« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
Je soufflai sur mes doigts engourdis -ce qui libéra un panache de buée de ma bouche- et les agitai avant de les remettre dans mes poches. A cette altitude, les températures pouvaient se révéler fatales, mais ça en valait la peine. Cela me plaisait de côtoyer le danger de nouveau. A croire que la vague de froid du mois dernier, qui avait traversé le globe, ne m'avait pas suffi. Les changements de température ne m'atteignaient pas, d'ordinaire. J'avais eu envie d'aller toujours plus haut, de toucher le ciel. Après avoir vu les profondeurs de l'océan, je trouvais le challenge intéressant. Pourrais-je devenir un poisson volant ?
Je me trouvais au sommet d'une montagne de l'Himalaya, quelque part au Népal. En contrebas, noyée sous la brume épaisse, se tenait Katmandou. C'était ce que j'aimais tant, lorsque je me me rendais dans les hauteurs : avoir l'impression de ne plus faire partie de la civilisation. Disparaître. Ne plus exister. Ca me plaisait.
"On a l'impression de marcher au-dessus des nuages, pas vrai ?"
J'avais lancé cette phrase sans adresser un regard à la personne qui m'accompagnait. Trop subjuguée par la vue, je ne voulais pas en détacher mes yeux. Les nuages paraissaient figés devant nous et étreignaient les monts environnants de couronnes moutonneuses.
Je crois que je ne pourrais jamais m'en lasser. songeai-je, alors que je sentais les larmes d'émotions geler au bord de mes yeux.
Je battis des cils et écartai l'écharpe de devant mon nez. L'air était tellement pur vers les sommets... Glacé mais parfait. Même en nageant dans les profondeurs, je n'avais jamais ressenti pareil élan. Les océans étaient trop pollués par l'Homme. Mais le ciel... le ciel avait encore une chance. Infime.
Je savais que la jeune femme à mes côtés ressentait la même chose. Ce n'était pas pour rien qu'elle était venue, ni même qu'elle restait. Nous nous étions croisées par hasard alors qu'elle cherchait un guide pour se rendre en montagne. Le monde était décidément trop petit. J'avais eu beau m'éloigner, il avait fallu que je croise Ellie Sandman à l'autre bout de la terre. Je n'avais posé aucune question. Elle non plus. En vérité, elle ne parlait pas du tout. Elle faisait sûrement voeu de silence ou une connerie du genre. Comme si ça allait l'aider à y voir plus clair.
Au fil des jours, j'avais fini par apprécier sa présence, sans pour autant jamais le lui faire remarquer. Elle était apaisante. Discrète. Indépendante. Par moments, j'oubliais qu'elle était là.
Je vivais chez l'habitant, une vieille dame qui m'offrait l'hospitalité en échange de services que je lui rendais (comme faire ses courses). J'ignorais où résidait Ellie et je ne m'en souciais pas, car même si elle n'utilisait pas ses pouvoirs -elle préférait marcher ou escalader la montagne plutôt que de se téléporter- elle était majeure et vaccinée. A elle de se débrouiller. Un jour que je m'ennuyais et qu'elle était absorbée dans la lecture d'un énorme bouquin, j'avais teint ses cheveux en blond platine. Au début, elle avait semblé réticente, mais elle ne m'en avait pas empêché. Ca faisait sûrement partie de son programme "silence et abnégation". Au final, elle avait l'air d'apprécier sa nouvelle couleur. Ou pas. Vu qu'elle ne pipait mot, ce n'était pas évident de savoir. De toutes façons, je m'en moquais de ce qu'elle pouvait penser.
"On continue, Marilyn ?" lançai-je par-dessus une bourrasque de vent. "Je suis déjà allée plus haut. Les derniers mètres sont de l'escalade pure et dure, mais si on ne brise pas la nuque sur les roches, on aura une vue imprenable."
La mort ou la splendeur. Quitte ou double.
Sans attendre de réponse qui ne viendrait pas, de toutes façons, j'enfonçai davantage mon bonnet sur mes oreilles et m'élançai vers le flanc escarpé de la montagne.
Ellie Sandman
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« La seule amitié qui vaille
est celle qui naît sans raison. »
« La seule amitié qui vaille est celle qui naît sans raison. »
Seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin.
Le silence tombera quand la question sera posée : qui suis-je ?
J'avais appris avoir été créé par Elliot, dans un lointain futur -ou plutôt un lointain passé. J'étais la première âme. Ce n'était pas une réponse. Cela soulevait encore plus de questions, tant de questions que je m'y noyais. J'avais toujours cru avoir une quelconque importance, un potentiel destin à accomplir. Je pensais que mon existence avait un but précis. Finalement, j'avais découvert que ma seule utilité était d'avoir enclenché le processus. Je n'étais qu'un bouton qui, une fois enfoncé, permettait au mécanisme de l'univers de débuter. Ou plutôt de continuer différemment.
Ce n'était pas par prétention que j'aspirais à davantage. Comment auriez-vous réagi si vous appreniez que vous n'étiez qu'un objet utile ?
J'avais besoin de réfléchir à la véritable place que je souhaitais occuper, dorénavant. Puisque ma "fonction" avait été défini et déterminé par d'autres, je devais trouver un moyen de rebondir. C'était à moi de voir ce qui allait se passer ensuite. Pour cela, je sollicitais du Temps et un exil (le second de mon existence). Cette fois-ci, je ne cherchais pas à fuir. Mes motivations étaient bien différentes. D'ailleurs, j'avais informé mon entourage de mon départ. Je n'avais pas caché mon aura et je restais en contact télépathique avec Cassandre. Au cas où un problème se poserait à Storybrooke ou dans notre famille, j'avais promis de revenir sur-le-champ. Malgré la vague de froid qui s'était abattue sur le monde, nul n'avait demandé mon retour. Mon amie m'avait rassurée en disant qu'ils géraient la situation. Puis, la Terre s'était réchauffée peu à peu.
Cela faisait deux mois que j'étais partie. J'avais cherché dans divers endroits du globe un lieu de réclusion et de bien-être, et je l'avais finalement trouvé à Katmandou. En percevant une aura familière, je m'étais dirigée vers elle. Melody était devenue guide montagnard, aussi étrange que cela puisse paraître. Dans mon exil, j'avais été attiré par une présence connue. Une façon comme une autre de garder un lien avec tout ce que j'avais quitté. Un point d'ancrage.
Il me semblait que la jeune femme avait changé par divers aspects, bien que je ne la connaissais pas vraiment auparavant. Sa personnalité s'était adoucie, comme si les montagnes éternelles avaient émoussé son agressivité. Je m'étais gardée de le faire remarquer. De toutes façons, j'avais fait voeu de silence. J'avais l'impression qu'en restant muette et en entretenant une paix intérieure, les réponses sur mon avenir viendraient d'elles-mêmes.
Les jours passant, j'avais remarqué que Melody préférait prendre la tête de la marche, alors je restais derrière elle. Sur les derniers mètres, il fallut escalader. Nous étions de véritables aventurières, évoluant sans matériel d'alpinisme. Je ne risquais pas grand-chose puisque si jamais je glissais, je pouvais me téléporter. Et je pouvais également venir en aide à la jeune femme. Malgré tout, j'utilisais mes pouvoirs le moins possible. Le retour à l'état élémentaire. Le vide absolu.
Une fois arrivées en haut, Melody se retourna pour me tendre la main. Je la saisis avec reconnaissance et elle m'aida à grimper. La vue était à couper le souffle. Nous nous tenions au-dessus des nuages. En contrebas, un brouillard surnaturel entraînait une épaisse nappe de neige. C'était étrange de voir cela, comme si nous n'étions plus vraiment concernées par ce que subissait le reste du monde.
La main de la jeune femme était gelée ; ses doigts gourds étaient craquelés et rougis. Profitant de garder un contact avec elle, je fis apparaître des gants épais directement sur ses mains. Elle baissa les yeux vers ces dernières en fronçant ses sourcils couverts de givre.
"C'était pas la peine : je suis presque insensible au froid." marmonna-t-elle à travers son écharpe. "J'ai déjà nagé dans des eaux plus glacées que ce vent-là."
D'un regard, je lui fis comprendre que c'était différent. Elle haussa les épaules et pivota de nouveau vers les sommets enneigés et nuageux. Nous restâmes un long moment à contempler cette merveille naturelle. Puis, le soleil commença à décliner. D'un même mouvement, sans nous concerter, nous empruntâmes le "chemin" du retour. A force de nous promener en montagne, nous savions qu'il n'était guère prudent de rentrer de nuit (puisque nous tenions à ne pas utiliser la téléportation).
Quand nous arrivâmes à Katmandou, Yahnaa, la vieille dame qui hébergeait Melody m'invita à dîner avec elles. Elle ne parlait que quelques mots d'anglais grâce à la jeune femme qui les lui avait appris.
"Par moments, j'ai l'impression d'être entourée par une carpe et un perroquet." dit-elle tout en me désignant, puis la dame.
Cette dernière répondit par un sourire (puisqu'elle n'avait rien compris) et nous fit signe de nous asseoir. Son visage avait la forme d'un coeur et ses rides donnaient l'impression qu'elles étaient figées en un perpétuel sourire. Elle ne possédait qu'une table en bois rustique et deux tabourets. Je lui avais offert un véritable fauteuil quelques jours plus tôt et elle avait failli s'évanouir. Nous étions à peine installées qu'elle versa un bouillon étrange avec des corps flottants non identifiés dans des bols. L'odeur n'était pas désagréable.
"Et encore, une carpe a davantage de conversation." dit remarquer Melody tout en rapprochant son tabouret de la table. "Le perroquet, je trouve qu'il fait des progrès, par contre."
Je lui lançai un regard réprobateur, car j'estimais que c'était très grossier de parler de son hôtesse en ces termes, surtout qu'elle ne parlait pas la même langue.
"Ca t'énerve, hein ?" me lança-t-elle tout en plongeant sa cuillère en bois dans le bol. "Si quelque chose te déplaît, tu n'as qu'à le dire."
Elle eut un regard narquois qui se transforma vite en expression maussade alors qu'elle mangeait avec appétit. On se dépensait tellement en montagne qu'on ne faisait jamais la fine bouche ensuite.
J'avais pris le parti de ne pas non plus lui parler par télépathie. Je gardais ce moyen de communication uniquement avec Cassandre. Dans le fond, je me doutais que Melody jouait seulement, même si je trouvais sa façon de procéder plutôt mesquine. Elle était si différente en altitude, si posée, si réfléchie. De retour sur terre, elle redevenait exécrable, la plupart du Temps. C'était sans doute une bouffée d'oxygène qu'elle recherchait, elle aussi. Un nouveau souffle.
Je mangeais le bouillon en silence, puis accueillis le thé au beurre de yack avec un sourire poli. C'était beaucoup moins bon que le Earl Grey, mais Yahnaa, la vieille dame, ne nous laissait pas sortir de table avant que l'on ait tout bu. Elle avait expliqué avec son anglais approximatif que c'était bon pour le corps et l'esprit.
Chaque soir, Melody trouvait un moyen de faire semblant de le boire. Elle arrivait toujours à le faire disparaître d'une façon ou d'une autre, quand Yahnaa avait le dos tourné.
"Combien de temps ça va durer ?" demanda-t-elle alors qu'elle me raccompagnait, au moment où je pris congé.
Je fronçai les sourcils, car la question était vaste. Elle esquissa une moue et enfouit les mains dans les poches de son sweat-shirt. Pendant que j'étais occupée à enfiler mon manteau, Yahnaa insista pour que j'emporte le reste du bouillon avec moi. Je savais qu'il était inutile de refuser : elle risquait de très mal le prendre.
"Notre équilibre." reprit Melody dans un filet de voix. "Il est fragile."
Je l'observais un long moment. Je n'en avais aucune idée. Je lisais dans ses yeux que cette situation lui convenait. A moi aussi. Pourquoi fallait-il voir toujours plus loin ? Brusquement, je m'aperçus que c'était la raison même pour laquelle j'avais fait tout ce chemin : un aller simple vers l'avenir.
"Un jour, il faudra bien qu'on se décide à bouger." enchaîna-t-elle, comme un écho à ce que je venais de penser. "Mais pas tout de suite."
Elle eut un bref sourire grimaçant et ajouta :
"Demain, même heure. Et trouve un moyen pour que Yahnaa arrête avec son beurre de yack. Elle en met dans tout ce qu'elle cuisine, c'est insupportable."
Je haussai un sourcil. J'étais la muette de l'histoire, il faudrait compter sur quelqu'un d'autre.
"C'est pas parce que tu refuses de parler que ça te met hors course !"
Mutine, je passai la langue sur les lèvres pour lui faire comprendre que j'aimais le beurre de yack. Melody me jeta un coup d'oeil oblique et retourna dans la maisonnette. Le claquement de la porte fut le seul au revoir auquel j'eus droit. Avec un sourire, je marchai à travers les ruelles étroites, dans la nuit qui avait tout recouvert de givre.
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crackle bones
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| Conte : La Petite Sirène 2 | Dans le monde des contes, je suis : : Melody, la fille de Poséidon
Quelques jours plus tard, un vent du sud aux élans printanniers fit fondre la neige dans les terres, bien qu'elle restât tenace sur les hauteurs. Vu d'en haut, le paysage était toujours aussi beau tout en devenant différent. En ville, l'air était moins mordant et l'on pouvait se permettre d'enlever quelques épaisseurs. Mais de retour dans les montagnes, l'hiver perpétuel reprenait ses droits. C'est ce que j'aimais tant au Népal : peu importe la saison, il régnait un froid mordant au plus près des nuages, qui me rappelait celle des profondeurs sous-marines.
Le vent du sud apporta une autre douceur plus ou moins inattendue. Elle avait pour nom Cadfael et était originaire d'Irlande, même si le jeune homme en question était une sorte de hippie globe-trotter.
Il se manifesta alors qu'Ellie et moi mangions un Dal Baht, le plat national du Népal, préparé en quantité astronomique par Yahnaa. Quand j'entendis toquer contre la fenêtre de la cuisine, je sus que quelque chose clochait. On ne recevait jamais de visite.
Ma cuillère en main, je tournai la tête dans la-dite direction. Cadfael m'adressa un grand signe de la main nanti d'un large sourire. J'écarquillai les yeux, perplexe, et en laissai tomber la cuillère qui éclaboussa Ellie. Elle émit un petit claquement de langue réprobateur, mais je l'ignorais. Je me levai d'un bond et ouvris la porte au jeune homme. Depuis le jardin, Yahnaa -qui était occupée à nourrir son unique chèvre- semblait très enthousiaste. Elle l'avait toujours bien aimé. D'un côté, elle était du genre à apprécier tout le monde sans distinction.
"Melo !" lança-t-il avant de refermer ses bras autour de moi.
C'était quelqu'un de très affectueux, aux antipodes de moi. Malgré tout, je le laissai me câliner car j'étais bien trop prise au dépourvu. Qui plus est, c'était le seul contact très proche que j'avais eu depuis longtemps. Ca faisait du bien tout en provoquant des frissons électriques dans tout mon corps. J'avais fini par conclure que j'étais allergique aux démonstrations d'affection.
Un instant, je respirai son odeur, retrouvant avec bonheur ce mélange si particulier de sueur, d'herbe et de marshmallow. Il était le seul à sentir tout ceci en même temps.
Lorsqu'il me lâcha, il déposa un baiser sur mon front, ce qui termina de me crisper.
"Je croyais que tu étais parti en Australie."
"Changé d'avis !" dit-il en haussant les épaules, désinvolte. "J'ai un peu bourlingué en Chine mais le coeur n'y était pas... alors, me revoilà !"
Un sourire surgit à travers sa barbe broussailleuse. Il ressemblait à un homme des cavernes avec ses cheveux trop longs, mais curieusement, cela lui allait bien. Quand il souriait, le monde souriait avec lui. J'avais beau résister, je finissais toujours par aller en son sens.
Soudain, je me souvins qu'Ellie se tenait également dans la pièce, aussi je pivotai vers elle et lançai d'un ton emprunté :
"Je te présente Cadfael."
"Appelle-moi Cad." déclara-t-il tout en serrant la main de la jeune femme chaleureusement. "Tu connais Melo depuis longtemps ?"
"Oui et non." répondis-je à sa place. "Et elle ne parle pas. Tu perds ton temps."
"Oh, c'est de naissance ?" s'enquit-il, et sa curiosité était loin d'être déplacée. Au contraire, elle était profondément soucieuse.
"Elle a fait voeu de silence ou un truc du genre." fis-je en roulant des yeux. "Une façon de faire son intéressante."
"Passionnant." assura-t-il sans cesser de l'observer avec admiration. "J'ai essayé de faire voeu de silence une fois, mais je n'ai pas réussi. J'ai la langue trop bien pendue ! Les moines m'ont viré de leur monastère, à Lucknow."
"C'est pas plutôt l'odeur du shit qui les dérangeait ?" soupçonnai-je avec une moue narquoise.
Avec une expression outrée, il me donna un petit coup sur le bras, totalement indolore. Je m'esclaffai et il reprit tout en se tournant de nouveau vers Ellie :
"Il faut faire preuve d'un sacré courage pour parvenir à se réduire au silence. J'espère que tu trouveras ce que tu cherches à l'intérieur de toi."
Il avait prononcé ces mots sans une once de moquerie, tout en posant une main respectueuse sur son torse. Après quoi, son regard tomba sur mon assiette et il prit place devant pour commencer à manger, une fois qu'il se fut débarrassé de son barda. Ce fut à mon tour de lui donner une tape sur l'épaule. Il se plaignit pour la forme mais continua d'engloutir mon repas. Affichant une expression lassée, j'allais me servir une autre assiette.
"Je sais que Yahnaa prépare toujours pour un régiment." précisa-t-il avec un sourire suffisant, alors que de la sauce coulait dans sa barbe.
Il s'essuya d'un revers de manche tandis que j'allais m'asseoir en tailleur dans le fauteuil habituellement réservé à la vieille dame. D'ailleurs, cette dernière rentra en trombe et commença à s'exprimer dans sa langue avec tant de mots et à une cadence si rapide que nous nous échangeâmes tous un regard. Avec emphase, elle étreignit Cadfael comme si c'était son propre fils. Même si nous ne comprenions pas ce qu'elle disait, dans l'ensemble, c'était assez clair.
Deux jours plus tard, il était toujours là. Il avait le don de s'imposer quelque part sans que cela dérange le moins du monde, car il avait un tempérament agréable et savait se rendre utile. Cet après-midi-là, il avait emmené Yahnaa sur le marché. Ellie et moi étions dans la petite maison, elle assise sur mon lit, occupée à lire un roman de mille pages, et moi affalée contre ce dernier, à même le sol, fumant l'herbe que j'avais trouvée dans le sac de Cadfael.
"Qu'est-ce que tu lui trouves, à Hypérion ?" demandai-je soudain.
Même si je lui tournais le dos, je savais que cette question allait la perturber.
"Tu le préfères quand il est jeune, ou quand il est vieux et racorni ?"
Je me dévissai la tête afin de vérifier la portée de mes paroles. Elle avait enfoncé la tête dans les épaules et cachait son visage derrière son bouquin. Prévisible. Jamais nous n'avions entamé de discussion de ce genre.
"Ah, ça t'arrange de ne pas parler, hein ?" fis-je d'un ton railleur.
Dépitée, je baissai les yeux sur le joint qui se consumait lentement entre mes doigts et qui parfumait l'air d'une épaisse fumée. Il aurait fallu que j'en fume au moins cinq encore pour ressentir un véritable effet, mais Cad n'apprécierait pas que je vide sa réserve.
"Je ne suis pas avec lui." dis-je avec une grimace. "Par moments, on pourrait le croire, mais... c'est juste un pote."
Je n'avais jamais vraiment eu d'ami, je ne savais donc pas à quoi cela ressemblait. Lily avait toujours prétendu être la mienne mais je ne le ressentais pas ainsi. Après tout, c'était quoi, l'amitié ? Où était la frontière ? Brusquement, Emmet me revint en mémoire et je me recroquevillai sur moi-même, tout en aspirant une bouffée d'herbe. Je m'étranglai avec, comme si mes poumons venaient de perdre la moitié de leur capacité en quelques secondes. Dans un râle agacé, je passai une main dans mes cheveux emmêlés. Je m'interdisais de penser à lui, mais parfois, ça m'arrivait. Je me demandais alors ce qu'il devenait. J'espérais qu'il aille bien. Sincèrement.
"On va en boîte, ce soir." annonçai-je. "Il faut faire un truc qui change."
Tournant la tête, je remarquai qu'Ellie avait fait comme si elle n'avait rien entendu. Evidemment. Cadfael allait m'aider à l'y traîner de force. Parfois, il faut provoquer les choses. Sans quoi, il n'arrive rien.
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La tête me tournait. Et pourtant, l'alcool ne pouvait avoir d'effet sur moi. La musique trop forte tapait dans mon crâne aussi violemment qu'un tambour. L'atmosphère m'oppressait. J'avais besoin d'air.
Je sortis dans la ruelle et inspirai profondément, les mains sur les hanches. L'air vif de la nuit brûla mes poumons mais c'était préférable à ce que je ressentais en restant à l'intérieur. J'avais cru m'amuser en boîte de nuit, mais je n'y avais trouvé que l'amertume et le vide. Où que j'aille, quelque chose manquait. Et je ne parvenais pas à définir de quoi il s'agissait.
Je fis quelques pas avant de me stopper pour ôter mes talons. Je n'avais plus l'habitude d'en porter ; ils me faisaient mal aux pieds. Me moquant d'être pieds nus contre le sol glacé, j'étais en train de me redresser quand j'aperçus Cadfael me rejoindre, son manteau sur le dos et le mien dans les mains, prêt à me le donner.
"Qu'est-ce que tu fous ?" m'écriai-je, agressive.
Surpris par ma réaction, il s'arrêta et cligna des yeux.
"Tu vas attraper froid." dit-il après un petit silence.
"Qu'est-ce que ça peut te foutre ?"
Mon éloquence aurait bluffé tout un banc de poissons rouges. J'avais envie de claquer ma tête contre le mur d'en face.
"Si tu tombes malade, je vais devoir m'occuper de toi et j'ai des choses plus importantes à faire." fit-il avec désinvolture.
Instantanément, son adorable sourire refit surface et il s'approcha de nouveau avec le manteau.
"Mais qu'est-ce que tu as à être tellement gentil ?" m'emportai-je en me reculant d'un bond, tel un poisson-chat sauvage. "Qu'est-ce que tu attends de moi ?"
De toute la soirée, il n'avait pas arrêté de faire preuve d'attention et de délicatesse à mon égard. Je réalisai qu'il avait toujours été ainsi. Ca m'angoissait. Je n'aimais pas ça. Quand on est si dévoué, on attend forcément quelque chose en retour.
"A peu près tout." avoua-t-il avec une moue pleine d'appréhension.
Cette phrase entraîna un silence de mort dans la ruelle. Incapable de parler, je me contentais de l'observer, les yeux ronds. Son éclat de rire me fit sursauter, ce qui me plongea davantage dans une rage aussi noir que l'encre d'une pieuvre.
"Tu verrais ta tête !" s'esclaffa-t-il. "Relax, Melo !"
Il m'observa avec un sourire, les yeux pétillants, mais ils furent bientôt ternis par une expression préoccupée. Il alla s'asseoir contre un petit muret et posa le manteau dessus.
"D'après toi, j'attends quoi ?"
Déstabilisée par cette question, je passai une main dans mes cheveux et y coinçai mes doigts. Avec une moue agacée, je les libérai et me mordillai ensuite les ongles, nerveuse, tout en évitant le regard de Cadfael. Je l'entendis émettre une petite exclamation que je parvins pas à identifier.
"J'ai compris que tu as besoin d'espace. Je suis pas mal envahissant sans m'en rendre compte. Faut que je travaille là-dessus." admit-il. "Mais tu sais, je..."
"Pourquoi tu es revenu ?" le coupai-je abruptement.
"Parce que je m'ennuyais là où j'étais. Parce que tu me manquais. Je ne mens jamais. Ca nuit au karma."
C'était là tout le problème avec lui : comme il prétendait être sincère en tout et pour tout, réclamer des réponses était à double-tranchant. La vérité nue est parfois difficile à entendre.
Parce que tu me manquais.
Je ressentis un drôle de creux dans le ventre à cet instant, comme si je venais de recevoir un coup de poing dans l'estomac. L'envergure de cette phrase était terrible.
"On... on a couché ensemble il y a plusieurs mois de ça." grommelai-je entre mes dents d'un ton glacé. "Ca ne signifie rien pour moi."
Il fallait qu'il comprenne. S'il savait que je l'avais utilisé seulement pour savoir si j'étais toujours susceptible de le tuer ou pas, à l'instant X... Heureusement, il n'était pas mort. Grâce à lui, j'avais su que je n'étais plus un poison. Il m'avait été d'une grande aide et je ne pourrais jamais le remercier, car il ignorait tout de ce que j'étais, en réalité.
Il me fixait intensément, sans ciller, par-dessous son épaisse masse de cheveux couleur carotte. Pensif. Accusateur. Pensif ou accusateur ? Je parvenais rarement à déchiffrer ses regards. Par crainte de ce que j'y trouverais.
"Tu crois que je nous imagine courir l'un vers l'autre dans une prairie verdoyante ?" dit-il enfin. "Je pensais que tu me connaissais mieux que ça."
Il eut une moue déçue avant d'hausser les épaules.
"Je vais te décrisper direct : je ne suis pas amoureux de toi. Mais je tiens à toi. Ca c'est sûr. Et je pense que tu tiens à moi aussi, sinon ça fait longtemps que tu m'aurais dégagé de ta vie. Je me trompe ? Tu n'as pas l'air de t'encombrer des gens sans importance."
Je me mordis les lèvres jusqu'au sang et détournai les yeux. Ses paroles sonnaient avec une telle franchise que je ne pouvais en douter, et résonnaient en moi avec la même sensation de vérité. Alors, c'était ça... l'amitié ?
"Tu as aussi Ellie, Yahnaa, et tous ceux que tu as laissés derrière toi." reprit-il, soucieux.
Je frémis et croisai son regard. C'était la première fois qu'on abordait les gens qui existaient en dehors de notre "cercle". Son expression demeura inchangée, à la fois apaisée et apaisante.
"Tu n'es pas seule, Melo."
Ma lèvre inférieure se mit à trembler. Je la mordis violemment et penchai la tête de sorte à ce que mes cheveux cachent mon visage. Je ne voulais pas qu'il y lise mon trouble, même si c'était sans doute déjà trop tard.
Avec lenteur, je marchai jusqu'à lui et vins m'asseoir sur le manteau qu'il avait posé sur le muret. Je ramenai mes jambes contre moi. Je ne portais qu'un collant peu épais et une mini jupe noire. Pourtant, je frissonnais à peine. Si Cadfael l'avait remarqué, il ne posa aucune question. Il se contenta de passer un bras autour de mes épaules, sans équivoque.
"Il est temps que je parte." réalisai-je dans un murmure, alors que je laissai ma tête aller contre lui. "Je me suis cachée trop longtemps."
Je restais silencieuse quelques secondes.
"Le souci c'est que... je ne sais pas si j'ai encore un chez moi quelque part."
Ma bouche tremblait de nouveau. C'était agaçant. Et cela me donnait envie de pleurer encore plus. Je me répétais souvent que j'avais l'océan si jamais il ne me restait plus aucune attache, mais les bras de la mer ne suffisaient plus à combler le vide.
"Là où je serai, tu seras toujours la bienvenue." me promit Cadfael. "C'est à ça que servent les amis, non ?"
J'étais à la fois touchée et dubitative. Je ne savais pas quoi répondre. Plus que tout, je voulais retourner à Storybrooke. J'avais enfin mis un nom sur le manque. La Vérité qui créait un vide. La vérité... Emmet.
Mais reconnaître ça ne m'aidait pas du tout à envisager l'avenir.