« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
Emaline enseignait à l'université de Storybrooke depuis un bon moment déjà et elle était loin d'être professionnelle, traitant ses élèves comme ses amis et ses collègues comme des potes de beuverie. Certains pouvaient vraiment l'être, mais d'autres... pas du tout. Elle eut soudain une petite pensée pour l'un des enseignants d'archéologie, qui était aussi vieux que les fossiles qu'il étudiait et qui regardait toujours la petite blonde avec un regard noir. Pourtant, tous les autres avaient l'air de bien l'aimer. Elle ne buvait jamais de café mais prenait un chocolat chaud et apportait parfois quelques trucs à manger. On pouvait lui demander un service ou même deux sans qu'elle rechigne. En bref, la collègue idéale. Même si il lui arrivait plus souvent de passer du temps avec ses élèves, plutôt qu'en compagnie des autres professeurs. Il faut dire que certains étudiants avaient le même âge que Birdy, voir même étaient plus vieux qu'elle ! Enfin passons.
Mademoiselle Songbird se rendait donc à l'université dans la fraicheur de cette matinée, toute pimpante, un grand sourire accroché sur les lèvres et une veste en fourrure entourant ses frêles épaules. Elle arborait avec cela un chemisier légèrement transparent, un jean, des cuissardes et avait complété son look avec un sac Yves Saint Laurent qu'elle portait à l'épaule. Vivre aux frais d'Ali n'était pas sans avantages, elle devait bien l'avouer. Elle gravit les quelques marches qui la séparaient du bureau du proviseur, poussée par une curiosité vigoureuse. Qu'est ce que Monsieur Mattarella pouvait bien avoir à lui faire savoir ? Elle avait entendu des rumeurs sur des licenciements à venir, des sélections, ou quelque chose dans ce goût-là. La jeune femme et son optimisme empirique espéraient bien que ce soient les raisons de leur convocation. En effet, elle craignait depuis qu'on lui avait annoncé cette entrevue, d'être la cible d'une tentative de séduction de la part de son supérieur hiérarchique. Elle l'avait déjà vu à l’œuvre, et même si cela n'avait pas été le cas, sa réputation le précédait largement. C'est donc légèrement méfiante qu'elle s'approchait de celle qui semblait être la nouvelle secrétaire. Après tout, le personnel se faisait peut-être bien réellement remplacer... Emaline avait déjà eu l'occasion de se rendre dans le bureau du directeur de l'établissement, mais c'était à l'époque où Luciano n'était encore qu'un simple professeur un peu trop proche de certains élèves.
« Bonjour, vous devez être Mademoiselle Songbird ! Quant à moi, je suis Katya, la nouvelle secrétaire de Monsieur le proviseur. A ce propos, il va avoir un peu de retard, il assiste en ce moment à une réunion »
Sa voix s'était éteinte dans un murmure, mais notre professeur de musique n'y avait pas vraiment prêté attention, trop émerveillée par la façon que la-dite Katya avait de faire rouler les « r ». Un pur produit russe, il n'y avait aucun doute. Em remarqua tout de même l'attitude de la secrétaire qui bougeait trop vite pour être complètement sereine, son front était d'ailleurs légèrement brillant. Mais après tout, peut-être qu'elle s'adaptait mal aux températures plus chaudes du Maine et que son nouveau métier la stressait ? La petite blonde évita d'émettre trop d'hypothèses et conclut en indiquant vaguement un fauteuil du doigt:
« Aucun problème, je vais aller l'attendre par là-bas. Enchantée de vous avoir rencontrée Katya, j'adore votre accent ! »
Elle la salua d'un sourire et alla prendre place sur le siège qu'elle avait dans le viseur depuis un bon moment. Il était d'un satin rouge et elle se serait bien vue l'emporter chez elle pour pouvoir s'y asseoir tous les jours. Elle s'installa. Assise confortable, accoudoirs doux au toucher et qui ne blessaient pas les avant-bras, pieds solides. Un bon fauteuil. Et alors qu'elle scrutait le mobilier sous toutes ses coutures, une jeune femme plantureuse qu'elle connaissait bien fit son entrée.
« Amy ! Je m'attendais pas à te voir aujourd'hui, toi aussi tu as rendez-vous avec ce cher Luciano ? J'espère qu'il ne va pas nous obliger à nous battre à mort dans une arène en costumes de Xena la guerrière. Si cette idée est lancée, et que la rumeur selon laquelle l'université connaît une réduction des effectifs est avérée, je te laisserai la place de prof de musique, promis ! »
Emaline était une vraie pipelette, mais c'était l'une des raisons pour laquelle tout le monde l'aimait bien. Son interlocutrice, qui semblait extrêmement tendue une seconde auparavant, esquissa un large sourire et se laissa glisser nonchalamment dans l'un des fauteuils voisins avec un grand soupir. Elle avait sûrement mal commencé la journée... En espérant que l'optimisme de sa cadette soit contagieux et qu'un verre de café la rebooste, elle qui était habituellement si enjouée et pleine de vie ! Birdy fit un petit signe de la main à la secrétaire qu'elle avait rencontrée quelques instants plus tôt et qui s'éventait à présent énergiquement avec un éventail.
« Hey Katya, tu pourrais nous apporter un café et un chocolat chaud s'il te plaît ? Je sais pas trop où est ce qu'on se sert par ici... »
Elle illustra cette dernière remarque en glissant un regard aux alentours, à la recherche de distributeurs. Mais aucune machine de ce genre en vue, la jolie russe revint pourtant un peu plus tard avec trois tasses dans les mains et une expression amicale. Em se leva pour aller l'aider, faisant remarquer au passage:
« Cette réunion commence quand même à s'éterniser... J'espère que Monsieur Mattarella ne va pas trainer, je commence à avoir une envie de Macdo... »
Katya trembla un peu et Amy saisit la boisson en remerciant avant de souffler sur la fumée qui en émanait. Elles papotèrent entre collègues durant une bonne vingtaine de minutes, leur conversation parfois interrompue par la sonnerie du téléphone d'Emaline qui annonçait des messages, auxquels elle ne se gênait pas pour répondre. Après tout, ils étaient de Jude et sa relation avec lui n'attendait pas, ils devaient rattraper tout ce temps qu'ils avaient perdu et s'il fallait vivre à cent à l'heure pour cela, l'oiseau n'y voyait aucun problème. Elle en profita d'ailleurs pour proposer au jeune homme de l'accompagner au fast food, qui jonchait bon nombre de ses rêves d'affamée. Et la réponse arriva presque immédiatement, mais pas assez vite pour que Birdy ait le temps de la lire. Le grand Luciano était enfin arrivé, et il était rayonnant de classe, comme toujours. La cadette des profs de musique ne songea même pas à froncer un sourcil, charmée par cette entrée sur fond de nuage de fumée. Elle rassembla donc ses affaires et gambada jusque dans le bureau du principal, comme une brebis qui aurait retrouvé son chemin, les yeux brillants. Le concerné arriva à la suite d'Emaline et Amy qui avaient déjà pris place dans les fauteuils face à celui de leur supérieur. Mais il ne s'installa pas dans ce dernier, lui préférant apparemment le confort relatif du bois poli. Il introduit brièvement la conversation, prenant poliment de leurs nouvelles et vantant les qualités de son adorable secrétaire. Enfin départit de son cigare, dont la fumée irritait la pauvre Birdy qui n'osait rien dire, l'homme qui les avait convoquées elle et Amy, commença enfin à aborder le sujet qui intéressait vraiment la jeune femme: la raison de leur venue.
« Un remaniement du personnel se fait toujours après une élection, et notre institution n’en avait pas eu depuis … oula, un très grand moment. On peut dire qu’elle était encore plus poussiéreuse que... l’intimité de notre ancien doyen. »
Emaline ne put s'empêcher de glousser, elle était l'une de ces jeunes femmes à l'âme en fête, dont le rire franc faisait sourire les oreilles. Et même si elle était d'une sensibilité exacerbée, elle avait souvent le mot pour rire dans les mauvaises situations. Tout cela pour dire que lorsque quelque chose l'amusait, elle était incapable de retenir les commissures de ses lèvres qui s'étiraient vers ses oreilles jusqu'à dévoiler une rangée de dents bien blanches. Alors qu'il venait enfin de rejoindre le siège qu'il était censé occuper, le proviseur poursuivit:
« Il se trouve, que le professeur Wilson m’a parlé de vous en de très bons termes Mademoiselle Songbird, et cet entretien vient à cet effet là, mieux apprendre à vous connaître. »
Alors que ces mots agréables chantaient à l'oreille d'Emaline, la concernée lançait un petit regard reconnaissant à sa collègue et amie qui le lui rendit aussitôt malgré le mal de crâne que Luciano semblait lui inspirer. Ce rendez-vous lui était donc seulement consacré, à elle. C'est seulement quand elle tourna à nouveau la tête vers le bureau qu'elle remarqua une pochette dans les mains du trentenaire, d'un coup d’œil furtif elle saisit les lettres qui composaient son nom et son prénom. C'était donc son dossier... Elle était curieuse de savoir ce que l'on pouvait bien y trouver, est ce qu'il était assez précis pour mentionner les violences, les services sociaux et l'orphelinat ? Ou n'était ce que des informations sommaires qui recensaient au plus le nombre de fois où elle avait trainé avec les élèves, et au moins son âge et sa nationalité ? Elle déplia le sourcil qu'elle avait froncé et leva ses grands yeux azurs vers son interlocuteur qui s'apprêtait à faire une plaisanterie qui ne plairait, après réflexion, pas à la petite blonde.
« Je ne vais pas vous manger voyons ! Il aurait mieux fait de s'en tenir à cette réplique, pas quand nous sommes en service du moins. »
Sur le coup, Em laissa un petit sourire glisser sur ses lèvres, cela faisait toujours plaisir de se faire plus ou moins draguer. Même si c'était par le doyen et qu'il avait la même attitude avec les trois quarts des personnes présentes dans son établissement, élèves et enseignants confondus. Et puis, la benjamine repensa soudainement à toutes ces fois où elle l'avait vu aguicher sans retenue tous ceux qui passaient sous son museau de prédateur affamé. Ses sourcils se durcirent sans qu'elle ne puisse y faire quoi que ce soit et elle commença à l'observer jouer avec son stylo, cet éternel sourire malicieux au coin des lèvres. Est-ce-qu'il se croyait irrésistible ? Amy se chargea de le rappeler à l'ordre, alors qu'il éclatait de rire comme s'il avait inventé la blague du siècle.
« J’espère ne pas être le seul à avoir un sens de l’humour dans cette pièce … cela serait très triste. »
Mademoiselle Songbird se détendit et s'arma de son rire le plus doux, après tout, elle se battait pour sa place. Sans ajouter de blague supplémentaire, il rassembla ses mains pleines de doigts qu'elle soupçonnait d'avoir parcouru plus de mille et une courbes, et posa un regard attentif sur notre oiseau régional. Les questions, des questions, trop de questions. Elle réunit tous ses neurones pour n'en oublier aucune et s'appliqua à répondre avec tout le naturel possible.
« Mes cours se déroulent à merveille, les élèves sont trop cools même si je ne suis pas sûre qu'ils fassent un jour carrière dans la musique... Quelques talents se détachent néanmoins du lot de casseroles et ça fait plaisir à voir, ou à entendre plutôt ! Je pense pouvoir dire que je m'entends avec tous mes collègues aussi bien qu'avec Am.. Mademoiselle Wilson. A part avec le vieux prof d'archéologie là, je suis sûre que vous voyez auquel je fais allusion, horrible, je crois qu'il me déteste. Non, en fait je crois qu'il déteste tout le monde... Sinon, toute la partie chant, spectacles et autres merveilles artistiques organisées ici, eh bien... je dois dire que je suis complètement sous le charme. En fait, c'est ce qui me plaît le plus, entendre les talents des élèves mis à profit et puis le parfum de la compétition... j'adore ! »
Une lueur de défi s'était allumée dans les prunelles bleues de la jeune femme qui s'était presque levée de sa chaise, un poing serré devant sa poitrine.
« D'ailleurs, je serais très honorée de mener un jour une comédie musicale ou quelque chose comme ça. Mon jeune âge est un atout considérable dans la proximité avec les élèves, même les plus... elle marqua une pause réflective, disons, coriaces ! Enfin j'imagine que je m'emporte un peu... »
Elle esquissa un petit sourire embarrassé et entortilla une mèche blonde autour de l'un de ses doigts. C'est dans ces moments-là qu'elle ressemblait vraiment à une gamine à peine majeur qui était entrée dans un monde d'adultes. Enfin, plus où moins quand on voyait l'attitude du principal...
« Qu'est ce que vous avez besoin de savoir d'autre ? Je suis prête à tout vous dévoiler pour garder ce job, c'est vraiment le meilleur que j'ai eu ! Même si après réflexion je n'en ai pas connu beaucoup d'autres et que mon travail au Rabbit Hole est quand même super... Excusez mon enthousiasme, j'ai tendance à m'éparpiller lorsque j'aborde des sujets qui me tiennent à cœur »
Le rouge lui monta aux joues, lui donnant un air de poupée tandis qu'elle attendait une réponse qu'elle espérait positive, à l'antithèse de la moquerie ou du malaise. Emaline se fichait bien de l'avis d'autrui, mais elle avait toujours un léger pincement au cœur lorsque l'on se riait d'elle ou qu'on la tournait en dérision.
E. M. Kowalski
« J'ai pas trouvé où on peut demander un rang personnalisé... ! »