« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
La forêt… En général, c’était pour me ressourcer, faire le vide dans mon esprit que j’y venais. Pas cette fois. Cette fois, ce qui m’avait attiré dans les bois, ça avait été une aura que je n’avais pas senti depuis longtemps. Pitch, mon père… Il était de retour. Plusieurs questions m’avaient parcouru l’esprit quand je m’en étais rendu compte : était-il de nouveau lui-même, allait-il venir me voir ? Des choses sans importance. Et de toute façon, c’était profondément idiot de continuer à espérer compter pour lui, j’en avais eu la preuve : il n’était pas venu. Sa première création, son premier enfant, il s’en fichait pas mal.
La blessure passée, ma colère avait pris le dessus : j’avais attendu quelque temps puis j’avais décidé d’aller le voir. Encore une fois, c’était moi qui allait à sa rencontre, mais qu’importe ? Cette fois, je n’y allais pas avec une joie et des espoirs plein les yeux : j’y allais pour lui dire ma façon de penser et tourner définitivement la page avec lui. L’aventure dans le monde du clown m’avait montré que j’avais encore un problème à régler avec mon père, le retour de celui-ci tombait bien, on allait mettre tout à plat une bonne fois pour toute.
- Je compte donc si peu pour toi pour que tu te permettes de revenir en ville tout en m’ignorant superbement ? Demandai-je avec sarcasme en sortant des ombres pour apparaître devant lui.
Ce n’était pas du tout ce que j’avais prévu de dire à la base. Mais c’était une assez bonne entrée en matière. Trop mièvre certainement, mais bon, je ne pouvais pas non plus avoir toujours le bon ton, d’autant que je fréquentais Aster à présent et que le lapin avait tendance à m’attendrir. Une faiblesse qui ne plairait sans doute pas à Pitch s’il venait à le savoir. Encore fallait-il qu’il se rende compte qu’il avait sa fille devant lui et ça, franchement, j’en doutais !
J’avais déjà vu mon père en mode pathétique et complètement amouraché de sa blonde. Là, c’était autre chose. Pitch n’avait plus ce côté amoureux transit qui m’avait tant fait vomir par le passé, mais il manquait quelque chose. De la force ? De la combativité ? Je ne savais pas trop, mais j’étais persuadée qu’il y avait eu quelque chose. Je l’avais vu dans cet état une fois… Durant la défaite contre les Gardiens. Ou après ses échecs pour créer d’autres créatures de sable noir. Pourtant, je n’avais pas la sensation qu’il avait de nouveau un plan en tête et que ça n’allait pas parce qu’il ne pouvait pas mettre en place celui-ci…
Une mauvaise nouvelle. Bien sûr, ça justifiait totalement d’avoir abandonnée sa fille et de revenir mais sans aller la voir… J’allais me montrer compatissante et passer l’éponge. Mes fesses oui ! Contrariée, je croisais les bras sur mes poitrines et le fixai méchamment de mon regard doré. Il me connaissait assez bien pourtant, pourquoi me dire de telles choses ? Ce n’était pas ce qui allait m’attendrir, d’autant qu’il m’avait déjà exclue de sa vie bien avant d’en partir… Quand sa blonde était arrivée, je n’avais plus vraiment eu de place dans le charmant tableau familial…
- Le reste… C’est si… Sympathique de savoir que l’on fait partie du reste. Pas assez intéressante pour être parmi tes priorités. Et pourquoi d’ailleurs ? Parce que je ne suis pas blonde ? Dès que tu as été avec la blondasse, tu m’as mise de côté parce que je ne correspondais plus à la voie que tu voulais suivre. Ose me dire le contraire. Le défiai-je. Et maintenant tu voudrais tout recommencer, en père présent et tout le toutim ? Va te faire voir Pitch ! M’écriai-je. Ça fait un moment que nous n’avons plus de lien père-fille et c’est ta faute ! Et maintenant, tu reviens, la bouche pleine d’excuses vides de sens, pour me demander de reprendre à zéro ? Pourquoi ça serait aussi facile ?
Pourquoi tout lui serait facile alors que moi, j’avais dû lutter contre mon caractère et mes penchants les plus ténébreux. Je luttais encore d’ailleurs. Mais j’étais assez fière de moi, je ne l’avais pas encore attaqué alors que l’envie me démangeait depuis un bon moment. En plus, pourquoi je ferais l’effort ? Ce mec m’avait abandonné sans aucun état d’âme… Ça me foutait vraiment en rogne de constater qu’au fond, je voulais bien reprendre les choses à zéro, expérimenter ce que ça faisait d’avoir un père… Mais si c’était pour être déçue une nouvelle fois, non merci.
Il y avait des choses qui m’échappaient. Je ne comprenais pas comment il pouvait croire que j’allais l’accueillir ainsi à bras ouverts… C’était la seconde fois que j’étais celle qui faisait le premier pas. À chaque séparation, j’avais été celle qui avait pris les devants pour que l’on se retrouve. Est-ce qu’il le prenait en compte ? Sûrement pas non, sans quoi il ne me servirait pas ce petit discours qui m’horripilait. Bordel, j’étais Nightmare ! Je n’étais pas censée chercher la tendresse d’un paternel qui n’en avait visiblement rien à faire de moi ! Et jusqu’à présent, le seul acte de Pitch qui m’avait montré qu’il tenait à moi, c’était quand Yen Sid s’en était pris à moi… Pour le reste, ça n’avait clairement jamais été le père de l’année.
Mais je n’étais pas au bout de mes surprises. Pitch en vint à s’expliquer sur pourquoi il avait mis autant de temps pour renouer le contact avec son unique fille. Plus si unique que cela d’ailleurs… J’apprenais de la bouche même de mon père que j’avais eu un demi-frère, nait des machinations divines. Le fils des ténèbres et de la lune. Je crois que si je n’avais pas perçu une certaine peine et colère chez mon père, j’aurais éclaté de rire. C’était tellement… Merde, il avait lutté toute sa vie contre l’homme de la lune pour finir avec la déesse de l’astre et avoir un gosse avec elle !
- Si je récapitule, tu as caché à ta fille que tu avais un autre enfant et tu as abandonné ces deux enfants… Dis-je avec colère. Et après tu veux que je te crois sur parole quand tu dis tenir à moi ?
Pourquoi ne voyait-il pas ? Pourquoi ne comprenait-il pas qu’il m’avait fait énormément de peine en se barrant comme ça ? Et alors là, me balancer que je n’étais plus sa seule enfant pour expliquer son absence, franchement, j’avais énormément de mal à l’avaler celle-là… Mes yeux flamboyaient tellement j’étais en colère et la forêt s’était tue tout autour de nous. Les animaux devaient sentir que c’était un secteur à éviter et je ne pouvais pas leur donner tort. Je crois que j’étais prête à l’attaquer. À le frapper, de rage. Mais sa phrase suivante me stoppa encore plus net que toutes les paroles du monde. J’étais figée et je ne voulais pas écouter. Je n’en avais pas envie du tout mais tout mon corps refusait de bouger. Je voulais partir vite fait, aller dans le sens endroit où je me sentais en sécurité et appréciée. Pourtant je restais là à l’écouter.
- Mensonges… Tout n’était que mensonges alors ? Demandai-je avec difficulté quand ma voix me revint. Depuis longtemps, j’ai cru être importante pour toi… Avec la Malédiction et les changements qu’elle a apportés, j’en étais venue à te considérer comme un père. Un vrai père. Et toi… Pendant tout ce temps toi… Tu m’as caché des choses ! Tu m’as pris pour une imbécile ! Merde ! Je n’étais pas assez bien pour toi ? C’est pour ça que tu m’as tout caché ? Je ne suis pas ta fille de sang, je ne l’ai jamais été. Tu as eu deux enfants bien à toi… Je suis quoi moi dans tout ça ? Un prix de consolation ? « Oh, je vais me créer une jument de cauchemar, elle me sera bien utile ! Oh, la jument est devenue humaine, faisons comme si elle était ma fille et à la moindre occasion, je la jette » Est-ce que tu t’es dit des choses pareilles ? Merde ! Moi j’y ai réellement cru à ces conneries ! Je suis devenue humaine, j’ai appris à vivre comme telle, j’ai appris à vivre avec l’idée que mon père m’avait abandonné mais maintenant… Maintenant je ne sais plus. Et toi tu m’annonces tout ça comme ça… Je te déteste !
Sur ces mots, je me jetais sur Pitch. Je ne pensais même pas à utiliser mes pouvoirs contre lui tellement j’étais enragée. Je me jetais contre son torse que je vins à frapper avec mes poings alors que des larmes commençaient à s’écouler sur mon visage. Merde ! Je ne pleurais pas moi ! Je n’étais pas faite pour ça ! Je ne savais pas gérer toutes ses émotions, je n’y arrivais pas…
- Je te déteste… Marmonnai-je en glissant au sol en pleurs.
Il avait tout bousillé. Mes certitudes avaient volé en éclats et c’était de sa faute.
Bah voyons… C’était vrai ça, pourquoi s’excuser auprès d’une personne qu’on considérait comme sa fille de lui avoir caché qu’elle n’était pas la seule, qu’il avait eu des enfants de sang. Je n’étais rien, je commençais parfaitement à m’en rendre compte. Abandonnée par ma famille humaine pour qui je n’avais que peu d’affection, j’avais toujours cru que Pitch serait celui qui ne m’abandonnerait jamais, qu’il serait toujours là pour moi, qu’importe qu’on puisse s’éloigner un peu l’un de l’autre parfois. Mais clairement, ça ne fonctionnait pas comme ça.
- Tu as eu des siècles pour me parler de ta fille ! Ne me dis pas que tu n’aurais pas pu le faire !
C’était vrai. Il avait eu des siècles, tout le temps que nous avait pris la conception du plan contre les Gardiens, il aurait pu le dire. Complètement furieuse et me sentant trahie, je m’étais jetée sur lui, mais cet enfoiré n’avait même pas bougé ! Merde à la fin ! Est-ce qu’il pourrait manifester une émotion ? Un geste envers moi ? C’était trop demandé ? Sans doute puisque je n’avais le droit à rien… Juste à fermer ma gueule alors que j’étais entrain de lui crier ma peine en plein visage. Ça devait être ça la différence entre un enfant de sang et une créature. Une créature, on lui disait de la boucler parce qu’elle était trop conne pour comprendre les choses. Un enfant de sang, sans doute qu’il l’aurait déjà pris contre lui ou lui aurait parlé sur un autre ton…
J’étais effondrée, abattue et au sol mais il ne se rendait même pas compte qu’il ne faisait que m’enfoncer un peu plus. Il ne m’avait peut-être pas considéré comme une simple créature, n’empêche que je n’étais pas réellement son enfant si je l’écoutais. J’étais une alliée, une alliée de poids certes, mais une simple alliée. Je crois que si je n’étais pas autant prise dans un maelstrom d’émotions, j’aurais éclaté de rire. Un rire hystérique, partagée entre la colère et l’ironie de toute chose. Et lui ne voyait rien, continuant son petit discours merdique, comme si de simples excuses allaient changer quoi que ce soit…
- Tu as raison, je m’en fous… Ce n’est pas en me disant que j’ai été une alliée pour toi que ça va effacer le reste… Et tes excuses n’effaceront pas ton absence. T’étais passé où d’ailleurs ?
Peut-être que j’aurais réussi à comprendre qu’il soit parti après la mort de son fils. Mais il avait appris la nouvelle en revenant. Alors pourquoi être parti ? Je ne comprenais pas ce raisonnement…