Honey Lemon ne lisait pas de comics. Elle en comprenait le concept, elle savait que ça existait mais ça ne l'intéressait pas davantage. Pourtant, les propos de Michel-Ange éclairaient certains faits. L'appellation de sa planète, notamment. L'hypothèse la plus vraisemblable était donc que le Joker (et ses petits copains) qui avait envahi sa Terre connaissait les comics. D'où la façon dont il avait rebaptisé l'endroit. Pour ce qui était de Terre 3, ça restait de la fiction. Probablement flippante pour le lectorat, du moins, Honey pouvait le concevoir, mais absolument pas réelle.
La scientifique se promit de revenir là-dessus pour apaiser scientifiquement ses craintes (puisque Michel-Ange avait l'air particulièrement bon public) mais d'abord elle devait parler de tortues, le remercie et... finir dans ses bras ?
Les événements s'étaient enchainés bien trop vite pour que Honey ait le temps de comprendre ce qui se passait - en dehors du fait qu'elle avait presque renversé son thé, ce qui arrivait souvent quand elle s'emballait et arrivait aussi (ou manquait d'arriver, plutôt) avec des produits plus dangereux, parfois. Il était sans doute inutile de l'inquiéter pour rien en mentionnant ce détail.
- Waouh ! on peut dire que tu as de sacrés réflexes ! s'écria la jeune femme, trop occupée à être impressionnée pour capter la gêne du jeune homme. Mais tu sais, c'était pas la peine. Ca, ça m'arrive absolument tout le temps, je suis habituée. Avoue, tu peux pas t'empêcher de jouer les chevaliers servants avec les demoiselles, hein ? gloussa Honey sans se rendre compte qu'elle n'arrangeait pas la gêne de Michel-Ange.
C'était adorable. Honey avait lu sur le Twitter local que la galanterie se perdait et que les femmes, une partie, du point, mais un échantillon important tout de même à en croire le nombre de gazouillis échangés sur ce thème, le regrettaient. Statistiquement, Michel-Ange avait toutes ses chances.
Ca, pourtant, elle ne le mentionna pas car Honey n'avait pas de chiffres exacts (seulement des ordres de grandeur) à donner, ce qui aurait rendu son raisonnement bancal.
De toute façon, il avait fini de lire le planning et relançait la conversation.
Honey balaya ses excuses d'un revers de main. Elle n'était même pas certaine de savoir pourquoi il s'excusait. Elle prit ensuite bonne note de son conseil de recherche - même si ça ne touchait en rien à la chimie ou l'astrophysique. Mais elle restait toujours attentive quand on lui parlait, parce que c'était poli et qu'on ne sait jamais ce qu'on va apprendre.
Ou voir.
Une fois de plus, Honey et Michel-Ange étaient très proches mais cette fois ça n'avait pas l'air de le mettre mal à l'aise. Il lui montrait le plafond de la Chapelle Sixtine qu'elle avait déjà vu sur Google. Honey avait passé un temps fou sur ce moteur de recherche pour en apprendre un maximum et s'était aperçue qu'une grande partie de son Histoire correspondait à celle ci. Sauf que sa planète avait connu Troisième Guerre Mondiale. Et l'invasion nippone des USA. Mais pas la mort de Freddie Mercury en 1991. Ca, c'était vraiment dramatique.
- Il l'a pas peinte exactement comme ça, le nôtre, mais globalement c'est dans le même esprit. Oui, on a de l'art sur ma planète, évidemment ! Et... en fait, je voudrais pas te vexer mais... J'avais compris pour les prénoms. C'était assez évident donc j'ai pas posé la question, grimaça la jeune femme, désolée de casser son petit effet. Et puis avec un prénom comme le mien, tu te doutes bien que je vais pas faire de commentaire ! T'auras deviné que mes parents adorent la nourriture, pas vrai ? ricana la blondinette. Parce que Honey et Lemon, c'est assez parlant, je pense et pourtant j'ai pas de diabète et un bon métabolisme. En fait, nos mondes ne sont pas si différents, tu sais. Tiens, tu veux des exemples ?
La question était purement rhétorique et Michel-Ange n'eut pas le temps de répondre que Honey reprenait déjà :
- Chez nous y a eu une Troisième Guerre Mondiale juste après celle du Vietnam. Et les Etats-Unis ont aussi été colonisés par le Japon à une époque, d'où le nom de ma ville. San Fransokyo, c'est un vestige de leur passage. Mais tu l'avais deviné, j'en suis sûre. On a pas besoin d'avoir un diplôme et d'être chercheur pour être intelligent ! Ca par contre t'as pas l'air de le savoir et c'est un peu triste. Bref. Comme notre technologie est largement plus avancée nos découvertes le sont aussi et du coup Freddie Mercury aura 72 ans en septembre mais il n'a pas écrit The Show Must Go On parce que... bah il est pas mort, conclut Honey maladroitement.
Un ange passa et la jeune femme reprit une nouvelle fois la parole car quand elle était lancée c'était dur de l'arrêter :
- Ca m'a fait de la peine pour le vôtre. Vraiment. Vous êtes en 2018 et vous guérissez toujours pas le SIDA. Je trouve ça encore plus DINGUE que l'idée d'avoir le cœur de l'autre côté ! D'ailleurs...
Honey attrapa la main de Michel-Ange et la plaça nonchalamment au-dessus de son sein gauche.
- Tu vois ? Il est pas à droite, je suis pas le double maléfique de je sais pas qui je sais pas où. C'est que de la fiction. Je suis pas non plus une Dame du Temps de Doctor Who parce que j'ai qu'un cœur, pas deux. Mais ça aussi c'est de la fiction.
Sur ces bonnes paroles, Honey rendit sa main à Michel-Ange comme si de rien n'était. Pour elle, ce n'était que de la science. Elle aurait certes pu utiliser un Doppler pour lui prouver qu'elle avait bien le palpitant du "bon" côté mais il n'était pas dans la salle de pause.
- Si tu as d'autres questions, hésite pas.
Alors seulement Honey se rappela qu'elle avait une tasse de thé et la vida d'un trait avant qu'elle ne refroidisse davantage.

"Pas de panique ! Je suis là ! "

Penchant la tête derrière son téléphone, Michel-Ange écouta avec une attention toute particulière ce qu’elle lui disait. Parlant de la chapelle Sixtine, puis de Freddy Mercury, ses yeux devinrent alors de plus en plus gros. Manquant de tomber à la renverse, il analysa un peu ce qu’elle venait de dire… Il était le batteur de son propre groupe de Rock, et elle venait de lui annonçait clairement et simplement que l’un des chanteurs, compositeurs et musiciens les plus aimés et les plus regrettés de tous les temps était en vie chez elle.
Soudain ses yeux pétillèrent :

« Emmène moi sur Terre 2 !! Je veux le voir ! Absolument ! »

Puis elle lui annonça qu’il n’avait jamais cette chanson. Plissant des yeux, ça lui semblait logique. Mais un autre détail attira l’attention de l’ancienne Tortue. Fronçant les sourcils, elle parla de l’invasion Nippon sur les USA. C’était plus qu’étrange ça. Et de troisième Guerre mondiale. Frissonnant légèrement, il se mit à dire finalement rassuré :

« Pas de chance pour la Troisième Guerre mondiale… Nous on a eu beaucoup de micro-conflits meurtriers, mais rien de tel. C’est vraiment fascinant cette histoire… Ou plutôt FAS-CI-NANT »

Eclatant de rire, se moquant ouvertement de la jeune femme, tout bascula lorsqu’elle lui saisit la main pour la poser sur sa poitrine. Juste au dessus des nénés. Ouvrant la bouche et les yeux avec une terreur sans nom dans le regard, sa main se mit à trembler. Avec tant de force que finalement, elle n’était pas destinée à tomber sur le sein gauche, mais sur le coeur. Mais les tremblements furent tellement intenses qu’il toucha son sein gauche par accident à deux reprises. Vacillant en arrière, son dos heurta la table et il passa par dessus dans un grand fracas. Se redressa à une vitesse ahurissante, Michel-Ange resta prudemment de l’autre côté de la table. C’était bien qu’un objet comme celui là les séparent finalement.

« Désolé ! J’ai pas fait exprès ! J’ai un problème ! Je peux pas toucher les filles comme ça ! Enfin je veux dire, normalement je les touche pas comme ça. Je les touche pas tout court. Enfin, je veux pas les toucher ! »

Ca y est c’était reparti, il s’embrouillait totalement. L’observant vider sa tasse de thé d’un seul trait, il vit qu’elle se redirigeait vers lui. Suivant son mouvement pour bien rester à l’opposé de la jeune femme, Michel-Ange la suivit du regard. Sa curiosité était plus forte que tout, et il avait encore mille et une questions à lui poser.

« Ton monde a l’air vraiment merveilleux… Mais dit moi t’es une scientifique non ? Tu vois bien que euh… Euh… J’ai quelques soucis avec la gente féminine. Peut être quand dans ton monde, il existe un remède contre la timidité ! J’ai vu un psychologue, une fois. Il m’a dit que ça avait un rapport avec ma mère. Le problème, c’est que ma mère biologique, c’est une tortue, qu’elle a la cervelle d’une tortue et l’aspect d’une vraie tortue. Oui ca fait beaucoup de fois tortue, mais c’est le stresse qui parle. Alors forcément quand il m’a dit que c’était en rapport avec ma mère j’ai trouvé ça super dégueulasse tu vois… T’as pas une idée ? Est-ce que je dois porté un masque ? Est ce que y’a des produits qui existent ? »

Toujours de l’autre côté de la table, il consentit finalement à se rapprocher avec calme et prudence. S’avançant comme une biche, il fixa Honey d’un regard plein de suspicion. Allait-elle encore lui faire toucher ses seins ? Est-ce que toutes les femmes étaient aussi perverses que Figue ?

Honey Lemon n'aurait jamais cru que l'annonce de la non-mort de Freddie Mercury chez elle provoquerait une telle réaction et papillonna des yeux un certain temps, pas trop certaine de savoir quoi faire. Ceci étant dit, la jeune femme ne pouvait que partager sa joie puisqu'elle l'admirait énormément. Mais maintenant, elle hésitait à lui révéler qu'elle l'avait vu en live à San Fransokyo quelques années auparavant. Sa version "Terre 1" était décédée en 1991, ce qui, à en juger par le physique de Michel-Ange, signifiait qu'il avait peu de chances de l'avoir vu se produire sur scène. Ou alors qu'il ne faisait vraiment pas son âge, ce qui, dans l'absolu, était aussi possible bien que fortement moins probable.
La scientifique ne pouvait malheureusement pas promettre à Michel-Ange de l'emmener sur Terre 2. Déjà parce qu'elle ne savait pas encore y retourner elle-même et ensuite parce que pour le moment ce n'était pas l'endroit le plus sûr de l'univers - ou du multivers, vraisemblablement (car ce petit voyage prouvait bien que cette théorie farfelue était valable). Honey n'était pas certaine qu'il y avait beaucoup de concerts en ce moment dans ses Etats-Unis, d'ailleurs. Cependant, la jeune femme était d'un optimisme presque à toute épreuve et elle voulait croire qu'un jour prochain les choses iraient mieux.
En attendant, comme elle n'aimait pas les promesses en l'air, elle se contenta d'un sourire silencieux.
Mais ce sourire ne dura pas puisque Michel-Ange avait décidé de se moquer d'un de ses nombreux tics verbaux. L'espace d'une fraction de seconde, Honey le fusilla du regard, essayant vainement de paraitre menaçante (ce que d'ailleurs elle pouvait être si elle mélangeait les bons produits ou retournait les lois de la physique contre autrui) pour finalement exploser de rire elle aussi. Parce que c'était vraiment bien envoyé mais également très drôle.
- Tu le fais pas aussi bien que moi, précisa cependant la jeune femme, pour la forme.
Ca, c'était sans doute un truc que Tadashi aurait pu faire. Mais l'humeur était trop bonne pour que cette pensée, bien qu'amère, ne ternisse celle de la chimiste. Elle se sentait proche de Michel-Ange alors qu'ils n'étaient pas du même monde (littéralement et métaphoriquement) et se connaissaient depuis seulement quelques jours. Ils n'étaient pas non plus destinés à se revoir pour toute la vie non plus - comme toutes les personnes que Honey rencontrait dans ce monde. Et pourtant, elle ne pouvait s'empêcher de s'investir, dans cette ville, dans ce monde, pour et avec ces gens.
Peut-être garderaient-ils contact par email ?
Honey préférait vivre le moment présent et c'était la spontanéité de celui-ci qui l'avait conduite à prouver, de la façon la plus directe qui soit, qu'elle n'avait bien qu'un seul cœur. Certes, la scientifique ne s'était pas attendue à ce que ses doigts descendent aussi bas ni à ce qu'ils tremblent autant et, oui, d'une certaine façon c'était un peu gênant. Enfin, ça pouvait l'être. Michel-Ange était manifestement bien plus embarrassé qu'elle.
Et Honey n'en était pas surprise le moins du monde.
Pourtant, elle ne connaissait pas Michel-Ange depuis si longtemps. D'ailleurs, elle ne prétendait pas le connaitre par cœur mais s'il y avait une chose qu'elle avait remarqué, c'était bien qu'il n'était pas à l'aise en présence de l'autre sexe - le sien, en l'occurrence. Que les attributs qui le caractérisent lui fassent le même effet n'était en fait que la suite logique des choses. Une chose en entrainant une autre, l'affaire se termina en une impressionnante réaction en chaîne.
Honey avait envie de rire mais sentit que ça pourrait être mal interprété. Pour autant, elle ne pouvait se défaire de son sourire amusé.
- Relax, Max. C'est cool. Faut vraiment pas en faire toute une montagne, ça avait des risques d'arriver, c'est arrivé mais bon c'est pas comme si t'étais le premier à me tripoter un peu ! Non pas que... Enfin, bref c'est pas la question, ce que je veux dire c'est que c'est vraiment pas grave.
Il y avait peu de chances que Honey passe pour une nymphomane mais sa formulation n'avait pas été à la hauteur de ses points de QI... qui justement lui donna une idée un peu mesquine.
- Le tout c'est juste que mon copain l'apprenne pas, ajouta la jeune femme, l'air nonchalant.
Heureusement, avant que Michel-Ange ne fasse un arrêt (ce qui aurait été dommage parce que le défibrillateur n'était pas dans cette pièce - ni Baymax, d'ailleurs, qui était carrément dans un autre univers), elle reprit cependant :
- C'est une blague, t'en fais pas. Tu peux vraiment te détendre, je dirai rien à personne. C'est pas grave si t'es pas encore à l'aise avec les filles. Les statistiques sont là, certes, mais chacun a le droit d'y aller à son rythme. Ca viendra sans doute, sauf si tu préfères les garçons, ce qui est très bien aussi, hein !
Honey le gratifia d'un sourire sincère et écouta la suite de ses questions qui étaient à son image : vraiment touchantes. Malheureusement, la réponse qu'elle allait lui faire serait décevante. Et Honey en était bien désolée, ce qu'il pouvait lire sans peine sur ses traits.
- J'aimerais vraiment pouvoir te dire que ça existe mais, à ma connaissance, ce n'est pas le cas. Dans l'absolu, c'est probablement possible de t'ouvrir le crâne et de retirer un bout de cerveau pour voir si ça changerait quelque chose mais... Tu serais plus vraiment toi. Je veux dire, moi je t'aime bien comme ça.
Honey s'éloigna pour s'occuper de la vaisselle.
- Je suis désolée, ma dernière expérience n'était pas une bonne idée. Je pensais pas que ça te ferait cet effet. Tu sais, on a juste un chromosome de différence. Alors c'est vrai que physiquement ça se voit parce que notre pilosité et notre morphologie n'est pas la même mais... les hommes et les femmes sont pas si différents. Les femmes ne mordent pas plus que les hommes et elles n'attaquent pas non plus plus fréquemment. En tout cas, j'ai aucune preuve scientifique là-dessus.

"Pas de panique ! Je suis là ! "

Se redressant à la vitesse d’un suricate, il remit immédiatement tous les objets en place d’un air affairé. Bougeant dans tous les sens comme à son habitude, on aurait pu assimiler ça à une certaine forme d’hyperactivité. L’écoutant établir les faits, comme à son habitude, puis émettre des hypothèses, toujours comme à son habitude, Michel-Ange se mit à sourire comme un benêt.

« J’t’aime bien, t’es rigolote… Plus que Figue. Mais ne lui dit jamais. Et ne pose pas la question sur qui s’est. »

Hochant la tête et mettant un doigt sur sa bouche pour clore le sujet, il ferma les yeux dans une expression qui voulait dire « Non non non, pose pas de question sur Figue, tu l’as rencontreras bien assez tôt. »
Ouvrant à nouveau le frigo en se grattant le peu de barbe qu’il avait, il le referma, ne trouvant plus de soda au cola, sa drogue favorite.

« Hmmm… T’as raison, je préfère garder mon cerveau en entier… Moi aussi je t’apprécie beau cul, mais tu v... »

Montant rouge comme une tomate, Michel-Ange ne put plus aligner un mot de plus. La gorge serré, les bronches écrasées, il regarda Honey complètement paniqué. Il avait dit Beau Cul non ? Si si, il l’avait dit.

« Argh ! Pardon, ça m’arrive de plus en plus souvent ! Faut vraiment que je trouve la source de ce problème ! Oh, et non, je n’aime pas les hommes, je préfère les femmes… C’est encore Figue qui fait parcourir ses rumeurs ! »

Remettant un doigt sur la bouche, signalant qu’il ne fallait plus en parler, il hocha la tête de gauche à droite pour insister. Finalement, il murmura :

« Quand on parle trop de Figue, elle apparaît… C’est une amie à moi… Vous vous entendriez très bien… Elle a tendance à me faire des sales coups… Et elle aussi, me croit gay... »

Se mettant à côté d’elle, il entreprit de l’aider à faire la vaisselle. Ben oui, quand vous étiez élever dans une famille exclusivement d’homme, il fallait bien faire la vaisselle ! Mais non. Michel-Ange ne pensait pas ainsi. (Ni le joueur au passage xD). Il avait toujours trouvé ça complètement stupide. Son passe-temps favori avec Léonard, était de regarder les publicités et de noter tout ce qu’il y avait de sexiste. La palme d’or revenait à Liddle, avec leur formidable publicité sur le robot-cuisine, qui était rose, où l’on voyait la mère et la fille sourire à faire la tambouille. N’importe quoi. Lui aussi savait très bien faire les gâteaux. Lui aussi aimer le rose. Enfin, il préférait le orange.
Sortant de ses pensées simplistes, il observa Honey en biais.

« Alors comme ça t’as un p’tit copain ? T’en a d’la chance ! Moi j’aimerai bien me trouver une nana, mais tu vois, l’truc c’est que dés que je vois un genou ou un téton, je pars au quart de tour… J’ai même été obligé de boire pour me dépuceler ! T’imagine ! Et tu sais combien il faut de litre de Whisky à quelqu’un de génétiquement modifier pour être un peu joyeux ? 7 Litres ! J’ai passé 7 bouteilles de bourbon… Une horreur… »

Repensant à cette histoire, il fit la grimace.

« J’vois pas pourquoi j’te raconte ma vie. Si ça se trouve, elle ne t’intéresse même pas ! »

Puisqu'il ne fallait pas demander qui était Figue, Honey n'en fit rien, même si elle en avait envie. La curiosité était l'un de ses plus vilains défauts mais le fait que Michel-Ange la trouve rigolote avait de quoi détourner son attention. Et puis la jeune femme n'avait pas tout perdu : avec ce seul prénom elle pouvait déduire que Figue et elle avaient un point commun : leur prénom sucré. Honey était amusée de voir que dans ce monde aussi certains parents étaient un peu trop obsédés par la nourriture.
La scientifique continuait d'observer Michel-Ange et ses petits stratagèmes plus ou moins fins pour masquer sa gêne. C'était la première fois qu'elle rencontrait un garçon aussi timide, maladroit et adorable. Il n'avait probablement pas conscience de ce dernier point et il valait probablement mieux que Honey n'en parle pas. Cette histoire de cœur avait fait suffisamment de dégâts et peut-être plus qu'elle ne pouvait l'imaginer.
La langue qui fourche. C'était un phénomène fréquent mais potentiellement embarrassant, comme ce fut précisément le cas (sinon c'est pas drôle, hein). Pourtant, il n'y avait bien que Michel-Ange pour en rougir - et pas qu'un peu, d'ailleurs, c'était comme si les sept litres de sang qui irriguait son corps avait migré tous en même temps dans les vaisseaux de son visage. Honey, elle, trouvait ça marrant et gloussa de bon cœur, contente de savoir qu'il appréciait ses formes, même si sa blouse de scientifique les masquait. Avec un lapsus pareil, il n'aurait même pas eu besoin de préciser qu'il était hétérosexuel, en fait. C'était comme si son subconscient s'en était chargé pour lui.
- T'inquiète pas, les lapsus ça arrive à tout le monde ! assura vivement la jeune femme d'un sourire impeccable. Freud prétend que c'est l'expression du subconscient mais le consensus scientifique s'accorde plutôt pour dire que c'est une erreur aléatoire et que... parfois c'est vraiment très, très drôle, sauf pour la personne qui le commet. Y a aussi des linguistiques qui disent que les homonymies favorisent les lapus et, en l'occurrence, "beaucoup" et "beau cul" ça se ressemble un peu, phonétiquement. Mais sémantiquement ça n'a absolument rien à voir.
Honey Lemon était très convaincue par sa démonstration. Malheureusement, Michel-Ange semblait encore en train de déchiffrer sa première phrase alors elle reprit :
- Désolée, j'ai recommencé. C'était juste pour te dire que c'est absolument pas grave. Vraiment.
Honey sourit, de plus en plus intriguée par cette Figue, surtout si Michel-Ange, leur ami commun, pensait qu'elles s'entendraient bien. La question était : s'entendraient-elles bien uniquement à cause de leur prénom ? La scientifique chassa cette pensée grotesque de son esprit. C'était pas le moment, même si elle était trèèès curieuse et que c'était la faute de celui qui ne voulait pas en dire plus.
- Oh je n'ai pas dit que je croyais que tu étais gay. J'ai demandé si c'était le cas parce que je suis ouverte. J'ai lu sur Google que c'était pas légal partout dans votre monde et je voulais juste te dire que si tu l'avais été ça n'aurait rien changé. Freddie Mercury l'est aussi, les gays sont des gens très bien. Enfin... statistiquement il y a aussi de mauvaises personnes homosexuelles mais il y en a aussi dans la population hétérosexuelle donc... tout ça pour dire que tu peux vraiment aimer qui tu veux et que si F-I-G-U-E pense que tu es gay, c'est pas grave... Sauf pour draguer les filles, potentiellement, mais tu t'en sors bien mieux que tu ne le crois avec elle. Crois-moi.
Honey reprit son souffle et sa vaisselle. Des fois elle songeait qu'elle parlait un peu trop. Mais Michel-Ange ne s'en était pas plaint. Quant à elle, elle ne se plaignait pas de son aide avec la vaisselle. Au contraire.
En revanche, elle se serait passée de la question qui suivit. Quatre ans avaient passé mais le sujet restait épineux. Par chance, l'histoire de Michel-Ange était tellement incroyable - dans tous les sens du terme - et spontanée, voire carrément sans filtre, que la jeune femme resta bouche bée, à l'écouter, oubliant ce qu'elle avait en main. Il était déconcertant de sincérité.
Puis il s'en rendit compte.
Honey sourit et se remit à la tâche.
- Oh si, bien sûr que ça m'intéresse, assura la jeune femme. C'est vrai que je ne pensais pas en apprendre autant sur ta vie sexuelle mais c'est passionnant. Si ça t'embête pas j'aimerais bien noter cette affaire de litres de bourbon dans mon carnet. Uniquement pour la science. Ce sera totalement anonyme, promis, juré et je ne parlerai que du litrage d'alcool pas du contexte.
La jeune femme tourna alors ses gros yeux vers Michel-Ange dans l'espoir que 1) il accepte et 2) ne pense pas qu'elle ramenait tout à la science même s'il était vrai qu'elle en parlait beaucoup. Ca ne l'empêchait pas d'être humainement intéressée par Michel-Ange en tant qu'être, pas seulement en tant que sujet d'expérience.
- C'est pas facile de trouver la bonne personne, reprit la scientifique plus calmement. Mais tu es quelqu'un de bien, je t'assure. Ca se voit. Et pourtant je te connais pas énormément. Ca finira par arriver et quand ça arrivera ce sera fabuleux. Ca l'a été pour moi.
Un ange passa pendant lequel Honey se demanda si elle devait en dire plus ou pas. Puis elle se rappela qu'il ne lui avait rien caché parce que c'était ce que font les amis. A elle d'en faire de même :
- Tadashi. C'est comme ça qu'il s'appelait. Il est mort y a quatre ans à peu près. Alors crois-moi il risque pas de venir te frapper parce que tu as dit que j'avais de belles fesses ou toucher un de me seins. De toute façon c'était pas son style. Lui c'était un héros, un vrai. Ca l'a tué, d'ailleurs. Et voilà, maintenant c'est moi qui t'ennuies avec ma vie, conclut Honey avec un sourire complice.

"Pas de panique ! Je suis là ! "

Toujours en train de fixer Honey, il arrêta de se gratter derrière la nuque. Malgré le fait qu’elle ait une blouse, ses yeux de jeunes hommes arrivaient à percer les mystères de ce vêtement. C’était certainement ça. Ca avait été pareil avec Violette et les nichons au lieux des cornichons. C’était d’un gêne sans nom. Freud ou pas Freud, homonymie ou pas (quelle était donc cette étrange maladie d’ailleurs?). Essayant de reprendre ses esprits, il décida qu’il était temps de reprendre son courage à deux mains.

« Oh ! J’ai rien contre les homosexuels ! Ouais, dans certains états c’est interdit. Mais c’est pas grave tu sais, si certains veulent resté à l’âge de pierre, tu pourras jamais rien y faire ! Non au contraire, je trouve ça naturel. Ca a toujours existé, et c’est ainsi. C’est l’amour qui devrait être mis en avant, mais au lieu de ça, on préfère encore et toujours persécuter la différence… Enfin bref, on peut pas changer le monde, sinon ça fait longtemps que je l’aurai fait. »

Ricanant à sa propre petite blague, la tortue. Aussi, il poursuivit :

« Tu sais, elle fait juste ça pour me taquiner. C’est son passe-temps préféré. Oui, j’aimerai que ca reste secret pour l’alcool. Ca me permet de gagner pas mal de pari. Il paraît que les dieux, eux, ne ressentent pas l’alcool. J’ai jamais vu ça de ma vie, mais j’aimerai bien voir ! »

Souriant aux anges, ça lui donnait toujours un aspect d’imbécile. Tournant la tête, il observa un peu plus la salle de repos. Il n’aimait pas trop ce genre d’endroit. C’était toujours impersonnel. Les gens qui y travaillaient ne devaient pas trop aimer y vivre. C’était dommage. Ca jurait parfaitement avec leur pizzeria qui ressemblait à un bar-café-jeux. Plusieurs posters et affiches de cinéma y étaient entreposés, ainsi qu’une multitude de photo des clients habitués. Des flippers et des bornes d’arcades y étaient présentes, ainsi qu’une multitude de couleur. L’aspect terne de l’endroit lui décocha une grimace.
Lorsqu’elle lui parla de son histoire, des larmes montèrent immédiatement dans les yeux de Michel-Ange. C’était extrêmement triste comme histoire… Essuyant ses yeux la seconde d’après, il sentit également que son corps gagnait en tonus, en force et en vitalité de manière fulgurante. Fermant les yeux un instant pour calmer cette émotion, il revint quelques secondes plus tard à la normal. Tout allait bien…
Heureusement que le sourire de Honey l’apaisa complètement. Encore plus gêné, il trouva cependant la force de parler. Perdre son amoureux, c’était horrible… Enfin ca devait l’être. La gorge serré, Michel-Ange finit tout de même par arriver à articuler :

« Oh… Je suis sincèrement désolé ! Je savais pas. Je pouvais pas savoir. C’est assez triste. Très triste même. Ca doit être impossible à comparer avec quoi que ce soit… Je… Je sais pas quoi dire de plus. Je suppose que y’a rien à dire en fait… »

Toujours le regard dans le vide, il fut en proie à de multiples réflexions. Cela devaient être d’une souffrance sans nom. Et pourtant, on semblait en guérir. Du moins en apparence… Cette jeune fille devait être extrêmement forte. Bien plus forte que lui au final. Pour arriver à encaisser ce genre de chose, sans exploser. Sans basculer du côté obscur… A toujours sourire, toujours vivre à fond.

« T’as mon plus grand respect. Je sais pas où tu trouves la force de surmonter ça. T’as pas besoin de mutagène pour être une héroïne en fait… »

Toujours aussi gêné, il finit tout de même par reprendre un peu de poil de la bête et déclara :

« Enfin, c’est comme ça je suppose. Peut être que quand tu auras trouver assez de force intérieure, tu pourras passer à quelqu’un d’autre. Maître Splinter nous a toujours dit que la Mort n’était rien. Qu’il n’y avait que la puissance de l’âme. Il paraît même qu’on peut y survivre si on a assez de volonté, quand on est Maître Ninja… Mais même lui n’est jamais arrivé à ce niveau... »

Michel-Ange, un idéaliste réfractaire aux pensées archaïques. Il ne pouvait pas savoir à quel point ça lui faisait plaisir de voir qu'il était aussi bon qu'elle se l'imaginait. Il avait grand et bon cœur et, ça, ça avait de quoi mettre Honey de bonne humeur. Mais comme il y avait eu des tas de choses qui l'avait mise de bonne humeur, il ne verrait sans doute pas la différence...
Même si c'était dommage pour la science, Honey ne pouvait que comprendre que Michel-Ange veuille que sa résistance à l'alcool demeure secrète. On avait tous droit à ses petits secrets et les recherches que la jeune femme avait commencées ne comptaient pas réellement. C'était simplement du plaisir, un hobby, si on voulait. Honey pouvait bien se permettre de ne pas les compléter totalement. Mine de rien, cette après-midi lui avait déjà appris bien plus de choses que ce qu'elle pensait découvrir en arrivant à Stoybrooke !
- Elle a l'air marrante cette F-i-g-u-e, reprit la jeune femme comme si de rien n'était. Un peu spéciale mais marrante. Moi aussi j'ai des amis hauts en couleur. Ils sont sur Terre 2 mais je vais bientôt les revoir. Et c'est promis, je ne dirai rien pour l'alcool. Mais j'espère voir ça un jour, ajouta la blondinette avec un air complice.
Honey aurait peut-être dû préciser qu'elle voulait être simple spectatrice de ce moment mais la mention de dieux avait vite détourné toute son attention du reste.
Pas simplement parce que les dieux ne ressentaient pas l'effet de l'alcool (même si cela signifiait que leur métabolisme - et probablement d'autres choses - était différent de celui des humains ce qui était aussi normal compte tenu de leur espèce que fa-sci-nant) mais simplement parce qu'ils étaient des dieux. Honey ne savait pas quoi dire. Elle ouvrait des yeux ronds et abasourdis.
Des dieux. Dont l'existence était prouvée. Etait-ce à dire que cette planète était polythéiste ou ne croyait-on pas en eux au sens traditionnel puisqu'on les voyait ? Tant de nouvelles questions fascinantes qui s'offrait à l'esprit avide de connaissances de la chimiste.
Elle n'était cependant pas certaine que Michel-Ange puisse y répondre. Non pas qu'elle le trouve stupide, ça n'était pas le cas et ça n'avait rien à voir. Il n'était juste pas docteur ès théologie et les avait mentionné en émettant une pseudo-hypothèse que lui-même ne pouvait pas prouver.
- Et tu trouves pas ça juste DINGUE ? s'écria la jeune femme. Je veux dire ce sont des DIEUX dont l'existence est PROUVEE. Leur absorption de l'alcool on pourrait presque s'en foutre tellement tout le reste est ENORME !!
Honey se retint de justesse de secouer Michel-Ange pour s'assurer qu'il comprenait l'impact de ce fait. Il n'aurait peut-être pas compris pourquoi elle le secouait aussi vigoureusement et ils n'étaient probablement pas encore assez proches pour ça. Alors que Fred, lui, ne se formalisait plus de tout ça.
Du coup, elle se calma et préféra raconter sa vie à son tour. Confidences pour confidences, comme on dit. C'était d'ailleurs pas impossible que ce soit le nom d'une chanson des années 80 qui avait mal vieilli - comme beaucoup de choses de cette période.
En bref, Honey parla de Tadashi, ce qu'elle faisait rarement même si pas un jour ne passait sans qu'il soit dans son esprit - et son cœur, même si c'était purement métaphorique. Elle avait cependant estimé la confidence de Michel-Ange suffisamment intime pour rendre la pareille. Par contre, la jeune femme ne s'était pas attendue à produire pareil effet sur son ami. Elle l'observa un moment avec de grands yeux ronds avant de poser une main amicale sur son épaule.
- Eh, t'en fais pas ! T'as pas besoin de dire quelque chose ! T'y es pour rien dans tout ça. C'est la vie. Enfin, la mort plus spécifiquement. J'ai fait mon deuil, t'en fais vraiment pas pour moi.
A cela, Honey ajouta un sourire encourageant mais aussi touché par l'intérêt que Michel-Ange lui portait. Quelques instants plus tard, son sourire s'agrandit encore, si tant est que ce soit possible. "’as pas besoin de mutagène pour être une héroïne en fait…" Honey aurait presque pu en faire un tee-shirt. D'ailleurs, l'idée n'était pas à exclure, elle la gardait de côté. Ca pourrait être utile pour partir sur Terre 2 régler tous les problèmes que connaissaient son monde. Pour autant, la scientifique ne s'était jamais imaginé comme tel. Une héroïne. Ce n'était pas ce dont elle rêvait la nuit. Elle, ce qu'elle désirait le plus, c'était être une scientifique de renom.
Mais pour l'heure, la jeune femme devait être une amie et il semblait que son ami avait besoin d'un câlin. Alors Honey ne se fit pas prier pour l'enlacer un long moment.
- C'est vraiment très gentil à toi de prendre ça autant à cœur ! Toi, t'es un type bien ! conclut la jeune femme en le relâchant avant d'écouter les pensées de Maitre Splinster.
Honey y songea un moment puis reprit :
- Il a des idées très intéressantes, ton maître ! S'il a raison, je peux t'assurer que l'âme de Tadashi flotte quelque part parce que la sienne... disons qu'elle était vraiment spéciale, conclut la jeune femme, rêveuse et nostalgique.
Parfois elle regrettait presque d'être cartésienne parce que ce n'était pas tellement compatible avec les croyances.
- Franchement, tant que j'ai un labo, mon cerveau et des amis, j'ai pas besoin d'un petit copain. Je dis pas que je dirais non si l'occasion se présente mais... ça va. Je suis loin d'être seule. Ca a été difficile, oui, mais pense à sa famille. Il avait un petit frère et une tante, quand même. De toute façon, avec tout ce qu'il se passe dans ma vie actuellement j'aurais pas le temps pour flirter et ce genre de trucs. En plus je très nulle pour ça. Alors ça viendra... Plus tard.

"Pas de panique ! Je suis là ! "

D’abord surprise, Honey se colla à Michel-Ange pour lui faire un câlin. Il y eut dans l’esprit de la jeune tortue une sorte de black-out. Hormis quand il se battait avec Figue pour du chocolat, il n’avait jamais été aussi proche d’une fille. Ne voyant rien d’autre que des petits Michel-Ange qui dansaient dans sa tête au rythme endiablé d’une musique folle, il eut encore ce sourire bêta, qu’il réservait d’habitude aux amis intimes. Prenant conscience du câlin, il se recula et s’échappa comme une anguille. Se mettant discrètement à l’opposé de la pièce, il se saisit d’une pomme à l’aveuglette dans le panier de fruit posé sur la table. Tellement perturbé, la pomme rata sa bouche et il la prit en plein dans le nez. Fronçant les sourcils, il recommença en se concentrant. Croc. C’était bon. Dans le reflet de la pomme luisante, la tortue pouvait voir qu’il était tout rouge. Étonnamment rouge, car la pomme, elle était verte. Avalant, il déclara en reprenant courage :

« Ouais. Des dieux, des vrais de vrai. Ceci dit j’en ai pas vu de mes propres yeux, mais ils existent bel et bien. Certains sont sympa, d’autres beaucoup moins… Enfin, ils ne sont pas trop pénible, et on peut discuter avec eux… Je me demande même si ce sont réellement des dieux. Je pense qu’ils ne sont pas du même monde que nous, mais qu’ils ont été divinisé par les hommes à un moment donné… Après tout, même moi je peux devenir un Dieu aux yeux de certains regarde... »

S’élançant à vive allure, il fut bientôt à quelques centimètres de Honey. La soulevant comme un sac de plume, il la posa sur une chaise. Saisissant la chaise à deux bras, il l’envoya cette dernière avec Honey dessus à l’autre bout de la pièce. Sautant sur la table et courant à vive allure, il l’a rattrapa de l’autre côté sans encombre. Souriant et la reposant au sol en douceur, il dit :

« Et voilà ! Michel-Ange dieu de la Force ! »

Montrant ses biceps de manière exagéré, il éclata d’un rire cristallin et honnête. Terminant sa pomme, il envoya le trognon directement dans la poubelle sans même la regarder.

« Question de point de vue ! »

Puis reprenant contenance, il la fixa et déclara d’un air rassurant.

« Ne t’inquiète pas. On retrouvera tes amis, j’en suis sûr. Avec le cerveau que tu as, ca devrait le faire. Puis la technologie, c’est juste des matériaux de base et de la cervelle utilisée à son maximum. La cervelle, on l’a, il ne nous manque plus que les matériaux ! Je pense que ta Terre ne devrait pas être si différente de la notre. Si t’as un coeur, deux bras, deux jambes, ca devrait le faire de ce côté là. Je pense que c’est qu’une question de temps avant qu’on trouve un moyen d’y aller ! Rassure toi, tout s’arrange. Puis tu m’as rencontré, je suis un sacré veinard tu sais ! »

C’était vrai. Il attirait la chance comme on attire les mouches avec du vinaigre. Il était partisan de cette théorie qui disait qu’il arrivait toujours des choses merveilleuses aux gens bien. Et Honey faisait parti de ceux là. C’était même une évidence. Se saisissant d’un ordinateur, il l’alluma avec joie et commença à déclarer d’un air enjoué :

« T’as besoin de quoi ? Le seul soucis dans ce monde, c’est l’énergie. On a un grave retard. On est encore sur le nucléaire et les métaux lourd. D’après Donatelo, c’est un plaie. Parait que la fusion nucléaire c’est bien plus puissant, et ça pollue pas. Mais l’problème c’est qu’on a la trouille de ce lancer. Ca créer des trous noirs. Et crois moi, ça, ça craint vraiment. Le problème c’est que si on commande de quoi faire une fusion nucléaire, on peut se retrouver avec le gouvernement au cul. Et comme tu l’as si bien vu avec l’homosexualité, on est un peu arriéré et on protège nos intérêts… Que les dieux bénissent les Etats Unis d’Amérique ! »

Honey écouta attentivement les spéculations de Michel-Ange sur les dieux et en prit bonne note mentale. Elle espérait avoir le temps d'en rencontrer au moins un (un conciliant, de préférence) avant son retour dans son monde afin de pouvoir lui poser toutes les questions qui lui venaient à l'esprit (et, croyez-moi, y en avait un paquet).
Ceci étant dit, la jeune femme était déjà très heureuse des rencontres qu'elle avait faites à Storybrooke depuis ces quelques jours. Elle n'aurait su dire combien de mondes existaient mais elle était certaine d'une chose : parmi tous ces mondes et ces univers, il n'y avait qu'un Michel-Ange comme celui en face d'elle. Et ça, c'était quand même une sacrément bonne découverte, sans impact majeur sur la science mais avec un impact majeur dans la vie de la jeune femme.
Même si elle espérait quand même pouvoir interroger un dieu sur ses capacités.
Pour le moment, elle faisait littéralement les frais de celles de Michel-Ange et c'était à peine croyable. Tout se passa tellement vite que Honey n'eut même pas eu le temps de dire fa-sci-nant que l'expérience était déjà terminée.
- Waouh c'était absolument géniaaaaaaaaaaaal ! Tu déchires, Michel-Ange le Dieu de la Force ! s'exclama la jeune femme en bondissant de sa chaise quand celle-ci eut atterri. On recommence quand tu veux, on peut même me lancer plus loin pour évaluer ta distance maximale !
Honey était bien sûr trop intelligente pour ignorer que pareille expérience pouvait aussi se faire à ses dépends.
-T'inquiète, j'ai tout prévu : je porterais un casque et des genouillères si on fait ça, précisa-t-elle alors pour rassurer le jeune homme.
La scientifique était vraiment emballée par cette nouvelle idée - peut-être un peu trop pour sa propre sécurité. Mais qu'était la sécurité de sa petite personne face à l'amour de la science et de l'expérimentation ? Franchement. Honey n'avait pas l'habitude d'être le cobaye de ses expériences, ce qui participait sans doute à son enthousiasme.
Un enthousiasme qui avait probablement quelque chose d'effrayant, à bien y réfléchir.
Honey se calma un peu et sourit à Michel-Ange. Adorable qu'il était, il pouvait être tellement plus que le "dieu de la force".
- Oh ça c'est sûr, j'ai de la chance d'être tombée sur toi, assura la jeune femme, convaincue, en réponse à son positivisme à toutes épreuves. Ou c'est moi qui te suis tombée dessus ? Tu sais quoi ? Je m'en rappelle pas alors on va dire que c'est pas important, conclut Honey dans un haussement d'épaules.
Ce qu'elle n'avait pas prévu, c'était qu'il soit subitement très motivé à lui dénicher tout ce dont elle aurait besoin pour repartir - même de l'uranium. La jeune femme ne l'avait jamais vu s'emballer autant ni parler aussi vite mais, en même temps, elle ne le connaissait pas depuis si longtemps.
La scientifique enregistrait chaque information qui sortait de sa bouche : le nucléaire, les métaux lourds, les trous noirs, le gouvernement et les fesses. Ce dernier point l'amusa. Michel-Ange ne restait pas totalement sérieux trop longtemps et cela faisait son charme.
Après un temps, la jeune femme reprit la parole et avoua :
- En fait je ne sais pas encore de quoi on aura besoin pour retourner sur ma planète et potentiellement la sauver. On va trouver, ça c'est certain. On est plusieurs cerveaux brillants sur le coup. Je pense pas qu'on va pouvoir réitérer le coup du mail, par contre... En tout cas, ne commande pas de matières radioactives, d'accord ? C'est sensible, ces trucs-là et je ne saurais où les stocker si on en avait.
Honey préféra éloigner l'ordinateur de Michel-Ange, des fois que. Puis elle se laissa tomber sur une chaise et un soupir lui échappa.
- En fait je devrais peut-être m'y remettre au lieu d'en apprendre plus sur le mutagène. Sans vouloir te vexer. Parce qu'avant de commander du matériel, il faut des idées et hormis celles qui permettraient de tester ta force, j'en ai pas, grimaça la jeune femme. Point positif : sur cette Terre Violette est en sécurité. Point négatif : tout reste à faire. T'es vraiment pas obligé de m'aider, tu sais ? Mais j'apprécie vraiment.

"Bonjour Mademoiselle, vous habitez chez vos parents?"

Quand elle se mit ainsi dans la chaise, affalée devant tant de poids, Michel-Ange baissa les bras. Au sens propre comme au sens figuré. L’observant avec intensité il finit par reprendre du poil de la bête. Elle pouvait enfin le voir sous son grand jour. C’était une véritable pile électrique. Se saisissant du tableau de conférence, il arracha la page avec des schémas de chimie organiques auquel il ne comprenait rien. Puis il écrivit rapidement, d’une écriture penchée et propre :« Brainstorming ».

« Allez on va pas se démoraliser ! On va trouver un moyen ! Oh je sais ! Je vais faire venir mon frère intelligent ! Il m’en doit une ! A vrai dire ils m’en doivent tous une ! Ca va être cool ! »

Se saisissant de son téléphone, il envoya un texto. Elle ne pouvait pas le voir, mais il disait : « Viens de toute urgence au laboratoire suivant. C’est méga important. » L’envoyant à Donatelo, il se tourna ensuite vers Honey en disant d’un ton enjoué :

« Tu vas voir ! Dony, c’est l’meilleur ! P’t’être qu’il est même plus intelligent qu’toi ! »

Ravi de faire son petit effet, il commença à dessiner deux terres. Il dessinait plutôt bien. Mais ça ne les avançaient pas du tout. Au bout de quelques courtes minutes, un jeune homme rentra en trombe dans la salle de repos. Un sac à dos en bandoulière, il était rouge comme une tomate, et semblait épuisé. Quand il vit Michel-Ange en train de sourire comme un con et dessinait comme un gamin, un éclair vif de rage passa dans ses yeux :

« Putain ! T’es vraiment trop con ! On s’est fait du soucis ! On pensait que t’avais encore un problème Mikey ! Et j’te vois en train de roucouler en faisant des dessins ! Je vais te casser la gueule ! »

Raphaël se dirigea vers la table, pour s’élancer vers Michel-Ange et mettre en pratique ses menaces. Activant à nouveau son mutagène, il passa derrière le tableau dans un salto arrière et sauta à travers la salle de repos d’un seul bond immense pour se mettre hors de portée.

« Mais t’es malade de faire ça devant elle ! On l’a connaît pas ! Tu connais le protocole imbécile ! Tu vas voir... »

« Calme toi Raphaël ! Calme toi ! On peut lui faire confiance! C’était pas toi que je voulais en plus ! C’était Dony ! Il nous faut la tête ! Pas les muscles ! »

A cette réplique, son frère lui envoya son sac en travers du visage. Se baissant au dernier moment, il heurta le mur dans un bruit sinistre.

« Héééé ! T’as pas l’droit ! Mais maintenant que t’es là tu vas nous aider ! Tu te rappelles quand je suis venu te chercher tu-sais-où parce que t’étais bloqué et que tu voulais pas que les autres soit au courant ! Ouais fais pas l’innocent, tu t’en souviens très bien ! Tu m’as dit que tu m’en devais une ! Alors ce jour est arrivé frangin ! Tu te mets derrière elle, et tu l’as masse ! Et tu dis bonjour aussi ! Ou je cafte tout aux autres ! »

Les poings de l’immense Raphaël se serrèrent de colère. C’était le plus fort de tous. Peut être même que Maître Splinter. Mais il manquait d’imagination, et il était bien trop sujet aux coups de sang. Il n’était pas stupide, non. Il devait être aussi intelligent que Michel-Ange. Mais il était beaucoup moins sympathique de prime abord. C’était son opposé parfait. Remarquant enfin la présence d’Honey, il lui adressa un sourire bien plus que charmeur. Et voilà, on y arrivait… Si lui était extrêmement timide, c’était pas le cas de son frère. Avec un sourire en coin dragueur, il finit par déclarer d’un ton amusé et solennel :

« Désolé Mademoiselle… Que vous voulez, nous sommes des frères… »

Puis il passa derrière elle et commença à la masser. Fixant sur les nerfs principaux, ceci avait pour effet de la détendre divinement bien. Fronçant les sourcils, Michel-Ange vint se replacer avec prudence proche du tableau, à une bonne distance de son frère pour repartir en esquive si jamais il engageait à nouveau une bagarre.

« Hm… Bien ! On en était où ! Ah oui ! Un moyen de rentrer chez toi ! Bon le mieux je pense c’est qu’on trouve ce qui lie ta Terre et la notre. Il doit bien y avoir des passages, comme dans le monde des contes. Ca doit bien marché pareil… Le mail devait être un point de passage, mais j’pense qu’il fonctionne plus. Faut en trouver un autre. T’as des idées ? »

Raphaël, concentré sur les épaules d’Honey haussa les sourcils d’un air un peu bêta :

« On pourrait la mettre dans une boîte aux lettres, si elle est venue dans un mail la première fois... »

Se frappant le front avec sa main, il déclara avec impatience.

« C’est à elle que j’parle ! Toi t’es là pour masser ! Quand on voudra parler de taille de soutiens-gorge, ou des dernières prises de Nunjitsu, on viendra te voir ! Contente toi de masser et oublie pas ta promesse ! »

Grommelant, Raphaël poursuivit son office, fixant Michel-Ange avce un air qui signifiait :  « Tu perds rien pour attendre ».