuler ses capacités. Il s'était déjà téléporté au moment où j'avais pivoté dans sa direction et, aux bruits que je percevais au-dessus de ceux des coups de feu lancés dans notre direction, je supposais qu'il neutralisait à la chaîne les assaillants qui nous faisait face. Il était d'une efficacité impressionnante. J'étais une créature faite pour combattre, mais Basile était plus organisé dans ses réactions, je ne pouvais le nier. J'étais bien plus brutale, plus violente, plus sanguine. Et plus émotive.
"Michel-Ange ! Pousse-toi !" criais-je alors tout en bondissant littéralement dans sa direction.
Il était ailleurs, à l'évidence. Je le connaissais assez bien pour savoir que le sentiment de culpabilité devait l'envahir lentement à cause de son "erreur" de gestion entre la grenade et le fumigène. Ce ne serait pas moi qui lui ferait le moindre reproche, tandis que les hommes qu'il avait tué involontairement comptaient aux faire exploser tout le bâtiment et les individus s'y trouvant. Evidemment, un jugement plus mesuré aurait été préférable. Seulement j'étais dans une phase de mon existence où les extrêmes ne me déplaisaient pas, ils étaient à vrai dire les seules choses capables de m'apaiser l'esprit. La montée d'adrénaline était appréciable. Presque trop, en réalité.
"Imbécile !" m'exclamais-je en poussant cette fois mon meilleur ami en direction du mur opposé, au moment où une grenade atterrissait près de ses pieds.
Un homme que Basile n'avait pas encore neutralisé s'était rapproché et avait lancé le projectile droit sur le Maire de Storybrooke, mais mes réflexes étaient suffisamment extraordinaires pour que je m'empare de l'objet et le relance dans la direction opposée. Je ne pris pas la peine de viser correctement. Je souhaitais simplement que ça n'atteigne pas le garde, et à la place, ce fut donc celui que je considérais comme un ennemi qui se retrouva à moins de dix centimètres d'elle. Je n'attendis pas de voir dans quel était elle finirait. Je m'étais vivement reculé au fond du couloir en traînant Michel-Ange à mes côtés tout en restant près du sol à l'abri des tirs, sans aucune délicatesse, au point que j'étais certaine que j'allais lui laisser des bleus prononcés aux bras malgré qu'il soit habituellement plus résistant à ma force qu'un humain ordinaire.
Tout se déroula très vite. Et tout cessa également à une vitesse folle. Le silence suivant le brouhaha était presque plus oppressant, plus tendu, plus inquiétant. Je restais sourcils froncés, plaqué contre la moquette du couloir, et me concentrais sur les hurlements de panique qui s'élevaient toujours aux étages supérieurs de la bâtisse. Des portes étaient claquées, des pieds frappaient le sol au rythme de courses et des halètements s'échappaient de plusieurs bouches. J'entendais tous ces détails qui faisaient tourner ma tête que je secouais, avant de la tourner vers Michel-Ange.
"Tu vas bien ?" fus la première et seule chose que je lui demandais en me redressant assez pour prendre son visage entre mes mains.
Je le détaillais avec une attention accrue les légères cicatrices dues aux quelques déflagrations parsemant sa mâchoire, ainsi que ses cheveux ébouriffés, ses vêtements froissés ou encore son expression que je peinais à détailler dans l'obscurité. Mes gestes étaient plus doux et mon inquiétude pour lui prononcée, visible dans le regard interrogateur et anxieux que je lui lançais, bien que mon corps était encore électrisé par l'intensité du moment qu'il venait de vivre.
"Faut qu'on bouge de là les gars." nous intima Basile qui était réapparu à nos côtés, accroupi, ses mains tendus vers nous et son expression sérieuse peu habituelle ne laissant aucun doute sur l'urgence de cet ordre détourné en invitation amicale.
"On en a neutralisé autant que possible, et j'entends les secours qui arrivent. C'est maintenant ou jamais." Je hochais simplement la tête en le regardant à peine, baissant l'une de mes mains pour attraper l'une du garde avant que le couloir chaotique détruit rempli de corps décédés et inconscients disparaissait en une fraction de seconde. La lumière vive de la journée qui illuminait notre appartement me fit cligner des yeux à plusieurs reprises alors que nous nous trouvions à présent au pied du canapé et j'inspirais longuement sans même m'en rendre compte en relevant les yeux vers ce nouveau décor.
Godzilla Junior était posé au bord du meuble télé et nous fixait de son regard vide et perdu tandis que Basile se redressait et desserrait sa cravate jusqu'à la retirer pour aller la poser sur le bar de la cuisine.
"Qui veut une bière ?" demanda-t-il d'un ton aimable qui cachait certainement la tristesse qu'il ressentait à l'idée d'avoir dû assommer des humains, ou encore d'en avoir vu certains mourir.
"Amène deux packs." proposais-je en replaçant une mèche rousse derrière mon oreille.
Je ne pris pas la peine de m'installer sur un siège confortablement. A la place, j'avais ramené mes jambes contre moi pour prendre le moins de place possible et avais gardé mes mains près de celles de Michel-Ange que je serrais avec angoisse ainsi qu'un... léger chagrin. Je ressentais cette culpabilité qui devait le ronger, mais pour d'autres raisons.
"Je suis désolée." murmurais-je en me mordant la lèvre inférieure.
"Tu avais raison. On ne devait pas s'en mêler. Parfois il faut laisser les humains... gérer leurs problèmes eux-mêmes."Je ne m'en étais pas rendue compte avant, souhaitant toujours intervenir si j'étais dans les parages, à l'image d'une super-héroïne comme j'en avais vu dans tous les films de la franchise Marvel. Mais après tout, Storybrooke avait déjà sa League et je n'en faisais pas partie. De plus, elle s'occupait les soucis d'ordre magique, pas ceux des attentats à l'arme à feu. Je n'allais pas m'en vouloir d'avoir voulu sauver des gens, mais je devais bien admettre ne pas avoir pris en compte tous les aspects d'une telle intervention, comme le fait d'avoir placé mes amis dans une position délicate. Basile avait beau ne pas me faire de reproches ni ne me faire la morale puisque lui aussi avait souhaité réagir, il ne devait pas avoir anticipé la tournure des événements et la moue qu'il afficha en s'installant à mes côtés le démontrait parfaitement sans qu'il n'ait besoin de prononcer un mot.
Je lâchais un soupir tandis que le garde nous tendait les bouteilles décapsulés avant de décaler la table basse du pied et de s'emparer de la télécommande abandonnée sur le canapé. Le bruit émit par l'émission de télé-achat diffusée à cette heure permettait d'éviter qu'un silence trop gênant ne s'installe. Habilement, je retirais mes talons et les poussais un peu plus loin avant de poser ma tête contre l'épaule de Michel-Ange en signe de soutien. La journée avait été trop mouvementée. Nous avions tous besoin d'une douche et de quelques heures de repos pour nous remettre d'une telle fin, mais avant, juste rester un instant avec eux d'eux en attendant que Théodore rentre à son tour me convenait parfaitement. Il n'était finalement pas nécessaire que je me rende à de grandes célébrations ou que je joue à vouloir être la Sauveuse de l'Univers pour m'aérer l'esprit et oublier mes soucis alors qu'ici, à la colocation, j'étais entourée de toutes les personnes dont j'avais besoin.
black pumpkin