Vivre d'amour et d'eau fraîche était un concept dont je n'avais encore jamais fait l'expérience. Encore aujourd'hui, je ne pouvais pas réellement prétendre que c'était le cas puisqu'il n'y avait pas vraiment de représentation de l'amour à bord, tout comme l'eau qui nous entourait n'était pas des plus fraîches. Il s'agissait de ma première excursion en solitaire, ou presque, puisque j'avais au moins Argos pour me tenir compagnie, même si il se contentait de voguer en silence. Il devait sans doute s'agir d'une sorte de ballade d'introspection mais je n'arrivais toujours pas à savoir si j'appréciais cette aventure. A en juger par mes pics de contrariété et d'exaspération ou ma tendance à parler seule pour perturber le calme qui nous entourait constamment, j'estimais que le concept d'une vie à la Robinson Crusoé n'était pas idéal pour moi.
Une journée s'avérait être particulièrement longue. Je ne pouvais même pas faire passer le Temps plus vite en dormant, seulement en cherchant à méditer, mais me trouver sur le pont à regarder l'horizon pouvait déjà être considéré en tant que tel. Les premières vingt quatre heures s'étaient écoulées rapidement. Je m'étais félicitée d'avoir apporté mon portable avec moi qui m'avait permit d'écouter (et de chanter, mais personne n'était là pour m'entendre) diverses musiques - ce qui s'était révélé être un moment relativement agréable en plein milieu de l'océan - puis je m'étais ensuite détestée de ne pas en avoir économiser la batterie lorsqu'il s'était éteint. Ne pouvant tenir aucune conversation avec le Hollandais Volant, j'en avais fais l'exploration avec autant de curiosité que d'admiration, pour réaliser que je devrais me nourrir exclusivement de fruits tant que je me trouverai ici et que je ne pouvais même pas lire les bouquins qui se trouvaient à bord. Je me faisais la promesse mentale de rajouter les oeuvres de Jules dans les bibliothèques dès que je le pourrai, puisque j'aurai apprécié pouvoir en avoir à disposition au cas où une autre excursion en tant qu'ermite se reproduirait.
Le troisième jour était certainement celui de trop, alors que mes pensées dérivaient pour compenser mon ennui, dont certaines dont j'aurai bien aimé me passer. Je me demandais quand est-ce que je commencerai à avoir des hallucinations pour me tenir compagnie. Je n'avais pas pour autant demander à Argos de m'amener ailleurs, je lui avais déjà posé une question et il devait être en train de me mener à la réponse, mais mon absence de patience était mise à rude épreuve.
Je supposais que nous étions en milieu d'après-midi lorsqu'enfin une ombre se profila sur l'eau. J'aurai pu me réjouir d'avoir une terre en vue et me mettre à crier cette information pour mon équipage imaginaire, mais je n'en voyais pas l'intérêt. Je m'étais placée sur la proue, plissant les yeux pour distinguer plus précisément l'endroit vers lequel se dirigeait Argos.
"Où est-ce qu'on est ?" l'interrogeais-je par principe, tout en ayant conscience qu'il ne me dirait rien.
"On s'arrête là ?"Je l'espérais. Je n'étais pas une experte en terme de navigation mais j'avais pu m'entraîner un peu ces derniers jours, j'aurai pu le faire accoster si je le désirais. Au fur et à mesure que nous approchions, je pouvais affirmer qu'il s'agissait d'une île entourant une montagne impressionnante. Je penchais légèrement la tête pour l'étudier avec plus de concentration. Peut-être pas une montagne. Un volcan.
J'avais quitté Argos avant même qu'il ne touche vraiment terre, grimaçant au contact de l'eau dans mes bottines mais appréciant le contact de la terre ferme. Ma satisfaction diminua légèrement alors que je ne captais aucun signe de vie aux alentours. Il était possible que des auras soient dissimulées, mais si j'entendais clairement le bruit du vent dans les feuillages environnants, je remarquais aussi le manque de faune. L'écosystème devait être perturbé dans ce périmètre. Une île abandonnée, c'était donc ça notre destination finale ?
"Tu ne viens pas avec moi ?" criais-je à l'attention du navire en pivotant dans sa direction, alors qu'il était resté dans l'eau pendant que je m'étais avancée sur le seul sentier visible.
J'affichais une moue indécise. J'avais déjà passé plusieurs jours seule, ce n'était pas une promenade qui pourrait empirer les choses. Me dégourdir les jambes était en vérité un exercice que je n'allais pas refuser.
"Très bien. Mais ne m'abandonne pas ici." précisais-je avant de me détourner.
"Si encore il y avait des gorilles, je pourrai devenir la nouvelle Tarzan, mais ça ne me tente pas comme perspective d'avenir..."J'avais quitté le semblant de route à quelques reprises pour m'assurer que rien ne se cache dans la végétation, et pour casser la monotonie des longues heures de marche qui avaient suivi. J'avais fini par accélérer la cadence à la moitié du chemin, trop impatiente, et j'avais atteint le haut de ce supposé volcan après plusieurs sauts qui avait désengourdi mes muscles trop peu exploités dernièrement.
La déception avait été visible sur mon visage lorsque j'en avais atteint le sommet. Le cratère était visiblement obstrué, couvert de terre sur laquelle je pouvais marcher. Les sourcils froncés, j'avais observé le sol avant de porter mon regard sur le paysage en contrebas. L'île était imposante et définitivement déserte. C'était à la fois inquiétait et apaisant, un mélange contradictoire auquel j'étais habituée. Je n'avais aucune idée de ce que je faisais ici. Je m'étais attendue à découvrir... quelque chose. Que ce soit un autel, un corps, une lettre même, j'aurai accepté n'importe quel type de message. Mais je dû attendre plusieurs minutes avant que quoi que ce soit se produise.
L'aura de l'homme se fit sentir derrière moi et je me retournais immédiatement, aussi soulagée qu'hésitante. Il était plus vieux que la dernière fois que je l'avais vu, et plus aussi que la première fois où je l'avais rencontré. Ses cheveux étaient plus grisonnants et je ne pouvais m'empêcher de pencher la tête tout en le dévisageant longuement.
"Bonjour." finis-je par articuler en avançant d'un pas sans cesser de le scruter.
"On vous cherchait avec Argos." Je m'étais doutée que si le navire avait choisit cet endroit, c'était pour le retrouver, d'une façon ou d'une autre. C'était l'objectif que je m'étais donnée en quittant les autres et en les laissant rentrer de leur côté.
"Mais vous n'êtes pas le Pan que j'ai vu il y a trois jours. Vous avez plus de barbe."Je restais sur mes gardes, incertaine qu'il s'agisse de celui que je connaissais. Je n'étais pas encore au point concernant les possibilités de voyage dans le Temps de chacun. Le suivi des lignes chronologiques des individu liés de près ou de loin aux divins pouvait être quelque peu complexe, avec touts les événements que chacun traversait. Mieux valait toujours être prudent.
"C'est pas facile de rester jeune ici." répondit-il simplement.
"C'est pas facile de rester vieux non plus. C'est pas facile de rester tout simplement."Je me détendis face à son sourire. Il n'était donc pas question de problème d'époque, simplement d'un soucis de... stabilité ? Je clignais des yeux, réalisant qu'il existait bien un élément douteux sur lequel je ne m'étais pas interrogé jusque là.
"C'est pas facile parce que vous êtes mort, c'est ça ?"
Je grimaçais sans le vouloir à cette évocation. La mort aussi s'avérait être une notion obscure dès que le titanesque était impliqué. Elle perdait de sa valeur définitive, en quelques sortes, et j'avais du mal à me familiariser avec. Je doutais que ce soit une bonne chose pour mon propre développement personnel.
"Tu sais où on est ?"Je secouais la tête en détournant mon regard pour le porter autour de nous. Je n'avais pas pris de carte avec moi, je n'avais que très peu voyagé, encore moins en dehors du monde de Storybrooke. Mais j'avais une toute petite idée.
"On est toujours à Volsunga ?""Edda. C'est là où je suis né." précisa-t-il en hochant la tête avant de considérer à son tour les environs. "Ca n'a pas toujours ressemblé à ça."
"C'est calme. Et vide." constatais-je avec une pointe de tristesse que je ne comprenais pas.
Ce n'était pas un hasard que je le retrouve à l'endroit où il avait vu le jour, j'en étais consciente. Le fait que ce soit si désert me peinait également, et j'imaginais qu'il devait en être de même pour Harmonia à présent. Je ressentais une sorte d'amertume à imaginer le nombre d'endroits à présent abandonnés ou pourtant, avant, la vie était présente. Je trouvais ça injuste.
"Vidar t'aidera avec les autres. Et Argos sera là à tes côtés."Je me retournais vers lui, troublée par cette affirmation directe.
"Qu'est-ce qui va se passer ? Pourquoi est-ce que j'aurai besoin d'aide ?"Jusqu'ici, je m'étais très bien débrouillée toute seule. En partie, en tout cas, et de mon point de vue. Je me rendais compte qu'il restait très peu de personnes à qui je pouvais encore me fier et, si cela m'avait tout d'abord inquiété, je m'étais faite à l'idée.
"Pourquoi tu n'as pas sacrifié Elliot ?" demanda-t-il alors en ignorant mes propres questions.
Je clignais des yeux, prise de court par cette interrogation que je n'avais pas anticipé. J'aurai pu m'y préparer, autrement, mais il est vrai que j'avais eu le temps d'y penser de mon propre côté ces derniers jours. La surprise me laissa muette un instant, avant que je ne lâche un soupir.
"Pourquoi détruire une menace si c'est pour la remplacer par une autre ?" répliquais-je avec une moue contrariée.
"Je ne connais pas ces Elohims, je ne sais pas de quoi ils sont capables ni comment les stopper. Ils auraient eu Elliot, et après ? Rien ne les aurait arrêté, les choses auraient pu dégénérer."Cela avait déjà faillit être le cas sur le pont du bateau. Je ne regrettais pas d'avoir perdu mon sang froid pour autant, je n'avais pas compris pourquoi Alexis insistait pour faire preuve de pacifisme face à cet être qui tentait jusque d'imposer sa volonté. Je ne supportais pas ce type de tyrannie détournée.
"Un allié imprévisible n'est pas un bon allié. C'est pour ça que je ne fais partie d'aucune équipe je crois, je le suis trop moi-même."Je haussais distraitement les épaules en acceptant ce constat que je faisais de moi-même. Ca me convenait très bien.
"Tant qu’il est Elliot, d’autres méthodes sont encore envisageables. Même quand il sera Surt je pourrai faire face. Ou peut-être que je me trompe et que ma seule chance de pouvoir me débarrasser de lui vient de m’échapper mais ce serait me sous-estimer."Je faisais preuve d'arrogance et d'un excès de confiance, à l'évidence, mais je n'avais pas vraiment d'autre choix. Si je me mettais à douter de mes propres capacités, il ne me resterait plus rien. J'avais déjà eu envie d'aller me présenter chez Elliot et d'arracher sa tête, ce serait mentir de prétendre le contraire, mais si je n'étais pas dotée de patience, je savais qu'agir de façon aussi puérile et spontanée me mènerait à une défaite. Je n'avais pas le droit de laisser place à l'échec.
Je me pinçais les lèvres, ne sachant si je devais vraiment partager toutes les réflexions que j'avais pu me faire, avant de réaliser qu'il s'agissait de Pan. Je pouvais tout lui dire. Il ne me jugerait pas.
"L’année dernière, le jour où vous êtes mort, j’ai rencontré Chronos sans savoir qui il était. Il m’a aidé, il a agit en ami et m’a demandé de ne pas oublier."Me dire que tout cela s'était produit il n'y a même pas un an me donnait parfois le vertige. Tout se passait très vite, trop vite même. Cela dit, je n'avais qu'une parole, peu importe les informations qui étaient à présent en ma possession. Ca ne changeait rien à ce qu'il s'était passé. Il m'avait épargné, ce jour-là.
"Ça n’aurait pas été fair-play de ma part de le condamner aussi facilement." poursuivais-je en secouant ma tête, me tournant de nouveau vers Pan.
"Je suppose qu’on est quitte lui et moi maintenant."Si il sembla satisfait de mes paroles, je m'imaginais qu'il n'y avait pas de bonne ou de mauvaise réponse à sa question. Je présentais simplement les choses comme je les avais ressenti. Je n'espérais pas que qui que ce soit me comprenne ou me remercie d'avoir voulu empêcher l'Elohim de s'occuper d'Elliot, ce n'était pas pour ça que j'avais agi ainsi. Je ressentais néanmoins une certaine rancune envers la mère de ce futur-Surt, qui n'avait fait que vouloir m'écraser avec son marteau alors que je ne m'étais pas opposée à elle, pour une fois. Je ne tentais pas de trouver de cohérence dans le comportement des dieux. Ni même dans le mien. Il n'y en avait pas toujours.
"J'ai réfléchi à beaucoup de choses ici. Compris beaucoup de choses également. Tu auras une lourde tâche sur les épaules." énonça-t-il alors.
"Tu vas diriger ma flotte. Tu en as eu un aperçu. Une fois que je serai parti, Argos te suivra."J'aurai aimé lui demander ce qu'il avait comprit, ou encore pourquoi il me choisissait moi, ou même ce qu'il voulait dire par un "aperçu", puisque le nombre de navires que j'avais pu voir était déjà conséquent. A la place, ce fut avec une pointe d'inquiétude que je m'exprimais :
"Vous n'allez pas partir complètement, non ? Vidar a dit qu'il viendrait vous chercher."J'avais retenu les échanges que j'avais entendu entre eux, sans pour autant les comprendre. Pan était mort. C'était un fait qu'il avait confirmé. Il était mort, mais il était là.
"Vidar fait parti de mon équipage. De l'équipage du Hollandais. C'est mon âme qu'il va venir chercher. Ca me permettra de passer de l'autre côté."
Est-ce que c'était le fameux voyage vers l'Au-delà ? J'avais entendu les histoires sur Argos et sa mission d'accompagner les âmes, ce n'était pas pour ça que j'arrivais à m'imaginer en quoi cela consistait exactement. Cela voulait bien dire qu'il n'y avait pas vraiment de fin, lorsque l'on en possédait une du moins...
"J'irai avec Vidar." affirmais-je péniblement.
"Je pourrais, n'est-ce pas ?"J'en avais envie, en tout cas. Pas seulement par attrait de cet inconnu ou par curiosité morbide, mais parce que c'était à priori important, et que si il y avait quelque chose à faire pour Pan, je voulais participer. Je ne voyais pas les choses autrement.
"J'aime beaucoup Argos. Je lui fais confiance. Je vous fais confiance aussi, c'est pour ça que je n'ai pas peur, mais..."J'hésitais en sentant mon corps se tendre sous la nervosité. Je n'aimais pas cette sensation. Elle n'était pas agréable.
"Qu'est-ce que ça va impliquer ? Je dois les emmener naviguer ? Attendre ? Préparer la flotte à quelque chose ? C’est beaucoup de bateaux et de pirates à diriger. Il ne faudra pas m’en vouloir si je ne fais pas les choses bien."Je ne savais pas pourquoi je ressentais le besoin d'anticiper mon mauvais comportement - sans doute parce que j'avais été habituée à décevoir ceux qui m'entouraient et que je préférais faire de la prévention, à présent.
"Ca sera a toi de décider. Elle est à toi maintenant."J'étais décontenancée. J'avais l'habitude qu'on me guide, qu'on me dise quel chemin emprunter, qu'on me donne des conseils au moins, ou un objectif à atteindre. J'estimais être à présent libre sur bien des points, mais même vouloir la mort de Surt était inscrit dans mon ADN. Cette fois... je n'avais vraiment aucune direction toute tracée devant moi.
"A moi..." répétais-je, interdite l'espace de quelques secondes.
"C’est perturbant. Je comprends mieux ce que vous vouliez dire par une lourde tâche... Même si ce n’est pas encore très clair."Je soupirais en passant une main dans mes cheveux qui étaient loin d'apprécier le mauvais traitement de trois jours sans soin et de l'air salé qu'ils avaient subit. Je n'avais même pas le temps d'être irritée par ce détail. J'avais la drôle d'impression d'être... légère, tout en me sentant étouffée. Il fallait le temps que j'intègre tout ce qui se passait plus clairement.
"C'est pour ça qu'Argos m'a emmené ici ?" présumais-je en regardant le navire au loin.
"Pour que je puisse vous voir une dernière fois pour... prendre le relai ?"Je ne me faisais définitivement pas à cette idée. Hyperion m'avait tellement souvent répété que ce n'était pas ce qu'il voulait pour moi que j'avais fini par ne plus y penser... mais son avis ne devait pas compter. Ce n'était plus lui qui décidait de ce que je pouvais faire.
"C'est Argos qui t'a amené ici ?""Je lui ai demandé où vous étiez. Il m'a emmené ici."Il semblait hésitant en regardant autour de nous et, forcément, je commençais à me demandait ce qui se tramait que je ne comprenais pas.
"Ce n'est peut-être pas un hasard. Il a peut-être raison... Ca serait surprenant mais pas impossible.""Qu'est-ce qui serait surprenant mais pas impossible ?" insistais-je lorsqu'il ne développa pas sa pensée.
Si il restait perplexe, je décelais sans mal l'excitation dans sa voix. Je n'étais pas du genre à ordonner quoi que ce soit à Argos et je le laissais prendre ses propres décisions, du moins c'est ainsi que je me le figurais. Je ne voyais rien d'étonnant au fait qu'il ait pu choisir notre destination et, de mon point de vue, la présence de Pan justifiait amplement notre présence.
Pourtant, c'est à ce moment là qu'Argos décida de s'animer au loin. Je l'observais tandis qu'il prenait sa forme de géant pour mettre pied sur l'île et sa stature colossale détonnait dans le paysage tandis qu'il montait vers le volcan. Il n'avait pas jugé utile de faire le chemin avec moi plus tôt, et maintenant il décidait de nous rejoindre ? Je tournais la tête vers Pan, les sourcils froncés, presque agacée que personne ne se décide à m'en dire davantage.
"Tu penses que ça peut marcher ?" demanda le pirate au géant lorsqu'il arriva à une distance raisonnable.
J'avais comme un pressentiment, mais je n'aurai pas dit qu'il était mauvais. Je perdais simplement petite à petit le peu de sérénité qu'il me restait alors que Pan me souriait.
"On ne prend pas beaucoup de risques quand on est déjà mort, n'est-ce pas ?"
"A quoi est-ce que vous penser ?" l'interrogeais-je en vain avant de me tourner vers Argos qui s'était totalement redressé, le poing serré.
"Qu'est-ce qu'il raconte ? Qu'est-ce que tu fais ?"Je tressaillis en sentant la main du pirate se poser sur mon épaule, ce qui m'incita à me tourner de nouveau vers lui.
"Je suis d'ici. C'est mon monde."
Je me retenais de lui dire que cette information ne m'éclairait absolument pas, l'inquiétude devant se lire sur mon visage en plus de mon exaspération.
"La mort n'est qu'un voyage parmi tant d'autres." poursuivit-il avec un tel calme que je ne pouvais m'énerver contre lui d'être si mystérieux.
"Il peut être une fin pour certains. Une renaissance pour d'autres. Si ça se trouve on sera amené à se revoir."J'ouvrais la bouche, cherchant quelque chose à rétorquer, mes pensées se mélangeant alors que je pensais comprendre ce qu'il cherchait à faire passer comme message.
"Tu ne devrais pas rester là." conclut-il dans un sourire avant de retirer sa main.
Peu importe ce qu'il avait exactement en tête, ou le plan secret qu'il partageait avec Argos, je ne me voyais pas m'y opposer. J'étais anxieuse, comme n'importe qui d'autre l'aurait été à ma place, mais aussi légèrement fascinée par ce qui se passait.
"Vous êtes fou." me contentais-je de lui dire, sans pouvoir me retenir de lui sourire.
"C'est en partie pour ça que je vous admire."
Je tentais de ne pas être triste à l'idée qu'il était possible également que je ne recroise jamais son chemin avant de me reculer de plus en plus rapidement du haut de ce volcan endormi.
"Vas-y mon ami. Vas-y." encouragea-t-il Argos tout en le fixant.
"Il m'a dit de me bouger..." répondit ce dernier avec une certaine difficulté et le voir prendre la parole me figea un instant.
Faisait-il référence à ce Titan Atlas que nous avions rencontré ? Je ne l'aimais pas trop. Il ne m'avait pas fait bonne impression. J'étais trop impressionnée de voir Argos s'exprimer pour m'offusquer du fait qu'il ait écouté cet individu, de toute façon. C'était si rare que c'était comme si un miracle se produisait. Je n'eus pas le temps de rester prostrée à apprécier ce phénomène exceptionnel pour autant, puisqu'il leva son poing et l'écrasa avec une puissance inouïe contre le haut du volcan. Je ne pus que sursauter face à la force de l'impact qui brisa la terre séchée du sommet et mes yeux s'écarquillèrent en distinguant la silhouette de Pan qui chutait à l'intérieur de ce gouffre.
Instinctivement, j'aurai voulu me rapprocher pour me pencher au-dessus de l'abîme, mais mon instinct de survie me dictait le contraire. L'angoisse serrait ma poitrine et l'adrénaline courrait soudainement dans mes veines sans que je ne puisse le contrôler. Le sol se mit à trembler sous mes pieds et je me tournais vers Argos, le coeur palpitant à vive allure, tandis que le géant me rendait mon regard. Je me mis à courir dans la direction opposée à cette montagne en même temps que lui. Les grondements qui s'élevaient et les secousses qui agitaient l'île faisaient vibrer tout mon corps. Au moment où Argos plongea en direction de l'eau, je bondissais dans sa direction et m'accrochais à lui sans un regard derrière moi.
Je me retrouvais étalée à plat contre le pont alors qu'il reprenait sa forme de navire et heurtait violemment la surface de l'eau. J'entendis les vagues se former autour de nous alors que je me retrouvais éclaboussée par leur impact contre la coque. Ma respiration était rapide, instable, presque frénétique tandis que je me redressais vivement pour observer l'endroit que nous venions de quitter et dont nous nous éloignions à toute vitesse. Le volcan était entré en éruption et la fumée provoquée commençait à dissimuler l'île d'Edda.
Je restais un long moment, haletante, à observer le spectacle jusqu'à ce qu'il ne reste plus que l'océan à perte de vue. Et le retour du silence.
"On devrait... aller retrouver Vidar." fut la seule chose que je parvins à prononcer avant de tomber assise contre la rambarde.
Je préférais penser qu'au lieu d'une fin, je venais d'assister à une potentielle renaissance. Cette perspective était plus réjouissante. Plus exaltante. Plus insensée, aussi. Mais tout les évènements qui constituaient mon existence l'étaient toujours plus ou moins après tout.
black pumpkin