« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
I'm so tired of trying to fight this, 'cause I'm slowly losing You Feat Pitch & Maara
J’avais commencé mon nouveau travail dans la boutique de Jefferson depuis quelques jours à présent. Les choses n’étaient pas compliquées, porter un plateau et se souvenir des commandes, ce n’était pas quelque chose qui nécessitait d’avoir fait de longues études… Non, le plus sympa dans ce job, c’était le contact avec les autres. Certes, ceux qui essayaient de faire copain/copain m’agaçaient prodigieusement, mais je m’amusais beaucoup à trafiquer les peurs des gens qui venaient. Rien de trop fort bien sûr, je ne voulais pas faire perdre des clients à mon patron, mais c’était marrant malgré tout d’agir avec autant de finesse.
Et puis, il y avait assez de choses à voir pour que je n’ai pas à penser à mon père. Si on pouvait encore appeler Pitch ainsi… Notre dernière rencontre restait toujours là, dans un coin de ma tête. Je ne parvenais pas à passer complètement à autre chose. Aster m’avait énormément réconforté et je n’en étais que plus attachée au Gardien. Mais au fond, je n’étais pas totalement sereine – personne ne me ferait dire que j’étais heureuse ou à deux doigts de l’être – à cause de son absence.
Quand il avait disparu, j’avais pu me raccrocher à ma colère. Et à présent… Même ma colère ne parvenait pas à faire disparaître ma peine. Pitch avait toujours été présent dans ma vie, nous avions formé un superbe duo par le passé et je l’avais véritablement considéré comme mon père durant des siècles. Alors cette relation soudainement tumultueuse ne me plaisait pas. J’avais besoin de lui dans ma vie mais je ne savais absolument comment faire pour que les choses se passent de la bonne façon.
Est-ce que cela vous est déjà arrivé de vous mettre soudainement à croire que quelqu’un entendait parfois vos souhaits et se mettait à les réaliser ? C’était une pensée totalement stupide, pourtant ce fut la mienne quand la porte s’ouvrit et qu’une énergie familière se fit sentir. Pitch. Je n’avais même pas besoin de me retourner pour savoir qu’il était là, pile dans le coin qui m’était dévolu de servir. Je pris donc une longue inspiration et décidai de me comporter comme la serveuse que j’étais.
- Qu’est-ce que je te sers ? Lui demandai-je en arrivant à son côté.
Je ne parvenais pas à rester sereine, la preuve, mes mains tremblaient. J’étais assez fière de ma voix par contre, qui était restée ferme lorsque je m’étais adressée à mon créateur. Je voulais bien essayer de faire des efforts, mais il ne fallait pas trop pousser non plus, il n’avait rien fait pour que je sois plus cordiale que ça…
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C’était… Très étrange. J’avais comme l’impression de me faire légèrement réprimander lorsqu’il me salua en utilisant mon prénom. Pourquoi je le laissais avoir autant d’impact sur moi ? C’était si stupide ! Pourtant je me sentais comme une gamine prise en faute et ça, ça avait le don de m’énerver. Dès qu’il était là, j’étais toujours sur le qui-vive et toujours prête à exploser. Pourtant, vu ce qu’il s’était passé la dernière fois que l’on s’était vu, j’aurais cru que je m’étais assez apaisée pour garder le contrôle de ma colère. Visiblement non…
- Je ne sais plus comment t’appeler. Je ne salue pas les gens dans ces conditions. Répliquai-je cependant avant de lever les yeux au ciel. Sérieusement ? Tu viens dans un salon de thé pour boire un simple thé vert ? Demandai-je, irritée avant de soupirer. Tu devrais plutôt tester leur thé noir. Conseillai-je. Nous avons plein de pâtisseries, c’est un salon de thé, pas un bar… Le narguai-je. Citron meringué, tartes aux fruits, mille-feuilles, flan… Nous en avons pour tous les goûts.
Je lui laissai un peu de temps pour faire son choix et m’éloignai ensuite rapidement sous prétexte d’aller m’occuper de sa commande. Nous n’avions pas grand-monde aujourd’hui, alors je savais que cela serait rapide. J’espérais juste que ce laps de temps me serait suffisant pour retrouver mon calme. Sa présence me bouleversait, d’autant que j’avais l’impression qu’il n’était pas là du tout pour le thé et encore moins pour les chapeaux. Je restai un moment perdue dans mes pensées, me demandant pourquoi il était venu. Puis sa commande fut prête et il fallut bien que j’y retourne.
- Tiens. Dis-je doucement en posant la tasse, la théière ainsi que le reste sur la table. Te faut-il du lait en plus ? M’enquis-je, essayant de rester professionnelle. Il me répondit et je commençai à faire demi-tour avant de me figer et de soupirer. Je fis demi-tour et m’installai en face de lui. Pourquoi es-tu ici ? Tu vas avoir du mal à me convaincre que ça n’est que pour le thé… Le prévins-je.
J’étais curieuse. Était-il venu pour moi ? Pour une fois faisait-il le premier pas ? Aster m’avait conseillé de laisser passer le temps et c’était ce que j’avais fait, continuant à vivre ma vie sans la présence de Pitch dans celle-ci, espérant me convaincre que ça n’était pas du tout grave de savoir qu’il ne s’intéressait pas à moi. Et aujourd’hui il était là, assis en face de moi dans le salon de thé où je travaillais… Il y avait de quoi se poser des questions.
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J’avais beaucoup de mal à rester neutre face à lui. Mais contrairement à Pitch qui n’avait pas hésité à se barrer en m’abandonnant, j’avais de l’affection pour lui. Du moins en avais-je eu. Ça, c’était une chose dont j’étais certaine. Aujourd’hui, je n’étais pas certaine de ressentir autre chose que de la colère et de la déception à son égard. Et s’il voulait vraiment paraître pour le mec qui restait poli en toutes circonstances alors que j’étais clairement irrespectueuse, qu’il fasse comme il le souhaitait. Je ne me souciai que peu des avis des autres. Le sien avait compté un jour. Aujourd’hui, ça n’était plus le cas. Cependant, j’aimais bien Jefferson qui m’avait filé ce boulot et je ne tenais pas à lui faire perdre de clients aussi conseillai-je mon géniteur de la meilleure façon possible vu les circonstances.
Une fois sa commande prête je partis vers le comptoir et la cuisine pour donner les choix de ce nouveau client dont je me serais passée. Puis une fois que tout fut prêt je lui amenais sa commande et repartis avant de faire demi-tour et de m’installer en face de lui pour savoir ce qu’il venait faire là. Personne ne me ferait croire que c’était par hasard, je crois que je le connaissais bien trop pour savoir qu’il faisait rarement rien sans rien. Une certaine lueur d’espoir s’était allumée en moi mais je l’éteignis bien vite : s’il était venu pour moi, n’aurait-il pas agi d’une autre façon ? En étant un peu plus chaleureux peut-être ? Pas en étant aussi distant. À nous voir, j’étais certaine que peu de gens sauraient qu’on se connaissait bien plus que notre comportement ne le laissait entrevoir…
- Hein ? Euh, oui oui, c’est du fait maison. Répondis-je distraitement.
Pour moi ? Il était venu pour moi ? Je n’en avais pas eu l’impression… Je m’étais apparemment trompée sur toute la ligne le concernant. Et je me rappelais des paroles d’Aster me conseillant de ne pas le repousser s’il venait. Je savais combien ça avait dû être compliqué pour mon Pinpin de me conseiller de cette façon-là et je n’allais pas être ingrate envers lui en repoussant Pitch qui s’était enfin souvenu qu’il était censé être un père. D’autant plus que j’avais envie de voir nos relations s’améliorer malgré tout.
- Tu es venu pour moi ? Répétai-je à haute voix, incrédule. Pourquoi ? Je veux dire… Je ne suis pas ton enfant de sang, tu me l’as dit, pourquoi tu es là ?
Je n’arrivais pas à comprendre. Même si je faisais des progrès en matière de socialisation, certains actes me paraissaient encore profondément obscurs. Dont celui-ci. Même si j’étais touchée au fond qu’il se soit assez inquiété de moi pour savoir où je travaillais et pour ensuite venir.
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J’avais beaucoup de mal à le comprendre. Alors quoi ? Ce matin il s'était levé en se disant "Tiens, mais si j'allais voir Maara ce matin ? Après tout, j'ai encore une fille, ça serait bête de passer à côté de ça, même si elle n'est pas faite de chair et de sang à la base" ? Bon, j'exagérais sans doute un peu trop cette caricature, mais il fallait tout de même avouer que c'était franchement incompréhensible non ? En tout cas ça l'était pour moi. Et on pouvait parfaitement faire passer ça sur le compte de mes problèmes avec le relationnel, parce que c'était sans doute ça qui faisait que je ne comprenais plus rien ! Mais après tout, pour une fois je n'avais peut-être pas besoin de réfléchir ? Aster m'avait conseillé de ne pas passer à côté de l'occasion si celle-ci se présentait et si en temps normal je me passais des conseils des autres, j'aimais un peu trop Aster pour faire comme d'habitude.
Ceci dit, cela n'allait pas m'empêcher de l'envoyer bouler sur certaines choses, notamment l'une d'entre elles qui m'était restée en travers de la gorge quand il me l'avait envoyé à la figure la dernière fois que nous nous étions parlés. À dire vrai, je crois que j'aurais pu supporter son absence et tout le reste s'il ne m'avait balancé aussi méchamment que je n'étais pas sa fille de sang. Sous-entendu que je comptais moins que sa fille et son fils. Je crois que de toute cette discussion, c'était ceci qui m'avait fait le plus de mal. Moi qui avais toujours été fière de dire que j'étais sa fille, ça m'avait bien refroidie. Aujourd'hui, si on me posait la question, je répondrais sûrement que j'étais orpheline. Mon père avait toujours été ma seule famille et il m'avait enlevé ça cette fois-là en forêt...
- Pourquoi m'avoir dit le contraire ? Demandai-je, ne parvenant pas totalement à masquer à quel point ça m'avait touché, ce qui m'agaça prodigieusement.
Je me ramollissais, c'était intolérable ! Et pourtant je ne m'éloignais pas de la source de cet attendrissement. Je savais que c'était parce que j'étais souvent avec Aster que j'étais un poil plus douce qu'avant. Je n'agressais plus tout le monde avec mon pouvoir juste parce que leur tête ne me revenait pas, c'était tout de même un exploit non ? En tout cas je considérais ça comme tel. Et c'était à cause d'Aster. Mon père avait voulu que je m'adoucisse, c'était en cours, peut-être que je devais le lui faire remarquer ? Tout en lui précisant que c'était grâce à l'un des Gardiens ? Histoire de bien redémarrer cette relation. Sans doute était-il préférable que je me taise là-dessus, je pouvais être un vrai démon parfois...
- J'ai des... Connaissances. Une personne qui m'est chère. Mais je n'ai pas de parent. Commençai-je après un temps de réflexion. La place de père, ça a toujours été la tienne, même dans le monde des contes. Ajoutai-je. J'espère juste que tu ne m'abandonneras pas encore une fois.
Je ne pouvais pas pardonner complètement, il m'avait trop blessé. Mais puisqu'il faisait l'effort, j'en ferais aussi. Et j'étais sincère, j'avais véritablement besoin d'un père et personne à part lui ne pouvait convenir pour ce rôle. Je n'aurais jamais laissé quelqu'un d'autre que Pitch tenir cette place à mes côtés. Signe que même si je l'avais quasiment haï quand il était parti, je n'avais pas pu m'empêcher de toujours lui faire une place dans mon cœur. C'était ça qui m'avait mis si mal : la sensation de m'entêter et de perdre doucement mais sûrement mon père. C'était une chose que je ne voulais pas. Jamais.
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J’en avais assez de lutter contre moi-même. J’avais toujours eu besoin de Pitch, depuis ma création. Ce n’était qu’une fois humaine que j’avais compris que je le chérissais comme un père et que même si je n’étais pas douée avec ça, mes sentiments étaient bien là. Mais étant moi, eh bien, je n’allais pas le laisser s’en tirer aussi facilement n’est-ce pas ? Je m’efforçais de le faire culpabiliser un peu. Et ça fonctionnait. Sauf que c’était si sincère que je n’appréciais pas autant que je l’aurais pu par le passé. Être dans ce monde m’avait changé, je devais bien l’admettre. Je ne faisais pas partie des héroïnes, mais je m’étais assagie.
- Tu me parleras d’eux un jour ? Demandai-je en acceptant ses excuses avec cette simple phrase.
L’erreur avait été faite, mais Aster m’avait conseillé de ne pas trop rester fixée là-dessus si j’avais vraiment envie de me réconcilier avec mon père. Alors je préférai parler d’autre chose. Notamment de cette sœur et de ce frère que je n’avais jamais connu. Je ne savais même pas à quoi ils pouvaient bien ressembler. En un sens, ça valait peut-être mieux… Je n’étais pas certaine de moi : j’aurais pu très mal réagir en sachant que d’autres me volaient l’attention de Pitch. Peut-être que nous n’étions pas destinés à nous rencontrer et sans doute était-ce mieux ainsi. Ceci dit, cela ne m’empêcherait pas de poser des questions à mon père.
- Je ne sais pas comment le décrire complètement… Soupirai-je. Je ne sais même pas ce que j’éprouve réellement pour lui. C’est juste… Fort.
Et sécurisant. Et totalement terrifiant. Mais je n’allais pas dire ça à mon père n’est-ce pas ? D’autant que même s’il était content pour moi en ce moment, je n’étais pas certaine que ça durerait très longtemps s’il apprenait que la personne qui m’était chère n’était autre qu’Aster, le Lapin de Pâques, l’un des Gardiens. J’étais donc mitigée entre la satisfaction qu’il ne pose pas plus de questions et le regret de voir qu’il capitulait si vite. Encore une fois, je n’étais pas des plus claires sur ce que je voulais vraiment.
- Ah ça… Grognai-je. Si tu rencontres un clown, tue-le sans te poser de questions. Conseillai-je. Moi je ne l’ai pas fait et je suis revenue avec Toby. Pas que je me plaigne vraiment de la présence du gosse, mais cette aventure dans le monde d’en-dessous, c’était perturbant. En plus ça a eu lieu à Noël et du coup je ne peux plus oublier cet épisode. Ça n’a fait que confirmer que je détestais Noël remarque… Racontai-je.
J’allais décider de le croire. Il resterait cette fois si quelque chose de grave devait encore arriver. Restait à voir comment nous pourrions passer du temps ensemble. Et comment il réagirait en rencontrant l’être cher à mon cœur et Toby que je ne savais pas trop comment qualifier. Sans doute un petit frère. Un petit frère alcoolique qui me coûtait cher en gin, mais j’appréciais beaucoup ce gamin alors je continuais à le garder chez moi.