A croire qu'on ne pouvait jamais être tranquille à Storybrooke.
Anastasia était en jour de repos et avait décidé de se balader en forêt avec Abigaëlle. Il faisait beau et elle savait combien sa fille aimait ces balades. Même si la petite famille avait - enfin - emménagé dans une maison de taille décente et plus au cœur de la ville, ils revenaient fréquemment dans les bois pour apprécier sa tranquillité.
Ce qui ne fut absolument pas le cas ce jour-là.
Sortie de nulle part, une voiture bleu marine manqua de renverser la mère et la fille. Anastasia avait tout juste eu le temps de pousser Abigaëlle vers le bas côté, histoire de prendre tous les dégâts si le choc devait avoir lieu. Ce qui ne fut heureusement pas le cas, pourtant, le cœur de la jeune femme ne parvenait pas encore à retrouver un rythme régulier.
La voiture, quant à elle, s'était garée et sa conductrice avait baissé la vitrine pour s'excuser. Heureusement ! pensa Anya, prête à lui sauter à la gorge et lui faire remarquer sa prodigieuse inconscience. Puis elle reconnut Carrie Wells, sa collègue, dont le don d'hypermnésie avait fait le tour du poste, et cette découverte fut telle qu'elle lui coupa - un peu - l'herbe sous le pied.
Se faire renverser par la police, on aurait décidément tout vu.
- J'espère bien, oui, tenta de plaisanter la profiler qui se remettait de ses émotions. Se faire tuer par la police, ce serait vraiment la meilleure, ça !
Mais la plaisanterie fut de courte durée. Les traits d'Anya reprirent leur sérieux quand Carrie lui expliqua la raison de son empressement.
- Tu as examiné le corps ? De manière approfondie, j'entends, précisa Anastasia. Parce qu'aller à New-York c'est une chose mais y aller en aillant le début d'un profil me parait un bien meilleur plan. Tu ne crois pas ?
Après avoir fait ce constat, Anya coula un regard vers Abigaëlle qui n'avait pas tout compris de la situation mais qui, heureusement, allait bien.
- Je ne veux pas qu'elle voit ça, reprit la jeune maman en posant de nouveau son regard sur Carrie. Je vais appeler Dimitri et ensuite tu pourras me montrer le corps. De toute façon, on ne pourrait pas la rattraper, je ne pense pas qu'on soit à une demi heure près.
La rouquine dégaina son téléphone et enclencha l'appel. Dimitri ne fut pas long à répondre et se pointa dans son vieux pick-up moins de dix minutes plus tard, l'air grave. Abigaëlle fut bien contente de voir son papa et ne rechigna pas à terminer la journée en sa compagnie exclusive. Anya prit alors place sur le siège passager de la voiture de Carrie.

A l'évocation de la sœur de Carrie, Anya se contenta d'opiner en silence. Elle ne connaissait pas vraiment le comment du pourquoi et aurait trouvé déplacé de poser la question. Mais, à voir la mine de Carrie, elle supposait que ladite sœur n'était plus de ce monde. Une raison de plus, songea-t-elle, pour ne pas en demander davantage. Après tout, elle aussi avait perdu des sœurs et si la situation avait été inversée, elle n'aurait pas souhaité qu'on la cuisine en profondeur à ce propos.
Les deux femmes avaient ensuite fait route vers la scène de crime dans un silence total. Il ne leur fallut cependant pas longtemps pour s'y rendre, ce qui empêcha ce silence réflexif de devenir gênant. Anya suivit Carrie jusqu'à l'endroit où le corps avait été abandonné sans ménagement puis commença son étude dans le silence.
Après quelques minutes, elle dit finalement :
- Vu la façon dont le corps a été jeté ici sans ménagement on peut en déduire trois choses. Premièrement, le suspect se fiche qu'on le trouve, peut-être par excès de confiance et opportunisme. Nous sommes dans la forêt, il aurait été facile de camoufler le corps voire de l'enterrer sans se faire prendre. Deuxièmement, le lieu n'a aucun importance. S'il avait représenté quelque chose il y a fort à parier qu'il se serait adonné à une sorte de rituel, ce qui n'est visiblement pas le cas. Et troisièmement, la victime n'a aucune valeur sentimentale. On pourrait presque la comparer à de la viande, conclut Anya, désolée.
Elle se baissa ensuite pour se retrouver à hauteur du corps et l'observer de plus près.
- Je dirais qu'elle avait entre 20 et 25 ans. Elle a été torturée, en témoigne les bleus et les éraflures. Certaines ont déjà partiellement cicatrisées, on peut donc déduire qu'elle a été séquestrée plusieurs jours, peut-être davantage mais pour le savoir il faudrait des examens complémentaires. Je ne vois pas de marques de piqûres qui indiqueraient qu'elle aurait pu être droguée mais elle a pu être médicamentée oralement. C'est l'entaille au niveau du buste qui l'a probablement tuée.
Anastasia s'efforçait d'adopter un ton neutre quand elle décrivait des scènes de crime. Elle faisait abstraction autant que possible de ses émotions afin de fournir le travail le plus objectif possible.
La jeune femme soupira puis se releva.
- Tu as été témoin de quelque chose ? demanda-t-elle à Carrie. Tu as vu qui conduisait le véhicule, peut-être ? Parce que les premiers éléments ne fournissent pas un profil très concluant. La victime était un petit gabarit. Une femme suffisamment sportive a pu s'occuper d'elle. Je ne vois a priori aucune trace d'abus sexuel, ni de mobile. En fait... on a pas grand chose en dehors de la plaque, déplora Anya. Tu as mis d'autres personnes sur l'enquête déjà ?

Carrie avait l'air tellement affecté qu'Anya lui pressa amicalement l'épaule comme pour l'assurer de son soutien alors même qu'elle n'était pas friande des contacts physiques avec des "inconnus". Elle savait cependant que certaines affaires pouvaient vous toucher jusqu'au tréfonds de votre âme et qu'un jour peut-être prochain elle se retrouverait peut-être à la place de sa collègue. Faire la part des choses n'était pas toujours évident, particulièrement dans ce métier. Anastasia aussi était touchée de voir cette vie brisée, presque littéralement, à leurs pieds et sans une once de décence.
Mais malgré son émotion et sa compassion, Carrie demeurait une excellente flic dont la réflexion qui suivit s'avéra on ne peut plus pertinente. Anastasia opina. De toute façon Storybrooke était une toute petite ville où tout le monde se connaissait. Ce genre de disparition, si elle avait eu lieu aurait fait du bruit.
- Oui, tu as raison, approuva la profiler. Tout le monde connait tout le monde à Storybrooke. Si quelqu'un avait subitement disparu pendant plusieurs jours, ça se serait remarqué et on en aurait eu vent. Notre suspect, en revanche, ne sait pas qu'il y a une ville ici... Et ça c'est une bonne chose pour nous ! s'écria Anya qui avait un sens aigu de la justice.
Néanmoins, les éléments de l'enquête restaient maigres. L'enthousiasme de Carrie, en revanche, ne flanchait pas. Ca aussi c'était une bonne chose. Elle était impulsive. Cela ne faisait aucune doute à Anya qui notait aussi sa dévotion envers son métier. La profiler se demanda si elle prenait parfois le temps de décrocher ou pas du tout. Elle eut l'impression que non mais la garda pour elle.
- Tu aurais eu du mal à l'expliquer, reconnut Anastasia. Tu aurais peut-être eu des remontrances, accessoirement, poursuivit la jeune femme. Mais quelque chose me dit que c'est pas ton principal souci.
Anastasia sourit d'un air complice. Puis elle reprit son sérieux quand Carrie usa de son "superpouvoir" d'hypermnésie pour lui raconter dans les moindres détails ce qu'elle avait vu : une femme brune et un homme tatoué d'un de ces tatouages qu'on voyait dans les gangs de New-York (toi aussi place des noms de films dans tes rps dans des phrases random).
- On dirait qu'on va quand même la faire ta course poursuite. Mais d'abord...
Anastasia sortit son téléphone et appela la morgue pour qu'ils viennent s'occuper du corps qu'elles ne pouvaient décemment pas laisser là. Elle en profita aussi pour demander les tests habituels et à ce qu'on l'informe quand ils seraient connus. Quand elle raccrocha la jeune femme rangea le téléphone dans la poche de sa veste et croisa le regard de Carrie.
- Ils sont prévenus au moins. Je te suis.

En fait, Anastasia et Carrie ne se connaissaient pas, ou alors juste de réputation. Tout le monde au poste avait entendu parler de son incroyable don de mémoire et, de fait, tout le monde la savait très compétente. Mais pour ce qui était du reste, Anya s'était contentée d'observer sa collègue et d'en tirer les conclusions qui s'imposaient. Sans chercher à dresser son portrait complet, elle n'avait pu s'empêcher de noter des éléments clés qui le seraient d'autant plus pour bien travailler avec elle.
- Téméraire, pas suicidaire, répéta Anya. Ca me convient parce que je compte bien rentrer en un seul morceau.
La rouquine avait toujours été déterminée à rester en vie et c'était peut-être ce qui, à l'époque, avait le plus agacé Raspoutine. Mais ce n'était pas parce qu'il avait changé que la jeune femme avait perdu cette motivation. Bien au contraire. Elle était à la fois déterminée à trouver les coupables et à rentrer saine et sauve dans sa petite famille.

Le trajet jusqu'à New-York fut suffisamment long pour permettre aux deux jeunes femmes de faire plus ample connaissance mais aussi de réfléchir au dossier sur lequel elles collaboraient. Anya avoua qu'elle n'était jamais allée à New-York et qu'elle aurait préféré que cette venue soit touristique, pas professionnelle. Même s'il y avait peu de chances qu'elles passent par les endroits clés de la ville. D'après le tatouage aperçu par Carrie, il ne faudrait pas chercher les suspects dans les quartiers huppés de la ville mais dans ceux qui n'attiraient en principe pas les touristes. Harlem. Le Bronx. Ce genre d'endroit.
Pendant que Carrie roulait, Anya étudia un plan de ville en gardant les quelques éléments qu'elles avaient déjà amassé pour essayer de réduire le périmètre de recherche. Elle regretta de ne pas avoir fait un crochet par le poste de police pour consulter les fichiers sur les gangs existants dans le coin, ce qui aurait aussi contribué à cette restriction. Mais peut-être que Carrie avait déjà consulté ces fichiers ?
Puisqu'elle avait une véritable base de données vivante à disposition, Anastasia tenta sa chance alors qu'elles approchaient de la ville.
- J'ai déjà pu réduire le périmètre de recherche à certains quartiers mais ce serait vraiment bien de savoir si ce tatouage que tu as vu est caractéristique d'un gang, d'une secte ou peu importe afin, le cas échéant, de faire de leur territoire notre première destination. C'est là que tes superpouvoirs sont censés rentrer en jeu, indiqua Anya sur le ton de la plaisanterie bien que réellement intéressée par ce dont ils seraient, ou non, capables.

Anastasia avait beaucoup entendu parler de l'hypermnésie de Carrie mais elle n'en avait jamais été témoin. Jusqu'à ce jour, du moins. A peine avaient-elles débarqué à New-York que sa collègue sembla partir ailleurs, dans un monde qui n'appartenait qu'à elle : ses souvenirs. Carrie était statique et son regard était dans le vague. On aurait dit qu'elle avait oublié pendant un temps que le monde gravitait autour d'elle. En tout cas, elle ne semblait pas consciente qu'Anastasia l'observait en se demandant quoi faire d'autre à part garder ses mains dans les poches de son manteau. La jeune femme se disait qu'il valait mieux attendre pour ne pas la brusquer. Mais ce fut la profiler qui sursauta en fin de compte quand Carrie revint à elle et au monde.
- Très pratique ton pouvoir magique, commenta Anya d'un air complice quand Carrie lui eut raconter où elle avait déjà vu le tatouage du serpent. Donc tu penses qu'il y a d'autres personnes de ton monde dans celui-ci ? Ou que c'est une coïncidence ? Je n'ai jamais entendu dire qu'il y avait eu des arrivées ailleurs qu'à Storybrooke, énonça platement la rouquine.
Elle papillonna des yeux plusieurs fois après la question de Carrie qui découlait de ces nouveaux souvenirs.
- Je suis profiler, fit-elle remarquer. J'ai un travail de bureau, pas d'action donc je n'ai jamais appris à tirer au pistolet. Mais, ajouta la jeune femme sur un air de connivence, j'ai tiré avec un genre de super arme très puissance pour anéantir un robot géant, ou quelque chose comme ça, une fois en Russie. C'était de l'impro totale, je ne suis pas sûre que ça compte, observa Anya.
Elle ne s'attarda pas davantage sur Overwatch et la Magic League car c'était une autre partie de sa vie. Maintenant, elle était dans la police et doutait que Dyson ait encore un jour besoin de ses compétences de russophones pour une de ses futures missions, si tant est qu'il en mène encore, d'ailleurs.
Anya chassa ces pensées de son esprit et retrouva un air plus sérieux.
- Tu penses que ce sera dangereux à ce point ? On aurait peut-être dû partir avec du renfort.