« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver.
Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve
sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)

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 Mi Casa es su Casa - C'est encore loin l'Espagne ? [Fe]

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Phobos
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________________________________________ 2019-01-08, 11:00



I know when to talk
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Je sais quand il faut toucher



    J'étais rentré sans bruit dans la chambre de la jeune femme. D'ordinaire elle vivait dans une grande demeure en compagnie de divers petits personnages issus du monde des contes. De là où ils venaient, ils étaient tout colorés. J'avais vue le dessin animé. Je m'étais renseigné. Mais ici, ils étaient fait de chair et d'os. C'était surprenant ce que la magie pouvait accomplir. Ce n'était pas comme le pouvoir divin. Je n'arrivais pas à définir lequel des deux je préférais.

    Il m'était déjà arrivé d'entrer dans cette demeure en cachette, sans qu'on remarque ma présence. J'avais déjà pu y voir ce grand gaillard effrayé par tout. Ou le petit colérique qui courait dans tous les sens quand quelque chose l'énervait. J'avais failli glisser sur une marre d'eau, de larmes pour être exact. Je n'arrivais juste pas à comprendre la dernière occupante de la maison, qui avait une façon bien à elle de s'habiller.

    En entrant dans la chambre d'Aphrodite, je l'avais regardé dormir. Si belle. Si désirable. Elle avait ce petit quelque chose qui pourrait rendre un homme fou. D'ailleurs, elle en avait rendu plus d'un, fou. Fou de désir. Fou d'Amour. Son pouvoir était divin. Il pouvait envoûter n'importe quel être qu'elle désirait. Ca devait lui faciliter grandement la vie. Bien que sa peau nue devait suffir à convaincre n'importe qui. Elle faisait si jeune, si fraîche.

    A côté de son lit était posé un peignoir. Sans doute qu'elle avait quitté la salle de bain, avant de venir faire un somme. Je ne savais pas si elle dormait, ou si c'était de mon fait. Le décors avait légèrement changé. C'était toujours une chambre, mais elle était différente. Le lieu aussi était différent. On était dans un petit village, à proximité de la mer. Le sud de l'Espagne était magnifique. J'étais sûr que sous ces draps reposait le corps nu de la déesse. Sa peau devait être incroyablement douce au réveil. Je n'étais habité plus que par une seule pensée. La toucher. La caresser. Explorer son corps jusque dans ses moindres recoins.

    Pourquoi les hommes étaient si faibles face à elle ?

    M'approchant, je m'étais penché sur elle, ma bouche épousant parfaitement les siennes. Je m'étais laissé tenter par ce qui rendait fou tous les hommes qui l'avaient approché. Le doux contact de ses lèvres. Elles se faisaient douces et exigeantes. Je ne savais pas si elle était consentante ou pas, mais elle ne semblait pas me repousser. Peut-être rêvait-elle encore ? Elle était tel la Belle au Bois Dormant, et j'étais un Prince qui venait la réveiller.

    Quand je libérais ses lèvres, afin de reprendre mon souffle, j'éprouvais une sorte de frustration. Le moment n'avait pas duré bien longtemps. C'était donc ça. On en voulait toujours plus avec elle. Son pouvoir résidait dans ce désir d'acquérir toujours plus. C'était une sensation délicieuse, euphorisante.

    « Tous les hommes rêvent de ça, n'est ce pas ? Te prendre dans leurs bras, dès la première minute où leurs yeux se posent sur toi et ne plus jamais te lâcher ? » dis-je songeur. « Ils rêvent de te déshabiller, de laisser courir leurs lèvres sur ta peau, de te conduire là où tous les amants te conduisent. Ils savent qu'ils ne sont pas les premiers, mais ça leur importe peu. Tout ce qui compte pour eux, c'est de faire partit de ce tout ? »

    Je trouvais cela absurde. Et pourtant, l'espace d'un instant, j'avais été l'un d'entre eux.

    « Ton pouvoir ne serais pas plus grand, si tu étais inaccessible ? Si tu les rendais fou de toi, sans jamais pouvoir atteindre leur but ? »

    C'est ce que j'aurais fait. D'un autre côté, lui donner ma méthode, ça pourrait me rendre fou moi même, si au final mon but serait de faire comme tous ces hommes, et l'espace d'un instant, de la posséder... de l'avoir rien qu'à moi.

    « Habille toi. Le décors a changé. Nous sommes dans un lieu que j'aimerais te faire visiter. J'ai quelque chose à t'y montrer. Quelque chose d'unique. »

    J'attendais de voir si elle était partante ou non. Après tout, elle pouvait rentrer chez elle à tout moment. Je ne la retenais pas, ici. On était le matin, c'était l'Espagne... et quelque chose d'unique l'attendait.


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________________________________________ 2019-01-10, 17:54



L'illusion est trompeuse mais la réalité l'est bien davantage.

Dans mes rêves, bien souvent, je retrouvais Marcus. Il était mon plus grand regret actuel. A croire que je ne pouvais vivre sans un chagrin d'amour. Mon existence me paraissait désespérément vide et creuse quand je n'avais aucune peine de coeur à épancher. Etait-ce lié à mes attributions divines ? Perpétuellement, je me sentais dépendante de mes émotions. J'avais l'impression que certaines femmes avaient le même fonctionnement, mais cela ne suffisait pas à me sentir proche d'elles. J'avais vécu tant de vies que l'isolement devenait une seconde nature, un besoin vital. Une envie égoïste de garder mon jardin secret.

Cette nuit-là, Marcus et moi nous tenions assis au bord de l'atrium d'une villa romaine, nos peaux baignées par le clair de lune. Je sentais sa main caresser mon épaule nue par intermittences. Nous n'avions pas besoin de parler. Dans le véritable Amour, tout est dit en un seul regard. Et nos yeux ne se quittaient jamais. Il écarta une de mes mèches de cheveux pour glisser sa main dans ma nuque et déposer un baiser délicat sur mes lèvres. Oh, comme ses étreintes me manquaient ! C'était si injuste que nous ayons été si vite séparés par le destin.

Peu à peu, le baiser aussi doux que le rêve fut remplacé par quelque chose de mouillé et de désagréable. Je fronçai les sourcils et battis des cils, m'éveillant à contrecoeur. J'eus un sursaut alors que, tétanisée, je voyais une énorme tête difforme penchée au-dessus de la mienne. Je reconnus la voix du Moche avant de réaliser que c'était bel et bien lui. J'avais décidé de le nommer ainsi, car c'était là la meilleure façon de le qualifier.

Tout d'abord, j'eus l'intention de le gifler, mais ma main retomba mollement sur le drap qui me recouvrait. Je cherchais à comprendre ce qui lui avait pris. De quel droit se permettait-il de se servir comme s'il était au marché ? A quoi jouait-il, encore ? Ses propos provoquèrent un frisson glacé le long de mon échine, même s'il régnait une chaleur agréable dans la chambre.

Oh non... voilà qu'il tombe amoureux de moi. songeai-je, exaspérée. Il ne manquait plus que ça...

Econduire le Moche risquait d'être un exercice ardu s'apparentant à de la haute voltige, mais j'étais bien décidée à relever le défi. Je m'en ferais même un malin plaisir.

Volontairement provocante, je me redressai de côté dans le lit, posant mon bras le long de ma hanche tout en l'observant.

"J'ai déjà repoussé les avances de bon nombre de personnes, simplement pour voir ce qu'il adviendrait. Je m'en suis amusée à la fin des années 60. Que crois-tu qu'il soit arrivé ensuite ? Des émeutes, des gens qui deviennent fous d'amour, qui chantent le flower power et aspirent à l'extase sans retenue. Oui, je pense être à l'origine du mouvement hippie. J'étais sur les lieux à Woodstock en 1969. C'était si beau et si hallucinant à la fois !"

Je haussai les épaules, une moue au coin des lèvres.

"Si je devenais une sainte, le monde finirait par imploser. C'est la conclusion à laquelle j'en suis arrivée."

Le Moche me conseilla de m'habiller, car il souhaitait me faire visiter les lieux. J'avais remarqué que je ne me trouvais pas dans ma chambre, mais je n'avais pas cédé à la panique pour autant. Il était puissant, pourtant je me doutais que s'il voulait me tuer ou me faire souffrir, il s'y serait pris autrement.

Alors que je quittai le lit, le drap glissa. Hélas, le Moche n'eut pas le plaisir de voir mon corps nu car dans ce laps de temps, j'avais fait apparaître une robe blanche à fines bretelles. Je lui adressai un large sourire, certaine de l'avoir contrarié.

"Allons-y !" dis-je sans aucun enthousiasme. "Tu as de la chance que je n'avais rien de prévu aujourd'hui, à part tourmenter mon pirate de compagnie."

Juste avant de quitter la chambre, je me stoppai net et ajoutai :

"Qu'est-ce que tu n'as pas compris dans les mots 'je ne m'associe pas avec les monstres' ? Je ne veux pas soutenir tes actes. Je pensais avoir été suffisamment claire, à la Maison Blanche."

Il me téléporta jusqu'à un marché pittoresque espagnol. Avait-il fait exprès de nous emmener dans l'espace réservé aux fruits et légumes ? Je me crispai et avançai d'un pas mécanique tout en jetant des regards frénétiques de tous côtés. Ce pamplemousse me fixait d'un air menaçant. Et cette banane ne venait-elle pas de ricaner à mon passage ? Je me mordis les lèvres et tentai de respirer profondément. Calme-toi. Ne donne pas la satisfaction au Moche de réussir à te déstabiliser. Hélas, je ne parvins pas à réprimer un sursaut, encore moins un cri étranglé, quand un marchand tendit brusquement une orange dans ma direction.

"Une belle orange pour une belle señorita !" fit-il avec un sourire sympathique.

D'autres approchaient avec des fruits dans les mains et m'en proposaient avec une gentillesse encore plus effrayante que le reste. J'avais honte... car je venais de me cacher derrière le Moche. Il était grand, il ferait barrage si jamais les bananes, les oranges et les pamplemousses passaient à l'offensive. Et toutes ces odeurs fruitées... c'était encore pire que tout ! J'étais cernée ! Mon corps se mit à trembler alors que mes ongles s'enfonçaient dans le bras de mon "garde du corps" improvisé.

"Stop." prononça-t-il d'un ton calculé.

Instantanément, les marchands et les passants s'immobilisèrent. J'écarquillai les yeux et expirai un peu d'air. Je ne me sentais pas mieux pour autant, bien au contraire, car j'étais toujours cernée par les fruits et comble de l'horreur, je venais de me rendre compte que j'étais piégée dans une illusion !

"Très... réussi." commentai-je d'une voix faible. "Tu attends des applaudissements ?"

A la place, je lui donnai un violent coup de poing dans le bras. Ca remplacerait très bien la gifle qu'il méritait depuis le début.

"Espèce de... de..."

Comme je ne trouvais aucun qualificatif satisfaisant, je lui administrai un second coup de poing, encore plus agressif que le premier. J'aurais aimé le casser en deux, mais mon Marteau n'aurait peut-être aucun impact sur lui. Peut-être. Je n'avais pas envie de le casser. Ou pire, de lui offrir sur un plateau.

"Tu cherches à me séduire ou à me rendre folle ?" m'écriai-je, le fixant d'un oeil assassin. "Ce n'est pas très clair..."

Je respirai par saccades, car les fruits étaient toujours beaucoup trop près. J'essayais de me persuader qu'ils n'étaient pas vraiment réels, puisque tout était une illusion orchestrée par le Moche. Cependant, l'odeur était troublante. Tout paraissait trop vrai.

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________________________________________ 2019-01-18, 11:34



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    Ca me faisait sourire d'imaginer la déesse à l'époque du mouvement hippie. Pensait-elle réellement en être responsable ? Ca signifiait qu'à cette époque elle se trouvait aux Etats-Unis d'Amérique. J'avais toujours cru que c'était suite au baby boom de l'après guerre, que les enfants devenus adolescents s'étaient mis à rejeter les valeurs traditionnelles, le mode de vie de la génération de leurs parents et de la société de consommation qu'était devenu leur monde. La surpopulation était un réel problème. Plus il y avait de monde, plus il y avait de soucis dans le monde. Mais libre à elle de penser qu'elle en était responsable. A moi, ça m'allait très bien. D'un côté elle représentait bien tous les vices de ce mouvement. Et puis, je ne doutais pas qu'elle soit la meilleur drogue qui existe.

    « Tu n'as rien d'une sainte. » dis-je afin de la rassurer.

    Elle pouvait dormir sur ses deux belles oreilles. Le monde n'allait pas imploser. Aphrodite était très loin d'être la sainte que tout le monde espérait. Elle avait le diable au corps. Et peut-être même en ce moment précis, le diable un peu trop près de son corps. Car je me voyais comme tel. Je n'étais pas un prophète, là pour propager la bonne parole. Je n'étais pas un ange tombé du ciel. J'étais simplement le diable. Ce dernier était considéré comme celui qui divise, qui désunit, qui détruit. Je ne comptais pas détruire quoi que ce soit, mais j'acceptais le fait que j'allais être celui qui apporterait des changements, des idées nouvelles, qui détruirait certainement les groupes existants dans le but d'en former des nouveaux. Plus forts. Plus solides. Peut-être que oui, j'allais détruire, mais dans ce sens là. J'étais un précurseur. Moi aussi j'allais créer un mouvement, tout comme elle.

    « Je ne suis pas un monstre. Arrête de me qualifier comme tel. » lui dis-je.

    Il n'y avait rien d'agressif dans le son de ma voix. Mais je ne pouvais pas la laisser impunément m'insulter à tout bout de champs. Peut-être que c'était pour cette raison que je le lui avais fait comprendre à ma façon. A peine on était arrivé au marché, que les fleurs, les vêtements et tout autres choses, avaient pris la forme de fruits et légumes. Ce n'était pas une étole qu'on lui avait apporté, mais une pastèque, des oranges. Voilà qu'on lui proposait toute sorte de gourmandises qu'elle n'apprécierait pas. Voulais-je la rendre folle ? Non. Simplement la gronder, à ma manière. Je n'étais pas un monstre. J'avais pris son coup de poing contre mon épaule comme une certitude que tout ceci l'avait atteins, et qu'à l'avenir, elle ferait bien plus attention en choisissant l'insulte qu'elle m'infligerait.

    « Tu es déjà folle. » lui dis-je avec un petit sourire au coin des lèvres. « Quant à te séduire, je doute d'avoir le panache nécessaire pour un tel exploit. »

    Les fruits, l'odeur qu'ils dégageaient, je ne l'avais pas fait disparaitre. Je comptais laisser tout ceci autour de nous. Mais au moins on ne lui en proposait plus. Elle pouvait prendre sur elle et faire comme si de rien était.

    « Par mes actes je ne cherche qu'un exploit. Celui de te convaincre que mes intentions sont bonnes. Du moins pour toi. Pour lui. Pour moi. Je ne cherche pas à te manipuler ou quoi que ce soit d'autres. Te séduire serait sans doute un bonus non négligeable, mais pas non plus des plus appréciables. J'aime mon indépendance et le fait que je puisse avoir du temps à moi. Si je pensais à toi tout le temps, ça me rendrait juste dingue. Tu sais à quel point les hommes deviennent fou en se laissant posséder par toi. En attendant ta venue. En guettant la moindre de tes réactions face à leurs faits et gestes. Je ne veux pas de tout ça. Tu es libre de ne pas flirter avec moi, car de mon côté, je ne le ferais pas. »

    Je m'étais détaché de la jeune femme, faisant quelque pas pour m'éloigner du marché. Les rues n'étaient pas très grandes, et je ne voulais pas rester au coeur de la ville, mais m'en éloignait. Ce qui m'intéressait, c'était ce qui se trouvait aux abords de ce lieu.

    « Tu connais la légende de La Cruz del Diablo ? » lui dis-je en songeant au fait que je songeais pas mal au diable ces derniers temps.

    Sans m'arrêter de marcher, et prenant un peu d'allure, je m'étais mis à lui conter cette histoire qui nous avait conduit jusqu'ici.

    « En Cuenca, dans ce lieu où on se trouve actuellement, il y avait un garçon qui était beau. Très beau. »

    Elle allait sans doute répondre qu'il était à l'opposé de moi. Mais je pouvais devenir beau si elle le souhaitait. Ca n'avait pas de réelle importance le physique, à mes yeux.

    « Imagine Marcus par exemple. » lui dis-je pour l'aider à visualiser la beauté du garçon.

    Cette beauté à laquelle elle apportait tant d'importance.

    « Il n'avait qu'un seul défaut. C'était un Don Juan. Il a conquis toutes les filles qu'il voulait. Et après avoir passé une soirée avec elles, il les quittait. Tu imagines ? Ne passer qu'une nuit avec une âme et l'abandonner ensuite ? Il a du en faire souffrir des jolies coeurs. »

    Elle devait savoir de quoi il était question. Elle agissait de la sorte constamment. Sans se soucier des conséquences pour ces êtres. Pour cela que tomber amoureux de la déesse était la pire chose qui pouvait arriver à un homme.

    « Il y avait là une très jolie fille. Magnifique. Elle vivait dans le même quartier que lui. Et aucun garçon n'osait l'approcher, lui parler, parce qu'elle les rejetait tous. Sa beauté était sans précédent. Même toi tu aurais été subjugué par elle et tu lui aurais offert ta couronne de reine du charme. »

    Je me doutais qu'elle allait mal prendre le fait qu'une autre femme qu'elle était plus belle. Mais ça pouvait arriver. Si on regardait bien, Aphrodite usait souvent de son pouvoir. Ca signifiait que des hommes lui résistait et que par conséquent, elle n'était pas la plus parfaite. Honte à ceux qui avait un pareil jugement à son égard.

    « La jeune femme accepta de passer une soirée avec le Don Juan. Faut dire qu'il était diablement beau. » dis-je en adressant un petit regard à la jeune femme tout en lui souriant. « Elle l'a amenée jusqu'ici, au cimetière ! »

    On était arrivé. Le cimetière était aux abords de la ville. Je pouvais enfin m'arrêter de marcher si vite. Il y avait plusieurs tombes visibles d'ici et la chose que j'étais venu chercher qui se tenait au loin, et que je tentais d'atteindre.

    « Il était tout excité à l'idée de pouvoir l'embrasser. Et peut-être même d'avantage. Il a commencé à lui ôter sa jupe, mais à ce moment là, il vit que ses jambes étaient poilues. Et qu'en réalité ce n'était pas une jambe. C'était un sabot. Cette jeune fille n'était pas une jeune fille ordinaire. Elle était le diable. Le jeune homme a commencé à courir, prenant ses jambes - non poilus, ou qu'importe - à son cou. Mais il était trop tard. Il se précipita vers une croix planté là. Il l'embrassa. Implora son aide. L'aide de son dieu. Mais le Diable envoya un rayon en direction du jeune homme et ce dernier... fut protégé par la croix et le diable disparu. La croix resta coincée sur ce rocher, et elle est encore là où elle peut être vue. »

    On était face à cette croix. Je m'étais placé derrière ce morceau de bois, l’enlaçant de mes bras et observant la déesse.

    « Le Don Juan disparu. Son âme erre toujours dans ce cimetière, prévenant tous les jeunes hommes qui s'y rendent, que le vice n'est jamais loin d'eux. Qu'un diable se cache en toute femme. Et qu'ils doivent faire attention. Car si ils sont épris d'elles, ils n'y survivront pas. »

    J'avais tourné la tête pour observer la croix, avant de me détacher d'elle. Puis, je m'étais mis à la hauteur de la déesse.

    « L'Espagne regorge de légendes de ce genre. J'adore lire les livres qui s'y rapportent. »

    Je l'avais contemplée quelques instants. Un léger sourire se dessina au coin de mes lèvres.

    « Je t'ai amené ici pour te séduire. Mais ce n'est ni ton corps, ni ton coeur que je courtise. C'est ton âme. Frappe moi d'un coup de ton marteau divin, et je resterai debout face à toi. Je ne tomberait pas. Je ne serais pas réduit à l'état de cendres. Je peux t'apprendre. Tout t'apprendre. Si tu veux le protéger, que ce soit aujourd'hui ou demain, il va te falloir te surpasser. Etre au dessus des autres. Et pas uniquement par ta beauté, mais aussi par la force de tes bras. Tu as tellement de ressources, de pouvoirs en toi, mais tu les utilises mal. Vous sous exploitez tous le don qui vous a été confié. Ce n'est pas ton ami Titan qui t'apprendra à les utiliser. Mais moi. Laisse moi te montrer. Juste un petit aperçu et tu décideras ensuite si tu me suis ou non. »

    Pour prouver mes dires, je n'avais rien trouvé de mieux que de lui prendre sa main, et de lui faire sentir ce que je ressentais. Toute cette force, cette puissance, c'était jouissif et c'était en elle. Mais tapis au plus profond de son âme. Elle n'avait pas idée de ce qu'elle pouvait accomplir, de tout ce qu'elle pouvait dégager, si elle ne se contentait pas de séduire, mais aussi de toucher au plus profond de chaque être. L'âme. C'était pour les atteindre elles que les dieux avaient vue le jour. Je l'avais compris. Je l'avais vue. Elle allait tout apprendre, tout savoir grâce à moi. Si elle se laissait faire...


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________________________________________ 2019-01-24, 11:49



L'illusion est trompeuse mais la réalité l'est bien davantage.

Après le marché aux fruits et légumes, voilà que le Moche m'emmenait visiter le cimetière. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il avait une façon singulière de courtiser. J'étais encore en état de choc suite aux terribles récentes péripéties, mais je me tempérai de mon mieux afin de ne rien en laisser paraître. Il avait vu ma faiblesse, ma terreur irraisonnée face aux pastèques, oranges et pamplemousses. Cela ne devait plus jamais se reproduire. Il avait trop visé juste. Etais-je si fragile, comme il le prétendait ? Après tout, il suffisait de me présenter une tomate pour que je perde tous mes moyens. C'était même étonnant qu'aucun titan n'ait utilisé cette botte secrète lors d'un affrontement. L'ignoraient-ils ? Hypérion n'aurait pas passé l'information ? Etait-il moins mauvais que ce que je croyais ? Trop de questions, et trop peu de réponses, comme d'habitude. Je les chassai de mon esprit pour me concentrer sur le Moche, qui m'avait racontée une histoire assommante sur le Diable déguisé en femme. La misogynie par excellence.

"Tu devrais regarder Sabrina. C'est une série très sympa sur Netflix et ça te donnera un autre point de vue sur les femmes." dis-je d'un ton faussement désinvolte tout en m'écartant de lui pour venir m'appuyer nonchalamment contre la croix, la main reposant dans mes cheveux.

J'observai le jeune homme avec une expression désenchantée et lasse.

"Toi aussi, tu as beaucoup à apprendre."

Peut-être pouvait-il m'apporter la puissance dont je manquais face à l'adversité, mais il était cruellement dépourvu d'empathie et de sagesse. Il agissait à l'instinct. Comme un soldat qui vient de finir son entraînement et qui part au combat, la fleur au fusil, persuadé de triompher avant même d'avoir vu la première goutte de sang.

"Tu es trop jeune, trop présomptueux. Tu crois tout savoir et tout comprendre, alors que tu n'es qu'à l'aube de ton existence. Celui que tu maîtrises ne peut pas t'apporter certaines connaissances."

Je faisais allusion à son arme de prédilection. J'étais persuadée qu'il l'utilisait très mal, même s'il était capable de prouesses dont nous ne pouvions tous que rêver. Il nous était supérieur et pourtant, à cause de son ego, il ne développait sûrement que dix pour cent de ses capacités.

"Il y a des choses qu'il faut vivre... et ressentir."
poursuivis-je tout en me détachant de la croix pour me rapprocher de lui.

Mes pieds frôlaient à peine la terre sèche du cimetière. Mes mains vinrent se poser tout contre le torse du jeune homme, écoutant les pulsations audacieuses de son coeur palpitant. J'y percevai un désir impatient de faire ses preuves. Qu'est-ce que je disais...

"C'est de cette façon que tu pourras pleinement développer ton potentiel."
murmurai-je tout en renversant ma tête en arrière afin de plonger mon regard dans le sien.

Je ressentis un certain trouble dans ses yeux, alors que mes mains se pressaient davantage contre lui, mes doigts venant intentionnellement caresser le haut de sa chemise ouverte. Un léger frémissement le parcourut, ce qui me fit doucement sourire.

"Tu oublies un point essentiel : malgré tout ce que tu représentes en terme de puissance, tu es aussi un homme de chair et de sang en apparence. Comme nous tous, divins que nous sommes. Fais le paon autant que tu veux, mais tu ne peux nier qu'un coeur bat dans ton corps, même si c'est juste pour faire joli. Tu ne peux faire semblant de ressentir les choses. Tu ne dois pas t'y fermer. Ce serait un frein à tes capacités. Avant de vouloir séduire mon âme, commence par comprendre ce que veut dire le mot séduire."

Je lui tapotai plusieurs fois le torse avant de m'écarter de lui. Là, j'ajoutai les mots qui, j'en étais certaine, allaient le révolter :

"Tu n'es qu'un débutant."

Le nez en l'air, je fis quelques pas dans le cimetière.

"La visite des lieux est terminée ou tu as encore quelque chose à me montrer ?"

Je laissai échapper un petit soupir pour montrer mon agacement. L'Espagne n'était pas mon endroit préféré, hormis quand je me rendais au salon de massage d'Adonis. Je préférais de loin la France ou la Grèce, pour ses paysages de toute beauté.

Après tout, s'il souhaitait vraiment à me montrer un "aperçu" de mes pleines capacités, il reviendrait à la charge. Je n'avais pas envie de lui donner satisfaction pour l'instant.

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________________________________________ 2019-01-29, 12:35



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    Je bouillonnai intérieurement. Elle n'avait peut-être pas conscience pleinement de toutes ses capacités. Mais si il y en a une qu'elle connaissait à la perfection, c'était celui de l'envoutement. Avec ses doigts, sa façon de les poser sur moi, de me parler, de captiver mon attention... il y avait de quoi rendre dingue n'importe quel homme.

    J'aurai pu mal prendre sa façon de me parler. A dire vrai, je l'avais mal pris. Mais en même temps, ça m'excitait tellement ! Dans le sens où elle arrivait à me cerner. Où elle était capable de dire ce que je ressentais là, ici, maintenant. Elle pouvait arriver à de telles prouesses avec ses dons, si elle les utilisait correctement. C'était une telle merveille divine qui se tenait face à moi !

    Elle laissa échapper un petit soupire. J'accompagnais ce dernier d'un magnifique sourire. Elle n'avait aucune idée de la hauteur de la flamme qu'elle venait d'allumer dans mon être. J'allais pouvoir lui apprendre et partager tellement de choses.

    « J'ai tout à te montrer. Et tu as tellement de choses à me faire découvrir. Je ne m'en étais pas rendu compte jusqu'à présent. »

    On était toujours dans le cimetière. A ce niveau là, ça n'avait pas changé. Les tombes et la croix étaient toujours là. L'entrée du cimetière l'était tout autant. Et en même temps, le tout, était désormais entouré d'une immense verdure. Un décors qui ne faisait pas très espagnol. Composé de très nombreux arbres. Une pure merveille, même si tout n'était qu'illusion.

    « Tu vois où on est, n'est ce pas ? » lui dis-je avec un petit sourire.

    Je quittais le cimetière pour me diriger vers cette immense verdure. Elle semblait totalement préservée. Comme si aucun homme en avait foulé le sol.

    « Tu sais que de base ce lieu n'était pas un refuge, mais plutôt un cimetière ? »

    La Grande Vallée n'était rien d'autre qu'un cimetière. A dire vrai, la planète Terre toute entière en était un. Elle faisait partit d'une zone de l'univers dont les Titans en ignoraient l'existence. Les Bâtisseurs avaient bâtis tellement de monde, que les Titans ne les connaissaient pas tous. Un millier avait été jugé habitable et constituaient ainsi l'Empire des mille planètes. De nombreux autres mondes, moins évolués et qui ne représentaient aucun intérêt pour le Seigneur Ouranos, ignoraient jusqu'à l'existence des Titans. C'était le cas de cette partie là de l'univers. Les enfants dieux avaient été conduits ici, parce qu'on ne serait jamais venu les y chercher.

    « Les Titans ne venaient pas dans cette partie là de l'univers. Ca leur importait peu ce qui s'y trouvait. Gaia a eu une bonne idée en mettant tous les enfants dieux ici même. C'était futé. Même si tout ne s'est pas passé comme prévu. »

    Je marchais dans l'herbe, m'assurant qu'Aphrodite me suivait. Elle devait se douter que tout ceci n'était pas réel. De toute façon je ne savais pas voyager à travers le Temps. Je n'étais pas Elliot. Je ne contrôlais pas cette Racine, même si je la comprenais et qu'elle et moi étions liés. De toute façon, qui d'autre mieux qu'Elliot pouvait la dompter aussi bien ?

    « Tu sais ce qui est étrange ? » demandais-je à la déesse en me stoppant et en me tournant vers elle. « C'est qu'il ne vous ait pas formé. Il ne vous a rien appris. Il n'a même pas essayé. »

    Hyperion ne devait pas juste les conduire ici. Il devait les préparer. Mais il ne l'avait pas fait.

    « Je me suis toujours demandé pourquoi. Qu'importe. Ce lieu est la source même du divin. Si tu as quelque chose à apprendre, ça sera ici. Même si on n'y est pas vraiment. »

    On entendis un bruit de feuilles derrière nous. Ce n'était rien d'autre qu'un Diplodocus qui venait de faire son apparition et tentait de grignotter un feuillage. Je l'observais en souriant.

    « Ton pouvoir ne marche que sur les humains ? »

    Je me posais réellement la question. A moins que j'avais déjà la réponse. Mais elle... qu'en était-il d'elle ?


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________________________________________ 2019-02-03, 17:08



L'illusion est trompeuse mais la réalité l'est bien davantage.

Son arrogance atteignait des sommets. J'ai tout à te montrer. Il prétendait tout savoir, tout connaître, même s'il reconnaissait que j'avais des choses à lui apporter. Il acceptait donc d'avoir des lacunes en certains domaines. Il n'était donc pas aussi insolent que je le prétendais. J'écoutais attentivement ses propos alors qu'il venait de faire apparaître une immense vallée autour du cimetière espagnol. Je n'avais pas oublié que tout était illusion. Nous nous trouvions dans un monde qu'il avait créé. Où étions-nous en réalité ? Dans une dimension parallèle entièrement vide sur laquelle il s'amusait à jeter des éléments comme un peintre des couleurs sur une toile ? Ou étais-je toujours dans ma chambre, bien que toute forme matérielle ait été gommée ?

"Un cimetière ?"
répétai-je, indécise.

La Grande Vallée, l'endroit où nous avions grandi était un lieu de mort et de recueillement ? Pour qui ? Je savais seulement que Gaïa avait cherché à nous cacher et nous protéger.

Puisque le Moche s'était éloigné, avançant dans la verdure, je l'avais suivi et je marchais à présent à sa hauteur, l'herbe caressant mes chevilles nues. Lorsqu'il évoqua Hypérion, une moue bougon apparut sur mon visage, qui se dissipa bien vite alors que j'apercevais un diplodocus passer sa tête à travers des branches pour manger à un autre arbre imposant. Son cou immense évolua lentement, bientôt suivi par son pas lourd.

"Hypérion nous voyait sûrement comme des objets décoratifs. On n'apprend pas à un vase à faire une pirouette, n'est-ce pas ?" lançai-je enfin au jeune homme avec un sourire jaune. "Il croit tout régir, il prend des grands airs, mais en réalité, il ne contrôle rien du tout. Il n'est plus qu'un fossile dépassé. Il a fait son Temps."

Il aurait dû avoir la décence de disparaître, à l'instar de ses "frères et soeurs". D'ailleurs, je voyais d'un très mauvais oeil la présence de Thémis à notre époque. Jusqu'à présent, j'avais mis un point d'honneur à ne pas la rencontrer, et j'espérais pouvoir l'éviter encore longtemps. Je n'avais rien à lui dire, de toutes façons.

Laissant mes réflexions de côté, je levai les yeux vers le diplodocus qui mastiquaient des feuilles, après avoir écouté la question du jeune homme.

"Ca t'intrigue, n'est-ce pas ?" fis-je, l'air mutin.

Etait-ce bien avisé de lui confier l'étendue de mes capacités ainsi que leurs limites ? Je n'avais aucune confiance en lui, mais si je désirais comprendre son véritable but, il fallait qu'il me pense coopérative.

"Je ne peux pas te faire une démonstration maintenant, puisque ce n'est pas un véritable dinosaure."
repris-je tout en désignant le reptile. "Mais je suis capable de séduire n'importe quel être vivant. Plantes y compris."

Je cherchais à l'impressionner car en réalité, je n'étais pas certaine concernant le dernier point. Parfois, j'avais eu l'impression que mon charme gardait les fleurs belles plus longtemps, ou qu'une plante, à mon contact prolongé, devenait plus forte et plus fière. C'était une théorie à vérifier, car Diane avait la main bien plus verte que moi (et même les jambes, à ce qu'on m'avait raconté).

"Tu en es la preuve flagrante, après tout."
ajoutai-je, à la fois hautaine et équivoque.

Il n'y avait pas plus étrange que lui ; plus insolite pour être plus exacte, et pourtant, je le tenais déjà au creux de ma main. Peut-être pas son coeur ou son âme, mais la passion qui l'habitait. Celle que je sentais palpiter à l'intérieur de lui. Impatiente. Dévorante. Destructrice.

Je l'observais attentivement, puis un sourire désenchanté fendit mon visage d'ange.

"Qu'y a-t-il à apprendre au milieu d'une prairie ?"
demandai-je tout en plaçant les mains sur les hanches et en contemplant l'étendue verdoyante. "Le lancer de frisbee, je maîtrise. Je n'aime pas le football, autant te prévenir. Je ne veux pas faire un pique-nique, et encore moins des galipettes dans l'herbe."

Allait-il débuter un entraînement sportif ou l'apprentissage se ferait-il plus en douceur ? Je tentai de le deviner tout en jetant de bref coups d'oeil au jeune homme. Son corps semblait robuste et musclé. Mais ce n'était qu'une illusion, comme tout le reste. Il pouvait changer d'apparence. Ce n'était pas ainsi que j'obtiendrais des indices pour la suite. D'un autre côté, je préférais être surprise. C'était beaucoup plus intéressant. Je me sentais bizarrement en sécurité puisque j'avais l'assurance qu'il ne voulait pas me tuer (auquel cas, il l'aurait déjà fait depuis longtemps). Et il ne cherchait pas à me torturer non plus (si on omettait l'épisode des fruits). Dans l'ensemble, hormis la vue -je jetai un regard désabusé à la silhouette disgracieuse du jeune homme- ce n'était pas une si mauvaise journée. Avec un peu de chances, j'allais en apprendre davantage sur lui et sur ses faiblesses. Mais pour le moment, je souhaitais obtenir des éclaircissement sur autre chose.

"Comment peux-tu savoir que la Grande Vallée était un cimetière ? Un cimetière de quoi ? Tu l'as dit toi-même : tu ne voyages pas dans le Temps. Je pense que tu racontes n'importe quoi uniquement pour garder mon attention."
dis-je tout en fronçant les sourcils.

Je le provoquais afin d'obtenir la vérité, tout en battant des cils et en adoptant une expression indignée. Une technique ancestrale qui n'était plus à démontrer.

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________________________________________ 2019-02-15, 12:37



I know when to talk
Je sais quand il faut parler
And I know when to touch
Je sais quand il faut toucher



    « Je ne voyage pas dans le Temps. » dis-je en posant mes deux mains sur le bas de mon haut. « C'est un fait. Mais ça ne m'empêche pas d'avoir croisé sa route. »

    Je ôtais mon haut afin de me retrouver torse nue. Je voulais être à l'aise pour ce qui allait arriver. Après tout, elle voulait que je lui montre de quoi j'étais capable ? Elle voulait avoir une preuve que je pouvais lui apprendre certaines choses ? Alors autant commencer de suite.

    « Hyperion est bien loin d'être un simple fossile. Tu étais là je crois le jour où il a combattu le Sable Noir. N'est ce pas ? Il faut user d'une très grande force et faire preuve d'une encore plus grande agilité et maîtrise de soi pour pouvoir contrôler un tel pouvoir. »

    Je fis quelque pas dans la verdure avant d'ôter mes chaussures, m'aidant à chaque fois de mon autre pied. J'étais désormais pied nu. J'adorais le contact de l'herbe et de la terre contre ma peau. On devrait tous marcher ainsi. Garder ce lien avec la poussière sous nos pieds.

    « Peut-être qu'aujourd'hui, oui, il est un peu usé. Ce qu'il a fait l'a privé définitivement de certains de ses dons. Ca le ronge constamment, jour après jour. Peut-être même qu'il est comme les mortels qualifient ces êtres atteint de la même chose, mourant. Mais il lui reste un fort potentiel. Et même si ton entrainement arrive au terme, tu ne pourras pas l'égaler. De toute façon, ce n'est pas le but recherché. Il faut juste que tu arrives au niveau qui est le tiens. Ca sera amplement suffisant pour la suite. »

    Je m'étais massé les poignets tout en parlant. Je voulais être en forme pour le lancement des hostilités. Car oui, hostilité il y aurait.

    « Maintenant que tu es attentive, et que je suis prêt, nous allons pouvoir commencer. » dis-je avec un petit sourire en coin. « Aura contrôlait bien plus que l'envoutement. Elle savait ne faire qu'un avec la brise et le vent. C'est grâce à eux qu'elle pouvait se faire aimer sur toute la surface de Titania et même bien au delà. Chaque monde abritant la vie. Elle était la plus désirable, et la plus appréciée de toutes les titanides. Elle l'est toujours d'ailleurs. Car quand tu laisses le vent s'imprégner de toi... » ajoutais-je en fermant les yeux et en étirant mes bras. « ...tu as toujours ce sentiment de béatitude qui remplis tout ton être. »

    Ca m'arrivait parfois de ne tenter de faire qu'un avec la Titanide, afin de ressentir son pouvoir à travers le Temps et l'espace. Si elle savait faire ce genre de choses, si Aphrodite savait utilisait ce pouvoir ancestrale, originel, qui sait de quoi elle serait capable ? Voilà sans doute ce que le Titan aurait pu lui apprendre. Mais il n'avait pas jugé utile de pousser la chose jusque là. Il voyait sans doute Aphrodite comme ce bébé qu'il avait jadis tenu dans ses bras. J'avais fini par ouvrir les yeux et fixer Aphrodite en ramenant mes bras le long de mon corps.

    « Tu peux toujours essayer si tu ne me crois pas. Tu n'as rien à perdre. »

    J'avais hâte de la voir ne faire qu'un avec l'air du Vent. L'air du Temps.

    « Tout ce qui vit, tout ce qui respire a un esprit, un coeur, une âme. Tu peux toucher chacune d'entre elle. Le pouvoir de tous les dieux sont liés aux âmes. Ce n'est pas un hasard si Elliot en a confié une à chaque être vivant. Il voulait pouvoir tous les contrôler. Que ce soit dans la vie, ou dans la mort. Chronos est devenu l'être le plus puissant de la création grâce à ce contrôle. Et une part de lui réside en chacun d'entre vous. En chacun d'entre nous. On a tous ce don en nous. »

    J’attendais de voir si elle suivrait mes pas ou non. Après tout c'était sa destinée. Ne pas aller jusqu'au bout, serait rendre inutile sa propre existence. Et elle n'avait rien d'inutile. Elle était si merveilleuse, si parfaite, si pure. Elle pouvait devenir tellement plus. Si elle acceptait de me faire confiance et si elle se laissait faire.


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________________________________________ 2019-02-20, 16:28



L'illusion est trompeuse mais la réalité l'est bien davantage.

Je haussai un sourcil incrédule. Etait-il obligé de se déshabiller tout en exposant ses explications ? Son comportement était vraiment étrange. Mais j'avais décidé de ne plus relever ses actes fantasques. Au cours de ma longue vie, j'avais rencontré bon nombre de crétins finis ou de génies incompris. Pour l'instant, je rangeais celui-là dans la première catégorie, même si j'étais curieuse de voir s'il serait capable de se glisser dans l'autre. Il ne fallait pas exagérer. J'espérais sûrement trop de lui, sans rien attendre de particulier. Il brassait surtout beaucoup d'air sans apporter de concret.

Malgré tout, j'étais satisfaite d'apprendre que mes doutes concernant Hypérion se révélaient fondés : il était diminué depuis son combat contre Phobos. Le Sable Noir l'avait amoindri, rongé. Il avait cru être de taille mais rien ne pouvait en venir à bout. Cette confirmation ne m'emplit pas d'autant de félicité que je l'aurais voulu, car cela engendrait un autre souci beaucoup plus conséquent concernant mon fils. Je me mordis brièvement les lèvres avant de redresser la tête pour toiser le Moche.

Voilà qu'il parlait d'Aura, ma mère, au prénom aussi surdimensionné que son ego, sans doute. S'appeler comme une aura, voilà qui était loin de la modestie. Je ne sourcillais pas à son évocation. A mes yeux, la titanide n'avait qu'un vague lien de parenté avec moi. Je ne l'avais jamais connue et je n'éprouvais aucun sentiment particulier à son égard. Curieusement, mes attributions naturelles me permettaient de fermer mon coeur et mon esprit face à certaines choses trop pénibles. Je n'avais pas envie de souffrir inutilement à ce sujet. J'avais donc décidé que son indifférence ne m'atteindrait pas. J'avais eu beaucoup d'autres personnes plus chères à mes yeux à pleurer au fil des millénaires.

Cependant, ce qu'il racontait au sujet d'Aura éveilla mon intérêt. Ma trop grande curiosité était alimentée. Je l'observais avec intensité alors qu'il se laissait enivrer par le vent. Par orgueil, je me sentis agacée que ma "mère" ait réussi à se rendre plus désirable que moi. Je me devais de la surpasser, bien que je sache que cela m'était impossible. Je n'étais pas une titanide. Mais je pouvais au moins essayer.

Quand il mentionna Elliot, puis Chronos, un tressaillement me parcourut. Je serrai les dents afin qu'il ne remarque pas mon trouble. Je n'aimais pas qu'il en parle.

"Très joli discours, Pocahontas." lançai-je, narquoise, pour détendre l'atmosphère.

Je m'étais presque attendue à ce qu'il chante "L'air du vent". La brise soulevait ses cheveux longs et cachait son visage par intermittence, ce qui était appréciable.

Inspirant profondément, je fermai les yeux et écartai légèrement les bras. Je me laissai totalement imprégner par le vent, écoutant son chant. Tout d'abord, je ne perçus rien de particulier, à part la sensation agréable dont il avait parlé, et que l'on ressentait tous lorsqu'on s'abandonnait à la brise, en pleine nature. Peu à peu, je sentis cet amour diffus et immodéré qui émanait d'Aura, mais il s'agissait d'un amour égoïste. Il n'avait rien d'inconditionnel et de dévoué. Il était seulement dirigé vers elle tout en émanant d'elle. En tous cas, c'était ainsi que je le percevais. Ce qui ne la rendait que plus antipathique à mes yeux, même si une part de moi la trouvait diablement rusée d'être parvenue à un tel résultat.

Je fronçai les sourcils et me concentrai davantage, de sorte à transformer ce flux en un amour passionné adressé à chaque être vivant qui m'entourait. C'était un message beaucoup plus positif, et qui me flattait indirectement puisque les créatures vivantes m'en seraient reconnaissantes. C'était là que résidait le véritable égocentrisme : à travers l'altruisme. Aura n'avait décidément rien compris.

Je restai ainsi durant quelques longues minutes, immobile, m'imprégnant de la brise que j'avais modifiée avec mon talent naturel. Puis, je soulevai les paupières. Avec un sourire triomphant, je me rendis compte que le Moche avait toujours les yeux fermés. Il avait l'air d'apprécier le changement que j'avais apporté. Forcément, c'était beaucoup mieux ainsi.

"Je suis très douée, je sais."
déclarai-je sans aucune modestie.

J'avais parlé à voix basse, de sorte à ce qu'il m'entende sans pour autant être dérangé. Je l'observais quelques secondes à son insu : il semblait apaisé. Se pouvait-il qu'il soit seulement un jeune homme égaré, à la merci du grand méchant monde, et qu'il cherche seulement à s'y faire une place ?

Je fis apparaître une couverture sur l'herbe et m'y installai, en même temps qu'un panier-repas se matérialisait à mes côtés.

"Tout ce que tu sais, c'est le Sable Noir qui te l'a murmuré ?" demandai-je d'une voix douce.

J'attendis qu'il ait ouvert les yeux pour tapoter la couverture, l'invitant à me rejoindre. Il était intriguant. Pour autant, je me méfiais toujours. J'ignorais encore ses motivations réelles.

"Te rends-tu compte qu'en m'aidant à perfectionner mes dons, tu me rends plus dangereuse ? Je ne suis pas sûre que ça soit à ton avantage, en définitive."

Repoussant une mèche devant mes yeux, je poursuivis, pensive :

"Je ne sais pas jusqu'où j'ai réussi à transporter le message d'amour. Pas bien loin, sans doute. Il faut que je m'entraîne. Ailleurs que dans une illusion, ça serait préférable."

Je lui décochai un regard lourd de sens, signifiant que je me lassais de cet endroit. Même si les brins d'herbe que je caressais distraitement du bout des doigts semblaient très reconnaissants de l'agréable brise que je leur avais procurée. Tout comme le bruissement des feuilles dans les arbres, alentour, paraissait ressembler à un chant apaisé. Je me sentais très satisfaite de ce simple résultat.

En plusieurs millions d'années, c'était la première fois depuis longtemps que je me sentais exaltée par l'approfondissement d'un de mes pouvoirs. Mais je ne le montrais pas trop, afin que le jeune homme ne s'étouffe pas avec son orgueil. Les mâles ont souvent la fierté très mal placée et deviennent vite imbuvables si on les flatte. Celui-là, de par son inexpérience, risquait d'être d'autant plus insupportable si la tête lui tournait. Il possédait déjà un égo suffisamment démesuré.

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________________________________________ 2019-03-05, 13:06



La peur est plus tranchante qu’une épée.
Quelle que soit la raison ou la peur,
Il faudra la dépasser.




    Elle avait tentée de se surpasser. De faire ce que je lui suggérais. S'ouvrir non seulement à son pouvoir, mais aussi au Sable Noir. Il permettait de faire voyager ses pensées, de multiplier ses capacités. Elle n'en avait juste pas encore totalement conscience. En plusieurs millions d'années, ça devait être la toute première fois qu'elle prenait pleinement conscience de la signification du terme déesse. Ils étaient des êtres bien au delà de tout ce que l'on pouvait imaginer. Alors peut-être que oui, les Titans leurs étaient supérieurs en terme de puissance, mais comparé à eux, le potentiel des divins n'avait aucune limite. Et ils étaient à l'aube d'une nouvelle ère. Celle où ils renaitraient de leurs cendres. L'Ere de la Renaissance, tant redoutée par leurs pères.

    Plusieurs jours, plusieurs semaines s'étaient écoulés. Tout le monde avait plongé dans un profond sommeil. La Douzième Heure venait de sonner. J'avais rejoins Elliot, je l'avais soutenu, guidé. J'avais été là quand il avait eu besoin de moi. Désormais il ne me restait plus qu'à leur montrer la voie à suivre. Loin des Titans et de leur domination passée. Ouranos était un Titan fini. Thémis n'était plus que l'ombre d'elle même. Quant à Hyperion... j'avais encore du mal à définir son rôle dans tout cela. Est ce qu'il serait pour nous une aide, ou alors faudrait-il à son tour qu'il tombe dans les lymbes ? L'avenir finira par définir la place qu'il doit occuper. En attendant, il fallait se méfier de cet être qui m'avait déjà vaincu par le passé.

    Le cadeau qu'il m'avait laissé lorsque nous avions fait qu'un. La connaissance. Le savoir. Il ne s'en était peut-être pas rendu compte sur le coup. Je n'avais ressentis qu'une seule chose à ce moment là. Le désir de fuir. J'avais perdu mon pouvoir des quatre cavaliers réunis. Ce dernier était rentré en lui et l'avait rongé de l'intérieur. D'ailleurs, il continuait à le ronger. Tôt ou tard, il allait finir par ne plus pouvoir le contenir et à ce moment là, Elliot sera prêt. Car c'est à lui que reviendra une telle puissance. Le moment venu, je lui dirais quoi en faire et comment l'acquérir.

    Depuis les péripéties d'Olympe, j'apparaissais au grand jour. Il n'était plus utile de se cacher. On savait que j'étais là. Ce qu'on ignorait encore, c'était le sort que j'avais réservé à Dolos. Il n'était qu'un monstre. Jamais ils auraient du lui laisser la vie sauve, quelles que soient la version de Dolos qu'ils avaient face à eux. Il avait commis un crime bien au delà de tous les autres. Il avait touché à un être chers pour Elliot. J'avais hésité à plusieurs moments d'aller voir Elliot et de parler avec lui. De lui montrer la voie. Mais il avait besoin de prendre un peu de recul avec tout ça. Du coup, je me contentais de réfléchir à comment agir. Il ne fallait pas commettre la moindre erreur. Certaines personnes avaient quittés la Cité. Quant aux autres, si ils marchaient droit, il n'y aurait pas de soucis. Le monde allait changer.

    « Tu pourrais accomplir tellement plus. » dis-je à la jeune femme qui se tenait là à quelque pas de moi.

    Elle ne semblait pas enclin à m'écouter. Elle avait déjà fuis la précédente conversation que j'avais tenté d'avoir avec elle. Cette fois ci, je l'avais rejointe à proximité de chez elle, juste après son footing habituel.

    « Il faudra bien que tu fasses un choix. Si tu n'utilises pas ton potentiel, il t'es inutile. »

    Ce n'était pas une menace, juste une constations. Ce qu'elle avait en elle pourrait servir chez d'autres personnes.

    « Arrêtez de venir me voir constamment. Je ne veux pas avoir à faire avec vous ! » me répondit-elle catégorique.

    Elle était rentrée chez elle. Je l'avais laissé faire. Pour le moment. Fille de Titan... pensais-je avec léger sourire qui se dessinait au coins des lèvres. La journée ne faisait que commencer et il y avait tant de choses à faire. Je m'étais rendu jusqu'à chez la déesse Aphrodite, sonnant à sa porte pour changer. C'était un grand gaillard qui m'avait ouvert.

    « IL FAIT JOUR ! » hurla t'il avant de me claquer la porte au nez.

    Qu'est ce qu'il venait de passer ? La porte s'ouvrit une nouvelle fois. Cette fois ci c'était une jeune femme brune qui m'avait ouvert, avant de sortir son porte monnaie.

    « Je vais prendre une boite de cookie au chocolat blanc cette fois ci. »

    Je la fixais, la toisant de bas en haut. Je savais que diverses personnes habitaient dans cette demeure, mais je ne les avais pas encore côtoyés. Ils étaient étranges.

    « Vous ne ressemblez pas aux scouts habituels. Vous vendez quand même des cookies ? J'ai une envie de cookies. »

    « Je viens voir Aphrodite. » précisais-je calmement.

    Elle s'était poussée pour me laisser entrer tout en rangeant son porte monnaie dans sa poche de robe et en sortant un mouchoir.

    « Il n'y a jamais de cookie quand on en a besoin... » dit-elle en reniflant.

    J'étais entré dans le salon. J'avais immédiatement constaté que des pieds dépassaient du canapé. A croire que quelqu'un était allongé par terre. Les pieds tremblaient.

    « Il ne faut pas prêter attention à Jasper. Il a vue Twilight hier soir et depuis le moindre rayon de soleil l'effraye. Il ne veut pas briller. Il trouve que ça ne lui irait pas au teint. Ca vous dérange si on garde les rideaux tirés ? »

    La lumière était allumée alors qu'on était en plein jour. Des bougies se trouvaient un peu de partout, avec un petit mot devant à chaque fois : « attention à ne pas faire tomber. Risque d'incendie !! ». Je n'avais pas pu m'empêcher de sourire.

    « Aryana n'est pas là pour le moment. »

    « Je sais. » répondis-je.

    Je n'avais pas sentis son aura à cet endroit. Mais je savais que si elle s'appercevait que mon aura se trouvait ici, elle finirait par venir.

    « Vous voulez des cookies ? » me demanda la jeune femme.

    Je hochais la tête pour être polis. Elle regarda autour d'elle, constatant qu'il n'y en avait pas, et je sentis qu'elle était à deux doigts de pleurer. C'était si important pour elle d'avoir des cookies ? J'en avais fait apparaître sur une assiette décorée que je lui avais tendu.

    « Ils sont principalement au chocolat blanc. » lui dis-je avec un petit sourire, en sentant quelque chose bouger de derrière le canapé.

    Jasper passa la tête par dessus ce dernier avec un regard intéressé.

    « Il y en a des natures ? Sans pépites ? » me demanda t'il.

    Je hochais la tête.

    « Il ne mange pas les pépites, il a peur qu'elles se détachent du biscuit au moment de la mastication et qu'elles se collent à son palais, ce qui reviendrait à boucher le trou au fond de la gorge, et à l’étouffer. Ca serait horrible. » précisa la jeune femme, tandis que le garçon hocha la tête à plusieurs reprises avant de prendre un cookie.

    Ils étaient étranges, vraiment.


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Mi Casa es su Casa - C'est encore loin l'Espagne ? [Fe] _



________________________________________ 2019-03-10, 16:36



L'illusion est trompeuse mais la réalité l'est bien davantage.

A peine avais-je franchi l'élégant portail de mon jardin que je sentis la présence d'un indésirable dans le périmètre de ma propriété. Plutôt contrariée par cette constatation, je ralentis volontairement l'allure tout en marchant sur l'allée de graviers blancs menant à ma demeure de style Belle Epoque. Quelques cygnes approchèrent au fil de mon chemin, et je fis apparaître une poignée d'herbes aquatiques finement choisies que je leur lançai. Ces animaux gracieux ne mangeaient pas de grain ni de pain, contrairement aux canards. Ils avaient un régime alimentaire plus distingué.

Ceci fait, je frottai mes mains l'une contre l'autre et franchis le seuil de ma maison. Je ne fus nullement surprise de trouver Phobos dans le salon, puisque j'avais perçu son aura quelques instants plus tôt. Cependant, je fus étonnée de voir à quelle activité il s'était adonnée durant mon absence : il regardait la télévision en compagnie de Jaspeur et Tristesse. Cette dernière sanglotait comme à son habitude, pelotonnée sur le canapé, tout près du jeune homme, alors que Peur était s'était caché derrière le fauteuil, tétanisé, et refusait de regarder.

"Oh non, c'est épouvantaaaaaable !" se lamenta Tristesse.

A l'écran, je reconnus Patrick Swayze dire adieu à Demi Moore sur fond de musique à la fois tragique et magnifique.

"Qui a eu la brillante idée de mettre Ghost ?"
demandai-je, exaspérée.

C'était un film qui ne convenait à aucune des deux émotions présentes. Je coulai un regard oblique en direction du Moche. Forcément, c'était de sa faute. J'en étais persuadée.

Tristesse se moucha bruyamment avant de pleurer encore plus fort. En pleine crise de larmes, elle nicha son visage contre le torse de Phobos, ses petits poings agrippant sa chemise. Je me mordis les lèvres pour ne pas éclater de rire. La tête de Monsieur Sable Noir était impayable.

"Je... j-je savais que... que je n'aurais pas d-dû re-regarder..." bégaya Jaspeur tout en se balançant lentement d'avant en arrière.

Un petit soupir m'échappa alors que je pivotai vers lui. Je me mis à sa hauteur et posai une main réconfortante dans son dos. Il tressaillit et trembla de plus belle.

"Tu veux que j'appelle monsieur Black ? Peut-être qu'il sera disponible pour un rendez-vous."

Les lèvres scellées, Jaspeur hocha frénétiquement la tête. Aloysius Black était son psychiatre. Au début, j'avais craint que les émotions ne le rendent fou -car il est difficile, voire impossible, de les changer- mais il était très compétent dans son domaine. Son tempérament d'acier le rendait imperméable à tout comportement excessif.

Désinvolte, je sortis mon téléphone de mon sac et composai le numéro de monsieur Black. Le prévenir par télépathie aurait été déplacé. Hélas, il était complet. Il ne pouvait libérer qu'un créneau horaire deux heures plus tard. Je sentais que cela allait être deux heures particulièrement longues et pénibles. Dans la foulée, je le prévins d'ajouter Tristesse à la consultation, car elle pleurait tellement qu'elle risquait une déshydratation. Après avoir raccroché, je pris soin de lui donner deux bouteilles d'eau. Hélas, elle sanglotait sans discontinuer ; elle était donc incapable d'avaler quoi que ce soit.

"Je ne te remercie pas." lançai-je, acerbe, à Phobos. "Regarde dans quel état tu me les a mis !"

Agacée, je me saisis de la télécommande et éteignis la télévision.

"En plus... je ne connaîtrai jamais la fiiiin !"
pleurnicha Tristesse.

"C'était la fin." fis-je d'un ton sec. "Il est mort, il reste mort. Molly a la possibilité de le voir juste avant qu'il n'aille au paradis et ensuite c'est fini."

Tristesse déglutit avec peine tout en me fixant avec un air de chien battu, les yeux débordant de larmes. Avec un soupir, je consentis à rallumer la télé afin qu'elle voit les dernières minutes. De toutes façons, elle était dans un état si déplorable que rien ne pourrait l'empirer.

"C'est merveilleux Molly. L'amour qu'on a en soi... on l'emporte avec soi."

Cette réplique de Patrick Swayze m'émut une fois encore. C'était tellement vrai. L'amour ne diminue jamais. Il ne peut se tempérer. Il croît sans cesse et jamais ne décroît, malgré tout ce qu'on peut penser. Parfois, il se transforme. Mais il existera toujours. C'était un si beau message pour clôturer un film d'une telle ampleur. Le générique défila à l'écran et cette fois-ci, j'éteignis pour de bon.

Perplexe, je tournai la tête vers Tristesse qui n'émettait plus aucun son. Elle était figée. Elle ne pleurait plus, mais ne semblait plus respirer non plus. C'était inquiétant. Devais-je la réanimer ? Au bout de quelques secondes, une moue se forma sur ses lèvres et elle... sanglota. Encore.

"Fausse alerte. Tout va bien." dis-je, soulagée.

"Non... tout va mal..."

"Oui, comme d'habitude !"

J'esquissai un geste désinvolte de la main avant d'attraper Phobos par le col de la chemise pour le forcer à se lever du canapé. Puis, je l'entraînai dans la salle à manger afin d'être plus tranquille, tout en restant proche des émotions au cas où. Là, je le lâchai et le fixai d'un oeil réprobateur, les mains sur les hanches.

"Notre escapade dans tes illusions de Sable Noir étaient très sympas, et je suis très contente que tu sois du côté de mon fils mais ça ne te donne pas le droit de venir chez moi à l'improviste."

Je fis quelques pas, irritée, et me plantai de nouveau devant lui.

"Je ne suis pas ton amie, ton disciple ou que sais-je encore ! Si tu veux faire quelque chose de bien, va voir tes parents."

Depuis qu'il avait dévoilé sa véritable identité aux yeux de tous, il me semblait logique qu'il rende au moins visite à Diane, car la pauvre avait dû tomber des nues (surtout en voyant quel physique il avait choisi d'arborer).

"Diane a besoin de savoir comment se placer rapport à toi. Il y a deux ans, tu as voulu la tuer. L'année dernière, tu as pris l'apparence de son jumeau. A présent, tu parais avoir de bonnes intentions. A peu près. Alors, il faut aller jusqu'au bout de ta démarche. Tu ne peux pas t'arrêter en chemin, même si tu as peur."

Je méprisais les gens qui faisaient les choses à moitié. C'était d'un pénible ! Soit on se lance, soit on ne fait rien. Ce n'était pas compliqué.

En revanche, j'étais en mesure de l'aider sur ce point, s'il le voulait. Par moments, je le voyais comme un petit garçon effrayé par des choses simples, quand il ne se comportait pas avec une suffisance insupportable.

Je posai sur lui un regard empreint de douceur -qui me coûta beaucoup- afin de l'inciter à aller dans mon sens. Ce n'était pas de la manipulation. Pas vraiment. Et de toutes façons, c'était pour ma soeur que je le faisais.

lumos maxima
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