« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
Je rencontrais quelques difficultés à retrouver une certaine cohérence dans mes pensées, surtout qu'Hypérion ne m'aidait pas du tout à reprendre le contrôle de moi-même. Il venait de faire une démonstration vocale des plus étonnantes. J'en étais encore toute étourdie. Je saluai sa prestation d'applaudissements frénétiques, le dévorant des yeux. Puis, je laissai échapper un petit rire, repensant à sa façon de se persuader qu'il n'était pas sensible à la boisson qu'il avait bue. Pourtant, il semblait plus spontané et désinvolte depuis quelques minutes.
"Je t'aime beaucoup comme ça." déclarai-je en m'approchant de lui.
J'avais attrapé sa cravate pour l'attirer doucement vers moi, tirant dessus tout en l'enroulant tranquillement autour de ma main.
"Beaucoup, beaucoup plus." lui confiai-je en hochant plusieurs fois la tête.
Moi aussi, je m'aime mieux comme ça. réalisai-je avec amusement.
Je jouais toujours avec sa cravate qui ne servait plus à grand-chose étant donné qu'il s'était délesté de sa chemise quelques instants plus tôt -chemise, que j'avais attrapé au vol en poussant un cri hystérique.
"Je n'ai rien compris à ce que tu as chanté, mais c'était beau." fis-je avec un sourire niais. "C'était comme toi. Bizarre et merveilleux."
Mon sourire s'agrandit alors que je renversai ma tête en arrière afin de mieux le regarder. Il était si grand, et moi toute petite... Je me sentais enveloppée toute entière par son aura rassurante. Je ne connaissais pas de sentiment plus agréable.
Je lâchai enfin sa cravate pour passer mes mains dans sa nuque et le rapprocher davantage de moi. Cette chambre était parfaite, ce moment était le nôtre. Peut-être n'aurions-nous plus jamais l'audace de...?
Mes lèvres se posèrent contre les siennes, alors que j'avais l'impression que les parcelles de mon corps nu s'embrasaient au contact de son torse. C'était à la fois effrayant et... inexplicablement exaltant. Sa bouche avait un goût de thé et de petits biscuits. Mes mains s'agrippèrent à ses cheveux quand la porte s'ouvrit brusquement. Je n'interrompis pas notre étreinte tout de suite. L'apocalypse -qui qui ce soit d'autre- pouvait attendre un peu. Finalement, je me détachai d'Hyperion à regrets pour me tourner vers le Capitaine.
"Alors Don Juan tu as utilisé les pilules vertes ? Elles sont encore mieux que les bleues ! Je m'en sers tout le temps !"
Je haussai un sourcil indécis, avant de tourner la tête vers Hyperion et de préciser sans aucun à-propos :
"On ne s'était jamais embrassé quand tu as cette tête-là. J'aime beaucoup. C'est différent tout en étant pareil."
Je posai une main contre son torse pour le caresser, avant de trouver instinctivement le chemin de sa cravate et de l'enrouler distraitement autour de mes doigts. J'aperçus alors Eulalie à qui j'adressai un salut chaleureux. Elle avait une expression renfrognée qui m'inquiéta. Que lui était-il arrivé ? Elle demanda à rentrer à la maison.
"Oh oui ! Templeton ! C'est lui le patron, justement." précisa le Capitaine.
J'eus besoin de redoubler de concentration pour me focaliser sur le problème initial qui nous avait menés jusqu'à cette planète. Malgré tout, mon cerveau ne semblait pas en état de fonctionner. Un titan prenait toute la place dans ma tête et me la faisait tourner. Quel drôle de manège !
"Tiens, d'ailleurs je viens de recevoir un message de sa part." reprit le Capitaine tout en consultant son poignet. "Il vous prie de l'excuser mais il est dans l'incapacité de vous recevoir aujourd'hui au sujet de la Perle Noire. Il doit inaugurer le salon de l'érotisme selon Pensée Profonde."
Je restai silencieuse, attendant la suite. Comme le Capitaine se contenta de nous regarder avec un grand sourire () idiot, je finis par demander :
"Donc... cela signifie que nous pouvons passer la nuit ici et qu'il nous recevra demain ?"
Je jetai un bref coup d'oeil éloquent à Hyperion. L'idée de passer la nuit dans cette chambre ne me déplaisait pas, bien au contraire. Malgré tout, j'observai ensuite Eulalie d'un air soucieux.
"Chaude." commenta le Capitaine en haussant les sourcils dans ma direction. "Décidément, le champ de baffes ne vous aura fait aucun effet. Vous allez peut-être rester comme ça pour toujours. Le cocktail a sûrement révélé votre véritable nature. C'est pas la première fois que ça arriverait."
Il haussa les épaules alors que je fronçai les sourcils. Il prononça ensuite des paroles beaucoup moins agréables :
"J'ai des ordres, et ils ne vont pas vous plaire. Monsieur Templeton ne veut pas que vous restiez ici. Vous êtes tous trop instables sous l'emprise des cocktails. Il craint pour l'axe de Magrathea et sa force de gravité. Vous êtes en train de tout détraquer. Nous allons donc vous placer dans des capsules le temps que vous vous refroidissiez et vous retournerez tranquillement sur terre. Pour ton plus grand plaisir, ma jolie !" fit-il à l'adresse d'Eulalie. "On vous contactera dès qu'une place se libèrera sur son agenda !"
Avant même que nous puissions protester, nous étions téléportés ailleurs, à l'intérieur d'une capsule ovale flottant dans l'espace. Le moins que l'on puisse dire, c'est que c'était du rapide. Je fis quelques pas titubants vers le hublot, apercevant une autre capsule non loin, flottant elle aussi.
"Eulalie doit se trouver là-bas." estimai-je.
Je me tournai ensuite vers Hyperion, qui avait gardé la cravate inutile autour de son cou, étant toujours sans chemise (sans pantalon). Des objets étaient entreposés dans un coin de l'appareil. Je reconnus plusieurs mugs à notre effigie, ainsi que des serviettes et d'autres choses hétéroclites. Sans doute un package souvenirs.
"Nous sommes de retour vers la Terre."
J'approchai d'un pas vers lui.
"Nous avons plusieurs heures devant nous."
Encore un pas.
"Nous sommes seuls."
Ca ne me ressemblait pas de formuler des évidences. Je ne me reconnaissais plus.
"On pourrait... s'occuper." suggérai-je d'une toute petite voix en effleurant l'épaule nue du titan.
Je croisai son regard dans lequel je lisais tout et rien à la fois. Il devait ressembler à ma propre expression. Mon cerveau engourdi tentait de m'envoyer des impulsions afin que la raison reprenne le dessus sur mes sentiments, en vain. Je ne voulais pas écouter ma tête. Je désirais... entendre mon coeur, pour une fois. Et le sien. Battre à l'unisson.
Je me mis sur la pointe des pieds pour l'embrasser de nouveau avec douceur et passion. C'était nouveau. Libérateur. Cependant, je n'en étais pas rassasiée. Je voulais plus, tellement plus...
Eprouvait-il la même chose ? C'était étrange d'avoir de telles pensées.
) idiot, je finis par demander : 
