« Je sais que c'est pas ton anniversaire. C'est pas le mien non plus. Cette année on a choisit le 23 novembre. Enfin, j'ai choisi. »

Le dieu émit un léger rire, accoudé au mur de la chambre, avec son jean pour tout vêtement. Artémis lui laissait toujours le privilège de décider de la date où ils fêteraient leur magnifique naissance. Même si en réalité, ils ignoraient totalement quel jour ils étaient nés. Pire, ils ne savaient même pas quel était leur âge exact. Ça avait quelque chose de frustrant de ne pas savoir combien d'années déjà le monde avait pu profiter de sa magnificence. Ou d'ignorer le nombre de bougies qu'il devait souffler – même si il n'aurait jamais eu la patience pour en mettre des millions sur des gâteaux, en fait. C'était juste un autre des secrets qui s'accumulaient autour de leur existence. Il avait finit par s'y habituer.

Par contre, il savait que cette magnifique blonde s'apprêtait dans peu de temps à passer une barrière difficile. Il évitait d'évoquer le sujet, sait-on jamais qu'elle parte en crise précoce de la trentaine, mais il savait qu'il ne pourrait s'empêcher de marquer le coup. Avec le mariage qui approchait, c'était encore plus difficile pour lui de ne pas la noyer de cadeaux de toutes sortes. Même sans célébration particulière, il avait constamment envie de la choyer. Pas pour compenser et faire mieux que Jules, non, il savait qu'il était mieux que l'écrivain quoi qu'il arrive.

« Mais j'avais envie. »

Cassandre devait se douter qu'il préparait quelque chose, de toute façon. Après chaque révélation/expédition/retournement de situation dans leur famille, il éprouvait ce besoin de prendre de la distance, de changer d'air, comme pour se rassurer sur le fait que le monde tournait toujours malgré tout. Pour l'instant. Tant que la guerre ne ravagerait pas la planète, Apollon serait toujours prêt à accorder un moment de détente à l'une de celles qu'il aimait le plus au monde. A Artémis aussi, évidemment, mais ils avaient déjà vécu un séjour en Suède il y a peu et elle s'en remettait sans doute à peine.

« La vue est superbe en plus ! »

Il s'était redressé, se dirigeant vers les vitres géantes qui ornaient la paroi de la suite. Elle devait faire la taille d'un grand appartement, décorée sobrement comme l'intérieur d'un palace pour des célébrités super riches. Même si ils valaient encore mieux que ça. Il avait juste fait en sorte que ça ne fasse pas français. Parce que c'était pas assez classe, pas assez distingué. Là ils étaient dans la modernité. Pas le kitsch. Et la terrasse avec l'océan à perte de vue était un atout indéniable.

« T'as pas le mal de mer au moins ? »

Il s'était retourné légèrement paniqué en direction de la jeune femme. Si elle avait prit le temps de se rhabiller, lui ne s'était pas trop embêté de ce genre de détails. Il espérait bien ne pas conserver ses affaires longtemps, pour être honnête. Après tout, il n'était que tous les deux. Presque.

« C'est un paquebot de croisière première classe. »

Parce qu'Apollon ne faisait jamais les choses à moitié, c'était connu. Il avait pas ressorti la réplique du Titanic, déjà parce que ce serait bête qu'elle se mette à couler, et puis c'était tellement cliché. Cassandre méritait de l'inédit.

« On va pas rester dessus longtemps. On va vers Hong-Kong ! Ou Tokyo. Ou Singapour. Ou Séoul. C'est comme tu veux finalement, mais on est plus en direction de l'Asie quoi. On peut changer de côté si tu préfères. Ou aller en Australie aussi. »

Il n'y avait pas mit les pieds depuis qu'ils avaient été ramené à leur état d'enfants à peine plus grand que Lily. Ou à peine plus petits. Il esquissa une petite moue tout en se rapprochant du canapé où trois comme lui auraient pu s'allonger. Drôle de réflexion à se faire, d'ailleurs.

« Il y a un casino. Une salle de cinéma ultra-sophistiquée. Un cabaret. Un nombre de chambre de dingue. Une salle de réception. Des toilettes, aussi. Et des gardes à quelques endroits. J'en ai un qui était formé pour conduire ce gros machin, je lui ai promis une augmentation. »

Il s'était contenté de peu de personnel, ils n'avaient pas besoin d'une horde pour les surveiller ou les protéger. Et encore moins pour venir les ennuyer avec leurs réclamations de plus en plus fréquentes. Il avait déjà subit les plaintes d'un grand nombre qui prétendait ne plus vouloir porter leur armures quand il faisait chaud au risque de faire des insolations. N'importe quoi. Ils voulaient surtout s'exhiber oui.

« Je me suis dis que pour une fois, au lieu de se téléporter, ce serait cool de faire le voyage autrement. »

Ses bras s'étaient étirés sur les coussins beaucoup trop doux pour venir d'Ikea et il les inspectait d'un regard curieux. Il lui faudrait les mêmes pour les fauteuils d'Olympe. Il secoua la tête, se demandant pourquoi de telles idées lui venaient maintenant avant de se redresser pour se placer juste derrière la jeune femme. Ses bras l'entourèrent naturellement, comme pour s'assurer qu'elle était bien là.

« On a un peu de temps devant nous avant d'arriver. On peut se faire un billard, une séance de piscine, monter à l'étage admirer le lit king size, se promener dans la bateau en se prenant pour Chris Pratt et Jennifer Lawrence dans Passengers, même si on est pas dans un vaisseau... Les options sont multiples. »

Ils pouvaient rentrer aussi, mais ça le branchait beaucoup moins. L'ambiance était plus détendu quand il... prenait le large, c'était le cas de le dire. Et puis ils avaient dû couper court à leurs visites de pays différents pour trouver la destination parfaite pour leur lune de miel, vu qu'ils avaient trouvé bien trop vite le château Ecossais. Là, c'était juste pour le plaisir. Faire une sorte de tour du monde avec sa future femme, ça avait quelque chose d'agréable. Il aurait aussi pu opter pour une île déserte en fait. Pour se la jouer Robinson Crusoé. Mais ça aurait été moins... classe.

Il n'avait même pas eu le temps d'enfiler un tee-shirt. Et à peine la porte de la chambre franchis, il savait déjà à quoi s'attendre. Il ne se vantait pas en prétendant la connaître comme personne, mais il se préparait mentalement grâce à un compte à rebours réfléchi au moment où elle commencerait à aborder des sujets plus ou moins sensibles.

D'abord, les vacances. Il hocha la tête simplement, évitant de faire remarquer que sa sœur avait bien raison de prendre l'air après chacune de leur expédition. Si ça ne tenait qu'à lui, il la tiendrait même à l'écart constamment pour s'assurer sa survie, mais c'était un autre sujet. Et il savait que Diane était forte, simplement moins qu'elle ne cherchait à lui faire penser, et qu'elle avait subit bien plus psychologiquement que physiquement ces dernières années. Comme eux tous, finalement.

Ensuite... Ah, ça il ne l'avait pas vu venir, il ne pouvait pas le cacher. Son air exprima toute sa surprise alors qu'elle laissait entendre que Gardien, ça prenait du temps, qu'ils ne se voyaient pas, qu'il devait partir avec elle. Il resta la bouche grand ouverte, notant sa remarque sur les armures absentes, la suivant sans dire un mot. Il lui fallait le temps d'accepter et de traiter l'information.

Et voilà qu'elle évoquait son père, comme si ça n'avait pas suffit la veille. C'était encore pire que ce qu'il pensait. Est-ce que c'était le fait de ne plus parler à Jules qui la détraquait à ce point ? Ça faisait plusieurs mois quand même. Nora lui avait dit qu'elle avait besoin de se retrouver, c'est vrai, il avait fait de son mieux pour lui laisser assez d'air. Mais il allait vraiment falloir qu'il discute avec Verne. Il ne pouvait pas la laisser dans un état pareil. Ça n'allait plus du tout.

« Athéna ? » répéta-t-il, haussant un sourcil, avec une fausse moue de réflexion. « Mais bien sûr. Après tout, je lui ai donné l'Epée, et le trône doit être assez grand pour elle. Sinon, on peut donner le poste à Hadès. Il est déjà maire, ça remplirait encore plus son cv ! Il attend que ça en plus. Il a arrêté de me harceler dernièrement, mais il en serait très heureux. Ça lui remonterait peut-être le moral. »

Tout cela, il l'avait dit d'un ton détaché, reprenant sa main pour l'inciter à avancer.

« Après je pense que la plus réfléchie, ce serait quand même Artémis, d'un point de vue totalement objectif évidemment. »

Disons qu'elle dirigeait déjà au moins la moitié de la Cité depuis qu'il en avait été le Maître, et maintenant le Gardien. Ils faisaient tout ensemble. Et il admettait avoir quelques problèmes en tant que dirigeant, il aimait se définir comme un 'leader social'. C'était lui qui remontait le moral des troupes.

« Encore mieux : je vais demander au serveur du Rabbit Hole que j'aimais bien, il avait une bonne tête, il sera super classe en tant que Gardien ! »

Il s'était stoppé brusquement, se plaçant devant Cassandre avec une expression profondément vexée. Si il se plaisait à faire croire le contraire, il y avait en réalité peu de personnes dont l'avis lui importait réellement. Mais celui de cette jeune femme face à lui avait un impact immédiat sur son estime. Et elle venait de toucher une corde sensible.

« Tu devrais en parler à Hyperion et lui dire qu'il choisit trop vite ces Gardiens. Je pense pas pouvoir démissionner comme tu le souhaites, mais je dois pouvoir me faire virer, non ? »

Est-ce qu'il était agacé ? Légèrement. La Vérité les avait tous chamboulé et lui le premier. Il avait dû rester à l'écart de la plupart des personnes qu'il appréciait simplement pour ne pas risquer d'en dire trop. Il était resté près d'elle, même si elle passait du temps avec le Titan. Il avait fait face au retour de Thémis, sans que personne n'ait prit la peine de l'informer plus tôt qu'elle existait toujours. Et il avait perdu ce qu'il considérait comme un ami, en plus de perdre ce qui aurait peut-être pu devenir un ami si il avait pu le connaître un peu plus. Certes, elle avait subit tout autant, si ce n'est plus. Il compatissait, il l'épaulait, il l'accompagnait. Il essayait de lui changer les idées. Parce que c'était ce qu'il savait faire.

A côté de ça, les gardes prenaient conscience des changements mais s'interrogeaient sur leur véritable rôle. Il n'y avait jamais eu aussi peu de combats, et il n'y avait jamais eu autant de danger. Comment se défendre face à un futur aussi flou et pessimiste ?

Apollon retint une grimace, se pinçant furieusement les lèvres avant de se remettre à marcher dans les couloirs du bateau. Lorsqu'elle commençait à gratter ses nerfs à vif en prononçant des mots qu'elle savait déplaisants, il ne pouvait pas la regarder dans les yeux. Elle avait cette révolte au fond des yeux qui ne faisait qu'accroître la sienne et une furieuse envie de l'embrasser dès qu'elle commençait à l'énerver. Une manière comme une autre d'éviter le moindre conflit, mais une méthode dont il avait déjà bien trop usé.

« Au lieu de prendre le large, je devrais m'exiler dans une grotte, je suis un Jeune Oracle, c'est plus pertinent. »

Il gardait les dents serrées, empruntant des escaliers en ralentissant pour rester à sa hauteur. Il ne voulait pas non plus l'abandonner derrière lui.

« En tant que Prophétesse, t'en pense quoi ? Faut me le dire si jamais je suis pas à me place, si je fais pas bien les choses, si je devais méditer plus souvent. C'est vrai quoi, je sers pas à grand chose en ce moment, j'ai une qu'une seule vision et dedans t'étais morte. »

Ses poings se serraient également, alors qu'évoquer ce type de souvenir lui faisait prendre un ton bien plus sérieux. Même pour lui, il pouvait être difficile de feindre l'engouement à l'évocation de telles choses. Les pertes qu'ils avaient subi le touchait. Celles qui n'avaient pas encore eu lieu aussi. Ils courraient tous, littéralement, contre le Temps et ça ne les menait nulle part.

« J'ai essayé de 'voir des choses'. Mais rien à signaler, je dois être bugué, t'as raison de vouloir me remplacer. »

Cette fois, c'était un peu de colère contre lui-même également. Il ne valait clairement pas Emin. Et ses quelques flashs étaient trop peu nombreux ces derniers temps. Il ne pouvait pas s'y fier, c'est vrai, mais n'importe quel dieu se sentait revigoré au contact de ses attributions. Il avait bien les Arts pour compenser, dont il abusait largement, mais il se sentait poussé à bout dans ses retranchements. On attendait quoi ? Que Dolos revienne lui faire péter un plomb ?

« Allons pour un billard. »

Il ouvrit une double porte battante dévoilant une pièce qui s'illumina davantage dès qu'il y mit un pied. La moquette rouge bordeaux et les murs en lambris foncés faisaient penser à un vieux bar anglais. Un garde se trouvait là à... passer le balai. Sérieusement, il fallait qu'il trouve mieux que ça pour les occuper. Il quitta la pièce, la tête baissée, sentant certainement qu'il serait trop dans la discussion qu'Apollon n'avait toujours pas terminé.

« Si tu as d'autres suggestions, je t'en prie, je t'écoute. » poursuivait-il, sans pour autant le moindre ressentiment. « Peut-être qu'on devrait plutôt mettre ton père sur le trône, t'en pense quoi ? Au moins ça s'activerait un peu, c'est un aimant à catastrophes, peut-être qu'Olympe serait détruite en... allez, deux semaines. »

Il regretta d'avoir dit ses mots à peine il les eut prononcé. Il secoua la tête, allant placer les billes sur la table de billard qui s'étendait devant eux.

« Laisse tomber. On a tous le droit de devenir un peu tarés ces derniers temps. »

C'était peut-être pas mieux de dire ça comme ça. C'est pour ça qu'il détestait s'énerver ! Il n'arrivait pas à gérer ce que ça entraînait. Et avec tout ça, il n'avait toujours pas récupéré de tee-shirt. Il était trop sous pression pour faire apparaître quoi que ce soit.

Il soupirait, il levait les yeux au ciel, il affichait un air entendu avec le garde qui s'en allait et il écoutait. Il écoutait tout ce qu'elle disait. Elle avait raison de dire toutes ses choses, elle les gardait pour elle depuis trop longtemps. Elle avait beau faire ses louanges, elle ne pouvait le trouver parfait. Lui était loin de trouver qu'il méritait sa place, ou encore qu'il y faisait honneur. Jules avait eu raison de laisser la sienne. C'était pour ça ? Elle voulait qu'il fasse la même chose ? Comme si il n'y avait jamais pensé. C'était une question qu'il se posait tous les jours depuis plusieurs semaines. Artémis n'avait pas pu passer à côté de ses inquiétudes et il lui aurait donné son rôle sans hésiter, si elle lui avait demandé. Elle gérait les situations de crise mieux que lui.

« Je sais. »

Il avait abandonné l'idée du billard. Elle n'en avait pas envie, lui non plus, et ça ne servait à rien. Sa main posée sur la sienne, il avait choisit d'écourter ce baiser.

« Je sais que tout ne va pas bien. »

Ses lèvres se pincèrent et sa main libre trouva la joue de la jeune femme, la caressant de son pouce avant de replacer une de ses mèches derrière son oreille avec douceur.

« Je sais que tu ne vas pas bien. »

Il les avait fait se téléporter sur le pont du paquebot, s'écartant d'elle pour mettre ses mains dans ses poches. Deux gardes discutaient bruyamment d'un côté, assis sur des transats, un autre restait adossé à une porte en regardant le large. D'autres allaient et venaient en leur jetant parfois quelques coups d'oeils.

« J'ai jamais compris pourquoi les autres m'ont choisit comme Maître d'Olympe. En plus, j'aime pas le mot 'maître', ça me convient pas. Je suis pas un chef, je le sais. Tout le monde le sait. Et j'aime pas donner des ordres. Un Gardien, ça a pas besoin de donner d'ordres. »

Le dieu pivota légèrement la tête pour observer le visage de Cassandre. Elle était magnifique, même quand elle l'agaçait, même quand elle testait ses limites, même quand il n'était pas d'accord avec elle.

« Tu crois vraiment que je me charge de leur apprendre à se battre ? Cookie les entraîne, Athéna peut le faire aussi, si ce n'est pas déjà le cas. Et ce n'est pas parce qu'ils passent le balai de temps en temps qu'ils ne savent plus comment se servir d'une épée et d'un bouclier. Je n'ai pas oublié non plus. »

Il n'avait pas évoqué la guerre qu'il avait pu vivre depuis longtemps. Les guerres, même. Il y en avait eu tellement, pas seulement dans leur famille, sur Terre aussi. Ça ne s'arrêtait jamais. Celle qui se profilait serait juste... plus conséquente.

Ses mains se placèrent dans les poches de son jean et il haussa les épaules, reportant ses yeux sur l'étendue bleue face à eux. En quelques pas, il s'était approché du garde corps. L'océan était d'un calme presque olympien, même s'ils n'étaient pas à la cité.

« Qu'est-ce que tu vois, quand tu les regarde ? Juste des gardes ? »

Il les avait considéré ainsi pendant longtemps. De la décoration, presque, des pions qui se promenaient parfois dans les couloirs et qui gardaient des portes, pour sortir leurs armes quand une attaque se profilait. Il lui semblait que les choses avaient changé depuis qu'il était en charge d'Olympe. Souvent, il était fatigué, il avait mit du temps à comprendre le concept du syndicat qu'ils avaient fondé. Puis il avait comprit.

« Dis leur où aller combattre et ils iront. » affirma-t-il avec assurance en désignant les gardes d'un geste de la tête. « Pas parce que je leur demande de le faire, pas parce que c'est toi non plus, pas parce qu'ils n'auront pas le choix. Mais parce qu'ils voudront défendre les leurs. »

Il se retourna, s'appuyant sur la rambarde. Il n'avait jamais prétendu pouvoir mener tout le monde sur le champ de bataille et ce n'était pas ce qu'on lui demandait. Peut-être qu'elle avait raison, qu'il était trop préoccupé. A moins que ce ne soit que l'inquiétude qu'une nouvelle horreur leur tombe sur la tête sans prévenir.

« Ils ont peur aussi. Je crois. Ce ne sont pas que des créatures qu'on peut utiliser comme on le souhaite en claquant des doigts. Avoir une armée, ça ne sert absolument à rien. Ce qu'il nous faut, c'est une équipe. »

Il ne se vantait pas, parce qu'il ignorait si il avait réussi à atteindre cet objectif. Il se rappelait souvent des chasserresses d'Artémis et de la peine que leur disparition lui avait causé. Il se souvenait de la fois où ils avaient cru qu'il en était terminé de Socrate, aussi. Et plus récemment, il y avait eu Heimdall. Le fait de ne pas être des dieux ne changeait rien. Ils faisaient tous face aux mêmes ennuis. Il ne voulait pas être un tyran comme Zeus, ou un taré à l'image de Dolos. Il voulait juste pouvoir affirmer qu'ils formaient tous une famille prête à tout affronter.

« Mais ça ne fonctionnera pas. »

Il secoua la tête, allant récupérer la main de Cassandre dans la sienne. Il resta ainsi un moment, à l'observer, la bouche pincée et avec un certain manque de sérénité. Elle était bien plus fragile que ce qu'elle laissait penser et, d'eux deux, elle était clairement la plus inquiétée. Ça ne voulait pas dire qu'il ne craignait pas pour l'avenir. Pour leur avenir.

« Pas si tu ne me fais pas confiance. »

Le décor avait subitement changé. Adieu paquebot, adieu croisière, adieu air marin. Ah, non, ça il avait plutôt réussi. Ils se trouvaient sur une plage qu'elle connaissait forcément très bien – du moins, lui ne l'avait pas oublié. Il aurait pu choisir moins personnel, moins brutal, mais l'endroit lui paraissait approprié.

« On peut continuer à débattre encore des heures, je peux quitter mon rôle de Gardien, on peut même déménager sur une autre planète. Sauf que je ne pourrais pas arrêter de m'inquiéter. »

Jules n'avait pas semé le doute dans son esprit en lui faisant comprendre qu'elle avait une confiance aveugle en Hyperion. Et il ne revenait pas sur ses paroles, il aurait été capable de la suivre jusqu'au bout du monde et au-delà s'il le fallait. Mais... parfois, il était nécessaire de mettre les choses à plat. Il aurait peut-être dû penser à remettre une chemise, il aurait eu l'air plus sérieux.

« Je ne te demande pas de tout me dire, même si je pense en savoir déjà assez pour que tu saches que je peux tout encaisser. » poursuivit-il avec un sourire, sans détacher son regard de sa main. « Mais admets-le. Il y a quelque chose que tu ne me dis pas. »

Il releva la tête, plantant son regard dans le sien, avec un mélange d'inquiétude et de frustration. Il n'allait pas y aller par quatre chemins. Si elle pensait s'en tirer comme ça... il avait remarqué que quelque chose n'allait pas, il n'était pas si stupide. Il l'entendait dans sa voix, il le percevait dans ses gestes. Il adorait ses mystères, même si tout le monde ne le comprenait pas, mais il se demandait bien ce qu'elle pouvait encore juger utile de lui dissimuler. Après tout ce qu'elle avait partagé avec lui... il ne voyait pas ce qui valait encore le coup d'être caché.

Il suffisait parfois de simples petits mots pour déclencher un torrent d'aveux. Il ne s'était pas attendu à une telle réaction, il n'était peut-être même pas prêt à tout entendre, ou plutôt comprendre. Il la savait à fleur de peau, fragile, instable, mais il n'imaginait pas qu'elle avait... tant encaissé. Pour se livrer autant à cet instant précis, sur cette plage, cela voulait dire que ça durait depuis un moment. Quelque chose avait dû lui faire passer la limite, la mettre dans le doute, déclencher le mécanisme. Et elle lui exposait ses raisons de manière imprécise mais sincère. C'était tout Cassandre. Franche et délicate.

Elle aurait pu partager les pires horreurs avec lui ou l'assaillir de toutes les insultes que sa confiance en elle n'aurait pas été entachée. Elle le blessait peut-être avec ses mots, elle l'énervait certainement parfois, mais il prenait en compte le moindre de ses mots. Il l'écoutait. Et il savait qu'il en était de même pour elle. Ce n'était pas de l'un ou de l'autre qu'ils doutaient réellement... Leur famille était des plus anormales, il était habitué à se poser continuellement des questions sans avoir de réponses. Rien que le fait qu'ils soient ensemble n'avait rien de logique. Elle l'avait connu dans le futur, elle lui avait dit des choses qu'il ne devait sans doute pas encore savoir, dans une autre ligne de Temps. Ce n'était pas comme ça que ça aurait dû se passer, ou au contraire, c'était ainsi qu'ils étaient destinés. Etrangement, à ce sujet, il ne s'interrogeait jamais.

« Viens là. »

Il tendit ses bras dans sa direction, ne l'ayant pas quitté des yeux une seule fois pendant qu'elle parlait, même si son regard à elle chercha à le fuir à plusieurs reprises. Il s'approcha d'un pas et la serra contre lui sans attendre qu'elle le fasse d'elle-même, un de ses mains se perdant dans ses cheveux et sa tête allant se poser sur la sienne. Il se répétait son discours, l'enregistrait, le décortiquait. Il ne pouvait pas la rassurer, il n'avait pas les cartes en main pour pouvoir admettre que ses inquiétudes n'étaient pas fondées. Il avait même peur de les rendre encore plus vivaces en prononçant un mot de travers. Tout le monde commençait à se poser des questions. Lui aussi.

« Tu penses vraiment que je trouve ça super cool que Socrate soit revenu ? » prononça-t-il dans un murmure, un léger sourire au coin des lèvres. « Il va se remettre à me faire du chantage pour avoir son stock de lasagnes, je m'en serai bien passé. »

Il tentait vainement de détendre l'atmosphère pesante qui s'était installé, puisque c'était sa manière de fonctionner. Et de gagner du Temps, aussi, du Temps pour réfléchir. Il déposa un baiser sur le haut de son crâne avant de s'écarter, caressant ses bras en faisant descendre ses mains avant d'attraper les siennes. Ce simple contact le rassurait et le confortait. Sa seule présence, en réalité, était capable de lui permettre de tout voir plus clairement.

« Tout le monde a ses failles. Hyperion n'est pas une exception parce qu'il est un Titan, je pense même qu'ils sont les plus fragiles, finalement. Ils ont trop de poids sur les épaules. Trop de pouvoirs. Trop de vécu. »

Eux aussi. Lui, ses frères et ses sœurs. Il avait souvent eu cette réflexion, celle qu'ils n'étaient pas forcément chanceux d'avoir le droit à une vie aussi longue et remplie. Il n'était pas en accord avec le concept de perfection que Cassandre présentait. Pour lui, l'éternité était davantage une imperfection. Il fallait une fin à tout. C'était ce qui rendait les choses les plus simples si belles. Elles ne duraient pas.

Il avait peut-être réussi à garder les mêmes principes qu'auparavant, tout en ayant continué d'évoluer en vieillissant, mais ce n'était pas le cas de tous. Autant de puissance pouvait monter à la tête. Il suffisait de voir Zeus. Dolos. Poséidon.

« Je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'il fait. » finit-il par admettre, relevant ses yeux vers ceux de la jeune femme.

Ce n'était pas pour ça qu'il n'estimait pas le Titan ou ne le respectait pas. Il avait juste apprit à se méfier. Même sa mère en personne n'aurait plus le droit à son approbation constante. Et cette histoire de Sable Noir... c'était inquiétant. Déroutant. Perturbant. Le problème n'était pas de savoir ce qu'il cachait à Cassandre, ce qu'il préparait exactement, ce qu'il pensait... mais dans quel but ?

« Mais je vais garder ma place, tu le sais n'est-ce pas ? »

Il garda l'une de ses mains dans les siennes, se pinçant les lèvres avant de se tourner vers l'océan. Il ignorait si elle espérait vraiment qu'il démissionne, si seulement c'était bien le terme approprié, mais il ne comptait pas céder.

« Si il cherche à mettre en place un plan en faisant revenir les Gardiens à Olympe... C'est mieux que je le reste. Et je n'ai pas envie d'abandonner la Cité. »

Oui, il parlait de cet endroit comme si c'était une entité à part entière. Il se serait senti trop lâche de tout laisser tomber et de s'écarter juste parce qu'il n'avait pas toutes les cartes en main. Ou parce que certains considéraient qu'il ne faisait pas les choses comme il le fallait. Si le Titan n'était pas en accord avec lui, il pouvait toujours venir le lui dire lui-même. Et il n'y avait qu'en continuant de tenir le rôle qui était le sien qu'il pourrait en apprendre plus. Enfin... pas uniquement, c'est vrai.

« C'est risqué. » lâcha-t-il finalement d'une voix assurée, dans un hochement de tête.

Il connaissait les visions qu'il pouvait avoir et la part d'interprétation était trop large pour qu'on puisse considérer qu'il s'agissait d'informations pertinentes. Il n'avait peut-être connu qu'une seule expérience, depuis qu'il était... depuis qu'Emin était mort, mais il se doutait que ça ne changeait rien à la confusion que les fenêtres ouvertes sur l'avenir pouvait apporter.

Finalement, cet endroit n'était peut-être pas le plus approprié. Sans plus d'explications, il les téléporta à nouveau – ça faisait beaucoup de voyages, heureusement qu'ils n'étaient pas sensibles aux vertiges. Le temple s'imposait devant leurs yeux et il réalisa qu'il n'y avait pas mit les pieds depuis une éternité. C'était sans doute avec Aphrodite, la dernière fois. Est-ce que ça allait mieux, entre sa sœur et Cassandre ? Il en doutait grandement. Sa future femme était aussi tenace que son père.

« C'est toujours aussi classe ici. » commenta-t-il pour lui même, tout en liant ses doigts à ceux de la jeune femme.

Il se demandait si la statue de l'Oracle serait toujours présente, maintenant qu'il n'était plus vraiment là. Il avait demandé à tous les gardes d'abandonner l'endroit depuis son retour de ce voyage, pour ne pas l'apprendre si elle venait à disparaître. Il l'aurait senti si il avait été appelé ici, de toute façon.

« Je ne pense pas vous avoir déjà amené ici en rendez-vous galant, Mademoiselle la Prophétesse. » enchaîna-t-il d'un ton exagérément enjoué.

Comme pour se détendre et se conforter, il affichait un grand sourire en passant les portes du bâtiment. Pas d'hologramme ou de dragon énervé à affronter puisqu'il était ici dans le temple lui était consacré. Parfois il en venait à oublier le titre que portait Cassandre, pour s'en rappeler brusquement dans les secondes qui suivaient. Elle était encore plus exceptionnelle qu'elle ne le laissait paraître.

« Si on doit tenter de voir... quoi que ce soit, je pense que c'est l'endroit approprié. Mais tu sais mieux que personne qu'on ne devra pas faire de conclusions hâtives, si jamais ça mène à quoi que ce soit. C'est dangereux, de vouloir savoir ce qui va se passer avant même que ce ne soit arrivé. »

D'autres avaient perdu la tête à cause de ça... il ne voulait pas devenir pareil. Il préférait prendre exemple sur Emin, bien plus sage que Zeus et surtout bien moins tyrannique.

« Tu vas m'aider, n'est-ce pas ? »

Elle le connaissait. Il était curieux, impulsif et un peu inconscient, parfois. Elle n'avait pas besoin de demander, il acceptait avant même qu'elle ne pose la question. Il était prêt à le faire, si elle était là pour l'accompagner.

Soudainement, il regretta de ne pas avoir prit le temps de se rhabiller pour avoir une apparence convenable. Il restait là, aux côtés de Cassandre qui avait l'air bien moins étonnée que lui, tout en fixant Thémis avec un air sans doute trop ahuri. Il faut dire que lorsqu'il venait ici, généralement, il ne croisait personne. Les autres divinités ne venaient jamais squatter son temple, ou alors elles n'avaient jamais jugé utile de le lui préciser. Alors croiser une Titanide... autant dire qu'il ne s'y était pas du tout préparé.

Il ouvrit la bouche, perplexe, tandis que sa future femme était en train de la mettre dehors. C'était une façon brutale de présenter les choses mais c'était le cas. Elle ne lui disait pas de partir clairement mais lui faisait comprendre qu'elle n'était pas la bienvenue. Est-ce qu'elle l'était ? Il fronçait les sourcils, son regard passant d'une femme à l'autre. Il ne le savait pas lui-même. Sa présence ne le dérangeait pas plus que ça, ce n'était pas ce qui le ferait changer d'avis, mais si elle mettait Cassandre mal à l'aise, c'était mieux qu'elle s'en aille. Peut-être. Il n'avait pas prit le Temps de lui parler, il ne l'avait pas trouvé, il ne savait pas si c'était une bonne chose d'aller discuter avec Thémis, en réalité. Qu'elle souhaite apporter son aide était une bonne chose, il esquissa une moue approbatrice, reprenant un air plus solennel alors que la Titanide se concentrait sur lui.

Qu'elle évoque Emin avec tant de simplicité le fit frissonner. Il savait pour Gaia, mais il ne se rappelait pas avoir eu les détails quant à la façon dont le gamin que l'Oracle avait été était... devenu ce qu'il était. A moins qu'il l'ait toujours été. Rien que de l'imaginer enfant, ça le perturbait. Comme il avait été perturbé en apprenant que lui-même avait un jour mesuré moins d'un mètre vingt.

Oh, quant à la nature dangereuse de ce qu'ils voulaient faire, il en avait pleinement conscience. Trop, sans doute. Et si Artémis était là, elle le frapperait à l'arrière de la tête en le traitant d'idiot et d'inconscient qui prenait bien trop de risques pour les autres sans penser à sa propre personne. Elle avait totalement raison. Il était narcissique, mais pas égoïste. Il était trop vieux maintenant pour apprendre à doser chacun de ses côtés de sa personnalité.

« On est loin d'être prudents, soyons honnêtes. » rectifia-t-il à la remarque de Cassandre, un léger sourire en coin sur les lèvres.

Il ne fallait pas se leurrer. Il n'avait jamais tenté de forcer quoi que ce soit comme vision et il n'avait jamais cherché à en avoir du futur depuis qu'on l'appelait « jeune Oracle ». C'était pas assez répandu comme surnom pour le désigner d'ailleurs, il aurait dû forcer tout le monde à l'appeler « jeune Gardien Oracle ». Ou « beau gosse jeune Gardien Oracle ». Tellement de variables étaient possibles. Il secoua doucement la tête, baissant un instant les yeux. Soutenir le regard d'une Titanide, ça pouvait s'avérer complexe. Il était habitué à la présence d'Hyperion mais elle, c'était nouveau. Elle en imposait tout autant, en étant si différente...

« Attendez. »

Il avait prononcé ce simple mot comme instinctivement alors qu'elle faisait part de son départ. Il ne voulait, étrangement, pas qu'elle s'en aille si brusquement. Elle était là, après tout, autant qu'elle reste... encore un peu ? Cassandre n'était pas d'accord, il le voyait à son regard. Il prit sa main dans la sienne pour l'inciter à lui faire confiance, ou du moins à se détendre, parce qu'elle semblait sur les nerfs. Non pas que ce soit inhabituel mais elle devait avoir ses raisons pour ne pas vouloir de la présence de Thémis.

« Je pense que... Vous pouvez rester. » prononça-t-il tout en fixant Cassie de ses yeux clairs, un léger doute se percevant dans le ton de sa voix. « Vous êtes de la famille. Proche, en plus. C'est quand même... ton arrière grand-mère tu vois. C'est pas juste une Titanide. C'est un peu comme si Mnémosyne arrivait là, ce serait super étrange. D'ailleurs et je veux pas la voir, tout comme vous, je voulais pas trop vous voir, sans vouloir vous offenser, c'est compliqué toute cette histoire vous savez donc... »

Il se rendait compte que ses pensées se traduisaient bien trop à l'oral et décida de fermer la bouche, la plissant dans une grimace étrange en serrant davantage ses doigts à ceux de Cassandre.

« On doit l'inviter au mariage ou pas ? »

C'était une grande question. Il se demandait si la liste des invités s'arrêteraient un jour, il avait l'impression que plus le temps passait, plus il voulait convier de personne à ce qu'il s'imaginait déjà être la célébration la plus merveilleuse de ce siècle – après le mariage de Lily et Elliot, pour ne pas les froisser, ou disons à égalité.

« C'est pas le sujet. Pardon. »

Il s'attendait à ce qu'à n'importe quel moment, la jeune femme se remette à s'énerver ou à lui faire des reproches infondées. Mais Cassandre avait émit des doutes et plutôt que de garder ses interrogations pour lui, il était partisan du : tentons de mettre les choses au clair avant que ça devienne encore plus compliqué. Une technique difficile à mettre en place avec des Titans.

« On ne cherche pas à contrôler quoi que ce soit, nous. On veut juste comprendre. C'est très différent. L'envie de puissance ou de maîtrise, c'est Zeus qui l'avait. Je suis pas comme ça, je suis juste curieux. »

Il haussa les épaules, peu effrayé par la perspective de faire devoir faire face au Temps et à ses aléas. C'était même le contraire : il était impatient. Intrigué. Et la présence de Thémis donnait une toute autre ampleur à cet acte, en réalité. Si elle craignait qu'ils cherchent à avoir la moindre éclaircie, c'était une raison de plus pour le faire d'après lui.

« Vous comptiez nous aider comment ? C'est pas la peine de tenter de nous faire changer d'avis. Elle est tenace. Elle tient ça de son grand-père. »

Il osa un sourire à cette réplique, même si il était quelque peu gêné de le faire. Il se retrouva un peu penaud en constatant qu'il ne pouvait pas se permettre de critiquer Hadès devant sa propre mère. Ce serait déplacé.

« C'est une très grande qualité. » appuya-t-il, se raclant la gorge. « Il en a beaucoup d'autres. Comme... Il est... Il est maire vous savez, c'est un poste honorable. Je suppose. »

Il s'enfonçait. Apollon en avait pleinement conscience et pourtant il continuait. Il prit une nouvelle inspiration, tentant de remettre au clair ses idées. Il avait toujours tendance à s'embrouiller et à partir sur tellement de conversations différentes dans sa propre tête.

« Bon. Je dois m'installer où ? Je fais ça comment ? Est-ce que vous voulez boire un thé avant qu'on se lance ? »

Il n'y avait pas de fauteuil ici. Il y remédia immédiatement, faisant apparaître une toute petite table avec le nécessaire pour boire une boisson chaude en discutant du soleil et de la pluie. Entre autre. Ce n'était pas le sujet qu'il espérait aborder. Un canapé et un siège en cuir à l'apparence confortable étaient disposés à côté et, d'un geste galant de la main, il invita Cassandre à s'asseoir tout en faisant de même d'un signe de tête en direction de Thémis. Si Cassandre ne voulait pas que cette dernière s'attarde, elle pouvait toujours s'exprimer et faire part de sa contestation. Ils étaient bien loin de la croisière en tant que futurs mariés qu'il avait prévu, mine de rien. Est-ce que les gardes avaient comprit qu'ils devaient ramener le bateau à Olympe ? Il l'espérait.