« Pour réaliser une chose extraordinaire, commencez par la rêver. Ensuite, réveillez-vous calmement et allez jusqu'au bout de votre rêve sans jamais vous laisser décourager. » (Walt Disney)
Je me sentais étrangement... déconnectée de tout. Je ne savais pas si je m'amusais réellement ou si je faisais semblant. Après tout, jouer est la définition même de "faire semblant". Je tentais de mettre mes réflexions de côté et je devais avouer que la neige qui me percutait m'aidait énormément à refroidir mes idées. Quoi qu'il en soit, je lançai un regard noir aux deux imbéciles qui me bombardaient. Ils riaient de moi et je n'appréciais pas particulièrement ce genre de comportement. Neil et Anatole méritaient une leçon.
Je confectionnai une nouvelle boule et remarquai subitement que Neil s'était volatilisée. Elle n'avait pas le courage de m'affronter. Ou alors... elle préférait qu'Anatole subisse ma vengeance seul. Ce n'était pas très fair-play de sa part. D'un autre côté, elle savait pertinemment que mon degré de rancune avoisinait le zéro. Pour que j'en veuille à quelqu'un, il fallait vraiment avoir fait quelque chose de mal. Ce qui n'était pas le cas à l'heure actuelle, mais j'aimais bien sentir la crainte dans la voix d'Anatole. Je m'étais penchée pour grossir la boule de neige en la faisant rouler sur elle-même. Le jeune homme était plaqué contre un arbre, à ma merci.
Posément, je terminai de rouler la boule et plaçai mes mains de part et d'autre pour la soulever. Elle était aussi grosse qu'un bulldog et encore plus lourde. Avec un regard malicieux, je la portai au-dessus de ma tête afin de la lancer sur lui mais... une donnée imprévue entrava mes calculs. Avant même que je ne comprenne, mon cerveau fut totalement gelé. La neige traversa mon bonnet et un poids terrible s'abattit sur mon crâne et mes épaules.
"T... taf..." crachotai-je.
Le souffle coupé, je restai figée, avec le poids de la poudreuse sur moi. J'avais l'impression que mon corps entier devenait glacé.
"Ta... faute !" accusai-je Anatole qui s'était décollé de l'arbre et qui me fixait d'un air ahuri.
S'il esquissait le moindre sourire, je le changeais en cendres. Je restai encore quelques secondes pétrifiée et ne supportant plus le froid, je disparus pour réapparaître devant l'âtre de la cheminée, dans le salon de la demeure. Un feu ronflait tranquillement, dispensant une chaleur des plus agréables. En un battement de cils, je me défis de mes affaires trempées, les remplaçant par un pull rouge et un pantalon. Après quoi, je m'assis devant les flammes, sur le tapis et m'enveloppai dans une couverture polaire. J'étais bien ici, à l'abri de la neige, adossée contre le canapé. Je m'ébrouai un peu, chassant un dernier frisson, vestige de cette épopée glacée, et renversai ma tête en arrière.
J'entendis alors quelqu'un taper des pieds dans le couloir de l'entrée. Un courant d'air traversa le salon. Pas besoin de me retourner pour savoir qui venait d'entrer.
"Je n'aime pas la neige." déclarai-je avec une moue.
Cette expérience m'avait plu mais était bien trop violente pour moi. J'appréciais les choses beaucoup plus posées. Hélas, dans cette brusque accalmie, je craignais de laisser les vieux démons entrer par le biais des flammes. J'eus l'impression de voir le sourire de Lily dans un craquement de braises. Je secouai la tête et passai une main contre mes joues froides. "Viens t'asseoir à côté de moi." proposai-je en tapotant le tapis du plat de ma main.
C'était peut-être insensé, mais j'avais l'impression qu'en sa présence, les démons se sentaient menacés. Les vieux souvenirs prenaient moins de place dans mon esprit. "Il m'a proposé un marché et je l'ai accepté."murmurai-je en fixant les flammes.
J'ignorais s'il avait entendu, ou s'il avait compris à qui je faisais allusion, mais j'avais besoin de le dire à quelqu'un. Cette pensée me dévorait de l'intérieur. Je ne regrettais rien car je l'avais fait pour la femme que j'aimais, mais je... savais que c'était avoir mal agi. Rien ne me faisait plus mal. Imaginer les conséquences. Ne pas savoir. Envisager le pire tout en souhaitant le meilleur. Une de mes mains se cramponna à la couverture alors que l'autre s'enfonçait dans les reliefs moelleux du tapis. Mes yeux étaient fixés dans l'enfer de la cheminée.
crackle bones
Anatole Cassini
« Maîïîtreuuuh !!! »
| Avatar : ➹ Bill Nighy & John Krasinski
« Il existe 175.000
espèces de papillons... »
« Le papillon ne compte pas
les mois, mais les moments.
Ce qui lui confère suffisamment
de Temps pour vivre, ressentir, aimer. »
| Conte : ➹ Intrigue Divine | Dans le monde des contes, je suis : : ✲ Le Titan Hyperion, un papillon étoilé.
Je comprenais un peu mieux comment notre âme pouvait si facilement s'attacher à une autre, même quand cette dernière détournait le regard au moindre signe d'affection. Ellie était assise sur le tapis, une couverture polaire autour d'elle. Elle était adossée contre le canapé tandis qu'une douce chaleur émanait de la cheminée. Elle me réchauffait à mon tour.
J'avais entrepris de retirer mes habits mouillés pour ne garder que mon vieux tshirt et mon pantalon. J'étais pieds nus et j'avais fait les pas qui me séparaient de la jeune femme pour me glisser avec elle sous le plaid, bien au chaud.
C'était la première fois qu'elle me proposait de venir m'asseoir à côté d'elle. Fou j'aurai été de refuser cette invitation. J'avais passé mes bras tout entier sous le plaid, me réchauffant petit à petit. Quelque chose me donnait envie de sortir l'une de mes mains de sous la couette, pour la poser le dos de la jeune femme, avant de rejoindre son épaule et de l'amener tout contre moi. Mais une fois encore, cette âme m'aurait repoussée. Et cet instant qu'on partageait, même si elle restait détachée de moi était amplement suffisant, pour le moment.
"Il m'a proposé un marché et je l'ai accepté." avait-elle murmurée tout en fixant les flammes.
J'avais passé ma langue sur mes lèvres, prenant le temps de bien réfléchir à ce qu'elle me disait, avant d'ouvrir la bouche pour parler. Elle faisait sans doute allusion à quelque chose qu'on avait vécu précédemment. Son murmure était lointain, bien trop profondément ancré en elle pour désigner quelque chose de récent. Me remémorant ce qu'on avait vécu ensemble, vue qu'elle partageait cette pensée avec moi, je m'étais forcément focalisé sur cette chose, cette créature, cet homme, le Dragon.
Il avait dû se montrer grandement convaincant pour qu'elle en était venue à accepter un marché avec lui. Je me demandais quel prix elle avait dû payer pour obtenir ce qu'elle voulait. Et surtout, qu'est ce qu'elle voulait ? Elle ne désirait jamais rien pour elle même. A dire vrai les seules choses qui l'importaient été pour ceux qu'elle aimait, une personne en particulier.
J'avais sentis la couverture bouger et en baissant ma tête, j'avais vue sa main agripper cette dernière. Elle devait souffrir d'avoir dit à voix haute ce qu'elle pensait, ce qu'elle avait partagée avec lui. Ca n'aurait pas été judicieux de lui demander de quoi il était question. Elle allait sans doute faire travailler ses méninges, réfléchir à tout ce qui la préoccupait en ce moment même et elle allait raviver de mauvais souvenirs. Le Dragon et son pacte avec lui. Lily et sa promesse qu'elle n'a pas tenue. Moi... juste moi, toujours là, toujours dans ses pattes.
"Que dis-tu ?" demandais-je à la jeune femme avant de tourner ma tête vers elle. Elle n'avait pas parlée, je le savais. Mais je voulais la sortir de ses pensées.
"Tu as passée un marché avec lui ?"
J'avais pris un air des plus surpris avant de me tourner un peu plus dans sa direction, mon regard perdu dans le siens.
"C'est inutile. Tu le sais ?" avais-je dit clairement en retirant la couverture qui me couvrait.
"Un être comme lui prend sans demander. On ne se bat pas face à lui dans l'espoir du succès ! Non ! Non, on se bat uniquement parce que c'est inutile."
Je m'étais relevé, m'éloignant de la couverture pour en faire le tour et me retrouver nez à nez entre la cheminée et la jeune femme. Elle m'avait de face, elle ne pouvait pas me louper.
"C'est inutile parce qu'on ne peut pas gagner à ce jeu. Pour gagner, il faut que la cause soit juste, bonne, qu'on ait véritablement la sensation d’œuvrer pour le bien. Qu'elle que soit la sienne, elle n'est pas bonne. Baiser les bras face à lui quand il est question d'un chantage, d'un marché, ce n'est pas se montrer faible. C'est simplement lui montrer qu'il est inutile d'agir de la sorte. Que lui même devient quelqu'un d'inutile, sans intérêt."
J'avais fait quelques pas vers elle, marchant sur la couverture et je m'étais accroupis face à elle. Il fallait que je me souvienne mot à mot de ce que j'avais lu par le passé, pour elle et que je m'apprêtais à lui dire aujourd'hui.
"Je me bat moi aussi sans espoir du succès. Je me bat pour un baiser. Mais à tout prendre, qu'est ce ? Un serment fait d'un peu plus près ? Une promesse ? Plus précise, un aveu qui veut se confirmer. Un point rose qu'on met sur l'i du verbe aimer. C'est un secret qui prend la bouche pour oreille. Un instant d'infini qui fait un bruit d'abeille. Une communion ayant un goût de fleur. Une façon d'un peu se respirer le coeur. Et d'un peu se goûter, au bord des lèvres, l'âme !"
Je m'étais stoppé à la fin de la citation de Cyrano. Je savais qu'elle aimait beaucoup cette lecture et je m'étais forcé à la lire du début à la fin, plusieurs fois pendant sa convalescence dans sa chambre, au cas où un jour je pourrai mieux cerner le sens des mots qui la faisaient frémir, des paroles qui la faisaient rêver et de peut-être pouvoir à mon tour lui procurer tout cela, sans pour autant avoir besoin d'un grand nez.
"Mon combat est bon, sans danger, sans précipitation. Je me bat pour quelque chose en quoi je crois. Le futur n'est pas écrit à l'avance et même si aujourd'hui mon combat est inutile, je sais qu'un jour, lui perdra, mais pas moi."
Je m'étais encore un peu avancé, basculant légèrement et posant mes mains sur ses genoux recroquevillés. Avant de faire quelques pas en canard, toujours accroupis et d'amener mes deux mains contre ses deux tempes.
"Laisse ces pensées quitter ton esprit. Le temps viendra où tu auras tout le loisir de repenser à cela et où tu devras affronter ton choix. Mais pour le moment tu te bats pour une cause inutile. Tu es quelqu'un de bien Ellie. Quelqu'un d'indispensable à la vie de beaucoup d'autres. Quel que soit ce marché, il ne te fera pas défaut. Tu trouveras la force, le courage et d'autres t'aideront à y faire face le moment venu. Tu ne seras jamais seule."
Je lui avais adressé un petit sourire avant de me reculer et de me lever. Ca faisait mal d'être accroupis aussi longtemps. J'avais passé une main dans mon dos, avant de regarder vers la sortie du salon. Elle avait sans doute envie de rester un peu seule. C'était pour une fois à moi de m'éclipser, mais de la plus ordinaire des manières. Ca ne pouvait pas être aussi spectaculaire que quand c'était elle.
"Je serai juste à côté, comme je l'ai toujours été." lui avais-je dit d'une voix confiante, avant de disparaître derrière l’embrasure de la porte.