La mâchoire d'Anastasia lui en serait presque tombée sur le sol tant elle était surprise de voir que, si, justement Ava s'y connaissait en plantes. Mieux : elle savait où lui en fournir et proposait même de le faire. C'était... gentil. Et surprenant, même si, effectivement, elle avait un peu des allures de chamane. Peut-être en avait-elle été une dans sa vie d'avant ? Anya aurait trouvé grossier de demander, comme ça, de but en blanc, même s'il devenait certain que cette jeune femme avait grandi dans une culture très éloignée de la sienne et sans doute plus à l'écoute de la nature que la cour de Russie puis l'orphelinat n'avaient pu l'être.
- Ce serait gentil, se contenta t-elle de commenter en opinant du chef, retenant un commentaire stupide comme quoi ces histoires d'herbes pourraient presque passer pour du deal.
Parfois, il fallait la fermer et Anya le savait, au fond d'elle. Restait à appliquer la méthode, ce qui parfois été délicat. Peut-être que quand le bébé serait là elle réfléchirait à deux fois avant de jurer comme un charretier. Peut-être, songea t-elle en caressant son ventre.
Polie qu'elle était, Ava déclina jovialement la proposition qu'Anya règle sa note. Pour autant, la rouquine y tenait, ne voyant que ça qu'elle pouvait faire pour remercier cette jeune femme d'avoir pris autant de temps pour l'écouter.
- Moi c'est Anastasia, répliqua t-elle en tendant machinalement sa main droite. Mais tout le monde m'appelle Anya, précisa t-elle presque aussi rapidement pour inciter Ava à faire de même.
C'est long à dire, mine de rien, Anastasia. Et puis la rouquine avait passé la plupart de sa vie à se faire appeler Anya si bien qu'elle y était habituée. Curieusement, d'ailleurs, elle aimait ce prénom qu'elle avait porté à tort pendant dix ans. Il lui rappelait qu'elle n'était pas une princesse comme les autres mais aussi qu'elle avait su choisir sa voie par elle-même, envers et contre tout. Et tous, à commencer par la terrible Tuberkulov de l'orphelinat.
- C'est joli, Ava, commenta t-elle pensivement, très sensible aux prénoms qu'elle entendait depuis quelques temps.
Le bébé qu'elle portait n'avait pas encore de prénom fixé. Dimitri n'était de toute évidence pas prêt à aborder la question et Anya ne voulait pas le brusquer. Mais cela ne l'empêchait pas de réfléchir, parfois malgré elle, à des idées de prénoms. Et Ava était décidément très joli et doux.
Ava, justement, venait de lui tendre ses coordonnées qu'Anya s'empressa de ranger dans son portefeuille.
- J'appellerai, promit résolument la jeune femme. Ou disons que j'enverrai un SMS. Au moins pour la verveine. Et peut-être... juste pour parler, ajouta t-elle un peu plus bas en sortant de quoi régler les commandes.
Cinq minutes plus tard, les chemins des deux jeunes femmes se séparaient. Anya rentrait doucement chez elle en songeant à cette drôle d'après-midi. D'abord, elle s'était perdue en chirurgie alors qu'elle cherchait le cours d'accouchement. Puis elle avait rencontré Ava qui l'y avait emmené et avec qui elle avait le sentiment de commencer à bien s'entendre - ce qui, entre autres l'avait persuadée de se confier autant - et finalement les deux femmes avaient bu un verre pour parler des cauchemars les plus intimes de la rouquine. C'était un peu étrange comme première rencontre. Pourtant, Anastasia se sentait légèrement mieux, comme un peu libérée (délivrée) de ses terreurs, comme un peu plus confiante et forte. Et si en plus la verveine pouvait aider, cette chamane allait décidément achever de lui plaire !

Fin