Gringoire était fier de son auteur, probablement plus qu'il ne l'était de sa propre plume. Et pourtant, il se considérait encore et toujours comme un artiste de talent dont personne ne comprenait le génie. Force était de constater qu'il admettait entièrement que son créateur l'était encore plus. Une chose était cependant certaine : il était clairement bercé d'admiration pour cet homme dont il avait brièvement rencontré la plume avant de devenir réalité. Anastasia pouvait le voir et le sentir dans les expressions de son visage, sa posture ainsi qu'à la manière dont il choisissait ses mots pour le décrire. Génial. Qui tient du génie.
Il s'était donc tout naturellement lancé dans le récit de leurs aventures et, bien qu'elle les avait vécues également, Anya ne l'avait pas interrompu. Même Abigaëlle avait semblé comprendre qu'il se disait quelque chose de grandiose, car elle s'était arrêtée de jouer (au grand damne de Pua) pour observer le barde de ses grands yeux clairs. Ensuite, quand il eut fini, la petite s'en retourna auprès de son ami rose et doux.
Et c'était tant mieux, songea sa mère, car la conversation avait pris une tournure plus osée qu'elle ne s'y attendait. Et pourtant, elle avait lu le roman plusieurs fois. Anastasia savait donc que Gringoire, comme beaucoup d'hommes, avaient avidement désiré Esméralda. Mais la rouquine n'aurait su dire si c'était pour cela qu'il tiquait à la question de Tara.
- Je ne l'ai pas retrouvée, non, répondit-il après un silence étonnamment long de sa part.
Le jeune homme haussa les épaules, nonchalant. Il ne regrettait pas Esméralda mais Anastasia le savait perturbé par une autre rencontre, aussi s'empressa-t-elle d'ajouter une précision :
- Par contre, il a rencontré Céleste, la Esméralda du monde des contes qui se trouve être une de mes connaissances. Parce que le monde est petit, surtout à Storybrooke, sourit-elle.
Ca, les deux femmes ne le savaient que trop bien et Gringoire l'avait appris à ses dépends.

Anastasia aurait cependant aimé s'en tenir là. Mais c'était sans compter sur les desseins machiavéliques que poursuivaient Tara dont elle avait compris - et parfaitement bien compris - le regard vengeur qu'elle avait coulé dans sa direction. Et dire que Gringoire ne se doutait même pas de ce qui se jouait sous son nez... Dommage, il en aurait sans doute tiré une comédie savoureuse.
Malheureusement, le génial Gringoire souffrait d'une personnalité distraite qui frappa à nouveau. Et tandis qu'il s'intéressait à Pua, ce fut au tour d'Anastasia de sourire à pleines dents d'un sourire qui en disait long. C'est fou ce qu'une expression faciale peut communiquer comme informations si on prend le temps de la déchiffrer...
Cette rencontre avait mis le poète en joie et déliait peu à peu sa langue. Il y avait donc des pirates en ville. Première nouvelle, nota Anastasia en arquant un sourcil. Son regard coulant en direction de Tara afin de la sonder : était-elle au courant ou non ? Une chose était sûre, elle ne paraissait pas étonnée, tandis qu'Anya s'étonnait encore de ses choses là. Quant à Gringoire... disons qu'il essayait de s'y faire avec toute la volonté dont il était capable.
Le poète cligna des yeux à la mention des pantins de bois, incrédule. Quant à Anya, spontanée qu'elle était, elle ne put s'empêcher de s'écrier :
- Tu connais vraiment un ancien pantin ?! Ou tu dis ça juste pour donner un exemple ? Parce que Pinocchio doit bien exister quelque part, non ?
- Je ne crois pas avoir le plaisir de connaitre ce Pinocchio, commenta Gringoire, incertain.
Il avait instinctivement tourné son regard vers Anastasia qui restait sa référence dans le monde moderne.
- On ira acheter le roman qui en parle, ça vous plaira peut-être, répondit-elle avec un sourire. C'est aussi une histoire rocambolesque, précisa la rouquine.
L'idée réjouit Gringoire, qui sourit à pleines dents. IL aimait sans doute la littérature plus que n'importe quoi d'autre, et probablement plus que les femmes en général et sa muse en particulier. A ses yeux, la poésie - et plus généralement la littérature - était une véritablement religion, une entité sacrée que rien ne saurait dépasser. Et certainement pas la télévision dont il ne voyait pas l'intérêt.
Son intérêt, à vrai dire, était actuellement centré sur Pua vers qui il approcha timidement sa grande main blanche. Anastasia l'encouragea d'un signe de tête approbateur.
- S'il ne mord pas les enfants, il ne mord pas les poètes, précisa-t-elle, catégorique.
Et voyant qu'Abigaëlle s'ennuyait depuis que son ami avait pris de la hauteur, sa maman la prit sur ses genoux, de sorte à ce qu'elle ne manque rien de l'action principale. Et la petite fille semblait ravie, quoique plus intéressée par le porte clés d'Anastasia.
Gringoire n'avait pas eu le temps de toucher le cochon que déjà il lui sautait dessus, visiblement ravi de faire une nouvelle rencontre. Le poète se trouva pris au dépourvu et ne put que le laisser faire, découvrant au passage la texture d'une langue porcine contre sa joue.
Il l'essuyait d'un revers de manche, amusé. Il avait déjà adopté Pua et la réciproque semblait valable également. Les bras ballants, il l'observait, en train de le fouiller méthodiquement, sans plus oser bouger.
- J'ai bien peur de ne pas avoir de quoi le sustenter, hélas ! s'écria Gringoire. Mais je tâcherai à l'avenir de me souvenir qu'il est glouton... D'ailleurs, savez-vous ce que mangent les porcs ? Il n'y en avait point à Paris et j'ai toujours pensé qu'ils vivaient à la ferme où il étaient élevés puis transformer en délicieux jambons...
Anya grimaça, sentant venir la gaffe. Elle allait peut-être devoir improviser une réplique de théâtre pour calmer le jeu. Une chose était certaine, Pua avait cessé de gigoter et observait le poète d'un air triste.
- Il ne parlait pas de toi, souffla la rouquine en se penchant vers l'animal en essayant d'oublier la truculence de la situation. Dis donc, il comprend des tas de choses ce petit cochon ! Il n'est quand même pas magique ou... quelque chose comme ça ? A vrai dire je ne sais pas si ça existe les cochons magiques mais si les pantins peuvent prendre vie...