« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
Allongé sur le dos, avec encore Balthazar à califourchon sur lui, Sherlock roula des yeux et soupira. Encore ? Décidément, cet imbécile manquait clairement d’imagination. Se laissant faire, sachant pertinemment qu’il ne le tuerait pas aujourd’hui, car ce n’était pas l’heure et le jour, le détective se mit à rire aux éclats quand la lame lui frappa la pomme d’Adam. « Vraiment ? Maintenant et tout de suite Graves ? Je te pensais plus… Sentimental. »
Roulant sur le côté, Sherlock enleva la poussière sur ses vêtements nobles et précieux. La plupart du temps, il détestait être sale. Vraiment. Regard autour de lui, l’alarme et les lumières s’arrêtèrent. La voix d’Eurus se fit entendre en haut de la maison. Quelle imbécile elle aussi. Trop perfectionniste pour faire les choses à moitié, le compte à rebour avait bel et bien un signification. Roulant des yeux pour la troisième fois, l’alarme cessa immédiatement. Etait-ce finalement du bluff ? Ca l’étonnait beaucoup. Les murs de la cave vibrèrent et une musique se mit à retentir dans toute la maison. Elle était sérieuse ? Les murs, constituaient comme la plupart des maisons américaines en lambris glissèrent sur les côtés, révélant une demi-douzaine d’arbalètes. « Eurus ! Tu te moques de qu... »
Mais il n’eut pas le temps de finir sa phrase qu’un carreau d’arbalète lui frôla la joue. Regardant ce dernier passer sous ses yeux au ralenti, ses narines se dilatèrent et une odeur de ciguë envahit ses narines. Sans réfléchir, Sherlock plaqua Balthazar au niveau des genoux pour le forcer à se mettre au sol alors que les carreaux volaient dans tous les sens. Encore proche du barbier, cette fois-ci il le repoussa de toute ses forces pour l’envoyer bouler plus loin. Roulant sur lui même, il se mit à dévaler l’escalier. Trois, c’était le nombre d’arbalètes encore chargées qui restaient. Si Balthazar avait été suffisamment intelligent, il l’aurait aussi remarqué et aurait fait comme lui : il aurait éviter les trajectoires de ces dernières sans problèmes. Arrivé en haut de l’escalier, Sherlock fut pris de vertige. Le couloir menant à la sortie était en réalité un trou, menant sur une partie de la cave qu’ils n’avaient pas vu. Des pieux et des squelettes étaient visibles, trois mètres plus bas, une chute lui serait très certainement fatale. Une voix résonna dans les hauts parleurs, celle d’Eurus, alors que la respiration de fumeur du barbier se fit entendre derrière lui. Au moins il n’était pas mort. « Le saut de la foiiii ! »
Clignant des yeux, Sherlock observa le trou, prit de vertiges. Le barbier toujours dans son dos, il se mit à réfléchir. Visiblement, il n’avait pas le choix. Un courant d’air passa dans ses cheveux, et à ce moment précis, il remarqua quelque chose. Un infime détail. Le tissu d’un des squelettes n’avait pas bougé. Normalement, avec ce courant d’air, il aurait du bouger, même en contre-bas. Ne voulant pas risquer sa propre vie, pour confirmer son hypothèse, il laissa Balthazar passer. Lui faisant un croche-patte et le poussant en avant, le barbier s’étala de tout son long en direction du trou… Mais comble du miracle, ce dernier sembla suspendu dans le vide, à plat ventre, le visage renfrogné. « Un trompe l’oeil... »
Passant par dessus le corps de Balthazar, qui allait certainement lui en vouloir encore un peu plus, Sherlock avança de sa démarche assurée et rapide vers la porte. Saisissant la poignée avec colère, cette dernière se trouva plus molle et visqueuse que d’habitude. Paralysé, il regarda le petit serpent tomber à ses pieds, entre lui et la sortit. Sifflotant joyeusement, ses pupilles dilatées l’observèrent d’un air curieux. Il haïssait autant la personne dans son dos que la bestiole devant lui. Fronçant les sourcils, Sherlock ne bougea pas, le visage blême. « Ca ne me fait plus rire du tout, Eurus... »
S’il en sortait vivant, il l’a frapperait comme à son 9ème Noël. C’était depuis ce jour qu’il avait la phobie des serpents. Cette petite maline en avait placé un dans un cadeau. Depuis, il détestait les Serpents ET Noël. Tremblant de tout son corps, il songea à rester là toute sa vie. Au moment où il voulut demander de l’aide à Balthazar, la porte s’ouvrit à la volée, et la lumière du soleil éblouit son visage. Un silhouette, indéchiffrable, en contre-jour lui faisait face. Sans rien dire, cette dernière sortit de son dos une canne élégante, et une lame sortit du bout de cette dernière. Dans un geste classe et sec, la lame coupa nette la tête du serpent. Soupirant de soulagement, Sherlock s’avança pour mieux voir son sauveur. Son frère, Mycroft, se tenait devant lui, sa canne ayant repris sa forme normal, un petit rictus moqueur était visible sur ses lèvres. Sortant à la lumière du jour, Eurus était en train de faire faire pipi à Frank, comme si de rien n’était. Bouillonnant de rage, Sherlock voulut se précipiter sur elle pour la frapper, lui tirer les cheveux et lui hurler dessus. Mais au lieu de cela, la lame jaillit à nouveau de la canne pour se placer directement sous sa gorge et l’immobiliser. « Allons, Sherlock, tu ne vas pas te mettre en quatre pour un petit reptile inoffensif, si ? »
Marquant une pause, comme il le faisait si bien, il baissa sa canne et observa Eurus, Sherlock et Balthazar d’un air dur. « Alors, on s’amuse bien ? On se retrouve ? C’est amusant ? » fit-il d’un ton plein de sarcasmes et d’ironies. Puis, se tournant vers Eurus, il déclara finalement. « J’aurai du me douter que c’était toi depuis le début. Sache que la personne âgé que tu as envoyé à la maison de retraite est un de nos informateurs. J’ai été envoyé pour vérifier quel était l’imbécile qui avait fait cela. Allons, ne me regarde pas comme ça Eurus, tu sais très bien que les personnes âgées sont les meilleures sources d’informations. Elles passent leurs vies aux fenêtres, et personne ne les soupçonnent. Et… Un question me vient à l’esprit… L’as tu fais exprès pour me revoir ? Une lettre ou un texto aurait suffi tu sais ? »
Bouillonnant de rage de voir ses deux frères et sœurs faire comme si de rien n’était, il bouscula Balthazar de l’épaule, comme s’était un accident, mais ne s’excusa pas. Il fallait que quelqu’un paie pour la bêtise humaine de sa famille.
Eurus J. Holmes
« Good and bad are fairytales. »
| Avatar : Keira Knightley
"Ce nouveau design, c'est juste pour moi ?"
"Ne faites pas comme si vous n'aviez pas envie de regarder..."
| Conte : Sherlock Holmes | Dans le monde des contes, je suis : : Eurus, la soeur de Sherlock
Peut-être y avait-elle été un peu fort avec le serpent sur la poignée ? C'était comme pour les arbalètes cachées dans le mur: Eurus savait que son frère s'en sortirait indemne. Il avait même réussi à garder le coiffeur en vie, ce qui prouvait la force de leur attachement. Il faudrait juste penser à récupérer les violons mais rien ne pressait. A peine étaient-ils sortis de la demeure qu'elle s'était verrouillée de l'intérieur.
Mycroft était arrivé sur les chapeaux de roue en zigouillant le pauvre reptile. A ce moment-là, Eurus avait ouvert la bouche pour protester, car elle avait "emprunté" la bestiole à quelqu'un et s'imaginait mal le lui rendre en plusieurs morceaux. Tant pis. De toutes façons, Sherlock n'avait jamais fait la différence entre un serpent et un orvet. Tout comme celui qu'elle avait caché dans l'un de ses cadeaux de noël lorsqu'ils étaient enfants, il s'agissait d'une espèce de lézard, et non de serpent, qui était parfaitement inoffensif.
La jeune femme s'efforce de s'intéresser au moment présent, même si observer Frank en quête du meilleur arbre près duquel se soulager lui semble plus intéressant que les monologues interminables de son plus grand frère. Elle l'écoute patiemment, l'air las, les mains sur les hanches, alors qu'il lui apprend que la personne qu'elle a écartée de cette maison était un informateur des services secrets. Elle hausse un sourcil peu concerné. Et alors ? Ce n'est pas son problème. Ils n'ont qu'à davantage surveiller leurs taupes, après tout.
Eludant ses questions sans importance, elle lance d'un ton désinvolte :
"Je sais très bien que les personnes âgées font les meilleurs informateurs. Ca fonctionne dans les deux sens, d'ailleurs. Je me souviens qu'à Soho, je me suis fait passer pour une grand-mère pendant plusieurs semaines, le temps de récolter des infos sur la mafia locale. C'est dingue comme les gens font facilement confiance à une vieille dame ! Ca m'a été très utile pour..."
Elle achève abruptement ses paroles sur un sourire espiègle. Ses frères espèrent-ils vraiment qu'elle leur révèlerait le but de cette manoeuvre ? Elle ne raconte jamais ses tours, excepté lorsqu'elle est persuadée qu'elle n'aura plus besoin d'un procédé en particulier, ce qui est extrêmement rare.
Mutine, elle croise les bras et pivote vers Mycroft.
"Tu te sentais tellement seul pour ne pas résister à l'envie de participer aux retrouvailles ? Je ne te croyais pas si sentimental. Sherlock et toi, vous êtes devenus sacrément faiblards. Il m'a fait une émouvante déclaration en bas, dans la cave. Je te passerai l'enregistrement, si tu veux."
"Inutile." réplique Mycroft d'un ton pincé. "Les effusions de notre frère ne m'intéressent guère."
Dommage, c'est un morceau d'anthologie. songe-t-elle.
Pourquoi leur grand frère ne s'intéresse jamais à ce qui les préoccupe ? Déjà étant petits, il existait un fossé entre eux.
Frank aboie gaiement pour signifier qu'il a fini et qu'il souhaite se promener. Eurus le laisse gambader devant et ajoute d'un ton détaché :
"Alors, quelle est la suite du programme ? Une joyeuse réunion familiale à Baker Street autour d'une tasse de thé ? On s'accorde une fin à la Miss Marple ?"
Elle ouvre la marche d'un pas énergique et presque dansant. Cela doit venir du fait qu'elle a fréquemment une chanson en tête. Cette fois-ci, c'est Waterloo.
"I feel like I win when I lose..." chantonne-t-elle d'une voix fluette.
"Wouawouahouuu !" jappe Frank avec un rythme étonnamment proche de "Waterloo", mais elle doit rêver.
"... couldn't escape if I wanted to!" achève-t-elle malgré tout.
Constatant que Sherlock traîne en arrière, elle retourne vers lui pour passer un bras sous le sien et l'entraîner d'une démarche allègre. Pourquoi boude-t-il sans arrêt ? N'a-t-il pas apprécié le petit jeu de la Maison Vide ? Elle craint que l'âge ne le rende ennuyeux. Elle va devoir remédier à cela. A moins qu'il ne s'agisse d'autre chose ?
"Tu fais la tête parce que ton Balthazar ne nous accompagne pas ?"
Elle a remarqué que le coiffeur s'est enfui comme une ombre pendant qu'ils discutaient, plusieurs minutes plus tôt.
"Il ne se sent sûrement pas accepté au sein de la famille, mais ça viendra." assure-t-elle avec une moue entendue. "Il faut que tu redoubles d'efforts pour lui faire comprendre qu'il est le bienvenu dans ta vie. Ca va être dur pour un sociopathe tel que toi, mais je vais t'épauler. A l'heure qu'il est, un bouquet de roses rouges l'attend chez lui avec un message de ta part. Il va adorer. Dans moins d'un jour, il sera à ta porte et vous vous roulerez des galoches comme dans Autant en emporte le vent."
Elle lui tapote le bras avec un clin d'oeil. Frank marche à leurs côtés, la langue pendante et la bave aux lèvres. Quant à Mycroft, il consulte son téléphone d'un oeil soucieux. Eurus se mord l'intérieur de la joue. Elle sait ce que ça signifie.
***
Quelques heures plus tard...
Comme elle l'a présagé, Mycroft a prétexté un empêchement et n'est jamais arrivé à Baker Street. Il est parti au détour d'une rue, emporté par une voiture noire aux vitres teintées. Eurus se doute que la véritable raison est qu'il ne souhaite pas perdre son temps inutilement. Etre à leurs côtés doit faire partie de ces moments futiles dont il n'a nul besoin. Ce n'est pas grave. Le thé a été agréable en compagnie de Mrs. Hudson qui l'a accueillie chaleureusement. Sherlock a continué de bouder, si bien que la jeune femme a estimé préférable de s'isoler un petit moment. Elle s'est rendue au grenier. Elle y a découvert un trésor de vieilleries sans aucune valeur. Qu'importe, elle aime les vieux objets. Elle s'y sent bien. Alors qu'elle s'amuse à toucher le plafond mansardé tout en passant en-dessous, son téléphone sonne. Elle lit le nom de l'émetteur et décroche, le visage fermé, pour plaquer le portable contre son oreille.
"J'attendais ton appel."
Silence à l'autre bout du fil.
"La situation est sous contrôle." assure-t-elle.
"En es-tu certaine ?" demande enfin son interlocuteur, plutôt tendu.
"Tu me connais, voyons."
"Justement."
Réplique cinglante. Elle roule des yeux. Puis passe son doigt sur une poutre pour en estimer l'envergure de la poussière.
"Il ne se doute de rien. C'est parfait. Je compte bien rester hors d'atteinte de son radar mental."
"Pour combien de temps ?"
"Autant que je le jugerai nécessaire. Je te préviendrai quand ça sera le moment d'intervenir. D'ici là, reste sagement à ta place. C'est un gros coup, probablement le plus sérieux de toute ma vie, alors je ne tolèrerai aucune anicroche. C'est bien compris ?"
Voix mesurée mais autoritaire. Petit soupir agacé à l'autre bout du fil.
"As-tu d'autres exigences ?" reprend l'homme d'un ton pincé.
"Pas pour l'instant. Mais on reste en contact, de toutes façons !" lance-t-elle d'un ton subitement désinvolte. "Je vais m'installer dans les combles de Baker Street. Ca me paraît être un endroit de rêve, une fois qu'il sera nettoyé et rangé. En plus, il est orienté plein Est ! Idéal pour observer les levers de soleil !"
Elle sourit à sa propre répartie, mais son visage s'assombrit en entendant les paroles de l'interlocuteur, las :
"Toujours rester proche de ses ennemis."
Elle raccroche d'un geste sec avant d'observer le grenier dans son ensemble. A travers les velux poussiéreux qui diffusent une lumière blafarde, elle entrevoit un très bel avenir. Redoutable, mais juste ce qu'il faut. "Oh, oh Waterloo finally facing my Waterloo Waterloo knowing my fate is to be with you."
Elle chantonne sans aucun entrain, une lueur insondable, malicieuse et inquiétante au fond des yeux.